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L'introduction du modèle coopératif sur un marché concurrentiel: l'exemple de Railcoop sur le marché ferroviaire


par Boris Chiron
Université de Nantes - Master Science Politique de l'Europe 2022
  

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A. La libéralisation du marché venue de l'Union Européenne

La libéralisation du marché ferroviaire des transports de voyageurs intervenue en France en 2021 est le résultat de 25 années de «temps de négociation très dur et très long»

51 WOKURI, P. (2020)., op. cit.

52 WOKURI, P. (2021). Comment les nouveaux entrants dans un marché font usage de l'Union européenne ? Le cas des projets coopératifs d'énergie renouvelable. Dans: Politique européenne, prépublication, Paris: L'Harmattan, pp.1-30

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selon Karima Delli53et donc de libéralisation préconisée pour la première fois à Bruxelles dans la directive 91/440 du livre blanc sur le ferroviaire de 199654, en vertu de l'article 3 du Traité Communauté Économique Européenne selon lequel l'UE doit adopter une politique de transport commune55. Comme l'explique Karima Delli, la Commission des Transports et du Tourisme a un rôle de "colégislateur" avec le Parlement, établissant des lois qui s'appliquent aux Etats membres, comme le quatrième paquet ferroviaire de 2013, ensemble de textes relatifs à l'ouverture à la concurrence entrés en vigueur en 2016. Cela avait déjà été effectué quelques années auparavant sur le domaine des télécoms par exemple, ou encore des fournisseurs d'énergie, comme le montrent Bocquillon et Evrard sur le cas d'Enercoop pour qui l'européanisation a été à la fois horizontale et verticale, l'UE faisant pression pour une libéralisation des marchés (ce qui a permis à Enercoop de s'y insérer en brisant le monopole d'Electricité de France), tout en soutenant des initiatives allant vers le développement durable56. Cette européanisation n'a pas eu les mêmes effets partout, le Royaume-Uni ayant opté pour une privatisation complète, pendant que la France a maintenu le plus longtemps possible le monopole de la SNCF, et que l'Allemagne a suivi une voie médiane entre monopole public sur l'infrastructure et libre accès au marché pour les opérateurs, un peu comme ce qui est entrain de se mettre en place en France57. Pour Karima Delli, «certains s'y précipitent, d'autres prennent leur temps pour créer un véritable service public du train», l'UE fixe les cadres, les pays l'appliquent à leur manière. Ainsi Railcoop a attendu que l'Etat décide d'appliquer les directives européennes pour pouvoir s'insérer dans un marché français qui découvrait tout juste l'ouverture à la concurrence, ce qui a eu des conséquences qui ont pu leur être favorables. La SNCF, marquée par ses années de monopole au cours desquelles la concurrence n'était que quelque chose d'étranger, a été obligée de revoir ses plans pour répondre à des exigences de rentabilité d'autant plus contraintes par la dette de l'entreprise qui n'a pas été un si important souci les années précédentes. L'entreprise phare a donc choisi de désaffecter de plus en plus de lignes, de territoires, et de citoyens en demande, ce qui a

53 Entretien avec K.Delli

54 PERENNES P. (2014). Les économistes et le secteur ferroviaire : deux siècles d'influence réciproque. L'Économie politique, n°62, pp.101-112.

55 CALME S. (2008). L'évolution du droit des transports ferroviaires en Europe. Aix-Marseille : Presses universitaires d'Aix-Marseille, 315 p.

56 BOCQUILLON, P. & EVRARD, A., op. cit.

57 MARTIN S., L'ouverture à la concurrence de l'activité ferroviaire: l'exemple allemand, in (sous la dir.) VIDELIN J. C., op. cit.

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laissé le champ libre à d'autres types d'initiatives comme Railcoop qui ont décidé de reprendre ce qui avait été abandonné.

