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Lieux de mémoires et citoyen.ne.s numérique : un dialogue impossible ?


par Paul GOURMAUD
L'École de design Nantes Atlantique - Master 2 Digital Design 2024
  

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2.2 - Mémoire numérique et rôle du citoyen

Dès 1642, lorsque Blaise PASCAL développe la Pascaline, la première machine à calculer de l'histoire, il imaginait déjà les limites de son invention quant à son utilisation par l'Homme : « La machine d'arithmétique fait des effets qui approchent plus de la pensée que tout ce que font les animaux. Mais elle ne fait rien qui puisse faire dire qu'elle a de la volonté comme les animaux. » 23. Pascal souligne ici que les machines ne possèdent pas de volonté propre, contrairement aux animaux. Les animaux sont capables de prendre des décisions, d'agir de manière autonome et de répondre à leur environnement en fonction

23 Clermont-Ferrand, G. (s. d.). Pensées de Blaise Pascal. Consulté le 19 novembre 2023, à l'adresse http://www.penseesdepascal.fr/XXVI/XXVI6-moderne.php

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de leurs besoins et de leurs instincts. Ils ont une forme de conscience et de volonté qui leur permet de s'adapter à différentes situations de manière flexible, ce que les machines ne peuvent pas faire. Cela démontre que nous ne pouvons pas déléguer la responsabilité de la transmission de la mémoire à une machine, car ce processus nous oblige à sélectionner des mémoires qui ont du sens pour des êtres sensibles comme nous, et dépendent donc de conditions morales que seul nous sommes capables de définir. Nous pouvons bien sûr transmettre un héritage physique, comme des vyniles, des magazines, des dessins...

Mais force est de constater que le numérique est aujourd'hui un outil indispensable à maîtriser pour quiconque souhaite transmettre un héritage, comme nous l'avons vu précédemment. L'archivage des données est en fait un des nombreux enjeux auquel doit faire face le « citoyen numérique » aujourd'hui, en plus de la protection de ses données en ligne notamment. Plusieurs organismes (la CNIL, le CSA, le Défenseur des droits et l'Hadopi) ont ainsi créés le « kit pédagogique du citoyen numérique » 24, à destination de formateurs et de parents qui souhaitent éduquer les plus jeunes sur les enjeux du numérique. Le kit rassemble ainsi divers ressources autour des thématiques

24 Arcom. (s. d.). Kit pédagogique du citoyen numérique : retrouvez toutes les ressources. Arcom le Régulateur de la Communication et Numérique. Consulté le 8 février 2024, à l'adresse https://shorturl.at/sCHM9

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suivantes : les droits sur internet, la protection de la vie privée en ligne, le respect de la création ainsi que l'utilisation raisonné et citoyenne des écrans. Il y a ainsi une volonté de questionner le rôle du numérique et voir comment son utilisation pourrait faciliter les initiatives citoyennes, surtout lorsqu'on remarque un taux d'abstention plus élevés chez les plus jeunes. En effet, en 2022 l'INSEE relève une abstention systématique aux élections présidentielles et législatives plus élevés chez les moins de 40 ans. Avec un taux de 25 % chez les 25-29 ans contre 13 % pour les 4044 ans. Ont notent malgré tout un manque d'intérêt global pour ces élections avec seulement 1/3 des électeurs qui ont votés à la fois aux présidentielles et aux législatives 25.

Alors, est-ce que les outils numériques pourrait constituer une alternative satisfaisante ? En l'occurrence, les réseau sociaux sont déjà largement utilisés afin d'organiser des mouvements de contestations : « l'engagement sur les réseaux sociaux même quand il est peu coûteux peut constituer le premier geste qui va faire entrer dans un parcours d'engagement. » 26 (Aschieri & Popelin, 2017).

25 Insee, & Bloch, K. (2022, 17 novembre). Élections présidentielle et législatives de 2022 : seul un tiers des électeurs a voté à tous les tours[Base de données]. INSEE. Consulté le 11 février 2024, à l'adresse https://www.insee.fr/ fr/statistiques/6658145

26 Aschieri, G., & Popelin, A. (2017). Réseaux sociaux numériques : comment renforcer l'engagement citoyen ? Journeaux Officiels. Consulté le 9 février 2024, à l'adresse https://urlz.fr/pEHW

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A titre d'exemple, le mouvement des Gilets jaunes avait réellement commencer sur le réseaux sociaux avant de prendre de l'ampleur via les manifestations dans les rues.

