A. La libéralisation du marché venue de
l'Union Européenne
La libéralisation du marché ferroviaire des
transports de voyageurs intervenue en France en 2021 est le résultat de
25 années de «temps de négociation très dur et
très long»
51 WOKURI, P. (2020)., op. cit.
52 WOKURI, P. (2021). Comment les nouveaux entrants
dans un marché font usage de l'Union européenne ? Le cas des
projets coopératifs d'énergie renouvelable. Dans: Politique
européenne, prépublication, Paris: L'Harmattan, pp.1-30
27
selon Karima Delli53et donc de
libéralisation préconisée pour la première fois
à Bruxelles dans la directive 91/440 du livre blanc sur le ferroviaire
de 199654, en vertu de l'article 3 du Traité
Communauté Économique Européenne selon lequel l'UE doit
adopter une politique de transport commune55. Comme l'explique
Karima Delli, la Commission des Transports et du Tourisme a un rôle de
"colégislateur" avec le Parlement, établissant des lois qui
s'appliquent aux Etats membres, comme le quatrième paquet ferroviaire de
2013, ensemble de textes relatifs à l'ouverture à la concurrence
entrés en vigueur en 2016. Cela avait déjà
été effectué quelques années auparavant sur le
domaine des télécoms par exemple, ou encore des fournisseurs
d'énergie, comme le montrent Bocquillon et Evrard sur le cas d'Enercoop
pour qui l'européanisation a été à la fois
horizontale et verticale, l'UE faisant pression pour une libéralisation
des marchés (ce qui a permis à Enercoop de s'y insérer en
brisant le monopole d'Electricité de France), tout en soutenant des
initiatives allant vers le développement durable56. Cette
européanisation n'a pas eu les mêmes effets partout, le
Royaume-Uni ayant opté pour une privatisation complète, pendant
que la France a maintenu le plus longtemps possible le monopole de la SNCF, et
que l'Allemagne a suivi une voie médiane entre monopole public sur
l'infrastructure et libre accès au marché pour les
opérateurs, un peu comme ce qui est entrain de se mettre en place en
France57. Pour Karima Delli, «certains s'y précipitent,
d'autres prennent leur temps pour créer un véritable service
public du train», l'UE fixe les cadres, les pays l'appliquent à
leur manière. Ainsi Railcoop a attendu que l'Etat décide
d'appliquer les directives européennes pour pouvoir s'insérer
dans un marché français qui découvrait tout juste
l'ouverture à la concurrence, ce qui a eu des conséquences qui
ont pu leur être favorables. La SNCF, marquée par ses
années de monopole au cours desquelles la concurrence n'était que
quelque chose d'étranger, a été obligée de revoir
ses plans pour répondre à des exigences de rentabilité
d'autant plus contraintes par la dette de l'entreprise qui n'a pas
été un si important souci les années
précédentes. L'entreprise phare a donc choisi de
désaffecter de plus en plus de lignes, de territoires, et de citoyens en
demande, ce qui a
53 Entretien avec K.Delli
54 PERENNES P. (2014). Les économistes et le
secteur ferroviaire : deux siècles d'influence réciproque.
L'Économie politique, n°62, pp.101-112.
55 CALME S. (2008). L'évolution du droit
des transports ferroviaires en Europe. Aix-Marseille : Presses
universitaires d'Aix-Marseille, 315 p.
56 BOCQUILLON, P. & EVRARD, A., op.
cit.
57 MARTIN S., L'ouverture à la concurrence de
l'activité ferroviaire: l'exemple allemand, in (sous la dir.) VIDELIN J.
C., op. cit.
28
laissé le champ libre à d'autres types
d'initiatives comme Railcoop qui ont décidé de reprendre ce qui
avait été abandonné.