B. Le bouleversement des cadres du marché

Par la libéralisation du marché, l'Union Européenne a donc bouleversé de nombreux cadres établis depuis de nombreuses années, et en France en premier lieu. La SNCF, qui était le premier acteur européen du rail, a vu son monopole en tant qu'opérateur remis en cause, pendant que la gestion des infrastructures reste toujours sous la direction de SNCF Réseau et SNCF Gares et Connexions, gérées par l'Etat. Encore une fois, c'est ici le résultat d'une injonction européenne exigeant l'indépendance du gestionnaire de réseau vis-à-vis de la compagnie ferroviaire historique58, afin d'empêcher la SNCF de définir elle-même les règles du jeu concurrentiel. Dans un tel marché, les préférences des acteurs dominants sont très importantes et peuvent changer en étant influencées par les dynamiques de l'Union Européenne, mais le choix principal revient à l'Etat membre puisque les politiques européennes sont le fruit de compromis et donnent des équilibres fragiles, des injonctions contradictoires, qui font que l'européanisation correspond à ce que les acteurs en font59. Tout dépend donc de ce que l'Etat, la SNCF, ainsi que Railcoop font de tout cela. Aurélien Evrard et Pierre Bocquillon distinguent ainsi trois usages possibles de l'européanisation. Tout d'abord l'usage stratégique qui consiste à mobiliser les ressources légales, institutionnelles ou matérielles offertes par l'intégration européenne, comme ce qu'a fait Railcoop en utilisant l'ouverture à la concurrence. Ensuite un usage de légitimation, qui peut utiliser des arguments et discours produits à l'échelle européenne pour justifier des choix (besoin de plusieurs acteurs pour répondre à toutes les demandes, notamment celle de développement durable par exemple). Enfin un usage cognitif qui permet d'interpréter des problèmes ou des solutions par le biais de cadres intellectuels et de concepts définis ou promus à l'échelle européenne, en se basant sur les exigences de compétitivité, de baisse des prix, ou de rentabilité par exemple dans le cas du marché ferroviaire. Les choix de l'UE peuvent ainsi être utilisés par Railcoop pour développer une stratégie, être légitimés, ainsi que de trouver parfois des explications. Les cadres du marché ferroviaire ont également été modifiés suite à la crise du Covid-19 qui

58 JUVEN, P. & LEMOINE, B. , op. cit.

59 BOCQUILLON, P. & EVRARD, A., op. cit.

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a entraîné de nombreux plans de relance, et une incitation de l'UE, à commencer par la Présidente de la Commission des Transports et du Tourisme, à concentrer les plans de relances sur des secteurs plus «verts» dont le ferroviaire fait partie, Karima Delli saluant le fait que «l'Italie a mis 60% de son plan de relance dans le train, et l'Autriche est devenue leader du matériel roulant sans avoir de constructeur». Railcoop peut donc profiter de ces mutations pour s'insérer sur le marché ferroviaire et exploiter au maximum les possibilités induites par ces changements.

2- Se substituer à un service public absent

Conséquence de la libéralisation, la SNCF n'est plus une entreprise publique et, poussée par des exigences de rentabilité et de compétitivité, a fait le choix de se retirer de nombreuses lignes peu ou pas rentables, laissant ainsi des territoires entiers sans service ferroviaire occupés par des collectivités prêtent à mettre en place une régulation préférentielle pour revoir le train passer (A), une aubaine pour Railcoop qui voyait là des interstices du marché à combler (B).

A. S'appuyer sur des collectivités en demande de service, prêtes à établir une régulation préférentielle

Pour répondre à une demande, il faut des demandeurs, et dans le cas de Railcoop, la demande vient des consommateurs principalement, mais en second lieu viennent les collectivités territoriales, démunies, qui veulent trouver un moyen de répondre à ces mêmes citoyens-consommateurs. Ces collectivités territoriales qui se sentent abandonnées, suite à la fermeture progressive de nombreuses lignes ces dernières années, trouvent en Railcoop une «bouée pour respirer» après avoir été «la tête sous l'eau» selon les dires de Frédéric Laporte60, maire de Montluçon. Un déclin qui se traduit en chiffre puisque, selon l'Autorité de Régulation des Transports (ART), le nombre de gares desservies par un service voyageurs à baissé de 19% entre 2011 et 2019, ce qui porte le total de gares fermées à 544, tandis que 1050 kilomètres de «petites lignes» ont été abandonnées entre 2015 et 2019, soit une diminution de 9% du réseau. Les conséquences sont diverses pour les unes et les autres :

