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La société sucrière du Burkina Faso (SN SOSUCO : de l'aménagement du territoire à  la construction de la mémoire (1965-2020)


par Thomas Frank Bancé
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Master de recherche 2023
  

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Annexe 12 : Transcription d'un entretien réalisé à Bérégadougou

Entretien réalisé avec Monsieur Emma Youmati, ouvrier-manipulateur latéral dans les champs de la

SN SOSUCO.

Thomas Bancé (T.B) : Comment s'appelle les appareils d'irrigation ?

Emma Youmati (E. Y) : Les appareils d'irrigation sont appelés par trois noms : pivot (P), latéral (L) et aspersion (A). Moi je travaille que dans un secteur où se trouve que des Latéraux, trois latéraux exactement. Il y a trois autres secteurs en plus donc au total 4 secteurs d'irrigation.

T.B : Sur quelle séquence se font l'irrigation des champs.

E. Y : Nous, on ne fait que suivre les instructions de la direction culture. Donc c'est à nos supérieurs de nous donner les périodes et la durée de chaque irrigation.

T.B : Comment les appareils d'irrigation arrivent à traverser les champs de canne à sucre ?

E. Y : Pendant le labourage des champs, des espaces sont laissés pour la circulation des roues des latéraux (c'est-à-dire, appareil d'irrigation).

T.B : L'irrigation des champs commence à quelle période de l'année ?

E. Y : Cette année, nous avons commencé les premières irrigations en octobre.

T.B : Combien de temps passez-vous dans les champs en tant qu'ouvrier agricole chargé de

l'irrigation ?

E. Y : La saison ici dure 9 mois. Vous commencez en octobre et vous arrêtez en juin. Mais souvent, on ajoute 15 jours de travail pour que les cannes reçoivent le maximum d'eau donc nous continuons jusqu'au 15 juillet. Ces 9 mois correspondent au nombre de mois nécessaires à la croissance des plantes de canne à sucre.

T.B : Êtes-vous en train de dire que vous irriguer les champs même quand il pleut ?

E. Y : Non, lorsqu'il y a les pluies, on arrête l'irrigation des champs. Et quand les pluies se font rares pendant la saison des pluies, nous relançons encore l'irrigation.

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T.B : Depuis quand travaillez-vous comme manipulateur latéral pour la SN SOSUCO ?

E. Y : Moi, on m'a recruté depuis 2012 avec le niveau BEPC (Brevet d'études du premier cycle). Cela fait donc aujourd'hui 9 ans que je suis là. Malgré mon ancienneté, j'ai toujours le statut d'un ouvrier contractuel. Si l'entreprise marchait normalement, je devais être maintenant un employé permanent et non temporaire.

T.B : Quelles sont vos conditions de travail en tant que manipulateur latéral ?

E. Y : Nous travaillons par équipe de quatre personnes allouée à la manipulation de chaque latéral (c'est-à-dire, appareil d'irrigation). Chaque manipulateur a droit à un jour de repos dans la semaine. Mon prochain jour de repos, c'est le mardi. Ensuite, chaque manipulateur travaille pleinement durant 1 mois et se met en repos le mois suivant jusqu'à ce que les 9 mois de travail d'irrigation soient atteint.

T.B : Êtes-vous payés pendant vos mois de repos ?

E. Y : Justement non. Nous devenons des chômeurs durant nos mois de repos et cela nous rend la vie dure surtout que nous ne pouvons pas trouver un travail durant ce mois de repos. Vraiment, notre travail est souffrant pour un homme qui a une famille, des enfants. C'est pour cela sur le plan national on invite la jeunesse à entreprendre. Si tu arrives à entreprendre, tu as ton propre argent. Ou bien, on te recrute dans la fonction publique. Si non ici, la vie est difficile ici.

T.B : Combien gagnez-vous par mois en tant que manipulateur latéral ?

Avec mon niveau BEPC, si j'arrive à travailler pleinement dans un mois, je peux gagner jusqu'à 70

000 FCFA.

T.B : Avez-vous chercher à améliorer vos conditions de travail ?

E. Y : Non, puisqu'on est nombreux à rechercher le même travail. Donc si su te plains beaucoup, on ne t'appelle plus la campagne prochaine et on te remplace par un autre sur la liste d'attente. Ceci empêche les luttes ici. Les ouvriers des 4 secteurs d'irrigation s'étaient réunis dans un bureau central pour porter nos revendications. De ces revendications, la responsable de la DRH a accepté d'engager 5 ouvriers contractuels par secteur comme des employés permanents, soit 20 ouvriers. Mais après cela, ils ont cassé notre lutte et depuis lors, personne n'a encore été engagé de nouveau car notre bureau est cassé. S'il y a un problème actuellement, c'est sauve qui peut.

T.B : Les accidents de travail sont-ils pris en charge ?

E. Y : Sur les papiers oui, mais en pratique non. Lorsque ce sont des petits accidents, tu peux aller te faire soigner dans le centre de santé de l'usine. Mais quand ton AT (accident de travail) est grave, tu risques de ne pas être pris en charge par la société. En 2013, je suis tombé d'un véhicule 4x4 dans le cadre du travail mais j'ai jamais bénéficier des frais d'accident de travail malgré mes pièces justificatives.

T.B : Quelles difficultés rencontrez-vous dans votre travail ?

L'insécurité dans notre travail, surtout les nuits. Nous sommes exposés à des êtres mystiques (génies), au froid et à la solitude. Il y a aussi des malfrats qui viennent pour voler le gasoil utilisé pour alimenter les moteurs des appareils. Nous risquons nos vies en surveillant les appareils. Nous avons suggéré à l'entreprise de constituer des équipes de binômes mais sans succès. C'est Dieu qui nous protège ici.

T.B : Quels sont vos projets d'avenir ?

E. Y : Pour l'instant, chaque année je tente les concours de la fonction publique sans succès. Mon but c'est d'arriver à intégrer le concours des enseignants du primaire. Comme cela, je pourrai joindre les deux bouts avec ma famille.

Source : Bancé Thomas Frank, entretien réalisé le 8 novembre 2021 à Banfora.

Commentaire : Cet entretien a pris la forme d'une discussion générale qui a duré plus d'une dizaine de minutes car la personne interviewée voulait en savoir davantage sur nous et soumettre certaines doléances d'ordre personnel. Toutefois, nos échanges nous ont permis de toucher du doigt les conditions de travail des ouvriers (surtout ceux qui travaillent dans les champs) et de connaitre davantage le fonctionnement du système d'irrigation des parcelles de canne à sucre.

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