B. Le bouleversement des cadres du
marché
Par la libéralisation du marché, l'Union
Européenne a donc bouleversé de nombreux cadres établis
depuis de nombreuses années, et en France en premier lieu. La SNCF, qui
était le premier acteur européen du rail, a vu son monopole en
tant qu'opérateur remis en cause, pendant que la gestion des
infrastructures reste toujours sous la direction de SNCF Réseau et SNCF
Gares et Connexions, gérées par l'Etat. Encore une fois, c'est
ici le résultat d'une injonction européenne exigeant
l'indépendance du gestionnaire de réseau vis-à-vis de la
compagnie ferroviaire historique58, afin d'empêcher la SNCF de
définir elle-même les règles du jeu concurrentiel. Dans un
tel marché, les préférences des acteurs dominants sont
très importantes et peuvent changer en étant influencées
par les dynamiques de l'Union Européenne, mais le choix principal
revient à l'Etat membre puisque les politiques européennes sont
le fruit de compromis et donnent des équilibres fragiles, des
injonctions contradictoires, qui font que l'européanisation correspond
à ce que les acteurs en font59. Tout
dépend donc de ce que l'Etat, la SNCF, ainsi que Railcoop font de tout
cela. Aurélien Evrard et Pierre Bocquillon distinguent ainsi trois
usages possibles de l'européanisation. Tout d'abord l'usage
stratégique qui consiste à mobiliser les ressources
légales, institutionnelles ou matérielles offertes par
l'intégration européenne, comme ce qu'a fait Railcoop en
utilisant l'ouverture à la concurrence. Ensuite un usage de
légitimation, qui peut utiliser des arguments et discours produits
à l'échelle européenne pour justifier des choix (besoin de
plusieurs acteurs pour répondre à toutes les demandes, notamment
celle de développement durable par exemple). Enfin un usage cognitif qui
permet d'interpréter des problèmes ou des solutions par le biais
de cadres intellectuels et de concepts définis ou promus à
l'échelle européenne, en se basant sur les exigences de
compétitivité, de baisse des prix, ou de rentabilité par
exemple dans le cas du marché ferroviaire. Les choix de l'UE peuvent
ainsi être utilisés par Railcoop pour développer une
stratégie, être légitimés, ainsi que de trouver
parfois des explications. Les cadres du marché ferroviaire ont
également été modifiés suite à la crise du
Covid-19 qui
58 JUVEN, P. & LEMOINE, B. , op. cit.
59 BOCQUILLON, P. & EVRARD, A., op.
cit.
29
a entraîné de nombreux plans de relance, et une
incitation de l'UE, à commencer par la Présidente de la
Commission des Transports et du Tourisme, à concentrer les plans de
relances sur des secteurs plus «verts» dont le ferroviaire fait
partie, Karima Delli saluant le fait que «l'Italie a mis 60% de son plan
de relance dans le train, et l'Autriche est devenue leader du matériel
roulant sans avoir de constructeur». Railcoop peut donc profiter de ces
mutations pour s'insérer sur le marché ferroviaire et exploiter
au maximum les possibilités induites par ces changements.
2- Se substituer à un service public
absent
Conséquence de la libéralisation, la SNCF n'est
plus une entreprise publique et, poussée par des exigences de
rentabilité et de compétitivité, a fait le choix de se
retirer de nombreuses lignes peu ou pas rentables, laissant ainsi des
territoires entiers sans service ferroviaire occupés par des
collectivités prêtent à mettre en place une
régulation préférentielle pour revoir le train passer (A),
une aubaine pour Railcoop qui voyait là des interstices du marché
à combler (B).
A. S'appuyer sur des collectivités en demande de
service, prêtes à établir une régulation
préférentielle
Pour répondre à une demande, il faut des
demandeurs, et dans le cas de Railcoop, la demande vient des consommateurs
principalement, mais en second lieu viennent les collectivités
territoriales, démunies, qui veulent trouver un moyen de répondre
à ces mêmes citoyens-consommateurs. Ces collectivités
territoriales qui se sentent abandonnées, suite à la fermeture
progressive de nombreuses lignes ces dernières années, trouvent
en Railcoop une «bouée pour respirer» après avoir
été «la tête sous l'eau» selon les dires de
Frédéric Laporte60, maire de Montluçon. Un
déclin qui se traduit en chiffre puisque, selon l'Autorité de