60 Entretien avec F.Laporte

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Montluçon met des heures à rejoindre Lyon ou Bordeaux, «l'Allier est vraiment en plein milieu du désert, au propre comme au figuré» selon Frédéric Laporte, Périgueux est totalement déconnecté de Paris ce qui limite son développement souligne François Carême61, les vols intérieurs sont encouragés, la diagonale du vide se voit renforcée. Cela entraîne enfin une certaine défiance vis-à-vis de la SNCF, en témoigne l'entame de l'entretien avec Frédéric Laporte qui, avant même la première question, disait «Je ne vais engueuler personne à part la SNCF, et ça fait longtemps que je les engueule». Face à cela, beaucoup de collectivités ont décidé d'encourager l'initiative Railcoop en mettant en place de la régulation préférentielle notamment, pas forcément parce que cela rejoint des valeurs qu'ils prônent mais parce qu'elles en avaient besoin, un simple mécanisme de marché. La régulation préférentielle consiste à protéger cette coopérative des concurrents en mettant en oeuvre des instruments particuliers, en leur fournissant des ressources où leur procurant des avantages spécifiques62, procédé qui se rapproche de la discrimination positive. Cela se traduit notamment dans la structure du capital de Railcoop, les collectivités pèsent 733 100 euros (14,88 %) sur les 4 925 500 euros de capital que possède la société, représentant ainsi le deuxième groupe de sociétaires après les personnes physiques (73,37 %) en termes de poids dans le capital au 15 avril 202263. Ce sont ensuite des avantages et ressources matérielles, avec une région Auvergne-Rhône-Alpes (AURA) qui, comme nous signale Dominique Guerrée, Président de la SCIC, a décidé de «faire un prix sur les wagons» et de vendre huit anciens TER d'occasion ou encore la région Nouvelle-Aquitaine qui retire ses TER sur les sillons de Railcoop. Pierre Wokuri illustre cela par la métaphore de la piste cyclable, qui symbolise ces instruments réduisant les handicaps des projets coopératifs qui ne peuvent rouler sur l'autoroute comme les autres concurrents64. Les choses se débloquent aussi entre les collectivités elles-mêmes, et notamment entre les Régions, autorités organisatrices sur service public de transport ferroviaire régional, pour permettre la mise en place de trains interrégionaux. Par exemple, les régions Nouvelle-Aquitaine et AURA collaborent après avoir passé des années à ne pas s'entendre pour des questions de couleur politique (Alain Rousset du Parti Socialiste face à Laurent Wauquiez des Républicains), et cela grâce à Railcoop qui représente une table autour de laquelle ceux-ci peuvent se retrouver. Un climat général résumé par Karima Delli, elle-même conseillère régionale des Hauts de France: « En France il y a un bon accueil de

61 Entretien avec F.Carême

62 WOKURI, P. (2020)., op. cit.

63 Voir graphique «Capital libéré au 15/04/2022 en euros» en annexe. Source: Railcoop

64 WOKURI, P. (2021), op. cit.

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Railcoop parce que c'est vu comme la coopérative qui va relier des territoires qui ne sont pas reliés, c'est ça la nouveauté. Je comprends qu'elle puisse souhaiter profiter de cette ouverture à la concurrence du marché ferroviaire pour redessiner une carte des transports qui n'existe pas »65. Tout cela est encore une fois permis aussi par le fait que Railcoop ne soit pas une simple coopérative mais particulièrement une SCIC, qui, comme il est écrit dans la loi de 2001 qui crée ce statut «se distingue d'une coopérative classique en ce que son but n'est pas seulement la satisfaction de ses propres adhérents ou associés, mais celle d'un plus large public dont elle vise à satisfaire les besoins»66. Une SCIC vise l'intérêt collectif, remplissant ainsi l'ancien rôle de l'Etat sur ces territoires et suscitant ainsi la bonne volonté des collectivités à favoriser cette société, c'est une aide mutuelle.

B. L'insertion sur des interstices du marché, espaces délaissés par les autres acteurs et par l'Etat

Railcoop se rapproche de collectivités délaissées par les autres acteurs du marché tout en portant ses objectifs sur des espaces délaissés par ces mêmes acteurs et les services publics, ayant ainsi un champ libre où la concurrence n'est pas féroce voire inexistante, parfois considéré comme un marché secondaire ou comme un espace où l'on devient complémentaire plutôt que concurrent. Ces espaces sur lesquels ce nouveau modèle peut se développer sont qualifiés d'interstices du marché par Pierre Wokuri, qui avait travaillé sur Enercoop et son développement sur la partie énergies renouvelables du marché de l'électricité, sur les failles du marché67. D'après lui, sans ces interstices, le coopératif ne peut pas exister sur ce type de marché libéral concurrentiel. Dans le cas de Railcoop, ce sont les 20 000 kilomètres de rails qui ne sont plus desservis, abandonnés par la SNCF, ce sont les 40% des liaisons intercités qui ont été abandonnées par la SNCF, c'est le développement du fret ferroviaire qui stagne en-dessous de la barre des 10% des marchandises transportées pendant que la moyenne européenne est à plus de 18%, et ce pour plus de rentabilité, pour moins d'Etat providence et plus de compétitivité, participant à une centralisation dans ce domaine. Railcoop a donc décidé de faire reprendre vie à ces espaces du marché délaissés par le monde

