INTRODUCTION GENERALE
Les pays de l'UEMOA, appartenant tous à la zone franc,
affichent des disparités économiques importantes dont les
autorités et organismes mondiaux tentent à élaborer des
stratégies pour atteindre une croissance durable et nécessaire
à réduire la pauvreté.
Cette croissance économique est l'indicateur principal
pour apprecier la performance économique d'un pays. Chaque pays tend
à enregistrer un taux important pour maintenir l'évolution de son
activité économique à long terme et de garantir une
stabilité économique. Théoriquement la croissance se
traduit par une augmentation des ressources de productions, du revenu, d'une
réduction de la pauvreté et de l'amélioration du
bien-être de la société.
La croissance selon Kuznets, Prix Nobel d'économie en
1971, est définie comme étant « l'augmentation à long
terme de la capacité d'offrir une diversité croissante de biens,
cette capacité croissante étant fondée sur le
progrès de la technologie et les ajustements institutionnels et
idéologiques qu'elle demande ». De ce fait, la croissance
économique est décrite dans une logique de processus
d'accroissement de l'activité économique afin d'augmenter
significativement la richesse nationale.
Elle constitue souvent un objectif en soi pour les pays,
qu'ils soient économiquement riches ou pauvres pour assurer un
équilibre économique. Pour celà, des mesures importantes
sont souvent prises par les autorités pour améliorer les
conditions de vie des citoyens à travers les programmes de croissance
accélérée. Les dirigeants de l'UEMOA ont
érigé au rang de leurs priorités, la lutte contre la
pauvreté. Ce défi majeur du développement passe par des
politiques économiques et sociales susceptibles de combattre ce
fléau.
Au niveau du bien-être social, il est
généralement admis que la croissance économique est d'une
part génératrice de nouveau revenu par l'effet de la
distribution, et d'autre part elle fait profiter au moins dans une certaine
mesure à toutes les couches de la population pour satisfaire leurs
besoins quotidiens.
De ce fait, la pauvreté absolue définie par
référence à un seuil de pauvreté est associé
à un pouvoir d'achat fixe permettant de couvrir l'ensemble des besoins
essentiels, qu'ils soient physiques et sociaux. Faire de la réduction de
la pauvreté absolue le but primordial du développement revient
à dire que l'un de ses objectifs premiers est de garantir la
satisfaction
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CROISSANCE ECONOMIQUE ET PAUVRETE DANS LES PAYS DE
L'UEMOA
des besoins fondamentaux de chacun. Mais, à l'image des
besoins fondamentaux, le seuil de pauvreté est pluridimensionnel,
recouvrant principalement deux aspects - un seuil de pauvreté lié
aux revenus (pour les besoins que l'on peut satisfaire grâce à ses
gains) et des seuils non monétaires (pour les autres besoins),
Bourguignon, 2014.
Cette définition absolue de la pauvreté, que de
nombreux pays utilisent, doit être opposée à une
définition relative où le seuil de pauvreté est
défini non pas en termes de besoins fondamentaux bien établis,
mais comme une proportion fixe du revenu moyen de la population. Il est
à noter que la définition de la pauvreté relative parfois
qualifiée de «privation relative» devient en quelque sorte
indépendante de la croissance.
En effet, le seuil de pauvreté absolue est
calculé à partir d'un panier de biens alimentaires, auquel
s'ajoutent les dépenses en habillement, en logement, en
transport et en énergie, indispensables pour la survie du ménage.
Dans l'UEMOA, la ligne de pauvreté varie d'un pays à l'autre. Les
dernières données actualisées en 2010
révèlent qu'elle est plus faible au Burkina et plus
élevée au Togo. En effet, le seuil de pauvreté est
ressorti à 109.891FCFA par an et par habitant au Burkina contre 271.057
FCFA au Togo. A l'échelle de l'Union, il est estimé à
182.072 FCFA. La Côte d'Ivoire, la Guinée-Bissau, le
Sénégal et le Togo se situent au-dessus de ce seuil. Sur la base
des seuils nationaux de pauvreté, et en fonction des années de
déroulement des enquêtes, l'incidence de la pauvreté,
c'est-à-dire le nombre des personnes pauvres, est évalué
à 49,4% en 2010 dans l'Union. Elle est plus élevée en
Guinée-Bissau (69,3%) et dépasse la moyenne sous régionale
au Niger, au Sénégal et au Togo. En revanche, elle apparaît
plus faible au Bénin 35,2% (BCEAO, 2012).
