UNIVERSITE DE BOURGOGNE - UFR DE SCIENCES HUMAINES
Département de Psychologie
Laboratoire d'Etude des Apprentissages et du
Développement
CNRS - UMR 5022
Apprentissage implicite de régularités
:
Mise en évidence d'une différence
d'apprentissage entre tâches motrices continues et
discrètes
Thèse de Doctorat
De l'Université de Bourgogne
Mention Psychologie
Présentée par Stéphanie CHAMBARON -
GINHAC
Sous la direction de Pierre PERRUCHET
Membres du Jury :
Axel CLEEREMANS,
|
Maître de Recherches FNRS, Université Libre
de Bruxelles,
|
Rapporteur
|
Pierre PERRUCHET,
|
Directeur de Recherches CNRS, Université de
Bourgogne, Dijon,
|
Directeur de thèse
|
Bernard THON,
|
Professeur des Universités, Université
Paul Sabatier, Toulouse,
|
Rapporteur
|
Annie VINTER,
|
Professeur des Universités, Université de
Bourgogne, Dijon,
|
Président
|
09 Décembre 2005
à Jules
Remerciements
La thèse constitue une expérience intense,
passionnante et marquante. Je tiens à remercier en tout premier
lieu mon directeur de thèse Pierre PERRUCHET
grâce à qui cette
« grande aventure » a été des
plus agréables à vivre. Il a su me laisser libre de
mes orientations tout en étant présent chaque fois que j'en ai eu
besoin, que ce soit pour me fournir une idée importante au moment
où j'en manquais ou bien pour me rassurer lorsque je doutais.
Il a su aussi me convaincre de faire certains choix
qui ne me plaisaient pas a priori ou d'abandonner certaines formulations
auxquelles je tenais dans nos articles. Il y est parvenu même si je suis
un peu (beaucoup) têtue et je l'en remercie car, aujourd'hui, je le sais,
il avait raison ! Enfin sa grandeur scientifique et sa gentillesse ont
été pour moi de véritables atouts. Merci pour toute cette
énergie, ces idées, ces intuitions. Je souhaite à tous les
thésards d'avoir
le même encadrement et la même interaction que ceux
dont j'ai bénéficié et qui ont rendu ces trois
années de travail formidables à vivre.
Je tiens à remercier Axel CLEEREMANS
de l'Université Libre de Bruxelles et Bernard THON
de l'Université Paul Sabatier de Toulouse pour
l'intérêt qu'ils ont porté à ce travail en acceptant
d'en être rapporteurs.
Je remercie également Annie VINTER
qui, au-delà de la participation à ce jury de
thèse, a toujours été disponible pour me donner des
conseils pertinents chaque fois que j'en eu besoin.
Cette thèse a été
réalisée au sein du Laboratoire d'Etude de l'Apprentissage
et du Développement (LEAD) UMR 5022 CNRS de Dijon. Je
tiens à remercier son directeur, le Professeur Emmanuel BIGAND
de m'avoir accueillie pendant ces trois années de thèse
et pendant cette année d'ATER.
ii Remerciements
Mes plus grands remerciements vont bien évidemment
à Dominique, mon mari. Ta
tendresse m'a toujours portée et ta finesse
intellectuelle m'a fourni un cadre de vie extrêmement stimulant.
J'ai même envie de dire que tu as « co encadré » cette
thèse tellement
tu m'as entourée. Tu m'as soutenue pendant mes
périodes de doutes, et tu m'as prodigué des encouragements
répétés. Pour tout cela et pour ces années
passionnantes, du fond du coeur : MERCI !
Après avoir remercié son papa, je tiens bien
évidemment à remercier notre fils, Jules.
Ce petit bébé formidable a vu le jour le jour au
début de ma deuxième année de thèse. Sa joie
de vivre a été un véritable stimulant au
quotidien. C'est vrai que ça n'a pas toujours été
facile
de jongler entre les couches et les biberons d'un
côté et la préparation des cours et la rédaction
d'articles de l'autre, mais au final, avec de l'organisation, tout se fait !
Jules, ta tendresse et
ton innocence m'ont permis de travailler avec plus de courage et
de persévérance. Merci mon p'tit bonhomme !
La réalisation de cette thèse n'aurait pas
été possible sans le soutien moral et affectif de mes
parents Je les remercie de m'avoir donné un environnement
(familial et matériel) idéal dans mon enfance et de m'avoir
enseigné les valeurs essentielles (humilité,
honnêteté et passion) avec lesquelles j'ai toujours
essayé d'aborder mon travail scientifique. Merci Maman
et Papa d'avoir su (parfois péniblement) me
comprendre dans les moments les plus difficiles et de m'avoir toujours fait
confiance. Sachez que je vous suis et que je vous serai toujours très
reconnaissante.
Merci à mes indispensables ami(e)s qui
ont su être là aux bons moments en me prêtant une oreille
toujours attentive, en étant patients même si parfois mes
préoccupations étaient à des années lumière
des leurs, en supportant mes baisses de régime et m'encourageant
toujours. Votre amitié m'est très précieuse et je tiens
à vous dire par ces quelques lignes mon sincère et profond
attachement. Merci : Marion (toujours en première ligne
dans les bons comme les mauvais moments !), Steph,
Alex, Myriam, Lydia,
Jérôme et Virginie,
Youyou, Marie
Claude (alias GTB) et bien sûr
Lulu et Colette
Merci à Arnaud avec qui j'ai
partagé mon bureau pendant une année. Tu as su être
là pour répondre à mes questions scientifiques mais
également quand mon moral n'allait pas trop... Ta gentillesse est
vraiment à la hauteur de tes qualités scientifiques !
Remerciements iii
Merci également à Sandrine notre
secrétaire, qui a énormément de travail au sein du
laboratoire mais qui a toujours du temps à
m'accorder pour résoudre mes « soucis »
administratifs.
Merci également à Monsieur Guyot
pour sa bonne humeur quotidienne. Je garde dans
un coin ma tête quelques citations : « petit
lundi mais grande semaine », « un bureau bien rangé est
signe d'un esprit dérangé ! ».
Je ne peux pas terminer ces remerciements sans penser à
ceux qui sont partis trop tôt et
qui je le sais, auraient été fiers de moi ... Vous
aviez commencé le début de l'aventure avec moi et aujourd'hui, je
ne vous oublie pas...
TABLE DES MATIERES
Introduction
générale...............................................................................................................
1
Première partie : Revue de littérature
...................................................................................
5
Chapitre 1 L'apprentissage implicite
.....................................................................................
7
1.1 Le phénomène d'apprentissage implicite : une
origine hétérogène ........................... 7
1.2 Des définitions et des points de vue divergents
....................................................... 11
1.3 Vers un consensus relatif concernant les situations
traditionnelles d'apprentissage
implicite................................................................................................................................
14
Chapitre 2 Apprentissage implicite de séquences
motrices................................................ 19
2.1 Contrôle moteur et apprentissage : théories
cognitives vs théories dynamiques ..... 19
2.1.1 Selon l'approche cognitive
...............................................................................
20
2.1.2 Selon l'approche dynamique
............................................................................
24
2.1.3 Sur le plan
expérimental...................................................................................
26
2.2 L'apprentissage moteur implicite : brève revue de
littérature.................................. 28
2.3 Des résultats difficilement compatibles avec
ceux obtenus en apprentissage
implicite................................................................................................................................
31
Deuxième partie : Réanalyse de la
littérature sur l'apprentissage moteur implicite et
réinterprétation expérimentale
.............................................................................................
35
Chapitre 3 Commentaires sur les travaux de Shea et al.
(2001) ........................................ 37
3.1 Qu'est ce qui est vraiment appris de manière incidente
? ........................................ 38
3.2 Des tests post expérimentaux qui ne sont pas
appropriés ........................................ 39
vi Table des matières
Chapitre 4 Apprentissage d'un segment
répété dans une tâche de poursuite continue ..
43
4.1 Expérience 1
.............................................................................................................
44
4.1.1
Méthode............................................................................................................
45
4.1.2 Résultats
...........................................................................................................
51
4.2 Expérience 2
.............................................................................................................
54
4.2.1
Méthode............................................................................................................
55
4.2.2 Résultats
...........................................................................................................
55
4.3 Expérience 3
.............................................................................................................
58
4.3.1
Méthode............................................................................................................
58
4.3.2 Résultats
...........................................................................................................
59
4.4 Discussion sur les expériences 1, 2 et 3
................................................................... 61
4.5 Expérience 4
.............................................................................................................
64
4.5.1
Méthode............................................................................................................
64
4.5.2 Résultats
...........................................................................................................
65
4.6 Discussion sur l'expérience
4...................................................................................
71
4.7 Conclusion sur la deuxième partie
...........................................................................
73
Troisième partie : Différence
d'apprentissage entre tâche continue versus discrète
....... 75
Chapitre 5 Variations autour d'une tâche de TRS
............................................................. 77
5.1 Présentation des expériences
....................................................................................
77
5.2 Expérience 5
.............................................................................................................
80
5.2.1
Méthode............................................................................................................
80
5.2.2 Résultats
...........................................................................................................
81
5.3 Expérience 6
.............................................................................................................
83
5.3.1
Méthode............................................................................................................
84
5.3.2 Résultats
...........................................................................................................
86
5.4 Expérience 7
.............................................................................................................
88
5.4.1
Méthode............................................................................................................
88
5.4.2 Résultats
...........................................................................................................
89
5.5 Discussion sur les expériences 5, 6 et 7
................................................................... 90
5.6 Expérience 8
.............................................................................................................
92
Table des matières vii
5.6.1
Méthode............................................................................................................
93
5.6.2 Résultats
...........................................................................................................
94
5.7 Expérience 9
.............................................................................................................
95
5.7.1
Méthode............................................................................................................
96
5.7.2 Résultats
...........................................................................................................
97
5.8 Expérience 10
...........................................................................................................
99
5.8.1
Méthode..........................................................................................................
101
5.8.2 Résultats
.........................................................................................................
104
5.9 Discussion sur les expériences 8, 9 et 10
............................................................... 116
5.10 Conclusion sur la troisième partie
..........................................................................
118
Quatrième partie : Discussion
générale
.............................................................................
119
1. Vers une remise en cause des travaux antérieurs
portant sur l'apprentissage moteur
implicite..........................................................................................................................
120
2. Variations autour d'une tâche de TRS et persistance de
l'apprentissage implicite ... 123
Bibliographie.........................................................................................................................
129
Introduction générale
Peut on apprendre inconsciemment ? Notre vie quotidienne
comporte bon nombre d'exemples de situations dans lesquelles le
comportement des sujets est influencé par des connaissances
auxquelles ils ne peuvent pas accéder consciemment et pour
lesquelles ils
« savent plus de choses que ce qu'ils peuvent en dire
». C'est le cas pour l'acquisition de la langue maternelle, pour
l'adaptation aux lois physiques, pour la sensibilité aux
règles musicales ou bien pour l'apprentissage
d'habiletés en général. Beaucoup
d'habiletés séquentielles semblent être acquises sans
encoder des règles verbalisables, ni même sans
développer de connaissances conscientes sur l'information
présente dans l'environnement. Ce type d'apprentissage est
qualifié d'implicite. Selon Perruchet & Gallego (1997),
l'apprentissage implicite désigne un mode d'adaptation par lequel
le comportement d'un individu apparaît sensible à la
structure d'une situation, sans que cette adaptation ne soit imputable
à l'exploitation intentionnelle de la connaissance explicite de cette
structure. Il ne s'agit pas d'affirmer que toute connaissance explicite
est absente, mais seulement de
2 Introduction générale
souligner le fait que l'adaptation comportementale ne
repose pas sur l'exploitation
intentionnelle de cette connaissance. Cette
définition renvoie à un phénomène dont nous
avons tous l'expérience, celle qui consiste à s'adapter à
une situation complexe sans que l'on parvienne à comprendre les racines
et les raisons de cette adaptation (Perruchet & Nicolas,
1998).
Le cadre général des travaux de recherche
présentés dans cette thèse se situe au confluent de
deux domaines de recherche. Le premier est celui de l'apprentissage implicite,
centré sur des connaissances ou des savoir-faire dont il est difficile
de faire état au travers du langage, et dont l'acquisition
s'opère dans des conditions relativement indépendantes des
intentions de l'apprenant. Le second domaine est celui du
contrôle et de l'apprentissage moteur, dont l'objet d'étude
se définit par le fait que le comportement implique des
coordinations sensori-motrices relativement subtiles. Par suite de
contingences historiques,
ces deux domaines sont restés longtemps
séparés, alors même que leur intersection définit un
champ d'étude de première importance : celui des
apprentissages moteurs implicites. En explorant la littérature, il
ressort que les recherches relatives à chacun de ces deux domaines sont
particulièrement abondantes, alors que celles ayant trait au
domaine particulier de l'apprentissage moteur implicite demeurent beaucoup
plus restreintes (Pew, 1974, Magill & Hall, 1989; Wulf & Schmidt, 1997
; Shea, Wulf, Whitacre & Park, 2001).
L'objectif principal des travaux de recherche
présentés dans ce mémoire de thèse est
d'apporter des éléments de réponse à la
question suivante : quels sont les conditions et les
éléments nécessaires à l'existence d'un
apprentissage implicite de séquences motrices ? Cette interrogation
intéresse aussi bien les psychologues travaillant dans le
domaine sportif (et étudiant les phénomènes
d'apprentissage moteur) que ceux travaillant dans le domaine cognitif
(et étudiant les phénomènes d'apprentissage
implicite). C'est pourquoi, le présent travail vise à
étudier les apprentissages moteurs implicites, en tirant parti des
connaissances et des outils méthodologiques
développés dans chacun des deux champs de
recherches concernés. La situation expérimentale qui sert de
support aux travaux réalisés dans cette thèse
est une situation dans laquelle un sujet doit pister,
à l'aide d'un périphérique quelconque (souris,
joystick, stabilomètre,...), une cible qui se déplace sur
un écran d'ordinateur de manière continue. Bien que le
déplacement de la cible apparaisse aléatoire, une part de
celui-
ci est en fait déterminée par une fonction complexe
constituant une séquence de mouvements
Introduction générale 3
répétés, dont le sujet ignore l'existence.
Dans ces conditions, une partie de l'amélioration des
performances du sujet avec la pratique de la tâche est due
à l'exploitation de régularités dont
le sujet n'est pas informé. La question
spécifique qui est au centre de ce travail est la suivante :
les individus sont ils capables d'apprendre inconsciemment des
régularités présentes dans un mouvement continu ?
La contribution expérimentale de ce travail va
porter sur la réalisation de tâches motrices continues et
discrètes. Schmidt (1988) a proposé un système de
classification des habiletés reposant sur des critères de
continuité, opposant un comportement moteur au déroulement
continu, à une action brève et bien définie. A une
extrémité de ce continuum, se trouvent les habiletés
discrètes qui sont souvent des mouvements de courte
durée, avec généralement, un début et une fin
bien identifiable (par exemple, lancer une fléchette). A l'autre
extrémité de la dimension, se trouvent les habiletés
continues qui n'ont ni début ni fin particuliers, le comportement
se prolongeant sur plusieurs minutes (par exemple, courir). Les données
obtenues lors de nos différentes expériences
révèlent qu'il est très difficile, voire impossible,
de mettre en évidence l'existence d'un apprentissage implicite de
régularités dans une tâche continue. A contrario, un
tel apprentissage s'obtient aisément dans une tâche
discrète, même lorsque celle-ci subit différentes
modifications.
Dans la première partie de ce travail (chapitres
1et 2), il s'agit de passer en revue la littérature sur
l'apprentissage implicite et celle sur l'apprentissage moteur implicite
afin de voir si les résultats obtenus dans les situations
conventionnelles d'apprentissage implicite peuvent se
généraliser aux situations d'apprentissage implicite de
séquences motrices. La seconde partie (chapitres 3 et 4)
présente d'abord une réanalyse de la littérature
sur l'apprentissage moteur implicite puis quatre expériences
aboutissant à une réinterprétation expérimentale
des travaux disponibles sur l'apprentissage implicite de tâches
motrices continues. Dans la troisième partie, il s'agit
d'examiner la différence d'apprentissage qui existe entre les
tâches continues versus discrètes, au travers de six
expériences. Enfin, une discussion générale clôt
cette thèse en revenant sur les résultats recueillis et en
envisageant
des perspectives de recherche futures.
Première partie : Revue de littérature
Chapitre 1
L'apprentissage implicite
L'apprentissage implicite, en général
expliqué comme l'habileté à apprendre sans
conscience, a fait l'objet de nombreuses investigations depuis une trentaine
d'années.
Dans ce premier chapitre, nous allons tout d'abord
définir l'origine de ce phénomène en présentant
les principaux paradigmes d'étude. Ensuite, nous
présenterons les différentes approches de l'apprentissage
implicite en soulignant la divergence des définitions et des
points de vue proposés. Les opinions ne s'accordent pas
toujours sur la manière dont les connaissances peuvent être
apprises et influencer le traitement à l'insu des sujets dans
les différentes situations expérimentales qui ont
été étudiées. Pour finir, nous montrerons que la
littérature sur le domaine, bien
qu'hétérogène, laisse quand même émerger
un consensus relatif concernant les résultats obtenus avec les
différentes méthodes d'étude, à savoir, la
formation de « chunks » et la forte corrélation qui existe
entre performance et connaissance explicite de la situation.
1.1 Le phénomène d'apprentissage implicite :
une origine hétérogène
Le domaine de l'apprentissage implicite représente
aujourd'hui un corps de recherches important et unifié. Des ouvrages
entiers sont dédiés à cette thématique
(e.g. Cleeremans,
1993a ; Berry & Dienes, 1993 ; Berry, 1997 ; Stadler &
Frensch, 1998). Cependant, il ne faut
8 Chapitre 1 : L'apprentissage implicite
pas oublier pour autant l'origine quelque peu
hétérogène et morcelée de ce domaine de
recherche. En effet, les travaux relatifs à
l'apprentissage implicite dérivent en fait de trois domaines de
recherche distincts.
Reber, en 1967, est le premier auteur à avoir
utilisé le terme d' « apprentissage implicite » pour
décrire des processus d'acquisition qui, selon lui, se produisent de
manière passive et automatique. Ses travaux sont en prise
directe avec ceux des linguistes et psycholinguistes Miller et Chomsky,
portant sur les grammaires à états finis. Dans une tâche
standard de grammaire artificielle (AGA), les sujets doivent tout d'abord
mémoriser une série
de chaînes de quelques consonnes. Chaque chaîne
est engendrée à partir d'une grammaire
miniature qui définit l'ordre possible des lettres
(cf. Figure 1.1).
Séquences grammaticales
TPTS TPPTXXVS VXVPS
Séquences non grammaticales
XPTS TPTPS
Figure 1.1: La figure représente un exemple de
grammaire artificielle (adaptée de Reber, 1967).
Chaque passage d'un noeud de la grammaire à l'autre,
depuis l'entrée jusqu'à la sortie, produit la lettre
associée à l'arc reliant les deux noeuds. Cette procédure
permet de générer une série de séquences
grammaticales. Les séquences non grammaticales ne respectent pas les
transitions de
la grammaire.
A l'issue de cette phase d'étude, les sujets sont
informés que les chaînes étudiées jusque
là étaient engendrées par une
grammaire, et que maintenant, ils vont devoir essayer de dissocier,
parmi un ensemble de nouvelles chaînes, celles qui respectent et celles
qui violent
les règles de cette grammaire. Les résultats
principaux, répliqués à de nombreuses reprises, montrent
que la performance dans cette tâche de classification est
supérieure au niveau du hasard bien que les sujets soient
incapables de justifier leurs décisions et/ou de décrire
précisément les règles de la grammaire (Reber, 1976 ;
Reber & Lewis, 1977 ; Reber & Allen,
Le phénomène d'apprentissage implicite : une
origine hétérogène 9
1978). Sur la base de cette dissociation observée entre
performance et rapports verbaux, Reber
a défendu l'idée que l'apprentissage de grammaires
artificielles est implicite.
La seconde source de littérature concernant
l'apprentissage implicite se rencontre à la
fin des années soixante dix avec les travaux de
Broadbent (1977), plutôt orientés vers des applications
ergonomiques. Dans son paradigme appelé « tâche de
contrôle de systèmes dynamiques » (CSD), les sujets
apprennent à contrôler un environnement simulé
par ordinateur (e.g. une usine de production de sucre, Berry & Broadbent
(1984); un service de transports urbains, Broadbent, Fitzgerald & Broadbent
(1986). La tâche consiste en général à interagir
avec l'environnement en manipulant certaines variables en entrée (par
exemple, le nombre d'ouvriers de l'usine de sucre) afin de maintenir le niveau
de sortie du système à un niveau constant (par exemple, la
quantité de sucre produit). Le comportement du système
obéit à une équation inconnue des sujets qui permet de
calculer à chaque interaction le niveau
de sortie en fonction des valeurs données en
entrée. En général, ces études montrent que la
capacité des sujets à contrôler le système augmente
avec la pratique de la tâche bien qu'ils ne puissent pas
répondre précisément aux questionnaires
post-expérimentaux utilisés pour déterminer leurs
connaissances explicites. Dans l'ensemble, les résultats obtenus
à l'aide de
ce paradigme suggèrent que, dans certains cas, la
performance dépend de connaissances acquises implicitement.
Enfin, la troisième source d'inspiration
concernant les travaux sur l'apprentissage implicite se situe au confluent
des recherches sur le rôle de l'attention dans la mémoire et de
l'acquisition d'habiletés sensori-motrices. Cette fois, il s'agit
d'utiliser une tâche d'apprentissage de séquences. Dans le
paradigme, initialement décrit par Nissen & Bullemer (1987), la
phase d'entraînement est constituée par une tâche de
temps de réaction sériel (TRS). Dans cette situation, les
sujets doivent réagir à l'apparition de chaque
élément d'une séquence composée
généralement de stimuli visuels (cible). A chaque essai, la cible
apparaît dans l'une des différentes positions possibles
alignées horizontalement sur un écran d'ordinateur et la
tâche des sujets consiste à appuyer le plus rapidement et le plus
précisément possible sur la touche d'un clavier
correspondant spatialement à sa position. A l'insu des sujets, la
séquence de stimuli répond à certaines
régularités. Différentes versions de la tâche
ont été explorées. La majorité
des auteurs (e.g. Nissen & Bullemer, 1987) ont utilisé une
séquence de stimuli constituée par la répétition
d'un patron séquentiel (comprenant en général
une dizaine d'éléments) alors que dans
d'autres études (e.g. Cleeremans & McClelland,
1991), la séquence était
générée à l'aide d'une grammaire artificielle
similaire à celles utilisées dans les études d'AGA. La
mesure de l'apprentissage dépend de la structure de la séquence
utilisée (cf. Figure 1.2).
Temps de réaction Temps de réaction
Séquence aléatoire
Séquence répétée
Changement
de séquence
Blocs Blocs
Figure 1.2 : Mesure de l'apprentissage de séquences
dans deux versions de la tâche de temps de
réaction : comparaison entre séquence
répétée et séquence aléatoire (en haut
à gauche) et modification de la séquence (en haut à
droite). Chaque figure représente l'évolution du temps de
réaction en fonction des blocs d'entraînement.
Dans le cas d'une séquence
répétée, une technique consiste à comparer la
performance des sujets entraînés sur cette séquence
répétée à celle d'un groupe contrôle
entraîné sur du matériel aléatoire (e.g. Frensch
& Miner, 1994). L'apprentissage de la séquence devrait
permettre aux premiers sujets de répondre plus rapidement que ceux du
groupe contrôle. Une autre possibilité consiste à remplacer
la séquence répétée par une autre séquence
ou par du matériel aléatoire au cours de la tâche de
TRS. Si les sujets ont appris la séquence, la suppression du
patron séquentiel devrait provoquer une augmentation du temps de
réaction (e.g. Reed & Johnson, 1994, Shanks, 2003). Dans
l'ensemble, les résultats obtenus dans ces différentes situations
indiquent que les sujets acquièrent des connaissances sur la structure
de
la séquence qu'ils ne peuvent décrire
verbalement.
La majorité des résultats expérimentaux
relatifs à l'étude de l'apprentissage implicite
ont été recueillis à l'aide de
ces trois paradigmes. Cependant, d'autres situations
expérimentales ont été associées
à ce domaine de recherche. Il s'agit notamment de
l'apprentissage de probabilités (e.g. Reber &
Millward, 1971) qui étudie la capacité des sujets
à anticiper la position d'un signal lumineux pouvant
apparaître dans deux positions possibles. Dans cette tâche, la
probabilité d'apparition des stimuli n'est pas aléatoire mais
peut dépendre d'éléments présentés
jusqu'à 50 essais auparavant. Ces études montrent qu'après
une pratique intensive de la tâche, la performance tend à
refléter la distribution des stimuli bien que les sujets ne
puissent identifier le stimulus présenté au-delà du
cinquième essai précédent (Millward & Reber, 1968).
D'autres auteurs (Lewicki, 1986; Chun & Jiang, 1999) ont, quant
à eux, utilisé le paradigme d'apprentissage de
covariations. Dans cette tâche, les sujets sont confrontés
à un environnement visuel complexe composé de
différents éléments. Chun & Jiang (1999) ont
montré que l'apprentissage d'associations de paires
d'éléments améliorait la recherche ou la reconnaissance
d'une cible bien que les sujets ne soient pas capables d'identifier
ces covariations.
1.2 Des définitions et des points de vue
divergents
La description des paradigmes d'étude esquissée
ci-dessus met en évidence la diversité des tâches
utilisées pour étudier ce phénomène. Etant
donné les différentes approches expérimentales
utilisées, il est bien difficile de donner une
définition générale de
« l'apprentissage implicite ». En effet, cette
notion demeure fort imprécise et la définition du
phénomène ne fait pas l'objet d'un consensus, ce qui se traduit
par la coexistence de multiples significations pour le même concept.
Frensch (1997) a listé pas moins de onze définitions de
l'apprentissage implicite. Voici quelques unes d'entre elles : pour Berry &
Broadbent (1988),
« learning may be implicit, when people are merely
told to memorize the specific material presented, but nevertheless
learn about the underlying rules », pour Cleeremans &
Jiménez (1996), « implicit learning should designate cases
where some knowledge is (1) acquired without intention to learn ..., and
(2) capable of influencing behavior unconsciously ». Pour Perruchet
(1988), l'apprentissage implicite peut être défini comme «un
mode d'adaptation dans lequel le comportement d'un sujet apparaît
sensible à la structure d'une situation, sans que cette adaptation
ne soit imputable à l'exploitation intentionnelle de
la connaissance explicite de cette structure ».
En fait, ce qui est important de noter dans les
différentes définitions proposées pour
qualifier l'apprentissage implicite, c'est que l'accent
est mis sur l'aspect incident ou inconscient de la phase
d'apprentissage. Autrement dit, l'apprentissage se fait à l'insu du
sujet
et la connaissance acquise est difficilement accessible
à la conscience, et/ou difficilement exprimable verbalement.
L'intérêt se porte sur l'acquisition de connaissances «
complexes », comme par exemple l'apprentissage de structures complexes de
règles.
De plus, au-delà des divergences concernant
la définition même du concept d'apprentissage implicite,
nous allons voir que les auteurs ont également des points de vue
différents concernant l'interprétation du
phénomène. Le point de vue « abstractionniste »
défendu par Reber (1967) suppose que l'apprentissage implicite
est sous tendu par des mécanismes inconscients d'abstraction de
règles, déclenchés lorsque le sujet est confronté
à
un matériel complexe qui décourage la
découverte et l'utilisation de règles simples, rendant alors
inopérants les mécanismes conscients d'apprentissage.
Autrement dit, l'idée initiale défendue par Reber est que,
lors d'une tâche de grammaire artificielle, l'apprentissage
correspond à l'acquisition incidente (non intentionnelle) de
connaissances inconscientes sur la structure abstraite du matériel.
Seulement, cette position « abstractionniste » va être
contredite
par Brooks (1978) puis par Brooks & Vokey (1991). En effet,
selon ces auteurs, les sujets ne feraient pas d'induction mais au contraire
« mémoriseraient » des exemplaires d'items entiers
en mémoire épisodique. Ces auteurs
défendent donc une position « exemplariste » selon
laquelle, c'est cette connaissance stockée en mémoire qui
permettrait au sujet de décider qu'un item présenté
en phase de test est grammatical ou non, ceci en le comparant avec
l'exemplaire mémorisé lors de la phase d'étude. Proche
à certains égards de ce point de vue exemplariste (apprentissage
d'items et non des règles), le point de vue «
fragmentariste » proposé par Perruchet (1994) s'en distingue
principalement par le fait que, cette fois, l'accent n'est plus mis sur la
mémorisation d'exemplaires entiers appris lors de la phase
d'étude mais plutôt sur l'apprentissage de fragments
d'items (généralement des bigrammes ou des trigrammes,
souvent appelés « chunks ») présentés au
moment de la phase d'étude. Par la suite, Perruchet & Pacteau
(1990) vont faire évoluer cette position fragmentariste en
précisant que la fréquence d'apparition des bigrammes ou
des trigrammes (les rendant ainsi plus ou moins saillants) constitue
l'élément le plus important lorsque les sujets doivent
classer des chaînes de lettres en fonction de leur
grammaticalité.
Au-delà des nombreuses définitions et des
différents points de vue proposés pour définir
le phénomène d'apprentissage implicite, il
existe un autre débat concernant la nature des connaissances
(explicites/ implicites) acquises par les sujets. Une explication possible
à cette divergence est à chercher du côté du
paradigme employé puisqu'il semble que la nature des processus
d'apprentissage et des connaissances acquises dépende fortement
de la tâche utilisée. Dans cette perspective, plusieurs
auteurs ont défendu l'idée selon laquelle le paradigme
d'apprentissage de séquences (tâche de TRS) serait
particulièrement bien adapté à l'étude de
l'apprentissage implicite (Cleeremans & Jiménez, 1998).
D'après Cleeremans (1993b), ce paradigme présente l'avantage
d'offrir des conditions d'apprentissage réellement incidentes. En effet,
dans une situation de temps de réaction, des connaissances relatives
à la structure de la séquence ne sont pas nécessaires pour
effectuer la tâche. Par conséquent, rien n'incite les sujets
à tenter de découvrir des régularités dans le
matériel. Outre cet aspect, le choix du test post expérimental
utilisé pour mesurer les connaissances va aussi conduire à des
considérations divergentes selon les auteurs. Dienes & Berry (1997)
proposent d'évaluer si les sujets disposent de
métaconnaissances sur les connaissances acquises au cours
de l'apprentissage. En d'autres termes, ils veulent évaluer si les
sujets ont appris quelque chose à propos de la structure complexe du
matériel. Jacoby (1991) propose quant à lui d'évaluer la
capacité des sujets à contrôler leurs connaissances afin de
déterminer s'ils peuvent y accéder consciemment. Cependant,
Shanks & St. John (1994) viennent remettre en question
l'utilisation des rapports verbaux comme indicateur de connaissances
explicites. En effet, selon eux, l'utilisation des rapports verbaux ne
remplit pas les critères d'information et de sensibilité.
