I.2.1.2. Le modèle « Shareholder »:
«The business of business is business»
Selon le maniérisme traditionnel
néolibéral, le débat autour du rôle que joue le
business dans la société portait essentiellement sur l'entreprise
et ses performances, tandis que le contexte plus vaste dans lequel il
opérait fut marginalisé.
En 1970, l'économiste MILTON Friedman,
lauréat du prix Nobel, citait son propre livre et disait: «
L'entreprise a une et une seule responsabilité sociale : utiliser ses
ressources et s'engager dans des activités susceptibles
d'accroître ses profits, à la seule condition de respecter les
règles du jeu, c'est-à-dire de s'engager dans une concurrence
libre et ouverte, sans tromperie ni fraude ».35
Après avoir énoncé cette
réflexion, Friedman, qui par vocation était
monétariste, devient le leader de la doctrine néolibérale
dont le credo est « le profit est le seul critère de
toutes les valeurs ». Dans le livre « Capitalism and
Freedom », il a sévèrement critiqué,
entre autres, la nouvelle tendance, à ce que la responsabilité
sociale soit incluse dans la stratégie des corporations, tout en
affirmant que les managers de cette façon détruisent les
fondements d'une société libre. Selon lui, les managers devraient
penser à « make as much money for their stockholders as
possible ».36 (C'est-à-dire réaliser plus de
profit pour leurs actionnaires autant que possible).
Pourquoi Friedman s'opposait-il si farouchement à la
RSE ? La réponse se cache derrière son opinion qui présume
que les concepts CSR (Corporate Social Responsibility ou la
responsabilité sociale de l'entreprise) et CFP (Corporate Financial
Performance ou la performance financière de l'entreprise) se
trouvent dans une relation d'antagonisme, car leurs buts s'excluent
mutuellement. S'étant déclaré comme défenseur du
CFP, Friedman estimait que dépenser de l'argent pour quelque chose qui
donne des résultats douteux n'était absolument pas dans
l'intérêt des entreprises. Il en découle que de telles
affaires ne sont pas fair-play envers les actionnaires. Selon lui, il
ne faut pas dépenser de l'argent (gaspiller une partie du profit) sur
tout ce qui est relatif à la RSE.37
Etant donné que son article, qui a fait la une dans les
années 70, était bien souvent critiqué dans les
débats sur l'éthique financière, au lieu d'être
compris comme son interprétation de la nature même du business,
Friedman a de nouveau, en l'an 2000, répété son opinion
extrême: «
35 M. Friedman, Op. Cit., pp. 32-33.
36 M. Friedman, Capitalism and Freedom,
Chicago, University of Chicago Press, 1962, p. 133.
37M. Wolf, « Sleep-Walking with the Enemy:
Corporate social responsibility distorts the market by deflecting business from
its primary role of profit generation », Financial Times, 16 Mai
2001, p34.
" 18 "
Only people, not businesses, have ethics
»38 qui veut dire « seul les gens et non les affaires ont
de l'éthique ».
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