Cependant, l'élimination rapide de la pauvreté
absolue, sous toutes ses formes, passe par des stratégies de croissance
et des politiques distributives dont la combinaison est propre à chaque
pays. Cette relation entre croissance économique, distribution du revenu
et pauvreté soulève un intérêt important depuis
quelques années. En effet, des études récentes tendent
à montrer qu'il n'existe pas de lien systématique entre
croissance rapide et augmentation des inégalités, contrairement
à l'hypothèse avancée par Kuznets dans les années
50.
Au cours des années 90, la lutte contre la
pauvreté a fait l'objet d'évolutions profondes, sensibles
à travers les mesures adoptées par les institutions de Bretton
Woods. Ce n'est qu'en 1999 que l'élaboration d'un document
stratégique de réduction de la pauvreté (DSRP) est
devenue
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CROISSANCE ECONOMIQUE ET PAUVRETE DANS LES PAYS DE
L'UEMOA
obligatoire pour les pays qui bénéficient des
mesures d'annulation de leur dette (initiative "pays pauvres très
endettés") ou de prêts du FMI.
Alors qu'au début de la décennie, les
allègements de la dette devaient permettre l'accroissement des
dépenses publiques en direction des seuls secteurs de la santé et
de l'éducation, l'approche a, par la suite, été
élargie. Du point de vue stratégique, les programmes d'Ajustement
structurels (PAS) menées depuis les années quatre-vingt, ont
donné certes, une plus grande stabilité macroéconomique et
un taux de change fixé à sa « juste » valeur qui sont
probablement favorables aux pauvres comme le suggèrent les
résultats d'Agenor [2002].
La lutte contre la pauvreté ne cesse de faire
écho dans le débat économique et devient une
préoccupation au premier rang des Etats membres de l'Organisation des
Nations Unies (ONU). C'est ainsi que l'agenda 2000, avait mis en avant
l'éradication de la pauvreté. L'objectif de réduction de
l'extrême pauvreté et de la faim est apparu au premier rang des
huit priorités que se sont assignés, notamment dans le cadre des
Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). La premiere
cible de cet objectif visait à réduire de moitié, à
l'horizon 2015, l'extrême pauvreté et la faim dans le monde
où ces problèmes se posent avec acuité, notamment en Asie
du Sud-Est et en Afrique Subsaharienne. Mais cet objectif n'était pas au
rendez-vous, ainsi un nouvel agenda des objectifs de développement
durable(ODD) est mis en place ayant pour ambition première
d'éradiquer la pauvreté d'ici 2030.
En marge du développement, la croissance est une
solution pour répondre au phénomène du bien-être
social, en termes de réduction de pauvreté. Elle doit
s'accompagner des mesures et des normes permettant aux pauvres de participer
activement au processus d'accroissement de la richesse et d'en tirer les
premiers bénéfices afin d'enregistrer des résultats
important en terme d'amélioration des niveaux de vie. La croissance sera
inclusive dans ce sens qu'il s'agit de faire émerger la croissance par
la base, puis d'en faire profiter l'ensemble de la population par un flux de
bas en haut.
La mise en place de telles mesures nécessite une
stratégie économique ouvertement orienté en faveur des
pauvres. Concrètement, il s'agit d'identifier les régions et les
secteurs d'activités caractérisées par des forts taux de
pauvreté constituant un potentiel de main d'oeuvre inexploité et
d'en améliorer la productivité. Ainsi, la croissance
économique émane de la base et les pauvres sont les premiers
à en retirer les fruits. La réussite de ces programmes est
également
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L'UEMOA
conditionnelle au fait que les pauvres soient concertés
et qu'ils aient un rôle actif dans la mise en place de ceux-ci (Sen,
1998).
Les programmes de développement avec croissance
inclusive, aujourd'hui soutenus par la Banque mondiale, ont donné des
résultats encourageants, notamment en Chine, en Inde, au Chili, au Costa
Rica ou encore au Sénégal. Néanmoins, ils restent soumis
à la critique qui voudrait que l'orientation de politiques
économiques en faveur des populations pauvres crée des
distorsions qui finalement réduisent le bien-être de la nation.
C'est le traditionnel débat entre égalité et
efficacité, qui dépend finalement de ce que l'on entend par
bien-être social.