Le critère d'information porte essentiellement sur la nature des
connaissances acquises par les sujets au cours de la tâche. Ce
critère est atteint lorsque les connaissances à la base de
l'amélioration de la performance correspondent à celles que
l'expérimentateur cherche
à mesurer dans la phase de test des
connaissances explicites. Le critère de sensibilité
concerne, quant à lui, le niveau d'accès à la
conscience des connaissances acquises. Il implique que la phase de
description explicite de la tâche permette de détecter l'ensemble
des connaissances conscientes qui ont pu influencer la performance des
sujets. Faute de quoi, l'amélioration de celle-ci pourra
être attribuée à l'acquisition de connaissances
implicites simplement parce que la phase de description explicite de la
tâche est moins sensible que la tâche elle-même à
l'expression de l'information consciente. Finalement, Shanks & St.
John (1994) remettent en question l'existence même du
phénomène d'apprentissage implicite, ou
contestent l'idée selon laquelle la distinction
implicite/explicite permet de rendre compte des
données expérimentales (Neal & Hesketh,
1997; Whittlesea & Dorken, 1993). Dans le même sens, Perruchet,
Vinter & Gallego (1997b) affirment que si les processus
d'apprentissage influencent le traitement de manière implicite, les
connaissances acquises sont quant à elles systématiquement
accessibles à la conscience.
En analysant l'ensemble des arguments formulés dans ce
paragraphe, il est possible de résumer les divergences concernant la
nature des informations apprises dans les différentes
tâches d'apprentissage implicite en considérant qu'elles
s'organisent principalement autour de deux axes : (1) un premier axe qui oppose
un point de vue « abstractionniste » à un point de vue «
fragmentariste », et (2) un second axe sur lequel on peut mettre
en opposition des auteurs qui croient à la nature implicite de
l'apprentissage et ceux qui estiment, au contraire, qu'il est inutile de faire
appel à une quelconque connaissance implicite pour rendre compte de
la performance des sujets dans les tâches d'apprentissage
implicite.
Finalement, ces différentes prises de position
reflètent bien l'idée selon laquelle il est difficile de
définir ce qu'est l'apprentissage implicite, du fait de la
diversité des approches utilisées et des hypothèses
proposées pour en rendre compte. Est il possible d'arriver
à dégager un accord général de cette
littérature ?
1.3 Vers un consensus relatif concernant les situations
traditionnelles d'apprentissage implicite
Malgré la diversité des approches
expérimentales utilisées pour étudier ce
phénomène et malgré les différents points de
vue émis par les auteurs au fil des années, la
littérature sur l'apprentissage implicite tend quand même
à laisser entrevoir un consensus relatif concernant
les résultats obtenus. En effet, comme le souligne
Perruchet & Nicolas (1998), quel que soit le paradigme utilisé
(tâche de TRS, tâche de contrôle ou tâche de
grammaire artificielle), les résultats obtenus laissent
apparaître la formation de chunks et l'existence d'une forte
corrélation entre performance et connaissance explicite de la
situation. Evidemment, il est toujours possible de trouver des arguments
contradictoires mais comme nous allons le voir,
les données de la littérature semblent compatibles
avec un tel point de vue.
Vers un consensus relatif concernant les situations
traditionnelles d'apprentissage implicite 15
En considérant tout d'abord les situations
d'apprentissage séquentiel, les résultats
indiquent que les temps de réaction des sujets dans une
tâche de TRS s'améliorent au fil des essais, ce qui
reflète à la fois l'effet d'un entraînement à
ce type de tâche mais aussi les ajustements sensori-moteurs
consécutifs à la pratique de la tâche. Mais le constat
important
est que les temps de réaction des sujets confrontés
à la séquence répétée diminuent davantage
et plus rapidement que ceux des sujets contrôles. Ces
résultats ne semblent pas liés à la prise
de conscience de la répétition d'une
même série. En effet, les sujets normaux prennent
conscience de la répétition si une pratique suffisante
leur est autorisée, mais l'amélioration des performances
semble précéder cette prise de conscience. De plus, chez
des sujets amnésiques, une amélioration comparable des
performances peut être observée alors que ces sujets demeurent
incapables d'évoquer la structure de la tâche. Toutefois, Shanks,
Green & Kolodny (1994) ont remarqué que les différentes
positions possibles de la cible ne sont pas également
représentées dans les séquences
répétées utilisées par Nissen & Bullemer (1987)
et dans d'autres études antérieures. Cette caractéristique
est suffisante pour rendre compte d'une différence de temps de
réaction moyen, par rapport à une séquence
aléatoire dans laquelle tous les essais sont également
représentés. De plus, Perruchet et Nicolas s'opposent
à l'interprétation conventionnelle selon laquelle «
le fait que les sujets ne puissent pas verbaliser qu'une
même séquence est continuellement répétée
indique le caractère inconscient
de cette connaissance». Pour ces auteurs, une
telle interprétation devient absurde car si l'amélioration
des performances est due à l'apprentissage de la
fréquence des événements isolés alors, rien ne
permet d'inférer que la connaissance d'une répétition
existe réellement. Selon eux, la question pertinente est plutôt de
savoir si cette non équiprobabilité des cibles (responsable du
changement comportemental) est perçue consciemment ou non par les
sujets.
De nombreuses indications permettent de penser que
l'amélioration des temps de réaction est due à la
connaissance de quelques fragments de la séquence qui fournissent une
connaissance approchée mais suffisante des règles
séquentielles qui déterminent la séquence. Perruchet &
Amorim (1992) ont montré que les sujets devenaient très
rapidement capables de reconnaître
un certain nombre de fragments de la séquence
utilisée et que ces fragments reconnus correspondaient exactement
aux fragments de la séquence sur lesquels une amélioration des
temps de réaction pouvait être observée. Finalement,
Perruchet et Nicolas concluent que la connaissance de la règle
qui structure la séquence n'est pas utile et que
l'amélioration comportementale est due à des connaissances
fragmentaires et spécifiques. De plus, ils
16 Chapitre 1 : L'apprentissage implicite
démontrent que ces connaissances ont des
répercussions au niveau de la conscience que le
sujet a de la tâche.
Les tâches de contrôle, comme par exemple la
tâche proposée par Berry & Broadbent
(1984) dans laquelle les sujets doivent contrôler la
production d'une usine de sucre en variant
le nombre d'ouvriers, peuvent également aboutir
à une interprétation similaire à celle fournie pour les
tâches de TRS. A partir de leur étude, Berry et
Broadbent ont montré que les relations entre la performance
effective et la connaissance verbalisable étaient nulles, voire
négatives. En effet, ils ont observé que les sujets qui
assuraient le meilleur contrôle du système étaient
ceux qui obtenaient les moins bons scores lors d'un questionnaire
post expérimental portant sur les propriétés du
système. Dès lors, les premières conclusions issues
de ces tâches de contrôle soutiennent
l'idée selon laquelle le système cognitif serait capable
d'abstraire inconsciemment les propriétés structurales de
l'environnement. Seulement, des interprétations alternatives ont
été proposées au fil des années concernant
le statut de la connaissance. Marescaux (1997) a montré que
les connaissances impliquées dans les performances sont
explicites et non pas abstraites.
Concernant les situations standards de grammaire artificielle,
l'interprétation initialement proposée par Reber (1967)
reposait sur le fait que les sujets étaient capables d'abstraire
inconsciemment la grammaire, c'est-à-dire que le sujet pouvait
acquérir, lors de la phase d'étude, une connaissance dont la
forme était isomorphe à celle de la grammaire à
états finis. Seulement, cette conception abstractionniste va
connaître un certain nombre de détracteurs. Brooks (1978)
a été le premier auteur à proposer une conception
différente. Selon
lui, les items présentés lors de la phase
d'étude seraient simplement mémorisés, et lors du test,
la grammaticalité des items serait évaluée
en fonction de la similarité entre l'item cible et un
ou plusieurs items mémorisés. Dès lors,
nous passons d'une conception abstractionniste à une conception
exemplariste. Cette évolution de point de vue va se poursuivre et
conduire à une troisième catégorie
d'interprétation, celle de Perruchet (1994) qui défend une
position fragmentariste (cf.p.11). Cette dernière conception est
en accord avec l'interprétation de Brooks selon laquelle les sujets
ne feraient pas d'abstraction. Par contre, la différence entre
ces deux points de vue repose sur la nature des unités de
traitement initiales et en particulier
sur leur taille. Dans l'interprétation de Brooks,
les chaînes de lettres sont supposées être
encodées de façon holistique tandis que pour Perruchet, les
unités de traitement formées par
Vers un consensus relatif concernant les situations
traditionnelles d'apprentissage implicite 17
les sujets correspondraient à des parties de
chaîne, typiquement à des bigrammes ou des
trigrammes. Ce changement de conception nous conduit à
nouveau à considérer les résultats
en termes de chunks (comme cela a été fait avec les
tâches de TRS) et permet également de faire un rapprochement entre
les performances et la connaissance verbalisable de la situation.
En effet, il est possible de montrer que la connaissance
de petites unités de traitement
(bigrammes ou trigrammes) est consciente. Perruchet & Pacteau
(1990) montrent que le taux
de reconnaissance explicite de ces petites unités
apparaît suffisant pour rendre compte des jugements de
grammaticalité.
Finalement, un consensus relatif semble émerger
de l'ensemble des résultats obtenus dans les situations
conventionnelles d'apprentissage implicite. En effet, qu'il s'agisse des
études relatives aux tâches de grammaires artificielles, aux
apprentissages séquentiels ou bien encore aux tâches de
contrôle de système, on s'aperçoit que (1)
l'information réellement utilisée par le sujet est accessible
à la conscience et que (2) le sujet à tendance à traiter
cette information de manière fragmentaire (formation de « chunks
») plutôt que dans sa totalité.
Chapitre 2
Apprentissage implicite de séquences
motrices
Après avoir mis en évidence l'existence d'un
consensus relatif concernant les résultats obtenus dans les situations
prototypiques d'apprentissage implicite, la question est maintenant
de savoir si de tels résultats peuvent se
généraliser à d'autres situations. Plusieurs tentatives
ont été faites ces dernières
années, en employant les concepts et les méthodes
relatifs à l'apprentissage implicite, afin de faire la
lumière sur certains problèmes provenant d'autres domaines
de recherche, tels que la segmentation du langage en mots (Perruchet
& Vinter,
1998), l'apprentissage d'une seconde langue (Michas
& Berry, 1994), la sensibilité aux rythmes (Salidis, 2001) et
aux structures musicales (Tillman, Bharucha & Bigand, 2001), ou bien
encore l'acquisition de régularités orthographiques
(Pacton, Perruchet, Fayol & Cleeremans, 2001). Dans ce chapitre, nous
allons nous intéresser à la mise en relation qui peut être
faite entre la littérature sur l'apprentissage implicite et la
littérature sur l'apprentissage moteur. Plus précisément,
nous allons essayer de voir si les résultats obtenus dans le domaine
de l'apprentissage implicite sont applicables au domaine de
l'apprentissage moteur, et plus particulièrement au domaine de
l'apprentissage moteur implicite.
2.1 Contrôle moteur et apprentissage :
théories cognitives vs
théories dynamiques
Les problèmes posés par l'acquisition d'une
nouvelle habileté motrice sont complexes
et nombreux. Leur étude a certainement constitué,
au cours du XXème siècle, un des domaines
de recherche les plus fertiles de la psychologie du sport (voir
Williams, Davids & Williams
(1999) pour revue), mais aussi des sciences du
mouvement humain, de la psychologie cognitive, de l'intelligence
artificielle ou de la robotique. La raison est à la fois
théorique et pratique; - théorique, car la découverte
des principes par lesquels l'habileté se construit renseigne le
chercheur sur les processus les plus fondamentaux de la
motricité humaine; - pratique, car la connaissance de ces principes
n'est pas sans conséquences sociales, éducatives
ou économiques.
Nous nous intéresserons, dans ce chapitre, au
contrôle moteur et à l'apprentissage moteur selon deux grandes
approches conceptuelles : l'approche cognitive versus l'approche
dynamique. Nous verrons que ces deux approches se différencient
par la place et le rôle qu'elles accordent aux structures mentales
dans la production des habiletés motrices.
2.1.1 Selon l'approche cognitive
Définitions de l'apprentissage moteur
Les psychologues ont, de tout temps, essayé de
fournir des réponses à la question :
« qu'est ce que l'apprentissage ? ». Les multiples
définitions qui en découlent présentent des
différences profondes entre elles qui sont dues, en grande
partie, aux différentes positions théoriques adoptées
par les auteurs. Cependant, malgré cette diversité, elles
partagent en général un certain nombre de critères
communs pour définir ce qu'est l'apprentissage. Pour
De Montpellier (1964), « l'apprentissage consiste en
une modification systématique de la conduite en cas de
répétition de la même situation ». Pour Reuchlin
(1977), « il y a apprentissage quand un organisme placé
plusieurs fois dans la même situation modifie sa conduite de
façon systématique et relativement durable ».
De la même manière qu'il existe
différentes définitions de l'apprentissage, nous allons voir
qu'il existe également diverses définitions pour
rendre compte de ce qu'est l'apprentissage moteur.
É Pour Paillard (1982), « l'apprentissage
moteur résulte d'un processus actif d'adaptation ».
É Selon Famose (1983), « l'apprentissage moteur est
un processus cognitif
appartenant au système nerveux, un processus
interne qui permet à l'élève de modifier son
comportement par rapport à une tâche pour laquelle il n'a
pas de réponse adaptée ».
É Pour Schmidt (1993), « l'apprentissage
moteur est un ensemble de processus qui associé à
l'exercice et à l'expérience, conduit à des
modifications relativement permanentes du comportement habile ».
Il faut noter que plusieurs notions communes émergent de
ces trois définitions. Tout d'abord,
la notion de « processus » pour laquelle
ces trois auteurs s'accordent à dire que l'apprentissage
moteur est la résultante d'un processus interne dont la
conséquence est la modification des conduites motrices. Ensuite,
Schmidt et Famose associent l'apprentissage à
la notion « d'exercice ou de tâche ». Enfin,
Famose et Paillard associent l'apprentissage à la notion «
d'adaptation ». Chez Paillard, transparaît clairement
l'idée que l'apprentissage n'existe que si le sujet déploie une
activité d'adaptation.
Famose (1995) a proposé un certain nombre de
critères pour définir l'apprentissage moteur, (1)
l'apprentissage résulte de la pratique ou de l'expérience, (2)
l'apprentissage n'est pas observable directement, (3) les modifications
liées à l'apprentissage sont inférées à
partir des modifications de la performances, (4) l'apprentissage implique un
ensemble d'opérations
au niveau du système nerveux central, (5) le
résultat de l'apprentissage est une capacité acquise pour
la performance des habiletés motrices et (6) les
changements dus à l'apprentissage sont relativement permanents et
non transitoires.
Classification des habiletés
Selon Guthrie (1952), une habileté est une
capacité (acquise par apprentissage) à atteindre des
résultats fixés à l'avance avec un maximum de
réussite et souvent un minimum
de temps, d'énergie ou les deux. Pour Famose (1985),
une habileté motrice est un niveau de compétence ou de
savoir-faire acquis par un pratiquant dans une tâche particulière
ou dans un groupe limité de tâches.
L'objectif ici n'est pas de présenter l'ensemble
des systèmes de classification des habiletés. Il s'agit
simplement de montrer qu'il existe différents systèmes de
classification
établis selon des critères particuliers.
Schmidt (1993) distingue : (1) les habiletés ouvertes
versus fermées (cette distinction est
fondée sur le caractère prévisible ou non de
l'environnement), (2) les habiletés discrètes, continues et
sérielles (cette distinction repose sur une organisation temporelle),
(3) les habiletés cognitives et motrices (dans les premières, ce
sont les activités de perception et de décision qui sont
capitales pour la réussite, alors que pour les secondes, c'est la
qualité du mouvement qui représente le facteur fondamental. Cette
distinction s'appuie sur ce qu'il « faut faire » ou bien sur «
comment le faire »).
Dans la suite de ce travail, nous nous intéresserons
à la distinction faite entre habiletés continues versus
discrètes. C'est pourquoi, nous allons insister sur cette
façon de classer les habiletés selon leur organisation
temporelle. Schmidt établit un continuum sur lequel il définit
l'habileté discrète comme « un mouvement de courte
durée qui a généralement un début et une fin bien
identifiables ». Bon nombre d'illustrations de mouvements de ce
type se rencontrent dans le domaine sportif (en football par exemple, avec le
coup de pied ou bien en basket-ball avec le lancer franc) mais également
en situation de laboratoire (avec les tâches de TRS utilisées par
exemple par Nissen & Bullemer (1987) dans lesquelles les sujets doivent
appuyer le plus rapidement possible sur une touche du clavier correspondant
spatialement à l'apparition d'une cible sur l'écran
d'ordinateur). A l'autre extrémité de la dimension, il place
l'habileté continue pour laquelle « on ne peut pas identifier de
façon précise et objective le début et la fin du
mouvement ». Plus précisément, ces repères ne
sont pas critiques pour l'exécution de la tâche. De
nombreuses activités de la vie courante font appel à ce
genre d'habileté (par exemple, courir ou mâcher du chewing-gum) et
de manière expérimentale, il s'agit d'utiliser des
tâches de poursuite (i.e tracking) dans lesquelles le sujet
contrôle un levier, une manette ou tout autre dispositif, afin
de suivre la trajectoire d'une cible qui se déplace. De plus, il
faut savoir qu'entre les deux pôles de la dimension
discrète-continue, se trouvent les habiletés dites «
sérielles » que Schmidt définit comme « un groupe
d'habiletés discrètes enchaînées les unes
après les autres, pour former une action nouvelle, plus
compliquée ». Chaque partie ou phase de la réponse
est à la fois stimulus et réponse : une phase est la
réponse au mouvement précédent et un stimulus pour le
mouvement subséquent. Pour illustrer sa définition, il
propose l'exemple de l'exécution d'un enchaînement en
gymnastique.
Le fait de classer les habiletés en
différentes catégories revêt toute son importance
puisque les principes sous-tendant chacune d'entre elles,
ainsi que leur apprentissage, vont différer selon la
catégorie à laquelle elles appartiennent.
Théories du contrôle moteur : point de vue
cognitif
Les théories cognitivistes du contrôle moteur
reposent sur le concept de programmation motrice dans lequel le programme
moteur est une notion clé. Dans sa définition la plus
stricte,
« un programme moteur est constitué d'une
série d'instructions destinées à sélectionner
les groupes musculaires, et à régler l'intensité et
le timing de leur contraction et relaxation: le programme moteur est une
structure centrale, organisée avant le déclenchement de la
réponse motrice et permettant son exécution sans influence des
réafférences » (Keele & Posner, 1968). Selon ces
auteurs, l'étape de programmation consiste à définir
toutes les caractéristiques du mouvement à l'avance,
c'est-à-dire les muscles qui doivent participer à l'action,
l'ordre dans lequel ces muscles doivent intervenir, la force musculaire de
contraction, le minutage relatif et
la séquence de contraction, ainsi que la
durée de chaque contraction. Si l'on considère ce point de
vue, cela revient donc à dire que pour un mouvement balistique, le sujet
apprend une séquence dans sa globalité. Seulement, un tel point
de vue fait ressortir deux problèmes : le premier problème est
celui du stockage : comment concevoir un système capable d'assurer le
stockage et le rappel de milliers de programmes qui seraient alors
constitués jour après jour
par le sujet (Schmidt, 1975) ? Le second problème
est celui de la nouveauté (i.e de la
généralisation): comment expliquer avec cette approche que le
sujet soit capable d'effectuer
un mouvement nouveau ? Pour ces raisons, cette notion de
programme moteur a été revue et modifiée par Schmidt
(1975). Il actualise la notion de programme moteur en introduisant la notion de
« programme moteur généralisé » (PMG)
et va alors s'opposer à Keele. En effet selon Schmidt, il
n'existe pas un programme pour chaque mouvement mais il existe un
programme pour chaque classe de mouvement (par exemple, il existerait un
programme pour marcher, un pour écrire, un pour saisir...). De
plus, il ajoute que ces programmes seraient ajustables (par exemple, que
l'individu marche vite ou lentement, ce serait toujours le même programme
qui s'exécuterait). Il indique qu'il existe des invariants : il
s'agit de tout ce qui ne change pas lorsque le sujet effectue un
mouvement, c'est-à-dire les traits généraux à
partir desquels pourra être générée une
infinité de mouvements et des éléments
paramétrables
adaptés aux exigences de la tâche : il s'agit
de tout ce qui change pour effectuer un
mouvement, à savoir le membre à utiliser,
l'amplitude, la distance, la direction et la vitesse du mouvement. Il ajoute
également que la correction des erreurs d'exécution est possible
grâce aux informations sensorielles et réafférentes.
Au final, il précise que sa théorie est valable aussi
bien pour des tâches mettant en jeu des mouvements complexes que des
mouvements simples.
Pour résumé, les cognitivistes
considèrent que la motricité est pilotée par
des représentations construites au niveau central. Les
théories cognitives sont appelées théories
« prescriptives » dans le sens où une
instance extérieure au système effecteur planifie et
ordonne la réalisation d'un programme.
2.1.2 Selon l'approche dynamique
Emergence d'une nouvelle approche : l'approche
dynamique
D'un côté, le développement des sciences
cognitives a conduit à l'élaboration de théories
prescriptives de la motricité humaine, mettant l'accent sur le
rôle joué par le système
de traitement de l'information dans la production, la
régulation, et l'apprentissage du mouvement (e.g., Schmidt, 1988). De
l'autre côté, le transfert dans le champ de la motricité
(e.g. Kelso, 1984) de modèles issus de la synergétique
(Haken, 1983) et de la théorie des systèmes dynamiques
(Abraham & Shaw, 1983), associé aux travaux princeps de Bernstein
(1967), a permis une exploration nouvelle et radicale des comportements
moteurs, soulignant
le caractère émergent et auto
organisé des coordinations motrices. Enfin, l'approche
écologique de la perception et de l'action (e.g. Gibson, 1979), ayant
largement mis en exergue
le rôle fondamental joué par l'action dans la
structuration des énergies ambiantes stimulant nos récepteurs
sensoriels, a, par là même, remis en question le rôle
généralement attribué aux représentations dans la
production et la régulation du mouvement.
Selon l'approche dynamique, l'apprentissage sera
cette fois définit comme « le changement dans la
dynamique des coordinations pour acquérir des solutions stables
du pattern à apprendre » (Schöner, Zanone & Kelso
,1992).
Théories du contrôle moteur : point de vue
dynamique
L'apparition, dans les années 1980, de l'approche
écologique du couplage perception action et de l'approche des
patrons dynamiques de coordination a provoqué une rupture
épistémologique, théorique et méthodologique dans
l'étude du contrôle et de l'apprentissage moteur. Plaçant
la notion de coordination au centre de leur problématique, ces
approches remettent en question les cadres théoriques classiques
et jettent un regard nouveau sur la production des habiletés
motrices complexes.
Alors que les théories cognitivistes considèrent
que la réponse motrice est le reflet d'un traitement de l'information
opéré par le système nerveux central, une toute autre
approche est proposée par les théories dynamiques. Ces
dernières mettent l'accent sur les processus d'auto organisation
sous-tendant l'émergence des coordinations motrices et leur
évolution au cours
de l'apprentissage. Elles résultent des travaux de
recherche de Bernstein (1967) sur le contrôle moteur et de Kelso (1984 ;
1995) et Zanone & Kelso (1992) sur l'apprentissage moteur. Dans
le cadre de ces théories, le mouvement n'est plus la
conséquence d'une commande motrice mais une propriété
émergente, c'est-à-dire la conséquence de
l'interaction entre différentes contraintes par lesquelles le
mouvement se réalise. Newell (1985) a proposé l'existence
de trois types de contraintes : l'environnement (forces externes,
température, ...), l'organisme
(caractéristiques, motivation, ...) et la tâche (le
but) (cf. Figure 2.1).
Tâche
Mode de coordination
Organisme Environnement
Figure 2.1 : Schéma représentant le concept de
l'approche dynamique proposé par Newell (1985)
Ce sont les contraintes qui vont finalement donner un sens au
mouvement. Selon ces
théories, l'apprentissage d'un mouvement implique la
déstabilisation d'un état naturel de coordination vers un
nouvel état contraint par la relation organisme -environnement -
tâche.
En d'autres termes, l'apprentissage est
considéré comme la conséquence de la
déstabilisation d'un état de coordination originel vers un
nouvel état que l'on cherche à restabiliser. Le mouvement
n'est donc pas entièrement prescrit par le système nerveux comme
le prétendaient
les théories cognitivistes. Ce sont les
propriétés d'auto organisation qui permettent
l'apparition de l'ordre dans les systèmes complexes.
2.1.3 Sur le plan expérimental
Il existe différentes tâches
expérimentales permettant de mesurer l'apprentissage moteur.
Nous pouvons citer, par exemple:
É des tâches de « pointage » dans
lesquelles le sujet doit aller pointer le plus vite possible sur des
cibles avec un stylet, une souris ou tout autre périphérique
(Fitts,
1957 ; Delignières & Famose, 1992),
É des tâches de poursuite de cible dans lesquelles
le sujet doit pister au moyen d'un joystick une cible qui se déplace
(Magill & Hall, 1989, Wulf & Schmidt, 1997),
É des tâches de coordination dans lesquelles les
sujets doivent apprendre à réaliser des coordinations complexes
entre deux effecteurs (Zanone et Kelso, 1992 ; 1997)
Ainsi, ces différentes expériences permettent de
montrer qu'un apprentissage moteur est reproductible en laboratoire. Cet
apprentissage se traduit, par exemple, par une augmentation
de la précision des mouvements ou bien par une diminution
du temps mis pour effectuer la tâche. Dès lors, il est essentiel
de pouvoir mesurer précisément cet apprentissage et
d'évaluer
les progrès aussi bien pour les effets
expérimentaux d'apprentissage en laboratoire que pour
les effets pratiques des apprentissages sur le terrain ou en
gymnase. Pour cela, l'utilisation de courbes de performance est de
loin la manière la plus employée pour
évaluer cet apprentissage (Schmidt, 1993). Ces courbes de
performance sont des représentations graphiques de la performance
des sujets en fonction du nombre d'essais. La loi de la pratique
dit que les progrès sont rapides au début et
beaucoup plus lents par la suite. Toutefois, bon
nombre de problèmes potentiels apparaissent avec
l'utilisation de ces courbes. Celles-ci ne
permettent pas d'observer quelle est la nature de
l'apprentissage car elles ne sont qu'une représentation de la
performance en fonction du nombre d'essais, ce qui n'apporte pas
beaucoup d'informations sur l'apprentissage moteur en tant que tel. De plus,
leur utilisation masque les effets interindividuels, ce qui donne l'impression
que tous les sujets apprennent de
la même manière, ou que l'apprentissage est
un processus progressif et continu. Par conséquent, ces limites
conduisent à rester très prudent quant à
l'interprétation de ces courbes.
Il semble donc plus approprié de travailler sur
des tâches de transfert pour pallier tous ces points
négatifs. Selon Piéron (1973), il y a transfert quand
les progrès obtenus dans l'apprentissage d'une certaine forme
d'activité, entraînent une amélioration dans
l'exercice d'une activité différente plus ou moins voisine. De
façon générale, l'acquisition d'une habileté
favorise, par un effet de transfert, l'acquisition d'habiletés
suffisamment analogues. Pour Schmidt & Lee (1999), il est possible
d'estimer le transfert comme le gain (ou la perte) de compétences sur
une tâche résultant de la pratique ou de l'expérience d'une
autre tâche. Par exemple, la pratique du tennis permettrait une
acquisition plus rapide du squash, au début. En situation de
laboratoire, il est possible d'examiner, par exemple, si la pratique d'une
tâche de pointage aura des effets (bénéfiques ou
néfastes) sur une tâche de poursuite de cible, ou bien
si la pratique d'une tâche simple sera
bénéfique à la pratique d'une tâche plus complexe.
Des tests ultérieurs à la pratique peuvent également
être utilisés pour évaluer l'apprentissage (par exemple,
des tests de reconnaissance).
Il serait erroné de penser que l'apprentissage moteur
repose uniquement sur des travaux
de « terrain » réalisés par des
spécialistes travaillant dans le domaine des sciences du sport. Comme
nous l'avons présenté au travers de ce chapitre, ce champ de
recherche repose sur de nombreuses expériences de « laboratoire
», qui intéressent à la fois les chercheurs du domaine
sportif mais également des chercheurs d'autres domaines. Notre centre
d'intérêt va porter sur des travaux qui traitent de
l'apprentissage d'habiletés motrices, mais en se centrant tout
particulièrement sur l'aspect incident de cet apprentissage. Dès
lors, nous allons nous tourner vers ce qu'il convient d'appeler le champ de l'
« apprentissage moteur implicite ».
2.2 L'apprentissage moteur implicite : brève revue
de
littérature
Comme nous venons de le voir en passant en revue la
littérature, il apparaît que les recherches relatives aux
deux domaines de l'apprentissage implicite et de l'apprentissage moteur
sont particulièrement abondantes tandis que celles ayant
trait au domaine de l'apprentissage moteur implicite demeurent beaucoup
plus restreintes (Pew, 1974; Magill & Hall, 1989; Wulf & Schmidt, 1997
; Shea et al., 2001).
Qu'entend-on par « apprentissage moteur implicite »
? Pour Masters (1992), l'apprentissage moteur implicite « renvoie
à l'acquisition passive d'un répertoire de mouvements,
sans accumulation correspondante de connaissances ou de règles
explicites et verbalisables. ». Pew (1974) a été le premier
auteur à avoir utilisé une tâche de poursuite de cible
(i.e tâche de tracking) pour démontrer qu'un
apprentissage sans conscience des régularités dans le
pattern de mouvements pouvait se produire. Dans son
étude, les participants devaient suivre les déplacements
d'un curseur sur un écran d'oscilloscope en manipulant une sorte
de joystick. A chaque essai, le segment du milieu était toujours
répété alors que le premier et le dernier segment
étaient aléatoires. Toutefois, les sujets n'en étaient
nullement informés. Après quatorze jours de pratique, les
résultats indiquaient que les sujets s'amélioraient sur tous les
segments, et que de surcroît, l'amélioration des performances
était plus importante sur le segment répété
comparativement aux segments aléatoires. De plus, un questionnaire
post-expérimental indiquait que les participants n'avaient aucune
conscience de
ces répétitions. De tels résultats
ont été répliqués par Magill & Hall
(1989) et par Wulf & Schmidt (1997), auteurs qui ont utilisé des
tâches similaires. Dans leur étude de 1997, Wulf et Schmidt ont
fait passer un test de reconnaissance aux sujets en plus de
l'interview. Les données recueillies dans ce dernier test
indiquent que les sujets ne sont pas capables d'identifier le segment
répété à un niveau supérieur à ce que
le hasard permettrait d'attendre.
Plus récemment, Shea et al. (2001) ont
rapporté deux expériences sur l'apprentissage moteur
implicite. Notre travail est en prise directe avec leurs deux
expériences, ce qui justifie
le détail de celles-ci. En effet, ces travaux nous ont
servi de base pour élaborer une nouvelle série
d'expériences concernant le domaine de l'apprentissage moteur
implicite. Dans leurs
L'apprentissage moteur implicite : brève revue de
littérature 29
études, les participants devaient se déplacer
sur la plate-forme d'un stabilomètre afin que
Position de la plate forme (°)
celle-ci soit en correspondance avec une cible qui se
déplaçait sur un écran face à eux. Leur
première expérience comprenait quatre sessions successives de
pratique durant lesquelles les sujets réalisaient deux séries de
sept essais de 75 secondes (cf. Figure 2.2).
Temps (s)
Figure 2.2: Exemple de pattern utilisé durant la phase
de pratique de l'expérience de Shea et al.
(2001)
Chaque essai était divisé en trois segments de 25
secondes, mais les sujets n'en étaient
pas informés. La cible se déplaçait
pseudo aléatoirement durant le premier (S1) et le dernier segment (S3),
tandis que le segment du milieu (S2) était le même durant les
quatre sessions. Durant la cinquième session, les sujets effectuaient un
test de rétention dans lequel il apparaît que le segment
répété S2 était pisté plus
précisément comparativement aux segments aléatoires S1
et S3. Dans une interview ultérieure, aucun des participants n'a
mentionné le fait qu'il puisse y avoir un segment
répété, même lorsqu'ils étaient directement
questionnés sur cette possibilité. De plus, lorsque
l'expérimentateur révélait aux sujets l'existence de
la répétition d'un segment et qu'il leur demandait de
désigner lequel du 1er, 2ème ou 3ème segment
était concerné, les réponses des sujets étaient
données au hasard. Finalement, lorsque
ce segment répété était
placé parmi des segments générés
aléatoirement dans un test de reconnaissance à choix
forcé, les sujets étaient incapables de le
sélectionner avec une
probabilité supérieure à ce que le hasard
permettrait d'attendre. Ces résultats répliquent ceux
obtenus par Pew (1974) et par Wulf & Schmidt (1997) dans
une simple tâche de poursuite manuelle. En effet, ces auteurs
avaient également observé que les sujets
amélioraient sélectivement la précision de leur poursuite
sur le segment répété, bien qu'ils ne soient pas
conscients de la répétition de ce segment, ni de sa localisation
à l'intérieur de l'essai dans les tests ultérieurs de
rappel et de reconnaissance.
Dans l'expérience 2, Shea et al. (2001) ont
utilisé la même tâche que dans l'expérience
précédente. Cependant, cette fois, le segment du milieu (S2)
était aléatoire tandis que S1 et S3 étaient les segments
répétés, de plus, ces deux segments étaient
identiques. Les auteurs ont manipulé les informations données
aux participants concernant la structure de la tâche. La
moitié des sujets était informée que le premier des trois
segments de chaque essai (S1) était répété, alors
que l'autre moitié était informée que la
répétition concernait le dernier des trois segments de chaque
essai (S3). Dans une interview ultérieure, seulement un des seize sujets
a mentionné qu'un autre segment était
répété, en plus du segment désigné
durant les instructions. Ce résultat a permis de comparer les
performances dans les conditions explicites versus implicites, sans
qu'aucune confusion ne soit due à la position des segments
répétés à l'intérieur de la séquence.
Ces auteurs indiquent que les instructions explicites produisent de meilleures
performances dans le début de la phase de pratique bien que
ce ne soit pas significatif. Cependant, le pattern s'inverse au fur et
à mesure de la pratique. En effet, à la cinquième session,
dans le test de rétention, les erreurs sur le segment
répété dont les sujets n'ont pas eu connaissance
étaient significativement plus petites que celles obtenues sur
le segment répété connu par les sujets. Les
auteurs concluent à un effet néfaste des
connaissances explicites sur la performance.
Ces études semblent fournir une démonstration
apparemment simple de la possibilité d'apprendre inconsciemment la
structure d'une tâche complexe. Il est maintenant intéressant
de voir si le consensus extrait précédemment des
situations d'apprentissage implicite (à savoir
la formation de chunks et la forte corrélation
qui existe entre performance et connaissance explicite de la situation)
peut s'appliquer aux résultats issus d'expériences
d'apprentissage moteur implicite.
2.3 Des résultats difficilement compatibles avec
ceux obtenus en
apprentissage implicite
Nous voulons, dans un premier temps, savoir si dans
les situations d'apprentissage moteur implicite, les participants
apprennent des fragments de la séquence
répétée ou bien s'ils apprennent celle-ci dans sa
globalité. Wulf et ses collègues (Wulf & Schmidt, 1997;
Shea
et al., 2001) suggèrent que les sujets apprennent le
segment répété dans sa totalité. Or si l'on revient
aux situations d'apprentissage implicite utilisant par exemple des tâches
de grammaire artificielle, Perruchet (1994) et Reber & Lewis (1977)
s'accordent à dire que les sujets n'apprennent pas des
chaînes de lettres entières (souvent longues de 6 à 9
lettres) mais qu'ils apprennent plutôt de bigrammes ou des trigrammes de
ces chaînes de lettres. La question de savoir si les sujets apprennent
une séquence dans sa globalité ou bien des fragments de celle-
ci a été également intensivement
étudiée dans les tâches de TRS conçues sur
la base du paradigme de Nissen & Bullemer (1987). En effet, parmi toutes
les situations d'apprentissage implicite, les études sur les TRS sont
certainement les plus proches de la situation réalisée par Wulf
et ses collaborateurs. Dans les situations de TRS, une cible
apparaît dans des essais successifs à une position possible
parmi quatre. Les participants sont invités à
réagir à l'apparition de cette cible en appuyant sur une touche
du clavier qui correspond spatialement à
la position de la cible sur l'écran. Sans que les sujets
ne le sachent, la même séquence d'essais
(en général 10) est
répétée dans toutes les sessions. Dans ces
conditions, les participants montrent une amélioration fiable de leurs
performances en comparaison avec les participants
à qui on a présenté une série
produite aléatoirement. Comme le précise Rosenbaum, Carlson
& Gilmore (2001), ce résultat correspond
étroitement aux résultats obtenus dans les tâches de
poursuite continue. Cependant, en faisant cette comparaison entre tâche
de TRS et tâche de poursuite, il ne s'agit pas de considérer
que les tâches discrètes et les tâches de poursuite
continue sont équivalentes d'un point de vue du contrôle moteur.
Il est probable que les deux activités diffèrent (Adams, 1987)
et, d'ailleurs, il est même possible que les tâches continues
impliquant des mouvements du corps entier diffèrent de tâches
continues utilisant des tâches simples (Wulf & Shea, 2004; Williams
& Grbin, 1976). Le point clé n'est pas la composante perceptivo
motrice impliquée dans la tâche, mais ce sont au contraire, les
règles sous tendant
la situation. Dans les deux cas, les
régularités sont appliquées comme une seule
longue
répétition de séquence ou de segment (plus
de quelques secondes). Cependant, il existe une
différence mineure, à savoir que le pattern de
cible est cycliquement répété dans des études de
TRS, alors qu'il est entremêlé de séquences
aléatoires dans les études de Wulf et de ses
collègues. Quelques études de TRS mixent séquences
répétées et séquences aléatoires, et font
état de résultats similaires à ceux obtenus en utilisant
des répétitions continues (Meulemans, Van Der Linden &
Perruchet, 1998; Stadler, 1993). Finalement, les conclusions issues des
expériences utilisant des tâches de TRS indiquent que
l'amélioration des performances des participants n'est pas due au
fait qu'ils sachent qu'une longue séquence se répète de
manière cyclique. Au contraire, dans ces situations, les participants
deviennent sensibles à la fréquence des différentes cibles
(comme l'indiquent les résultats obtenus par Shanks, Green &
Kolodny,
1994) ainsi qu'à la fréquence de certains chunks
(typiquement des petits fragments de deux ou trois essais). Bien qu'il y
ait un débat considérable entourant la question de savoir
si ces chunks sont disponibles dans les tests de rappel et de reconnaissance,
l'idée selon laquelle les participants apprennent des petits chunks
plutôt que la séquence entière reste pratiquement
incontestée (Buchner, Steffens & Rothkegel, 1998; Perruchet &
Amorim, 1992). Au contraire,
les résultats issus des situations d'apprentissage
moteur implicite indiquent que les sujets apprennent la séquence
répétée dans sa totalité.
Le second aspect qui nous intéresse à
présent est de savoir si, dans les tâches de poursuite
continue présentées précédemment, les sujets sont
conscients ou non de l'existence d'un segment répété. Les
conclusions fournies par Shea et al. (2001) indiquent qu'il existe un
apprentissage sans connaissance explicite des régularités
présentes dans une tâche motrice complexe. D'emblée de
tels résultats viennent contraster avec ceux obtenus dans des
tâches
de TRS. En effet dans les situations utilisant des
tâches de TRS, la plupart des études rapporte une certaine
quantité de connaissance explicite concernant les
régularités présentes dans le matériel
(Perruchet, Bigand & Benoit-Gonnin, 1997a; Shanks & Perruchet,
2002). Au contraire, les résultats issus des études
portant sur la poursuite continue suggèrent que les participants
ne sont pas conscients de l'existence de segments
répétés. Pour preuve, les résultats de Shea et
al. (2001), répliquant essentiellement ceux obtenus par Pew (1974) et
par Wulf & Schmidt (1997), indiquent que les sujets améliorent
sélectivement leur poursuite sur
le segment répété comparativement aux
segments aléatoires, bien qu'ils ne soient pas conscients de
l'existence de ce segment répété (ni de sa position
à l'intérieur d'un essai) dans
les tests de rappel et de reconnaissance proposés
suite à la phase de pratique. Seulement,
comme le disent Shanks & St. John (1994) : « Avant de
conclure que les sujets ne sont pas
« conscients » de l'information qu'ils ont
apprise et que cela influence leur comportement, l'expérimentateur
doit pouvoir établir que l'information qu'il ou elle recherche dans les
test de conscience est en effet l'information responsable des changements
d'exécution1». Il est donc tout
à fait possible de se demander si les tests post-expérimentaux de
connaissance explicite utilisés par Wulf et ses collègues
mesurent bien ce qu'ils prétendent mesurer. En effet, ces auteurs se
basent sur une littérature relativement ancienne pour construire leurs
tests (Reber,
1976; Lewicki, Czyzewska & Hoffman, 1987), littérature
critiquée et améliorée depuis.
Au final, dans les situations dites d'«
apprentissage moteur implicite », Wulf et collaborateurs
suggèrent que les sujets apprennent (1) le segment
répété dans sa totalité et (2) qu'ils ne sont pas
conscients de la répétition de celui-ci au fil des essais. De
tels résultats sont
en opposition avec les résultats robustes issus
des situations prototypiques d'apprentissage implicite. En effet, nous avons
vu précédemment (Cf. 1.3) que ces situations d'apprentissage
implicite aboutissent à un consensus relatif selon lequel
les participants apprennent l'information de manière parcellaire
en formant des « chunks » et que les connaissances acquises
sont accessibles à la conscience. L'intérêt, à
présent, va donc être de comprendre et d'expliquer pourquoi il
existe une telle contradiction entre les résultats obtenus dans ces deux
domaines. En d'autres termes, nous voulons savoir pourquoi il y a un
apprentissage implicite sans connaissances explicites concomitantes dans
les situations d'apprentissage moteur implicite. Cela nous amène
à nous poser les questions suivantes : est ce que les
situations d'apprentissage d'habiletés continues constituent une classe
à part d'apprentissage, ou bien, y
a-t-il dans ces situations un problème
méthodologique aboutissant aux résultats que nous
connaissons?
1 « Before concluding that subjects are unaware
of the information that they have learned and that is influencing
their behaviour, it must be possible to establish that
the information the experimenter is looking for in the awareness test
is indeed the information responsible for performance changes »
Deuxième partie : Réanalyse de la
littérature sur l'apprentissage moteur implicite
et réinterprétation expérimentale
Chapitre 3
Commentaires sur les travaux de Shea et al. (2001)
Dans le chapitre précédent, nous avons
examiné la littérature sur l'apprentissage implicite, en
montrant que malgré une origine hétérogène du
phénomène et des définitions et des points de vue
divergents, il était tout de même possible d'aboutir à un
consensus relatif concernant les résultats issus de ces situations
d'apprentissage prototypiques. Nous avons également montré
l'intérêt de diversifier cette littérature au delà
de ses frontières d'origine. Le
but était de voir si les résultats obtenus dans le
domaine de l'apprentissage implicite pouvaient
se généraliser à d'autres situations,
et notamment aux situations d'apprentissage implicite d'habiletés
motrices. Dans ce cas précis, nous avons vu qu'une telle
généralisation semblait difficile. Les conclusions
auxquelles aboutissent ces études sont différentes de
celles auxquelles on aboutit lorsque l'on analyse des situations plus
traditionnelles d'apprentissage implicite. D'où provient cette
discordance observée dans les conclusions ?
Ce chapitre a pour but d'illustrer comment la prise en compte de
la littérature récente conduit à remettre en cause
certaines des conclusions formulées par Wulf et ses collaborateurs
au sujet de l'apprentissage implicite d'habiletés
motrices. Nous allons essayer de comprendre
ce qui amène ces auteurs à conclure que,
dans leurs expériences, les sujets ne sont pas conscients de
l'existence d'un segment répété. Pour se faire,
nous allons examiner le plan expérimental de leurs
expériences ainsi que les tests post expérimentaux
utilisés. Je vais reprendre certains des arguments que nous
avons publiés (Perruchet, Chambaron & Ferrel- Chapus, 2003)
et qui soulèvent l'existence de divers problèmes
méthodologiques dans les travaux de Shea et al. (2001).
3.1 Qu'est ce qui est vraiment appris de manière
incidente ?
Les études conventionnelles ont permis de formuler des
conclusions robustes au sujet de l'apprentissage implicite. C'est pourquoi,
il nous a paru intéressant d'examiner si de telles conclusions
pouvaient se généraliser à de nouveaux cadres
expérimentaux. Dans cette perspective, les études explorant
l'apprentissage moteur implicite dans des tâches de poursuite continue
(Pew, 1974; Exp. 1; ; Shea et al., 2001 ; Wulf & Schmidt, 1997) se
révèlent d'un grand intérêt. Dans ces
différentes recherches, les auteurs ont montré que les
sujets étaient capables d'apprendre inconsciemment les
régularités présentes dans le déplacement de
la cible.
Bien que l'existence de l'apprentissage dans ce genre de
situations ne soit pas surprenant compte tenu du parallèle que l'on
peut faire entre les tâches de poursuite continue
et les autres situations d'apprentissage implicite, et
particulièrement les tâches de TRS (Rosenbaum et al.,
2001), il y a tout de même un point intriguant concernant les
résultats obtenus dans les situations traditionnelles
comparés à ceux obtenus dans les nouvelles situations. En
effet, comme nous l'avons expliqué dans le chapitre
précédent, dans les situations traditionnelles, la
plupart des études font état d'une certaine
quantité de connaissance explicite au sujet des
régularités présentes dans le matériel,
lorsque cette connaissance est mesurée par des tests
post-expérimentaux (e.g. Dulany, Carlson & Dewey,
1984; Perruchet et al., 1997a; Shanks & St. John,
1994; Shanks & Perruchet, 2002). Au contraire, les études
portant sur la poursuite continue de cible laissent apparaître des
résultats différents. En effet, dans leur expérience 1,
Shea et ses collaborateurs indiquent que, les sujets
ont sélectivement amélioré la
précision de leur poursuite sur le segment répété,
bien qu'ils ne soient pas conscients de l'existence de ce segment
répété. Aucun participant ne mentionne l'existence
d'une séquence répétée lorsqu'il est
interrogé dans une interview suite à
l'expérience. De plus, même lorsque l'expérimentateur
demande aux sujets s'ils n'ont pas eu l'impression que « quelque chose
» se répétait, ceux-ci répondent
négativement et sont parfaitement incapables de reconnaître ce
segment répété parmi d'autres segments aléatoires
lors d'un test de reconnaissance à choix forcé. Dans
leur deuxième expérience, ces mêmes auteurs ont
manipulé l'information donnée aux sujets concernant la structure
de la tâche (pour plus de détails, cf. p.34), en
répartissant les sujets en deux groupes : un groupe de sujets est
« informé » de la répétition
d'un segment dans la séquence et l'autre groupe n'est «
pas
informé ». Ainsi, les auteurs
prétendent comparer les performances des sujets dans une
condition explicite (« groupe informé ») versus
dans une condition implicite (« groupe non informé
»). Comme nous l'avons mentionné précédemment,
les auteurs en arrivent à la conclusion selon laquelle les
informations explicites relatives à la structure de la tâche ont
un effet néfaste sur la performance. En fait, il faut se demander si
l'information qu'ils fournissent aux sujets dans la condition explicite
est bien pertinente. En effet, afin de rendre valide la comparaison
entre les deux conditions, l'information fournie au « groupe
informé » doit concerner les régularités qui
sont réellement exploitées dans les conditions
d'apprentissage implicite. Si l'information donnée par
l'expérimentateur concerne d'autres aspects de la situation, les
différences de performance observées entre les deux
conditions peuvent être attribuées aux différences dans
le contenu de la connaissance plutôt qu'à la nature, implicite
versus explicite, de la connaissance acquise. Cependant, Shea & al
n'ont jamais considéré la possibilité que la
différence qu'ils obtiennent entre « groupe informé
» et « groupe non informé » puisse être
due au fait que les deux groupes se soient focalisés
sur des caractéristiques différentes de la tâche. Au
lieu de cela, ils concluent au fait que la connaissance est explicite
dans un cas et implicite dans l'autre.
Les commentaires que nous (Perruchet et al., 2003) avons
apportés tendent à remettre
en question l'existence d'un apprentissage non conscient
dans les tâches de poursuite continue. Les conclusions
formulées par Shea et al. (2001) ne semblent pas fondées
puisque
ces auteurs échouent à identifier ce que les
participants apprennent vraiment de manière incidente.
3.2 Des tests post expérimentaux qui ne sont pas
appropriés
Récemment, nous (Perruchet et al., 2003) avons
suggéré que la divergence de résultats obtenue entre ces
différentes recherches pourrait être due au fait que les
connaissances mesurées par les tests post expérimentaux des
tâches de poursuite continue ne correspondent pas aux connaissances qui
sont responsables de l'amélioration des performances des sujets.
En fait, ces tests post-expérimentaux mesurent
essentiellement deux aspects: (1) le fait que le même segment soit
répété durant la phase de pratique et (2) la
position de ce segment à
l'intérieur de la séquence globale
(c'est-à-dire premier, deuxième ou troisième segment).
Le
même constat peut être fait en observant
les études de Pew (1974) et celles de Wulf & Schmidt
(1997), bien que celles-ci utilisent un timing différent. Il
semble donc que les caractéristiques structurelles que Wulf et ses
collègues prétendent être apprises implicitement
correspondent en fait aux caractéristiques mêmes qu'ils utilisent
pour construire leur situation expérimentale. En procédant ainsi,
ces auteurs s'appuient fortement sur les premiers travaux des investigateurs
de l'apprentissage implicite. Par exemple, Reber, en 1967, disait que
les participants apprenaient la grammaire à état fini en
produisant des chaînes de lettres. Lewicki, Hill & Bizot (1988)
utilisaient des tâches de temps de réaction séquentiel pour
montrer que
les sujets apprenaient les règles sous tendant leurs
séquences. De même, McGeorge & Burton (1989)
prétendaient que les participants n'apprenaient que les chaînes
régulières contenant le chiffre « 3 » ce qui correspond
à la caractéristique cible de leur matériel.
Cependant, nous avons démontré que ni l'un ni
l'autre des deux aspects mesurés par les tests post
expérimentaux de Wulf et ses collègues n'étaient
nécessaires pour que le sujet améliore ses performances. De
plus, nous avons également souligné qu'aucun de ces aspects
n'était appris dans les tâches classiques de TRS. En
effet, dans les tâches de TRS, les participants acquièrent
des connaissances sur des petits « chunks » (i.e fragments)
composés
de 2 ou 3 essais (Buchner et al., 1998; Perruchet
& Amorim, 1992). Cette interprétation s'applique aussi
à d'autres paradigmes conventionnels utilisés en
apprentissage implicite. C'est le cas par exemple pour les tâches de
grammaire artificielle dans lesquelles les résultats indiquent que les
sujets apprendraient essentiellement des bigrammes ou des trigrammes
composants la chaîne de lettres (Perruchet, 1994; Reber & Lewis,
1977). Par conséquent, si une interprétation similaire devait
s'appliquer pour des tâches de poursuite continue, alors les tests
évaluant la connaissance explicite devraient étudier le rappel ou
la reconnaissance de ces chunks plutôt que de se focaliser sur la nature
du segment répété ou sur sa position au sein de
la séquence entière.
Finalement, les conclusions données par les
auteurs travaillant sur le domaine de l'apprentissage moteur implicite
n'apparaissent pas fondées puisque, d'une part, elles
échouent à identifier ce que les participants apprennent
vraiment de manière incidente et d'autre part, les tests post
expérimentaux utilisés ne mesurent pas ce qu'ils
prétendent mesurer réellement. Par conséquent, nous
avons décidé de réanalyser ces études en
nous basant sur
une littérature récente et en utilisant une
méthodologie adéquate afin de voir si, dans ces
conditions, les sujets sont toujours capables d'apprendre
inconsciemment les régularités présentes dans le
déplacement continu d'une cible.
Chapitre 4
Apprentissage d'un segment répété
dans une tâche
de poursuite continue
Les quatre expériences présentées
dans ce chapitre reprennent le même protocole expérimental
que celui utilisé dans les études de Wulf et collaborateurs.
Toutefois, la mise en oeuvre de nos recherches s'effectue au moyen d'une
tâche de poursuite continue de cible
(i.e tracking.) de cible sur
écran d'ordinateur au moyen d'une souris, en lieu et place
d'un joystick ou d'un stabilomètre. Les sujets ont pour tâche de
poursuivre une cible qui se déplace horizontalement sur un écran
d'ordinateur. Chaque essai est divisé en trois segments (S1, S2 et S3),
avec le segment du milieu (S2) qui est répété durant toute
la session tandis que le premier (S1) et le troisième (S3) segment sont
générés aléatoirement. D'autres aspects
diffèrent entre
nos études et celles de Wulf et collaborateurs, à
savoir : le matériel utilisé, les paramètres des
temps de déplacement de cible ou bien encore le nombre
d'essais d'entraînement. En effet, nous n'avons pas essayé de
répliquer une expérience spécifique.
Dans une première série composée de trois
expériences, nous avons exploré l'influence
de différents facteurs sur l'apprentissage moteur
implicite en utilisant une séquence répétée propre
à chaque sujet (expérience 1), en augmentant la longueur de la
phase d'entraînement (expérience 2) et en manipulant la
vitesse de déplacement de la cible (expérience 3). La
quatrième expérience reprend quant à elle le
même protocole que celui utilisé dans nos
premières expériences mais en utilisant cette
fois une seule séquence répétée pour tous
les
sujets, comme c'est le cas dans la plupart des études de
Wulf et collaborateurs.
Deux hypothèses récurrentes vont être
testées sur les quatre expériences présentées
dans
ce chapitre. Tout d'abord, la première hypothèse
vise à mettre en évidence un apprentissage moteur implicite
dans une tâche de poursuite de cible continue. Cet apprentissage
doit se traduire par une évolution différente des performances
sur le segment répété comparativement
à celles obtenues sur les segments
aléatoires, avec des performances meilleures sur les segments
répétés. Par « meilleures performances », il
faut entendre d'une part, que l'erreur de position entre le pointeur de la
souris et la cible mouvante est minimisée sur les segments
répétés, et d'autre part, que la mesure du temps
pendant lequel le pointeur est situé à l'intérieur
de la cible est quant à lui maximisé pour les segments
répétés.
Afin de faciliter la compréhension, nous
emploierons le terme « apprentissage » lorsqu'il s'agit de
l'apprentissage de la séquence répétée, sinon
nous utiliserons le terme d'« amélioration non
spécifique » des performances pour désigner la
part d'évolution commune aux segments répétés et
aléatoires.
Alors que notre première hypothèse est directement
testée à partir des mesures issues de
la phase de pratique, la vérification de notre seconde
hypothèse porte quant à elle sur le test de reconnaissance. En
effet, nous supposons que les sujets reconnaissent mieux le segment
répété (déjà vu) comparativement à
des segments aléatoires (jamais vus). Cela doit se traduire
par des scores, sur une échelle de reconnaissance,
plus élevés pour les segments déjà vus
comparativement aux segments jamais vus.
4.1 Expérience 1
Dans cette première expérience, nous avons
utilisé un segment répété S2 propre à
chaque sujet (contrairement à Wulf et collaborateurs qui utilisent un
seul segment répété pour tous les sujets) afin de
contrôler la complexité de la séquence
répétée.
4.1.1 Méthode
Sujets
Dix-huit étudiants volontaires (15 filles et 3
garçons) de l'Université de Bourgogne inscrits en
première année de Psychologie ont participé à
cette expérience. Tous étaient droitiers et avaient une
vision normale ou parfaitement corrigée. Aucun d'entre eux n'avait de
connaissance préalable concernant la tâche. Ils
n'étaient nullement informés du but de
l'expérience.
Matériel
La présentation des stimuli, l'enregistrement du temps et
des données sont implémentés
sur un ordinateur de type PC équipé d'un
écran couleur de « 14 pouces » avec une résolution
de 1024 x 768 pixels. Les sujets sont assis face à
l'écran, à une distance d'environ 65 cm. Un programme en C++,
spécialement développé pour nos recherches, enregistre en
temps réel les mouvements de la cible à une fréquence de
200 Hz et affiche celle-ci sur l'écran. La cible est
un rond bleu de 1 cm de diamètre (soit 40 pixels) qui se
déplace horizontalement sur l'écran. Les sujets utilisent une
souris optique pour pister la cible. Seuls les déplacements
horizontaux
du pointeur de souris (un point noir de 5 mm de diamètre)
sont permis. La souris est calibrée
de manière à ce que 1 centimètre
de déplacement de la souris sur le tapis corresponde exactement
à 6 centimètres de déplacement sur l'écran. La
position du pointeur de souris est enregistrée à une
fréquence de 200-Hz afin d'être utilisée dans des analyses
ultérieures.
Stimuli
Dans l'étude de Shea et al. (2001), la cible se
déplace selon un pattern composé de trois segments de
durée identique de 25 secondes. Chaque segment est obtenu
à partir d'une équation composée d'une série
sinus cosinus de la forme suivante :
(i)= b0 + a1 sin () + b1 cos () + a2 sin (2) + b2 cos (2)
+
a3 sin (3) + b3 cos (3) + a4 sin (4) + b4 cos (4) +
a5 sin (5) + b5 cos (5) + a6
sin (6) + b6 cos (6)
où (i) = 2 (i + )/(freq * tps) Avec :
É « freq » est la fréquence
d'enregistrement des données, soit 40 Hz,
É « tps » est la durée d'un segment, soit
25 secondes,
Cette équation permet de calculer l'angle
(i) du stabilomètre par rapport à l'horizontale. Les
valeurs de (i) sont comprises dans l'intervalle [-15° ; +15°] afin
que les sujets puissent rester en équilibre sur le plateau du
stabilomètre sans chuter. Les coefficients
(a1 - a6) et (b1 - b6) du second segment sont tirés de
Wulf & Schmidt (1997). Le coefficient final b0 est calculé de
manière à ce que les valeurs maximales et minimales de l'angle
(i) soient symétriques par rapport à zéro dans
l'intervalle [-15° ; +15°]. De plus, un déphasage à
l'origine est ajouté dans l'équation afin que le
segment démarre et se termine avec une valeur de (i) = 0
(stabilomètre horizontal). Les coefficients utilisés pour ce
second segment sont =35°, b0=-1.52, a1 = -4.0, b1 = 3.0, a2 = -4.0, b2 =
-3.6, a3 = 3.9, b3 = 4.5, a4=0.0, b4
= 1.0, a5 = -3.8, b5=-0.5, a6 = 1.0 et b6 = 2.5.
Les coefficients du premier et du troisième segment
sont, quant à eux, générés
aléatoirement avec les critères suivants : (1) les coefficients
sont des nombres compris entre -
5 et +5 et (2), il n'y a pas plus de 10% de différence
entre les maxima (ou les minima) des courbes des trois segments. Ce dernier
critère est employé pour vérifier qu'il ne se produit
pas
de grands changements dans l'amplitude de la cible
entre les différents segments. Comme pour le segment
répété, le coefficient b0 et le déphasage à
l'origine sont ensuite évalués de manière à ce
que les segments soient parfaitement symétriques d'une part et
débutent et finissent à l'origine d'autre part.
Enfin, pour garantir que les transitions entre les
différents segments ne sont pas détectées par les
sujets, Shea et al. (2001) ont rajouté un critère
supplémentaire portant sur les pentes des segments : les pentes
à la fin d'un segment et au début du segment suivant
ne doivent pas être différentes de plus de 10 %. Ceci
permet donc d'assurer des transitions
« douces » entre d'une part la fin du segment
S1 aléatoire et le début du segment
répété S2 et
d'autre part entre la fin de ce même segment
répété S2 et le début du segment S3
aléatoire, rendant impossible la détection du segment
répété.
Dans notre expérience, la cible se déplace
horizontalement sur l'écran selon un pattern composé de trois
segments de durée identique de 12 secondes. Pour chacun des segments, le
déplacement de la cible est régi par une équation
composée d'une série de sinus cosinus de la forme :
(i)= b0 + a1 sin () + b1 cos () + a2 sin (2) + b2 cos (2)
+
a3 sin (3) + b3 cos (3) + a4 sin (4) + b4 cos (4) +
a5 sin (5) + b5 cos (5) + a6 sin (6) + b6 cos (6)
où (i) = 1.5 (i + )/ (freq * temps) avec freq=200Hz et
tps=12s.
Comme précédemment, ces valeurs (i) sont
comprises dans l'intervalle [-15; +15] mais correspondent ici à la
position horizontale de la cible sur l'écran. Ainsi, la valeur -15
représente le bord gauche de l'écran, la valeur 0
représente le centre de l'écran et la valeur
+15 représente le bord droit de l'écran.
Chacun des trois segments (S1, S2 et S3)
possède ses propres coefficients ai et bi. Cependant, les
coefficients pour les segments aléatoires S1 et S3
diffèrent à chaque essai, tandis que les coefficients pour le
segment répété S2 demeurent identiques au fil des essais
pour un sujet donné (autrement dit S2 propre à chaque sujet).
Les coefficients (a1 - a6) et (b0 -
b6) pour les trois segments sont calculés pour
chaque sujet avant que l'expérience ne commence, selon les
mêmes critères que ceux utilisés par Shea et al. (2001)
c'est-à-dire (1)
les coefficients sont compris dans l'intervalle [-5 ;+5], (2) les
maxima (et les minima) entre
les segments ne diffèrent pas plus de 10 %,
(3) les courbes sont symétriques par rapport à l'origine
(centre de l'écran). Par contre, nous avons modifié les
critères de génération du déphasage afin de
nous assurer que la séquence répétée ne
puisse pas être repérable. En effet, l'équation
proposée par Shea et al. (2001) possède une période de 2
ce qui entraîne qu'un segment (aléatoire ou
répété) commence et finit toujours à
l'origine, ce qui est potentiellement détectable. Dans notre cas,
nous souhaitons que chaque segment puisse
commencer et finir à des positions
différentes. En particulier, le début du segment aléatoire
S1
et la fin du segment aléatoire S3 sont positionnés
au centre de l'écran mais par contre le début
et la fin du segment répété S2 sont
différents et positionnés aléatoirement sur l'axe
horizontal.
Il est donc indispensable de modifier l'équation
utilisée de manière à ce qu'elle ne soit plus
périodique. Pour cela, nous utilisons seulement une partie (1.5 au
lieu de 2 ) du signal périodique (i) afin de rendre la
position de la cible à la fin d'un segment indépendante de sa
position de départ
Enfin, une dernière contrainte a été
rajoutée sur les pentes au début et à la fin
des segments et en particulier du segment répété S2. Les
pentes aux extrémités du segment répété sont
égales à zéro, ce qui implique un changement de
direction dans le déplacement de la cible aux frontières de
S2.
La Figure 4.1 (présentée ci-après) est
une illustration du déplacement de la cible lors de cinq essais
consécutifs effectués par un même sujet. Nous
pouvons remarquer que les segments aléatoires S1 et S3 sont tous
différents les uns des autres tandis que le segment S2 est toujours
identique et se répète durant les cinq essais. Tous les essais
commencent (début de
S1) et se terminent (fin de S3) au centre de l'écran,
c'est-à-dire à la position 0. Dans l'exemple
présenté sur la figure ci-dessous, le segment
répété S2 débute du côté gauche de
l'écran (à la position -9.48), se termine du
côté droit (à la position 4.40) respectant ainsi
les conditions énoncées précédemment.
Procédure
Les participants voient un rond bleu (la cible) qui se
déplace horizontalement sur l'écran d'ordinateur (le fond
d'écran étant gris). Ils ont pour consigne de placer le pointeur
de souris
le plus précisément possible au centre de
cette cible et de la poursuivre. Ils ne sont pas informés de la
présence d'un segment répété.
La phase de pratique comprend 12 essais de 36 secondes chacun,
séparés par une pause d'environ 10 secondes. Chacun des essais
est composé de trois segments de 12 secondes. Le premier (S1) et le
troisième segment (S3) sont générés de
manière aléatoire et diffèrent à chaque essai.
Aucun de ces segments aléatoires n'est réutilisé au
cours de l'expérience. Au
contraire, le deuxième segment (S2) est
identique d'essai en essai pour un sujet donné, mais il
diffère pour chaque sujet (c'est pourquoi on parle de
« S2 propre à chaque sujet »).
Bord gauche
de l'écran
Centre de
l'écran
Bord droit
de l'écran
-15 -10 -5 0 5 10 15
0
4
S1
8
12
16
S2
Temps (s)
20
24
28
S3
32
36
Figure 4.1 : Exemple de déplacement de la cible durant
5 essais consécutifs effectués par un même
sujet. Chaque essai est composé de deux segments
aléatoires (S1 et S3) et d'un segment répété
(S2)
d'une durée de 12 secondes chacun. L'axe horizontal
représente la position de la cible sur l'écran
et l'axe vertical représente le temps
Après cette phase de pratique, les sujets font une
pause de 2 minutes puis un test de
reconnaissance leur est proposé. Ce test de
reconnaissance comprend 8 essais successifs. Parmi ces essais, se trouvent
4 segments aléatoires qui n'ont jamais été vus par les
sujets en phase de pratique et 4 segments
répétés déjà vus par les sujets.
Ces quatre essais correspondent soit au segment
répété S2 dans son intégralité, soit
à 3 fragments de ce segment. En effet, un découpage du
segment répété en trois fragments A, B et C est
effectué. Dans l'exemple représenté sur la Figure
4.2, le segment répété S2 a été
découpé en trois fragments A, B et C de durées
respectives 4.26 secondes, 3.56 secondes et 4.18 secondes.
Bord gauche
de l'écran
Centre de
l'écran
Bord droit
de l'écran
-15 -10 -5 0 5 10 15
0
2 Fragment A
4
4.26
Temps (s)
6
7.82
8
10
12
Fragment B
Fragment C
Figure 4.2 : Représentation du déplacement
de la cible sur l'écran sur le segment répété
S2. Ce
segment d'une durée de 12 secondes est
découpé en 3 fragments A, B, C
Ce découpage est obtenu selon le principe suivant : un
premier découpage arbitraire en
3 parties de durée identique (4 secondes) est
d'abord réalisé. Ensuite, un repérage des changements
de direction est effectué autour de ces points afin d'affiner ce
fractionnement. Ceci permet donc de faire coïncider les fragments A, B et
C avec des mouvements complets
de durée approximativement égales.
Les sujets ont pour consigne d'observer, sur l'écran
d'ordinateur, le déplacement de la cible bleue sans effectuer aucune
poursuite. Après cette observation, ils doivent noter sur une
échelle en dix points leur impression de «
déjà vu » : la note 0 indique que le sujet est
absolument sûr de ne jamais avoir vu ce déplacement; à
l'opposé, le note 9 indique que le sujet est certain d'avoir
déjà vu ce déplacement.
Recueil et analyse des données
Pour l'ensemble des expériences réalisées,
les coordonnées de la souris et du centre de
la cible (avec une précision spatiale du pixel) sont
collectées par l'ordinateur à une fréquence
de 200 Hz pendant la durée totale des essais.
Nous sommes intéressés aux deux variables
dépendantes suivantes :
É La RMSE (Root Mean Square Error ou erreur
quadratique moyenne) entre la position du pointeur de souris et la position
réelle de la cible s'exprime en nombre
de pixels.
É Le temps sur cible, exprimé en pourcentage de
la durée totale d'un essai, est défini comme le temps pendant
lequel le pointeur de souris est situé à
l'intérieur de la cible.
4.1.2 Résultats
Phase de pratique
La Figure 4.3 illustre l'évolution des deux
variables dépendantes au fil des essais, permettant ainsi de
comparer les performances obtenues sur le segment répété
(en trait plein
sur la figure) par rapport à celles obtenues sur
les segments aléatoires (en pointillés sur la
figure).
46
Répété
44 Aléatoire
42
40
38
36
RMSE (pixels)
34
32
30
28
e1 e2 e3 e4 e5 e6 e7 e8 e9 e10 e11 e12
Essais
56
54
52
Temps sur cible (%)
50
48
46
44
42
40 Répété
Aléatoire
38
e1 e2 e3 e4 e5 e6 e7 e8 e9 e10 e11 e12
Essais
Figure 4.3 : Evolution de la RMSE et du temps sur cible au
fil des essais pour les segments répétés
et aléatoires dans l'expérience 1. Des valeurs
faibles pour la RMSE et des valeurs importantes pour le temps sur cible
traduisent les meilleures performances.
D'un point de vue descriptif, une amélioration des
performances (diminution de la
RMSE et augmentation du temps sur cible) est observée au
fil des essais. Cette amélioration
est très importante entre le premier et le deuxième
essai, puis elle tend à se stabiliser par la
suite. De plus, les performances évoluent de
manière identique sur les deux types de
segments, ce qui traduit une absence d'apprentissage de la
séquence répétée.
La RMSE et le temps sur cible ont été soumis a
une analyse de variance (ANOVA) 12 (nombre d'essais) X 2 (type de segments :
répété vs. aléatoires). Pour le segment
répété, la RMSE est calculée sur S2, tandis que
pour les segments aléatoires, elle est calculée sur les segments
S1 et S3.
L'analyse statistique effectuée sur ces données
laisse apparaître un effet significatif des essais aussi bien pour la
RMSE (F(11,187)=12.33; p<.001) que pour le temps sur cible
(F(11,187)=6.76; p<.001), ce qui traduit une amélioration non
spécifique des performances. Par contre, aucun effet significatif
du type d'essai ne ressort (F(1,17)=.08; p=.779 pour la RMSE et
F(1,17)=.11; p=.735 pour le temps sur cible), Enfin, aucun
apprentissage de la séquence répétée n'existe car
il ne ressort aucun effet significatif de l'interaction essais X type
de segment pour les deux variables (F(11,187)=.49;
p=.904 et F(11,187)=.51; p=.896). Ces résultats indiquent donc que
les performances des participants se sont améliorées au fil des
essais de la phase de pratique. Cependant, ils n'ont pas pu tirer de
bénéfice de la structure de
la répétition pour réaliser un
apprentissage.
Test de reconnaissance
Dans le but de comparer le degré de reconnaissance
porté par les sujets aux différents segments, nous avons
moyenné d'une part les notes attribuées aux 4 segments
répétés (vus) et d'autre part les notes attribuées
aux 4 segments aléatoires (non vus). Une analyse de variance mettant en
oeuvre le plan d'analyse S18 * T2 avec S représentant le nombre de
sujets et T le type de fragment avec deux modalités (vus vs non vus) est
réalisée.
La Figure 4.4 représente le degré de
reconnaissance des segments vus et des segments non vus. Les moyennes des notes
attribuées aux segments répétés (5.72) sont
supérieures à celle des segments aléatoires (5.13).
Cependant, l'analyse statistique effectuée ne révèle
pas
de différence significative entre les différents
types de segments : F(1,17) = 1.11 ; p=.307.
8
7.5
Degré de reconnaissance
7
6.5
6
5.5
5
4.5
4
3.5
3
Vus Non Vus
Type de segments
Figure 4.4 : Degré de reconnaissance des
différents types de segments. Les barres d'erreurs
représentent l'écart type de la
moyenne.
Finalement, le test de reconnaissance ne laisse
apparaître aucun résultat significatif, c'est-à-dire que
les segments répétés ne sont pas mieux reconnus que les
segments aléatoires.
4.2 Expérience 2
Lors de notre première expérience, nous
n'avons pas réussi à répliquer les résultats
obtenus dans les études antérieures d'apprentissage moteur
implicite. Ceci peut être dû à un certain nombre de causes,
et une possibilité à explorer concerne la quantité de
pratique. En effet, dans notre première expérience, nous avons
employé seulement 12 essais d'entraînement par session, tandis que
Wulf et collaborateurs ont entraîné leurs sujets pendant quatre
jours (avec un nombre d'essais par jour allant de 14 dans l'étude de
Shea et al. (2001), expériences 1 et 2, jusqu'à 120 essais dans
l'étude de Wulf & Schmidt, 1997, expérience 2). Cette
deuxième expérience reste similaire à l'expérience
1, sauf que cette fois, les sujets ont pratiqué la tâche de
poursuite continue durant quatre jours consécutifs, avec 20
essais par jour.
4.2.1 Méthode
Sujets
Six étudiants volontaires de l'Université de
Bourgogne (3 filles et 3 garçons) inscrits en filière
informatique ont participé à cette expérience. Aucun de
ces sujets n'avait participé à l'expérience
précédente. Tous avaient une vision normale ou parfaitement
corrigée.
Matériel, Stimuli et Procédure
Le matériel, les stimuli et la procédure
sont identiques à ceux de l'expérience 1. Cependant, les
participants sont maintenant entraînés pendant 4 jours
consécutifs au lieu d'un seul jour. Chaque jour, la phase de pratique
comprend deux séries de 10 essais (S1 aléatoire,
S2 répété, S3
aléatoire) de 36 secondes. Ces deux séries sont
séparées par une pause d'environ
cinq minutes.
4.2.2 Résultats
Phase de pratique
Pour effectuer une analyse statistique sur l'ensemble
des données de la phase de pratique, nous avons réduit
le nombre de ces données en moyennant par jour. De
manière identique à l'expérience précédente,
l'analyse porte sur les mêmes variables dépendantes, à
savoir la RMSE sur la position et le temps sur cible.
L'évolution de ces deux variables dépendantes au
fil des jours est illustrée sur la Figure
4.5 ce qui nous permet de comparer les performances
obtenues sur les deux types de segments. De manière identique
à l'expérience 1, une amélioration non
spécifique des performances s'observe au fil des jours. Celle-ci est
quasi identique sur les segments répétés
et aléatoires, ce qui traduit, là encore, une
absence d'apprentissage de la séquence répétée. De
manière générale, la RMSE est plus faible que celle
trouvée dans l'expérience 1 et le temps
sur cible est quant à lui plus élevé. Cette
différence est vraisemblablement due à l'échantillon
de sujets impliqués dans ces deux
expériences. En effet, l'expérience 1 (ainsi que les
expériences suivantes présentées
ultérieurement) est réalisée par des étudiants de
psychologie
alors que cette expérience est réalisée par
des étudiants en informatique qui sont plus habitués
à utiliser la souris dans leur travail quotidien.
Le passage du premier jour au deuxième jour se
caractérise par une amélioration des performances. Par la suite,
celles-ci stagnent, voire diminuent, entre le deuxième et
troisième jour. Enfin, une nouvelle amélioration, plus
faible que la première, est observée entre le
troisième et le quatrième jour.
21.0
20.5
20.0
Répété
Aléatoire
19.5
RMSE (pixels)
19.0
18.5
18.0
17.5
17.0
16.5
16.0
j1 j2 j3 j4
Jours
79
78
77
Temps sur cible (%)
76
75
74
73
72
71 Répété
Aléatoire
70
j1 j2 j3 j4
Jours
Figure 4.5 : Evolution de la RMSE et du temps sur cible au
fil des quatre jours de pratique pour
les segments répétés et
aléatoires dans l'expérience 2.
Le plan d'analyse utilisé est le suivant : S6
* J4 * T2 avec S le nombre de sujets, J
le
nombre de jours de pratique et T le type de segment
avec deux modalités (« répété » et
« aléatoire »).
D'un point de vue statistique, seul un effet
significatif des jours de pratique ressort (F(3,15)=7.68; p<.002 pour
la RMSE et F(3,15)=5.84; p<.007 pour le temps sur cible), ce qui indique que
les participants ont amélioré leur exécution au cours de
la pratique.
Par contre, il n'existe pas de différence de
performances entre les deux types de segments (F(1,5)=1.14; p=.333 et
F(1,5)=.40; p=.553). En effet, l'écart de performances entre
les segments répétés et aléatoires
est minime (1 pixel d'erreur pour la RMSE et 1.5 % pour le temps sur cible
environ). De même, l'interaction jour x type de segment n'est pas
significative (F(3,15)=.20; p=.893 et F(3,15)=.55; p=.655), indiquant que la
différence entre les segments répétés et
aléatoires n'a pas augmenté au fil des jours. L'apprentissage de
la séquence répétée n'est donc pas
vérifié.
En conclusion, ces résultats montrent que notre
échec, dans l'expérience 1, à répliquer
les résultats obtenus dans les études
antérieures d'apprentissage moteur implicite n'était pas
dû à une quantité insuffisante de
pratique.
Test de reconnaissance
Ce test de reconnaissance est identique à celui
effectué dans l'expérience 1. Une ANOVA de la forme S6 * T2
est réalisée dans le but de comparer le degré de
reconnaissance entre les segments répétés et
aléatoires.
Les notes attribuées aux segments
déjà vus sont légèrement supérieures
(5.46) comparativement à celles attribuées aux segments
aléatoires (5.17) comme l'illustre la Figure 4.6.
Cependant, l'analyse statistique effectuée ne
révèle pas de différence significative entre
les différents types de segments : F(1,5)=1.17; p=.328
montrant une fois encore que les sujets sont incapables de reconnaître
les segments qui leur sont présentés.
8
7.5
D egré de reconnaissance
7
6.5
6
5.5
5
4.5
4
3.5
3
Vus Non Vus
Type de segments
Figure 4.6 : Degré de reconnaissance des
différents types de segments. Les barres d'erreurs
représentent l'écart type de la
moyenne.
4.3 Expérience 3
Cette expérience explore l'influence des paramètres
de temps. En effet, dans les études
de Wulf et collaborateurs, la durée d'un essai variait
entre les expériences (15 s chez Wulf et
Schmidt, 1997, Exp. 2 ; 30 s chez Wulf et Schmidt, Exp. 1 ; ou
bien encore 75 s chez Shea et
al. (2001), expérience 1 et 2). Dans nos
expériences 1 et 2, nous avions fixé la durée d'un essai
à 36 s. Cette troisième expérience reste semblable
à l'expérience 1, sauf que la durée d'un essai a
été raccourcie de 36 s à 15 s, et le nombre d'essais a
été augmenté de 12 à 24.
4.3.1 Méthode
Sujets
Vingt-quatre étudiants en Psychologie (19 filles
et 5 garçons) de l'Université de Bourgogne ont
été recrutés pour cette étude. Aucun d'entre
eux n'avait d'expérience antérieure avec la tâche. Tous
avaient une vision normale ou parfaitement corrigée.
Matériel, Stimuli et Procédure
Le matériel, les stimuli et la procédure sont
identiques à ceux utilisés précédemment ; sauf que
cette fois, la durée totale de chaque essai est de 15
secondes. Les participants pratiquent la tâche de poursuite continue
durant 24 essais par session.
4.3.2 Résultats
Phase de pratique
La RMSE moyenne est nettement plus
élevée que dans les deux expériences
précédentes, et le temps sur cible est quant à lui
beaucoup plus faible. Le fait d'augmenter la vitesse de déplacement de
la cible a vraisemblablement augmenté la difficulté de poursuite
et ceci dans des proportions notables.
La Figure 4.7 illustre l'évolution de la RMSE et du temps
sur cible au fil des 24 essais
de pratique. D'un point de vue descriptif, nous
pouvons observer une amélioration des performances au fil des
essais se traduisant par une diminution de la RMSE et par une
augmentation du temps sur cible. Là encore, les performances
évoluent de manière identique
sur les deux types de segments répété et
aléatoire.
Une ANOVA avec le nombre d'essais (24) X le type de segments
(répété vs. aléatoires)
est réalisée sur la RMSE et sur le temps
sur cible. D'un point de vue statistique, un effet significatif des
essais est observé pour la RMSE (F(23,529)=3.01; p<.001), et pour le
temps
sur cible (F(23,529)=4.36; p<.001), traduisant ainsi une
amélioration non spécifique des performances au fil des
essais.
La précision de la poursuite semble être
meilleure pour le segment aléatoire que pour le segment
répété comme l'atteste la Figure 4.7. Ceci est ne va pas
dans le sens de ce qui a pu être observé lors de nos
expériences précédentes. Néanmoins, cette
différence n'atteint pas le seuil de significativité
(F(1,23)=1.42; p=.241 pour la RMSE et F(1,23)=3.25; p=.082 pour le temps sur
cible) et ne change pas notablement au fil des essais, comme le prouve
l'absence
d'interaction significative entre les essais et le type de
segment (F(23,529)=1.39; p=.106 pour
la RMSE et F(23,529)=1.47; p=.073 pour le temps sur cible).
170
165
Répété
Aléatoire
160
155
RMSE (pixels)
150
145
140
135
130
125
120
e1 e3 e5 e7 e9 e11 e13 e15 e17 e19 e21 e23
Essais
15
Répété
14 Aléatoire
13
12
11
10
Temps sur cible (%)
9
8
7
6
e1 e3 e5 e7 e9 e11 e13 e15 e17 e19 e21 e23
Essais
Figure 4.7: Evolution de la RMSE et du temps sur cible au fil
des essais pour les segments répétés
et aléatoires dans l'expérience 3.
Test de reconnaissance
Le plan d'analyse utilisé est le suivant : S24 * T2 avec
S représentant le nombre de sujets
et T le type de segment avec deux modalités (vus vs non
vus).
La Figure 4.8 indique que les moyennes des notes
attribuées aux segments déjà vus
(5.96) sont supérieures à celles des segments non
vus (5.18). Cependant, l'analyse statistique effectuée ne confirme pas
cette observation. Aucune différence significative n'apparaît
entre
les segments vus et les segments non vus (F(1,23)=1.84;
p=.187).
8.5
8
Degré de reconnaissance
7.5
7
6.5
6
5.5
5
4.5
4
3.5
3
Vus Non Vus
Type de segment
Figure 4.8 : Degré de reconnaissance des
différents types de segments. Les barres d'erreurs
représentent l'écart type de la
moyenne.
4.4 Discussion sur les expériences 1, 2 et 3
L'expérience 1 a échoué à mettre en
évidence une amélioration sélective de la
précision
de poursuite sur le segment répété. Les
expériences 2 et 3 ont prouvé que cet échec n'était
pas
dû à une quantité insuffisante de pratique.
En effet, aucun apprentissage n'a été observé que
ce soit en augmentant l'entraînement avec 4 jours
consécutifs de pratique (expérience 2) ou bien en doublant le
nombre d'essais dans une session (expérience 3). De plus, augmenter la
vitesse de déplacement de la cible dans l'expérience 3
n'a pas donné de résultats plus satisfaisants. De
façon générale, en mettant en commun les
résultats issus de ces trois expériences, on
s'aperçoit que la différence dans les performances entre le
segment répété et
les segments aléatoires est tout à fait
négligeable (différence moyenne de RMSE de
2.66 pixels soit moins d'un millimètre, et de 1.34
% pour le temps sur cible) et que les
performances ont tendance à être meilleures sur
les segments aléatoires ; résultats qui vont à l'encontre
de ce que nous supposions au départ. Par contre, les résultats
issus des trois tests de reconnaissance, même s'ils ne sont pas
statistiquement significatifs, indiquent que les sujets
ont tendance à mieux reconnaître les segments
déjà vus (note moyenne de 5.71) que les segments
aléatoires (note moyenne de 5.16).
Une différence entre nos expériences et les
expériences réalisées antérieurement repose
sur l'effecteur impliqué dans les tâches.
Nous avons utilisé une souris pour réaliser notre
tâche de poursuite continue, tandis que les études
antérieures utilisaient soit un levier manuel (Pew, 1974; Wulf &
Schmidt, 1997) soit un stabilomètre (Shea et al, 2001). La
littérature sur l'apprentissage moteur indique que les lois de
l'apprentissage peuvent différer en fonction du système moteur
impliqué dans la tâche. En particulier, Wulf & Shea (2002) ont
montré que
les principes dérivés de l'étude
d'habiletés simples ne se généralisent pas toujours
à l'apprentissage d'habiletés plus complexes. Cependant, il
parait difficile d'expliquer notre présent pattern de
résultats en se basant uniquement sur cette dichotomie entre
tâches motrices simples versus complexes. En effet,
l'expérience utilisant le levier manuel a été
conçue pour impliquer seulement un degré de liberté
(flexion/extension du coude), propriété
qui la définit en tant que « tâche simple
» si l'on se réfère aux travaux de Wulf & Shea. Au
contraire, le stabilomètre employé par Shea & al se trouve
exactement à l'opposé puisque sa commande exige de bouger le
corps entier (il s'agit donc d'une « tâche complexe »). Il
est donc possible de penser que la commande d'une souris constitue un
intermédiaire le long de cette dimension de complexité entre
tâches simples et complexes. Dans ce cas, l'argument consistant
à dire que notre échec à obtenir un apprentissage
implicite du segment répété serait
dû à l'emploi d'une souris ne tient pas,
puisque selon Wulf et collaborateurs, un tel apprentissage se produit
avec l'utilisation de périphériques renvoyant tantôt
à une tâche simple (le levier) tantôt à une
tâche complexe (le stabilomètre).
Une autre différence entre nos expériences et les
expériences antérieures se situe dans le choix du segment
répété. Nous avons utilisé la même fonction
trigonométrique pour générer
le déplacement de la cible que celle
utilisée dans les études de Wulf et collaborateurs.
Cependant, alors que nous avons utilisé un ensemble
différent de paramètres pour chaque sujet (S2 propre
à chaque sujet), Wulf et collaborateurs ont employé un ensemble
unique de
paramètres pour une expérience donnée
(S2 identique pour tous les sujets). De plus, ce
même
ensemble de paramètres a été
employé dans plusieurs expériences (Wulf et Schmidt, 1997,
Exp. 1, condition AMP ; Shea et al., 2001, expériences 1 et
2). Le fait d'utiliser un seul segment répété pour
tous les sujets est une méthode discutable. En effet, il n'est pas exclu
que
les segments répétés et
aléatoires diffèrent en ce qui concerne leurs
caractéristiques inhérentes. Dans la plupart des études
sur l'apprentissage implicite, (dans les tâches de TRS,
par exemple Shanks et Perruchet, 2002), le choix d'une
séquence répétée est contrebalancée entre
les groupes, afin de s'assurer qu'aucune différence éventuelle
dans la performance ne soit due aux caractéristiques spécifiques
de la séquence répétée plutôt qu'à la
répétition.
Le segment répété employé dans
la plupart des études de Wulf et collaborateurs (ci-
après désigné sous le nom de segment
répété standard) n'est-il pas doté de
caractéristiques particulières ? Nous savons que la
difficulté de poursuite change en partie en fonction de la vitesse et de
l'accélération de la cible. Nous avons calculé la vitesse
moyenne (c'est-à-dire la dérivée première) et
l'accélération moyenne (c'est-à-dire la
dérivée seconde) de la cible pour
le segment répété standard. Ensuite, nous
avons calculé les mêmes valeurs pour 10 000 séries
aléatoirement produites, en utilisant les contraintes
impliquées dans la génération de nos segments et de
ceux de Wulf et collaborateurs. Nous constatons alors que seulement 22% des
segments aléatoirement produits ont une vitesse moyenne
égale ou supérieure à la vitesse moyenne du segment
répété standard. De plus, seulement 15.95% des segments
aléatoirement produits ont une accélération moyenne
égale ou supérieure à l'accélération
moyenne du segment répété standard. Ainsi, si on prend la
vitesse et l'accélération de la cible en tant que mesures
approximatives de la facilité de poursuite, il s'avère qu'il est
plus difficile de pister plus de 80% des segments aléatoirement produits
comparés au segment répété standard. Ceci
suggère qu'au moins une partie de l'apprentissage mis en évidence
dans les études antérieures
est dû au choix du segment répété.
Dans l'expérience 4, nous allons utiliser ce segment
répété standard tout en conservant
la procédure générale employé dans
l'expérience 1. Si nous parvenons à mettre en évidence une
différence d'apprentissage entre les segments
répétés et aléatoires dans ces conditions,
ceci indiquerait qu'au moins une partie des résultats positifs obtenus
antérieurement serait due
au choix d'un segment répété
biaisé.
4.5 Expérience 4
Cette expérience a pour but d'explorer
l'hypothèse selon laquelle une partie des démonstrations
antérieures (Wulf & Schmidt, 1997 ; Shea & al, 2001) mettant en
évidence un apprentissage implicite dans les situations de poursuite
continue serait due à l'utilisation d'un segment
répété qui serait plus facile à pister que la
plupart des segments aléatoires.
Dans cette expérience, nous avons donc employé
le même segment répété standard que celui
utilisé dans la plupart de ces études, et ce pour tous
les sujets (contrairement à nos expériences dans lesquelles
le segment répété était propre à chaque
sujet). En dehors de cette modification, la procédure
générale demeure identique à celle utilisée dans
les expériences 1,
2 et 3.
4.5.1 Méthode
Sujets
Vingt deux étudiants de Psychologie (18 filles
et 4 garçons) ont été recrutés pour
participer à l'étude. Les participants n'avaient pas
d'expérience antérieure avec la tâche. Tous avaient une
vision normale ou parfaitement corrigée.
Matériel, Stimuli et Procédure
Le matériel et les stimuli sont identiques
à ceux employés dans l'expérience 1. La
procédure est également identique à celle de
l'expérience 1, avec une phase de pratique comprenant douze essais
de 36 s, séparés chacun par une pause de 10 secondes.
Cependant,
ici le segment répété est le même
pour tous les sujets. Les coefficients pour ce segment (i.e le segment
répété standard) sont ceux utilisés
dans la plupart des études de Wulf et collaborateurs. Il
s'agit de : b0=-1.52, a1 = -4.0, b1 = 3.0, a2 = -4.0, b2 = -3.6, a3 = 3.9, b3
=
4.5, a4=0.0, b4 = 1.0, a5 = -3.8, b5=-0.5, a6 = 1.0, b6 = 2.5 et
=35°. La Figure 4.9 représente
le déplacement de la cible sur le segment standard
répété en utilisant ces coefficients dans
l'équation sinus cosinus décrite au paragraphe 4.1.1. De plus, ce
segment répété est découpé
en trois fragments A, B et C comme nous l'avons
déjà fait dans nos expériences
précédentes.
Ces trois fragments sont utilisés lors du test de
reconnaissance.
Bord gauche
de l'écran
Centre de
l'écran
Bord droit
de l'écran
Fragment A
3.72
Fragment B
8.33
Fragment C
12
Temps (s)
Figure 4.9: Représentation du déplacement de la
cible sur l'écran calculé à partir du segment
répété standard utilisé par Wulf
et collaborateurs. Ce segment d'une durée de 12 secondes est
découpé en 3 fragments A, B et C.
4.5.2 Résultats
Phase de pratique
La Figure 4.10 illustre l'évolution de la RMSE et du
temps sur cible au fil des essais, permettant ainsi de comparer les
performances obtenues sur le segment répété par rapport
à celles obtenues sur les segments aléatoires. Trois points
principaux ressortent de cette figure.