65 Entretien avec K.Delli

66 DRAPERI J.-F. et MARGADO A. , op. cit.

67 WOKURI, P. (2020)., op. cit.

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du ferroviaire, mais ses dirigeants et sociétaires insistent bien sur le fait que cela s'effectue dans un objectif de complémentarité et non de concurrence de la SNCF. Dans une interview en janvier 2021, Alexandra Debaisieux, co-directrice, expliquait bien que le service de Railcoop venait «en complémentarité du service public, on ne veut pas prendre des parts de marché aux acteurs existants»68. Une cible partagée par son frère, Nicolas Debaisieux, directeur de Railcoop: «Nous n'allons pas nous positionner sur des délégations de service public. L'idée n'est pas de concurrencer la SNCF, mais bien d'ouvrir les lignes abandonnées»69, et par Marius Chevallier, sociétaire : «on va juste là où personne ne se met»70 . Dominique Guerrée faisait d'ailleurs état de la situation dans laquelle se trouvent les secteurs où Railcoop compte réaliser ses projets, où plusieurs citoyens, collectivités, entreprises, voient leur arrivée d'un très bon oeil pour le développement local: «Cela fait 40 ans que les collectivités écrivent au Ministère des Transports, à l'Etat...etc parce que le train ne dessert pas telle gare et qu'on enlève de plus en plus de services. C'est lettre morte, il ne se passe rien. Là il se passe quelque chose de concret, où les citoyens se sont retroussés les manches»71 . Cet apport de service, la SCIC du Lot compte également le réaliser dans le secteur du fret, domaine très peu exploité en France comme le déplore Karima Delli : «Déjà en 2007 au Grenelle de l'environnement où j'étais on disait que d'ici 2020 il fallait atteindre minimum 14% de fret, en 2022 nous sommes à 9%, et ce n'est même pas la moyenne européenne qui est de 18%. A chaque fois on se dit «c'est quand même dingue, on a tout pour réussir, pourquoi ça ne marche pas ?». Parce que les politiques publiques considèrent que ce n'est pas une priorité»72. Un constat partagé à Périgueux par François Carême pour qui «la SNCF est complètement déficiente en matière de fret. Parce que là aussi on ponce la SNCF pour faire du fret mais elle ne le fait pas. Dans le fret on a toujours été mauvais»73. C'est dans cette optique que la première ligne lancée par Railcoop est une ligne de fret qui réalise le trajet entre Figeac et la zone industrielle de Saint-Jory près de Toulouse depuis le 15 novembre dernier. En (re)proposant ces nouveaux services, ce projet peut aussi amener l'ensemble du secteur à repenser la manière de faire et à modifier certains cadres du marché au point de les rendre peut-être un jour des espaces concurrentiels importants. Selon

68 Radio Présence. Emission Sujet du Jour du 20 janvier 2021.

69 PUIG A. (2020). Ils veulent gagner la bataille du rail !. DARD/DARD, n°4, pp.140-147.

70 Entretien avec M.Chevallier

71 Entretien avec D.Guerrée

72 Entretien avec K.Delli

73 Entretien avec F.Carême

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Yves-Alain Liénard, Président d'Enercoop Languedoc-Roussillon, «La SCIC ne remplacera pas le service public dans toutes ses variétés, mais elle peut permettre une évolution de celui-ci par une réappropriation par chacun des enjeux, de la réflexion, de l'adaptation au territoire»74.

