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Croissance économique et pauvreté dans les pays de l’UEMOA.


par Soudjay MAOULIDA
Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) - Master 2 méthodes statistiques et économétriques 2016
  

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INTRODUCTION GENERALE

Les pays de l'UEMOA, appartenant tous à la zone franc, affichent des disparités économiques importantes dont les autorités et organismes mondiaux tentent à élaborer des stratégies pour atteindre une croissance durable et nécessaire à réduire la pauvreté.

Cette croissance économique est l'indicateur principal pour apprecier la performance économique d'un pays. Chaque pays tend à enregistrer un taux important pour maintenir l'évolution de son activité économique à long terme et de garantir une stabilité économique. Théoriquement la croissance se traduit par une augmentation des ressources de productions, du revenu, d'une réduction de la pauvreté et de l'amélioration du bien-être de la société.

La croissance selon Kuznets, Prix Nobel d'économie en 1971, est définie comme étant « l'augmentation à long terme de la capacité d'offrir une diversité croissante de biens, cette capacité croissante étant fondée sur le progrès de la technologie et les ajustements institutionnels et idéologiques qu'elle demande ». De ce fait, la croissance économique est décrite dans une logique de processus d'accroissement de l'activité économique afin d'augmenter significativement la richesse nationale.

Elle constitue souvent un objectif en soi pour les pays, qu'ils soient économiquement riches ou pauvres pour assurer un équilibre économique. Pour celà, des mesures importantes sont souvent prises par les autorités pour améliorer les conditions de vie des citoyens à travers les programmes de croissance accélérée. Les dirigeants de l'UEMOA ont érigé au rang de leurs priorités, la lutte contre la pauvreté. Ce défi majeur du développement passe par des politiques économiques et sociales susceptibles de combattre ce fléau.

Au niveau du bien-être social, il est généralement admis que la croissance économique est d'une part génératrice de nouveau revenu par l'effet de la distribution, et d'autre part elle fait profiter au moins dans une certaine mesure à toutes les couches de la population pour satisfaire leurs besoins quotidiens.

De ce fait, la pauvreté absolue définie par référence à un seuil de pauvreté est associé à un pouvoir d'achat fixe permettant de couvrir l'ensemble des besoins essentiels, qu'ils soient physiques et sociaux. Faire de la réduction de la pauvreté absolue le but primordial du développement revient à dire que l'un de ses objectifs premiers est de garantir la satisfaction

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des besoins fondamentaux de chacun. Mais, à l'image des besoins fondamentaux, le seuil de pauvreté est pluridimensionnel, recouvrant principalement deux aspects - un seuil de pauvreté lié aux revenus (pour les besoins que l'on peut satisfaire grâce à ses gains) et des seuils non monétaires (pour les autres besoins), Bourguignon, 2014.

Cette définition absolue de la pauvreté, que de nombreux pays utilisent, doit être opposée à une définition relative où le seuil de pauvreté est défini non pas en termes de besoins fondamentaux bien établis, mais comme une proportion fixe du revenu moyen de la population. Il est à noter que la définition de la pauvreté relative parfois qualifiée de «privation relative» devient en quelque sorte indépendante de la croissance.

En effet, le seuil de pauvreté absolue est calculé à partir d'un panier de biens alimentaires, auquel s'ajoutent les dépenses en habillement, en logement, en transport et en énergie, indispensables pour la survie du ménage. Dans l'UEMOA, la ligne de pauvreté varie d'un pays à l'autre. Les dernières données actualisées en 2010 révèlent qu'elle est plus faible au Burkina et plus élevée au Togo. En effet, le seuil de pauvreté est ressorti à 109.891FCFA par an et par habitant au Burkina contre 271.057 FCFA au Togo. A l'échelle de l'Union, il est estimé à 182.072 FCFA. La Côte d'Ivoire, la Guinée-Bissau, le Sénégal et le Togo se situent au-dessus de ce seuil. Sur la base des seuils nationaux de pauvreté, et en fonction des années de déroulement des enquêtes, l'incidence de la pauvreté, c'est-à-dire le nombre des personnes pauvres, est évalué à 49,4% en 2010 dans l'Union. Elle est plus élevée en Guinée-Bissau (69,3%) et dépasse la moyenne sous régionale au Niger, au Sénégal et au Togo. En revanche, elle apparaît plus faible au Bénin 35,2% (BCEAO, 2012).

