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UNIVERSITE MARIEN NGOUABI
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FACULTE DE DROIT
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Année : 2019-2020 N° d'ordre 0005
MEMOIRE
Pour l'obtention du diplôme de Master
Mention : Droit public
Parcours : Recherche fondamentale
publique Spécialité/Option : Droit international public
Présenté et soutenu
publiquement Par EBOUNGOU ONDOMBO Saint Christ
Phylo Titulaire de la licence en Droit public, Etudes
Internationales et Communautaires Le 27/01/2020
TITRE
L'efficacité des mécanismes juridiques
internationaux de protection des droits de l'homme
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DIRECTEUR DE MEMOIRE
M. Godefroy MOYEN, Maître de
Conférences de Droit public et de science politique, Doyen honoraire,
Université Marien Ngouabi
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JURY :
Président : M. Grégoire
BAKANDEJA WA MPUNGU, Professeur ordinaire de Droit Public et de
science politique, Doyen
honoraire, Université de Kinshasa (RDC)
Membres : M. Godefroy MOYEN,
Maître de Conférences de Droit public et de science politique,
Doyen honoraire, Université
Marien Ngouabi (Congo), Directeur de mémoire.
M. Placide MOUDOUDOU, Maître de
Conférences, Agrégé de Droit Public et de science
politique, Doyen honoraire,
Université Marien Ngouabi (Congo), Examinateur.
1
AVERTISSEMENT
L'Université Marien Ngouabi n'entend donner aucune
approbation ni improbation aux opinions émises dans les mémoires
; ces opinions doivent être considérées comme propre
à leur auteur.
2
DEDICACE
Je dédie ce mémoire à :
Mon père Pierre ONDOMBO Ma mère
Victorine APOUASSA
Vous qui avez fait de moi, ce que je suis, considérer ce
travail comme étant le fruit de vos efforts inlassables. Je vous
dédie ce mémoire en témoignage de mon éternel
attachement.
A mes frères et soeurs :
ONDOMBO ILOCKI Eliane Victoire ONDOMBO Merveille
Lethicia
ONDOMBO APOUASSA Pierre Harmony ONDOMBO OKEMBA Michel
René ONDOMBO OKEMBA Jean Claude Ange ONDOMBO Cestrine Du
Ciel
ILOCKI Diane
YOMBI MBOUMA Adam
Si vous pouviez en faire autant, voire même plus, les
parents n'en seraient qu'heureux et moi plus que jamais.
A tous ceux qui mènent une lutte acharnée pour la
jouissance effective des droits de l'homme et des libertés fondamentales
dans le monde
« Hommage à Kofi ANNAN ancien
Secrétaire général de l'ONU
(1996-2006)». Décédé le 18 Août 2018 en
Suisse.
3
REMERCIEMENTS
La réalisation de ce mémoire a été
possible grâce au concours de plusieurs personnes auxquelles je voudrais
ici témoigner toute ma gratitude.
Je tiens tout d'abord à exprimer ma gratitude à
mon directeur de mémoire, monsieur le Professeur Godefroy MOYEN
qui a mis à ma disposition sa sagesse et son temps. Il arrive
rarement qu'on rencontre quelqu'un qui comme lui, combine en soit les deux
qualités d'un grand intellect et de la générosité
d'en faire bénéficier d'autres.
Ma gratitude va ensuite aux Professeurs Placide
MOUDOUDOU, Jean Didier BOUKONGOU respectivement Doyen
honoraire de la Faculté de Droit, Université Marien Ngouabi
(Congo) et Professeur Titulaire de l'Université Catholique d'Afrique
Centrale Yaoundé (Cameroun) ; au docteur Modeste Steven
YOMBI, au doctorant Christian Junior BOUNDZOU et
à Stevy Juvadel POATY qui ont suivi avec attention les
étapes de ce travail, nous ont orienté dans sa rédaction.
Qu'ils trouvent ici les sentiments de notre reconnaissance et de notre
gratitude.
Ma gratitude va également à mes parents pour
leur intérêt et leur soutien sans lesquels je n'aurais pas pu
arriver ou je suis maintenant en particulier à : Mr Pierre
Cébert IBOCKO ONHANGA Préfet du département de
Brazzaville et à ma tante Gisèle NGONDO actuelle
Ambassadeur itinérant auprès du Président de la
République.
Ma gratitude va enfin à mes amis et connaissances, en
particulier le docteur Fernand OWONDA, Ceillac OYENGA, Maixent NKOUYOU,
Ismaèl MBADZI, Christ Juvénial NKONO, Chardin Final NGASSAKI,
Laurian ITOUA, Dace Hormis NGUEKELE, Dorelle DEMBA, Charlène MOUDOUDOU,
Axelle MOUDOUDOU, Princia LANGA, Sorèz EPENI, Nagie NDENDE, Jean Rudel
ONDOUNDO, Astrid Christie ELEKE, Tatiana MBOLO, Levy NGAMFOUOMO, Bersol
Exaucé IBAM NGAMBILI, Privat Frédéric NDEKE, Célina
OBA, Philocxia YOAS, D'Abraham YOAS, Blanche APENDI, Edma ICKONGA,
Délicia NGAKOSSO, Nestor DABIRA, Dorelle PEA, Jennifer Chancellia
BOTSEB. Loviche MOUKOURI, Yannick IBARA, Marphin Semarg NGAKOSSO, Ruth Drusille
MOUMVOUKA, Joly ahnam DZANVOULA MIONLABI.
4
SIGLES ET ABREVIATIONS
CADHP : Commission Africaine des Droits de
l'homme et des Peuples
CAEDBEE : Comité Africain d'experts
sur les Droits et le bien-être de l'enfant
CafDHP : Cour Africaine des Droits de l'homme
et des Peuples
CAJDDH : Cour Africaine de Justice et des
Droits de l'homme
CCEG : Conférence des Chefs d'Etat et
de Gouvernements
CDE : Convention des Nations Unies relatives
aux Droits de l'enfant
CDH : Commission des Droits de l'Homme
CDI : Commission du Droit International
CEDH : Convention/Cour européenne des
droits de l'Homme
ChADHP : Charte Africaine des Droits de
l'homme et des Peuples
CIJ : Cour Internationale de Justice
COREP : Comité des
représentants Permanents
CPI : Cour Pénale Internationale
CPS : Conseil de paix et de
Sécurité de l'Union Africaine
CUA : Commission de l'Union Africaine
CUADI : Commission de l'Union Africaine sur
le droit International
CVG : Convention de Genève
DIH : Droit International Humanitaire
DUDH : Déclaration Universelle des
Droits de l'Homme
ECOSOC : Conseil Economique et Social
EFAI : Editions Francophones d'Amnesty
International
FIDH : Fédération
Internationale des Droits de l'homme
IFI: Institutions Financière
Internationales
LGDJ : Librairie Générale de
Droit et de Jurisprudence
MSF : Médecin Sans Frontière
O.I: Organisation International
OMS : Organisation Mondial de la
Santé
5
ONG : Organisation Non Gouvernementale
ONU : Organisation des Nations Unies
OUA : Organisation de l'unité
Africaine
PAP : Parlement Panafricain
PECO : Pays de l'Europe Centrale et
Orientale
PFPIDCP : Protocole Facultatif se rapportant
au Pacte International relatif aux Droits Civils
et Politiques
PIDCP : Pacte International relatif aux
Droits Civils et Politique
PIDESC : Pacte International relatif aux
Droits Economique, Sociaux et Culturels
PUF : Presse Universitaire de Strasbourg
RDH : Revue des Droits de l'homme
SDN : Société des Nations
TPIR : Tribunal Pénale International
pour le Rwanda
TPIY : Tribunal Pénale International
pour l'ex Yougoslavie
TSSL : Tribunal Spécial pour la Sierra
Leone
U.A : Union Africaine
6
SOMMAIRE
Avertissement ...1
Dédicace 2
Remerciements ...3
Sigles et Abréviations ...4
Sommaire ....5
INTRODUCTION GENERALE .8
PREMIERE PARTIE : DES MECANISMES IMPORTANTS DE
PROTECTION DES
DROITS DE L'HOMME ...20
CHAPITRE I : DES MECANISMES UNIVERSELS 22
Section I : Garantie des droits sous la
Charte des Nations Unies : La Commission des Droits
de l'Homme ..22
Section II : Garantie des droits de l'homme
sous le Pacte international relatif aux droits civils
et Politiques : le Comité des Droits de l'homme 33
CHAPITRE II : DES MECANISMES
REGIONAUX 44
Section I : Le Système Européen
de Protection des Droits de l'Homme 44
Section II : Le Système Africain de
Protection des Droits de l'Homme 64
DEUXIEME PARTIE : DES MECANISMES
LIMITES 77
CHAPITRE I : DES MECANISMES UNIVERSELS : UNE
PROTECTION
RELATIVE DES DROITS DE L'HOMME 79
Section I : Des Paradoxes du Droit
International des Droits de l'Homme .79
Section II : L'inadéquation des
Organes de Garantie 96
CHAPITRE II : NECESSITE D'UNE REFORME DU SYSTEME DE
PROTECTION
DES DROITS DE L'HOMME 105
Section I : Une innovation du schéma
institutionnel politique existant 106
Section II : Un renforcement souhaitable des
garanties Juridiques 116
7
CONCLUSION
|
.128
|
ANNEXES
|
134
|
BIBLIOGRAPHIE
|
..163
|
TABLE DES MATIERES
|
..175
|
INTRODUCTION GENERALE
8
9
Après quelques balbutiements au cours de la
deuxième moitié du dix-neuvième siècle et au
début du vingtième siècle1, la protection
internationale des droits de l'homme est véritablement née avec
l'adoption, à paris, le 10 décembre 1948, de la
Déclaration Universelle des droits de l'Homme, par quarante-huit des
cinquante-huit Etats membres qui constituaient alors l'Assemblée
générale des Nations Unies2. Toutefois, la
consécration de la Déclaration ne s'est pas limitée
à l'enceinte universelle des Nations Unies dans laquelle elle
était née mais s'est aussi étendue au plan
régional. C'est ainsi qu'on assiste à des protections universelle
et régionales des droits de l'homme.
Ainsi, les droits de l'homme sont un « ensemble de
droits, libertés et prérogatives reconnus aux hommes en
tant que tels »3, c'est-à-dire en leur seule
qualité d'être humain. Le Doyen Yves MADIOT présente les
droits de l'homme comme « des droits subjectifs qui traduisent dans
l'ordre juridique, les principes naturels de justice qui fondent la
dignité de la personne humaine »4.
Mettant l'accent sur le fait que l'homme est un individu,
Jeanne HERSCH considère les droits de l'homme comme « des
droits individuels, naturels, primitifs, absolus, primordiaux ou personnels. Ce
sont des facultés, des prérogatives morales que la nature
confère à l'homme en tant qu'être intelligent
»5. Les droits de l'homme s'élargissent aussi
à la notion du citoyen.
En tout, les droits de l'homme ou du citoyen désignent
: « l'ensemble des règles qui reconnaissent à une
personne physique des privilèges, des libertés dont elle peut
jouir en respectant les intérêts reconnus à d'autres
individus avec lesquels cette personne est en relation sociale, politique ou
économique. Cette personne peut être en relation avec l'Etat ou
avec les institutions qui le représente »6.
Quant à VINCENSINI, il considère les droits de
l'homme comme « des prérogatives gouvernées par les
règles reconnues par le droit constitutionnel et le droit international
qui visent à défendre les droits de la personne dans leurs
relations avec le pouvoir de l'Etat et
1 Pour un exposé des premiers efforts
internationaux relatifs à la lutte contre l'esclavage, voir
MARTINEZ.S(Jenny), « Antislavery courts and the Dawn of International
HumanRights Law », the Yale Law Journal 2008, p.550-641.Concernant les
débuts du droit International humanitaire, consulter, entre autres, Gary
D. Solis, the Law of Armedconflicts, Cambridge 2010, p.38 et ss.
2 ALSTON (Philip) et GOODMAN (Ryan), International
Human Rights, Oxford2013, p139 et ss.
3 GRAWITZ (Madeleine), Lexique des sciences
sociales, 7e Edition, Paris, Dalloz, 2000, p.135.
4 MADIOT (Yves) Cité par AHADZI NONOU
(koffi), Séminaire sur les droits humains et développements,
Cotonou Chaire Unesco, DEA /DHD, décembre 2004, p.9.
5 HERSCH (Jeanne) (sous la dir.), Le droit
d'être un homme. Anthologie mondiale de la liberté, Paris,
JCL/ Unesco, 1990, p.129.
6 AHOUANNOU (Laurent), « Droit de l'homme,
démocratie et maintien de l'ordre », Séminaire sur les
droits de l'homme et le maintien de l'ordre, Cotonou, Konred Adenauer, 9 au 10
octobre 2000, pp 13-14
10
avec les autres personnes et qui tendent à
promouvoir l'établissement des conditions permettant de jouir
effectivement de tous ces droits »7.
Selon le dictionnaire du droit constitutionnel, les droits de
l'homme sont des : « droits de l'individu saisi dans son essence
universelle abstraite, ils sont conçus comme antérieurs et
supérieurs au droit positif afin d'être l'étalon de sa
validité et la limite fixée au pouvoir légitime de l'Etat
»8.
Il s'en déduit que les droits de l'homme sont des
facultés qu'un être humain ou un individu possède en toute
liberté et dont les violations ou tout refus à y satisfaire est
considéré comme illégaux parce que reconnus par la
collectivité. Ce sont aussi des standards fondamentaux, des
prérogatives morales ou des règles que la nature confère
à l'homme en tant qu'être doué d'intelligence auxquels
doivent se conformer la coexistence des sociétés et des individus
; qui sont la manifestation de sa personnalité et qui lui permettent
d'agir, de vivre, de se protéger. Les droits de l'homme sont le
fondement de la liberté, de la justice, de la paix et dont le respect
permet à l'homme de se développer.
Mais pendant longtemps, les personnes privées n'ont pas
été considérées comme des sujets de droit
international ou des sujets médiats. L'évolution du droit
international a toutefois abouti, en 1945, à l'attribution aux individus
des droits directement définis par le droit international dont ils sont
immédiatement titulaires. Dans la mesure où ils peuvent faire
valoir directement la violation éventuelle de ces droits devant un
organe international indépendant, leur qualité de sujet de droit
des gens parait bien fondée et, cela, même si la reconnaissance
d'une telle capacité demeure relativement fonctionnelle. Cette
évolution du droit international en matière des droits de l'homme
montre l'ampleur et la spécificité de la protection
accordée aux Individus9.
Le fondement du respect des droits de l'homme relève de
la théorie du droit naturel dont l'idée en jeu est la suivante :
c'est en raison de la nature de l'homme, présente en chaque individu
dès sa naissance, que tous les êtres humains ont des droits
fondamentaux.
Ces droits apparaissent comme des droits innés et, en
tant que tels, sont antérieurs à toute organisation sociale et
politique. Pour Blandine KRIEGEL, « la nature humaine comporte des
droits inaliénables. C'est la nature avec la loi, c'est-à-dire un
univers ou l'exigence
7 VINCENSINI (J.J), Le livre des droits de
l'homme, Paris, Ed. Robert Laffont, 1985, p.12.
8 DUHAMEL (O) et MENY (Y), Dictionnaire du droit
constitutionnel, Paris, PUF, 1992 P.33.
9 ALLAND(Denis), Droit international public,
Paris PUF, Collection Droit Fondamental, 2000, pp 573- 574
11
mathématique conduit en même temps à
définir des lois de rapport entre êtres et à décrire
l'égalité fondamentale des conditions. Le fondement du respect
des droits de l'homme est donc, ici leur caractère obligatoire et leur
inhérence à la nature humaine. Les droits de l'homme sont donc du
droit naturel »10.
Cette influence du « Jusnaturalisme » figure dans un
grand nombre de déclarations de la fin du XVIII siècle,
notamment, dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26
aout 1789 qui dispose dans son préambule et ses deux premiers articles
que : « Les représentants du peuple français
(..), considérant que l'ignorance ou le mépris des droits de
l'homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des
gouvernements, ont résolu d'exposer dans une déclarations
solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de
l'homme(...), ». (Article1er_ Les hommes naissent et demeurent
libres et égaux en droit. Les distinctions sociales ne peuvent
être fondées que sur l'utilité commune ».
« Article 2- Le but de toute association politique
est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces
droits sont la liberté, la propriété, la sureté et
la résistance à l'oppression »11.Dans
certains cas, cette nature de l'homme est considérée comme le
résultat d'une création divine, c'est-à dire une
référence religieuse à l'idée d'un être
suprême.
D'où la notion du caractère sacré de la
dignité de la personne humaine créée à l'image de
Dieu comme fondement du respect des droits de l'homme. L'ensemble des droits de
l'homme correspond donc à la substance de la dignité de
l'être humain compris dans son intégrité, ils se
réfèrent à la satisfaction des besoins essentiels de
l'homme, à l'exercice de ses libertés, à ses rapports avec
les autres personnes.
Ce qui implique la lutte contre toutes formes d'exploitation
et de manipulation perpétrées au détriment des hommes, non
seulement dans les domaines sociale, politique et économique, mais aussi
sur les plans culturels, idéologique et médical.12
Comprise par Emmanuel KANT comme « ce qui est au -dessus de tout prix
et n'admet nul équivalent, n'ayant pas une valeur relative mais une
valeur absolue »13.Et par GUIMBO R. comme une «
certaine conception de soi qui s'oppose aux actes dégradants dont
l'individu serait responsable ou dont autrui se rendait coupable à son
égard »14 ; la dignité inhérente
à tous les membres de la famille
10 KRIEGEL(Blandine), Cours de la philosophie
politique, Paris, Librairie Générale Française, 1996,
p.118-119.
11 RIALS(S), La Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen, Paris, Hachette(Pluriel), 1988, p.492.
12 MPATI NE NZITA(Noël), « Droit de
l'homme dans l'enseignement de Jean Paul II » in Congo Afrique,
N°328, Octobre 1998, pp 495-497
13 KANT (Emmanuel), Fondement de la
métaphysique des moeurs, Paris, Ladrange, 1993, p.76.
14 GUIMBO(R) In MORIN (Jean- Yves) (Sous la dir.)
Les droits fondamentaux, Paris, Bruylant , 1997,p.73.
12
humaine a été reconnue par la Communauté
internationale comme fondement de la liberté, de la justice et de la
paix.
C'est dans ce sens que Jacques MOURGEON écrit :
« la reconnaissance de la dignité inhérente à
tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et
inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice
et de la paix dans le monde »15.
De ce fait, les Etats membres de l'Organisation des Nations
Unies se sont fermement engagés en conséquence «
à assurer, en coopération avec l'Organisation des Nations Unies,
le respect universel et effectif des droits de l'homme et des libertés
fondamentales »16.
D'autres parts, le respect des droits de l'homme est
fondé sur les droits qui reviennent à l'homme en tant que membre
d'une société organisée même sur le plan politique
et qui apparaissent dès lors, non plus comme naturels, mais comme
conventionnels. Ainsi, la déclaration de l'An III (22 août 1795)
pose dans son article 1er que « Les droits de l'homme en
société sont la liberté, l'égalité, la
propriété ».
La spécificité essentielle d'une telle
déclaration tient dans l'importance qu'elle attache à la loi
positive comme expression de la volonté générale. Il
s'agit donc de la théorie positiviste des droits de l'homme qui renvoie
à la notion de « légicentrisme
»17s'expliquant par la volonté des constituants
modérés de soumettre les droits individuels à des limites
précises que le législateur aurait précisément pour
tâche de fixer.18
Au plan international, la prolifération des
traités relatifs aux droits est déjà une indication
relative de la volonté des Etats de les respecter. Cette obligation de
respecter concerne l'ensemble des droits de l'homme d'origine coutumière
ou conventionnelle, en prenant comme point de départ l'article 55 de la
Charte des Nations Unies.19 La reconnaissance des droits de l'homme
et leur introduction dans l'ordre juridique international font alors d'eux
l'une des tâches prioritaires de la communauté internationale. Les
droits de l'homme sont désormais un phénomène qui
appartient au terroir de toutes les nations de telle sorte qu'ils ne sont
étrangers à aucune culture.
15 MOURGEON(Jacques), Les droits de
l'homme, 2ème Edition, Paris, PUF, « Que sais-je ?
», 1981, p.54. Cité par le Professeur Godefroy MOYEN,
2ème édition du concours de plaidoirie : susciter la
prise de conscience sur la question des droits de l'Homme, Brazzaville 8
décembre 2016.(
www.lasemaineafricaine.net/inc).
16 Nation Unies, Mécanisme des droits de
l'homme, Fiche d'information N° 1, New York, Centre pour les droits
de l'homme, 1988, p.3.
17 Dans son article « La raison d'Etat et les
droits fondamentaux » publié dans « Le Journal du Barreau, Vol
32, N° 18 du 1ernovembre 2000 », Alain Robert NADEAU
considère le légicentrisme comme la confiance à la loi
pour assurer la garantie des droits fondamentaux. (www.barreau.qc.ca/
journal/frameset.asp ? article=/
18 GERARD (philippe), Cours de philosophie des
droits de l'homme, Chaire UNESCO, décembre 2004, p.11.
19 ALLAND (Denis), Op Cit, p.577.
13
Les diversités culturelles sont
considérées comme un enrichissement de l'universalisme. C'est
ainsi que le professeur Paul Gérard POUGOUE parle de «
l'universalisme pluriel » pour dire que les droits de l'homme
sont justement le produit de plusieurs apports culturels non exclusifs les uns
les autres. Et au professeur Michel F. SAWADOGO de renchérir :
« l'universalisme découle également de l'enrichissement
possible et souhaitable des droits de l'homme par toutes les nations du monde
»20.L'universalisme suppose également que leur
absence ou leur méconnaissance par l'Etat va plus loin qu'une simple
négation de la dignité humaine. Elle a sa place aux racines
même de la pauvreté et de la violence politique qui sont le
fléau du monde actuel. Cette conception élargie des droits de
l'homme constitue la pierre angulaire des activités des Nations Unies
considérées comme le catalyseur principal de la promotion et de
la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales
à l'échèle mondiale.