Si aujourd'hui des pays de l'Union observent des taux de
croissances économiques très importantes pourtant la
pauvreté n'est significativement pas réduite par rapport aux
autres régions du monde, ceci peut être dû au biais des
« inégalités » de revenus. De la façon dont les
gains de la croissance sont repartis à l'ensemble de la population
dépend de l'efficacité des résultats en termes de lutte
contre la pauvreté (Bhagwati, 1988).
Alors que l'expérience asiatique tend effectivement
à mettre en évidence cette corrélation étroite
entre croissance économique et réduction de la pauvreté,
cette relation semble moins évidente en Afrique subsaharienne. En effet,
dans la zone UEMOA, la croissance moyenne dépasse les 5% ces
dernières années, elle se distingue d'un pays à l'autre.
Mais la pertinence de cette croissance est beaucoup remise en cause quant
à la distribution équitable de ses fruits et de son implication
dans l'allégement de la pauvreté. Malgré cette forte
croissance, elle ne se fait pas ressentir sur le changement des conditions de
vie des personnes vivant en dessous du seuil de la pauvreté. La
réduction de la pauvreté est très lente par rapport
à l'accroissement de la croissance. Il ne fait pas beaucoup de doute
qu'aujourd'hui le foisonnement des recherches sur les relations entre
croissance économique et pauvreté fait écho quant à
l'évolution continue du taux de croissance et à
l'inquiétude que cela induite à l'amélioration des
conditions de vie de la population. Cependant, il apparait primordial de
chercher à savoir si cette croissance est soutenable et effective en
termes de réduction de la pauvreté dans l'Union, si elle est
inclusive et suffisante pour réduire significativement la
pauvreté. Ainsi nous allons analyser son impact sur la réduction
de la pauvreté dans les 8 pays de la zone de l'UEMOA.
Les questions de recherches qui permettront
d'appréhender le lien de ces deux concepts vont tourner autour de
l'apport et la limite de la croissance sur la pauvreté. Certes la
croissance est généralement favorable à la
réduction de la pauvreté, mais suffise-t-elle, elle seule de
réduire
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CROISSANCE ECONOMIQUE ET PAUVRETE DANS LES PAYS DE
L'UEMOA
la pauvreté ? Les économistes ont
été contraints d'admettre que la croissance seule ne suffisait
pas à réduire la pauvreté. Voilà ce que traduit
cette prise en compte de la question des inégalités. Un pays peut
enregistrer une forte croissance et celle-ci ne profite qu'à une
minorité déjà nantie. Et cela vaut dans les pays les plus
pauvres comme dans les pays industrialisés.
Le bilan empirique indique que la croissance s'accompagne
souvent d'une réduction de la pauvreté, mais que le lien entre
croissance économique et croissance de l'inégalité n'est
pas systématique. En effet, les nouvelles recherches mettent en
évidence la redistribution de cette richesse que chaque pays tente
à enregistrer, afin de réduire les «
inégalités » observés. La réduction des
inégalités est reprise par l'objectif numéro 10 des ODD,
qui a fait aussi l'objet de la conférence de G7 à Biarritz en
2019.
Dans notre travail, l'objectif principal consiste à
analyser les effets de la croissance économique et
d'inégalité sur la variation de la pauvreté dans l'Union.
Pour mener à bien ce travail scientifique, nous avons formulé
trois (3) objectifs spécifiques.
Il s'agit :
i) D'étudier la situation de la pauvreté dans les
pays de l'UEMOA ;
ii) D'analyser l'effet de la croissance économique et
des inégalités de revenus sur la réduction de la
pauvreté dans l'Union ;
iii) D'identifier les canaux à travers lesquels les
effets de la politique macroéconomique se transmettent aux pauvres.
Pour parvenir à ces objectifs, nous allons chercher
surtout à tester d'une part l'hypothèse de réduction de la
pauvreté par une augmentation de la croissance et d'autre part
l'hypothèse de la baisse de la pauvreté suite à une
réduction des inégalités. Pour ce faire, notre travail
sera structuré en trois chapitres. Le premier permettra de faire une
analyse sur les caractéristiques et évolutions de la croissance
et pauvreté dans les pays de l'UEMOA. Le deuxième chapitre est
axé sur la revue de la littérature à travers les analyses
théoriques et empiriques sur la croissance et pauvreté. Le
troisième est constitué d'une analyse empirique à l'aide
d'un modèle de panel sur l'effet de la croissance économique et
les variables de contrôles pour la lutte contre la pauvreté.
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