Etude de cas: la ligne Bordeaux-Lyon

Afin de mieux comprendre plus concrètement les moyens qu'utilise Railcoop afin de s'insérer sur le marché ferroviaire, le choix a été fait de prendre pour exemple la ligne Bordeaux-Lyon, première ligne de transport de voyageurs en projet de Railcoop, autour de laquelle le projet de la société en elle-même s'est véritablement monté. En 2004, le train Bordeaux-Lyon qui passait par Périgueux a été supprimé, et depuis 2014, il est impossible de rejoindre les préfectures de Gironde et du Rhône par voie ferrée, laissant de nombreux territoires tels que l'Allier, la Creuse, ou encore la Haute-Vienne, totalement démunis après 143 ans d'existence de cette ligne structurante pour cette partie du pays. Au train se sont substitués l'avion (ligne d'avion la plus fréquentée de France) ou encore la voiture, mais il est désormais impossible de rejoindre les deux villes en train sans passer par Paris. Par exemple, pour aller de Limoges à Bordeaux un changement est obligatoire à Périgueux, et pour aller de Limoges à Lyon, deux changements sont nécessaires puis il faut prendre un bus, de quoi en dissuader plus d'un. François Carême a constaté les dégâts de la suppression du Bordeaux-Lyon, «ça a été une vraie catastrophe quand il a été supprimé. Pas tant pour les gens de Périgueux mais pour avoir de la transversalité en France»75. Frédéric Laporte, maire de Montluçon se souvient: «J'ai été étudiant comme vous, j'ai redoublé mon bac à Guéret c'était la ligne Bordeaux Lyon, j'ai fait une prépa à Limoges c'était la ligne Bordeaux Lyon, j'ai aussi été étudiant à Clermont et je prenais la ligne Bordeaux Lyon, après j'ai été 3 ans à Lyon c'était la ligne Bordeaux Lyon. C'était une ligne extrêmement structurante pour l'ensemble des territoires du centre. Cela change tout. Très clairement, cela a une attractivité. Économique un peu, parce que c'est plus facile. Ensuite, cela a surtout une importance pour développer nos formations, les étudiants sont plutôt friands du train, le temps est moins

74 LIENARD Y.-A, op. cit.

75 Entretien avec F.Carême

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important pour eux, et au niveau de la formation sur Montluçon on va de la maternelle aux ingénieurs et doctorants»76. Les éléments étaient donc réunis: collectivités prêtes à donner de l'aide pour retrouver cette ligne, des interstices délaissés sur lesquels s'insérer, un ressenti au quotidien de l'abandon par les habitants, un projet emblématique permettant de renforcer l'image de marque mais aussi la légitimation en se donnant une envergure nationale. Le projet a alors tout de suite plu, les collectivités et les citoyens, cibles de Railcoop, étaient atteints, et cela s'est traduit par une augmentation des adhésions sur les territoires où la ligne devrait passer à l'avenir (principalement en Gironde et dans le Rhône, voir cartes ci-dessous77) ainsi que par la présence de nombreuses collectivités (voir liste en annexe) «qui ont tout de suite compris l'intérêt qu'il pouvait y avoir à un train dans ces territoires» selon Dominique Guerrée. Railcoop annonce déjà un trajet en 6h47 avec un billet entre 30 et 40 euros, un peu sur le modèle des intercités de la SNCF.

Tracé de la ligne Bordeaux-Lyon imaginé par Railcoop, reprenant grandement le tracé utilisé jusqu'en 2014

L'ouverture de cette ligne n'est cependant pas gagnée d'avance et, alors qu'elle devait ouvrir en janvier 2022, le lancement a connu deux reports, d'abord en juin 2022 puis finalement en décembre 2022 pour des raisons techniques. En effet, c'est pour Railcoop le projet emblématique, et la SNCF ne leur facilite pas la tâche comme il sera constaté plus tard dans ce mémoire. La première proposition n'avait pas fonctionné car, en octobre 2021, seules 55% des lignes avaient été pourvues par SNCF Réseau, 34% de manière non conforme aux attentes de Railcoop, et 11% sans réponse. La SNCF leur proposait de leur laisser à

76 Entretien avec F.Laporte

77 Source: Railcoop

disposition des lignes qui s'arrêtaient à Libourne pour Bordeaux et à Roanne pour Lyon, avec des bus en complément, ce qui n'était pas du goût des sociétaires. Il n'apparaît donc pas que la SNCF ait vu Railcoop comme un outil complémentaire. Cette ligne est véritablement vue comme un baptême par les dirigeants de Railcoop, un test qui, s'il réussit, ouvrira la voie à l'ensemble des autres projets prévus pour 202478.

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78 voir carte en Introduction

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