Cependant, l'élimination rapide de la pauvreté absolue, sous toutes ses formes, passe par des stratégies de croissance et des politiques distributives dont la combinaison est propre à chaque pays. Cette relation entre croissance économique, distribution du revenu et pauvreté soulève un intérêt important depuis quelques années. En effet, des études récentes tendent à montrer qu'il n'existe pas de lien systématique entre croissance rapide et augmentation des inégalités, contrairement à l'hypothèse avancée par Kuznets dans les années 50.

Au cours des années 90, la lutte contre la pauvreté a fait l'objet d'évolutions profondes, sensibles à travers les mesures adoptées par les institutions de Bretton Woods. Ce n'est qu'en 1999 que l'élaboration d'un document stratégique de réduction de la pauvreté (DSRP) est devenue

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obligatoire pour les pays qui bénéficient des mesures d'annulation de leur dette (initiative "pays pauvres très endettés") ou de prêts du FMI.

Alors qu'au début de la décennie, les allègements de la dette devaient permettre l'accroissement des dépenses publiques en direction des seuls secteurs de la santé et de l'éducation, l'approche a, par la suite, été élargie. Du point de vue stratégique, les programmes d'Ajustement structurels (PAS) menées depuis les années quatre-vingt, ont donné certes, une plus grande stabilité macroéconomique et un taux de change fixé à sa « juste » valeur qui sont probablement favorables aux pauvres comme le suggèrent les résultats d'Agenor [2002].

La lutte contre la pauvreté ne cesse de faire écho dans le débat économique et devient une préoccupation au premier rang des Etats membres de l'Organisation des Nations Unies (ONU). C'est ainsi que l'agenda 2000, avait mis en avant l'éradication de la pauvreté. L'objectif de réduction de l'extrême pauvreté et de la faim est apparu au premier rang des huit priorités que se sont assignés, notamment dans le cadre des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). La premiere cible de cet objectif visait à réduire de moitié, à l'horizon 2015, l'extrême pauvreté et la faim dans le monde où ces problèmes se posent avec acuité, notamment en Asie du Sud-Est et en Afrique Subsaharienne. Mais cet objectif n'était pas au rendez-vous, ainsi un nouvel agenda des objectifs de développement durable(ODD) est mis en place ayant pour ambition première d'éradiquer la pauvreté d'ici 2030.

En marge du développement, la croissance est une solution pour répondre au phénomène du bien-être social, en termes de réduction de pauvreté. Elle doit s'accompagner des mesures et des normes permettant aux pauvres de participer activement au processus d'accroissement de la richesse et d'en tirer les premiers bénéfices afin d'enregistrer des résultats important en terme d'amélioration des niveaux de vie. La croissance sera inclusive dans ce sens qu'il s'agit de faire émerger la croissance par la base, puis d'en faire profiter l'ensemble de la population par un flux de bas en haut.

La mise en place de telles mesures nécessite une stratégie économique ouvertement orienté en faveur des pauvres. Concrètement, il s'agit d'identifier les régions et les secteurs d'activités caractérisées par des forts taux de pauvreté constituant un potentiel de main d'oeuvre inexploité et d'en améliorer la productivité. Ainsi, la croissance économique émane de la base et les pauvres sont les premiers à en retirer les fruits. La réussite de ces programmes est également

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conditionnelle au fait que les pauvres soient concertés et qu'ils aient un rôle actif dans la mise en place de ceux-ci (Sen, 1998).

Les programmes de développement avec croissance inclusive, aujourd'hui soutenus par la Banque mondiale, ont donné des résultats encourageants, notamment en Chine, en Inde, au Chili, au Costa Rica ou encore au Sénégal. Néanmoins, ils restent soumis à la critique qui voudrait que l'orientation de politiques économiques en faveur des populations pauvres crée des distorsions qui finalement réduisent le bien-être de la nation. C'est le traditionnel débat entre égalité et efficacité, qui dépend finalement de ce que l'on entend par bien-être social.