En effet, la création de l'Organisation des Nations
Unies à la conférence de San Francisco depuis 1945 a rendu
effectif l'idéal de la promotion et de la « protection » des
droits de l'homme sur le plan universel. Le juge Keba MBAYE définit, de
ce fait, la protection comme étant « tout système
comportant, à l'occasion d'une ou de plusieurs violation d'un principe
ou d'une règle relatifs aux droits de l'homme et édictés
en faveur d'une personne ou d'un groupe de personne, la possibilité pour
l'intéressé de soumettre une réclamation, de
déclencher une mesure tendant à faire cesser la ou les violations
ou à assurer aux victimes une réparation équitable
»21.
La protection des droits de l'homme constitue alors la
dimension spatiale de leur conquête. Ainsi, le professeur DEGNI-SEGUI
a-t-il pu écrire : « on est passé de la protection
nationale à la protection régionale en passant par la protection
universelle »22. Au cours de ses dix première
années d'existence, l'activité des Nations Unies dans ce domaine
fut essentiellement, mais non exclusivement, consacré à la
définition des « droits de l'homme » et des
« libertés fondamentales »et à
l'élaboration des normes et des principes généraux,
surtout par l'adoption des instruments internationaux de
protection23.
20 POUGOUE (Paul Gérard) et SAWADOGO F.
(Michel) cités par BAROGO BESSOLE (René), La protection de
droits de l'homme dans la Charte Africaine des droits de l'homme,
Mémoire DEA, Chaire Unesco des Droits de la personne et de la
Démocratie, Université d'Abomey Calavi, Cotonou, 2001- 2002,
p.79.
21 MBAYE (Keba), Les droits de l'homme en
Afrique, Paris, Pédone, 1992, p.76.
22 DEGNI- SEGUI (René), Les droits de
l'homme en Afrique noire francophone : Théories et
réalités, Abidjan, Imprimob, 1997, pp 4-5
23 Nations Unies, L'ONU pour tous. Ce qui faut
savoir de L'ONU, de ses travaux, de son évolution pendant les 20
première années (1945-1965), 8e Edition, New York
Service d'information 1968, p.148.
14
Ainsi, dès le préambule de la Charte
constitutive, les Nations Unies « proclament leur foi dans les droits
fondamentaux de l'homme dans la dignité et la valeur de la personne
humaine, dans l'égalité des droits de l'homme et de la femme,
ainsi que des nations grandes et petites ».
La volonté de développer et d'encourager le
respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de
faciliter leur jouissance est affirmée sous formes diverses et à
plusieurs reprises dans les dispositions de la Charte des Nations
Unies24. L'affirmation internationale des droits de l'homme contenue
dans la Charte des Nations Unies est une chose et la garantie du respect pour
assurer leur effectivité en est une autre. Mais que faut-il entendre par
effectivité ?
A en croire Jean SALMON, l'effectivité est «
le caractère de ce qui existe en fait. C'est la qualité d'une
situation juridique qui correspond à la réalité, d'une
compétence qui s'exerce réellement. Elle produit des effets de
droit, dans les conditions prévues par l'ordre juridique international
lui- même et joue, en conséquence, un rôle dans de
nombreuses institutions de droit international »25.En
acceptant le principe que chaque droit humain a un noyau intangible et une
extension ou un accomplissement du droit, l'effectivité obéit
à une dynamique seuil/extension. Cela implique une garantie de la
substance du droit ou égalité et une garantie de protection de la
dynamique du droit ou liberté et responsabilité.
Dans ce cas, écrit Patrice MEYER- BISCH,
l'efficacité d'un droit humain peut être «
l'adéquation entre capacités individuelles exprimant la
dignité humaine et capacités institutionnelles
»26.Dans cette acception, un système normatif
constitué par un ensemble de règles internationales d'origine
conventionnelle ou coutumière a été mis en oeuvre. Nous
sommes ainsi tenté d'affirmer avec Frédéric SUDRE que
« la justiciabilité de la règle conditionne
l'efficacité de la garantie et de sa sanction. Aucune protection
internationale des
24 Par exemple, dans l'article premier qui traite
des buts et des principes de l'organisation ; dans l'article 62, concernant le
Conseil économique et social, et dans l'article76 sur les fins
essentielles du régime international de tutelle. Dans l'article 56 tous
les membres de l'ONU s'engagent à agir, tant conjointement que
séparément, en coopération avec l'organisation en vue
d'atteindre certains buts énumérés à l'article 55,
notamment, la promotion du « respect universel et effectif des droits de
l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de
race, de sexe, de langue ou de religion ». A l'article 68 le Conseil
économique et social est habilité à instituer des
commissions « pour les questions économiques et sociales et le
progrès des droits de l'homme » In Nations Unies, Mécanisme
des droits de l'homme, Op. Cit., p.4.
25 SALMON (Jean), Dictionnaire de droit
international public, Bruxelles, Bruylant, 2001, pp 411-412.
26 MEYER- BISCH (Patrice), Approche
multidimensionnelle de l'effectivité des droits humains. Une fonction
spécifique pour les droits culturels ? ». Colloque sur
l'effectivité des droits économique, sociaux et culturels, fin et
moyen de développement, Cotonou, du 18 au 20 novembre 2004, pp 2-3
15
droits de l'homme ne peut être sérieusement
mise en oeuvre si elle ne s'accompagne pas des mécanismes
juridictionnels appropriés »27.
C'est le système de protection qui offre donc aux
individus des garanties efficaces pour la défense et la jouissance de
leurs droits. Le premier instrument normatif ou la première norme
à caractère universel en matière des droits de l'homme fut
la Déclaration Universelle des Droits de l'homme. Adoptée le 10
décembre 1948, elle marque le « le coup d'envoi » de la
juridicisation des droits de l'homme et continue, jusqu'aujourd'hui,
d'influencer la vie des populations et d'inspirer, dans le monde entier, les
actions et la législation en faveur des droits de l'homme. Fondement de
la législation en matière des droits de l'homme, la
Déclaration Universelle sert de modèle à de nombreux
traités et déclaration internationaux.
Elle est reprise par les constitutions et les lois d'un grand
nombre de pays et attache autant d'importance tant aux droits
économiques, sociaux et culturels qu'aux droits civils et aux
libertés politiques et leur accorde le même degré de
protection28. Mais en tant que Résolution de
l'Assemblée Générale des Nations Unies, la
Déclaration Universelle ne constitue pas, techniquement, une source de
normes qui lient les Etats. Elle est plutôt un « idéal
à atteindre », comme le dit si bien son préambule. Il ne
s'agit que d'un engagement que les Etats membres prennent pour assurer le
respect universel et effectif de ces droits et libertés
fondamentales29.
Le souci de dépasser le stade de la «
déclaration des droits » contenue dans la Déclaration
Universelle des Droits de l'homme poussa les rédacteurs de cet
instrument à la compléter avec l'adoption de véritables
traités relatifs aux droits et libertés : le Pacte relatif aux
droits civils et politiques et le Pacte relatif aux droits économiques,
sociaux et culturels adoptés et ouvert à la signature le 16
décembre 1966 par la Résolution 2200 A (XXI). Avec
l'entrée en vigueur de ces deux pactes (le 3 janvier 1976 pour le
premier et le 23 mars de la même année pour le second), plusieurs
dispositions de la Déclaration Universelle ont acquis une force
obligatoire pour les Etats.
En effet, les deux Pactes possèdent en eux un
caractère obligatoire qui s'impose aux seules parties
contractantes30. Les Pactes jumeaux constituent, avec la
déclaration universelle et les
27 SUDRE (Frédéric), Droit
international et européen des droits de l'homme, 3e
Edition, Paris, PUF, 1989, p.13.
28 Nations Unies, Les droits de l'homme
aujourd'hui. Une priorité des Nations Unies, New York,
Département de l'information, 1998 pp 5- 6.
29Cfr paragraphe 6 et 8 du préambule de la
Déclaration Universelle des Droits de l'homme du 10 décembre
1948. 30 SCHABAS (William A.) et TURP (Dominique), Droit
international canadien et québécois des droits et libertés
: notes et documents, Québec, Yvon Blais Inc., 1994, p.4.
16
deux Protocoles facultatifs relatifs aux droits civils et
politiques, la « Charte internationale des droits de l'homme
»31. Ainsi, le droit international des droits de l'homme
à vocation universelle a été élaboré. La
Charte internationale des droits de l'homme a posé les normes
essentielles en vue de la protection des droits fondamentaux.
L'élaboration de ces normes est considérée comme la
première étape de l'action engagée par l'ONU.
La seconde concerne le suivi de l'application des normes
édictées. Pour ce faire, le Pacte relatif aux droits civils et
politiques32, en application de l'article 28, à
institué le comité des droits de l'homme. Ce dernier est
habilité à recevoir et à examiner, ainsi qu'il est
prévu dans le Protocole facultatif relatif aux droits civils et
politiques du 16 décembre 1966 adopté en même temps que Son
Pacte, « des communications émanant des particuliers qui
prétendent être victimes d'une violation d'un des droits
énoncés dans le pacte par un Etat partie »33
conformément à ses articles 1 et 2. Mécanismes
institué par le Pacte pour faciliter l'application ou le respect
effectif des droits de l'homme, le Comité des droits de l'homme joue un
rôle fondamental dans la surveillance de sa mise en oeuvre en
éclaircissant les questions litigieuses relatives aux droits
individuels.
Les « droits civils et politiques »34, y
compris ceux concernant la liberté d'expression, d'association et de
religion, font désormais partie intégrante de l'ensemble des lois
ou normes internationales relatives aux droits de l'homme que les Etats ne
peuvent plus prétendre de violer sans en avoir conscience.
31 Institut des Droits de l'homme et de Promotion
de la démocratie, Recueil d'instruments internationaux relatifs aux
droits de l'homme et à la protection des personnes soumises à la
détention ou à l'emprisonnement, O.I.F.-A.I.F., Janvier 2005, pp
1-65
32 Dans les mécanismes de mise en oeuvre,
les droits civils et politiques sont privilégiés par rapports aux
droits économiques, sociaux et culturels parce qu'ils peuvent, à
eux seuls, protéger l'individu contre l'arbitraire de l'Etat.
D'où ils sont souvent considérés comme les seuls aptes
à être directement justiciables. Voir à ce sujet :
NZOUANKEU (Jacques- Mariel), « les mécanismes des Nations Unies de
mise en oeuvre des droits économiques, sociaux et culturels »,
Cotonou, du 28 au 31 juillet 2003, pp 100-119.
33 Nations Unies, Droits civils et politiques :
Le comité des droits de l'homme, Fiche d'information N°15 New
York, Centre pour les droits de l'homme, 1992, pp 1-2
34 La liste des droits garantis est la suivante aux
termes des 6 à 27 du PIDCP : droit à la vie ; interdiction de la
torture et des traitements inhumains, de l'esclavage et des travaux
forcés ; droit à la liberté et à la
sûreté (interdiction des privations de liberté arbitraires)
; droits des personnes détenues, interdiction de la privation de
liberté pour dette ; liberté de circuler librement et de choisir
sa résidence, protection des étrangers contre les expulsions
arbitraires ; droit à un procès équitable ; non
rétroactivité de la loi pénale ; droit à la
personnalité juridique : droit à la vie privée ;
liberté de pensé, de conscience et de religion, liberté
d'opinion et d'expression ; interdiction de la propagande pour la guerre et de
l'incitation à la haine raciale, nationale ou religieuses ;
liberté de réunion et d'association ; liberté de se marier
et de fonder une famille, droit de l'enfant ; droit de prendre part à la
direction des affaires publiques, de voter et d'être élu et
accéder aux fonctions publiques ; égalité devant la loi ;
protection des minorités.
17
En application de l'article 28 de la Déclaration
Universelle des droits de l'homme35, il existe en parallèle
avec le système universel, des mécanismes régionaux de
protection internationale des droits de l'homme. Ces mécanismes ajoutent
une richesse importante protection universelle en ce sens qu'ils le
complètent. En effet, la solution régionale ou continentale est
intéressante dans la mesure ou la nature et l'histoire, en minimisant la
diversité des systèmes socio-économique, ont
engendré une conception commune des droits de l'homme.
Les continents européen et africain se sont
dotés des normes générales, à savoir
respectivement, la Convention européenne des droits de l'homme du 4
novembre 1950 et la Charte Africaine des droits de l'homme et des peuples du 27
juin 1981. Ces Conventions présentent également
l'intérêt de détailler et de concrétiser le contenu
des obligations étatiques36.
Elles sont assorties d'institutions chargées d'en
vérifier le respect et l'application, notamment, la cour
européenne des droits de l'homme et la Cour Africaine des droits de
l'homme et des peuples. Cette dernière a été
opérationnelle le 15 décembre 2009, suite à une
requête en date du 11 aout 2008 introduite par M Michelot Yogogombaye
contre le Sénégal37. Les Cours ont la
compétence de connaitre tant les plaintes ou les communications
individuelles que celles étatiques comme, d'ailleurs, le Comité
des droits de l'homme des Nations Unies.
Etudier : « l'efficacité des mécanismes
juridiques internationaux de protection des droits de l'homme », revient
à trouver une réponse à la problématique suivante
:
1-Comment s'organise la protection des droits de l'homme en droit
international ?
2-Les instruments juridiques internationaux visant la
protection des droits de l'homme sont-ils efficaces au plan institutionnel ?
3-Quelles en sont les limites et les conditions de son
amélioration ?
A titre d'hypothèse, nous présumons que, bien
que les Etats soient tenus d'exécuter de bonne foi et raisonnablement
les décisions des organes Internationaux de protection des droits de
l'homme dont ils ont officiellement reconnus la compétence en ratifiant
les traités et
35 Cet article dispose : « Toute personne a droit
à ce que règne, sur le plan social et sur le plan international,
un ordre tel que les droits et libertés énoncés dans la
présente Déclaration puissent y trouver plein effet ».
36 ALLAND(Dénis). Op cit.p.583.
37 YOGOGOMBAYE (Michelot) C. République du
Sénégal CADHP n°001/2008(En ligne) (
www.rtdh.eu/pdf/YogogombayeC/Sénégal.pdf.
(3 Avril 2014 ci-après affaireYogogombaye).
18
conformément au grand principe coutumier « Pacta
sunt servanda »38, les constatations des organes de protection
et de contrôle des droits de l'homme ne jouissent pas, au plan universel,
d'une autorité contraignante. Cela se justifierait par le fait que les
mécanismes de protection sont non- juridictionnels sous prétexte
de ne pas entamer profondément la souveraineté des Etats en
mettant en place une sorte de gendarme international.
Ainsi, le choix que nous avons porté sur le
thème : « l'efficacité des mécanismes juridiques
internationaux de protection des droits de l'homme » se justifie dans la
mesure où les droits de l'homme constitue aujourd'hui une grande
préoccupation tant des communautés internationales et nationales
que scientifiques.39 D'une façon particulière, la
question de la protection des droits de l'homme, se révèle
importante, face à leurs violations massives et
répétées. Dans cette dynamique, l'examen des
mécanismes internationaux de protection des droits de l'homme a une
importance fondamentale. C'est en effet par le biais de ces mécanismes
que le droit international des droits de l'homme assure une protection plus ou
moins active et tente de franchir l'abime qui existe souvent entre les
préceptes et la pratique40.
L'objet d'un travail de recherche selon Madeleine Grawitz
répond à la question « qu'est-ce que je cherche ?
»41. A la lumière de cet aspect original, le nôtre
ne déroge pas à cette règle. Il sera question pour nous de
faire une évaluation des mécanismes de protection des droits de
l'homme tant aux niveau universels qu'au niveau régional et sous
régional.
Aussi, ce travail présente des intérêts du
point de vue scientifique ou théorique et du point de vue pratique.
D'abord du point de vue scientifique ou théorique, il fournira les
éléments d'analyse sur la nécessité de mettre au
point des mécanismes juridictionnels dans le système universel de
protection des droits de l'homme au regard des systèmes
régionaux.
Ce qui permet, une efficacité et une effectivité
des droits et libertés fondamentales. Ensuite, sur le plan pratique,
l'étude constitue notre contribution, modeste soit- elle, à la
promotion et à la protection des droits et libertés fondamentales
de l'homme.
38 L'article26 de la Convention de Vienne du 23 mai
1969 qui est entrée en vigueur le 27 janvier 1980 dispose, en effet, que
« Tout traité en vigueur lie les parties et doit être
exécuté par eux de bonne foi ».
39 OUMBA(Parfait) Les mécanismes de
contrôle et de garantie des droits de l'homme Master Droit international
des droits de l'homme, Cameroun 2016, p.7.
40 Ibid.
41 GRAWITZ (Madeleine), Méthode des
Sciences Sociales, 11e édition, Dalloz, Paris, 2001,
P.83.
19
Pour aboutir à nos recherches, il est nécessaire
que nous recourions à une méthode approprié et à la
hauteur de but que nous nous sommes fixés. Par méthode, il faut
entendre « Un ensemble des opérations intellectuelles par
lesquelles une discipline cherche à atteindre les vérités
qu'elle poursuit, les démontre et les vérifie
»42. Autrement dit, la méthode est « la marche
rationnelle de l'esprit pour arriver à la connaissance ou à la
démonstration de la vérité »43.
Ainsi définit, l'angle méthodologique retenu
dans ce travail est essentiellement une démarche
exégétique qui nous a permis d'interpréter et d'analyser
les instruments juridiques visant la protection des droits et libertés
fondamentaux de l'homme. Subsidiairement, nous avons eu recours à la
technique documentaire qui nous a permis de rassembler les travaux doctrinaux,
les rapports, les travaux de fin d'étude pour confectionner ce
travail.
Pour ce faire, avant de mettre en crise ces mécanismes
importants de protection des droits de l'homme (Deuxième partie). Il
convient au demeurant d'en faire l'analyse (Première partie).
42 PINTO (R) et GRAWITZ (Madeleine),
Méthodes des sciences sociales, 4e édition,
Dalloz, Paris, 1971, P.289.
43 DJ'ANDIMA (M), Principes et usage en
matière de rédaction universitaire, Kinshasa, Cadic, 2004,
P.21.
20
PREMIERE PARTIE :
DES MECANISMES IMPORTANTS
DE PROTECTION DES DROITS DE
L'HOMME
21
La vision des Nations Unies est celle d'un monde dans lequel
tout un chacun respecte et bénéficie des droits de l'homme dans
les conditions de paix globales. C'est dans ce sens qu'elles ont
procédé à la création d'un vaste ensemble de lois
relatives aux droits de l'homme qui ont doté la communauté
internationale d'un « code des droits fondamentaux
universel»44 auquel toutes les nations peuvent souscrire et
tous les peuples aspirer45. « Si les soixante
dernières années se sont concentrées sur
l'élaboration d'un corps de règles destinées à
protéger les droits de l'homme qui a produit un cadre normatif
remarquable de lois, de normes et de mécanismes, à commencer par
la Déclaration Universelle des Droits de l'homme ;il est temps d'entrer
dans une nouvelle ère, orientée vers la mise en oeuvre »
a déclaré Kofi ANNAN l'ancien secrétaire
générale de L'ONU le 7 avril 2005 à la 61e
Session de la Commission des droits de l'homme à
Genève46. Les mécanismes des droits de la personne
sont donc au coeur de la mise en oeuvre des droits fondamentaux. Les
mécanismes de sanctions et de supervision, outre les sanctions
bilatérales que les Etats pourraient appliquer entre eux (sanctions
économiques, politiques et autres), reposent sur des mécanismes
multilatéraux. Le régime juridique mis en place permet à
tous les individus d'utiliser directement, dans certains cas et sous certaines
conditions, l'un ou l'autre mécanisme international de protection. Il
convient à cet effet de préciser d'abord les mécanismes
universels ou Onusiens de protection des droits de l'homme (Chapitre I), Avant
d'examiner les mécanismes régionaux de protection des droits de
l'homme (Chapitre II).
44 Voir : DE SCHUTER (Olivier) et coll., Code
de droit international des droits de l'homme, 2ème
Edition, Bruxelles, Bruylant, 2003,p.767.
45 Nations Unies, ABC des Nations Unies New
York, Département de l'information, 1998, p 247
46 Nations Unies, « Kofi ANNAN plaide pour une
réforme en profondeur de Commission des droits de l'homme », New
York, service de l'information, le 07 Avril 2005.
22
CHAPITRE I : DES MECANISMES UNIVERSELS
« Les droits de l'homme ne sont pas seulement un
idéal abstrait, ils constituent des droits réels, des droits
justiciables », affirme le professeur Emmanuel DECAUX47.
La garantie la plus importante réside dans l'existence d'un
mécanisme de protection qui constitue l'ultime recours des victimes des
violations face à la dictature de l'arbitraire. Les Nations Unies ont su
répondre à cette préoccupation car il existe
différentes institutions et agences de droits de l'homme onusiennes qui
ont en commun le but de promouvoir et de protéger les droits humains -
civils, culturels, économiques, politiques et sociaux - qui ont
été l'objet d'accords internationaux. Chaque personne y a droit
de manière égale. Les systèmes des Nations Unies pour la
promotion et la protection des droits de l'homme est constitué de deux
types d'organismes : il s'agit de ceux crées sous la Charte des Nations
Unies, d'une part (section I), et ceux crée par les traités
internationaux des droits de l'homme, d'autre part (section II).