Premièrement, les performances s'améliorent
(diminution de la RMSE et augmentation
du temps sur cible) au cours des trois premiers
essais puis restent stables durant les essais suivants.
Deuxièmement, les performances sur le segment
répété sont supérieures à celles
obtenues sur les segments aléatoires. Troisièmement, cet
écart de performances est présent dès le premier
essai. Ce dernier point est inattendu dans la mesure où, tous
les segments, qu'ils soient répétés ou aléatoires,
sont construits de manière identique et devraient donc être
de complexité similaire. De ce fait, il aurait
été logique d'obtenir des performances quasi
identiques lors du premier essai.
52
Répété
50 Aléatoire
48
46
RMSE (pixels)
44
42
40
38
36
34
32
e1 e2 e3 e4 e5 e6 e7 e8 e9 e10 e11 e12
Essais
54
52
50
Temps sur cible (%)
48
46
44
42
40 Répété
Aléatoire
38
e1 e2 e3 e4 e5 e6 e7 e8 e9 e10 e11 e12
Essais
Figure 4.10 : Evolution de la RMSE et du temps sur cible au
fil des essais pour les segments
répétés et aléatoires dans
l'expérience 4.
Une ANOVA est réalisée avec les essais (N=12) et le
type de segment (répété versus
aléatoire) comme facteurs intra sujets. Cette
analyse statistique vient conforter ces observations. Tout d'abord,
un effet significatif des essais ressort pour les deux variables
dépendantes (F(11,231)=3.59; p<.001 pour la RMSE et F(11,231)=4.54;
p<.001 pour le temps
sur cible) avec une augmentation des performances, ce qui
traduit une amélioration non spécifique des performances.
Plus important encore, la précision de la poursuite est
meilleure sur le segment répété que sur les segments
aléatoires dès le premier essai. La
différence est significative (F(1,21)=26.83, p<.001 pour la RMSE
et F(1,21)= 44.54; p<.001 pour le temps sur cible), et
la taille d'effet est grande (Eta carré partiel
égal à 0.56 pour la RMSE et égal à 0.68 pour le
temps sur cible). Cependant, cette différence n'augmente pas au
fil des essais comme l'indique l'interaction non significative entre les
essais et le type de segments (F(11,231)=0.59 ; p=.831 et F(11,231)= 1.44 ;
p=.152).
Pour expliquer cette différence de performances entre
les segments répétés et aléatoires constatée
dès le premier essai, il paraît judicieux de faire une analyse
plus détaillée permettant d'étudier les performances sur
chacun des trois fragments A, B et C composant le segment
répété, afin de les comparer avec celles obtenues sur les
segments aléatoires. Ainsi, le plan d'analyse utilisé est : S22
* E12 * T4 avec S représentant les sujets, E le nombre d'essais et T le
type de fragments avec quatre modalités (« fragment A »,
« fragment B », « fragment C » et
« segment aléatoire »). L'évolution de
la RMSE et du temps sur cible pour les fragments
répétés et pour le segment aléatoire est
représentée sur la Figure 4.11.
Dès le premier essai, une différence importante
apparaît entre le fragment C et les deux autres fragments ainsi qu'avec
le segment aléatoire, tant sur la RMSE (erreur inférieure de
15
à 20 pixels pour le fragment C) que sur le temps sur cible
(temps supérieur de 15 à 20 %). Par
la suite, les performances sur l'ensemble des fragments
augmentent mais la différence initiale demeure approximativement
constante jusqu'au dernier essai. Concernant les autres fragments,
il ressort que les performances les meilleures sont d'abord obtenues
sur le fragment A, puis sur le segment aléatoire et enfin que c'est le
fragment B qui donne lieu aux moins bonnes performances.
55
Fragment A
50 Fragment B
Fragment C
45 Aléatoire
RMSE (pixels)
40
35
30
25
20
15
e1 e2 e3 e4 e5 e6 e7 e8 e9 e10 e11 e12
Essais
70
Fragment A
65 Fragment B
Fragment C
60 Aléatoire
Temps sur cible (%)
55
50
45
40
35
30
e1 e2 e3 e4 e5 e6 e7 e8 e9 e10 e11 e12
Essais
Figure 4.11 : Evolution de la RMSE et du temps sur cible au
fil des essais pour les fragments A, B,
C et pour les segments aléatoires
Du point de vue statistique, nous retrouvons des résultats
similaires à ceux obtenus lors
de la précédente analyse, puisque le segment
répété est constitué de l'enchaînement
successif des trois fragments A, B et C. De fait, un effet simple des essais
est obtenu pour la RMSE (F(11,231)=3.7; p<.001) et pour le temps sur cible
(F(11,231)=4.11; p<.001) ainsi qu'un effet simple du type de fragment
(F(3,63)=56.72; p<.001 pour la RMSE et F(3,63)=137.69; p<.001 pour le
temps sur cible). De plus, aucun effet significatif de l'interaction
essais x type de fragment ne ressort ni sur la RMSE (F(33,693)=1.29;
p=.126) ni sur le temps sur cible (F(33,693)=1.20; p=.204).
De plus, des comparaisons planifiées ont
permis d'observer la différence de
performances entre les fragments répétés
et les segments aléatoires. Il ressort que les résultats obtenus
sur le fragment C sont significativement supérieurs à
ceux obtenus sur le segment aléatoire, aussi bien pour la RMSE
(F(1,21)=132.50; p<.001) que pour le temps sur cible (F(1,21)=225.93;
p<.001). Ces résultats indiquent que le fragment C semble
plus facile à pister. Une explication éventuelle réside
dans la construction même de ce fragment. En effet, celui-ci est
constitué uniquement de trois mouvements de faible amplitude.
Au vu de ces résultats, il est vraisemblable de penser que
l'écart de performances entre
le segment répété et les segments
aléatoires, mis en évidence dans la première analyse, soit
dû principalement à la plus grande facilité du fragment
C.
Test de reconnaissance
Le test de reconnaissance effectué est en tout point
identique à celui effectué dans nos expériences
précédentes. Une ANOVA S22 * T2 est réalisée dans
le but de comparer le degré
de reconnaissance entre les segments répétés
et aléatoires. Les notes attribuées aux segments
déjà vus sont largement supérieures (6.42)
à celles attribuées aux segments aléatoires (5.15)
comme l'illustre la Figure 4.12.
8.5
Degré de reconnaissance
8
7.5
7
6.5
6
5.5
5
4.5
4
3.5
3
Vus Non Vus
Type de segments
Figure 4.12 : Degré de reconnaissance des
différents types de segments. Les barres d'erreurs
représentent l'écart type de la
moyenne.
Ceci est confirmé par l'analyse statistique
effectuée. Celle-ci révèle une différence
significative entre les segments vus versus non vus:
F(1,21)=5.52; p<.028 montrant que cette fois, les sujets reconnaissent
mieux le segment répété standard que les autres
segments aléatoires.
Afin d'affiner ces résultats, une analyse statistique
supplémentaire est effectuée sur les fragments A, B et C
(déjà vus) et les segments aléatoires (non vus). Le plan
d'analyse est : S22
* T4 avec S représentant les sujets et T
le type de fragment avec quatre modalités (A, B, C et
aléatoire). La Figure 4.13 indique que les
fragments A et B sont les mieux reconnus. Les notes obtenues sur ces
deux fragments sont bien supérieures à ce que le hasard
permettrait d'attendre. Le segment aléatoire obtient une note proche du
hasard, à savoir 5. A l'opposé, le fragment C est le moins
bien identifié avec une note moyenne inférieure à
tous les autres fragments.
10
9
Degré de reconnaissance
8
7
6
5
4
3
2
1
0
A B C Non Vus
Type de fragments
Figure 4.13 : Degré de reconnaissance des
différents types de segments. Les barres d'erreurs
représentent l'écart type de la
moyenne.
Les différences observées entre tous ces
fragments se retrouvent du point de vue statistique (F(3,63)= 10.32;
p<.001). De plus, des comparaisons planifiées révèlent
un écart
Discussion sur l'expérience 4 71
significatif entre le fragment A et le segment
aléatoire (F(1,21)=16.50; p<.001) et entre le
fragment B et le segment aléatoire (F(1,21)=12.81;
p<.002). Par contre, aucun effet ne ressort entre le fragment C
comparé au segment aléatoire (F(1,21)=0.91; p=.350).
Au final, le test de reconnaissance révèle que
les fragments A et B sont « reconnus » puisque les notes
attribuées à ces fragments sont bien supérieures
aux notes du segment aléatoire. A l'opposé, la situation
inverse se produit pour le fragment C. Il s'agit d'un fragment de
faible difficulté donnant lieu à de très bonnes
performances lors de la phase de pratique, mais qui n'est pas reconnu lors du
test de reconnaissance.
4.6 Discussion sur l'expérience 4
En considérant d'une part les résultats issus des
expériences 1, 2 et 3, et d'autre part les résultats de cette
expérience 4, il apparaît de manière évidente que le
choix du segment répété
est crucial. En effet, en utilisant un segment
répété propre à chaque sujet (permettant ainsi de
contrôler la complexité de la séquence
répétée), nous ne sommes pas parvenus à mettre en
évidence un apprentissage de la séquence
répétée. A contrario, une différence importante de
performances est obtenue entre les segments répétés et
aléatoires dès lors que l'on utilise le segment
répété standard employé dans la plupart des
études de Wulf et collaborateurs. Cette différence est
présente dès le premier essai de l'expérience, ce
qui va dans le sens que ce segment répété standard
est bien plus facile à pister, comme l'atteste l'analyse
mathématique déjà effectuée au paragraphe 4.4, page
68.
Les résultats que nous obtenons dans cette
expérience 4 répliquent ceux obtenus par Wulf et
collaborateurs dans leurs expériences utilisant le segment
répété standard. En effet, dans ces expériences, la
taille de l'effet du segment était grande, tandis que l'interaction
entre
le jour et le type de segments était plus
faible ou même inexistante. Pour illustrer cela, la Figure 4.14
présente les RMSE calculées dans les expériences de
Wulf et Schmidt (1997, expérience 1) dans la condition impliquant le
segment répété standard (les valeurs sont tirées
de leur tableau 1). Aucune amélioration n'apparaît
au fil des jours.
72 Chapitre 4 : Apprentissage d'un segment
répété dans une tâche de poursuite continue
550
Répété
Aléatoire
500
RMSE
450
400
350
300
1 2 3 4
Jours
Figure 4.14 : Evolution de la RMSE sur 4 jours de pratique,
tirée de l'expérience 1 de Wulf &
Schmidt (1997)
D'une manière plus générale, nous
avons calculé des valeurs de l'Eta carré partiel comme
mesure de taille d'effet sur les données de Wulf et Schmidt (1997, exp.
1), et nous avons obtenu .77 pour l'effet principal du segment, et .08 pour
l'interaction (dans ce calcul, les données rassemblées sur les
deux segments répétés différents sont mises en
commun). Shea et
al. (2001) n'ont pas fourni l'information
nécessaire pour calculer les tailles d'effet. Il est cependant
important de noter que, malgré une interaction significative
jour x type de segments dans leur première expérience, leur
deuxième expérience a échoué à obtenir un
effet semblable, bien que ces deux expériences aient suivi une
procédure quasi identique. Ainsi, bien que l'on observe parfois une
interaction significative entre jour et type de segments dans
les études de Wulf et collaborateurs, cette interaction
n'apparaît pas comme un élément clé.
En conclusion, il semble fortement plausible que ce qui a
été pris comme une évidence de l'existence d'un
apprentissage dans la plupart des études de Wulf et collaborateurs
pourrait,
au moins en partie, être attribué à
l'utilisation d'un segment répété qui est
particulièrement facile à pister dès le début.
Conclusion sur la deuxième partie 73
4.7 Conclusion sur la deuxième partie
L'objectif des travaux présentés dans ce
chapitre était de mettre en évidence l'existence d'un
apprentissage implicite d'une séquence répétée dans
le cadre d'une tâche de poursuite continue. Pour ce faire, nous nous
sommes basés sur les études de Wulf et collaborateurs, ce
qui nous a permis de réaliser deux séries
d'expériences. Notre première série d'expériences
reprend la même procédure que celle employée par Shea &
al mais en utilisant un segment répété propre à
chaque sujet. La deuxième expérience utilise un unique
segment répété identique à celui employée
dans la plupart des travaux de Wulf et collaborateurs.
Dans les expériences 1, 2 et 3, nous avons
échoué à obtenir un apprentissage du segment
répété. A l'opposé, les résultats de
l'expérience 4 sont similaires à ceux obtenus par Wulf et
collaborateurs. Toutefois, il ne s'agit pas de conclure à l'existence
d'un apprentissage, puisque de tels résultats peuvent s'expliquer par le
fait que le segment répété utilisé est plus facile
à pister que les autres segments aléatoires.
Au final, notre réanalyse des travaux portant sur
l'apprentissage moteur implicite a des implications plus larges. En effet, il
ne s'agit pas seulement de dire que l'apprentissage dans
les tâches de poursuite continue est difficile, voire
impossible à obtenir. Il faut se demander comment délimiter les
situations dans lesquelles l'apprentissage est possible de celles dans
lesquelles l'apprentissage ne l'est pas. Malgré un parallèle
étroit qui peut être fait entre les tâches de poursuite
continue et les tâches discrètes de temps de
réaction sériel (TRS) (Rosenbaum & al, 2001), il semble que
tirer avantage de la répétition d'un segment dans une tâche
de poursuite continue soit considérablement plus difficile que
de tirer avantage de la répétition de ce segment dans
les tâches de TRS. Comment expliquer une telle différence
d'apprentissage entre ces deux situations ? C'est justement la
réponse que vont essayer d'apporter les expériences
réalisées dans le chapitre suivant.
Troisième partie : Différence
d'apprentissage entre tâche continue versus
discrète
Chapitre 5
Variations autour d'une tâche de TRS
5.1 Présentation des expériences
La difficulté à mettre en évidence un
apprentissage moteur implicite dans des tâches de poursuite continue,
largement illustrée dans le chapitre précédent,
vient contraster avec l'apparente facilité avec laquelle cet
apprentissage se produit dans les tâches discrètes de temps
de réaction sériel (TRS). Dans ces tâches, les
participants doivent appuyer le plus rapidement possible sur une touche du
clavier correspondant spatialement à l'apparition d'une cible sur
l'écran d'ordinateur. L'apprentissage semble apparaître
rapidement, après l'apparition de quelques séquences seulement.
Bien que certaines études (Nissen & Bullemer,
1987; Perruchet & Amorim, 1992) aient mis en
évidence un apprentissage rapide, leurs conclusions sont à
considérer avec précaution. En effet, dans ces études, une
séquence répétée fixe est utilisée pour tous
les sujets. Nous avons déjà adressé une critique
méthodologique à
ce propos pour les études de Wulf et collaborateurs.
Toutefois, des recherches réalisées plus récemment et
mieux contrôlées confirment le fait que l'apprentissage dans les
tâches discrètes
se produit rapidement. Par exemple, Perruchet et al.
(1997a, Expérience 1) ont utilisé une séquence
répétée différente pour chaque sujet et ils
ont constaté que les temps de réaction pour les
séquences répétées étaient relativement
plus rapides que pour les séquences aléatoires, et ce,
après 10 à 15 répétitions seulement.
L'objectif général des expériences
réalisées dans ce chapitre est de répondre à
la question suivante : qu'est ce qui fait que tirer
bénéfice d'une répétition présente dans
une
78 Chapitre 5 : Variations autour d'une tâche de TRS
tâche continue est bien plus difficile que de tirer
bénéfice d'une répétition présente dans
une
tâche discrète ? Il existe de nombreuses
différences entre les tâches discrètes (i.e les
tâches de TRS) et les tâches de poursuite continue, et certaines de
ces différences pourraient sans doute expliquer qu'il y ait un
apprentissage dans un type de situation et pas l'autre. Trouver la clé
de cette divergence serait très utile pour comprendre les
mécanismes d'apprentissage implicite. C'est pourquoi, l'objectif de
ce chapitre est de cerner les différences qui existent entre
ces deux types de tâches, afin de voir celle qui pourrait
être responsable, selon le cas, de cet apprentissage ou de ce non
apprentissage.
Notre stratégie va consister à reprendre une
tâche de TRS classique. Il s'agit, d'une situation dans laquelle
la mise en évidence d'un apprentissage implicite est toujours obtenue.
Nous allons modifier progressivement différents paramètres de
cette tâche standard afin de la rendre la plus similaire possible
à une tâche continue (situation dans laquelle nous ne sommes pas
parvenus à mettre en évidence cet apprentissage). Dès lors
que nous n'obtiendrons plus d'apprentissage dans notre tâche de TRS,
cela nous permettra d'isoler le facteur qui en est
responsable.
Nous allons tout d'abord nous intéresser à la
construction même des séquences utilisées
(expérience 5), afin de voir si la différence de résultats
obtenue entre tâche continue et tâche discrète peut
être due à une différence de procédure.
Généralement, les séquences employées dans les
tâches de TRS ne comportent pas d'aléatoire. En effet, la
séquence répétée est cyclée
sur elle-même. Les études rapportées par
Curran (1997), par Meulemans et al. (1998) ou par Stadler (1993) font cependant
exception. En effet dans ces études là, des essais
aléatoires sont mêlés à la séquence
répétée à l'intérieur de chaque bloc
d'apprentissage. Toutefois, la quantité d'essais aléatoires
n'excède pas la quantité d'essais répétés. A
contrario, si l'on examine la construction des séquences de la
tâche de tracking utilisée par Pew (1974), par Wulf &
Schmidt (1997) ou par Shea et al. (2001), on s'aperçoit que dans ces
études, le segment répété
est entouré par deux segments aléatoires. Cette
fois, la quantité « d'aléatoire » est donc plus
importante que la quantité de « répété »
(2/3 - 1/3). La première expérience va nous permettre
de voir si la difficulté à observer un
apprentissage dans les tâches de poursuite continue pourrait
être due à la méthode utilisée par Wulf et
collaborateurs, à savoir le fait que le segment
répété soit entouré par deux segments
aléatoires de même longueur. En effet, il se peut que cela rende
la répétition beaucoup plus difficile à détecter
que dans les tâches de TRS.
Présentation des expériences 79
Pour le savoir, nous avons réalisé une tâche
de TRS dans laquelle chaque séquence répétée est
entourée par deux séquences
aléatoires de longueur identique, comme c'est le cas dans les
études de poursuite continue. Autrement dit, nous avons remplacé
les segments continus par des séquences discrètes, tout en
conservant le même plan expérimental que celui utilisé par
Wulf et collaborateurs.
Dans une autre expérience (expérience
6), nous allons examiner l'influence du périphérique
sur l'apprentissage. Habituellement, les tâches de TRS sont
réalisées grâce à un dispositif qui requiert
l'utilisation d'un clavier. Les sujets voient apparaître une
cible sur l'écran et ils doivent appuyer le plus rapidement et le plus
précisément possible sur la touche
du clavier qui correspond spatialement à la
position. Au contraire, les tâches de poursuite continue que nous
avons effectué antérieurement sont quant à elles
réalisées au moyen d'une souris. Afin de voir si le
périphérique utilisé a un quelconque impact sur
l'apprentissage, les sujets de l'expérience 6 vont réaliser une
tâche de TRS standard en utilisant soit un clavier soit une souris.
Un autre aspect que nous devons examiner concerne la
différence de précision requise entre les deux types de
tâches. En effet, la précision semble être une
caractéristique inhérente aux tâches de poursuite continue.
Au contraire, aucune précision n'est exigée dans les
tâches
de TRS. Notre septième expérience consiste donc
à réaliser une tâche de TRS au moyen d'une souris, en
utilisant une cible de petite taille sur laquelle les sujets vont devoir
cliquer. Il s'agit
ici d'ajouter une contrainte de précision dans une
tâche discrète, et de regarder quel est l'impact sur
l'apprentissage.
Dans les tâches de TRS, le déplacement de la
cible est dépendant du temps de latence de réponse des
sujets. Au contraire, dans les tâches continues, la cible
se déplace indépendamment du comportement du sujet.
C'est pourquoi, nous avons modifié une tâche classique de
TRS de manière à ce que la cible se déplace de
manière « autonome ». Dans nos expériences 8 et 9, la
cible apparaît sur l'écran pendant un temps
prédéfini, puis disparaît pour apparaître à
une nouvelle position. Les sujets doivent mettre le pointeur de souris sur la
cible. Dans l'expérience 8, cette cible peut apparaître
dans une des quatre positions possibles représentées
à l'écran par des carrés, tandis que dans
l'expérience 9, elle peut apparaître dans une position possible
parmi huit, mais cette fois sans affichage de carrés à
l'écran.
Enfin, la dernière expérience (expérience
10) présentée dans ce chapitre a pour objectif
principal de comparer simultanément les
performances obtenues dans une tâche de TRS et dans une
tâche de poursuite continue. Les sujets vont être
explicitement informés de la présence d'une
régularité dans la tâche qu'ils doivent réaliser,
ceci dans le but de focaliser encore plus leur attention sur la
détection de la séquence répétée.
5.2 Expérience 5
Cette expérience a pour but de voir si la
difficulté que nous avons rencontrée antérieurement
pour obtenir un apprentissage dans les tâches de poursuite continue
pourrait être due au fait que, dans ces expériences, le segment
répété est placé entre deux segments
aléatoires. Il est possible de penser qu'une telle procédure
pourrait empêcher la détection et l'exploitation des
régularités. Afin de tester cette hypothèse, nous avons
réalisé une tâche de TRS dans laquelle chaque
séquence répétée est entourée par deux
séquences de longueur identique générées de
manière aléatoire, comme c'est le cas dans les
études de poursuite continue telles qu'elles ont été
réalisées par Wulf et collaborateurs.
5.2.1 Méthode
Sujets
Dix-sept étudiants en Psychologie (15 filles et 2
garçons) de l'Université de Bourgogne
ont été recrutés pour cette étude.
Aucun d'entre eux n'avait d'expérience antérieure avec la
tâche. Tous avaient une vision normale ou parfaitement
corrigée.
Matériel
La présentation des stimuli, l'enregistrement
du temps de réaction (TR) sont implémentés sur
un ordinateur de type PC équipé d'un écran de
« 14 pouces » avec une résolution de 1024 x 768
pixels. Quatre carrés de 5 cm de côté (soit 200
pixels de côté) indiquent la position potentielle d'un stimulus
sur l'écran. Ces quatre carrés sont positionnés
horizontalement au milieu de l'écran d'ordinateur et ils restent
affichés tout au long de l'expérience. La cible (un rond
bleu de 2.5 cm soit 100 pixels de diamètre) peut apparaître au
milieu de chaque carré.
Stimuli et procédure
Les sujets sont assis face à l'écran, à
une distance approximative de 65 cm. Ils ont pour consigne de répondre
aussi vite et aussi précisément que possible à
l'apparition de la cible dans une des quatre positions possibles à
l'écran. Pour se faire, ils doivent appuyer avec l'index et le
majeur de chaque main sur la touche du clavier qui correspond spatialement
à la position de la cible dans un des quatre carrés
présents sur l'écran. Il s'agit respectivement des touches «
W », « C », « B » ou « , » sur un clavier de
type AZERTY.
L'expérience comporte 8 blocs d'entraînement
séparés par une pause auto contrôlée par
les sujets. Chaque bloc comprend sept séries de
36 essais. Chaque série débute par une séquence de
12 essais aléatoires, suivie par une séquence de 12 essais
répétés et se termine par une nouvelle séquence
de 12 essais aléatoires. A chaque essai, la cible
est effacée immédiatement après que le sujet ait
appuyé sur la touche correcte et une nouvelle cible après
un intervalle inter stimuli de 200 ms. Si les participants font
une erreur, la cible reste affichée
à l'écran jusqu'à ce qu'ils appuient sur la
bonne touche du clavier.
Chaque séquence de 12 essais, qu'il s'agisse d'une
séquence répétée ou aléatoire, respecte
les critères suivants : (1) deux stimuli ne peuvent jamais
apparaître consécutivement
à la même position, (2) les stimuli
apparaissent le même nombre de fois dans chacune des quatre positions
(c'est-à-dire que chaque stimulus apparaît trois fois dans chacune
des quatre positions dans une séquence de 12 essais). En outre, il n'y a
aucune répétition à la jonction entre les
séquences, de manière à ce qu'aucun indice saillant
n'indique le changement qui se produit lorsque l'on passe d'une
séquence aléatoire à une séquence
répétée, et vice versa. Différentes
séquences aléatoires sont générées
automatiquement par un programme informatique, pour chaque bloc et
pour chaque sujet. Une séquence répétée
différente est choisie au hasard pour chaque sujet. La durée
totale de l'expérience est d'environ 30 minutes.
5.2.2 Résultats
La Figure 5.1 illustre l'évolution du temps de
réaction (TR) au fil des blocs, permettant ainsi de comparer les
performances obtenues sur le segment répété (en trait
plein sur la figure)
par rapport à celles obtenues sur les segments
aléatoires (en pointillés sur la figure). D'un
point de vue descriptif, une amélioration des
performances est observée au fil de blocs
(diminution du TR). De plus, il semble y avoir une
différence d'évolution des performances entre les deux types de
séquences.
500
480
Répété
Aléatoire
Temps de réaction (ms)
460
440
420
400
380
b1 b2 b3 b4 b5 b6 b7 b8
Blocs
Figure 5.1 : Evolution du temps de réaction (TR) au
fil des blocs de pratique pour les segments
répétés et aléatoires dans
l'expérience 5. Des valeurs faibles pour le TR traduisent les meilleures
performances.
La proportion moyenne d'erreurs étant très
faible (0.11 %), cela rend toute analyse statistique sur les erreurs
non pertinente. La moyenne des temps de réaction (TR) pour les
réponses correctes a été calculée
séparément pour les séquences
répétées et aléatoires de chaque bloc. Une
analyse de variance (ANOVA) est réalisée avec les variables Blocs
(8) et Type de séquence (répétée vs
aléatoire) comme facteurs intra sujets.
L'analyse statistique effectuée sur ces données
laisse apparaître un effet significatif des blocs (F(7,112)=6.78;
p<.001) qui indique le fait que les temps de réaction
diminuent significativement durant la phase d'entraînement. Les temps de
réaction sont significativement plus courts pour la séquence
répétée que pour la séquence aléatoire
(F(1,16)=22.49 ; p<.001). De plus, il y a une interaction
significative blocs×séquences (F(7,112)=5.08; p<.001). Comme le
montre la Figure 5.1, cette interaction est due au fait que
la différence entre séquences
répétées et aléatoires augmente au fil des blocs.
L'effet principal
de la séquence et l'interaction
blocs×séquences sont relativement grands en taille puisque les
Eta carré partiel sont respectivement de 0.58 et 0.24.
De plus, des comparaisons planifiées ont permis de
révéler une différence significative entre les
séquences répétées et aléatoires sur le Bloc
2 (F(1,16)=21.63; p<.001). Sur le Bloc 1,
la différence entre les deux séquences est
seulement marginalement significative (1,16)= 3.68, p=.07). Ces
résultats confirment le fait que, dans les tâches de TRS,
l'apprentissage apparaît après une faible quantité de
pratique (Perruchet & Amorim, 1992; Perruchet et al., 1997).
5.3 Expérience 6
La littérature portant sur les tâches de TRS
montre que ces tâches sont habituellement réalisées au
moyen d'un clavier et que les sujets doivent réagir aussi vite
que possible en appuyant sur la touche du clavier qui correspond
spatialement à la position d'une cible sur l'écran. Le but de
cette deuxième expérience est d'étudier l'influence du
périphérique dans une tâche de TRS standard. La plupart des
caractéristiques de procédure de cette expérience sont
empruntées à l'étude de Shanks (2003). Les participants
sont répartis aléatoirement en deux groupes. Dans le premier
groupe, les sujets doivent cliquer aussi vite et aussi
précisément que possible sur une cible (un rond bleu) qui
apparaît dans un des quatre carrés affichés sur
l'écran. Dans le second groupe, les sujets doivent
réaliser une tâche de TRS classique au moyen du clavier.
Durant la phase d'entraînement (blocs 1 à11),
la cible effectue toujours le même déplacement. Au bloc 12,
un bloc de transfert est introduit, dans lequel la séquence
régulière
est remplacée par une séquence de
déplacements aléatoires. Pour finir, dans les deux derniers blocs
(13 et 14), la séquence d'entraînement est réintroduite.
Nous faisons l'hypothèse que les sujets ne devraient
pas apprendre de la même manière selon qu'ils utilisent la souris
ou le clavier, voire même que l'utilisation de la souris devrait
perturber leur apprentissage. Si tel est le cas, cela signifierait que le
périphérique utilisé a une influence sur
l'apprentissage.
5.3.1 Méthode
Sujets
Vingt étudiants (15 filles et 5 garçons)
inscrits en première année de Psychologie à
l'Université de Bourgogne ont participé à cette
expérience. Tous étaient droitiers et avaient une vision
normale ou parfaitement corrigée. Aucun de ces sujets n'avait
participé aux expériences réalisées
antérieurement et ils n'étaient pas informés du but de
cette expérience.
Les sujets sont aléatoirement répartis en
deux groupes : « groupe clavier » (n=10) et
« groupe souris » (n=10).
Matériel
La présentation des stimuli, l'enregistrement du temps
de réaction (TR) et des données sont implémentés
sur un ordinateur de type PC équipé d'un écran couleur de
« 14 pouces » avec une résolution de 1024 x 768 pixels. Quatre
carrés (5 cm x 5 cm) indiquent la position potentielle d'un stimulus.
Ces quatre carrés sont positionnés horizontalement au
milieu de l'écran d'ordinateur et ils restent affichés tout au
long de l'expérience. La cible (un rond bleu
de 2.5 cm de diamètre) peut apparaître au milieu de
chaque carré.
Stimuli
Les séquences de stimuli utilisées dans cette
expérience sont les mêmes que celles utilisées par
Shanks (2003). Ils s'agit des séquences d'entraînement et de test
suivantes : A=1-
2-1-3-4-2-3-1-4-3-2-4 et B= 4-2-4-3-1-2-3-4-1-3-2-1
où 1-4 représentent des positions possibles de la cible
sur l'écran. Ces séquences sont structurellement identiques et
sont reliées
par la transformation 1Æ4. De plus, un
contre-balancement de position et de fréquence d'apparition est
effectué pour ces séquences. Chaque position (par exemple
1, 2, 3, 4) se produit trois fois dans chaque séquence de 12
essais, et chaque transition possible (par exemple 1-2, 1-3, 1-4, etc.) se
produit une fois. Mais à un niveau de trois (ou plus) positions
consécutives, les deux séquences diffèrent. Reed
& Johnson ont donné à ces séquences de trois
positions le nom de SOCs (second order conditionnal.). Cela
renvoie au fait que, la
prochaine position de la cible dans la séquence de
mouvements peut être prédite à partir des
deux dernières positions. Par exemple, dans la
séquence A mentionnée ci-dessus, 1-2 est toujours suivi par
1, alors que dans la séquence B, il est toujours suivi par 3.
