HESITATIONS QUANT A LA REPRESSION DES INFRACTIONS
COMMISES
Partant de l'idée selon laquelle la sanction fait partie
intégrante de toute construction
juridique cohérente et que la menace de sanction est un
élément de dissuasion, le DIH a, en effet,
consacré une large place à la répression des
infractions aux droits humains en situation de conflit
armé qui, depuis l'adoption des conventions de
Genève, relevait de la compétence exclusive de
l'Etat. Celleci
s'est avérée par la suite non satisfaisante pour la
communauté internationale au
profit de l'institution des juridictions pénales
internationales pour juger les crimes de guerre.
Cette institution pourrait alors découler d'un accord
entre Etats sous forme de traité international
à vocation universelle ou d'une décision du conseil
de sécurité comme cela a été notamment le
cas pour le Tribunal pénal international pour juger des
personnes sur le territoire de l'exYougoslavie
depuis le 1er janvier 1991 par sa résolution 827 de 1993
et pour la création du TPIR
par sa résolution 955 en 1994.
La création de ces tribunaux est un pas important pour
mettre réellement en oeuvre
l'obligation de punir les crimes commis et pour la mise sur pied
d'une juridiction pénale
internationale. Ainsi, par la création de ces deux
tribunaux, suivis de la création d'une cour
pénale internationale en 1998, la communauté
internationale a manifesté une réelle détermination
dans la répression des crimes et sa contribution à
mettre fin à l'impunité des criminels de guerre
les plus odieux.
En effet, c'est depuis août 1998 et septembre 2002
respectivement que la RDC et la Côte
d'Ivoire sombrent dans des conflits et crises humanitaires
multiformes caractérisés par de graves
atrocités et violations humanitaires commises en toute
impunité. Face à de telles violations et
actes effroyables menaçant la paix et la
sécurité internationale, et en dépit du besoin croissant
de
répression et de justice, tout ceci accompagné de
la saisine du conseil de sécurité par rapport à
ces situations conflictuellespar
la société civile et les ONGl'impunité
persiste et les violations
55
ne font que prendre de l'ampleur dans les deux conflits.
L'étude du problème de l'impunité
précédera (paragraphe I) celle du laxisme de la
cour pénale internationale et du conseil de
sécurité (paragraphe II) visàvis
de ces deux conflits.
56
PARAGRAPHE 1: LA RECRUDESCENCE DE L'IMPUNITE
En l'absence de toute répression des infractions aux
droits humains et au DIH commises
dans le cadre de ces deux conflits, l'impunité persiste et
continue à sévir. C'est ainsi qu'on
examinera cette impunité d'abord dans le cadre du conflit
congolais (A) afin de l'aborder dans
celui de la Côte d'Ivoire ensuite (B).
AL'impunité
dans le conflit congolais
C'est depuis août 1998 que ce phénomène a
commencé à prendre de l'ampleur en RDC. En effet,
enlisée dans un cycle de violence et de guerres civiles
aux conséquences politiques, socioéconomiques
incalculables, le Congo a été victime de
l'appétit des seigneurs de guerres qui ont
fait du conflit congolais le conflit le plus meurtrier depuis la
fin de la deuxième guerre
mondiale137.
Ainsi, les parties au conflit ont profité de cet
état d'impunité pour commettre toutes
formes d'exactions, de violations aux droits humains fondamentaux
et au DIH sans faire l'objet
d'aucune enquête, d'aucune réparation sur le plan
juridique et d'aucune compensation pour les
victimes. L'impunité dont jouissent les auteurs de
violations des droits de l'homme et notamment
les officiers supérieurs de l'armée gouvernementale
et les commandants des diverses forces
rebelles est un obstacle majeur à une paix durable en
RDC138.
C'est aussi sur la base et au nom de cette impunité que
ces parties au conflit se sont
livrées à des actes de cannibalisme et mutilations
des cadavres, aux actes de torture et à
l'esclavagisme, aux travaux forcés et n'ont jamais
été traduit en justice139. Cette culture de
l'impunité ,a alimenté encore davantage des cycles
de violence et a fait du Congo une jungle ; un
"état de guerre de tous contre tous" et ou "seule la
raison du plus fort est la meilleure".
137 Avec plus de 3 millions de morts ; voir crise humanitaire au
Congo, précité p1.