SECTION I : Garantie des droits sous la Charte des
Nations Unies : La Commission des Droits de l'homme.
L'article 68 de la Charte de l'ONU donne mandat au «
Conseil Economique et Social »48 d'instituer « des
commissions(...) pour le progrès des droits de l'homme
»49y compris « la Commission des droits de l'homme
»50. Instituée par la résolution 5(I) du 16
février 1946, la Commission des Droits de l'homme est le principal
organe des Nations Unies pour la promotion et la protection de ces droits. Son
mandat très large en fait l'organe pivot que Mary ROBINSON, ancienne
Haut-Commissaire des Droits de l'Homme, n'hésite pas à qualifier
de« principal architecte de l'action des Nations Unies dans le domaine
des droits de l'homme ». Il est important de noter que la Commission
est un organe politique composé de représentants des Etats qui
agissent sur leurs instructions.
Elle compte actuellement 53 Etats membres choisis pour trois
ans en fonction de subtils équilibres régionaux pour donner une
image fidèle de la communauté internationale51.
C'est
47 DECAUX (Emmanuel), « Justice et droits de
l'homme » In Revue Droits fondamentaux, N°2,
janvier-décembre 2003, pp. 78-79.
48 Aux termes de l'article 62 de la Charte de
L'ONU, le Conseil Economique et Social peut « faire des recommandations en
vue d'assurer le respect effectif des droits de l'homme et des libertés
fondamentales pour tous ».
49 PELLET (Alain) et COT (Jean Pierre), la
Charte des Nations Unies Commentaire article par article, Paris/
Bruxelles, Economica/ Brusfort, 1985, pp. 1009-1026.
50 La commission des Droits de l'homme est l'une
des six commissions techniques du Conseil Economique et sociales notamment les
commissions de la statistique de la population, du développement social,
de la condition de la femme et des stupéfiants.
23
en vertu de cela qu'il est qualifié de mécanisme
extra- conventionnel. Et Olivier de FOURVILLE préfère parler,
carrément, d'organe intergouvernemental qu'il ne faut pas confondre avec
son organe subsidiaire, la Sous- commission de la lutte contre les mesures
discriminatoires et de la protection des minorités52 devenue
Sous- Commission des droits de l'homme.
Depuis sa création, la Commission constitue un forum
d'expression unique sur les droits humains. Elle attire
régulièrement des hauts responsables gouvernementaux ainsi que
des victimes, des institutions nationales de défense des droits humains,
d'autres organes des Nations Unies et des Organisations Non Gouvernementales
qui lui fournissent des informations sur la situation des droits humains dans
toutes les régions du monde et lui apportent leurs compétence sur
les thèmes inscrits à l'ordre du jour de ses
sessions53. L'instauration d'un espace de dialogue a ainsi permis la
mise en place d'un système solide de protection des droits humains :
l'élaboration des traités et autres normes juridiquement
contraignants.
Son mandat se trouve élargi à tous les droits-
civils, culturels, économiques, politiques et sociaux, y compris le
droit au développement54. L'ensemble des procédures et
mécanismes de la Commission des droits de l'Homme forment les «
procédures spéciales » dont le caractère
« ad hoc » permet de répondre de façon plus
souple aux graves violations des droits de l'homme.
Les y relatifs consistent à examiner et à
surveiller la situation des droits de l'homme dans un pays ou un territoire
donné ou les violations majeures des droits de l'homme à
l'échelle mondiale.
Dans le premier cas, on parle de mécanismes ou mandats
par pays (paragraphe I) tandis que dans le second cas il s'agit des
mécanismes ou mandats par thèmes (paragraphe II).
51 ERGEC (Rusen), Protection européenne
et internationale des droits de l'homme, Bruxelles, Bruylant, 2004, p
59.
52 DE FOURVILLE (Olivier), Les
procédures thématiques : une contribution efficace des Nations
Unies à la protection des Droits de l'homme, Paris, Pédone,
1996, p.16.
53 Réunie pour la première fois en
1947, la Commission organise chaque année (en mars et avril) une session
ordinaire à Genève. Ses travaux sont régis par les
dispositions du règlement intérieur des Sous Commissions
techniques du Conseil économique et social. Seuls ses membres ont le
droit de vote. Elle peut toutefois inviter tout mouvement de libération
nationale reconnu par l'Assemblée générale ou en vertu des
résolutions adoptées par cette dernière à
participer à la discussion de toute question qui intéresse
particulièrement ce mouvement. Par ailleurs, les institutions
spécialisées et certaines autres organisations
intergouvernementales peuvent désigner leurs observateurs afin de
prendre part aux séances publiques. Voir Nations Unies,
Mécanismes des droits de l'homme, Fiche d'information N°
1, Genève, centre pour les droits de l'homme, mai 1993, p.7.
54 Amnesty International, « de la Commission
des droits de l'homme au Conseil des Droits de l'homme. Le défi d'une
transformation », Londres, EFAI, Index Al : IOR 40/008/2005, Avril 2005,
p.4.
24
Paragraphe I : Des mécanismes géographiques :
mandats par pays
En guise de rappel, l'une des premières missions de la
CDH consistait à l'élaboration des projets de déclarations
ou de conventions sur les droits de l'homme. C'est en son sein qu'ont
même été rédigée la DUDH du 10
décembre 1948 et les deux pactes de 1966. On peut dire que de 1947
à 1946, la mission de la CDH consistait principalement en
l'élaboration d'une Charte Internationale des droits de
l'homme55. Sur cette activité de codification vint se greffer
en 1967 la mission de s'occuper des violations des droits de l'homme à
travers le monde qui l'amena à mettre en place les mécanismes
élaborés de contrôle du respect dont la compétence
de supervision n'est pas liée à la question de savoir si le pays
en cause soit membre des Nations Unies pour que cette procédure soit
activée. Les rapporteurs des mandats sur les pays surveillent en
général la situation complexe en matière des droits de
l'homme dans les régions où des violations massives se seraient
produites, souvent à la suite de violence ou de conflits à vaste
échelle. L'examen des communications et des situations des violations
est fait soit par la procédure publique (A), soit dans
le cadre des procédures confidentielles (B).
A-La procédure publique : «
Résolution 1235 »
Créée par la résolution 1235 (XLII) du 6
juin 1967 de l'ECOSOC, la procédure publique permet à la
Commission et à sa Sous -Commission de s'autosaisir pour examiner les
situations qui révèlent des violations flagrantes et
systématiques des droits de l'homme56. La situation a
été adoptée au moment où était menée
la politique d'apartheid en Afrique du sud et au Zimbabwe. Elle est dite
publique parce qu'elle donne lieu à la publication d'un rapport. Par
cette résolution, la commission et la Sous-commission peuvent dans
certains cas, prendre des mesures au sujet des plaintes relatives aux droits de
l'homme. La Commission peut en autre, s'il y lieu, et après avoir
examiné attentivement les renseignements reçus, entreprendre une
étude approfondie des situations qui relèvent de constantes
systématiques violations des droits de l'homme et présenter un
rapport et des recommandations à ce sujet au Conseil57.
Il s'agit, à travers cette procédure d'exercer
une pression diplomatique sur l'Etat mis en cause. En effet, le fait que
d'autres Etats et ONG soient tenus informés des violations des droits
de
55 La sous- commission est un organe subsidiaire
créé par la CHD en 1947, aujourd'hui Commission de la promotion
et de la protection des droits de l'homme. Elle prépare les rapports et
les recommandations qui sont ensuite soumis à la CDH
56 Organisation des Nations Unies, «
Descriptif de la Commission des Droits de l'homme. Présentation
générale », 30 octobre 2001. (
www.unhchr.ch,
www.unog.ch
57 BOKATOLA OMANGA (Isse), « Le droit
international des droits de l'homme : Conception- Elaboration-Aboutissement
» ( www.cip-cifedhop.org/ publications/ boka5.html).
25
l'homme peut contraindre le pays dont la responsabilité
a été établie à faire cesser cette situation. La
Commission a ainsi mis en chantier une étude des modalités qui
permettent la réception de nombreuses communications émanant des
particulières ou d'organisations non gouvernementales58. Elle
peut être initiée par un Etat, par un groupe d'Etats ou à
l'initiative de la Sous- commission et donne lieu chaque année à
un lobbying intensif des ONG et des Etats concernés.
Les uns s'employant à ce que la procédure
débouche sur une résolution de la CDH prononçant une
condamnation publique de l'Etat en cause, celui-ci et ses alliés
cherchant le résultat contraire59. La procédure
publique permet à la commission d'examiner sans restriction toute
situation révélant des droits de l'homme dans certains pays en
séances publique.
La première situation examinée fut celle qui
régnait au chilidepuis le renversement par la violence, en 1973, du
gouvernement constitutionnel du président Salvador ALLENDE. Par la
suite, la Commission a généralisé sur la base de l'exemple
chilien, la mise en place de procédures concernant certaines
situations.
De nombreux « rapporteurs spéciaux, groupes de
travail »60 et « représentants du secrétaire
général »61 vont être progressivement
nommés et vont déployer une activité énergique dans
le but d'éliminer les violations les plus manifestes des droits de
l'homme.
Ils procèdent à la rédaction de rapports
en utilisant tous les moyens mis à leur disposition62. Parmi
les groupes de travail constitué dans le cadre de la «
procédure 1295 », professeur Rusen ERGEC mentionne celui qui fut
constitué pour l'Afrique du Sud et le Comité spécial,
toujours actif, pour l'investigation des pratiques israéliennes
affectant les droits de l'homme du peuple palestinien et d'autres territoires
occupés.
Un autre cas significatif est la nomination du professeur
ERMACORA comme rapporteur spécial à la suite de l'invasion de
l'Afghanistan par l'Union Soviétique (Russie) qui se livra à une
enquête approfondie dans les pays limitrophes et dénonça de
nombreuses violations des droits de l'homme dans son rapport. Les autres
exemples de rapporteurs spéciaux nommés par
58 Organisation des Nations Unies, Op.Cit
59 ERGEC ( Rusen), Op.Cit, p.63.
60 Les rapporteurs spéciaux sont des experts
indépendants chargés des mandats spéciaux d'enquêter
sur les droits de l'homme. Lorsqu'un mandat est confié à
plusieurs experts, on parle de Groupe de travail. Lire Nations Unies, les
droits de l'homme aujourd`hui, Op Cit, p.73.
61 La CDH peut demander au Secrétaire
général d'intervenir ou d'envoyer un expert pour examiner ou
empêcher une situation de violation des droits de l'homme dans le cadre
de ses bons offices et de la diplomatie discrète à titre
confidentiel auprès des Etats membres. Voir Nations Unies, ABC des
Nations Unies,Op.Cit, p.256.
62 Nations Unies, les Nations Unies et les
droits de l'homme : 1945-1995, New York, Département de
l'information, 1995, p.70.
26
la CDH sont ceux pour les pays suivants : Burundi, Cuba,
Guinée Equatoriale, Iraq, République Démocratique du
Congo, Rwanda, Palestine, occupée, Soudan, Bosnie Herzégovine,
République de Croatie, République Fédérale de
Yougoslavie.
Quant à ce qui concerne les mandats confiés au
secrétaire Général de l'ONU, il faut citer la situation
des droits de l'homme à chypre, en eutonie et Lettonie (les
minorités linguistique), le Kosovo et au soudan comme les Etats n'aiment
pas être stigmatisés publiquement comme auteurs de violations
graves et systématiques des droits de l'homme, l'action de la CDH au
titre de la « procédure 1235 » est salutaire car elle
débouche, le plus souvent, sur une condamnation publique, laquelle a une
haute portée morale. Il s'est alors avéré très
difficile d'obtenir la mise en oeuvre de cette procédure
qualifiée, par la plupart d'Etats, de plus contraignante et plus
gênante.
Ainsi, ayant constaté cette difficulté, Sous-
Commission a élaboré un projet de résolution sur les
règle relatives à l'examen des Communications parvenues au
Secrétaire Général au titre de la « Résolution
728F »63.Il s'agit de la procédure confidentielle
entérinée dans la résolution 1503 (XLVII) dont l'analyse
est faite dans les lignes qui suivent.
B_ La procédure confidentielle : «
Résolution 1503 »
Etablie le 27 mai 1970 par l'ECOSOC, la «
procédure 1503 » (XLVIII) autorise la Sous-commission d'examiner,
sous certaines conditions, des communications présentées par les
personnes physiques et morales et de se livrer à une étude au
fond quand elles « semblent révéler l'existence d'un
ensemble de violations flagrantes et massives des droits de l'homme dont les
preuves font foi ».
L'ensemble de la procédure qui fait l'objet d'un
filtrage politique et juridique est confidentiel. Ici l'examen de la
Sous-commission porte sur des situations et non sur des plaintes individuelles
et les auteurs de la communication ne participent à aucun stade de la
procédure64. Telle que modifiée par la «
Résolution 2000/3 » du 16 juin 2000 du Conseil Economique et social
; l'avantage de la procédure confidentielle est de permettre l'examen
d'un certain nombre de situations qui, pour des raisons politiques, ne peuvent
être prises en compte dans la procédure publique.
63 La Résolution Générale 728
(XXVIII) du 30 juillet 1959 de l'ECOSOC invite le Secrétaire
Générale à dresser une liste de communications
émanant d'individus ou d'ONG se plaignant d'atteintes aux droits de
l'homme. Elle maintient l'anonymat de leur auteur, informe l'Etat
intéressé de ces communications et les soumet à un
comité spécial de la CDH.
64BUENGERTHAL (Thomas) et KISS (Alexandre), La
protection internationale des droits de l'homme, Précis,
Strasbourg/Arlington, N.P. Engel/Kehl, 1991, p.48.
27
Toutefois, depuis 1978, la commission déclare en
séance publique les noms des Etats dont la situation a été
examinée. Il se peut également que l'ECOSOC décide seuls,
ou sur recommandation de la commission, de lever le secret une fois que
l'étude d'une situation particulière est terminée. Ceci
s'est produit notamment pour l'Argentine en 1985, des philippines en 1986 et de
l'Haïti en 1987.
Aucun critère précis n'existe pour
déterminer le moment où une situation devrait de la
confidentialité à la publicité.65La
procédure 1503 constitue, en outre, un moyen de pression discret
auprès des gouvernements suspectés de violations graves et
systématiques des droits de l'homme. Elle permet de nouer un dialogue
constructif avec les gouvernements concernés et ouvre une
possibilité d'examen à des doléances pouvant émaner
de n'importe quel pays membre de l'ONU et qui, pour des motifs techniques,
n'auraient peut-être prises en considération dans le cadre des
mécanismes conventionnels.
Lors des cinquante deuxième sessions tenues à
Genève du 18 mars au 26 avril 1996, la CDH a examiné en
séance confidentielle ou privée les situations des violations des
droits de l'homme dans les pays suivants : Albanie, Arabie saoudite, Ouganda en
Tchad, en République Démocratique du Congo, au soudan et en
Syrie66.
En parallèle avec l'examen de situation dans des pays
donnés, la Commission a mis en place un mécanisme permettant
l'examen de certaines violations particulièrement graves des droits de
l'homme dans l'ensemble des pays du monde, à savoir, les
procédures thématiques.
Paragraphe II : Des mécanismes thématiques :
mandats par thèmes
Les principaux thèmes traités par la CDH sont :
le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, le racisme, le droit
au développement ; la question de la violation des droits de l'homme et
des libertés fondamentales où qu'elle se produise dans le monde ;
la question de la violation des droits de l'homme dans les territoires arabes
occupés, y compris la Palestine ; les droits économiques sociaux
et culturels ; les droits civils et politiques, et notamment la question
relative à la torture et à la détention, aux disparitions
et aux exécutions sommaires, à la liberté d'expression,
à l'indépendance religieuse ; les droits fondamentaux des femmes,
des enfants, des travailleurs migrants, des minorités et des personnes
déplacées ; les questions relatives aux populations autochtones ;
la protection et la promotion de l'homme notamment les
65 DE FOURVILLE (Olivier), Op.Cit, p.23.
66 BOKOTOLA OMANGA (Isse), Op. Cit.
28
travaux de la sous-commission des organes conventionnels et
des institutions nationales ; et les services consultatifs et la
coopération technique dans le domaine des droits de
l'homme67.
Il existe toutefois des rapporteurs spéciaux qui, selon
leur mandat, doivent présenter tous les ans un rapport devant
l'Assemblée générale. Tel est le cas par exemple de la
troisième Commission, à savoir, la Commission de la condition de
la femme. Comme pour les mandats par pays, les mandats thématiques
consistent en la mise en place des organes pouvant prendre la forme soit d'un
rapporteur spécial, soit d'un groupe de travail.
La seule différence est que, dans le second cas, les
rapports préparés débordent le cadre d'un seul Etat dans
lesquels les violations auraient été observées pour
concerner les situations spécifiques prévalant dans l'ensemble
des pays de la planète.
Les organes thématiques, comme les autres
procédures spéciales de la Commission, sont des organes ad hoc
créés pour une durée déterminée avec la
possibilité de renouvellement de mandat à
l'échéance. Le développement des mécanismes
thématiques distingue les procédures ordinaires
dénommées procédures de réaction qui sont curatives
et a posteriori (A) des procédures d'urgence qui ont un caractère
préventif et immédiat (B).
A-Des procédures de réaction
La finalité des procédures ordinaires est de
s'assurer de l'application du droit international des droits de l'homme par les
Etats. Elle a ainsi suscité l'émergence de trois fonctions
assumées de manière inégale par les différents
organes, à savoir, le contrôle de l'application du droit par les
Etats, le suivi des cas sous examen d'une année sur l'autre et la
surveillance qui vise à instaurer un contrôle d'application des
mesures prises par l'Etat en réaction des allégations de
violation, aux dires du professeur Olivier DE FOURVILLE68.
Leur origine remonte à 1980 quand la CDH créa le
« groupe de travail sur les disparitions forcées ou
involontaires »69dans un contexte politique
caractérisé par l'inquiétude face au développement
d'un phénomène par lequel les éléments subversifs
suspects étaient arrêtés, souvent par des personnes non
clairement rattachées à une autorité légale du
pays, puis détenus dans un endroit inconnu, maltraités et souvent
supprimés sans que les familles en soient
informées70.
67 Commission des droits de l'homme (
http://www.ohchr.org/images/top
middlefGood.gif)
68 DE FOURVILLE (Olivier), Op.Cit, p.43.
69 Résolution 20 (XXXVI)/ 1980
70 Nations Unies, les Nations Unies et les droits
de l'homme, Op.Cit, pp 70-71
29
Une fois le premier mécanismes mis en place, la
Commission ou le (Conseil Economique et social) a mis en place douze autres
procédures thématiques ( détention arbitraire,
exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, tortures,
intolérance religieuse, vente et prostitution d'enfants, personnes
déplacées dans leur propre pays, liberté d'opinion et
d'expression, violence contre les femmes, etc.)71.
La nomination des rapporteurs thématiques dépend
de la nature des violations des droits de l'homme et de l'importance que la
société internationale y attache à un moment
donné.
Il demeure que le potentiel des violations est quasiment
illimité, de même que les possibilités de création
de nouveaux mandats. Les groupes de travail et les rapporteurs spéciaux
s'emploient à étudier les problématiques des situations
pour lesquelles ils sont institués et à faire des recommandations
à la CDH en vue de l'adoption éventuelle de résolutions ou
de projets de traités sur la question concernée.
Pour ce faire, ils examinent dans le cadre d'une écrite
et contradictoire, des communications ou des plaintes émanant de toutes
les sources possibles, notamment des particuliers qui peuvent être les
personnes concernées par les présumées violations, leurs
familles ou leurs représentants ; des ONG qui fournissent, en
réalité, l'essentiel des informations recueillies ; des
organisations internationales ou des gouvernements.
La recevabilité des communications ne tient pas compte
de la condition classique de l'épuisement des voies de recours
internes72. Parfois, les membres des groupes de travail effectuent,
avec le consentement de l'Etat concerné par les allégations des
violations des droits de l'homme des enquêtes sur place. Les
enquêtes grâce aux visites in situ qui, depuis qu'elles
existent, ont accumulé une expérience considérable dans ce
domaine.
Les visites peuvent être ordinaires ou conjointes
(réunir un organe géographique et un ou plusieurs organes
thématiques) comme ce fut le cas pour l'ex- Yougoslavie et le Rwanda, la
Colombie.
Les visites durent en général entre huit et dix
jours73. Bien que les rapporteurs spéciaux et les groupes de
travail se fondent, pour analyser les situations relevant de leurs mandats,
uniquement sur la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, les
instruments
71 SUDRE (Frédéric), Droit
international et européen des droits de l'homme,
5ème Edition, Paris, PUF, 2001, p. 502.
72 ALLAND (Denis), Op.Cit, pp.599-600.
73 DE FOURVILLE (Olivier), Op.Cit.pp. 89-98.
30
internationaux relatifs aux droits de l'homme auxquels les
Etats sont parties ainsi que les instruments autres que des conventions
adoptés au sein des Nations Unies, les enquêtes qu'ils
mènent ne sont pas des enquêtes judiciaires74.
L'Examen au fond des pétitions et Communications,
à l'issu d'éventuelle enquêtes, se conclut par un avis
rendu par les rapporteurs et groupes de travail qui est une décision
qualifiant et révélant les violations de la DUDH pour les Etats
non parties au Pacte. Dans le cadre du groupe de travail sur la
détention arbitraire, les exemples ci- après méritent
d'être retenus : Avis n° 3/1998, R-Simon c.