Régulation des Transports (ART), le nombre de gares desservies par un
service voyageurs à baissé de 19% entre 2011 et 2019, ce qui
porte le total de gares fermées à 544, tandis que 1050
kilomètres de «petites lignes» ont été
abandonnées entre 2015 et 2019, soit une diminution de 9% du
réseau. Les conséquences sont diverses pour les unes et les
autres :
60 Entretien avec F.Laporte
30
Montluçon met des heures à rejoindre Lyon ou
Bordeaux, «l'Allier est vraiment en plein milieu du désert, au
propre comme au figuré» selon Frédéric Laporte,
Périgueux est totalement déconnecté de Paris ce qui limite
son développement souligne François Carême61,
les vols intérieurs sont encouragés, la diagonale du vide se voit
renforcée. Cela entraîne enfin une certaine défiance
vis-à-vis de la SNCF, en témoigne l'entame de l'entretien avec
Frédéric Laporte qui, avant même la première
question, disait «Je ne vais engueuler personne à part la SNCF, et
ça fait longtemps que je les engueule». Face à cela,
beaucoup de collectivités ont décidé d'encourager
l'initiative Railcoop en mettant en place de la régulation
préférentielle notamment, pas forcément parce que cela
rejoint des valeurs qu'ils prônent mais parce qu'elles en avaient besoin,
un simple mécanisme de marché. La régulation
préférentielle consiste à protéger cette
coopérative des concurrents en mettant en oeuvre des instruments
particuliers, en leur fournissant des ressources où leur procurant des
avantages spécifiques62,
procédé qui se rapproche de la discrimination
positive. Cela se traduit notamment dans la structure du
capital de Railcoop, les collectivités pèsent 733 100 euros
(14,88 %) sur les 4 925 500 euros de capital que possède la
société, représentant ainsi le deuxième groupe de
sociétaires après les personnes physiques (73,37 %) en termes de
poids dans le capital au 15 avril 202263. Ce sont ensuite des
avantages et ressources matérielles, avec une région
Auvergne-Rhône-Alpes (AURA) qui, comme nous signale Dominique
Guerrée, Président de la SCIC, a décidé de
«faire un prix sur les wagons» et de vendre huit anciens TER
d'occasion ou encore la région Nouvelle-Aquitaine qui retire ses TER sur
les sillons de Railcoop. Pierre Wokuri illustre cela par la métaphore de
la piste cyclable, qui symbolise ces instruments réduisant les handicaps
des projets coopératifs qui ne peuvent rouler sur l'autoroute comme les
autres concurrents64. Les choses se débloquent aussi entre
les collectivités elles-mêmes, et notamment entre les
Régions, autorités organisatrices sur service public de transport
ferroviaire régional, pour permettre la mise en place de trains
interrégionaux. Par exemple, les régions Nouvelle-Aquitaine et
AURA collaborent après avoir passé des années à ne
pas s'entendre pour des questions de couleur politique (Alain Rousset du Parti
Socialiste face à Laurent Wauquiez des Républicains), et cela
grâce à Railcoop qui représente une table autour de
laquelle ceux-ci peuvent se retrouver. Un climat général
résumé par Karima Delli, elle-même conseillère
régionale des Hauts de France: « En France il y a un bon accueil
de
61 Entretien avec F.Carême
62 WOKURI, P. (2020)., op.
cit.
63 Voir graphique «Capital libéré
au 15/04/2022 en euros» en annexe. Source: Railcoop
64 WOKURI, P. (2021), op.
cit.
31
Railcoop parce que c'est vu comme la coopérative qui va
relier des territoires qui ne sont pas reliés, c'est ça la
nouveauté. Je comprends qu'elle puisse souhaiter profiter de cette
ouverture à la concurrence du marché ferroviaire pour redessiner
une carte des transports qui n'existe pas »65. Tout cela est
encore une fois permis aussi par le fait que Railcoop ne soit pas une simple
coopérative mais particulièrement une SCIC, qui, comme il est
écrit dans la loi de 2001 qui crée ce statut «se distingue
d'une coopérative classique en ce que son but n'est pas seulement la
satisfaction de ses propres adhérents ou associés, mais celle
d'un plus large public dont elle vise à satisfaire les
besoins»66. Une SCIC vise l'intérêt collectif,
remplissant ainsi l'ancien rôle de l'Etat sur ces territoires et
suscitant ainsi la bonne volonté des collectivités à
favoriser cette société, c'est une aide mutuelle.
B. L'insertion sur des interstices du marché,
espaces délaissés par les autres acteurs et par
l'Etat
Railcoop se rapproche de collectivités
délaissées par les autres acteurs du marché tout en
portant ses objectifs sur des espaces délaissés par ces
mêmes acteurs et les services publics, ayant ainsi un champ libre
où la concurrence n'est pas féroce voire inexistante, parfois
considéré comme un marché secondaire ou comme un espace
où l'on devient complémentaire plutôt que concurrent. Ces
espaces sur lesquels ce nouveau modèle peut se développer sont
qualifiés d'interstices du marché par Pierre Wokuri, qui avait
travaillé sur Enercoop et son développement sur la partie
énergies renouvelables du marché de l'électricité,
sur les failles du marché67. D'après
lui, sans ces interstices, le coopératif ne peut pas exister sur ce type
de marché libéral concurrentiel. Dans le cas de Railcoop, ce sont
les 20 000 kilomètres de rails qui ne sont plus desservis,
abandonnés par la SNCF, ce sont les 40% des liaisons intercités
qui ont été abandonnées par la SNCF, c'est le
développement du fret ferroviaire qui stagne en-dessous de la barre des
10% des marchandises transportées pendant que la moyenne
européenne est à plus de 18%, et ce pour plus de
rentabilité, pour moins d'Etat providence et plus de
compétitivité, participant à une centralisation dans ce
domaine. Railcoop a donc décidé de faire reprendre vie à
ces espaces du marché délaissés par le monde
65 Entretien avec K.Delli
66 DRAPERI J.-F. et MARGADO A. , op. cit.
67 WOKURI, P. (2020)., op. cit.
32
du ferroviaire, mais ses dirigeants et sociétaires
insistent bien sur le fait que cela s'effectue dans un objectif de
complémentarité et non de concurrence de la SNCF. Dans une
interview en janvier 2021, Alexandra Debaisieux, co-directrice, expliquait bien
que le service de Railcoop venait «en complémentarité du
service public, on ne veut pas prendre des parts de marché aux acteurs
existants»68. Une cible partagée par son frère,
Nicolas Debaisieux, directeur de Railcoop: «Nous n'allons pas nous
positionner sur des délégations de service public. L'idée
n'est pas de concurrencer la SNCF, mais bien d'ouvrir les lignes
abandonnées»69, et par Marius Chevallier,
sociétaire : «on va juste là où personne ne se
met»70 . Dominique Guerrée faisait d'ailleurs
état de la situation dans laquelle se trouvent les secteurs où
Railcoop compte réaliser ses projets, où plusieurs citoyens,
collectivités, entreprises, voient leur arrivée d'un très
bon oeil pour le développement local: «Cela fait 40 ans que les
collectivités écrivent au Ministère des Transports,
à l'Etat...etc parce que le train ne dessert pas telle gare et qu'on
enlève de plus en plus de services. C'est lettre morte, il ne se passe
rien. Là il se passe quelque chose de concret, où les citoyens se
sont retroussés les manches»71 . Cet apport de service,
la SCIC du Lot compte également le réaliser dans le secteur du
fret, domaine très peu exploité en France comme le déplore
Karima Delli : «Déjà en 2007 au Grenelle de l'environnement
où j'étais on disait que d'ici 2020 il fallait atteindre minimum
14% de fret, en 2022 nous sommes à 9%, et ce n'est même pas la
moyenne européenne qui est de 18%. A chaque fois on se dit «c'est
quand même dingue, on a tout pour réussir, pourquoi ça ne
marche pas ?». Parce que les politiques publiques considèrent que
ce n'est pas une priorité»72. Un constat partagé
à Périgueux par François Carême pour qui «la
SNCF est complètement déficiente en matière de fret. Parce
que là aussi on ponce la SNCF pour faire du fret mais elle ne le fait
pas. Dans le fret on a toujours été mauvais»73.
C'est dans cette optique que la première ligne lancée par
Railcoop est une ligne de fret qui réalise le trajet entre Figeac et la
zone industrielle de Saint-Jory près de Toulouse depuis le 15 novembre
dernier. En (re)proposant ces nouveaux services, ce projet peut aussi amener
l'ensemble du secteur à repenser la manière de faire et à
modifier certains cadres du marché au point de les rendre
peut-être un jour des espaces concurrentiels importants. Selon
68 Radio Présence. Emission Sujet du
Jour du 20 janvier 2021.
69 PUIG A. (2020). Ils veulent gagner la bataille du
rail !. DARD/DARD, n°4, pp.140-147.
70 Entretien avec M.Chevallier
71 Entretien avec D.Guerrée
72 Entretien avec K.Delli
73 Entretien avec F.Carême
33
Yves-Alain Liénard, Président d'Enercoop
Languedoc-Roussillon, «La SCIC ne remplacera pas le service public dans
toutes ses variétés, mais elle peut permettre une
évolution de celui-ci par une réappropriation par chacun des
enjeux, de la réflexion, de l'adaptation au
territoire»74.
Etude de cas: la ligne Bordeaux-Lyon
Afin de mieux comprendre plus concrètement les moyens
qu'utilise Railcoop afin de s'insérer sur le marché ferroviaire,
le choix a été fait de prendre pour exemple la ligne
Bordeaux-Lyon, première ligne de transport de voyageurs en projet de
Railcoop, autour de laquelle le projet de la société en
elle-même s'est véritablement monté. En 2004, le train
Bordeaux-Lyon qui passait par Périgueux a été
supprimé, et depuis 2014, il est impossible de rejoindre les
préfectures de Gironde et du Rhône par voie ferrée,
laissant de nombreux territoires tels que l'Allier, la Creuse, ou encore la
Haute-Vienne, totalement démunis après 143 ans d'existence de
cette ligne structurante pour cette partie du pays. Au train se sont
substitués l'avion (ligne d'avion la plus fréquentée de
France) ou encore la voiture, mais il est désormais impossible de
rejoindre les deux villes en train sans passer par Paris. Par exemple, pour
aller de Limoges à Bordeaux un changement est obligatoire à
Périgueux, et pour aller de Limoges à Lyon, deux changements sont
nécessaires puis il faut prendre un bus, de quoi en dissuader plus d'un.
François Carême a constaté les dégâts de la
suppression du Bordeaux-Lyon, «ça a été une vraie
catastrophe quand il a été supprimé. Pas tant pour les
gens de Périgueux mais pour avoir de la transversalité en
France»75. Frédéric Laporte, maire de
Montluçon se souvient: «J'ai été étudiant
comme vous, j'ai redoublé mon bac à Guéret c'était
la ligne Bordeaux Lyon, j'ai fait une prépa à Limoges
c'était la ligne Bordeaux Lyon, j'ai aussi été
étudiant à Clermont et je prenais la ligne Bordeaux Lyon,
après j'ai été 3 ans à Lyon c'était la ligne
Bordeaux Lyon. C'était une ligne extrêmement structurante pour
l'ensemble des territoires du centre. Cela change tout. Très clairement,
cela a une attractivité. Économique un peu, parce que c'est plus
facile. Ensuite, cela a surtout une importance pour développer nos
formations, les étudiants sont plutôt friands du train, le temps
est moins
74 LIENARD Y.-A, op. cit.
75 Entretien avec F.Carême
34
important pour eux, et au niveau de la formation sur
Montluçon on va de la maternelle aux ingénieurs et
doctorants»76. Les éléments étaient donc
réunis: collectivités prêtes à donner de l'aide pour
retrouver cette ligne, des interstices délaissés sur lesquels
s'insérer, un ressenti au quotidien de l'abandon par les habitants, un
projet emblématique permettant de renforcer l'image de marque mais aussi
la légitimation en se donnant une envergure nationale. Le projet a alors
tout de suite plu, les collectivités et les citoyens, cibles de
Railcoop, étaient atteints, et cela s'est traduit par une augmentation
des adhésions sur les territoires où la ligne devrait passer
à l'avenir (principalement en Gironde et dans le Rhône, voir
cartes ci-dessous77) ainsi que par la présence de nombreuses
collectivités (voir liste en annexe) «qui ont tout de suite compris
l'intérêt qu'il pouvait y avoir à un train dans ces
territoires» selon Dominique Guerrée. Railcoop annonce
déjà un trajet en 6h47 avec un billet entre 30 et 40 euros, un
peu sur le modèle des intercités de la SNCF.
Tracé de la ligne Bordeaux-Lyon imaginé par
Railcoop, reprenant grandement le tracé utilisé jusqu'en 2014
L'ouverture de cette ligne n'est cependant pas gagnée
d'avance et, alors qu'elle devait ouvrir en janvier 2022, le lancement a connu
deux reports, d'abord en juin 2022 puis finalement en décembre 2022 pour
des raisons techniques. En effet, c'est pour Railcoop le projet
emblématique, et la SNCF ne leur facilite pas la tâche comme il
sera constaté plus tard dans ce mémoire. La première
proposition n'avait pas fonctionné car, en octobre 2021, seules 55% des
lignes avaient été pourvues par SNCF Réseau, 34% de
manière non conforme aux attentes de Railcoop, et 11% sans
réponse. La SNCF leur proposait de leur laisser à
76 Entretien avec F.Laporte
77 Source: Railcoop
disposition des lignes qui s'arrêtaient à
Libourne pour Bordeaux et à Roanne pour Lyon, avec des bus en
complément, ce qui n'était pas du goût des
sociétaires. Il n'apparaît donc pas que la SNCF ait vu Railcoop
comme un outil complémentaire. Cette ligne est véritablement vue
comme un baptême par les dirigeants de Railcoop, un test qui, s'il
réussit, ouvrira la voie à l'ensemble des autres projets
prévus pour 202478.
35
78 voir carte en Introduction
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