L'encadrement juridique des risques biotechnologiques( Télécharger le fichier original )par Faiza Tellissi Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de tunis - Mastère en Droit 2002 |
A : Les débats autour des biotechnologiesLes discussions qui ont lieu sur les OGM et particulièrement leur commerce international, sont très controversées; à tel point que les débats ont dérivés vers une sorte de «guerre de religion» pour ou contre les OGM6(*). Dans une telle situation, toute tentative d'approfondissement des idées n'aboutit qu'à un renforcement d'oppositions largement irraisonnées. Il est à noter, qu'il est nécessaire de dépasser cette hystérie «anti OGM» afin de pouvoir concevoir, réguler et améliorer leur commerce international. Trois sortes de débats concernent directement le commerce international des OGM. Le premier porte sur la nécessité d'un régime commercial spécifique pour les échanges internationaux. En effet, se pose la question de savoir si l'irruption des OGM comme nouveau mode de production agricole et/ou agro-industriel doit conduire vers un régime spécifique des échanges internationaux. Nous pouvons constater, dans cette phase d'irruption des plantes trangénétiques, une forte concentration sectorielle et géographique. Les techniques du génie génétique se concentrent en effet sur quatre cultures: le soja représente 60% du total, le mais 20%, le colza 12%, et enfin le coton 6%. A cette concentration sectorielle vient s'ajouter une concentration géographique, puisque jusqu'en 2000, trois pays produisent la quasi-totalité des cultures d'OGM dans le monde. Les Etats-Unis produisent 68% du total, l'Argentine 23%, et le Canada 7%. Cette révolution dans la production agricole grâce aux OGM suscite de nombreuses interrogations, entre autre la question d'un régime spécifique à ces produits. Les Etats-Unis et l'Union européenne ayant des stratégies différentes, deux conceptions s'opposent concernant le commerce international des OGM. Une réglementation largement favorable aux OGM a facilité et permis aux Etats-Unis de figurer parmi les premiers producteurs et exportateurs de ces produits. Les Etats-Unis désireux d'exporter une production génétiquement modifiée croissante, considèrent que le commerce international de ces produits doit être régi par les règles de l'OMC. L'Union européenne aborde la question des biotechnologies avec une très grande prudence. En 1990 deux directives encadrant les recherches et la diffusion des OGM ont été adopté. Depuis quelques années, les OGM sont placés en régime de liberté surveillée et impose un régime juridique spécifique d'évaluation au cas par cas. Au final, nous pouvons noter que les différends restent considérables entre les conceptions libre échangistes et les conceptions les plus restrictives du commerce international, ce qui ne facilitera pas la ratification et la mise en oeuvre du protocole. Le second débat concerne la nature et l'intensité des risques liés aux échanges internationaux. Les scientifiques spécialisés dans les techniques du génie génétique avancent l'idée que le procédé transgénétique n'est pas par lui-même intrinsèquement dangereux, les risques potentiels étant principalement situés au niveau moléculaire. Il est donc préférable de connaître les caractéristiques intrinsèques du fragment introduit par la technique transgénétique, et de ce fait, évaluer les risques au cas par cas en fonction des caractéristiques du gène inséré. Malgré de nombreuses explications scientifiques, la controverse sur la nature des risques n'a pas cessé. A.ROY dans son ouvrage, analyse cette controverse7(*); et considère qu'une confusion se produit dans un contexte caractérisé par «l'absence de l'annonce d'un danger important avéré pour la santé humaine ou l'environnement concernant le cas des plantes génétiquement modifiées»8(*). Toutefois, personne ne peut affirmer qu'il n'y a aucune conséquence lorsqu'un transfert de gène naturel ou artificiel a lieu. Certes les avantages biotechnologiques existent mais peuvent comporter des risques potentiels encore inconnus. Il parait donc impératif de développer la recherche qui doit être nécessairement coordonnée avec une sécurité accrue. Le troisième débat nous conduit à nous interroger sur l'acceptabilité socio économique des échanges internationaux des OGM. L'opinion publique conteste la culture des OGM et rejette en conséquence leur libre commerce. Cette position de rejet peut être expliquée par le fait que la santé et l'environnement sont exposés à des risques potentiels, et l'importation de ces produits cause des dommages économiques aux systèmes de productions locaux notamment dans les pays en développement. Toutefois, face à ces contestations, il semble important de rappeler que les mécanismes de marché (local, national, international) constituent les cadres d'ajustement entre offre et demande de biens et de services9(*). Dans des économies de marché c'est la concurrence entre filières OGM et non-OGM qui tranchera le débat et démontrera l'éventuelle supériorité de la nouvelle technologie où aboutira à la coexistence des deux approches. La diffusion de l'innovation ne repose donc pas exclusivement sur les garanties de sécurité mise en place mais aussi sur la prise en charge collective de ses conséquences socio économiques. * 6Bourrinet (J), «De l'hystérie anti OGM à la recherche d'une biovigilance internationale», in. Le commerce international des OGM, La documentation française, 2002, p.5 * 7 A. Roy; «Les experts face aux risques: le cas des plantes transgénétique», PUF, p11. * 8 Ibid. p.12 * 9Ibid p.17. |
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