Erythrée, 1er octobre 1997 ; E/CN.4/1999/63/Add.1, p11 ;
avis n°17/1999, Liu Xiaobo c. Chine, 15 septembre 1999,
E/CN.4./2000/4Add. 1,71.La décision révèle
également la violation du PIDCP si l'Etat est partie au pacte à
l'exemple des avis N°7/1998, Ngoc An Phan c. Vietnam du 12
août 1997, E/CN.4/1999/63/Add.1, p 21 et n°5 (1999, Khemoisksila
c. Tunisie du 20 mai 1999, E/CN.4/2000/4/Add.1,p3675.
Tous les avis s'accompagnent d'une recommandation faite et
adressée à l'Etat de « prendre les mesures utiles ou
nécessaires pour remédier à la situation ». Ils
font l'objet d'une publication dans les rapports annuels adressés
à la Commission dont les conclusions dressent l'état des lieux et
livrent les appréciations finales des groupes de travail et des
rapporteurs de la situation au terme de l'enquête76. Le nombre
de plaintes reçues et examinées par les groupes de travail
remonte à des milliers77.
Leur action permet ainsi d'exercer une pression politique sur
les gouvernements coupables de violations graves et systématiques dans
ces domaines qui espéraient éviter tout droit de regard de la
Communauté internationale. Les résultats de telles
procédures ne sont donc pas négligeables car ils forcent, par la
qualité des enquêtes et la motivation en droit, le respect des
droits de l'homme et aboutit au minimum de contrôle qui gêne les
Etats78. La fonction peut parfois s'avérer salutaire surtout
lorsqu'il y a urgence.
74 Le système des droits humains à
l'ONU : bilan 1998, Procédure spéciales de la Commission des
Droits de l'homme (
http://www.hri.ca/fortherecard1998/graphics/head-vol1.gif)
75 SUDRE(Frédéric), 5e
Edition, Op.Cit., p.502.
76 DE FOURVILLE (Olivier), Op.Cit., pp.98-113.
77 Pour les années 1995 à 1998, le
Groupe de travail sur la détention arbitraire a examiné, par
exemple, 1904 cas de détentions ; déclarant 1126 cas de
détention arbitraire, 19 cas de détention non arbitraire et
classant 167 cas du fait de la libération des intéressés
(E/CN.4/1998/44)
78 ALLAND (Denis), 5e Edition, Op.Cit.,
p.599.
31
B - Procédures d'intervention d'urgence
Les communications adressées aux mécanismes qui
viennent d'être analysés contiennent quelques fois les
informations sur les violations des droits de l'homme en passe d'être
commises ou qui viennent à peine de se commettre.
Elles peuvent, en effet, concerner une exécution
sommaire imminente, une torture sur des personnes détenues, l'absence de
soins à un détenu dans un état grave ou qu'une disparition
vient avoir lieu. Dans une telle situation, le rapporteur spécial ou le
président d'un groupe de travail peut adresser aux autorités de
l'Etat concernés un message par fax ou par télégramme
demandant des éclaircissements sur les cas en question.
Il invite instamment le gouvernement concerné à
prendre les mesures nécessaires pour garantir les droits de la victime
présumée.
Ces appels ont un caractère préventif et ne
préjugent pas des conclusions finales qui doivent être
établies, en principes, après les enquêtes
effectuées à ce sujet79. La procédure n'est ni
juridictionnelle ni quasi-juridictionnelle mais il s'agit, plutôt, d'une
forme de mesure de « référé »,
c'est-à-dire d'une décision provisoire dépourvue de toute
force juridique obligatoire à l'égard de l'Etat en question mais
dont, dans la pratique, les interventions produisent certains effets dans bon
nombre de cas.
Eu égard à tout ce qui précède, il
sied de constater que le système des « procédures
spéciales » est une réalisation majeure de la CDH,
partant, des Nations Unies en général. Les experts
indépendants, décrits comme « yeux et les oreilles » de
la commission, jouent un rôle essentiel dans la mise en oeuvre des normes
internationales relatives aux droits humains et au renforcement de leur
protection tant au niveau national qu'international.
En 2004, rapporte Amnesty international, les procédures
spéciales ont fourni 90 rapports à la Commission et ont
présenté 20 autres à l'Assemblée
Générale. Ils se sont rendus dans 40 pays et ont correspondu avec
164 Etats à propos des violations des droits humains touchant des
milliers de personnes80. Paul MEYER n'hésite pas à le
confirmer en déclarant : « les procédures
spéciales de la Commission des droits de l'homme sont cruciales dans nos
efforts
79 Voir Haut-commissariat des Nations Unies aux
Droits de l'homme, Procédure « d'intervention d'urgence »
suivi par les mécanismes extraconventionnels (
http://www.unhchr.ch)
80 Amnesty International, AI: IOR
40/OO8/2005,Op.Cit.
32
en vue de faire avancer les droits de la personne à
l'échelle internationale. Elles sont le fer de lance de la promotion et
de la protection des droits de la personne »81.
Alors que l'Assemblée Générale, le
Conseil Economique et social et leurs organes
subsidiaires (intergouvernementaux) consacrent un temps et une
attention plus grande à surveiller l'application des normes relatives
aux droits de l'homme énoncées dans toutes les conventions,
déclarations et recommandations internationales de façon globale,
un certain nombre d'organes spécialisées ont été
établis à la seule fin de surveiller l'application des
conventions particulières par les Etats qui les ont ratifiées et
y ont adhéré82 ; les procédures plus
précises sont établies dans les textes eux-mêmes. Ce qui
fait qu'elles varient d'un instrument à l'autre.
Dans la présente étude, il est question de
l'analyse des mécanismes relatifs à la mise en oeuvre du Pacte
international relatif aux droits civils et politique (PIDCP), à savoir,
le Comité des Droits de l'Homme.
Section II : Garantie des droits de l'homme sous le
Pacte international relatif aux droits civils et politiques : le Comité
des droits de l'homme
Le 16 décembre 1966, par la Résolution 2200 A
(XXI), l'Assemblée Générale de l'ONU adoptait trois
instruments à valeur de traité, c'est-à-dire obligatoires
à l'égard des Etats qui les auront ratifiés. Il s'agit du
Pacte international relatif aux droits civils politiques (PIDCP), du Pacte
International relatif aux droits économiques, sociaux et culturels
(PIDESC) et du Protocole facultatif se rapportant au premier Pacte dont l'objet
est de préciser et de développer les droits reconnus dans la
DUDH83.
Le PIDESC n'étant pas garanti d'une grande
effectivité parce que la réalisation des droits qu'il
reconnaît dépend, avant tout, des ressources économiques
des Etats, il se borne à énoncer des objectifs ou des standards
plutôt que des engagements précis et contraignants. Il en va
autrement du PIDCP qui « renferme un catalogue fort
élaboré de droits concrets et
81 Déclaration de Paul MEYER, Ambassadeur et
chef de la délégation, prononcée lors de la
61ième session de la Commission des droits de l'homme au nom
de l'Australie, le Canada et de la Nouvelle-Zélande sur le point 18 :
Fonctionnement efficace des mécanismes de protection, 18 avril 2005
(http://www.dfait-maesi.gc.ca/
Canada-un/geneva/site/image/hebder-fr.9pg)
82 Nations unies, activités de l'ONU
dans le domaine des droits de l'homme, New-York, Centre pour les droits de
l'homme, 1992, p.25.
83 ERGEC (Rusen), VELU (Jacques), La Convention
européenne des droits de l'homme, Bruxelles, Bruylant, 1990,
p.29.
33
effectifs » dont l'exigibilité est
immédiate et dont lesdits droits concernant les individus non les
groupes.
Le contrôle international des obligations souscrites en
adhérant tant au PIDCP qu'au Protocole facultatif s'y rapportant
s'effectue par des mécanismes qui furent ouverts à la signature
des Etats. Il s'agit, d'abord de la soumission par les Etats parties des
rapports périodiques (Paragraphe I) et, ensuite du contrôle sur
plaintes (Paragraphe II) qui porte sur les faits précis constituant une
violation alléguée d'obligations conventionnelles. Les deux
techniques sont utilisées devant le « Comité des droits de
l'homme »84, organe de contrôle crée en vertu des
articles 28 et suivants du PIDCP, composé de 18 membres ressortissants
des Etats parties et élus par eux pour quatre ans qui siègent
à titre individuel et doivent posséder une compétence
reconnue, dans le domaine des droits de l'homme.
Paragraphe I : Le système des rapports
périodiques : un dialogue constructif avec les Etats
En tant qu'organe de « conseil et surveillance », le
Comité des droits de l'homme a pour fonction principale l'examen des
rapports présentés par les Etats parties « sur les mesures
qu'ils auront arrêtées et qui donnent effet aux droits reconnus
dans le (...) Pacte et sur les progrès réalisés dans la
jouissance de ces droits ». Le texte n'ajoute que les « rapports
devront indiquer, le cas échéant, les facteurs et les
difficultés qui affectent la mise en oeuvre des dispositions du
présent pacte »85.
Marie-Odile MAURIZE indique que « l'une des
premières tâches du Comité a été
d'énoncer des règles pour la présentation et
l'étude de ces rapports. La procédure d'examen se
déroulant en séance publique prend la forme d'un dialogue entre
les membres du Comité et ceux de la délégation de l'Etat
concerné : Le Comité adresse une liste de points au gouvernement,
les représentants de ce dernier y répondent durant la
séance »86. « C'est par ces questions et les
demandes d'explication qui leur sont adressées que le Comité fait
ressortir des problèmes de non application du Pacte et attirer sur eux
l'attention de
84 Le système de surveillance des
traités est constitué de six organes de contrôle à
savoir les Comités des droits de l'homme ; des droits
économiques, sociaux et culturels ; pour l'élimination de toute
forme de discrimination à l'égard des femmes ; contre la torture
; des droits de l'enfant.
85 Article 40 du PIDCP et 66 du règlement
d'ordre intérieur du CDH, CCPR/C/3 rés.6 du 24 /04/2001
86 MAURIZE (Marie-Odile), Au-delà de
l'Etat. Le droit international et la défense des droits de l'homme,
Paris, Amnesty International, 1992, p.6.
34
L'Assemblée Générale des Nations
Unies ainsi que d'autres Etats parties au Pacte »87,
renchérissent Thomas BUERGENTHAL et Alexandre KISS.
Il s'avère alors, de l'avis du professeur Tunguru
HUARAKA88, que « la procédure de présentation
des rapports sert à promouvoir et à assurer l'exercice des droits
et libertés fondamentales concernés ou bien, le cas
échéant, à mettre fin à tel ou tel abus ».
Ainsi, poursuit-il, le Comité examine très attentivement les
rapports à la lumière des obligations incombant aux Etats parties
en vertu du Pacte en soumettant lesdits Etats visés à une
interrogation serrée.
Pour cela, bien que n'étant pas un organe judiciaire,
le Comité est composé de juristes internationaux éminents
qui se réfèrent à d'autres pour évaluer le rapport
soumis à l'examen.
A titre illustratif, lorsque le Comité a
examiné, en 1979 « le premier rapport du chili
»89 de nombreux membres se sont
référés aux rapports du groupe de travail spécial
de la Commission des droits de l'homme chargé d'enquêter sur la
situation des droits de l'homme au Chili ainsi qu'aux Résolution de
l'Assemblée Générale des Nations Unies90. Le
dialogue institué par le comité avec les Etats permet une
confrontation de la législation et de la pratique interne avec les
dispositions du Pacte (par exemple, sur le statut de la femme marocaine ;
rapport du Maroc, A/37/40, P33 ; voir aussi le rapport de la France,
CCPR/C/76/Add.7 du 15 mai 1997)91.
C'est à l'issue de cette procédure que le
Comité adresse aux Etats intéressés ses propres
observations en notant les aspects positifs, en soulignant ses sujets de
préoccupation avant de formuler finalement des recommandations et
suggestions à chaque Etat dont le rapport a été
présenté et examiné. A en croire le professeur J-Maurice
ARBOUR, « toute la philosophie du système repose sur
l'établissement et le maintien d'un dialogue constructif et non de juger
l'Etat au terme d'un acte d'accusation »92.Par le moyen
des « Observations générales » prévues
par l'article 41(1) du pacte, le Comité procède ainsi à
l'interprétation de chacune des dispositions dudit Pacte, à
l'actualisation des interprétations et va même jusqu'à
préciser sa pensée relativement à des questions
liées à un article particulier.
87 BUENGERTHAL (Thomas) et KISS (Alexandre), Op Cit.,
p.26.
88 HUARAKA (Tunguru), « les droits civils et
politiques », in BEDJAOUI (Mohamed) (Rédacteur
général), Droit international. Bilan et perspectives,
Tome 2, Paris, Pédone, 1991, p 1148.
89 Document des Nations Unies CCPR/C/1/Add.25 et
40.
90 Documents officiels de l'Assemblée
Générale des Nations Unies, 34e session,
suppl/N°40 (A/34/40), pp 17-28
91 SUDRE (Frédéric), Op.Cit.,p.497.
92 ARBOUR (J-Maurice), Droit international
public, 3e Edition, Québec, Yvon Blais Inc, 1997,
pp.371-372.
35
Ce rôle que le Comité se reconnaît pour
«dire le droit » lui permet non seulement de faire oeuvre
d'interprétation mais également de développement des
dispositions dont il doit assurer le respect, souligne le professeur
Abdelfattah AMOR93. Comme le précise le professeur Maurice
GLELE-AHANHANZO, le but des observations générales est de faire
bénéficier tous les Etats parties de l'expérience ainsi
acquise, pour les inciter à continuer à appliquer le Pacte,
d'appeler leur attention sur des insuffisances que font apparaître un
grand nombre de rapports, de suggérer certaines améliorations
dans la procédure de présentation des rapports, et de stimuler
les activités de ces Etats et des organisations internationales qui ont
pour objet de promouvoir et de protéger les droits de
l'homme94.
Elles précisent la portée et la nature des
droits énoncés et leurs modalités d'application et le
Comité en fait une utilisation dynamique. Elles apparaissent, dès
lors, comme sources de la seule interprétation autorisée du PIDCP
et bénéficient d'une autorité morale dont s'est
doté le Comité dans l'exercice de sa fonction de contrôle
sur plainte parce qu'elles sont faites sans complaisance et sont souvent
accablantes (exemple : Nigeria, A/51/40, vol II, 1996)95.
A ce titre, l'interprétation du Pacte à l'aide
des observations générales est devenue l'une des tâches les
plus importantes du Comité des droits de l'homme.
Les conclusions qui en sont tirées sont les suivantes :
les Etats ne sont plus totalement souverains pour interpréter le Pacte,
le Comité institué spécialement pour veiller au respect de
Pacte est autrement habilité à interpréter et à en
définir la portée et les limites, les interprétations sont
imputables au Pacte et que les Etats ne peuvent, en conséquence, s'y
soustraire à moins d'une réserve jugée acceptable par le
Comité lui-même. Ce faisant, le Comité fait oeuvre
juridique, ce qui n'est pas sans rappeler celle qu'assure le juge dans le cadre
de l'accomplissement de sa fonction et qui lui permet par la technique de
l'interprétation de faire, aussi, oeuvre de création de
normes96.
Cette belle oeuvre prétorienne apparait ainsi comme
l'apport le plus appréciable du Comité à la protection et
à la promotion des droits de l'homme. En principe, les Etats parties au
Pacte ont l'obligation de soumettre chaque année les rapports au
Comité des droits de l'homme pour
93 AMOR (Abdelfattah), « le Comité des
droits de l'homme des Nations Unies-Aux confins d'une juridiction
internationale des droits de l'homme » In ANDO (Nisuke) (Editor),
Towardsimplementinguniversalhumanrights. Festischft for the twenty-
fifthanniversary of the humanrightscommitee, vol. 18, The wallenberg Institute
HumanRights Library, Leiden/Boston, MartinusNijhoffPublishers, 2004, pp.
49-50.
94 GLELE-AHANHANZO (Maurice), « Un Zoulou au
palais Wilson », In ANDO (Nisuke) (Editor), Op.Cit.,p.63.
95 SUDRE ( Frédéric), idem, pp
497-498
96 AMOR (Abdel fattah), Op.Cit, p.51.
36
que ce dernier s'acquitte efficacement de ses fonctions en
vertu de l'article 40. Cette procédure est présentée par
le professeur Patrick WACHSMANN comme la moins contraignante pour les
Etats97. Le professeur Jacques MOURGEON98 aborde dans le
même contexte en estimant que le moyen d'action de la procédure
d'examen du Comité en matière de rapports dus à la
négligence ou à la mauvaise volonté des Etats. En effet,
le Comité est confronté à un problème de rapports
en retard en dépit de l'application des directives
révisées pour leur établissement et d'autres
améliorations importantes apportées aux méthodes de
travail.
Ainsi, chaque année, le Comité dresse dans son
rapport à soumettre à l'Assemblée générale
de l'ONU un tableau des principaux Etats en retard. Au 31 Juillet 2004, par
exemple, il déplore que : « 45 Etats parties au Pacte
étaient en retard de présentation de leurs rapports parmi
lesquels 18 initiaux. Ce qui l'empêche de s'acquitter convenablement des
fonctions de contrôle qui lui incombent et qui l'ont poussé
à se réserver la possibilité de rendre publique une liste
des Etats en retard à la fin de chacune de ses sessions
»99. Dans son rapport annuel 1999, Amnesty International a
fustigé que certains Etats continuaient à l'instar des
années précédentes, de négliger les obligations
nées des traités en s'abstenant à, mettre en oeuvre les
recommandations formulées à leur intention sur la situation des
droits humains.
Les pays qui devraient soumettre les rapports sont notamment,
l'Algérie, l'Allemagne, la Belgique, la Croatie, la France, le
Guatemala, Israël, l'Italie, le Japon, le Pérou, le Royaume - Uni
et la Tunisie. Pour cette ONG, le Comité des droits de l'homme a
souligné, en ce qui concerne les questions relatives à
l'application des dispositions du Pacte, que les conditions de détention
dans les prisons Japonaises s'apparentaient à un traitement cruel,
inhumain ou dégradant et a exhorté ce gouvernement à
restreindre le champ d'application de la peine de mort100. L'on
comprend donc que « l'obligation de soumettre un rapport à un
organe conventionnel n'est pas associée à l'obligation de
remédier à toutes les violations dont l'existence pourrait
être décelée au cours de l'examen de ce rapport
»101.
97 WACHSMANN (Patrick), Libertés
publiques, 3e Edition, Paris, Dalloz, 2003, p.220.
98 MOURGEON (Jacques) Cité par TAVERNIER
(Paul), « destin du pacte international relatif aux droits civils et
politiques vingt ans après son entrée en vigueur » in
pouvoir et liberté. Etudes offertes à Jacques MOURGEON,
Bruxelles, Bruylant, 1998, pp.484-485.
99 La Gambie est en tête avec 19 ans de
retard pour son deuxième rapport et la Guinée Equatoriale accuse
un retard de 15 ans pour son rapport initial. Voir Nations Unies, Rapport
du Comité des droits de l'homme, Complément N°40
(A/59/40), Vol. 1, New York, novembre 2004, pp13-16.
100 Amnesty International, rapport 1999, Editions Francophones,
p.47.
101 Nations, les Nations Unies et les droits de l'homme,
Op.Cit, p.60.
37
Mais il est encourageant de constater et de noter qu'un grand
nombre d'Etats ont donné la preuve qu'ils prenaient au sérieux
leurs obligations au titre des instruments relatifs aux droits de l'homme en
modifiant leurs législations ou leurs pratiques pour répondre aux
préoccupations du Comité des droits de l'homme. L'autre volet du
système de contrôle institué par la Pacte est
représenté par les communications ou les plaintes qui donnent au
Comité des droits de l'homme la qualité pour connaitre des
atteintes précise aux droits énoncés dans le Pacte.
Paragraphe II : Le contrôle sur plaintes
Contrairement à la procédure de
présentation des rapports qui possède un caractère
obligatoire, le contrôle sur plaintes est facultatif, c'est-à-dire
que les Etats parties doivent faire des déclarations explicites qui
reconnaissent la compétence du Comité pour recevoir et examiner
des communications102.
De plus, outre un certain nombre de critères classiques
de recevabilité communs aux procédures internationales de
règlement tels que les critères ratione materiae et ratione
temporis, la recevabilité des plaintes est subordonnée à
la condition d'épuisement des voies de recours internes. Cette
règle traditionnelle a pour finalité de réaffirmer le
caractère subsidiaire des recours internationaux. Le système de
contrôle sur plainte est constitué par une procédure de
conciliation (A) qui repose sur l'examen des communications d'Etat à
Etat ainsi que la procédure relative aux pétitions
individuelle(B). Les deux procédures sont traitées
séparément. La première se fait dans le cadre du Pacte
tandis que la seconde se rapporte au Protocole facultatif annexé au
premier.
A-La procédure de conciliation : plaintes
étatiques
En application de l'article 41 du Pacte, un Etat partie peut
saisir le Comité d'une communication contre un autre Etat partie s'il
estime que ce dernier ne s'acquitte pas de ses obligations au titre du Pacte.
La procédure mise en place ménage totalement les droits de l'Etat
souverain car elle ne fonctionne que sur base de réciprocité. Les
communications adressées au Comité en vertu dudit article fait
l'objet d'une procédure spéciale qui se déroule en deux
temps. D'abord, l'Etat partie qui estime qu'un autre n'applique pas les
dispositions du Pacte attire l'attention de ce dernier sur la question. L'Etat
destinataire de la
102 Voir article 1er du Pacte international relatif
aux droits civils et politiques, article 76(a) du règlement d'ordre
intérieur du Comité des droits de l'homme et article
1er du protocole facultatif relatif aux droits civils et
politiques.
