INTRODUCTION GENERALE
Selon le rapport du ministère du plan et de
l'industrie(1980), la forêt dense ivoirienne couvrait au début du
siècle une superficie de 16 millions d'hectares qui en 1966 est
passée à 9 millions d'hectares. Ce qui correspondait à un
taux de boisement de 55.3%.En 1980, cette superficie est réduite
à environ 3,6 millions d'hectares et le taux de boisement n'est plus que
de 23%. Dans certaines régions forestières (Sud-est ; Nord
-est et centre Nord), le taux de boisement (surface de forets sur superficie du
pays)est descendu en dessous du seuil critique de 20%.
La réduction du potentiel forestier ne peut être
attribuée au seul facteur qu'est l'exportation du bois d'oeuvre. L'effet
combiné de l'extraction du bois d'oeuvre, des défrichements
agricoles et de la fabrication de combustibles ligneux coûtait à
la forêt ivoirienne un déboisement d'environ 290.000 hectares par
an avant 1990.
Selon Bertrand (1989), le phénomène de
déforestation en Cote D'Ivoire avec un
rythme de 7% par an (soit 10 fois le niveau moyen de
déboisement dans les PVD en général, Gillis et al(1983) )
était le plus préoccupant d'Afrique en 1990.
Face à cette dégradation rapide et non
contrôlée des ressources forestières nationales, les
autorités publiques prennent leurs responsabilités en promulguant
des mesures restrictives dans le but de freiner cette situation. On note les
multiples sensibilisations sur le caractère classé d'une
forêt ; la promotion du reboisement ; le recrutement d'agents
chargés de la protection des parcs et des réserves et
l'augmentation des taxes à l'exportation de certaines essences de bois
etc.... .
Aujourd'hui après toutes ces mesures, la superficie
forestière est estimée à environ 2,5 millions
d'hectares.
Deux réponses peuvent être
suggérées à un tel constat :
La trop forte dépendance de l'économie du pays
aux cultures du café et du cacao, qui pourtant sont des cultures
pérennes qui occupent beaucoup d'espace et qui sont la cause de
nombreux défrichements.
Mais la cause qui pour nous semble la mieux explicative, c'est
la forte contribution du secteur de l'exploitation forestière à
l'économie du pays. L'exploitation forestière représente
la troisième source de revenu du pays après le binôme
café-cacao. L'industrie forestière après une nette
régression au cours des années 1970, s'est maintenue à un
niveau de 9% des recettes d'exploitation 4,5%du PIB et un chiffre d'affaire
d'environ 100 milliards de Fcfa. Elle offre plus de 40.000 emplois (Button
1989).
Les parts du bois de chauffe et du charbon de bois sont loin
d'être négligeables dans cette industrie. Ils représentent
un marché de 28 milliards de Fcfa par an pour le charbon et de 15
milliards de Fcfa par an pour le bois de chauffe. (DCGTX 1990), ce qui
d'ailleurs constitue une véritable source de revenu pour les
ménages.
Dans un tel contexte, la nécessité de
mesures plus strictes dans le secteur se fait sentir et l'une des
résolutions la plus adaptée est de réduire
considérablement la partie de la consommation de bois la plus
flexible : la consommation du bois et du charbon de bois par les
ménages.
De plus, la découverte des gisements PANTHERE par le
groupe UMIC en 1993 et LION(gaz associé au pétrole), conforte les
autorités publiques dans leur choix.
Une politique énergétique qualifiée de
butanisation est donc lancée dans les années 1990 et des mesures
sont dès lors prises à cet effet :
-Exclusivité toujours accordée à la SIR
en ce qui concerne la production, l'importation et le prélèvement
au niveau des plates-formes ivoiriennes du gaz butane. Cette mesure est prise
dans le but d'éviter l'inflation incontrôlée dans le
secteur.
-Subvention du gaz butane à usage domestique
(240fcfa /Kg au lieu de 280fcfa/Kg) pour en favoriser davantage
l'accès aux populations cibles.
-Accroissement des capacités de stockage(gestoci :
2 bacs de 2000 tonnes pour le gaz)et mise sur pied de petroci gaz en 1997 dont
l'objectif est d'assurer une bonne partie de la distribution du gaz butane.
