Annexe 12 : Transcription d'un entretien
réalisé à Bérégadougou
Entretien réalisé avec Monsieur Emma Youmati,
ouvrier-manipulateur latéral dans les champs de la
SN SOSUCO.
Thomas Bancé (T.B) : Comment s'appelle les
appareils d'irrigation ?
Emma Youmati (E. Y) : Les appareils d'irrigation sont
appelés par trois noms : pivot (P), latéral (L) et aspersion (A).
Moi je travaille que dans un secteur où se trouve que des
Latéraux, trois latéraux exactement. Il y a trois autres secteurs
en plus donc au total 4 secteurs d'irrigation.
T.B : Sur quelle séquence se font l'irrigation des
champs.
E. Y : Nous, on ne fait que suivre les instructions de la
direction culture. Donc c'est à nos supérieurs de nous donner les
périodes et la durée de chaque irrigation.
T.B : Comment les appareils d'irrigation arrivent
à traverser les champs de canne à sucre ?
E. Y : Pendant le labourage des champs, des espaces sont
laissés pour la circulation des roues des latéraux
(c'est-à-dire, appareil d'irrigation).
T.B : L'irrigation des champs commence à quelle
période de l'année ?
E. Y : Cette année, nous avons commencé les
premières irrigations en octobre.
T.B : Combien de temps passez-vous dans les champs en
tant qu'ouvrier agricole chargé de
l'irrigation ?
E. Y : La saison ici dure 9 mois. Vous commencez en octobre et
vous arrêtez en juin. Mais souvent, on ajoute 15 jours de travail pour
que les cannes reçoivent le maximum d'eau donc nous continuons jusqu'au
15 juillet. Ces 9 mois correspondent au nombre de mois nécessaires
à la croissance des plantes de canne à sucre.
T.B : Êtes-vous en train de dire que vous irriguer
les champs même quand il pleut ?
E. Y : Non, lorsqu'il y a les pluies, on arrête
l'irrigation des champs. Et quand les pluies se font rares pendant la saison
des pluies, nous relançons encore l'irrigation.
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T.B : Depuis quand travaillez-vous comme manipulateur
latéral pour la SN SOSUCO ?
E. Y : Moi, on m'a recruté depuis 2012 avec le niveau
BEPC (Brevet d'études du premier cycle). Cela fait donc aujourd'hui 9
ans que je suis là. Malgré mon ancienneté, j'ai toujours
le statut d'un ouvrier contractuel. Si l'entreprise marchait normalement, je
devais être maintenant un employé permanent et non temporaire.
T.B : Quelles sont vos conditions de travail en tant que
manipulateur latéral ?
E. Y : Nous travaillons par équipe de quatre personnes
allouée à la manipulation de chaque latéral
(c'est-à-dire, appareil d'irrigation). Chaque manipulateur a
droit à un jour de repos dans la semaine. Mon prochain jour de repos,
c'est le mardi. Ensuite, chaque manipulateur travaille pleinement durant 1 mois
et se met en repos le mois suivant jusqu'à ce que les 9 mois de travail
d'irrigation soient atteint.
T.B : Êtes-vous payés pendant vos mois de
repos ?
E. Y : Justement non. Nous devenons des chômeurs durant
nos mois de repos et cela nous rend la vie dure surtout que nous ne pouvons pas
trouver un travail durant ce mois de repos. Vraiment, notre travail est
souffrant pour un homme qui a une famille, des enfants. C'est pour cela sur le
plan national on invite la jeunesse à entreprendre. Si tu arrives
à entreprendre, tu as ton propre argent. Ou bien, on te recrute dans la
fonction publique. Si non ici, la vie est difficile ici.
T.B : Combien gagnez-vous par mois en tant que
manipulateur latéral ?
Avec mon niveau BEPC, si j'arrive à travailler pleinement
dans un mois, je peux gagner jusqu'à 70
000 FCFA.
T.B : Avez-vous chercher à améliorer vos
conditions de travail ?
E. Y : Non, puisqu'on est nombreux à rechercher le
même travail. Donc si su te plains beaucoup, on ne t'appelle plus la
campagne prochaine et on te remplace par un autre sur la liste d'attente. Ceci
empêche les luttes ici. Les ouvriers des 4 secteurs d'irrigation
s'étaient réunis dans un bureau central pour porter nos
revendications. De ces revendications, la responsable de la DRH a
accepté d'engager 5 ouvriers contractuels par secteur comme des
employés permanents, soit 20 ouvriers. Mais après cela, ils ont
cassé notre lutte et depuis lors, personne n'a encore été
engagé de nouveau car notre bureau est cassé. S'il y a un
problème actuellement, c'est sauve qui peut.
T.B : Les accidents de travail sont-ils pris en charge
?
E. Y : Sur les papiers oui, mais en pratique non. Lorsque ce
sont des petits accidents, tu peux aller te faire soigner dans le centre de
santé de l'usine. Mais quand ton AT (accident de travail) est
grave, tu risques de ne pas être pris en charge par la
société. En 2013, je suis tombé d'un véhicule 4x4
dans le cadre du travail mais j'ai jamais bénéficier des frais
d'accident de travail malgré mes pièces justificatives.
T.B : Quelles difficultés rencontrez-vous dans
votre travail ?
L'insécurité dans notre travail, surtout les
nuits. Nous sommes exposés à des êtres mystiques
(génies), au froid et à la solitude. Il y a aussi des
malfrats qui viennent pour voler le gasoil utilisé pour alimenter les
moteurs des appareils. Nous risquons nos vies en surveillant les appareils.
Nous avons suggéré à l'entreprise de constituer des
équipes de binômes mais sans succès. C'est Dieu qui nous
protège ici.
T.B : Quels sont vos projets d'avenir ?
E. Y : Pour l'instant, chaque année je tente les
concours de la fonction publique sans succès. Mon but c'est d'arriver
à intégrer le concours des enseignants du primaire. Comme cela,
je pourrai joindre les deux bouts avec ma famille.
Source : Bancé Thomas Frank, entretien
réalisé le 8 novembre 2021 à Banfora.
Commentaire : Cet entretien a pris la forme
d'une discussion générale qui a duré plus d'une dizaine de
minutes car la personne interviewée voulait en savoir davantage sur nous
et soumettre certaines doléances d'ordre personnel. Toutefois, nos
échanges nous ont permis de toucher du doigt les conditions de travail
des ouvriers (surtout ceux qui travaillent dans les champs) et de connaitre
davantage le fonctionnement du système d'irrigation des parcelles de
canne à sucre.
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