38
communication écrite est tenu, dans les trois mois, de
fournir à l'Etat plaignant « des explications ou toutes autres
déclarations écrites élucidant la question ».
S'ouvre alors une période de six mois pour permettre
aux Etats en question de trouver un règlement amiable. En cas
d'échec, chaque Etat peut alors, unilatéralement saisir le
Comité des droits de l'homme. Une fois saisi, et après
s'être assuré de l'épuisement des voies de recours interne,
le Comité met, ensuite, ses bons offices à la disposition des
parties pour parvenir à une solution. Cette deuxième étape
marque le début de la procédure de conciliation qui a une nature
diplomatique. En effet, de l'avis du professeur Frédéric
SUDRE,« le mécanisme de contrôle instauré par
l'article 41 n'a pas pour objet de juger un Etat à la demande d'un autre
mais de concilier les points de vue divergents quant à une
appréciation de la conformité au Pacte du comportement d'un Etat
»103. Le rôle du Comité, ajoute le professeur
Rusen ERGEC, se borne ainsi à« établir les faits et, le
cas échéant, avec l'accord des parties ; peut désigner une
commission ad hoc de conciliation composée de cinq experts
indépendants qui cherche à obtenir un règlement amiable du
différend dans les douze mois qui suivent »104.
A la fin, en cas de succès, comme en cas d'échec
de la tentative de conciliation, le comité et/ou la commission ad hoc
rédigent un rapport qui, soit expose les faits et la solution intervenue
(en cas d'accord), soit relate les faits et l'accompagne d'observations
écrites et orales des deux parties (en cas d'absence d'accord).
Les parties ont la liberté d'accepter ou de refuser ce
rapport qui marque la fin de la procédure et qui est publié dans
le rapport annuel du comité des droits de l'homme105. En
pratique, depuis leur entrée en vigueur le 28 mars 1979, les
dispositions de l'article 41 instaurées par le Pacte ne fonctionnent
pas, les Etats ayant toujours refusé de les mettre en oeuvre. Le
mécanisme n'a donc jamais été utilisé. Et
Agnès DORMENVAL justifie cette inapplication des plaintes
interétatiques à l'ONU par le fait qu'« elles comportent
en elle, dans leur propre principe même, un risque élevé
d'entraîner de mauvaises relations bilatérales
»106.
Pour Gérard COHEN-JONATHAN, « le recours
interétatique concerne, en principe, des violations
générales ou systématiques des droits de l'homme dans le
cadre universel » et pour ce genre de situations, poursuit-il, les
Etats semblent préférer s'en remettre aux organes dits
103 SUDRE (Frédéric), Op.Cit., p.422.
104 ERGEC (Rusen), Op.Cit., p.41.
105 BUENGENTHAL (Thomas) et KISS (Alexandre), Op.Cit., p.27.
106 DORMENVAL (Agnès), Procédures onusiennes
de mise en oeuvre des droits de l'homme : limite ou défauts. Paris,
PUF, 1991, p.51.
39
« politiques » comme la Commission des droits de
l'homme plutôt qu'aux organes « techniques »107. On
retiendra de tout ce qui précède que, d'une part, le
système des rapports n'offre pas le réel recours aux victimes et
ne garantit pas vraiment le respect des normes existantes. D'autre part, la
procédure des communications interétatiques est complexe et
largement inefficace même si son exercice ne présuppose pas la
démonstration d'un intérêt de la part de l'Etat plaignant.
Ainsi, pour mieux assurer l'accomplissement des objectifs et finalités
du Pacte, la plainte individuelle constitue l'ultime recours pour la protection
des droits et libertés fondamentaux.
B-Des pétitions ou communications individuelles
: un ultime recours
Lors des travaux préparatoires du Pacte, il fut
beaucoup discuté sur la compétence du Comité à
examiner des communications individuelles. Un délégué
avait souligné que « l'individu étant victime de toute
violations des droits, il devait être habilité à
déposer une plainte et à obtenir réparation
»108. La raison même montre qu'une sauvegarde
efficace des droits de l'homme a pour condition l'existence d'un recours
individuel contre leur violation. Ainsi, finalement et à une courte
majorité, il fut décidé d'y consacrer un traité
séparé, le « Protocole facultatif se rapportant au pacte
international relatif aux droits civils et politiques » ouvert à la
ratification des Etats parties au Pacte.
La reconnaissance du droit de pétition individuelle
constitue le mécanisme d'application le plus avancé. Karel VASAK
souligne que les communications individuelles reconnues en vertu du Protocole
facultatif ne sont pas de véritables recours contentieux, du fait
qu'elles permettent d'engager une « instance mixte » : ni
administrative, ni judiciaire, ni diplomatique. Elles ne constituent pas de
véritables« actes introductifs d'instance judiciaire
»109.
Les Etats qui en deviennent parties contractantes (ils sont au
nombre de 53 au 31 juillet 2004) reconnaissent que le Comité des droits
de l'homme a compétence pour recevoir et examiner des communications
émanant des particulier relevant de leur juridiction, qui
prétendent être victimes, par cet Etat, de la violation de l'un
quelconque des droits énoncés dans le Pacte, à condition
d'avoir épuisé tous les recours internes110. On aura
remarqué que seuls les
107 COHEN-JONATHAN (Gérard) « Quelques
observations sur le Comité des droits de l'homme des Nations Unies
» in Humanité et droit international. Mélange
René-Jean DUPUY, Paris, Ed.A. Pédone, 1991, pp 87-88
108 HUARAKA (Tunguru), Op.Cit., p.1149.
109 VASAK (Karel) cité par COLARD (Daniel) et BECET
(Jean-Marie), Les droits de l'homme. Dimensions nationales et
internationales, Paris, Economica, 1982, p.247.
110Cfr Article 1er et 2 du protocole
facultatif aux droits civils et politiques in DE SCHUTTER (Olivier) et Alli,
Op.Cit.,p.34.
40
« particuliers » peuvent saisir le
Comité, ce qui exclut les groupements, à savoir notamment les
associations, les ONG, ou les sociétés commerciales.
Il faut, en outre, que le particulier établisse sa
qualité de « victime » de la violation alléguée
ce qui exclut l'actio popularis. La victime peut être un ressortissant ou
un étranger, pourvu qu'elle se trouve, au moment de la violation,
à un lieu sous le contrôle de l'Etat (sur ou en dehors de son
territoire). Mais l'article 90 (1) du règlement intérieur du
Comité autorise la présentation d'une communication commune
à plusieurs, sous réserve que chacun des particuliers ait un
intérêt personnel à agir (voir : n°196/1985, Ibrahima
Gueye et 172 autres retraités sénégalais de l'année
française c. France, déc. 3 avril 1989). En vertu de l'article 5
du Protocole, le Comité « examine les communications en tenant
compte de toutes les informations écrites qui lui sont soumises par le
particulier ou l'Etat intéressé ». Il faut donc
l'existence d'une violation ou d'un risque suffisant dépassant
« le cadre des possibilités théoriques
»111.
Lorsqu'une communication a été
déclarée recevable112, le Comité demande
à l'Etat qui y est mis en cause de lui fournir des explications ou des
éclaircissements sur le problème et d'indiquer s'il a pris une
mesure pour y remédier. L'Etat dispose d'un délai de six mois
pour faire connaître sa réponse qui peut être
commentée par l'auteur de la plainte. Le Comité formule alors ses
conclusions, qu'il communique à l'Etat en question et à l'auteur.
Pendant toute la procédure, le particulier comme l'Etat
bénéficient d'un traitement égal de la part du
Comité : chacun formule des observations sur les arguments de
l'autre113.
La politique du Comité en matière de
recevabilité est plus libérale. En effet, environ 40% des
communications individuelles sont déclarées
recevables114. L'examen du fond qui respecte la procédure
contradictoire est confidentielle. Après avoir siégé
à huit clos, la procédure d'examen du Comité se termine
par des « constatations » dans lesquelles il « fait
part à l'Etat partie intéressé et au particulier »
de la décision finale. Les constatations, bien que n'ayant de
contrainte juridique sur les Etats, jouissent d'une autorité morale
indéniable ou, si l'on veut,
111 BOUKONGOU (Jean Didier), « Le droit international des
droits de l'homme : mirage ou protection juridique ? » In Annales de
la faculté des sciences Juridiques et Politiques, Université
de Dschang, Tome 1, vol 1, Yaoundé, l'Africaine d'édition et de
service, 1997, pp 111-112.
112 Outre les conditions de recevabilités classiques
mentionnées, le Comité ne peut pas examiner une affaire pendante
devant une autre instance internationale d'enquête ou de
règlement, si la plainte est incompatible avec les dispositions du
texte, si la communication est anonyme ou constitutive d'un abus (Articles 2
à 5 du Pacte).
113 Lire à ce sujet : Nations Unies, Fiche
d'information N°7, Op.Cit., pp 10-10 ; Fiche d'information N°15,
Op.Cit., pp 480-481
114 SUDRE (Frédéric), 5eEdition,
Op.Cit., pp 480-481
41
d'une « autorité dès la chose
constatée », à défaut de pouvoir parler d'une
« autorité de la chose jugée
»115.
L'article 2 du Pacte énonce, en effet, les obligations
des Etats parties vis-à-vis des individus en tant que titulaires des
droits garanties par celui-ci. Il définit la portée des
obligations juridique contractées par les Etats partie au Pacte et
impose à ceux-ci l'obligation générale de respecter les
droits y énoncés et de les garantir à tous les individus
se trouvant sur le territoire et relevant de leur compétence. Et
conformément au principe énoncé à l'article 26 de
la Convention de Vienne sur le droit des traités (Cfr supra : note 34),
les Etats parties sont tenus de s'acquitter de bonne foi des obligations
découlant du Pacte. Le résultat est que les Etats parties
doivent, en vertu de ces deux dispositions, prendre toutes les mesures d'ordre
législatif, judiciaire, administratif, éducatif et autres
appropriées pour s'acquitter de leurs obligations juridiques et donner
effet immédiat et absolu aux droits reconnus dans le Pacte.
A cet égard, aucune considération d'ordre
politique, social, culturel ou économique interne ne saurait justifier
le non-respect de cette obligation116. Comme le Comité est
investi par le protocole de la mission d'examiner les communications relatives
à la violation d'un droit protégé par le Pacte et de se
prononcer contre cette violation ; il juge que « l'Etat partie est
tenu de prendre des mesures appropriées pour donner un effet juridique
aux constatations concernant l'interprétation et l'application du Pacte
dans des cas particuliers soumis au titre du Protocole pour avoir
accepté, pour sa part, l'obligation juridique de donner à leurs
dispositions »117.
La jurisprudence du comité dénote la
volonté d'étendre la protection des individus et de leur
conférer un caractère effectif. A sa façon, elle contribue
à l'élaboration d'un droit international des droits de l'homme et
à la consolidation des règles coutumières dans ce
domaine.
115 ERGEC (Rusen), Op.Cit., p.44.
116 Observation générale N°31 : La nature
de l'obligation juridique imposée aux Etats parties (adoptée
à la 2187e séance, le 29 mars 2004), Quatre-
vingtième Session du Comité des droits de l'homme §2,3, 10
et 14
117 Par exemple, dans certaines affaires, le Comité a
recommandé aux autorités de prendre des mesures efficaces pour
remédier aux violations en s'assurant que les victimes peuvent utilement
contester ces violations devant les tribunaux et accorder une réparation
aux auteurs des communications (les Affaires Wilson c philippines pour
violation des articles 7,9 et 10, N°868/1999, 30 octobre 2004 ; Mulezi c
République Démocratique du Congo pour violation des articles
6,7,9 (1,2,et 4), 10(1) et 23, N°962/2001, 6 juillet 2004 ; Khomidhov c
Tadjikistan pour violation des articles 7,9 et 14 (1,3 a,b,e et g) lus
conjointement avec l'article 6, N°1011/2002, 29juillet 2004 ; Ahani c
Canada pour violation des articles 9 (4) et 13 conjointement avec l'article 7,
N°1051/2002, 29 mars 2004 ; Madafferi c Australie pour violation des
articles 10 (1), 17 (1) lu conjointement avec l'article 23 ainsi que l'article
24, N°1011/2001, 28 Juillet 2004)
42
De plus, le Comité s'efforce de surveiller
l'exécution de ses « décisions » A cette fin, à
la suite des mesures adoptées à sa 39e session en
1990, il inclut dans sa constatation une invitation forte à l'Etat
d'informer dans un délai de trois à six mois de toutes les
mesures prises pour y donner suite (Yung c. Australie, A/58/40,
N°941/2000 ; Adrien MundyoBusyo, Thomas UtsudiWongodi, René Sibu
Matubuka et consort c. République Démocratique du Congo,
N°933/2000, A/58/40). L'efficacité de la procédure de
suivi a été renforcée en 1994 : les rapports annuels
comportent désormais une section distincte sur les activités de
suivi des constatations au titre du Protocole facultatif, identifiant
clairement les Etats parties qui n'ont pas coopéré avec le
rapporteur (la Jamaïque, le Madagascar, le Surinam et la RDC (ex
Zaïre) pour 1994 et la Colombie, le Guyana, le Togo notamment pour
1998).
Dans son rapport annuel portant sur la période allant
du 1er août 2003 au 31 juillet 2004 et sur les
79e,80e, 81esessions, le Comité des
droits de l'homme s'est félicité du caractère
étendu et approfondi de la coopération que cette procédure
a permis d'instaurer avec les Etats. En effet, sur les 27 Etats parties qui ont
fait l'objet de suivi, seulement un (la République de Moldova) n'avait
toujours pas fourni des renseignements malgré les rappels lui
adressés.
Le Comité réaffirme donc que cette
procédure constitue un mécanisme constructif qui permet de
poursuivre le dialogue entamé à l'occasion de l'examen d'un
rapport et de simplifier le processus d'établissement du prochain
rapport périodique par l'Etat partie118.
Cependant, environ 30% seulement des réponses sont
considérées comme satisfaisantes par le Comité en ce
qu'elles montrent que l'Etat partie est prêt à donner suite aux
constatations ou à accorder réparation aux
plaignants119. Si certains Etats font la sourde oreille, manifestant
un total désintérêt pour une procédure qu'ils ont
volontairement acceptée, d'autres affirment qu'ils n'appliqueront pas
les mesures demandées par le Comité. Pourtant,
l'efficacité ou la qualité d'un mécanisme dépend de
la mesure dans laquelle les droits de l'homme sont effectivement
respectés à travers l'exécution des décisions
prises par les organes internationaux de protection et de garantie dans le
droit interne.
D'où, il serait alors spécieux de conclure
à l'effectivité absolue de la protection internationale
universelle des droits de l'homme car il existe, malgré les
avancées ci haut évoquées, un fossé entre l'oeuvre
de codification, les mécanismes de contrôle mais en place et
l'effectivité souhaitée de leur pouvoir de protection dans la
pratique. Dans de nombreux cas, cependant,
118 Nations Unies, Rapport du Comité des droits de
l'homme, Op.Cit., pp 173-176.
119 SUDRE (Frédéric), Op.Cit., p.489.
43
les suites données aux constatations sont parfaitement
satisfaisantes. Ce qui démontre que même si ces carences sont de
nature à porter atteinte à la crédibilité du
Comité, il y a lieu de
bien distinguer le caractère obligatoire de la
constatation de son caractère exécutoire, ainsi que le souligne
le professeur Jean DHOMMEAUX120.
120 DHOMMEAUX (Jean), « Le Comité des droits de
l'homme : 25 ans d'expérience » In Liberté, justice,
tolérance. Mélange en hommage au doyen Gérard
Cohen-Jonathan, Vol. 1, Bruxelles, Bruylant, 2004, pp 664665.
44
CHAPITRE II : DES MECANISMES REGIONAUX
La présomption d'universalité dont
bénéficient les droits de l'homme n'a pas empêché la
création des mécanismes régionaux de protection des droits
de l'homme. Ces mécanismes ne s'érigent pas en concurrent des
instruments juridiques dits « universels », ils
représentent au contraire de puissants appuis à ces textes, mais
tout en tenant compte des spécificités identitaire et culturelle
de chaque région. « Ces mécanismes ajoutent une richesse
importante à la protection universelle en ce sens qu'ils le
complètent. En effet, la solution régionale ou continentale est
intéressante dans la mesure ou la nature et l'histoire, en minimisant la
diversité des systèmes socio-économiques, ont
engendré une conception commune des droits de l'homme
».121
L'analyse de contrôle des droits de l'homme au niveau
régional, se fera exclusivement sur les deux principaux systèmes
de protection à savoir : le Système Européen (Section I)
et le Système Africain de protection des droits de l'homme (Section
II).
Section I : Le Système Européen de
Protection des droits de l'homme
Le but du « Conseil de l'Europe »122 est,
principalement de promouvoir l'action commune des Etats membres dans le domaine
économique, social, culturel, scientifique, juridique et administratif.
Mais c'est la promotion des droits de l'homme, autre but assigné
à l'organisation, qui va le plus contribuer à son rayonnement
international. L'article 1er de son statut précise, en effet,
que la réalisation des objectifs communs aux Etats membres doit
s'effectuer dans le souci de « sauvegarder et promouvoir les
idéaux et les principes qui sont leur patrimoine commun » et
tout Etat désireux d'en devenir membre doit se conformer à
l'article 3 qui dispose : « tout Etat membre du Conseil de l'Europe
reconnait le principe de la prééminence du droit et le principe
en vertu duquel toute personne placée sous sa juridiction doit jouir des
droits de l'homme et des libertés fondamentales »123.
Le Conseil de l'Europe a un registre étendu d'activités. Ses
travaux l'ont conduit à l'élaboration de plusieurs
121
http://www.2.ohchr.org/french/bodies/hrcouncil/
122 Organisation internationale créée à
l'initiative de Wilson CHURCHILL le 5 mai 1949 à saint James (Londres)
et entrée en vigueur le 3 août 1949, le Conseil de l'Europe est
actuellement composé de 45 Etats membres (amendement d'avril 2003). Ses
organes sont le Comité des ministres et l'Assemblée consultative
aidés par le Secrétariat. Le Comité des ministres prend
des décisions à l'unanimité. Il est assisté de
nombreux comités d'experts qui préparent ses travaux et d'un
comité des délégués des ministres composés
de hauts fonctionnaires représentant les Etats. L'assemblée
consultative qui compte 333 membres a créé, pour sa part,
plusieurs Commissions en son sein. Elle est l'organe délibérant
et discute sur toute question répondant aux buts et rentrant dans la
compétence du Conseil de l'Europe. Elle formule aussi des
recommandations sur toute question qui lui est soumise par le Conseil des
ministres.
123 ERGEC (Rusen), Op. Cit., pp 97-98
45
conventions et accords. L'une de ses réalisations
maîtresse dans le domaine des droits individuels est la Convention
européenne pour la sauvegarde des droits fondamentaux communément
appelée Convention européenne des droits de
l'homme124. La garantie des droits dans le cadre européen est
établie par la Convention européenne des droits de l'homme qui
constitue sans nul doute aujourd'hui l'épine dorsale des droits de
l'homme pour l'ensemble de l'Europe (Paragraphe I) grâce à
l'existence d'un contrôle juridictionnel, fondement de
l'effectivité (Paragraphe II), que les individus, par-delà,
peuvent mettre en mouvement.
Paragraphe I : La Convention européenne des droits
de l'homme : Un instrument efficace de garantie
La Convention européenne des droits de l'homme,
signée à Rome le 4 novembre 1950 et entrée en vigueur le 3
septembre 1953 s'est inspirée de la Déclaration universelle des
droits de l'homme adoptée par l'Assemblée Générale
des Nations Unies le 10 décembre 1948. Sa genèse répond au
souci d'asseoir définitivement les valeurs démocratiques dans un
continent durement éprouvé par le totalitarisme Nazi. Elle
garantit les droits civils et politiques les plus fondamentaux. Dès
l'origine, le système de contrôle des droits de l'homme
institué par la Convention européenne des droits de l'homme se
démarque des règles classiques du droits international, en
particulier, la notion de garantie collective dont l'idée
générale est la recherche d'une certaine harmonisation
destinée à imposer des garanties minimales relativement aux
droits de l'homme. Les Etats, mais aussi les individus sous certaines
conditions, peuvent mettre en mouvement cette garantie
collective125. En outre, il implique un contrôle international
solidaire. A proprement parlé, la Convention ne « garantit »
pas des droits et libertés. Elle les reconnait. C'est-à-dire que
son but n'est pas de créer une garantie internationale assurée
par les Etats signataires eux-mêmes, mais plutôt une protection
desdits droits par des organes européens, indépendants des
gouvernements. Sans doute, à cette fin, des abondons de
souveraineté sont-ils inéluctables. Mais une protection s'impose
: toutefois, il ne s'agit pas de diminuer la souveraineté d'un Etat par
rapport à une autre mais de limiter plutôt la souveraineté
des Etats du côté du droit.126 La Convention
européenne des droits de l'homme avec son système de
contrôle et en tant qu'instrument constitutionnel supranational
124 Brochure « ABC de la diplomatie », s.d. (
www.eda.admin.ch/conten/eda/f/home/public/diplo.html)
125 RENUCCI (Jean-François), Droit européen des
droits de l'homme, Paris, LGDJ, 1999, p.410.
126 VELU (Jacques) et ERGEC (Rusen), Op.Cit., p.40.
46
(A), joue un rôle de l'ordre public européen (B)
dont dépend entièrement la stabilité démocratique
du continent.
A-Une Constitution plus qu'un traité
Ainsi, qu'il ressort de son préambule, la Convention
est conçue, du point de vue politique, comme un outil dont l'objet est
la réalisation d'une étroite des Etats européens. Dans
cette perspective, elle constitue un franc compromis entre les partisans de la
solution supranationale et les tenants d'un système de
coopération intergouvernementale. Elle est la représentation
parfaite d'une autorité politique européenne qui postule une
idéologie commune et est conçue, à cet égard, comme
un complexe normatif constituant le dénominateur commun des institutions
politiques des Etats européenne.