Si aujourd'hui des pays de l'Union observent des taux de croissances économiques très importantes pourtant la pauvreté n'est significativement pas réduite par rapport aux autres régions du monde, ceci peut être dû au biais des « inégalités » de revenus. De la façon dont les gains de la croissance sont repartis à l'ensemble de la population dépend de l'efficacité des résultats en termes de lutte contre la pauvreté (Bhagwati, 1988).

Alors que l'expérience asiatique tend effectivement à mettre en évidence cette corrélation étroite entre croissance économique et réduction de la pauvreté, cette relation semble moins évidente en Afrique subsaharienne. En effet, dans la zone UEMOA, la croissance moyenne dépasse les 5% ces dernières années, elle se distingue d'un pays à l'autre. Mais la pertinence de cette croissance est beaucoup remise en cause quant à la distribution équitable de ses fruits et de son implication dans l'allégement de la pauvreté. Malgré cette forte croissance, elle ne se fait pas ressentir sur le changement des conditions de vie des personnes vivant en dessous du seuil de la pauvreté. La réduction de la pauvreté est très lente par rapport à l'accroissement de la croissance. Il ne fait pas beaucoup de doute qu'aujourd'hui le foisonnement des recherches sur les relations entre croissance économique et pauvreté fait écho quant à l'évolution continue du taux de croissance et à l'inquiétude que cela induite à l'amélioration des conditions de vie de la population. Cependant, il apparait primordial de chercher à savoir si cette croissance est soutenable et effective en termes de réduction de la pauvreté dans l'Union, si elle est inclusive et suffisante pour réduire significativement la pauvreté. Ainsi nous allons analyser son impact sur la réduction de la pauvreté dans les 8 pays de la zone de l'UEMOA.

Les questions de recherches qui permettront d'appréhender le lien de ces deux concepts vont tourner autour de l'apport et la limite de la croissance sur la pauvreté. Certes la croissance est généralement favorable à la réduction de la pauvreté, mais suffise-t-elle, elle seule de réduire

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la pauvreté ? Les économistes ont été contraints d'admettre que la croissance seule ne suffisait pas à réduire la pauvreté. Voilà ce que traduit cette prise en compte de la question des inégalités. Un pays peut enregistrer une forte croissance et celle-ci ne profite qu'à une minorité déjà nantie. Et cela vaut dans les pays les plus pauvres comme dans les pays industrialisés.

Le bilan empirique indique que la croissance s'accompagne souvent d'une réduction de la pauvreté, mais que le lien entre croissance économique et croissance de l'inégalité n'est pas systématique. En effet, les nouvelles recherches mettent en évidence la redistribution de cette richesse que chaque pays tente à enregistrer, afin de réduire les « inégalités » observés. La réduction des inégalités est reprise par l'objectif numéro 10 des ODD, qui a fait aussi l'objet de la conférence de G7 à Biarritz en 2019.

Dans notre travail, l'objectif principal consiste à analyser les effets de la croissance économique et d'inégalité sur la variation de la pauvreté dans l'Union. Pour mener à bien ce travail scientifique, nous avons formulé trois (3) objectifs spécifiques.

Il s'agit :

i) D'étudier la situation de la pauvreté dans les pays de l'UEMOA ;

ii) D'analyser l'effet de la croissance économique et des inégalités de revenus sur la réduction de la pauvreté dans l'Union ;

iii) D'identifier les canaux à travers lesquels les effets de la politique macroéconomique se transmettent aux pauvres.

Pour parvenir à ces objectifs, nous allons chercher surtout à tester d'une part l'hypothèse de réduction de la pauvreté par une augmentation de la croissance et d'autre part l'hypothèse de la baisse de la pauvreté suite à une réduction des inégalités. Pour ce faire, notre travail sera structuré en trois chapitres. Le premier permettra de faire une analyse sur les caractéristiques et évolutions de la croissance et pauvreté dans les pays de l'UEMOA. Le deuxième chapitre est axé sur la revue de la littérature à travers les analyses théoriques et empiriques sur la croissance et pauvreté. Le troisième est constitué d'une analyse empirique à l'aide d'un modèle de panel sur l'effet de la croissance économique et les variables de contrôles pour la lutte contre la pauvreté.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams