L'encadrement juridique des risques biotechnologiques( Télécharger le fichier original )par Faiza Tellissi Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de tunis - Mastère en Droit 2002 |
B : L'influence des débats sur les négociationsLes réflexions sur les échanges internationaux des OGM ont amené certains Etats à construire une biovigilance au niveau international. L'idée de biovigilance part du constat que les étapes expérimentales de l'évaluation des risques ne permettent pas d'appréhender toutes les conséquences des OGM. Il est donc nécessaire d'accompagner leurs productions et leurs échanges par un système de suivi biologique permettant de détecter les conséquences de leur utilisation. La mise en oeuvre de la biovigilance implique une démarche collective se traduisant par une prise en charge volontaire et collective de l'innovation. La nécessité de cette démarche parait incontestable si l'on veut dépasser les débats stériles entre pro et anti OGM10(*). Cette nécessité d'évaluer, prévenir et gérer les risques associés au développement des biotechnologies devient un objectif prioritaire. Le Protocole de Carthagène sur la biosécurité répond à cette nécessité. Mais les exigences de la protection de l'environnement et de la santé, de développement des pays du sud et de commerce international s'avèrent contradictoires et le Protocole se devait d'organiser la coopération et de résoudre les conflits entre les Etats. De longues négociations ont donc été nécessaires à la définition de son contenu. En effet, les travaux préparatoires ont débutés en 1993.La Conférence des Parties (COP), lors de sa première réunion, a établit un Groupe de Travail Spécial (GTSB) ayant pour mission d'élaborer un projet de Protocole. Ce dernier tiendra par la suite, six sessions formelles de négociations. Sa dernière réunion à Carthagène en 1999 a été un réel échec puisque la conférence n'est pas parvenue à adopter un Protocole et a dû être suspendue. Immédiatement après, une COP extraordinaire a été convoquée pour adopter le protocole. Lors de cette session extraordinaire de la COP, ONG environnementales, représentants de l'industrie, journalistes ont participés aux débats. Leur présence inhabituelle se justifiait par une volonté de médiatiser le débat. Le déroulement de négociations a été marqué par la constitution de cinq groupes11(*): Le groupe de Miami, qui rassemble des pays exportateurs de produits agricoles Ce groupe défend une régulation internationale des OVM fondée sur la certitude scientifique et sur l'évaluation des risques. Le groupe Union Européenne : constitué de pays globalement importateurs d'OVM. Ce groupe défend la sauvegarde des règles communautaires basées sur la précaution. Le groupe dit «du même esprit» : rassemble 77 pays en développement (PED).Il est majoritairement importateur d'OVM et abrite les régions à forte biodiversité. Ce groupe compte sur un protocole international précis pour orienter, voire remplacer, leur législations. Il s'est allié à l'Union Européenne (UE) pour défendre le consentement préalable informé (CPI) et le principe de précaution. Le groupe de l'Europe Centrale et de l'Est : dont les positions sont moins tranchées. Sa participation aux négociations a été moins significative. Le groupe du compromis : rassemble des pays de l'Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE), qui ne sont ni grands importateurs de produits agricoles, ni membres de l'UE (Corée du Sud, Japon, Mexique, Norvège, Nouvelle-Zélande, Singapour, Suisse). Les Etats-Unis avaient un statut de simple observateur lors de ces négociations. N'ayant pas ratifié la convention relative à la diversité biologique de 1992, ils ne pouvaient pas participer au débat ni voter. Pourtant ils ont considérablement influencé les négociations en soutenant le Groupe de Miami. Un autre fait marquant a caractérisé ces négociations. Il s'agit de l'opposition du premier groupe aux trois autres, le cinquième adoptant une position intermédiaire. L'opposition classique entre les pays du nord et ceux du sud ne s'est pas manifestée clairement lors de ces négociations. En effet, pour le Groupe de Miami, les règles de protection de l'environnement sont prétexte à un protectionnisme déguisé et a adopté ainsi une position libre échangiste. La Communauté Européenne et la plupart des pays en développement ont plutôt défendu une position assez protectrice. Ces pays du G77 craignant pour leur système de productions locales, étaient favorables à la possibilité pour un pays de refuser l'importation des OGM. Prés d'une année d'intenses négociations a été nécessaire pour que le Protocole de Carthagène puisse finalement voir le jour à Montréal le 29 janvier 200012(*). 130 Etats l'ont adopté par consensus. Son entrée en vigueur nécessite toutefois 50 ratifications13(*). Un Comité Intergouvernemental ad hoc à durée indéterminée pour le Protocole de Carthagène (CIPC) a été établi. Sa première réunion s'est tenue à Montpellier en 2000, le deuxième à Nairobi, la troisième à La Haye en 2002 en même temps que la COP à la Convention sur la Diversité Biologique. L'étape actuelle, après l'adoption formelle du Protocole sur la biosécurité, consiste à préparer son entrée en vigueur. Le premier enjeu de la mise en oeuvre est de permettre à un maximum de pays de ratifier l'instrument, c'est-à-dire de disposer des moyens nécessaires (à la fois juridiques, techniques et administratifs) pour pouvoir bénéficier des procédures définies dans le protocole et satisfaire aux obligations qui en découlent. Cela vaut tout particulièrement pour les pays en développement qui ne disposent pas aujourd'hui d'un cadre juridique national pour les produits issus des biotechnologies. * 10A. Roy; «Les experts face aux risques: le cas des plantes transgénétique»,op.cit p.25. * 11 Maljean-Dubois (S), «La régulation du commerce international des OGM: entre le droit international de l'environnement et le droit de l'OMC», op. cit, p 30. * 12 La COP Ex avait décidé à Carthagène que le protocole serait dénommé ainsi, sachant qu'il ne serait pas adopté dans cette ville Outre l'hommage rendu aux négociateurs colombiens, cet artifice permet de distinguer le Protocole sur la biosécurité de celui sur les substances nuisibles pour la couche d'ozone, dit Protocole de Montréal (1987). * 13 Art. x du protocole L'idée du PNUE était d'obtenir l'entrée en vigueur pour les 10 ans du Sommet de Rio; cela n'a pas été le cas. Celui-ci est entré en vigueur le 11 septembre 2003. |
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