Ce qui ouvre ainsi la voie à des limitations de
souveraineté de plus en plus importantes, les Etats acceptant que
l'exercice de leurs fonctions souveraines, notamment la fonction
législative, puissent donner lieu à un contrôle par les
organes européens indépendants.127 La Convention
instaure un régime juridique objectif et emprunte sa physionomie
à l'ordre juridique supranational comme aux systèmes
constitutionnels internes. Pour le Professeur Paul TAVERNIER, citant le
professeur François OST : « on s'accordera à reconnaitre
que la Convention qui nous préoccupe est un traité d'organisation
et non de simple coexistence ou de coopération, il vise à jeter
les bases d'une communauté institutionnalisée dotée
d'organes investis de compétences spécifiques
»128.
Et à Eduardo GARCIA DE ENTERRIA, ancien juge de la Cour
européenne, de renchérir que la juridiction de Strasbourg «
située au-dessus des lois est le noyau même de la justice de
type constitutionnel, à ceci près que le critère des
arrêts n'est pas une constitution proprement dite mais la Convention, qui
en vient ainsi à faire office de constitution européenne
»129.Dans l'affaire Loizidou, à propos de la
validité des restrictions territoriales dont sont assorties les
déclarations de la Turquie relatives aux articles 25 et 46 de la
Convention, la Cour n'hésite
127 LAMBERT (Pierre), « Marge nationale
d'appréciation et contrôle de proportionnalité » In
SUDRE (Frédéric) (sous la dir.), Interprétation de la
convention européenne des droits de l'homme, Acte du colloque des 13-14
mars 1998 organisé par l'institut de droit européen des droits de
l'homme, Bruxelles, Bruylant, 1998, p.87.
128 TAVERNIER (Paul), « La Cour européenne des
droits de l'homme applique- t-elle le droit international ou un droit de type
interne ? » In TAVERNIER (Paul) (sous la dir), Quelle Europe pour les
droits de l'homme ? Bruxelles, Bruylant, 1996 pp 34-35.
129 GARCIA DE ENTERRIA (Eduardo), « valeur de la
jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme en droit
espagnol », Mélange WIARDA, 1988, p.221.
47
pas à qualifier « La Convention en tant
qu'instrument constitutionnel »130.L'opinion concordante
du juge JAMBREK, à propos de l'affaire Fisher rappelle le même
énoncé.
Toutefois, bien que la jurisprudence de la Cour de Strasbourg
s'oriente vers la consécration de la Convention européenne en
tant que constitution de l'Europe des droits de l'homme, il n'est pas certain
que cette Cour tire toutes les conséquences de telles analyses d'autant
plus que certaines réticentes se sont manifestées dans la
doctrine. Ainsi, le professeur Claude LOMBOIS avait souligné que la Cour
de Strasbourg est une juridiction chargée de faire respecter une
convention, qu'il y ait ou pas de société européenne, ni
de coutume européenne, mais seulement des Etats et que « seul
le pouvoir judiciaire interne participe à la gestion politique globale
de la société dont il procède ».
Quant au professeur Patrick WACHSMANN il a distingué le
rôle de la Cour de Strasbourg, qui est un juge international, de celui
d'un juge constitutionnel : « La Cour nous paraît (...)
confondre son rôle de juge international, agissant dans le cadre de la
Convention, avec le juge constitutionnel (...).Mais il ne faut oublier qu'il
existe une différence fondamentale entre la plupart des textes
constitutionnels relatifs aux droits fondamentaux et la Convention
Européenne des droits de l'homme. Avant tout soucieux d'opposer des
limitations aux pouvoirs politiques, les premiers s'attachent à
énoncer des droits, sans toujours estimer utiles d'en tracer avec
précaution les limites, tandis que la seconde, texte international qui
n'était acceptable par les Etats qu'à cette condition, a pris
soin de définir avec le maximum de rigueur possible le pouvoir de
limitations des droits reconnus aux Etats »131.
Mais malgré ces divergences qui démontrent que
des différences importantes, et peut-être même
fondamentales, subsistent entre la juridiction européenne et les
juridictions constitutionnelles, l'idée d'une constitution
européenne est de plus en plus développée dans la
doctrine, et l'on n'hésite plus à parler de l'émergence
d'une constitution européenne. Par conséquent, la Convention
européenne des droits de l'homme jouit d'une interprétation de
types fédéraliste (1) avec une très forte marge
d'appréciation (2) laissée aux Etats membres du Conseil.
130CfrCEDH, arrêt Loizidou c. Turquie
du 23 mars 1995, § 93.
131 Lire à ce sujet : TAVERNIER (Paul) (Sous la dir),
« Quelle Europe pour les droits de l'homme ? », Op.Cit., pp 35-36.
48
1-Une interprétation de type
fédéraliste
Le fédéralisme est la « technique
juridique de regroupement d'unités politiques dans un ensemble plus
vaste doté de compétences générales sans porter
atteinte à la spécificité des composantes ».
Au niveau international, il désigne le «
groupement d'Etats souverains en vue de l'exercice en commun de certaines
compétences, par eux déléguées à l'organisme
collectifs, lequel n'est pas un Etat »132. L'on sait
déjà que la Convention, en plus de son caractère «
d'instrument de droit international conventionnel »133,
est un instrument sui generis134. Elle instaure un
régime juridique objectif et emprunte sa physionomie à l'ordre
juridique supranational comme aux systèmes constitutionnels internes.
Les canons d'interprétation doivent s'infléchir
au contact de ces méthodes qui sont plus adaptées à cet
aspect spécifique de la Convention méthodes qui évoquent,
à certains égards, celles dont usent les cours constitutionnelles
nationales135. Comme dans la dernière optique, le droit de la
Convention se superpose, en quelque sorte aux droits internes. Ce qui confirme
le schéma fédéraliste. La Cour prend soin ; dans ses
arrêts, de souligner que son interprétation pose ainsi les jalons
de l'atténuation du « principe de subsidiarité
»136 de l'ordre Européen.
En effet, le professeur Paul TAVERNIER137 distingue
deux conceptions principales du principe européen de subsidiarité
qui s'oppose. D'une part, la subsidiarité de type international qui
soumet la saisine de la juridiction internationale à l'épuisement
des voies de
132 DEBBASCH (Charles) et allii, Lexique de politique,
7e édition, paris, Dalloz, 2001, p.168.
133 En cette qualité, elle est soumise aux
règles d'interprétation des traités communément
admises en droit international ; lesquelles sont inscrites aux articles 31
à 33 de la Convention de vienne de 1969 sur le droit des
traités
134 Qualification d'une situation juridique dont la nature
singulière empêche de la classer dans une catégorie
déjà connue. Voir GUINCHARD (Serge) et MONTAGNIER (Gabriel) (sous
la dir), Lexique des termes juridiques, 14e édition,
2003, p.550.
135 VELU (Jacques) et ERGEC (Rusen), Op.Cit., p.51.
136 L'article 35 (1) de la Convention dispose : « La Cour
ne peut être saisie qu'après épuisement des voies de
recours internes, tel qu'il est entendu selon les principes de droit
international généralement reconnus, et dans un délais de
six mois à partir de la date de la décision interne
définitive ». Le fondement de la règle d'épuisement
des voies de recours internes qui consacre le principe de subsidiarité
suppose qu'avant que les Etats ne soient tenus de répondre d'un acte
devant une juridiction internationale, il convient d'abord de leur offrir la
possibilité d'y remédier dans leur ordre juridique interne. Ce
n'est que lorsque la partie lésée aura vraiment tenté
d'utiliser toutes les voies de recours que l'ordre juridique de l'Etat lui
offrait, qu'elle peut légitimement aspirer à attraire l'Etat
devant une juridiction internationale. C'est pourquoi le mécanisme de
sauvegarde instauré par la Convention présente un
caractère subsidiaire par rapport aux systèmes nationaux de
garantie des droits de l'homme conformément à son article 13
137TAVERNIER (Paul), « L'étendue de la
compétence d'un organe de contrôle » In SUDRE
(Frédéric) (sous la dir), l'interprétation de la
Convention des droits de l'homme, Op.Cit., pp 184-187
49
recours internes dont le fondement est, pour le professeur
Etienne PICARD138, le principe de souveraineté et auquel
l'article 26 se réfère expressément. D'autre part, une
subsidiarité de type communautaire, voire fédérale qui
interprète l'article 26 comme une disposition qui viserait non pas
à protéger la souveraineté de l'Etat mais à assurer
la meilleure répartition des compétences entre les
systèmes nationaux de protection des droits de l'homme et le
système européen. Bien que la Cour semble encore s'en tenir
à la coopération classique et traditionnelle du principe de
subsidiarité dans ses arrêts (affaires alia c. France,
CEDH, 1998 ; affaire Bahaddar c. Pays bas, CEDH, 19 février
1998), sa jurisprudence mentionne les circonstances particulières de
nature à relever le requérant de l'obligation d'épuiser
les voies de recours internes. De l'avis du professeur Rusen
ERGEC139, la première exception tient à l'existence
d'une pratique administrative qui consiste en la répétition
d'actes interdits par la Convention et la tolérance officielle de l'Etat
de sorte que toute procédure serait vaine ou ineffective.
La seconde concerne le dépassement du délai
raisonnable dans lequel la cause du justiciable doit être jugée en
vertu de l'article 6, ainsi dans l'affaire Akdivar c. Turquie140
,la Cour a constaté l'existence d'une pratique administrative de
nature à exonérer le requérant de l'obligation
d'épuiser les voies de recours internes tenant compte de la «
la passivité totale des autorités nationales face à
des allégations sérieuses qui soupçonnent les agents de
l'Etat à avoir commis des fautes ou causé un préjudice
».
Dans cette perspective, le professeur Jean François
RENUCCI confirme la thèse d'atténuation en affirmant : «
le recours interne au sens de l'article 35 de la Convention doit exister
à un degré suffisant de certitude, en pratique comme en
théorie ». Il est certain, poursuit-il que l'existence
d'effectivité et d'accessibilité du recours interne accentue la
pression du juge européen sur le juge national. Dans des affaires
concernant des victimes du SIDA à la suite de transfusion sanguine, la
Cour a appliqué le principe selon lequel certaines circonstances
particulières dispensent le requérant de l'obligation
d'épuiser les recours internes (CEDH., X.c. France, 31 Mars
1992)141.
138 Ibidem
139 ERGEC (Rusen), Op.Cit., p.143.
140Arrêt du 16 septembre 1996, p.68.
L'affaire concernait les allégations selon lesquelles les forces de
sécurités turques avaient incendié des maisons
d'habitation dans le sud-ouest du pays lors des opérations menées
contre les PKK.
141 RENUCCI (Jean-François), Op.Cit., pp 431-432
50
C'est la preuve du caractère libéral de la
jurisprudence des instances européenne. En outre, la nature
constitutionnelle de la Convention européenne se reflète dans les
méthodes d'interprétation des droits garantis que la Cour de
Strasbourg, qualifiée de « cour constitutionnelle
»142, utilisé. Celle-ci interprète, en effet, la
convention de manière évolutive et dynamique.
Le professeur David RUZIER la définit comme
l'interprétation « en fonction des principes juridiques en
vigueur au moment de l'interprétation »143,
c'est-à-dire à la lumière des conditions
d'aujourd'hui. Elle est mise en application par la Cour depuis l'affaire
Tyrer144 et reprise fréquemment par la suite notamment dans
l'affaire Marckx145. Cette méthode d'interprétation
à affirmer que la Convention est un instrument vivant qui s'inscrit dans
une perspective « intégrationniste », donc moniste et
fédéraliste. A ce titre, la Cour européenne est
véritablement un législateur européen. L'autre
méthode qui permet de reconnaitre le caractère supra
constitutionnel de la Convention européenne des droits de l'homme,
instrument efficace de garantie des droits, est la doctrine de la marge
d'appréciation.
2- La doctrine de la marge
d'appréciation
Il est clair que les droits de l'homme, dans le système
de la Convention européenne, échappent au domaine
réservé des Etats. Ce n'est pas pour autant dire que la Cour de
Strasbourg ne soit pas respectueuse des intérêts légitimes
des Etats. Elle reconnaît, en effet, aux juridictions internes, mieux
placées pour appliquer le droit interne, une certaine marge
d'appréciation, c'est- à-dire une certaine latitude quant
à l'interprétation de certaines notions utilisées dans la
Convention comme la « protection morale », « l'ordre public
», « le bien être du pays » ou encore «
l'intérêt public » qui justifient les restrictions au droit.
La marge d'appréciation détermine les limites à
l'intérieur desquelles les agissements des Etats sont susceptibles
d'échapper à la censure de la Cour qui n'abdique nullement
à sa compétence de contrôle mais dans l'exercice en quelque
sorte une « judicial self restreint ».
Elle trouve son fondement, d'abord, dans le fait qu'il
appartient en premier lieu aux autorités nationales de sanctionner les
violations de la Convention. Ensuite, elle est une marque de réalisme et
de sagesse dont fait preuve la Cour dans son contrôle en
considérant que bien
142 BUERGENTHAL (Thomas) et KISS (Alexandre), Op.Cit.,p.79.
143 RUZIER (David), Droit international public,
16e Edition, Paris, Dalloz, 2002, p.53. 144CEDH.,
Typer c. Royaume-Uni, arrêt n° 26 du 25 avril 1978, p.21.
145CEDH, Marckx c. Belgique, arrêt
n° 31 du 13 juin 1979, p.41.
51
qu'étant une juridiction supranationale, aussi
prestigieuse soit-elle, elle est forcément plus loin des
réalités nationales.
Elle admet donc que les autorités nationales sont mieux
placées qu'elle. Le souci de la doctrine de la marge
d'appréciation est la préservation de la
spécificité culturelle propre à chaque Etat membre. C'est
là incontestablement une approche prudente qui renforce
l'adhésion des Etats au système de la Convention. La doctrine a
été appliquée pour la première fois dans l'affaire
Lawless c. Irlande en 1961 pour violation de l'article 15 de la
Convention146. Elle a été entendue, par la suite,
à l'application des restrictions aux libertés en
général notamment celles prévues aux articles 5 (1), 8 (2)
et 11 (2) en vérifiant si ces restrictions sont conformes au droit
interne.
En définitive et à la lumière des
développements qui précèdent, en tenant compte de la
jurisprudence de la Cour de Strasbourg qui s'inscrit dans une perspective
moniste et plus ou moins fédéraliste, la Convention fait office
de véritable constitution pour l'Europe des droits de l'homme. Qu'en
est-il maintenant de l'existence d'un ordre public européen ? La
réponse se trouve dans le paragraphe deuxième analysé dans
les lignes qui suivent.
B-Existence d'un ordre public européen
Vaste conception de la vie en commun sur le plan politique et
administratif dont le contenu varie du tout et selon les régimes,
l'ordre public est le caractère des règles juridiques qui
s'imposent pour des raisons de sécurité impérative dans
les rapports sociaux auxquelles les parties ne peuvent
déroger147. Si on lit l'article 60 de la Convention, pour le
professeur Gérard COHEN-JONATHAN, en comprend que son rôle vise
effectivement à « déterminer en matière des
droits fondamentaux un standard, minimum qui peut être
dépassé mais qui ne saurait être transgressé
»148.Pour sa part, le professeur Giorgio MALINVERNI
écrit : « Par sa nature même, la Convention énonce
des règles communes à plusieurs Etats. Elle a pour but de
créer un ordre public européen dans le domaine des droits
fondamentaux. Elle perdrait une bonne partie de son sens, de son utilité
et de son efficacité si son interprétation et son application
dépendaient dans une trop large mesure des particularismes nationaux
»149.
146 L'affaire concerne la suspension des libertés pour
combattre un danger public.
147 GUINCHARD (Serge) et MONTAGNIER (Gabriel), Op.Cit., p.408.
148 COHEN-JONATHAN (Gérard), Aspects
européens des droits fondamentaux, Paris, Montchrestien, 1996, p.
61.
149 MALINVERNI (Giorgio) Cité par LAMBERT (Pierre),
Op.Cit., pp 88-89.
52
Les lois nationales n'ont donc aucun rôle à jouer
lorsqu'il s'agit de substance des droits de l'homme. Dans ce domaine, les
particularismes nationaux ne trouvent donc aucune justification. L'affirmation
de l'existence d'un ordre public européen ressort implicitement de
l'ensemble de la jurisprudence bien qu' « il a fallu attendre
quarante-deux ans après l'entrée en vigueur de la Convention
européenne des droits de l'homme et trente- cinq ans après le
premier arrêt de la Cour européenne pour que celle-ci soit
confirmée dans la décision Loizidou c. Turquie du 23
mars 1995 »150. La décision reconnaissait formellement
la notion de l'ordre public européen dont le contenu (1) a des effets
considérables (2) dans l'ordre juridique interne.
1-Le Contenu de l'ordre public
européen
L'ordre public européen dont le fondement est le
caractère constitutionnel de la Convention des droits de l'homme,
renvoie à une conception d'ensemble de la vie sociale. Il est
constitué par des valeurs communes et un certain nombre des droits
constitutifs de la société démocratique européenne.
Les Etats qui fondent en 1949, à Londres, le Conseil de l'Europe partage
en commun l'idéal d'être des Etats démocratiques,
c'est-à-dire qui conjuguent régime pluraliste, reconnaissance des
droits de l'homme et prééminence. Le statut l'affirme clairement
dans son préambule et son article 3 en ces termes : «
Inébranlablement attachés aux valeurs (...) qui sont à
l'origine des principes de liberté individuelle, de liberté
politique et de prééminence du droit sur lesquels se fonde toute
démocratie », « tout membre du Conseil de l'Europe
reconnaît le principe de la prééminence du droit et le
principe en vertu duquel toute personne placée sous sa juridiction doit
jouir des droits de l'homme et des libertés fondamentaux
»151.
La Convention est la prolongation et la concrétisation
de ces énoncés. Considérée, en effet, comme «
l'expression juridique » d'un régime démocratique,
la Convention met l'accent dans son préambule sur l'unité des
Etats « animés d'un même esprit et possédant d'un
patrimoine commun d'idéal et de traditions politiques, de respect des
libertés et de prééminence du droit
»152. Cette conception commune du respect des droits de
l'homme et que l'attachement à un régime politique
véritablement démocratique constituent les assises de la justice
et de la paix dans le monde et sur le continent. Il y a donc une profonde
unité d'aspiration et de
150 TAVERNIER (Paul) In SUDRE (Frédéric),
L'interprétation de la Convention européenne des droits de
l'homme, Op.Cit., p.188.
151 DE SCHUTTER (Olivier) et allii, Op. Cit., pp 341-342
152 Idem, pp.356.
53
philosophie entre le statut et la Convention qui emportent des
conséquences juridiques précises en même temps qu'ils ont
des sources de contraintes politiques pour les Etats.
En effet, conformément à l'article 58 (3), de la
convention lie la situation d'Etat partie à l'appartenance au Conseil de
l'Europe en ces termes : « ...cesserait d'être partie à
la présente Convention toute partie contractante qui cesserait
d'être membre du Conseil de l'Europe ».
Ce fut le cas de la Grèce en 1974. Ce fut aussi le cas
de l'Espagne qui, après la mort de Franco en 1975, signa la Convention
dans le cadre de la transition démocratique.
Cette exigence démocratique était mise en avant
à l'occasion de l'adhésion des pays de l'Europe Centrale et
Orientale (PECO). Donc, conclut le professeur Catherine TETTGEN-COLLY,
« le pluralisme politique, le respect des droits de l'homme et la
prééminence du droit sont ainsi devenus de véritables
« conditions salutaires » au respect desquels le Conseil subordonne
l'adhésion des Etats et qu'il vérifie aussi en aval de celle-ci
»153.
Pour ce qui est des droits constitutifs de la
société démocratique, l'étude attentive de la
jurisprudence des organes de Strasbourg montre que les droits fondamentaux
garantis par la Convention ne sont pas seulement des droits subjectifs qui ont
pour fonction de protéger l'individu contre les ingérences des
pouvoirs publics mais qu'ils peuvent remplir également une fonction
objective. Pour le professeur Gérard COHEN-JONATHAN, « la
nécessité d'assurer aux droits de l'homme une véritable
effectivité commande de mettre à la charge de l'Etat des
obligations positives. Ainsi, l'Etat doit prendre toutes les mesures
nécessaires pour assurer une défense concrète et
effective. La convention ne comporte plus seulement les obligations
négatives »154.
Au professeur MALINVERNI d'ajouter : « Ces droits
font office de principes directeurs de toute activité de l'Etat
» et « ils doivent orienter l'ensemble de ses organes et
imprégner de leurs valeurs tout son ordre juridique
»155. Cette conception objective des droits fondamentaux
marque, ainsi, qu'il a été dit, la prééminence des
droits fondamentaux en tant que valeurs sociales sur l'Etat.
Mais quels sont ces droits fondamentaux ? « Le droit
commun Européen se décline à travers différents
dispositifs qui constituent « l'idéal de justice » à
savoir, l'égalité, la légalité, la
153 TETTGEN-COLLY (Catherine), « Le rayonnement de la
Convention européenne des droits de l'homme », cinquantième
anniversaire de la convention européenne des droits de l'homme
Bruxelles, Bruylant, 2002, pp 7578.
154 COHEN-JONATHAN (Gérard), Aspects européens
des droits fondamentaux, Op.Cit., p.62.
155 Cité par SUDRE (Frédéric), in TAVERNIER
(Paul), Quelle Europe pour les droits de l'homme,Op.Cit., p.53.