En revanche, malgré les multiples opportunités offertes pas ces outils, certaines limites se posent quant à l'exploitation de nos données personnelles en ligne. Pour ce faire nous devons nous intéresser au modèle économique imposé par les entreprises majeures du numériques, résumé par l'acronyme GAFAM (Google (Alphabet), Amazon, Facebook (Meta), Apple, Microsoft). En effet, pour proposer leurs services, ces entreprises font l'acquisition des données fournit par un utilisateur donné, et en échange elles lui proposent des recommandions personnalisés. Les risques qui se posent en premier lieu sont à propos de la protection de la vie privée. Il suffit de regarder les outils utilisés par ces entreprises pour comprendre que l'exploitation de nos données est au centre de leur système économique. Parmi eux ont retrouvent les algorithmes de pertinence, il permettent de déterminer les résultats les plus pertinents d'après une requête formulé par l'utilisateur. Au début, ces algorithmes proposaient des résultats similaires pour une même requête, signifiant que des utilisateurs différents pouvaient obtenir les mêmes résultats. Mais à partir de 2007, ils se sont perfectionnés et propose désormais des résultats en fonction des intérêts propres de chaque utilisateur. A partir de là, une « boucle de recommandations » s'enclenche, car chaque

27 Constant, P. (2018). Modèles économiques des GAFAM et vie privée. Dans Santé, numérique et droit-s (p. 307-318). https://doi.org/10.4000/books.putc.4463

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page visitée permettra de fournir des critères de sélection supplémentaires pour la prochaine requête. Avec l'arrivée des assistants personnels tel que Google assistant ce processus est encore davantage facilité. « L'aide fournie par l'assistant se paie alors par l'abdication subreptice de tout contrôle sur les données personnelles » 27 (Constant. P, 2018). En d'autres termes, pour bénéficier de leurs fonctionnalités, il faut renoncer à une partie de sa vie privée sans forcément en être pleinement conscient. Ici, le pouvoir ne revient donc pas à celui qui créer la donnée mais à celui qui sait comment l'organiser et la rediriger.

Ce système de profilage, en offrant des recommandations adaptés au profil des individus, comporte le risque de fragmenterlamémoire collective.Au lieu de créer un espace partagé et transparent où chacun peut s'exprimer librement, il créé plutôt des bulles filtrantes, où chaque individu est enfermé dans ses propres intérêts. En somme, plutôt que de favoriser l'expression et la diversité, l'essor du web pourrait au contraire accentuer les divisions et les incompréhensions :« les nouveaux médias sociaux tendent à accroître la fragmentation de société déjà fragmentées

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et donc à faire disparaître l'espace public » 28 (Ganascia. J, 2023). Et ce système est un frein à la construction de la mémoire collective, car suivant la définition reprise de Maurice Halbwachs précédemment, « Mais nos souvenirs demeurent collectifs [...] nous portons toujours avec nous et en nous une quantité de personnes qui ne se confondent pas » 29 (Halbwachs. M, 1950). Cela démontre que nous ne pouvons pas espérer construire une mémoire collective solide en évoluant dans un environnement numérique ethnocentré. Afin de mieux appréhender ces systèmes de surveillance, Steve Mann, un professeur canadien imagine le concept de « sousveillance » dans les années 90 afin d'opposer une résistance aux déploiement des systèmes de surveillances, notamment les caméras dans les espaces publics 30 (Mann, 2004). L'idée étant de fabriquer des systèmes d'enregistrements vidéos afin de « surveiller ceux qui nous surveille ». C'est une philosophie que l'on peut également transposer aux technologies du web évoquées précédemment. En revanche dans cet environnement, il est plus difficile de quantifier d'où peut provenir la

28 Ganascia, J. (s. d.). Le futur de la mémoire à l'heure du numérique et de ChatGPT [Rediffusion]. Dans WebTV. Semaine de la mémoire, Lille, Haut de France, France. https://urlz.fr/ox0S

29 Halbwachs, M. (1950). La mémoire collective (2e éd.) [Édition numérique]. Paris : Les Presses universitaires de France, consulté le 18 novembre 2023, à l'adresse https // shorturl.at/gGVW6

30 Mann, S. (2004). « Sousveillance » : inverse surveillance in multimedia imaging. ACM Multimedia, 620-627. https://doi.org/10.1145/1027527.1027673

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surveillance, car dès lors que nous partageons nos données publiquement, qui de nos amis ou du service d'hébergement espionne vraiment nos données. De cette manière, de plus en plus d'outils propose de se protéger contre la collecte de nos données personnelles, à l'image d'extensions web comme Qwant VIPrivacy. Développée par l'entreprise Qwant, qui est à l'origine un moteur de recherche lancé en 2013, la même année que les révélations du lanceur d'alerte Edward Snowden sur les outils de surveillance de masse utilisés par les services de renseignement américain. Qwant, par opposition souhaite à tout prix ne rien savoir sur ses utilisateurs : « Qwant ne sait rien sur vous et ça change tout ! ». L'entreprise possède également un blog sur lequel sont publiés des articles divers sur les bonne pratiques à avoir pour protéger ses données en ligne. Parmi eux ont trouve aussi des articles explicitement « anti-google » : « Comment vivre sans Google : les alternatives qui protègent ta vie privée » 31, avec donc une sélection de navigateur, de services de messagerie garantissant une meilleure protection de nos données. Cette position affirmée ne favorise cependant pas la compréhension réel du sujet, à titre d'exemple l'un des derniers articles parût « Pourquoi c'est important de protéger sa vie privée en