Le résultat est important. La consommation de gaz
butane des ménages passe de 18674 tonnes en 1995 à 31472 tonnes
en 1996 pour aboutir en 2000 à 50.000 tonnes. Aujourd'hui en 2004 elle
est estimée à 70.000 tonnes ;avec environ 33% provenant
d'importation. Parallèlement 40.000 réchauds ont
été vendus. Les acteurs de la filière se multiplient et la
capacité de stockage prend de la valeur. La distribution est l'une des
meilleurs de la sous région et le pays est le principal fournisseur de
plusieurs pays de la sous région. (Burkina-Faso;Mali ;
Niger;Guinée....)
Cependant, une analyse plus poussée de la situation
laisse transparaître certaines insuffisances. Les combustibles ligneux
demeurent jusque là encore le combustible principal des ménages
ivoiriens : 70 à 80% de la consommation totale d'énergie des
ménages relèvent encore de combustibles ligneux. (Rapport UNCCD
2002).
De plus, la consommation reste concentrée en milieu
urbain et péri-urbain. La seule ville d'Abidjan concentre à elle
seule 75% de la consommation globale de gaz butane. Les populations en milieu
rural elles utilisent exclusivement en général, le bois comme
combustible. Le gaz butane fait donc l'objet d'une dualité dans sa
consommation ce qui est de nature à remettre en cause la politique de
vulgarisation.
Aussi depuis certaines années (notamment1998 selon
notre appréciation), un manque de plus en plus récurent de gaz
butane sur le marché est décrié par les ménages
ivoiriens. Les autorités publiques apportent comme justificatif à
cette situation qui pourrait être qualifiée de crise
énergétique, l'absence de l'interchangeabilité des
bouteilles de gaz à l'effigie des différentes entreprises
distributrices (TOTAL ; ORYX ; PETROCI-GAZ ; MOBIL....). Ainsi
un ménage qui dispose d'une bouteille à l'effigie d'une
société ne pourrait pas s'approvisionner en gaz dès que
seules les bouteilles à l'effigie des autres sociétés sont
disponibles. L'éviction de telles situations oblige fort bien souvent le
ménage à détenir au moins une bouteille de chacune des
sociétés distributrices. Cet état de fait est de nature
à augmenter le coût d'accès au gaz et suscite une
reconversion des ménages vers les combustibles substituts (bois ;
Charbon de bois) L'objectif principal de la politique de butanisation se trouve
ainsi controversé.
Cette controverse avait été
présumée par LIBASSE BA (1993), pour qui l'échec de la
politique énergétique des pays africains réside en ce
qu'elles se soient exclusivement préoccupées de l'offre, et ont
ainsi pendant des années négligé l'avantage que pouvait
apporter la maîtrise des caractéristiques de la demande des
ménages, surtout dans le contexte de dualité qui régie la
consommation domestique de combustibles des ménages en Afrique.
Il se pose donc un réel problème de politique
énergétique et l'échec de la politique par l'offre, semble
désormais attirer l'attention des autorités publiques sur
l'utilisation d'une politique par la demande.
Cependant la mise en place d'une telle politique reste
conditionnée par la réponse à plusieurs
interrogations :
-Qu'est-ce qui explique la demande de gaz butane des
ménages africains et ivoiriens en particulier ?
-A quelle demande les autorités publiques font elles
face ?
-L'analyse des déterminants de cette demande peut-elles
apporter une explication à l'échec de la politique de
butanisation ?
La réponse à ces questions, insinue une
estimation de la demande de gaz butane des ménages qui passe
nécessairement par une analyse des déterminants de celle ci.
La littérature économique dans le domaine de la
demande énergétique des ménages fait montre de nombreuses
publications même si elles sont difficilement accessibles. Mais
très peu de ces travaux se sont confrontés aux
réalités africaines, et il paraît peu vraisemblable que les
résultats soient transposables au cas de l'Afrique subsaharienne en
Général et de la Cote D'Ivoire en particulier. L'analyse des
déterminants de la demande énergétique devient donc
pertinente pour une meilleure gestion de son allocation.
Cette recherche se propose donc, de cerner de plus
près, les déterminants de la demande de gaz butane des
ménages ivoiriens.
Objectifs et Hypothèses de Recherche
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