54
dignité, l'équité
»156. L'idéal démocratique et de justice de
la convention est exprimé dans les termes ci-après : «
fondement », « assises », « valeurs fondamentaux »,
« principe caractéristique », « principe fondamental
» qui illustrent bien la conception objective que la Cour de
Strasbourg, qui les utilise couramment, a conduit à la
détermination de certains droits. En ce sens, la professeur
Frédéric SUDRE qualifie huit droits, tels
qu'énoncés dans la Convention, de « droit fondamentaux
», de règles qui composent l'ordre public européen :
« Liberté d'expression, liberté de
pensée, de conscience et de religion, droit à
l'intégrité physique, droit à la liberté et
à la sureté, droit à un procès équitable,
droit à des élections libres, droits des parents au respect de
leur conviction en matière d'éducation, droit à la
sécurité juridique »157. Ces droits
individuels relatifs à l'intégrité physique et morale de
la personne humaine et à la liberté forment le standard minimum
du droit européen des droits de l'homme, le « noyau dur des
droits de l'homme »158. La détermination du contenu
de l'ordre public européen étant faite, il convient maintenant de
nous attacher à ses implications dans l'ordre juridique interne.
2-Des implications dans l'ordre juridique
interne
Les effets de l'ordre public sont, en théorie,
similaire dans l'ordre juridique international, ou le jus cogens vient
limiter la souveraineté des Etats et en leur interdisant de conclure les
traités internationaux contraires à des « normes
impératives du droit international général
»159. Ainsi, l'ordre public exerce les fonctions de
« police juridique » reconnues comme telles dans
l'intérêt général, et produit des effets
particulièrement dans le domaine contractuel et dans le domaine
procédural au-delà de ceux qui s'attachent au principe «
Pacta sunt servanda ».
Il conduit, en Europe, à la pleine soumission des Etats
parties au mécanisme de contrôle à travers «
l'inopposabilité de la clause de réciprocité,
l'invalidité des restrictions ratione loci et ratione
materiae aux déclarations d'acceptation de la compétence des
organes de contrôle, l'application de la validité des
réserves et la radiation du rôle »160. En effet,
en écartant toute idée de réciprocité, la
Convention n'apparaît plus comme un faisceau d'engagement
156 TULKENS (Françoise), intervention à la table
Ronde sur le thème « Vers un droit européen ? » in
TETTGEN-COLLY, Op.Cit., p.305.
157 SUDRE (Frédéric), « Existe-t-il un
ordre public européen ? » in TAVERNIER (Paul), Quelle Europe pour
les droits de l'homme ? Op.Cit., p.305.
158 SUDRE (Frédéric), La Convention
européenne des droits de l'homme, Paris PUF, Que sais-je, 1994,
p.23. 159Cfr. Article 53 et 54 de la Convention de vienne sur le
droit des traités du 23 mai 1969
160 SUDRE (Frédéric), In TAVERNIER (Paul) (Sous la
dir.), Op.Cit., pp 58-70.
55
réciproque des parties, mais comme un engagement
objectif, erga omnes (Affaire Autriche c. Italie sur
l'absence de réciprocité, dans le temps en vertu de l'article 24
de la Convention, CEDH, Req.788/60, décision du 11 juillet 1961).
Les affaires chrysostomos et al c. Turquie161
et Loizidou (précitée) ont permis à la Commission et
à la Cour de se prononcer sur la compatibilité avec la Convention
des deux déclarations de la Turquie, l'une d'acceptation du droit de
recours individuel conformément à l'article 25 de la CEDH et
l'autre d'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour qui, de
manière similaire ,restreignent ratione loci et ratione
materiae la compétence de la Commission et de la Cour. Les deux
décisions sont très révélatrices des contraintes de
l'ordre public européen. Quant aux réserves, la Cour se
déclare compétente pour apprécier la validité d'une
réserve étatique, alors que ni le secrétaire
général du Conseil de l'Europe ni les autres Etats contractants
n'auraient émis des objections.
Lorsqu'une réserve est invalidée par la Cour,
celle-ci exerce son contrôle comme si la réserve n'existait pas.
L'invalidation de la réserve n'a pas pour effet d'invalider la
ratification par l'Etat en cause qui reste membre de la Convention.
A titre illustratif, les arrêts ci-après
renseignent sur la gestion des réserves par la Cour de Strasbourg :
Arrêt Belilos du 29 Avril 1998, § 47 et suivants ;
Arrêt Loizidou, exceptions préliminaires, § 72 et
suivants Arrêt stallinger et kuso du 23 avril 1997,
etc162.
En définitive, la protection des droits de l'homme
exige que l'on écarte les règles traditionnelles du droit
international pour interpréter l'étendue de la compétence
des organes de la Convention tient donc au fait qu'elle est parvenue à
briser les barrières de la souveraineté étatique en
s'érigeant en véritable constitution qui supplante les ambitions
égoïstes des Etats membres du Conseil de l'Europe.
La Convention est donc parvenue à mettre un terme au
débat qui longtemps oppose les juristes, les politistes et même
les philosophes sur la supra constitutionnalité et la
souveraineté. En outre, cette efficacité de la convention se
confirme dans la technique juridictionnelle mise en place qui constitue le
fondement de la garantie effective des droits de l'homme et qui répond
efficacement à son idéal.
161 Décision CEDH du 4 mai 1991, Réq 8007/77
§13
162 ERGEC (Rusen), Op.Cit., pp.132-133.
56
Paragraphe II : La technique juridictionnelle : Une
protection effective des droits de l'homme
Le professeur Christian AUTEXIER écrit : « La
caractéristique primordiale d'un droit fondamental est d'être
justiciable ... c'est-à-dire susceptible d'être mis en oeuvre par
un juge »163. Dans le cadre européen la garantie
est justement dominée par le mécanisme judiciaire établi
par la Convention des droits de l'homme dont le régime initial
réalisait en deux temps. D'abord, toute requête individuelle ou
étatique devait être adressée à la Commission
européenne des droits de l'homme et, ensuite, le rapport de la
Commission était transmis pour décision au Comité des
ministres du Conseil de l'Europe. Ce dernier choisissait soit de saisir la Cour
européenne, soit il décidait lui-même sur le
bien-fondé de la violation164. Une réforme s'est
imposée. Alors, le protocole n°11, ouvert à la signature le
11 mai 1994 et entrée en vigueur le 1er novembre 1998 a
porté restructuration du mécanisme de contrôle
établi par la Convention en remplaçant la Commission par une Cour
nouvelle et à plein temps, en privant le Comité des ministres du
Conseil de l'Europe de ses attributions juridictionnelles, et à rendre
obligatoire le droit de recours individuel à Strasbourg165.
La réforme qui remplace les article 19 à 56 de la Convention a eu
pour but de répondre aux critiques formulées au système
originaire notamment le double examen des requêtes qui ne pouvait pas
faire face à l'explosion du nombre de requêtes individuelles
introduit devant la Commission, la durée de la procédure pour
obtenir une décision Au fond incompatible avec le principe de bonne
administration de la justice166. Siégeant, dans la
majorité des cas, en chambres de sept juges et, exceptionnellement, dans
la Grande Chambre composée de dix-sept juges ; la nouvelle Cour unique
est désormais compétente pour statuer en droit sur la violation
alléguée de la convention et le contrôle européen
des droits de l'homme est pleinement juridictionnel. Conformément aux
articles 41(1) et 47, l'adhésion à la Convention emporte par
elle-même la reconnaissance de la compétence obligatoire de la
Cour suite à la suppression de la clause facultative par le protocole
n°11. Elle demeure, dans le même temps, dotée
d'attributions
163 AUTEXIER (Christian) Cité par FRESSEIX (Patrick)
« Les droits fondamentaux, prolongement ou dénaturation des droits
de l'homme ? » In Revue du Droit public et de la Science politique en
France et à l'Etranger, N°2, Paris, LGDJ, Mars-avril 2001,
p.549.
164 WACHSMANN (Patrick), Op.Cit., pp 226-228
165 BERGER (Vincent), « La gestion des requêtes par
la Cour européenne des droits de l'homme » in Institut des droits
de l'homme des avocats européenne et Institut des droits de l'homme du
barreau de Bordeaux, « Le procès équitable et la protection
juridictionnel du citoyen », Colloque organisé pour le
cinquième anniversaire de la Convention européenne des droits de
l'homme, Bordeaux, 29-30 septembre 2000, Bruxelles, Bruylant, 2001, pp
115-130
166 ERGEC (Rusen), Op.Cit., p.21.
57
consultatives relatives à l'interprétation de la
Convention et de ses protocoles (13 au total)167. Pouvant être
saisie à la fois par un Etat partie (article 33) comme par toute
personne physique ou toute organisation non gouvernementale et groupe de
particuliers se prétendant victimes de violation (article 34), la Cour a
établi une jurisprudence considérable. Même si le
système de protection reste perfectible, les spécialistes
s'accordent pour reconnaitre la grande valeur du mécanisme
européen. En effet, de l'avis du professeur Vincent BERGER, depuis le
1er novembre 1998, « le nombre de requêtes enregistrées
pendantes s'est accru d'environ 122%. Le rendement de la Cour a lui aussi
beaucoup augmenté en partie grâce à l'adaptation des
méthodes de travail »168. Ce succès est,
sans doute, dû à la portée des arrêts rendus par la
Cour dont les effets juridiques sont certains (A) et incontestable (B) à
l'égard des parties à la Convention.
A-Des arrêts à effets juridiques
certains
Dès que la Cour déclare la recevabilité
de la requête, elle poursuit l'examen contradictoire de l'affaire, examen
au cours duquel les parties peuvent produire des preuves écrites, les
témoins ou experts peuvent être entendu et les descentes sur les
lieux éventuellement effectuées conformément aux articles
38 de la Convention et 42 du règlement intérieur de la Cour.
Avant tout, la Cour se met à la disposition des parties au conflit en
vue d'un « règlement amiable »169 à
défaut duquel il est abordé l'examen du fond de l'affaire.
L'examen commence par une nouvelle invitation aux parties à se
présenter des observations complémentaires comprenant la demande
de « satisfaction équitable »170.
Normalement, la solution d'instance est un arrêt dûment
motivé (article 45 de la Convention) dans lequel les juges
européens se prononcent sur le point de savoir si, dans l'affaire qui
leur est soumise. Il y a ou non violation des droits garantis par la Convention
et, le cas échéant, sur la réparation au titre de la
167 GOMIEN (Donna), Vade mecum de la Convention
européenne des Droits de l'homme, Strasbourg, Direction des droits
de l'homme, Conseil de l'Europe, 199, pp 146- 148
168 BERGER (Rusen), Op.Cit., p.121.
169 Prévu à l'article 38 (1) (b) de la
Convention, le règlement amiable consiste le plus souvent en l'octroi au
requérant d'une compensation financière ou en d'autres mesures
comme la remise de peine, l'autorisation d'entrer dans le pays d'où il
avait été expulsé, ou même en l'engagement de l'Etat
à faire en sorte que la législation incriminée soit
modifiée.
170 La première obligation d'un Etat partie mis en
cause pour violation des droits de l'homme est le paiement de la satisfaction
équitable (normalement une somme d'argent) éventuellement
accordée par la Cour au requérant en vertu de l'article 41 de la
Convention (couvrant selon le cas, les dommages matériel, moral et ou
frais et dépense). Le paiement constitue une obligation stricte et
clairement définie dans l'arrêt. Voir, par exemple l'affaire
colozza et rubinat, arrêt du 12 février 1985.
58
satisfaction équitable171. Les arrêts
rendus présentent un caractère définitif (1) et sont
obligatoire pour les parties (2).
1-Le caractère définitif
Dans les conditions énoncées à l'article
44 de la Convention, l'arrêt n'est pas susceptible de constatation ou de
modification. Mais il peut faire l'objet d'une demande en interprétation
ou une demande en révision en cas de découverte d'un fait qui,
par sa nature, aurait pu exercer une influence décisive sur l'issue
d'une affaire déjà tranchée et qui, à
l'époque de l'arrêt, était inconnu de la Cour et ne pouvait
raisonnablement être connu d'une partie172.
La Cour a mis en l'accent sur le « caractère
exceptionnel » de cette procédure de révision qui porte
atteinte à « l'autorité de la chose jugée
»173, et sur la nécessité d'un « examen
strict » de la recevabilité d'une telle demande (affaire Pardo
c. France, 10 juillet 1996, recevabilité Rec. 1996,860). Elle a
été très peut utiliser et une demande en
interprétation ne peut tendre à faire modifier le dispositif
clair et précis d'un arrêt (Hentrich c. France, 3 juillet
1997, Req., 1997, 1285)174.
Jean-Marie BECET et Daniel COLARD n'hésitent pas
à qualifier les arrêts rendus par la Cour européenne des
droits de l'homme d'une « qualité technique remarquable
» en donnant quelques exemples notamment les affaires Lowless c /
Irland, arrêt du 1er juillet 1961 ; Beker
c. Belgique, arrêt du 27 mars 1962 ;
l'affaire linguistique belge, arrêt du 23 juillet 1968
;Delcourt c. Belgique, arrêt du 17 janvier 1970 ; Ringeisen
c/ Autriche, arrêt du 16 juillet 1971, du 22juin 1972 et du 23 juin
1973 ; Golder c/ Grande Bretagne, arrêt du 18 janvier 1978 ;
Handyside c/Grande Bretagne, arrêt du 7 décembre 1976 ;
affaire G.Kloas c/RFA, arrêt du 6 septembre 1978 pour ne citer
que ces célèbres175. Les Etats ont ainsi l'obligation
de se conformer à ces arrêts rendus par la Cour.
171COHEN-JONATHAN (Gérard), aspects
européens...,Op.Cit., p.45.
172 ERGEC (Rusen), Op.Cit., p.149.
173 Comme tout acte juridictionnel, les arrêts de la
Cour européenne sont revêtus de l'autorité de la chose
jugée, c'est-à-dire une autorité servant de fondement
à l'exécution forcée d'un droit judiciairement
établi, et faisant obstacle à ce que la même affaire soit
à nouveau portée devant un juge.
174 SUDRE (Frédéric), Droit international et
européen, Op.Cit., pp451-452.
175 BECET (Jean-Marie) et COLARD (Daniel), Op.Cit, pp 253-254.
59
2-La force obligatoire des arrêts de la
Cour
En vertu de l'article 46 (1) de la Convention, les Etats
« s'engagent à se conformer aux arrêts définitifs
de la Cour dans les litiges auxquels ils sont parties »176.
Cet engagement implique pour l'Etat défendeur des obligations
juridiques bien précises. D'un côté, il s'agit de mesures
en faveur des requérants pour faire cesser l'acte illicite s'il
perpétue et en effacer autant que possible les conséquences
(restitutio in integrum) et, de l'autre de prendre des mesures
nécessaires pour éviter de nouvelles violations
semblables177. Dans son arrêts du 13 juillet 2000 (§249)
au sujet de l'affaire Scozzari et Guintala Grande Chambre a
résumé l'obligation des Etats en ce qui concerne l'adoption des
mesures générales pour prévenir de nouvelles violations,
et individuelles pour réparer les conséquences de la violation
pour le requérant comme suit : « ... l'Etat défenseur
reconnu coupable de la Convention ou de ses Protocoles est appelé non
seulement à verser aux intéressés les sommes
allouées à titre de satisfaction équitable, mais aussi
à choisir, sous le contrôle du Comité des ministres, les
mesures générales et le cas échéant, individuelles
à adopter dans son ordre juridique interne afin de mettre un terme
à la violation constatée par la Cour et d'en effacer autant que
possible les conséquences (cf mutatis mutandis, l'arrêt
papanichalopoulos et autre c/Grèce du 31 Octobre 1995 (article 50),
série AN°330-§4 ».
D'autres décisions ont illustré ces obligations
notamment les résolutions DH (99) 245dans l'affaire Parti socialiste
C. /Turquie et DH (99) 434 relatives à l'action des forces de
sécurité en Turquie ainsi que les règlements
adoptés par le Comité des ministres pour l'application de
l'article 46 (2)178.
Bien que les Etats aient la liberté dans le choix des
mesures pour rectifier la situation du requérant et prévenir une
nouvelle violation comme l'affirme régulièrement la Cour depuis
l'arrêt Marckx du 13 juin 1979 (Voir aussi pouwels, 26
mai 1988 ; Z c. Finlande, 25 février 1977) pour s'acquitter de
l'obligation découlant de l'article 53 de la Convention qui fait peser
sur l'Etat défendeur une simple obligation de résultat ; cette
liberté va cependant de pair avec
176 DE SCHUTTER (Olivier) et allii, Op.Cit., p.467.
177 COHEN-JONATHAN (Gérard), « Quelques
considérations sur l'autorité des arrêts de la Cour
européenne des droits de l'homme », Liber Amicorum
Marc-André Eissen, Op.Cit., pp 43-46
178 Aux termes de l'article 46 (2). Le Comité des
ministres reçoit les arrêts définitifs qui lui sont
transmis par la Cour afin d'en surveiller l'exécution. Ladite
surveillance peut prendre la forme d'un contrôle des réformes
législative ou administratives engagées par les Etats à la
suite d'un constat de violation.
60
le contrôle du Comité des ministres qui veille
à ce que les mesures soient appropriées et permettent
effectivement d'atteindre les résultats voulus par l'arrêt de la
Cour179.
Ainsi, si le choix est, en fait, purement théorique par
rapport à la nature de la violation constatée, la Cour peut
elle-même directement ordonner la mesure à prendre. Cette
possibilité a été utilisée pour la première
fois en 2004, en ordonnant, dans deux affaires, la libération des
détenus arbitrairement en violation de l'article 5 de la Convention. Il
s'agit notamment de l'arrêt Assanidze c/Georgie et l'arrêt
ilascu c/Russie et Moldavie.
Récemment encore, en réponse à une
résolution du Comité des ministres à propos d'arrêts
révélant un problème structurel sous-jacent,
résolution (2004) (3) la Cour a également entrepris de mieux
identifier les problèmes sous-jacents entrainant des violations et de
donner des indications quant aux mesures d'exécution
nécessaires180. Finalement, la responsabilité d'un
Etat auquel la Cour a montré les insuffisances de son droit sera
d'autant plus lourde que l'obligation violée est essentielle.
Cependant, en toute occurrence, il a « l'obligation
positive » de mettre son droit en conformité avec la convention
pour assurer aux individus qui se trouvent sous sa juridiction la «
garantie » à laquelle ils ont droits. Désormais, ses
juridictions ne peuvent plus jouer sur le principe de la présomption de
conventionalité qu'elles attribuent bien souvent à la loi ou
à une jurisprudence déterminée181. L'exigence
de se conformer à la jurisprudence de la Cour Européenne des
droits de l'homme constitue ainsi un renfort énorme pour
l'autorité de la Cour de Strasbourg et contribue à faire
respecter davantage ses décisions en général.
B-Une autorité incontestablement
renforcée des arrêts
Outre les effets liés à l'obligation
d'exécuter les arrêts de la Cour et de leur reconnaître
l'autorité de la chose jugée qui, dans l'ensemble, cadre bien
avec le droit international général, ces arrêts sont
susceptibles de déployer d'autres effets plus spécifiques,
lesquels ont beaucoup animé la doctrine. Il est question de
l'interprétation uniforme de la Convention (1) et de la mise en
compatibilité du droit interne avec le droit européen
jurisprudentiel des droits de l'homme (2).
179 SUDRE (Frédéric), Droit international et
européen des droits de l'homme, Op.Cit., p.452.
180 Conseil de l'Europe, « Droit de l'homme :
Exécution des arrêts de la Cour Européenne des droits de
l'homme. Un mécanisme unique et effectif » (
http://www.coe.int/T/F/droits
de l'homme/exécution/01 introduction.htm)
181 COHEN-JONATHAN (Gérard), « Quelques
considérations... », Liber Amicorum Marc André Eissen,
Op.Cit., p.53.
61
1-Une interprétation uniforme de la
Convention
Bien que les juges de Strasbourg n'aient
développé une doctrine sur l'applicabilité directe ou la
primauté du droit européen des droits de l'homme l'examen des
résolutions de Comité des ministres montre que les
autorités nationales sont enclines à se ranger à la
jurisprudence de la Cour européenne. Ceci conduit à accorder
crédit à la doctrine de la « chose interprétée
» qui est « l'autorité propre de la jurisprudence de la Cour
en tant que celle-ci interprète les dispositions de la Convention
»182. L'autorité de la chose interprétée
déborde les limites du cas d'espèce et se manifeste à
l'égard des Etats contractants en raison de deux facteurs. D'une part,
les juridictions nationales sont conscientes que la Cour apparaît
particulièrement qualifiée pour dégager le sens et la
portée des notions qu'utilise la Convention, notions qui, le plus
souvent, dont autonomes, ne pouvant s'interpréter en fonction d'un
système juridique quelconque de droit interne. D'autre part, les
mêmes juridictions réalisent que la méconnaissance de
l'autorité de la chose interprétée par la Cour comporte
divers risques dont certains, s'ils se réalisent, entraîneraient
fort probablement, sinon inévitablement, des sanctions juridiques sur le
plan international.
Parmi ces risques, il y a d'abord, l'affaiblissement de
l'application de la Convention qu'engendreraient, en effet, les conflits
jurisprudentiels entre la Cour et les juridictions nationales. Ensuite, il y a
risque pour les Etats qui ont incorporé le droit de la Convention dans
leur ordre juridique interne et qui ont reconnu le principe de la
primauté des règles du droit international conventionnel sur les
normes du droit interne d'énerver la valeur de ce principe voire de le
rendre inopérant.