138 Voir communiqué de presse : CS/2447, Conseil de
sécurité 4705e séance, 13 février 2003 ; in
http://www.sangonet.com/Fich5ActuaInterAfric/fin_culture_impuniteRDC.html
139 Voir Remy JeanPhilippe
; Actes de cannibalisme au Congo, P3 ; in
http://www.grandslacs.net/html/new/052003.html
57
Ainsi, pour les citoyens congolais, les droits de l'homme
établis en vertu du droit
international et qui devraient les protéger de ces
exactions n'ont aucune signification
concrètement. Et on ne peut que déplorer cette
persistance de l'impunité car malgré de multiples
efforts menés en RDC par le Conseil de
sécurité des Nations Unies et la société civile
congolaise
pour protéger les civils et mettre fin au conflit, c'est
au nom de cette impunité qu'on assiste à la
subsistance du conflit à l'Est du pays140 : Ituri est
couvert de sang et continu d'être devant le
regard passif de la communauté internationale.
CL'impunité
dans le conflit ivoirien
Depuis le déclenchement des hostilités,
l'impunité en Côte d'Ivoire reste une question sur
laquelle on devrait se pencher si une Côte d'Ivoire stable
doit sortir de ce complexe conflit141 ; elle
reste l'une des causes sousjacentes
importantes du conflit Ivoirien.
Le maintien de l'impunité dans le conflit ivoirien demeure
un problème fondamental. En
dépit de la reconnaissance nationale, régionale et
internationale des graves abus commis pendant
le conflit et lors de la violence liée aux
élections de 2000, à ce jour, il n'y a eu aucune
avancée
significative faite pour traduire les responsables d'abus devant
la justice142.
Au nom de cette impunité, le conflit ivoirien est devenu
une guerre par procuration dans
laquelle les parties ont fait appel aux mercenaires
étrangers pour mener leurs activités ; c'est
toujours au nom de cette impunité que les parties et
surtout les forces gouvernementales143 ont
commis de violations exécrables à l'endroit des
civils et des règles du DIH ; en procédant à des
agressions arbitraires, tortures et frappes
nonsélectives,
homicides et viols, l'utilisation des
enfants soldats, esclavagisme sexuel. Jusqu'à
présent, beaucoup de personnes responsables n'ont
pas été accusées pour leurs actes commis ;
les racines du conflit se trouvent ainsi ainsi dans
l'impunité dont ont joui jusqu'à présent les
auteurs des violations des droits humains144.
140 Voir, Commission des Grands Lacs : déception et
révolte, MarcOlivier
Herman, Broederlijk Delen, Indra Van Gisbergen in
Le Soir en ligne, Bruxelles, 2003 ;
http://users.skynet.be/wihogora/deceptionlsoir
141 Référence faite au nombre de parties au conflit
et au nombre de victime.
142 Voir Binaifer Nowrojee Branwen, Mamby & Alison Desforges,
Côte d'Ivoire, Human Rights Watch, précité p2.
143 Et c'est ce qui est à déplorer ici car, ce sont
ces forces gouvernementales qui sont chargées de protéger les
droits et
la dignité de la personne humaine.
144 Voir Côte d'ivoire ; Appel pour la paix, 31janvier
2003, www.fidh.org/communiq/2003/
58
En somme, l'impunité est l'une des causes de la
profilération des conflits ivoirien et
congolais. Il y'a nécessité d'un besoin urgent de
s'assurer que les agressions menées par les
parties concernées au conflit soient soumises à une
enquête et que ceux qui sont portés
responsable de ces crimes soient appelés à
comparaître devant la justice145.
Il faut toujours que la communauté internationale se
mobilise pour intervenir de manière
efficace car, le besoin de justice pour les massives violations
aux droits humains commises dans
ces deux conflits s'impose. Combien de tragédies,
d'atrocités ont été commises dans ces deux
conflits dans l'indifférence totale et en toute
impunité ? Le conseil de sécurité des Nations Unies
a certes condamné ces violations aux droits humains et au
DIH et a affirmé à plusieurs reprises
que les auteurs de ces crimes seraient tenus pour responsables de
leurs actes146. De tels propos
sont si bien positives mais sontils
importants, nécessaires devant une telle victimisation
à
outrance des peuples ivoirien et congolais ? Il est ironique de
constater que c'est sur le continent
plus pauvre que les problèmes relatifs à la
protection des droits humains est reléguer à plus tard,
à
une date ultérieure lorsque sur le terrain progressent
l'horreur, les hécatombes de toutes sortes.
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