Procédure
La procédure utilisée ici est identique à
celle utilisée par Shanks (2003). L'expérience
est composée de 14 blocs d'entraînement de 96
essais, durant lesquels tous les participants sont exposés à une
tâche de TRS standard à quatre possibilités d'apparition de
la cible. Durant
les blocs 1 à 11, la cible se déplace selon la
séquence SOC A (i.e 1-2-1-3-4-2-3-1-4-3-2-4).
Au bloc 12 (qui est le bloc de transfert), la séquence SOC
B est utilisée (i.e 4-2-4-3-1-2-3-4-1-
3-2-1). La séquence SOC A est réintroduite
sur les deux derniers blocs 13 et 14. Une augmentation du temps de
réaction sur le bloc 12 comparé aux blocs 11 et 13 indique que
les sujets ont acquis des connaissances sur la structure de la séquence
d'entraînement. Un contre- balancement est effectué à
l'intérieur de chaque groupe de sujets : pour la moitié des
sujets, la séquence SOC A représente la phase
d'entraînement et la séquence SOC B représente la
phase de transfert et pour l'autre moitié des sujets, c'est
l'inverse.
A chaque essai, la cible (un rond bleu de 2.5 cm, soit 100 pixels
de diamètre) apparaît
au centre d'un des quatre carrés affiché
sur l'écran. Les participants ont pour consigne de réagir
aussi vite et aussi précisément que possible: - en cliquant sur
la cible, pour les sujets assignés au « groupe souris », -
en appuyant sur la touche du clavier qui correspond spatialement
à l'apparition de la cible, pour les sujets assignés au
« groupe clavier ». Les touches « W », « C »,
« N » et « , » (sur un clavier AZERTY) correspondent
respectivement aux positions 1 à 4. Les sujets doivent appuyer avec le
majeur et l'index de leur main gauche pour les positions 1 et 2 et avec
le majeur et l'index de leur main droite pour les positions 3 et 4.
Chaque bloc d'essais commence avec la première
position présente dans la séquence choisie,
c'est-à-dire avec la position 1 pour la séquence SOC A ou avec la
position 4 pour la séquence SOC B. Ensuite, la cible apparaît
selon les séquences correspondantes au type de bloc. Une fois que le
sujet a appuyé sur la touche du clavier qui correspond spatialement
à la position de la cible sur l'écran ou qu'il a cliqué
correctement sur la cible, celle-ci disparaît
puis après un délai de 200 ms, le stimulus
suivant apparaît. Les latences de réponse sont
mesurées à partir du moment où la
cible apparaît jusqu'à ce que la réponse correcte
soit produite.
5.3.2 Résultats
La Figure 5.2 illustre l'évolution du temps de
réaction (TR) au fil des blocs, permettant ainsi de comparer les
performances obtenues dans la condition « clavier » et « souris
» selon
la séquence SOC utilisée. Deux points
importants ressortent de cette figure. Tout d'abord, nous pouvons
observer une diminution importante du temps de réaction du Bloc 1 au
Bloc 11, puis une forte augmentation de ce TR au Bloc 12 et enfin
une nouvelle diminution, très importante, pour les deux derniers
blocs 13 et 14. Une telle évolution est suivie par les deux groupes de
sujets, quelque soit la séquence SOC utilisée. Toutefois, on peut
noter que les TR
pour le « groupe souris » sont plus
élevés que ceux du « groupe clavier ».
700
650
600
Clavier - Seq A
Clavier - Seq B
Souris - Seq A
Souris - Seq B
Temps de Réaction (ms)
550
500
450
400
350
300
250
b1 b2 b3 b4 b5 b6 b7 b8 b9 b10 b11 b12 b13 b14
Blocs
Figure 5.2 : Evolution du temps de réaction au fil des
blocs de pratique et du bloc de transfert selon le
périphérique (clavier / souris) et la
séquence (SOC A / SOC B) utilisés dans l'expérience
6.
La variable dépendante mesurée pour les deux
groupes de sujets est le temps de réaction
(TR, en ms). Une analyse de variance (ANOVA) est
réalisée avec les variables Groupe
(clavier vs souris) et Séquence (SOC A vs
SOC B) comme facteurs inter sujets et la variable
Blocs (14) comme facteur intra sujets.
Premièrement, cette analyse ne révèle
aucune différence entre les séquences SOC A et SOC B
utilisées (F(1,16)=.79; p=.391). Un tel résultat s'explique par
le fait que ces séquences sont construites de la même
manière et que, par conséquent, elles sont de difficulté
identique. Deuxièmement, le facteur Groupe approche quant
à lui le niveau conventionnel de significativité
(F(1,16)=3.53; p=.073). Les temps de réaction sont plus courts pour le
« groupe clavier » comparativement au « groupe souris ».
Cette différence peut s'expliquer par le fait que les sujets
assignés au « groupe souris » doivent, dans un premier temps,
déplacer la souris afin d'atteindre la cible puis cliquer sur celle-ci,
ce qui leur prend plus de temps qu'un simple appui sur une touche de
clavier. Troisièmement, un effet significatif des Blocs est
obtenu (F(13,208)=16.38, p<.001) : les TR diminuent tout au long de la phase
d'entraînement (Bloc
1-11), ils atteignent les valeurs les plus hautes durant la
phase de transfert (Bloc12), enfin, ils diminuent à nouveau sur les deux
derniers blocs (Blocs 13 et 14) comme c'était le cas dans la phase
d'entraînement. Il est important de remarquer que les
performances suivent une évolution parallèle entre les deux
groupes et pour les deux séquences (cf. Figure 5.2). En outre,
on peut noter qu'aucune interaction n'est significative, excepté
l'interaction Groupe × Blocs (F(13,208)=2.19, p<.011). Cet effet
pourrait refléter une différence d'apprentissage entre les
deux groupes. Toutefois, une telle interprétation ne tient pas
lorsque l'on fait des analyses plus approfondies. En effet, ce
résultat est principalement dû au fait que les participants
du « groupe souris » apprennent plus rapidement que les
autres durant les premiers blocs de pratique. Mais par la suite, les
performances des deux groupes suivent la même évolution, et ce
même durant la phase de transfert.
De plus, nous avons moyenné les temps de réaction
sur les Blocs 10, 11, 13 et 14 et nous avons réalisé une ANOVA
sur le Groupe (clavier vs souris) comme variable inter sujets
et sur les Blocs (Bloc 12 vs moyenne des Blocs 10, 11,
13, 14) comme variable intra sujets. Cette analyse indique que la variable
Groupe approche du seuil de significativité (F(1,
18)=4.40, p<.051). Les temps de réaction sont plus
élevés pour les sujets du « groupe souris », pour les
mêmes raisons déjà décrites dans l'ANOVA
précédente. D'autre part, l'analyse révèle un
effet principal des Blocs (F(1,18)=40.75, p<.001). Les temps de
réaction sont significativement plus importants durant la phase de
transfert (Bloc 12), ce qui atteste bien du
fait que les sujets ont implicitement appris la séquence
présentée en phase d'entraînement. De
plus, les performances des deux groupes de participants
s'améliorent de manière tout à fait identique, comme
l'indique l'absence d'interaction Groupe ×Blocs (F(1,18)=0.64, p=.434).
Ces résultats ne sont pas consistants avec nos
attentes. En effet, les sujets sont capables d'apprendre les
régularités aussi bien en utilisant un clavier qu'une souris. Par
conséquent, le périphérique ne semble pas avoir
d'influence sur l'apprentissage dans une tâche de TRS.
5.4 Expérience 7
L'expérience 6 nous a permis de montrer l'existence d'un
apprentissage implicite d'une séquence dans une tâche de TRS que
les sujets utilisent un clavier ou une souris. Au-delà de
la mise en évidence d'une « équivalence
» entre ces deux périphériques, l'utilisation de la
souris va nous permettre de manipuler d'autres variables que nous n'aurions pas
pu manipuler
en utilisant un clavier. C'est pourquoi, cette
septième expérience ainsi que les expériences
suivantes seront réalisées au moyen d'une souris.
Une autre différence que nous allons examiner entre les
tâches de poursuite continue et
les tâches discrètes de TRS concerne la
précision. En effet, dans les tâches de poursuite continue
réalisées antérieurement, les sujets doivent positionner
très précisément le pointeur
de souris à l'intérieur d'une cible qui se
déplace constamment, tandis que dans les tâches de TRS classiques,
l'accent est surtout mis sur la rapidité de réponse des sujets.
Par conséquent, nous avons décidé d'introduire une
contrainte de précision dans une tâche de TRS standard,
en utilisant une cible de petite taille (dix fois plus petite
que celle utilisée dans l'expérience précédente).
Les sujets ont pour consigne de cliquer sur cette petite cible lorsqu'elle
apparaît dans une des quatre positions possibles affichées sur
l'écran.
5.4.1 Méthode
Sujets
Vingt étudiants de Psychologie de l'Université de
Bourgogne (17 filles et 3 garçons) ont participé à cette
expérience. Il s'agit de sujets différents de ceux qui
ont participé aux
expériences précédentes mais qui ont
des caractéristiques similaires : sujets droitiers ayant
une vision normale ou parfaitement corrigée.
Matériel, Stimuli et Procédure
Le matériel, les stimuli et la procédure sont
identiques à ceux utilisés dans l'expérience
précédente. Seulement, dans cette expérience, la cible est
un rond bleu de 0.25 cm de diamètre (soit 10 pixels) au lieu de 2.5 cm
(soit 100 pixels). Compte tenu de l'équivalence entre les
séquences SOC A et SOC B que nous avons démontrée dans
l'expérience 6, nous ne ferons passer cette expérience que sur
une seule séquence SOC (SOC A en l'occurrence).
5.4.2 Résultats
La Figure 5.3 illustre l'évolution du temps
de réaction (TR) au fil des blocs d'entraînement et de
transfert. On peut remarquer que les TR diminuent au cours des Blocs 1
à 11, puis ils augmentent de façon drastique
pendant le bloc de transfert (Bloc 12) et qu'enfin,
ils retournent à leur niveau le plus bas sur les deux
derniers blocs.
1400
1350
1300
1250
1200
Temps de réaction (ms)
1150
1100
1050
b1 b2 b3 b4 b5 b6 b7 b8 b9 b10 b11 b12 b13
b14
Blocs
Figure 5.3 : Evolution du temps de réaction au fil des
blocs de pratique et du bloc
de transfert dans l'expérience 7.
Une première ANOVA est réalisée avec
les Blocs (14) comme facteur à mesures
répétées. Il en ressort un effet
significatif des Blocs (F(13,247)=16.24, p<.001). Les TR diminuent
tout au long de la phase d'entraînement (Bloc 1-11), puis augmentent
brutalement durant la phase de transfert (Bloc12), avant de chuter sur les deux
derniers blocs (Blocs 13 et
14). Il s'agit du même pattern d'évolution que celui
observé dans l'expérience précédente.
Afin d'évaluer l'apprentissage implicite, nous avons
calculé la moyenne des temps de réaction des blocs 10, 11, 13 et
14, et nous avons réalisé une seconde ANOVA avec les Blocs (Bloc
12 vs moyenne des Blocs 10, 11, 13 et 14) comme variable intra
sujets. L'effet principal des Blocs (F(1,19)=15.65, p<.001) indique qu'il
existe une différence significative
de performance entre le bloc de transfert et les autres. Ce
résultat fait écho à celui obtenu dans l'expérience
précédente. Il vient confirmer notre hypothèse
selon laquelle les sujets apprennent les régularités
présentes dans le déplacement de la cible.
Finalement, les données issues de cette
septième expérience montrent que le fait d'introduire une
contrainte de précision (une cible de petite taille) dans une
tâche de TRS n'altère en rien la présence d'un
apprentissage implicite.
5.5 Discussion sur les expériences 5, 6 et 7
Une comparaison entre les performances obtenues dans les
tâches de poursuite continue
et les performances obtenues en utilisant les paradigmes
conventionnels de TRS suggère que l'apprentissage est plus difficile
à obtenir dans les situations continues que dans les situations
discrètes. L'expérience 5 avait pour objectif
d'étudier si cette divergence entre ces deux situations pouvait
être due à une différence dans la procédure.
En effet, dans les tâches classiques de TRS, la séquence
répétée est continuellement cyclée, alors que dans
les tâches
de poursuite continue telles que nous les avons
explorées, le segment répété est entouré par
un grand nombre d'essais aléatoires. Les résultats obtenus
dans notre première expérience montrent qu'une
amélioration sélective des performances est obtenue lorsque l'on
modifie la procédure d'une tâche de TRS standard et que
l'on mêle la séquence répétée au milieu
de séquences aléatoires. Des études antérieures
(Curran, 1997; Meulemans et al., 1998; Stadler,
1993) ont également mis en évidence un tel
apprentissage lorsque la séquence répétée
était
Discussion sur les expériences 5, 6 et 7 91
entourée par des essais aléatoires, mais dans leurs
expériences, le nombre d'essais aléatoires
était plus faible que celui utilisé dans notre
expérience.
Les expériences 6 et 7 se sont quant à elles
focalisées sur des différences, en terme de paramètres,
qui existent entre tâches continues et tâches
discrètes. L'expérience 6 a étudié l'influence
du périphérique utilisé (clavier versus souris)
sur les performances dans une tâche classique de TRS. Les
périphériques d'entrée sont des outils qui
permettent au sujet d'interagir avec le système. Un bon
périphérique doit posséder plusieurs critères,
comme une vitesse de déplacement aisée, une bonne
précision, des caractéristiques ergonomiques évitant une
fatigue trop rapide de l'utilisateur, ainsi qu'un apprentissage
d'utilisation rapide. Pour classer les différents
périphériques existants, il existe dans la littérature une
taxonomie établit selon différents critères. Dans l'ordre
chronologique, nous trouvons les approches proposées
par organisé (1983), Mackinlay, Card & Robertson
(1990) et Lipscomb & Pique (1993). Les classifications de ces
différents auteurs permettent de clarifier les différences et les
similitudes
qui existent entre des périphériques tels que la
souris, le joystick, la tablette graphique et le stylet, l'écran
tactile,.... Cependant, il ne ressort de ces taxonomies aucune donnée
concernant
les propriétés du clavier. Les résultats
de notre seconde expérience indiquent que les sujets apprennent de la
même manière les régularités présentes dans
la séquence qu'ils utilisent un clavier ou une souris pour
répondre à l'apparition de la cible sur l'écran.
Toutefois, nous avons noté que les sujets assignés au groupe
« souris » obtiennent des temps de réaction un peu plus
élevés que les participants du groupe « clavier
». De tels résultats peuvent s'expliquer par le fait
que les sujets utilisant la souris doivent d'abord la déplacer
afin d'atteindre la cible puis cliquer dessus, ce qui leur demande un peu plus
de temps. Cependant, leurs performances suivent le même pattern
d'évolution que celui des sujets utilisant un clavier. Par
conséquent, les résultats de l'expérience 6
invalident notre hypothèse puisque nous nous apercevons que les
sujets apprennent de la même manière quel que soit le
périphérique utilisé.
Une autre différence que nous avons notée entre
les tâches de poursuite continue et les tâches de TRS
concerne la précision requise dans chacune d'entre elles.
En effet, généralement, les tâches de TRS sont
définies comme des « tâches de vitesse » dans
lesquelles les sujets ont pour consigne de réagir à l'apparition
d'une cible en appuyant aussi vite que possible sur une touche
du clavier qui correspond spatialement à la position de la
cible sur l'écran. Au contraire, dans les tâches de
poursuite continue, l'important est que les
sujets positionnent le pointeur de souris le plus
précisément possible à l'intérieur d'une cible
mouvante. Afin de tester ce paramètre, une contrainte de
précision a été introduite dans une tâche standard
de TRS : les sujets devaient positionner le pointeur de souris sur une cible de
petite taille pouvant apparaître dans une des quatre positions possibles
sur l'écran et cliquer dessus afin de la faire disparaître.
Le fait que la cible soit de petite taille forçait les
participants à être précis. De ce fait, ils devaient
à la fois être rapides et précis, comme c'est le
cas dans une tâche de poursuite continue. Malgré
l'ajout de cette contrainte de précision, les résultats indiquent
une augmentation des temps de réaction sur le bloc de transfert suivie
par
un retour des temps de réaction à leurs niveaux
les plus bas sur les deux derniers blocs, ce qui reflète
l'apprentissage de la séquence. Là encore, notre
hypothèse est invalidée puisque l'apprentissage implicite est
préservé, même si une contrainte de précision est
ajoutée à une tâche classique de TRS.
Le but principal des recherches effectuées dans le
présent chapitre est de comprendre pourquoi les sujets sont capables
de tirer bénéfice de la répétition de la
structure dans une tâche discrète alors qu'ils en sont
incapables dans une tâche continue. Par conséquent, le fait
d'être capable, implicitement, de localiser les régularités
dans une situation mais pas dans une autre n'est pas simplement dû
à des différences dans la méthode ou dans les
paramètres. C'est pourquoi, dans les expériences qui suivent,
nous allons nous focaliser plus sur la nature des tâches
elles-mêmes, afin de trouver une explication à cette
divergence.
5.6 Expérience 8
Dans les expériences 8 et 9
présentées ci-dessous, nous avons modifié une
tâche standard de TRS de manière à la rendre encore
plus similaire à une tâche de poursuite continue, telle que
nous avons pu en réaliser dans nos expériences
présentées antérieurement. Cette fois, nous nous
focalisons sur le contrôle du déplacement de la cible,
car celui-ci est bien différent d'une tâche à l'autre. En
effet, dans une tâche de TRS, le mouvement de la cible
est dépendant de l'exactitude de la réponse du
sujet et surtout, il est dépendant du temps de latence des
réponses du sujet. A contrario, dans la tâche de
poursuite continue, la cible se déplace indépendamment du
comportement du sujet. Le déplacement de la cible
est
parfaitement synchrone : la cible se déplace selon un
algorithme qui calcule sa position à une
période constante de temps. De ce fait, la
réponse des sujets n'a pas d'impact sur son déplacement.
Par conséquent, nous avons décidé de modifier une
tâche standard de TRS de façon à ce que la cible se
déplace de manière « autonome », afin de voir en quoi
cela peut avoir un impact sur l'apprentissage. Pour se faire, la cible (un rond
bleu) apparaît dans un des quatre carrés présents sur
l'écran, elle reste affichée pendant un temps
prédéfini, puis elle disparaît pour apparaître
à une nouvelle position. Cette fois, les participants doivent
donc positionner le pointeur de souris sur la cible, et lorsque celui est
correctement positionné, la cible change de couleur (elle devient
rouge).
Une autre différence, que l'on peut mentionner
entre ces deux types de tâches discrètes/continues, concerne
la variable dépendante mesurée. Dans les tâches de TRS, ce
sont toujours les temps de réaction qui sont mesurés, tandis que
dans les tâches continues, ce sont des mesures de précision qui
sont traditionnellement effectuées : mesure du temps sur cible ou mesure
de l'erreur quadratique moyenne (RMSE). Dans les deux
expériences qui suivent, nous avons utilisé le temps sur
cible comme variable dépendante pour notre tâche de TRS
modifiée.
Notre objectif est donc d'étudier l'existence d'un
apprentissage implicite dans une tâche
de TRS avec un déplacement de cible rendu « autonome
».
5.6.1 Méthode
Sujets
Vingt étudiants de première année de
Psychologie de l'Université de Bourgogne (18 filles et 2
garçons) ont été recrutés pour participer à
cette expérience. Aucun d'eux n'avait participé aux
expériences précédentes. Tous étaient droitiers et
avaient une vision normale ou parfaitement corrigée.
Matériel, Stimuli et Procédure
Le matériel et les stimuli sont identiques
à ceux utilisés dans l'expérience 7. La
procédure diffère uniquement par le fait que cette fois,
la cible reste affichée sur l'écran pendant un temps
prédéfini de 600ms, avant de disparaître pour
réapparaître ensuite à une nouvelle position, et ceci
indépendamment de la réponse du sujet.
5.6.2 Résultats
En observant la courbe de performance sur la Figure 5.4,
nous constatons une amélioration régulière du temps sur
cible tout au long de phase d'entraînement (Blocs 1 à 11).
De plus, la phase de transfert (Bloc 12) est
caractérisée par une chute très importante des
performances. Enfin, on s'aperçoit que le temps sur cible revient
à son niveau initial sur les
deux derniers blocs (Blocs 13 et 14).
300
280
260
Temps sur cible (ms)
240
220
200
180
160
140
b1 b2 b3 b4 b5 b6 b7 b8 b9 b10 b11 b12 b13 b14
Blocs
Figure 5.4 : Evolution du temps sur cible (TC) au fil des
blocs de pratique et du bloc de transfert
dans l'expérience 8. Des valeurs importantes pour le
TC traduisent les meilleures performances.
Ces observations sont confirmées par un effet significatif
des Blocs (F(13,247)=19.23,
p<.001) lorsqu'on réalise une analyse de variance
(ANOVA) sur le temps sur cible avec la variable Blocs (14) comme facteur intra
sujets.
Pour mesurer la connaissance de la séquence, nous avons
moyenné les temps sur cible des Blocs 10, 11, 13 et 14 et nous avons
réalisé une ANOVA avec la variable Blocs (Bloc 12
vs Blocs « moyennés ») comme facteur intra
sujets. Cette ANOVA révèle un effet principal des Blocs
(F(1,19)=21.18, p<.001). Le temps sur cible est significativement plus
faible sur le bloc de transfert (Bloc 12) que sur les quatre blocs
moyennés. Ceci indique clairement que les sujets avaient implicitement
appris les régularités présentes dans le
déplacement de la cible durant la phase d'entraînement, et
qu'ils sont perturbés par l'introduction d'une nouvelle
séquence durant la phase de transfert.
Finalement, les résultats obtenus viennent
mettre en évidence l'existence d'un apprentissage implicite dans
une tâche de TRS, même lorsque le déplacement de la cible
est indépendant de la latence de réponse des sujets.
5.7 Expérience 9
Les résultats obtenus à l'expérience
8 montrent que l'apprentissage apparaît même lorsque la cible
se déplace de manière « autonome » dans une tâche
de TRS. Même si nous avons modifié une tâche de TRS
standard pour la rendre plus similaire à une tâche de
poursuite continue, il reste encore une différence fondamentale entre
les deux types de tâches.
En effet, dans les tâches de poursuite continue, il
existe une infinité de positions potentielles, alors que dans les
tâches de TRS, la cible ne peut apparaître seulement que
dans une des quatre positions clairement affichées sur l'écran.
Par conséquent, dans cette expérience, nous avons
décidé d'augmenter le nombre de positions possibles
d'apparition de la cible : nous passons de 4 à 8 positions. De plus,
aucun carré indiquant le lieu d'apparition de la cible n'est
affiché sur l'écran. Ainsi, les sujets sont incapables de
visualiser précisément à quel endroit peut
apparaître la cible et donc, ils ne savent pas avec exactitude
combien il existe de positions potentielles d'apparition. En
procédant ainsi, nous rendons la tâche de TRS la plus semblable
possible à une tâche de poursuite continue. Il s'agit
maintenant de savoir si
l'apprentissage implicite va se produire dans une situation de
TRS où le déplacement de la
cible est devenu plus « continu ».
5.7.1 Méthode
Sujets
Vingt étudiants inscrits en première
année de Psychologie (16 filles et 4 garçons) ont
été volontaires pour participer à cette
expérience. Ils n'en connaissent pas le but et n'ont pas
participé aux études précédentes. Tous ces sujets
sont droitiers et ont une vision normale ou parfaitement corrigée.
Matériel
Le matériel est le même que celui utilisé
dans les expériences précédentes, excepté que cette
fois, il n'y a plus de carrés affichés sur l'écran pour
indiquer les endroits d'apparition de
la cible.
Stimuli et procédure
Des blocs de 88 essais sont présentés à tous
les sujets. Chacun des blocs commencent
par quatre cibles aléatoires. Puis une
séquence de 16 positions est répétée cinq fois.
Enfin, chaque bloc se termine par quatre nouveaux essais aléatoires.
Un programme informatique permet de trouver un ensemble de
séquences répétées qui doivent respecter les
conditions suivantes. Premièrement, une nouvelle cible est
autorisée à apparaître uniquement juste à droite ou
juste à gauche de sa position précédente
(c'est-à-dire que la position 4 est toujours suivie soit par la position
5, soit par la position 3). Il s'agit d'une propriété importante
à respecter puisqu'elle rend la séquence
générée plus « continue » que dans les
expériences précédentes dans lesquelles l'apparition de
la cible pouvait être suivie
par n'importe laquelle des trois autres positions.
Deuxièmement, le choix d'une des deux positions possibles
d'apparition de la cible n'est pas complètement aléatoire. Une
probabilité
de 70% a été arbitrairement choisie pour
privilégier la continuité du déplacement de la cible
(c'est-à-dire que la séquence 2-3-4 est suivie par
5 dans 70% des cas). Une telle contrainte
permet d'éviter un certain nombre de petits mouvements.
Troisièmement, les séquences sont générées
de manière à ce que 6 positions parmi les 8 possibles
apparaissent au moins une fois. Ainsi, cela garantit une représentation
quasi complète des différentes positions sur l'écran.
Par exemple, la séquence S=
3-4-5-6-5-4-3-2-3-2-1-2-1-2-3-4 respecte les trois conditions
mentionnées précédemment. Cependant, on peut remarquer que
ces séquences de
16 positions ne sont pas contrebalancées en ce
qui concerne la position et la fréquence de transition comme
c'était le cas avec les séquences SOC utilisées dans les
expériences 6 à 8. Par exemple dans la séquence S
ci-dessus, la position 2 apparaît quatre fois, la position 5
apparaît deux fois et la position 8 n'apparaît jamais dans cette
séquence. Pour éviter des biais potentiels, nous avons
ajouté une contrainte supplémentaire en ce qui concerne la
génération
de la séquence de transfert. Cette séquence est
en effet construite à partir de l'ensemble des positions
utilisées dans la phase d'entraînement. Par conséquent, la
séquence de transfert est seulement une permutation de la
séquence d'entraînement, respectant la première condition
présentée précédemment. Par exemple, la
séquence de transfert T=1-2-3-4-5-6-5-4-3-2-1-2-3-
4-2 est donc dérivée à de la séquence
S.
Tous les participants effectuent 14 blocs d'entraînement de
88 essais. Durant les blocs 1
à 11, la séquence
répétée est utilisée pour définir le
déplacement de la cible. Le bloc 12 représente le bloc
de transfert. Aux blocs 13 et 14, la séquence
d'entraînement est réintroduite. Afin d'éviter tout
biais, les séquences sont différentes pour chaque sujet.
5.7.2 Résultats
D'un point de vue descriptif, nous constatons que le temps sur
cible pour les blocs qui contiennent la séquence
répétée (c'est-à-dire les Blocs 1 à11 et 13
et 14) est plus important comparativement au Bloc 12 qui contient la
séquence aléatoire. Nous observons également que les
participants améliorent leurs performances tout au long de la
phase d'entraînement puis qu'il y a une chute de celles-ci lors de la
phase de transfert (cf. Figure 5.5).
380
360
340
Temps sur cible (ms)
320
300
280
260
240
220
b1 b2 b3 b4 b5 b6 b7 b8 b9 b10 b11 b12 b13 b14
Blocs
Figure 5.5 : Evolution du temps sur cible (TC) au fil des
blocs de pratique et du bloc de transfert
dans l'expérience 9.
Cette observation est confirmée par l'ANOVA
réalisée sur la variable Blocs (14) comme facteur à
mesures répétées, qui révèle un effet
principal des Blocs (F(13,247)=17.91, p<.001). Il s'agit du
même pattern d'évolution que celui observé dans
l'expérience précédente.
Une seconde ANOVA est réalisée afin de comparer
les temps sur cible entre la phase de transfert (Bloc 12) et les quatre
blocs qui l'entourent (Blocs 10, 11, 13 et 14). Un effet principal
des Blocs (F(1,19)=42.52 ; p<.001) indique qu'il existe une
différence de performance significative entre le bloc de
transfert et les autres : les temps sur cible sont
considérablement plus faibles sur le bloc de transfert. Le fait
d'introduire une nouvelle séquence perturbe fortement les sujets,
comme c'était le cas dans l'expérience
précédente.
Les résultats de cette expérience 9 indiquent que
l'apprentissage implicite continue à se produire même lorsque
le déplacement de la cible dans une tâche de TRS est
rendu plus
« continu ».
5.8 Expérience 10
Jusqu'à présent, les résultats
obtenus sur les différentes tâches de poursuite continue
réalisées dans le Chapitre 4, ne parviennent pas à
mettre en évidence un apprentissage implicite du segment
répété. A contrario, toutes les expériences
réalisées dans le présent chapitre, et utilisant une
tâche de TRS plus ou moins modifiée, révèlent
clairement l'existence d'un tel apprentissage. En effet, l'introduction de
diverses modifications dans une tâche de TRS standard (introduction
de séquences aléatoires, changement de
périphérique, ajout d'une contrainte de précision,
déplacement « autonome » de la cible) n'empêchent pas
l'apparition d'un apprentissage implicite de la séquence
répétée.
L'objectif de cette expérience est de comprendre si
l'échec à obtenir un apprentissage moteur implicite dans les
tâches de poursuite continue relève d'un problème
d'apprentissage
en tant que tel, ou plutôt d'un problème de
performance.
En supposant qu'il s'agisse d'un problème d'apprentissage,
il est possible de penser que
la réalisation d'une tâche de poursuite continue
implique un volume d'informations à traiter
qui est bien plus élevé que celui
impliqué dans une tâche discrète de TRS. Par
conséquent, cela rendrait la détection et l'extraction de
l'information pertinente bien plus difficiles à effectuer dans ce
type de situations continues. Pour pallier cette difficulté, la
solution envisagée dans cette dernière expérience est de
changer les conditions expérimentales de la tâche de poursuite
continue afin de faciliter la détection de la séquence
répétée. Pour cela, les sujets réalisant la
tâche de poursuite vont uniquement pratiquer sur une seule et
même séquence qui se répète tout au long de
l'expérience (comme c'est le cas dans une tâche de TRS
classique). En plus, ils vont être explicitement informés,
dès le début de la tâche, de la présence de la
séquence répétée, afin de focaliser encore
plus leur attention sur cette régularité.
Parallèlement, la même démarche est appliquée
à la tâche de TRS : les sujets sont informés de la
présence d'une régularité concernant l'apparition de la
cible sur l'écran.
Une autre possibilité est de supposer que cet échec
à obtenir un apprentissage implicite dans les tâches de poursuite
continue relève plus d'un problème de performance. Dans ce
cas,
si nous obtenons un apprentissage de la séquence
répétée dans la tâche de TRS mais pas dans
la tâche de poursuite, ceci indique que le fait d'informer
explicitement les sujets de l'existence
d'une répétition n'est pas bénéfique
dans le cas d'une tâche continue. Il est donc possible de
penser que l'échec à obtenir un apprentissage
implicite dans les tâches continues reflète plus
un problème de performance ou de mesure
de cette performance qu'un problème d'apprentissage. Autrement
dit, il est tout à fait possible que les sujets
perçoivent les régularités mais qu'elles ne leur
servent à rien dans la performance. Au contraire, si nous
obtenons un apprentissage de la séquence répétée
aussi bien en discret qu'en continu lorsque
les sujets sont au courant de la présence d'une
répétition, cela signifie que l'information donnée
aux sujets leur a permis de détecter et d'apprendre les
régularités. Ainsi, l'absence d'apprentissage dans les
tâches continues réalisées antérieurement
indique que, sans information explicite, les sujets ne semblent pas
capables d'extraire l'information pertinente leur permettant de repérer
la régularité.
Nous allons donc de comparer l'évolution des performances
obtenues par les sujets dans
ces deux conditions expérimentales. De plus, par
souci méthodologique, deux groupes contrôle
supplémentaires sont créés. Les sujets du premier groupe
de contrôle réalisent une tâche de poursuite continue sur
des segments totalement aléatoires, alors que ceux du second groupe
effectuent une tâche de TRS sur des séquences
aléatoires.
Au final, cette expérience va nous permettre de comparer
les performances des sujets dans les quatre situations suivantes :
É tâche continue, comprenant un même segment
répété, pour laquelle les sujets sont informés de
sa présence,
É tâche continue, comprenant uniquement des
segments aléatoires différents les uns des autres, pour laquelle
aucune information n'est donnée aux sujets,
É tâche discrète, comprenant une même
séquence répétée, pour laquelle les sujets sont
informés de sa présence,
É tâche discrète, comprenant uniquement des
séquences aléatoires différentes les unes des autres, pour
laquelle aucune information n'est donnée aux sujets.
5.8.1 Méthode
Sujets
Vingt-huit sujets (22 filles et 6 garçons) inscrits en
première année de Psychologie ont participé volontairement
à cette expérience. Aucun de ces sujets n'avait participé
aux études antérieures. Tous avaient une vision normale ou
parfaitement corrigée.
Les participants sont aléatoirement répartis en 2
groupes de 14 sujets, selon la nature des informations qui leur sont
données lors de l'exécution des taches de poursuite et de TRS.
Matériel
Pour les deux tâches discrètes et continues
proposées aux sujets, la présentation des stimuli,
l'enregistrement des données (temps sur cible dans les deux cas) sont
implémentés
sur un ordinateur de type PC équipé d'un
écran couleur de « 14 pouces » avec une résolution
de 1024 x 768 pixels.
Concernant la tâche de poursuite de cible, le
matériel est identique à celui employé lors
de l'expérience 1 (cf. paragraphe 4.1, page 47). Un
logiciel est chargé de calculer la position
de la cible, de l'afficher sur l'écran et d'enregistrer
les mouvements du pointeur de la souris à une fréquence de 200
Hz.
Concernant la tâche de TRS, le matériel est
similaire à celui utilisé lors de l'expérience
8 (cf. paragraphe 5.6, page 93). Quatre carrés sont
positionnés horizontalement au milieu de l'écran d'ordinateur et
restent affichés tout au long de l'expérience. La cible peut
apparaître
au milieu de chaque carré pendant un temps
prédéfini de 600ms, avant de disparaître pour
réapparaître ensuite à une nouvelle position,
et ceci à un rythme indépendant du comportement du
sujet. Un programme informatique est chargé d'afficher la cible, de
mesurer
le temps sur cible et d'enregistrer les données pour un
traitement ultérieur.
Stimuli
Concernant la tâche de TRS, des séquences
comprenant 12 essais sont générées automatiquement
par le programme en reprenant la plupart des critères
utilisés par Shanks (2003). En effet, chaque position de la cible
parmi les quatre possibles apparaît trois fois dans
la séquence de 12 essais. De plus, toutes les
transitions possibles sont représentées une seule fois (par
exemple 1-2, 1-3, etc.). Par contre, les transitions de second ordre
diffèrent toutes pour deux séquences distinctes. A titre
d'illustration, dans les séquences « 1 - 3 - 4 - 3 - 1 - 2 -
3 - 2 - 4 - 2 - 1 - 4 » et « 4 - 3 - 2 - 1 - 2 - 4 -
1 - 3 - 1 - 4 - 2 - 3 », nous constatons que dans la première
séquence, « 1 - 3 » est suivi par « 4 » tandis que
dans l'autre séquence « 1 - 3 » est suivi par « 1
».
Les stimuli utilisés pour la tâche de poursuite
continue sont générés à partir de la série
sinus cosinus employée dans les expériences décrites dans
le Chapitre 4. Cependant, au lieu d'employer des essais composés de 3
segments (c'est-à-dire un segment répété
entouré par deux segments aléatoires), nous utilisons
uniquement un seul segment (soit aléatoire, soit
répété) par essai. Afin de faciliter l'enchaînement
des essais et de ne pas faire apparaître de discontinuités, chaque
essai débute et se termine toujours au centre de l'écran (en se
servant
ici de la période entière de la fonction sinus
cosinus).
Procédure
L'expérience débute par une tâche de
poursuite continue comprenant 14 blocs de 4
segments, d'une durée de 9 secondes par segment. Les
participants doivent poursuivre la cible
qui se déplace horizontalement sur l'écran
au moyen de la souris. Lorsqu'ils positionnent correctement le pointeur
de souris à l'intérieur de la cible, celle-ci change de
couleur et devient rouge. Au sein d'un bloc, les quatre segments
s'enchaînent sans interruption. Une pause, autogérée par
les sujets, sépare l'ensemble des blocs. A la fin de cette
première tâche,
les sujets sont soumis à un test de
reconnaissance comprenant 6 segments (3 déjà vus et 3
complètement nouveaux). Ils doivent indiquer, sur une
échelle de 0 à 9, leur degré de reconnaissance.
Par la suite, ces mêmes sujets réalisent une
tâche de TRS comprenant 14 blocs de 4
séquences de 12 essais. Durant un essai, la cible reste
affichée à l'écran pendant une durée
prédéfinie de 600 ms, puis disparaît, avant de
réapparaître 200 ms plus tard dans une autre position. Il s'agit,
pour les sujets, de réagir aussi rapidement que possible à
l'apparition de la cible sur l'écran en positionnant le pointeur de
souris à l'intérieur de celle-ci. Là aussi, la cible
change de couleur dès que le pointeur de souris est correctement
positionné. Les blocs de 48 essais sont séparés les uns
des autres par une pause gérée par les sujets. Après avoir
réalisé cette tâche de TRS, un test de
reconnaissance composé de 6 séquences de 12 essais (3
séquences vues et 3 séquences non vues) est proposé aux
participants.
Afin de tester l'impact de l'information donnée aux
sujets, deux groupes distincts sont constitués :
É Dans le premier groupe, les sujets
réalisent une tâche de poursuite continue comprenant
uniquement des segments aléatoires pendant les 14 blocs de pratique.
Ensuite, ils effectuent une tâche de TRS composée de la
répétition d'une même séquence, dont ils sont
explicitement informés. Cette séquence est
présentée du bloc
1 au bloc 12. Au bloc 13 (bloc de transfert), une nouvelle
séquence est présentée. Finalement, la séquence
répétée est réintroduite lors du dernier bloc (bloc
14).
É Inversement, les sujets du second groupe
effectuent tout d'abord la tâche de poursuite continue
composée, cette fois, d'un segment répété
dont ils connaissent l'existence dès le début. Ce segment
répété est présenté aux sujets pendant les
12 premiers blocs. Il est remplacé au bloc 13 par un segment
aléatoire avant d'être réutilisé au bloc 14. Dans
un second temps, les participants réalisent la tâche de TRS
ne comprenant ici que des séquences aléatoires
différentes, présentées pendant les
14 blocs de l'expérience.
Dans la suite de ce travail, nous parlerons de «
condition aléatoire » pour se référer à toute
tâche (poursuite continue ou TRS) s'effectuant sur des segments ou
séquences aléatoires pour lesquels les sujets ne
reçoivent aucune information. A l'opposé, nous emploierons
le terme « condition répétée » lorsqu'il s'agit
d'une tâche s'exécutant sur un même segment ou
sur une même séquence répétée
pour lesquels les sujets ont été informés de la
présence de cette répétition.
Le tableau ci-dessous résume la procédure
employée dans cette expérience.
Condition continue
|
Groupe 1
|
Groupe 2
|
Non informé
Bloc 1 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 2 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 3 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 4 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 5 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 6 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 7 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 8 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 9 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 10 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 11 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 12 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 13 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 14 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Test de Reconnaissance
3 segments vus et 3 segments non vus
Informé
Bloc 1 Répété Répété
Répété Répété
Bloc 2 Répété Répété
Répété Répété
Bloc 3 Répété Répété
Répété Répété
Bloc 4 Répété Répété
Répété Répété
Bloc 5 Répété Répété
Répété Répété
Bloc 6 Répété Répété
Répété Répété
Bloc 7 Répété Répété
Répété Répété
Bloc 8 Répété Répété
Répété Répété
Bloc 9 Répété Répété
Répété Répété
Bloc 10 Répété Répété
Répété Répété
Bloc 11 Répété Répété
Répété Répété
Bloc 12 Répété Répété
Répété Répété
Bloc 13 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 14 Répété Répété
Répété Répété
Test de Reconnaissance
3 séquences vues et 3 séquences non vues
|
Informé
Bloc 1 Répété Répété
Répété Répété
Bloc 2 Répété Répété
Répété Répété
Bloc 3 Répété Répété
Répété Répété
Bloc 4 Répété Répété
Répété Répété
Bloc 5 Répété Répété
Répété Répété
Bloc 6 Répété Répété
Répété Répété
Bloc 7 Répété Répété
Répété Répété
Bloc 8 Répété Répété
Répété Répété
Bloc 9 Répété Répété
Répété Répété
Bloc 10 Répété Répété
Répété Répété
Bloc 11 Répété Répété
Répété Répété
Bloc 12 Répété Répété
Répété Répété
Bloc 13 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 14 Répété Répété
Répété Répété
Test de Reconnaissance
3 segments vus et 3 segments non vus
Non informé
Bloc 1 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 2 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 3 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 4 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 5 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 6 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 7 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 8 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 9 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 10 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 11 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 12 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 13 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 14 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Test de Reconnaissance
3 séquences vues et 3 séquences non vues
|
Condition discrète
|
5.8.2 Résultats
Jusqu'à présent, dans les tâches continues
réalisées antérieurement, l'apprentissage du segment
répété était mesuré au moyen d'analyses
statistiques portant sur une comparaison de performances entre segments
répétés et aléatoires au fil de la pratique.
Dans ce cas, l'apprentissage doit se traduire par une évolution
différente des performances sur les deux
types de segments. A l'opposé, dans les
tâches de TRS présentées précédemment,
cet
apprentissage était mesuré en introduisant
un bloc de transfert aléatoire après une longue phase de
pratique de la séquence répétée. Ici,
l'apprentissage se manifeste par une diminution drastique des performances sur
le bloc de transfert comparativement aux blocs adjacents.
L'expérience réalisée ci-dessus
nous permet de comparer ces deux mesures de l'apprentissage au
sein de chaque tâche. Premièrement, ceci nous
conduit à évaluer l'apprentissage dans une tâche de
TRS en comparant l'évolution des performances sur les deux types
de séquences présentés tout au long de la phase de
pratique. Deuxièmement, cela nous offre également la
possibilité de mesurer l'apprentissage dans la tâche de poursuite
en introduisant une séquence aléatoire de transfert.
Quelle que soit la tâche réalisée par
les sujets, la variable dépendante mesurée est le temps
sur cible. Dans le cas de la tâche de poursuite continue, le temps sur
cible est mesuré
sur toute la durée d'un segment
(c'est-à-dire 9 secondes). Concernant la tâche de TRS, la
durée d'apparition d'une cible à l'écran est de 600 ms. Le
temps sur cible correspond ici à la durée pendant laquelle le
pointeur de souris se trouve sur cette cible. De part la nature même des
tâches, on s'attend à ce que le temps sur cible soit plus long
pour la poursuite continue comparativement à la tâche de TRS.
Cependant, nous nous intéressons ici aux variations du temps sur cible
en fonction de la pratique et du transfert et de fait, la mesure absolue du
temps
sur cible n'est donc pas informative en tant que telle.
Phase de pratique pour la tâche de
poursuite
Une première analyse de variance (ANOVA) est
réalisée sur le temps sur cible, avec la variable Blocs (14)
comme facteur intra sujets, sur les données issues du groupe
de participants effectuant la tâche de poursuite dans la condition «
aléatoire ».
En observant la courbe de performance sur la Figure 5.6, nous
constatons qu'il n'existe aucune évolution majeure du temps sur cible au
fil des 14 blocs de pratique. Cette observation
est confirmée par une absence d'effet
significatif des blocs (F(13,169)=.91; p=.544). Ce résultat
s'explique naturellement par le fait que, dans cette condition
expérimentale, les sujets sont en permanence soumis à des stimuli
aléatoires et ne peuvent en aucun cas apprendre quoi
que ce soit. Dès lors, il est inutile de comparer les
résultats obtenus sur le bloc 13 de transfert
avec ceux obtenus sur les deux blocs 12 et 14 qui l'entourent.
6000
5500
Temps sur cible (ms)
5000
4500
4000
3500
3000
b1 b2 b3 b4 b5 b6 b7 b8 b9 b10 b11 b12 b13
b14
Blocs
Figure 5.6 : Evolution du temps sur cible (TC) au fil des
blocs de pratique et du bloc de transfert
dans la tâche de poursuite continue, selon la condition
aléatoire, dans l'expérience 10.
A l'opposé, nous pouvons nous attendre à ce que les
sujets du second groupe, effectuant
la tâche de poursuite dans la condition «
répétée », obtiennent d'une part, des performances
croissantes tout au long de la phase de pratique, et d'autre part,
soient perturbés par l'introduction d'une séquence
aléatoire au bloc de transfert. Nous observons une telle
tendance sur la Figure 5.7 qui laisse apparaître une légère
amélioration des performances sur
les douze premiers blocs de pratique suivie d'une faible
diminution du temps sur cible sur le bloc de transfert. Les performances
augmentent à nouveau sur le dernier bloc, atteignant le niveau qu'elles
avaient sur le bloc 12.
Une ANOVA identique à la précédente (S14
* B14) est réalisée sur le temps sur cible pour ce groupe.
L'amélioration observée au fil de la pratique se confirme par la
présence d'un effet significatif des Blocs (F(13,169)=3.59; p<.001).
Ce résultat laisse penser qu'il existe un apprentissage de la
séquence répétée. Afin de s'en assurer, nous avons
réalisé une deuxième ANOVA avec la variable Blocs
(Bloc 13 de transfert vs Blocs 12-14 moyennés) comme
facteur intra sujets. Toutefois, malgré la tendance
observée, cette ANOVA échoue à atteindre
le seuil de significativité (F(1,13)=3.19; p=.097).
6000
5500
Temps sur cible (ms)
5000
4500
4000
3500
3000
b1 b2 b3 b4 b5 b6 b7 b8 b9 b10 b11 b12 b13
b14
Blocs
Figure 5.7 : Evolution du temps sur cible (TC) au fil des
blocs de pratique et du bloc de transfert
dans la tâche de poursuite continue, selon la condition
répétée, dans l'expérience 10.
Ces résultats ne laissent pas apparaître un
apprentissage du segment répété dans la tâche
de poursuite continue en condition aléatoire, alors
qu'une tendance tend à se manifester en condition
répétée. Ainsi, la première méthode
d'évaluation de l'apprentissage ne donne pas de résultats
concluants. La deuxième méthode consistant à comparer les
performances des deux groupes de sujets tout au long des 12 blocs de
pratique nous conduit-elle à la même conclusion ?
La Figure 5.8 illustre l'évolution du temps sur cible au
fil des blocs, permettant ainsi de comparer les performances obtenues dans
les deux conditions expérimentales (répétée /
aléatoire). Premièrement, nous constatons, dans la condition
répétée, une faible amélioration des performances
au fil des 12 blocs de pratique, alors que les performances restent stables
dans la condition aléatoire. Deuxièmement, les temps sur cible
sont légèrement plus élevés lorsque les sujets
se trouvent dans la condition « répétée »
comparativement à la condition
« aléatoire ».
6000
5500
Aléatoire
Répété
Temps sur cible (ms)
5000
4500
4000
3500
3000
b1 b2 b3 b4 b5 b6 b7 b8 b9 b10 b11 b12
Blocs
Figure 5.8 : Evolution du temps sur cible au fil des blocs de
pratique dans la tâche de poursuite
continue selon les conditions (répétée /
aléatoire) dans l'expérience 10.
Une ANOVA est réalisée avec les variables
Groupe (répété vs aléatoire) comme variable
inter sujets et sur les Blocs (12) comme variable intra sujets. L'existence
d'un effet significatif des blocs (F(11,286)=2.85, p<.001) confirme
l'amélioration des performances au
fil de la pratique. Cependant, l'analyse échoue
à atteindre le seuil de significativité aussi bien pour le
facteur Groupe (F(1,26)=1.42 ; p=.243) que pour l'interaction Groupe x
Blocs (F(11,286)=1.20; p=.283). Contrairement à nos attentes initiales,
nous ne pouvons donc pas conclure à l'existence d'un apprentissage du
segment répété, bien qu'il existe une tendance à
une évolution différente des performances selon la condition.
Test de reconnaissance pour la tâche de
poursuite
L'objectif de ce test est de comparer le degré de
reconnaissance des sujets sur différents segments qui leur sont
présentés. Dans chacune des deux conditions
expérimentales
(« aléatoire » et «
répétée »), trois segments déjà
pratiqués (vus) et trois nouveaux segments aléatoires (non vus)
sont présentés aux participants. Dans la condition «
répétée », les segments déjà vus
correspondent à l'unique segment qui a été
répété durant la phase de pratique. Dans l'autre
condition, les segments déjà vus sont en fait trois segments
aléatoires
différents tirés au hasard parmi l'ensemble des
segments aléatoires utilisés tout au long de la
phase de pratique (i.e. chacun de ces segments a donc
été vu une seule fois par les sujets).
Pour comparer le degré de reconnaissance
attribué aux différents segments, nous avons moyenné les
notes données aux trois segments vus et aux trois segments
aléatoires, ce qui nous permet de réaliser l'ANOVA suivante :
S14 * T2 avec S représentant le nombre de sujets
et T le type de segments avec deux modalités (vus vs
non vus). Cette analyse est effectuée sur
les deux groupes de sujets ayant participé à
l'expérience. Dans la condition « aléatoire », les deux
types de segments obtiennent des notes voisines de 5 (respectivement
5.11 pour les segments vus et 5.09 pour les non vus) alors que,
dans la condition « répétée », les notes
attribuées aux segments déjà vus sont largement
supérieures (8.02) à celles données aux segments non
vus (2.19). Ceci est illustré sur la Figure 5.9 ci-dessous.
Segments Vus
9 Segments Non vus
Degré de reconnaissance
8
7
6
5
4
3
2
1
0
Aléatoire Répétée
Condition
Figure 5.9 : Degré de reconnaissance des
différents types de segments, dans les deux conditions
(répétée /
aléatoire) dans la tâche de poursuite continue.
Les barres d'erreurs représentent l'écart type de la
moyenne.
Ces observations sont confortées par
l'analyse statistique qui ne révèle aucune
différence significative entre les deux types de segments dans
la condition « aléatoire » (F(1,13)=.001; p=.973). A
contrario, il existe un effet significatif du type de segment pour les sujets
dans la condition « répétée » (F(1,13)=136.78;
p<.001).
Ces résultats prouvent que les sujets sont
parfaitement capables de reconnaître le
segment répété présenté
parmi d'autres segments puisqu'ils y attribuent des notes très
élevées. Cependant, nous nous trouvons face à un paradoxe,
puisque les résultats obtenus lors de la phase de pratique ne
révèlent aucun apprentissage du segment
répété, alors que ceux issus du test de reconnaissance
indiquent la présence de cet apprentissage. Ceci nous
amène donc à supposer que les régularités
sont bien perçues par les sujets (puisqu'elles sont reconnues)
mais qu'elles ne leur sont pas utiles pour améliorer significativement
leurs performances.
Phase de pratique pour la tâche de TRS
De manière identique aux analyses
réalisées précédemment pour la tâche de
poursuite continue, nous effectuons une première ANOVA avec le facteur
Blocs (14) comme variable intra sujets sur les données recueillies
pour les sujets effectuant la tâche de TRS dans la condition
« aléatoire ».
300
250
Temps sur cible (ms)
200
150
100
50
0
b1 b2 b3 b4 b5 b6 b7 b8 b9 b10 b11 b12 b13 b14
Blocs
Figure 5.10 : Evolution du temps sur cible (TC) au fil des
blocs de pratique et du bloc de transfert
dans la tâche de TRS, selon la condition
aléatoire, dans l'expérience 10.
La Figure 5.10 illustre l'évolution du temps sur
cible tout au long des 14 blocs constituant la phase de pratique,
dans la condition « aléatoire ». Nous n'observons
aucun
changement important des performances. Ce constat se
confirme avec une absence d'effet
significatif du facteur Blocs (F(13,169)=.75; p=.716) pour
les mêmes raisons que celles expliquées dans la tâche
précédente. Les sujets effectuant la tâche de TRS, dans la
condition
« aléatoire », sont incapables
d'accroître leurs performances tout au long de la phase de
pratique (le temps sur cible moyen est de 103.45 ms pour une cible
affichée pendant 600 ms à l'écran).
Un pattern de résultats opposés s'observe pour la
condition « répétée ». En effet, nous constatons
sur la Figure 5.11 une augmentation régulière du temps sur cible
du bloc 1 au bloc
12. L'introduction du bloc de transfert
entraîne une dégradation très importante des
performances. Finalement, le temps sur cible revient à un niveau plus
important sur le dernier
bloc, lorsque la séquence répétée est
à nouveau présentée aux sujets.
300
250
Temps sur cible (ms)
200
150
100
50
0
b1 b2 b3 b4 b5 b6 b7 b8 b9 b10 b11 b12 b13 b14
Blocs
Figure 5.11 : Evolution du temps sur cible (TC) au fil des
blocs de pratique et du bloc de transfert
dans la tâche de TRS, selon la condition
répétée, dans l'expérience 10.
Une ANOVA identique à la précédente (S14 *
B14) vient confirmer ces observations par
la présence d'un effet significatif des blocs
(F(13,169)=11.31; p<.001). Partant d'un niveau initial de performances quasi
identique à celui observé dans la condition «
aléatoire » (temps
sur cible de 108.6 ms), le temps sur cible atteint son maximum
(271.7 ms) à la fin de la phase
de pratique, puis chute de manière drastique (119.7 ms)
sur le bloc de transfert pour retrouver
un niveau intermédiaire (177.2 ms) sur le dernier bloc.
Dans cette condition, l'apprentissage de la séquence
répétée par les sujets ne fait aucun doute, et il se
trouve confirmé par les résultats d'une seconde ANOVA
S14*B2 avec S représentant le nombre de sujets (14) et B
représentant les blocs (Bloc de transfert 13 vs moyenne des deux
blocs 12 et 14 adjacents). Un effet significatif du facteur Bloc est
présent (F(1,13)=25.80; p<.001), confirmant une différence de
performances sur le bloc de transfert (119.7 ms) comparativement aux blocs
adjacents (224.4 ms en moyenne).
Cette première méthode consistant à
introduire un bloc de transfert après une longue phase de
pratique laisse clairement apparaître l'existence d'un apprentissage de
la séquence répétée. Nous allons maintenant
vérifier si nous aboutissons aux mêmes conclusions en
comparant les performances des sujets tout au long des 12 blocs de pratique
dans les deux conditions « répétée » et «
aléatoire ».
300
Aléatoire
Répété
250
Temps sur cible (ms)
200
150
100
50
0
b1 b2 b3 b4 b5 b6 b7 b8 b9 b10 b11 b12
Blocs
Figure 5.12 : Evolution du temps sur cible au fil des blocs
de pratique dans la tâche de TRS selon
les conditions (répétée /
aléatoire) dans l'expérience 10.
D'un point de vue descriptif, nous pouvons observer sur la Figure
5.12 que les sujets partent d'un niveau initial de performances
quasi identique dans les deux conditions
expérimentales. Par la suite, les performances des
sujets dans la condition « répétée »
évoluent de manière ascendante tout au long de
la pratique alors que celles des participants dans l'autre condition tendent
à stagner. On peut noter la présence d'un écart de
performances important dès le deuxième bloc de pratique.
Une ANOVA est effectuée avec les variables
Groupe (« répété » vs « aléatoire
») comme facteur inter sujets et sur les Blocs (14) comme
facteur intra sujets. Cette analyse statistique révèle
à la fois un effet simple du facteur Groupe (F(1,26)=34.37; p<.001)
et du facteur Bloc (F(11,286)=7.14; p<.001) ainsi qu'une interaction
significative Groupe x Bloc (F(11,286)=7.02; p<.001). Ces trois
résultats combinés confirment ceux obtenus
précédemment, à savoir qu'il existe un apprentissage
de la séquence répétée puisque les
performances sur les 2 types de séquences évoluent de
manière radicalement différente selon
la condition. De plus, des comparaisons
planifiées ont permis de mettre en évidence une
différence significative entre les conditions «
répétée » et « aléatoire » sur
le bloc 2 (F(1,26)=10.06; p<.004) alors que sur le bloc 1, il n'existe
pas de différence entre les deux (F(1,26)=0.48; p=.492). Une fois
encore, ces résultats confirment le fait que l'apprentissage se
manifeste après une faible quantité de pratique dans les
tâches de TRS.
Test de reconnaissance pour la tâche de
TRS
Lors de ce test de reconnaissance, trois séquences vues
et trois séquences non vues sont présentées aux
participants dans chacune des deux conditions expérimentales. Le
traitement des données collectées est identique à celui
effectué précédemment dans la tâche de poursuite
continue. La comparaison du degré de reconnaissance attribué aux
différentes séquences est évaluée au moyen d'une
ANOVA avec le Type de séquences (Vues vs Non Vues) comme facteur intra
sujets. La Figure 5.13 illustre les principaux résultats obtenus pour
les deux types
de séquences à la fois dans la condition «
aléatoire » et dans la condition «
répétée ».
Les participants dans la condition « aléatoire »
attribuent des notes moyennes proches
de la valeur 5, à savoir 5.71 pour les séquences
vues et 4.83 pour celles totalement aléatoires. Par contre, nous
constatons un écart important entre les notes attribuées aux deux
types de séquences pour les sujets placés dans la
condition « répétée ». En effet, les
séquences déjà
vues lors de la phase de pratique obtiennent un score moyen
relativement élevé de 6.83 alors
les séquences aléatoires se voient attribuer un
score moyen très faible de 1.6.
9 Séquences vues
Degré de reconnaissance
8 Séquences non vues
7
6
5
4
3
2
1
0
Aléatoire Répétée
Condition
Figure 5.13 : Degré de reconnaissance des
différents types de séquences, dans les deux conditions
(répétée / aléatoire) dans la
tâche de TRS. Les barres d'erreurs représentent l'écart
type de la moyenne.
Les résultats de l'analyse statistique viennent
renforcer ces observations : aucun effet significatif du type de
séquences n'apparaît dans la condition « aléatoire
» (F(1,13)=1.46; p=.248) alors que cet effet est fortement significatif
dans la condition répétée (F(1,13)=44.93; p<.001).
Au final, ces résultats prouvent une fois de plus
l'existence d'un apprentissage dans le
cas d'une tâche de TRS. Tout d'abord, cet apprentissage a
été mis en évidence dès le début de
la phase de pratique puis, lors de l'introduction du bloc de
transfert. Les résultats obtenus lors
du test de reconnaissance viennent renforcer la preuve de cet
apprentissage, puisque les sujets sont capables de reconnaître
parfaitement la séquence répétée parmi
d'autres séquences aléatoires.
Comparaison de la reconnaissance entre la
tâche de TRS et la tâche de poursuite
continue
Les résultats issus des tests de reconnaissance
effectués précédemment ont montré que
les sujets sont capables de reconnaître les
séquences et les segments déjà vus lors de la phase
de pratique, dans la condition répétée.
Toutefois, les analyses réalisées jusque là ne permettent
pas de savoir si la reconnaissance est meilleure dans une tâche
ou dans une autre. Afin de répondre à cette interrogation,
nous avons réalisé une comparaison de la reconnaissance entre
la tâche de TRS et la tâche de poursuite
continue, dans la condition répétée. Cette
comparaison est illustrée sur la Figure 5.14 qui montre qu'il existe une
légère différence entre
la tâche continue et la tâche discrète, aussi
bien pour les segments vus que pour ceux non vus. Quel que soit le type de
segment, les scores obtenus en reconnaissance sont supérieurs dans le
cas de la tâche continue.
10
Degré de reconnaissance
9 Tâche continue
8 Tâche discrète
7
6
5
4
3
2
1
0
Vu Non Vu
Type de séquence / segment
Figure 5.14 : Degré de reconnaissance dans les
tâches discrètes et continues selon la nature de la
séquence / segment utilisé. Les barres
d'erreurs représentent l'écart type de la moyenne.
Une ANOVA de la forme S14 <T2> * N2 avec T
représentant le type de tâche (continue / discrète) et N
représentant la nature de la séquence ou segment
utilisé (vue / non vue) est effectuée. Un effet quasi
significatif du type de tâche (F(1,26)=4.1125 ; p=0.052) est obtenu,
indiquant qu'il y a une tendance à obtenir une meilleure
reconnaissance dans la tâche continue
comparativement à la tâche discrète.
Nous retrouvons un effet significatif de la condition (F(1,26) = 142.92
; p<.001) prouvant, une fois de plus, que les sujets reconnaissent mieux les
séquences / segments déjà vus. Par contre, nous
n'obtenons pas d'interaction significative type de tâche x nature de
la séquence (F(1,26) = 0.4488 ; p = 0.508). Ce résultat nous
amène à conclure que les sujets reconnaissent de la même
manière, les séquences / segments déjà vus dans la
tâche discrète et dans la tâche continue.