31 Team Qwant. (2023, 7 décembre). Comment vivre sans Google : les alternatives qui protègent ta vie privée. Qwant. Consulté le 7 février 2024, à l'adresse https://urls.fr/fqFHxR

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ligne ? » 32 ne se résume qu'à 4 points apportant chacun une réponse courte à la question posée par l'article. En guise de conclusion, l'article rappel que Qwant constitue une réponse adéquate à la protection de nos données, en proposant également des liens de téléchargement pour son moteur de recherche. « Les dispositifs numériques que nous utilisons de manière ordinaire, et qui permettent ainsi des formes de braconnage du contrôle social, ne sont pas neutres. Si la sousveillance permet de fournir un autre regard sur les formes de surveillance, de documenter les structures étatiques ou privées les déployant, d'alimenter le débat démocratique sur les questions de renseignement et de vie privée, les médiations techniques qui favorisent le développement de ces débats dans l'espace public doivent être comprises de tous. » 33 (Aloing. C, 2016). Ici la sousveillance qualifie également la volonté de renseigner sur les structures de surveillance en plus de fournir des outils concrets pour agir comme avec l'exemple de Qwant. En revanche, comme le souligne la citation, un point de vue plus mesuré et pédagogue sur les technologies numériques est préférable afin d'assurer leur bonne compréhension. La CNIL (Commission Nationale de l'informatique et

32 Team Qwant. (2024, 23 janvier). Pourquoi c'est important de protéger sa vie privée en ligne ? Qwant. Consulté le 7 février 2024, à l'adresse https://urls.fr/ Cpqew3

33 Aloing, C. (2016). La sousveillance. Vers un renseignement ordinaire. Hermès, la revue, 76, 68-73. consulté le 16 novembre 2023, à l'adresse, https:// www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2016-3-page-68.htm

34 Beaudouin, V. (2019). Comment s'élabore la mémoire collective sur le web ? Réseaux, n° 214-215(2), 141-169. https://doi.org/10.3917/res.214.0141

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des Libertés), même si son déploiement n'est pas moins politique, fournit par exemple des informations plus détaillées sur l'exercice de nos droits et devoirs dans l'environnement numérique.

Puisque cet environnement est relativement récent et évolue très rapidement il est normal que sa compréhension et sa maîtrise prenne du temps. Malgré les limites évoqués précédemment, les initiatives fleurissent afin de construire une mémoire collective via les outils du web. En 2019, une étude a été menée afin de comprendre l'influence d'internet sur la construction et la transmission de la mémoire collective, se basant sur les archives web collectés par la bibliothèque nationale de France 34 (Beaudoin, 2019). L'étude s'appuie ainsi sur des forums, des blogs et constitués à partir de 2014 à propos de la première guerre mondiale, ainsi que sur leurs auteurs. Ont constate que les forums permettent de retrouver une forme d'espace public ou le lien social est aussi important que l'acquisition de connaissances. En effet, les usagers de ces outils sont volontaires et désireux d'apprendre sans contrainte extérieur, ce qui fait la différence. Il est aussi noté qu'il y a une volonté de leur part de faire preuve de rigueur dans la documentation des différents sujets. De plus avec la numérisation croissante des documents physiques, le

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travail de ces historiens amateurs est appuyé par une grande quantité d'archives. Il est ainsi possible pour eux de faire un travail de relation, de comparaison entre des archives récentes et anciennes. En reconstituant la vie des soldats de cette guerre via les archives qu'ils ont laissés derrière eux, c'est une façon pour ces usagers de lutter contre l'oubli de cette histoire et leur éviter une seconde mort. Leur travail est en fait guidé par une volonté de ne pas oublier le passé, de continuer à réalisé un « devoir de mémoire » à leur échelles : « Alors que tous les témoins ont disparu, ces mémoriaux numériques constituent des lieux d'un genre nouveau qui tentent, en s'appuyant sur des sources, de reconstituer au plus près ce qu'a pu être l'expérience vécue. Il n'y a donc pas antinomie entre mémoire et histoire : le travail historiographique, documenté, sourcé étant mis au service de la mémoire. » 35 (Beaudoin, 2019)

35 Beaudouin, V. (2019). Comment s'élabore la mémoire collective sur le web ? Réseaux, n° 214-215(2), 141-169. https://doi.org/10.3917/res.214.0141

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LES COMPOSANTES DE LA MÉMOIRE

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"Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots"   Martin Luther King