5.9 Discussion sur les expériences 8, 9 et 10
Une différence majeure entre les tâches de TRS et
les tâches de poursuite concerne la nature même du
déplacement de la cible. En effet, dans les tâches de poursuite
continue, la cible se déplace indépendamment du comportement
du sujet alors que dans les tâches classiques de TRS, le mouvement
de la cible est dépendant du rythme de réponse des sujets. Dans
les expériences 8 et 9, nous avons modifié une tâche de TRS
standard afin que la cible
se déplace de manière « autonome »,
c'est-à-dire de façon à ce qu'elle soit
indépendante de la latence de réponse des participants. Dans
l'expérience 9, nous avons en plus augmenté le nombre de
positions possibles d'apparition de la cible (passant de 4 à
8 positions) avec la volonté de nous rapprocher encore plus d'une
situation continue dans laquelle il existe une infinité de positions
possibles. De plus, aucun carré n'était affiché sur
l'écran afin que les sujets ne puissent pas visualiser les endroits
possibles d'apparition de la cible. Par conséquent,
ils ne pouvaient pas connaître
précisément le nombre de positions potentielles de la
cible. L'objectif était de voir si un apprentissage implicite continuait
à se manifester après de telles modifications. Pour cela, nous
avons mesuré le temps sur cible. Un apprentissage doit se
traduire par une chute importante du temps sur cible sur le bloc de transfert
comparativement aux blocs de pratique qui l'entourent. Les résultats
obtenus dans l'expérience 8 montrent que
les sujets apprennent sans difficulté,
même lorsque la cible se déplace de
manière
« autonome ». Dans le même sens, les
résultats issus de l'expérience 9 indiquent que
l'apprentissage implicite continue à se manifester même si
le déplacement de la cible est devenu plus « continu ».
L'absence d'indications quant à l'apparition potentielle de la cible ne
perturbe pas les participants. Finalement, les résultats de ces
deux études indiquent que les
Discussion sur les expériences 8, 9 et 10 117
sujets sont capables d'apprendre implicitement les
régularités présentes dans le déplacement
de la cible, même lorsque celui-ci ne respecte plus un
rythme d'apparition discret, et tend à être perçu comme une
tâche « continue ».
L'expérience 10 avait pour objectif de savoir si
l'échec à obtenir un apprentissage moteur implicite dans les
tâches de poursuite continue était dû à un
problème d'apprentissage
en tant que tel ou bien s'il s'agissait d'un problème
de performance ou de mesure adéquate de cette performance. Afin de
départager ces deux explications, nous avons soumis les sujets
d'un premier groupe expérimental à une tâche de poursuite
dans laquelle la cible se déplaçait
de façon totalement aléatoire durant toute
l'étude. Les participants n'en étaient nullement
informés. Puis, ils effectuaient une tâche de TRS
composée uniquement par la répétition d'une même
séquence. Cette fois, ils étaient informés, dès le
début de la tâche, de la présence
de cette régularité. A contrario, les
participants d'un second groupe expérimental étaient, quant
à eux, soumis aux conditions inverses. Ils réalisaient
d'abord une tâche de poursuite dans laquelle la cible se
déplaçait toujours selon le même segment
répété. Ils en étaient informés
dès le début. Ensuite, ils enchaînaient en réalisant
une tâche de TRS dans laquelle la cible se déplaçait de
manière totalement aléatoire, mais aucune information ne
leur était donnée.
Les résultats obtenus mettent en avant deux situations
différentes d'apprentissage de la séquence
répétée. Premièrement, dans le cas de la
tâche de TRS, les résultats laissent clairement
apparaître un apprentissage de la séquence
répétée très tôt dans la phase de
pratique, qui se confirme par la suite lors de l'introduction du bloc de
transfert et lors du test
de reconnaissance ultérieur. L'obtention d'un
apprentissage dans cette situation reste conforme aux résultats
issus des expériences 8 et 9 réalisées
précédemment. Deuxièmement, dans le cas de la tâche
de poursuite continue, les conclusions à formuler restent plus
nuancées
en raison des résultats contradictoires obtenus.
En effet, les résultats issus de la phase de pratique ne
permettent pas de conclure à la présence d'un
apprentissage de la séquence répétée puisque
d'une part, les performances des sujets n'évoluent pas favorablement au
fil de
la pratique et d'autre part, qu'elles ne sont pas
perturbées par l'introduction d'une séquence aléatoire
sur le bloc de transfert. A contrario, les résultats
obtenus sur le test de reconnaissance mettent clairement en
évidence l'existence d'un apprentissage puisque les notes
attribuées aux segments déjà vus sont très
largement supérieures à celles données aux
118 Chapitre 5 : Variations autour d'une tâche de TRS
segments aléatoires. De tels résultats tendent
à indiquer que les régularités présentes dans le
déplacement de la cible sont bien perçues par les
sujets, mais qu'elles ne leur sont pas utiles pour accroître leurs
performances.
5.10 Conclusion sur la troisième partie
L'objectif général de cette troisième
partie était de comprendre pourquoi il semble si facile de
tirer avantage de la répétition d'un segment dans une
tâche de TRS, alors que l'apprentissage d'une
répétition dans une tâche continue est
considérablement plus difficile. Pour cela, nous avons modifié
une tâche de TRS standard afin de la rendre la plus similaire possible
à une tâche de poursuite continue, ce qui nous a conduit à
réaliser deux séries de trois expériences. Dans la
première série (expériences 5, 6 et 7), les
modifications portaient principalement sur les paramètres
utilisés dans la tâche de TRS (introduction
d'aléatoire, choix du périphérique et ajout d'une
contrainte de précision). Dans la deuxième série
(expériences 8, 9 et 10), c'était la nature même
de la tâche de TRS qui était modifiée
(déplacement « autonome » de la cible, déplacement
« continu » de la cible).
Dans tous les cas, les résultats mettent en
évidence un apprentissage de la séquence
répétée quelles que soient les modifications introduites
dans la tâche de TRS. De plus, une comparaison directe entre les
performances obtenues sur une tâche de poursuite continue et celles
obtenues sur une tâche de TRS a été
effectuée dans l'expérience 10. Dans cette dernière,
les sujets étaient informés de la présence d'une
répétition. Dans ce cas, les résultats obtenus sur la
tâche de TRS révèlent, une fois de plus, un
apprentissage très net de la séquence
répétée dès le début de la phase de
pratique. Par contre, dans le cas de la tâche de poursuite continue, les
sujets semblent avoir appris, toutefois, l'indice utilisé dans la phase
de pratique (le temps sur cible) n'est pas révélateur de
l'existence d'un apprentissage. En effet, c'est le test de reconnaissance qui
va permettre de révéler cet apprentissage qui n'était pas
apparu auparavant.
Quatrième partie : Discussion
générale
Dans le cadre du présent travail de
recherche, nous nous sommes intéressés à
l'apprentissage implicite de régularités dans des tâches
motrices continues et discrètes. Nous avons tout d'abord
effectué une réanalyse des travaux portant sur les
quelques études existantes dans le domaine de l'apprentissage moteur
implicite, et plus particulièrement, sur
les travaux réalisés par Shea & al (2001).
Ceci nous a conduit à mettre en évidence, d'une part, l'existence
de problèmes méthodologiques dans ces études, et d'autre
part, la présence d'un biais potentiel dans les expériences de
Wulf et collaborateurs, pouvant expliquer le fait que ces auteurs obtiennent un
apprentissage implicite dans leur tâche de poursuite de cible. Nous en
sommes arrivés à la conclusion selon laquelle, il
était bien difficile d'obtenir un apprentissage implicite dans une
tâche continue. Dans un second temps, nous avons cherché à
comprendre pourquoi il était plus facile de tirer
bénéfice d'une répétition dans une tâche
discrète que dans une tâche continue. Pour se faire, nous
avons modifié une tâche de TRS classique en introduisant
différentes modifications (nouveau périphérique,
contrainte de précision, déplacement autonome et continu de la
cible). Notre but était de rendre cette tâche
120 Discussion générale
discrète la plus similaire possible à une
tâche continue afin de voir si l'apprentissage implicite
continuait à se manifester avec de telles
modifications. Il s'agissait pour nous, d'arriver à isoler le
facteur responsable selon les cas de cet apprentissage ou de ce non
apprentissage.
Cette discussion générale est divisée en
deux sections principales, dans lesquelles nous reviendrons sur les principaux
résultats que nous avons obtenus et sur leurs implications.
1. Vers une remise en cause des travaux
antérieurs portant sur l'apprentissage moteur implicite
Nous avons d'abord réalisé trois
expériences (expérience 1, 2 et 3) en suivant la
conception des études de Wulf et collaborateurs, mais employant un
segment répété différent pour chaque sujet, afin de
faire en sorte que, sur l'échantillon entier, les
caractéristiques des segments répétés et
aléatoires conduisent à une difficulté de poursuite
identique. Dans ces conditions, les sujets ont échoué
à apprendre. Il peut y avoir plusieurs explications non
exclusives à cet échec. En effet, il existe de nombreuses
différences procédurales entre nos expériences et les
études antérieures. Par exemple, dans nos
expériences, les participants utilisent une souris pour poursuivre
la cible, tandis que le matériel employé dans les
expériences précédentes était un levier ou un
stabilomètre. La taille du déplacement de la cible est
également différente, ainsi que d'autres détails
paramétriques. Néanmoins, il y a une autre explication
potentielle à ce non apprentissage du segment
répété. Dans la plupart des expériences de
Wulf et collaborateurs, le même segment répété
est employé pour tous les participants. De plus, la vitesse de
déplacement et l'accélération de la cible dans ce segment
répété se sont avérées être
inférieures à celles utilisées dans les segments
aléatoires. Par conséquent, ces caractéristiques ont pu
rendre ce segment particulièrement facile à pister. A l'appui de
cette hypothèse, une grande différence entre les segments
répétés et aléatoires a été
observée dans l'expérience 4, lorsque nous avons utilisé
le segment répété standard impliqué dans la
plupart des études de Wulf et collaborateurs. Il est important
de noter que cette différence d'apprentissage entre segments
répétés et aléatoires a été obtenue
dans les mêmes conditions que celles mises en oeuvre dans nos
premières expériences et qui menaient jusque
là à des résultats nuls. Il ne s'agit
pas de prétendre que les différences procédurales
et paramétriques entre nos études et celles de Wulf et
collaborateurs sont sans conséquence.
1. Vers une remise en cause des travaux antérieurs portant
sur l'apprentissage moteur implicite 121
Mais il s'agit de montrer que nos échecs initiaux
pour répliquer les résultats des études
antérieures sont principalement dus au contrôle
effectué pour la sélection du segment
répété, comme l'attestent les résultats obtenus
dans l'expérience 4. Autrement dit, l'apprentissage implicite
obtenu dans les tâches de poursuite continue antérieurement
réalisées serait dû à un biais dans la
sélection du segment répété qui serait
particulièrement facile à pister, comme nous l'avons
expliqué dans la discussion de notre expérience 4, page 71.
Nous ne prétendons pas que l'apprentissage d'un
segment répété dans une tâche de poursuite
continue est impossible. Il ne s'agit pas non plus de dire que tous
les résultats rapportés par Wulf et collaborateurs sont peu
concluants du fait d'un biais méthodologique potentiel. En effet, une
exception possible se trouve dans l'étude de Wulf et Schmidt (1997,
expérience 2). Dans cette expérience, les segments
étaient générés par une fonction plus simple
que celle utilisée dans les autres expériences (les six
derniers termes de l'équation produisant les composantes de
hautes fréquences étaient supprimés). De plus, la
durée d'entraînement était particulièrement
élevée (quatre jours de pratique avec 120 essais par
jour). Les propriétés mathématiques de la
séquence répétée ainsi
générée sont loin d'être optimales. En effectuant
une analyse mathématique identique à celles
réalisées précédemment (voir la discussion des
expériences 1, 2 et 3, page 61), nous montrons que seulement 25.68% des
segments aléatoirement produits ont une vitesse moyenne égale ou
supérieure à la vitesse moyenne du segment
répété, et que seulement 37.82% des segments
aléatoirement produits
ont une accélération moyenne égale ou
supérieure à son accélération moyenne. Là
encore, il
est vraisemblablement plus facile de pister le segment
répété que les segments aléatoires. Cependant,
par opposition avec les autres expériences des mêmes
auteurs, la différence de précision dans la poursuite entre
segments répétés et aléatoires a significativement
augmenté durant les quatre jours d'entraînement. Ces
résultats laissent entendre que dans cette expérience,
il existe un véritable apprentissage de la séquence
répétée. Toutefois, la preuve de
cet apprentissage n'est pas complètement fondée
étant donné que ce segment répété semble
plus facile à pister.
Après avoir réalisé nos
différentes expériences et examiné les
résultats issus de la littérature sur l'apprentissage
moteur implicite, nous en arrivons à la conclusion selon
laquelle, l'apprentissage dans des tâches de poursuite continue est plus
difficile à obtenir que
ce que peuvent suggérer les études
réalisées par Wulf et collaborateurs (Chambaron, Ginhac,
Ferrel-Chapus & Perruchet, sous presse).
Partant de cette conclusion, il est
intéressant de voir quel est le rapport entre
l'amélioration des performances et la connaissance explicite de la
structure à apprendre. Shea
et al. (2001) indiquent que l'apprentissage dans des
tâches de poursuite continue se produit indépendamment de la
connaissance consciente des répétitions. Un tel
résultat est en désaccord avec la conclusion tirée des
tâches de TRS et des autres situations d'apprentissage implicite. Nous
(Perruchet, Chambaron & Ferrel-Chapus, 2003) avons
suggéré que cette différence d'apprentissage entre ces
différentes situations pouvait s'expliquer par la manière dont
était mesurée la connaissance consciente (i.e
explicite) dans les études de Wulf et collaborateurs. Cette
hypothèse n'est pas infirmée dans la contribution
expérimentale actuelle. Elle peut s'appliquer, par exemple, à
l'expérience 2 de Wulf & Schmidt (1997) dans laquelle
ces auteurs montrent que les sujets sont capables d'apprendre
inconsciemment les régularités présentes dans le
déplacement de la cible. Cependant, il s'avère que les
conclusions de Wulf et collaborateurs peuvent être remises en question
à un autre niveau. En effet, si les répétitions n'ont
aucune influence sur l'amélioration des performances motrices, alors le
fait de ne pas avoir de connaissance explicite au sujet de ces
répétitions devient un résultat insignifiant. Il
n'y a donc aucune raison de s'attendre à une
identification explicite du segment répété si les
meilleures performances obtenues sur ce segment sont principalement
dues au fait qu'il est plus facile à pister que les segments
aléatoires, et ce, dès le début. Par conséquent,
l'apparente dissociation entre performance et connaissance explicite,
révélée dans les études de Wulf et collaborateurs,
a la même origine que la plupart des autres dissociations mises en
évidence dans le domaine de l'apprentissage implicite durant les
trois dernières décennies. Cela provient en fait d'un
ensemble de problèmes méthodologiques dans les mesures de
la performance et/ou dans les mesures de la connaissance explicite. En
effet, les études sur l'apprentissage moteur implicite
entreprises par Wulf et ses collègues (Wulf & Schmidt,
1997 ; Shea et al., 2001) représentent une bonne
illustration des problèmes méthodologiques
qui auraient pu être évités si ces
auteurs s'étaient basés sur une littérature relative
à l'apprentissage implicite plus récente.
2. Variations autour d'une tâche de TRS et
persistance de l'apprentissage
implicite
La dernière série d'expériences
(Expériences 5 à 9) met en évidence l'existence robuste
d'un apprentissage implicite quelles que soient les modifications introduites
dans une tâche standard de TRS. Dans l'expérience 5, nous avons
réalisé une modification de procédure dans
la tâche elle-même. En effet, nous avons
effectué une tâche de TRS en utilisant une séquence
répétée placée entre des essais aléatoires.
Il s'avère que la méthode que nous avons employée
présente un avantage important comparé aux méthodes
classiquement utilisées pour mesurer l'apprentissage dans les
tâches de TRS. Dans la méthode standard, l'apprentissage
est seulement évalué à la fin de la phase de pratique en
mesurant l'effet néfaste (généralement, une forte
augmentation du temps de réaction) que produit l'introduction
d'un bloc de transfert. Dans des articles plus récents, le bloc de
transfert est présenté après une phase de pratique
relativement longue (e.g., 96 répétitions dans
Shanks, 2003), ce qui suggère que l'apprentissage dans les
tâches de TRS nécessite un grand nombre de
répétitions pour se manifester. La méthode que nous
avons utilisée ici, nous permet d'observer l'apprentissage au
fil du temps, ce qui rend alors possible la
génération de courbes d'apprentissage. Nos résultats
révèlent deux phénomènes importants.
Premièrement, une amélioration sélective des
performances semble se produire très tôt durant la phase
d'entraînement. Ce résultat est conforme aux résultats
obtenus par quelques études qui s'intéressaient
directement à cet aspect (Perruchet & Amorim, 1992; Perruchet et
al., 1997). Deuxièmement, la différence qui existe entre les
séquences aléatoires et répétées continue
à augmenter durant toute la phase de pratique. De manière
générale, les résultats obtenus dans cette
expérience ne cherchent pas à invalider l'utilisation d'un grand
nombre d'essais d'entraînement, mais ils suggèrent que ce
qui est observé dans la plupart des études de TRS
correspond à une quantité importante de
« surapprentissage », et ne peut donc pas
se généraliser aux premières parties de
l'apprentissage.
Dans l'expérience 6, nous avons examiné l'influence
du périphérique utilisé dans une tâche de TRS, afin
de voir quel était son impact sur l'apprentissage. Classiquement, les
tâches
de TRS sont réalisées au moyen d'un
dispositif nécessitant l'utilisation d'un clavier. Les sujets ont
pour consigne de positionner l'index et le majeur de chaque main sur les
touches du
clavier qui correspondent spatialement aux positions
potentielles de la cible sur l'écran, et
d'appuyer aussi rapidement que possible sur la touche
correcte dès que la cible apparaît. L'utilisation de ce
type de matériel implique une association directe stimulus-
réponse. En effet, l'usage du clavier entraîne
inévitablement l'existence d'une correspondance directe entre une
position sur l'écran et un mouvement spécifique. Dans ce cas, il
est possible de se demander si l'apprentissage observé dans ce genre de
situation n'est pas dû à la présence de cette association.
C'est pourquoi, le fait d'utiliser une souris, en lieu et place d'un clavier,
va nous permettre de « rompre » cette liaison
stimulus-réponse. L'utilisation d'une souris ne correspond pas
à mouvement unique, puisque pour atteindre une position au
moyen de ce périphérique, tout dépend de l'endroit
d'où l'on vient (par exemple, si le curseur est du côté
droit de l'écran et que la cible apparaît à gauche, il va
falloir déplacer la souris vers la gauche pour atteindre la cible). Par
conséquent, le fait d'utiliser une souris n'implique pas l'existence
d'une liaison directe entre une position affichée à
l'écran et un mouvement particulier, (comme c'est le cas avec
l'utilisation d'un clavier). Nous voulons observer si l'apprentissage continue
quand même à se manifester dans ces conditions. Il s'agit d'une
expérience novatrice car, à notre connaissance, c'est la
première fois qu'une tâche de TRS est réalisée au
moyen d'une souris. Les sujets avaient pour consigne de cliquer aussi vite que
possible sur une cible
qui apparaissait à l'écran, afin de la faire
disparaître. Les données indiquent que les temps de
réaction des sujets utilisant la souris sont légèrement
plus élevés que ceux des sujets utilisant
le clavier. Cette différence s'explique par le fait que
les participants de la « condition souris » doivent dans un premier
temps déplacer le périphérique afin d'atteindre la cible,
puis cliquer dessus, ce qui leur prend plus de temps que d'appuyer sur une
touche de clavier. Les résultats obtenus indiquent clairement que les
sujets sont capables d'apprendre les régularités présentes
dans la tâche que ce soit en utilisant un clavier ou une souris.
Finalement, le fait de montrer une « équivalence » entre ces
deux périphériques, pour une tâche de TRS, va nous
permettre
de dépasser certaines contraintes qui étaient
liées à l'utilisation d'un clavier. En effet, il est
désormais possible d'envisager de faire des tâches de TRS avec un
nombre plus important de positions potentielles et également avec
différents agencements de ces positions sur l'écran,
ce qui n'était pas commode, voire impossible,
avec l'utilisation d'un clavier (du fait de la limite physique
imposée en terme de positionnement possible des doigts).
De plus, l'utilisation de la souris permet de manipuler d'autres
variables, comme la précision ou la nature du déplacement de
la cible. C'est ce que nous avons examiné dans nos expériences 7,
8
et 9. Là encore, les résultats nous montrent que,
quelle que soit la modification introduite dans
la tâche de TRS, l'apprentissage implicite continue
à se manifester.
Apprentissage dans les tâches discrètes
vs absence d'apprentissage dans les tâches continues : un
problème d'anticipation ?
Notre stratégie qui consistait à transformer une
tâche de TRS standard afin de la rendre
la plus similaire possible à une tâche
continue nous a permis d'obtenir des résultats significatifs
d'apprentissage dans tous les cas. Il nous reste maintenant à expliquer
pourquoi
un tel apprentissage semble si facile à obtenir dans une
tâche discrète alors qu'il est tellement difficile à mettre
en évidence dans une tâche continue.
Une première supposition que nous pouvons faire consiste
à penser que, dans les tâches
de poursuite continue, le sujet ne peut pas anticiper à
cause des contraintes de la tâche. En effet, il doit faire en permanence
des micro mouvements d'ajustement afin de se positionner
le plus précisément possible sur la cible qui est
en perpétuel mouvement. Ainsi, il est possible
de supposer que le sujet se focalise tellement sur ces micro
mouvements d'ajustement qu'il ne prête pas d'attention à la forme
générale du mouvement. Une telle hypothèse a
été testée dans une expérience
complémentaire non rapportée dans le corps de cette thèse.
L'objectif de cette expérience était d'expliquer l'échec
à obtenir un apprentissage dans une tâche de poursuite continue en
supposant que le pistage moteur était trop compliqué (car le
focus attentionnel se portait sur les micro mouvements d'ajustement),
ce qui ne permettait pas de traiter l'information à un
niveau global. Les sujets étaient répartis en deux
groupes : un « groupe acteur » dans lequel ils effectuaient, en
phase de pratique, une tâche de poursuite identique à celle
présentée dans notre expérience 1, et un «
groupe observateur » dans lequel ils observaient uniquement le
déplacement de la cible sur l'écran sans effectuer aucun pistage
(ce
qui constituait la phase de pratique). Les deux
groupes étaient ensuite soumis à un test de
reconnaissance. Quel que soit leur groupe d'appartenance, les sujets
réalisaient ce test de reconnaissance dans la même
modalité que celle utilisée lors de la phase de pratique. Nous
nous attendions à ce que les sujets du groupe «
observateur » obtiennent de meilleures performances que ceux
placés dans le groupe « acteur » car ces premiers devaient
uniquement observer le déplacement de cible sans effectuer aucun pistage
moteur et donc ne devaient pas être « gênés »
par une focalisation sur des micro mouvement d'ajustement. Toutefois,
les
résultats obtenus dans cette expérience ne vont pas
dans ce sens. En effet, aucun apprentissage
en observation n'est obtenu.
Une seconde supposition consiste au contraire à penser
que, dans une tâche de poursuite continue, le sujet peut anticiper
mais que cela ne lui sert à rien pour améliorer ses
performances. Deux cas de figures sont à envisager lorsque l'on
émet une telle hypothèse.
Premièrement, il est possible de penser que les
ralentissements et les accélérations présents dans le
déplacement de la cible permettent au sujet de prédire les
changements de direction (par exemple : la cible part du centre de
l'écran, se déplace vers la droite puis ralentit à
l'approche du changement de direction, et accélère ensuite
d'autant plus que le prochain changement de direction est
éloigné). Il est possible que ce genre d'information rende
inutile l'utilisation de la régularité. Dans un
mémoire de DEA conduit sous ma co- direction (Buczaga, non
publié), nous avons mis en place une expérience dans
laquelle la vitesse de déplacement de la cible a été
modifiée, de manière à être constante, rendant ainsi
tout changement de direction impossible à anticiper
grâce aux accélérations et aux
décélérations de la cible. Les sujets réalisaient
cette expérience au moyen d'une souris. Celle-
ci était placée sur un dispositif de forme
arrondie permettant au sujet d'effectuer un mouvement en arc de cercle
d'environ 45° (comme c'était le cas dans l'expérience de
Pew,
1974). Pour cela, les participants positionnaient leur coude
sur un plateau tournant qui leur permettait de faire pivoter aisément
leur avant bras. L'utilisation d'un tel dispositif et d'une souris permettait
de se rapprocher du dispositif expérimental utilisé par
Wulf & Schmidt (1997). De plus, dans notre expérience, un cache
était positionné devant la main des sujets de manière
à masquer l'amplitude des mouvements effectués. Ils
effectuaient une phase de pratique suivie d'un test de reconnaissance. Les
résultats obtenus ne laissent pas apparaître d'apprentissage.
Finalement, il est donc peu probable que les informations fournies
par les accélérations et/ou les ralentissements de la cible,
dans les tâches de poursuite continue telles que nous les avons
réalisées jusqu'à présent, empêchent le
sujet d'utiliser la régularité, puisque lorsque celui-ci se
trouve dans une situation dans laquelle la vitesse est maintenue
constante entre deux changements de direction, il ne manifeste aucun
apprentissage de la régularité. Les résultats issus du
test de reconnaissance indiquaient que les sujets n'étaient pas capables
de reconnaître les segments déjà vus.
Deuxièmement, nous constatons que, dans les
situations continues, le sujet peut être
parfaitement informé de la présence de la
répétition sans pour autant être capable
d'améliorer
ses performances au point d'aboutir à un apprentissage.
Par contre, nous observons qu'il est parfaitement capable de
reconnaître les séquences qu'il a déjà vues
parmi des séquences aléatoires. Les résultats obtenus
dans l'expérience 10 l'attestent. Ceci nous amène donc
à penser qu'un apprentissage latent peut se produire dans les
tâches continues. En effet, dans
ces situations, l'apprentissage semble non perceptible
immédiatement dans la performance. Les sujets semblent avoir appris,
mais, l'indice utilisé (le temps sur cible) n'est pas
révélateur. C'est le test de reconnaissance qui va permettre de
révéler un apprentissage qui n'était pas apparu
auparavant. Ceci nous amène à reprendre la distinction classique
entre performance et apprentissage. La performance motrice représente le
comportement observable du sujet durant l'exécution d'une
tâche. Elle est évaluée à l'aide de
critères bien précis (par exemple, le nombre de paniers
réussi au lancer franc en basket, ou bien le nombre de fois
où un sujet clique correctement sur une cible).
L'apprentissage fait pour sa part référence à
un changement permanent de la performance (ou de l'aptitude
à effectuer certaines tâches ou certains mouvements)
résultant de la pratique. Si l'on tient compte de cette
distinction, la performance observée durant une pratique n'est
pas nécessairement un bon indicateur de l'apprentissage
réalisé par un sujet.
La précision d'anticipation est-elle la
même dans les deux types de tâches ?
Un autre aspect important à considérer
concerne la capacité des sujets à anticiper les
changements de direction de la cible. Une précision
d'anticipation suffisante est nécessaire pour permettre un
apprentissage dans la tâche de poursuite. La qualité de
précision exigée n'est pas la même selon ce que
l'on cherche à mesurer. En effet, pour améliorer sa
performance, il faut être capable d'anticiper très
exactement, très précisément à la fois le
moment et l'endroit où la cible va changer de direction. Au
contraire, il semble tout à fait probable de pouvoir
reconnaître des séquences en ayant seulement une
vision plus
« grossière » du trajet effectué par
la cible. C'est exactement ce que reflètent les résultats
obtenus dans les diverses expériences de poursuite
réalisées tout au long de cette thèse. Nous
ne sommes jamais parvenus à mettre en évidence un
apprentissage du segment répété alors
que les résultats issus des différents
tests de reconnaissance tendent à montrer une
reconnaissance du segment déjà vu (cf. Chapitre
4).
Nous nous apercevons qu'au contraire des tâches de
poursuite continue, une tâche de TRS (quelles que soient les
modifications introduites) reste une tâche dans laquelle la
précision d'anticipation requise est bien plus faible à la fois
sur le plan spatial et sur le plan temporel. En effet, dans ce type de
tâche, du point de vue spatial, le nombre de positions
potentielles de la cible est limité (alors qu'il est infini dans une
tâche continue). Du point de vue temporel, la durée d'apparition
de la cible à l'écran ainsi que l'intervalle inter stimuli sont
fixes impliquant une périodicité très précise
des changements de direction (alors que le rythme des changements de
direction n'est pas constant dans une tâche continue). Ce rythme
imposé et constant facilite la précision d'anticipation
dans les tâches de TRS, rendant plus facile la traduction d'une
connaissance dans la performance motrice. Nous avons vu que dans toutes les
expériences de TRS présentées dans le Chapitre 5
nous sommes parvenus sans difficulté à mettre en
évidence l'existence d'un tel apprentissage. Toutes ces
expériences reposent sur le même rythme régulier
d'apparition de la cible (à savoir une durée d'apparition
à l'écran de 600 ms et un intervalle inter
stimuli de 200 ms). Il serait intéressant de tester si ce rythme
d'apparition a un réel impact sur la précision
d'anticipation et donc sur l'apprentissage. Une idée
consisterait à réaliser une tâche de TRS dans laquelle
l'intervalle inter stimuli serait variable, allant par exemple de 200
à 800ms, impliquant que les participants ne pourraient plus
prédire « exactement » mais « à
peu près » l'instant d'apparition de la cible à
l'écran. Il serait judicieux d'envisager une telle perspective dans des
travaux futurs.
Bien qu'il ne soit pas possible aujourd'hui de fournir
une réponse unanime pour expliquer la différence
d'apprentissage existant entre les tâches continues et les
tâches discrètes, l'ensemble des travaux
réalisés au travers de cette thèse a cependant
largement contribué à délimiter plus clairement un
certain nombre de situations dans lesquelles l'apprentissage est possible
de celles dans lesquelles il ne l'est pas. Dans le même temps, ces
travaux constituent un apport dans la littérature restreinte de
l'apprentissage moteur implicite
et enrichissent le débat « discret / continu »,
en ouvrant la voie vers de nouvelles perspectives
de recherche.
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