Enfin, et surtout, le risque grave d'entrainer la
responsabilité internationale de l'Etat car une jurisprudence nationale
allant à l'encontre de celle interprétative de la Cour risque de
constituer une violation des dispositions de la Convention et, partant, un acte
internationalement illicite engageant la responsabilité de
l'Etat183.
La doctrine de l'autorité interprétative des
arrêts de la Cour européenne engendre, ainsi que l'affirme le
professeur Alphonse SPIELMANN, « une prise en compte, d'abord dans les
Etats concernés, en suite dans les autres Etats membres qui suivent de
près, de la jurisprudence de
182 SUDRE (Frédéric), Droit international et
européen des droits de l'homme, Op.Cit., pp 458-460.
183 VELU (Jacques) et ERGEC (Rusen), Op.Cit., pp 1078-1079.
62
Strasbourg »184. Et au professeur
Rusen ERGEC de renchérir : « en vertu de cette doctrine, le
juge interne applique désormais les clauses de la Convention telles que
celle-ci viennent d'être interprétées par l'arrêt de
la Cour de Strasbourg »185.
Ainsi s'affirme la vocation de la jurisprudence
européenne à être un instrument d'harmonisation des
régimes juridiques des droits de l'homme dans les Etats contractants.
Aux yeux même de la Cour, « ses arrêts servent non
seulement à trancher les cas dont elle est saisie, mais plus largement
à clarifier, sauvegarder et développer les normes de la
Convention, et à contribuer de la sorte au respect, par les Etats, des
engagements qu'ils ont assurés en leur qualité de parties
contractantes ». Par ces méthodes d'interprétation de
la Cour, on assiste donc à une « européanisation »
de sa jurisprudence qui lui donne sa cohérence et son
autorité faisant preuve de l'existence d'un « droit commun
européen »186. Dans l'affaire Irlande
c/Royaume-Uni, la Cour a montré en quoi des obligations de ce genre
ont un caractère « objectif » valable erga omnes.
C'est pourquoi tous les Etats ont le devoir d'aménager l'ordre
interne de façon à parvenir à « l'application
effective » de toutes les dispositions de cette convention selon les
termes de l'article 57187.D'autres exemples pratiques illustrent
l'importance de cette construction jurisprudentielle.
Dans l'arrêt Lamy du 30 mars 1989, la Belgique
fut condamnée du fait que sa législation ne prévoyait pas
le droit d'accès au dossier de l'instruction d'une personne en
détention préventive lors de sa première comparution.
Dès lors, les juges belges ont appliqué la Convention
conformément à l'interprétation faite par la Cour de
Strasbourg et eu égard à la primauté de la Convention sur
la loi interne.
Un autre jugement, plus récent celui-là, du
tribunal correctionnel de Nivelles du 6 mai 1999 a fait une application
fidèle de la doctrine de la chose interprétée en
décidant, à la lumière de l'arrêt Van Ghysegem
c. Belgique du 21 janvier 1999, que les juridictions ne peuvent, sans
violer l'article 6 de la convention dur le droit à un procès
équitable, interdire à un avocat qui assiste à un
procès pour défendre son client, de le faire même en
l'absence de ce dernier188.
184 SPIELMANN (Alphonse), « Et maintenant ? 50 ans
après... Quelques remarques au sujet d'un anniversaire » In
institut des droits de l'homme du Barreau de Paris, 50e anniversaire
de la déclaration universelle des droits de l'homme,
Cérémonie du 12 novembre 1998, p.67.
185ERGEC (Rusen), Op.Cit., p.151.
186 SUDRE (Frédéric), la Convention
européenne des droits de l'homme, Op.Cit., p.75.
187 COHEN-JONATHAN (Gérard), « quelques
considérations... », Liber Amicorum Marc André Eissen,
Op.Cit., p.55.
188 ERGEC (Rusen), Op.Cit., p.152.
63
Un élargissement progressif et certain des domaines et
des matières ou la garantie des droits assurés implique, de toute
évidence, des révisions dans l'ordre juridique interne pour une
mise en compatibilité avec la jurisprudence européenne et pour,
ainsi s'aligner sur l'ordre public européen des droits de l'homme.
2-Une mise en compatibilité obligatoire du
droit interne avec de la jurisprudence européenne
Un certain nombre d'arrêts constatant une violation de
la Convention ont amené les Etats en cause, et parfois même
d'autres à prendre des mesures d'ordre général pour s'y
conformer ou les hautes juridictions internes à adapter leur
jurisprudence qui s'opère par voie législative (ou
réglementaire) ou par voie jurisprudentielle qui permettent de mesurer
l'efficacité corrective des arrêts de la Cour. Mentionnant,
à titre illustratif, la modification législative spectaculaire et
rapide à la suite de l'arrêt Procola c/Luxembourg du 28
septembre 1995 dans l'affaire concernant l'impartialité du Comité
du contentieux du Conseil d'Etat de Luxembourg. La Cour à, en effet,
jugé notamment que le seul fait de reconnaitre à certaines
personnes d'exercer successivement des fonctions consultatives et des fonctions
juridictionnelles, à propos des mêmes décisions est de
nature à mettre en cause l'impartialité structurelle de ladite
institution.
Ainsi, par une loi du 27 octobre 1995, le législateur
luxembourgeois a modifié la loi du 8 février 1861 portant
organisation du Conseil d'Etat en joignant au Comité contentieux cinq
autres membres suppléant. Cette solution provisoire fut remplacée
par l'effet de la modification constitutionnelle et législative du 12
juillet 1996 qui a reformé complètement la procédure
administrative contentieuse en créant de nouvelles juridictions
administratives189. Dans certain cas, la simple saisine de la Cour
Européenne a entrainé ou accélérée des
changements dans l'ordre législatif, réglementaire ou
jurisprudentiel. Les juridictions nationales prennent ainsi spontanément
en compte les décisions de la Cour. L'attitude du Tribunal
fédéral suisse comme celle de la Cour de cassation belge peuvent
être relevées190.
189 SPIELMANN (Alphonse), Op.Cit., p.66.
190 D'autres exemples peuvent être cités : la
Belgique qui a reformé son droit de la famille après le
célèbre arrêt Marckx c/ Belgique (1979) ; le Royaume -Uni
qui a modifié les lois répressives à l'encontre des
homosexuels, après des arrêts où le Royaume-Uni avait
condamné, à savoir, les arrêts sudgeon c/Royaume-Uni,
LustigPrean et autres ; la France avec l'exemple de la loi du 10 juillet 1991
sur les écoutes téléphoniques, ou la réforme du
livre des procédures fiscales qui a abrogé le droit de
préemption fiscale. Voir COSTA (Jean-Paul), « La jurisprudence de
la Cour européenne des Droits de l'homme » In TEITTGEN-COLLY
(Catherine), Op.Cit., p.175 (163-176).
64
Eu égard à tout ce qui précède, il
est pertinent d'observer de la part des Etats un respect réel et sans
exception des sentences. Cela constitue un point très positif qui prouve
le degré de progrès et d'obéissance juridique auquel sont
arrivés les Etats parties à la Convention européenne des
droits de l'homme dans le domaine du respect juridictionnel des droits de
l'homme.
Il n'y a donc pas de doute que l'action de la Cour
européenne a contribué d'une manière primordiale à
l'efficacité du contrôle et de la garantie régionale des
droits de l'homme en Europe. Elle a assuré la crédibilité
et l'efficacité du système régional de protection des
droits de l'homme en le valorisant et en démontrant que la protection
interne, dans le cadre des Etats démocratiques de droit, doit être
complétée par la protection internationale. Elle a
démontré que la protection internationale des droits de l'homme
n'est pas incompatible avec la souveraineté de l'Etat correctement
interprétée et délimitée. Bref, pour reprendre les
propos du professeur Hector GROS ESPIELL ; « C'est dans le droit, dans
l'action des juges internationaux indépendants qui savent, qui
comprennent et appliquent le droit, que réside la plus sûre
garantie de la protection des droits de l'homme. La protection la plus efficace
des droits de l'homme est celle qui résulte du fonctionnement des
tribunaux ou des Cours internationales, organes juridictionnels qui appliquent
le droit international des droits de l'homme avec l'objectivité
découlant d'un processus contradictoire, avec toute les garanties
subséquentes et avec l'esprit de justice. Les organes politiques ou
constitués d'experts indépendants mais non-juridictionnels
peuvent aider ou compléter, mais jamais substituer la protection
juridictionnelle essentielle »191. Après avoir
étudié les systèmes européens de protection des
droits de l'homme modèle très efficace de garantie (Section 1),
nous allons porter un regard en Afrique pour étudier ces
mécanismes de protection. Telles sont le but poursuivi dans la
(section2).
Section II : Le Système Africain de Protection
des Droits de l'homme
L'Afrique est l'un des trois continents, avec l'Europe et les
Amériques, disposant d'une organisation intergouvernementale
régionale qui s'est progressivement dotée d'instruments et de
systèmes spécifiques de protection des droits de l'homme. La
garantie des droits de l'homme dans ce continent est établie par la
Charte Africaine des droits de l'homme et des peuples (Paragraphe I). Il existe
aussi au sein du continent, des organes juridictionnels de contrôle et de
garantie pour une meilleure protection des droits de l'homme (Paragraphe
II).
191 GROS ESPIELL (Hector), Op.Cit., p.246.
65
Paragraphe I : La Charte Africaine des droits de l'homme et
des peuples : principal instrument de protection des droits de l'homme sur le
Continent.
La Charte Africaine des droits de l'homme est l'instrument
principal de protection des droits de l'homme en
Afrique192.Autrement dit, elle est la plus grande organisation
régionale de défense des droits humains ou encore la pierre
angulaire du système africain de protection de la
personne193, même si le système Africain de protection
des droits de l'homme est fondé selon les articles 6 et 61 de la Charte
Africaine sur l'application du droit international relatif au droit de l'homme
qui renvoie aux instruments internationaux dument ratifiés par les Etats
Africains et autres textes régionaux Africains194. La Charte
Africaine des droits de l'homme et des peuples également appelée
Charte de Banjul, a été adoptée par les Etats membres de
l'organisation de l'unité Africaine (OUA) aujourd'hui L'Union Africaine
(UA) le 27 juin 1981195 à Nairobi (KENYA), il est
entré en vigueur le 21 octobre 1986196 après
ratification du Niger197.Cette Charte est un traité
multilatéral de droit international qui engagent les Etats signataires
à mettre en oeuvre son contenu dans leur droit national. Elle est
fondée sur les vertus des traditions historiques et des valeurs de
civilisation Africains ; ce qui selon certains seraient incompatible avec le
discours universel des droits de l'homme198. C'est pourquoi tenant
compte « des vertus des traditions historiques et des valeurs de
civilisation Africaine qui doivent inverser et caractériser toute
réflexion en matière des droits de l'homme ». La Charte
protège simultanément la personne et les peuples en instituant de
façon originale des devoirs vis-à-vis de la communauté.
L'affirmation des droits des peuples constitue une originalité
fondée sur le droit de tous les peuples à l'existence et à
l'autodétermination199. Fatsah OUGUERGOUZ juge et
vice-président à la Cour Africaine des droits de l'homme et des
peuples note cependant que : « les points de convergence entre la Charte
Africaine des droits de l'homme et des peuples et la Déclaration
Universelle des droits de l'homme
192 TAVERNIER (Paul) : (ed) Recueil juridique des droits
de l'homme en Afrique (1996-2000), Bruxelles, Bruylant, Collection du
crédho (vol2), 2002, p.365.
193 KHADRE DIOP (Abdou), « La Cour Africaine des droits
de l`homme et des peuples : compte rendu de la conférence du 22 octobre
2013 organisé par la clinique de droit international pénal et
humanitaire et partenariat avec les avocats sans frontières Canada, pp
72 (www.quidjustitiae/.Ca/blogue/la.)
194 BOUKONGOU (Jean-Didier), « Le système Africain
de protection des droits de l'homme », in protection des droits de
l'homme en Afrique, Manuel des formateurs, presses de l'UCAC, 2007,
p.114.
195 BADARA FALL (Alioune), « La Charte Africaine des
droits de l'homme et des peuples : entre universalisme et régionalisme
», pouvoirs, 2009, no129, pp.16.
196 YEMET ETEKA (Valère), La Charte Africaine des
droits de l'homme et des peuples, Paris, l'harmattan 1996, p.46.
197Ibid
198 DELMAS (Marty), Trois défis pour un droit
mondial, Paris, Seuil, 1998, pp 25-44. Cité par Roger Koussotogue,
Op.Cit.p.53.
199 Ibid.
66
l'emportent en effet nettement sur leur différences
»200. A travers la Charte, le système Africain de
protection des droits de l'homme est constitué de deux organes
principaux de contrôle du respect des droits de l'homme201. Il
s'agit de la Commission Africaine des droits de l'homme et des peuples (A) et
la Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement (B).
A-La Commission Africaine des droits de l'homme et des
Peuples
Mise en place le 2 novembre 1987, la commission Africaine des
Droits de l'homme et des peuples202 dont le siège est
à Banjul, capitale de la Gambie dans la douceur humide des palmiers et
des brises océaniques203 est la dernière-née
des institutions régionales de protection des droits de l'homme à
vocations générale. Elle constitue la pièce essentielle du
mécanisme de sauvegarde prévu par la Charte Africaine des Droits
de l'homme204 adoptée le 27 juin 1981 à Nairobi
(KENYA) par la XVIIIème conférence des chefs d'Etat et
de gouvernement de l'OUA et entrée en vigueur le 21 octobre
1986205.Des trois organes sollicités dans le fonctionnement
de ce mécanisme de sauvegarde, elle est le seul à avoir
été créé spécialement pour la circonstance,
les deux autres organes étant la conférence des Chefs d'Etat et
de Gouvernement de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) aujourd'hui
l'union Africaine (U.A) et le secrétaire Général de cette
même organisation.
En effet, La Commission est le principal organe
sollicité dans le processus de contrôle de l'application de la
Charte Africaine. Aux termes de l'article 30 de la Charte Africaine, la
Commission est « chargée de promouvoir les droits de l'homme et
des peuples et d'assurer leur protection en Afrique ».La Commission
Africaine des droits de l'homme et des peuples
200 OUGUERGOUZ (Fatsah) ; La Charte Africaine des droits
de l'homme et des peuples, une approche juridique des droits de l'homme, entre
tradition et modernité, Paris, PUF, 1993, p.67.
201 KAMTO(Maurice), La Charte Africaine des droits de
l'homme et des peuples et le protocole y relatif portant création de la
Cour Africaine des droits de l'homme, commentaire article par article,
Bruxelles, Bruylant, édition de l'université de Bruxelles, 2011.
p.18.
202 Voir le site de la Commission Africaine des Droits de
l'Homme et des Peuples rubrique instruments juridiques (en ligne) disponible
sur
http://www.achpr.org/fr/instruments.
203 Le siège ne pouvait être abrité que
par un Etat qui a ratifié la Charte Africaine et qui offrait à la
Commission des facilités importantes et substantielles d'installation de
travail et de recherche, Recommandation relative au siège de la
Commission Africaine des Droits de l'homme et de Peuples, Doc, O.U.A
AFR/COM/HPR/AC-TY/RTP (III), Annexe VI, Lors de sa XXIVe session (25-28mai
1988), la Conférence des chefs d'Etat a finalement choisi la Gambie dont
la capitale a accueilli les deux conférences ministérielle
préparatoires à l'adoption de la Charte, Doc. O.U.A AHG/Dec.1
(XXIV) ; le siège a été inauguré le 12 Juin
1989.
204 Documentaire de l'Organisation de l'Unité Africaine
CAB/LEG/67/3/Rev.
205 Au 1er Mars 1989, 36 Etats Africains
étaient parties à la Charte Africaine :Algérie,
Bénin, Botswana, Burkina Faso, Cap Vert, République
Centrafricaine, Tchad, Comores, Congo, Egypte, Guinée Equatoriale,
Gabon, Gambie, Ghana, Guinée Bissau, Libéria, Libye, Mali,
Mauritanie, Niger, Nigéria, Rwanda, République Arabe
Démocratique Sahraouie, Sao Tomé et Principe,
Sénégal, Sierra Léone, Somalie, Soudan, Togo, Tunisie,
Ouganda, Tanzanie, Zaïre (actuel République Démocratique du
Congo) Zambie, Zimbabwe.
67
est composée de onze membres206 élus
au scrutin secret par la conférence des chefs d'Etat et de
gouvernement207 sur proposition des Etats parties à la Charte
Africaine (article 33).
Les candidats doivent avoir la nationalité d'un Etat
partie à cette convention208 ; ils doivent en outre
satisfaire aux traditionnelles exigences de moralité,
d'intégrité, d'impartialité et de compétence et
posséder une compétence en matière des droits de l'homme
et des peuples (article 31).La première élection de la commission
Africaine des Droits de l'homme et des peuples a eu lieu le 29 Juillet 1987
lors de la 23e session ordinaire de la conférence des chefs
d'Etat et de gouvernement de l'OUA elle s'est déroulée en tenant
dûment compte du principe de répartition géographique
équitable entre le Nord, le Sud, l'Est, le Centre et l'Ouest de
l'Afrique209.
Ensuite, La Commission élit parmi ses membres un
Président et un vice-président pour une période de deux
années renouvelable (article 42)210. Le secrétaire
général de la Commission est pour sa part désigné
par le secrétaire de l'OUA aujourd'hui Union Africaine (U.A)qui fournit
également le personnel et les moyens nécessaires au
fonctionnement de la Commission (article41)211. Les articles 30 et
45 de la Charte Africaine investissent la
206 Cette composition restreinte est à comparer avec
celle de la Commission Européenne des Droits de l'homme qui comprend un
membre par Etat partie (article 20 de la Convention Européenne. La
lourdeur qu'aurait impliquée la représentation de chaque Etat
partie (l'OUA comptait 50 Etats membres) justifie très certainement une
telle ; la Commission Interaméricaine des Droits de l'homme ne comprend
également qu'un nombre de membre (7) très inférieur
à celui des Etats membres de l'OEA ou partie à la Convention
Américaine (partie II de la résolution VIII de la
Cinquième Réunion de Consultation des Ministres des Affaires
Etrangères créant cette Commission Santiago-du-Chili, aout 1959
et article 34 de la Convention Américaine).
207 Ainsi, comme dans le système européen et
Américain, les commissaires sont élus par les organes
pléniers de l'organisation régionale intéressée
(article 21 de la Convention Européenne et l'article 36 de la Convention
Américaine) ; les Etats non parties aux instruments en question
participent donc au vote au même titre que les Etats qui sont en parties.
L'article 30 (4) du Pacte des Nations Unies relatif aux droits civils et
politiques réserve, pour sa part, aux seuls Etats parties la
participation à l'élection des membres du Comité des
Droits de l'homme.
208 Cette condition a pour conséquence de limiter le
choix des Etats en la matière. La Convention Américaine (article
36), pour sa part exige simplement que les candidats soient des ressortissants
d'un Etat membres de l'OEA. Quant à la Convention Européenne
(article 21), elle n'exige non plus que les commissaires aient la
nationalité d'un Etat partie, ni même celle d'un Etat membre du
Conseil de l'Europe ; la même règle est également
applicable aux membres de la Cour Européenne qui comprenait un juge
canadien (Ronald Saint Jones Mac-Donald) présenté par le
liechtenstein.
209 Ont été élus :
-Pour l'Afrique du Nord, Ali Mahmoud Abou Hadiyah (Libye) et
Ibrahim Ali Badawi El sheikh (Egypte), -Pour l'Afrique Australe, M.D Mokama
(Botswana) et MubangaChipoya CLC (Zambie),
-Pour l'Afrique Centrale, Gabou Alexis (Congo) et Isaac Nguema
(Gabon),
-Pour l'Afrique de l'Ouest, Beye Alioun Blondin (Mali),
Youssoupha Ndiaye (Sénegal) et Souharata N. Semaga Janneh (Gambie), Doc,
OUA, AFR/COM/HPR/2 (I), Annexe II. Le Commissaire Ougandais, ayant
démissionné pour les raisons personnelles le 25 avril 1989, a
été remplacé par U.OjiUmozurike (Nigéria) ; cette
composition est resté inchangée à la date du 31
décembre 1989.
210 Lors de sa sixième session ordinaire (Banjul, 23
octobre-4 novembre 1989), la Commission a élu U.O Umozurike
(Nigéria), Président et Gabou Alexis (Congo), vice-
président, et Ibrahim Ali Badawi El-Sheikh (Egypte)
211 Depuis le 10 février 1989, le poste de
Secrétaire de la Commission était occupé par Jean
Ngabishema Muntsinzi désigné en remplacement de Mme Esther
Tchouta-Moussa.
68
Commission de trois fonctions principales : la promotion des
droits de l'homme et des peuples en Afrique, leur protection et
l'interprétation de toute disposition de cet instrument.
Les attributions de la Commission en matière de
promotion des droits de l'homme et des peuples sont relativement plus larges et
la Commission accorde une importance toute particulière à cette
fonction ; dès sa deuxième session (Dakar, 8-13 février
1988), elle a en effet adopté un vaste programme d'action envisageant
dans le détail les principaux aspects de son activité de
promotion telle qu'elle a été fixée par l'article 45 (1)
de la Charte Africaine.
La commission a tout abord un rôle d'information et de
recherche ; c'est là l'activité de promotion par excellence dans
la mesure où elle a pour objet la sensibilisation de l'opinion publique
Africaine à la question des droits de l'homme et des peuples. A ce
propos la Commission consiste à : « -Rassembler la
documentation, faire des études et des recherches sur les
problèmes africains dans le domaine des Droits de l'homme et des
peuples212 ;Organiser des séminaires, des colloques et des
conférences213 et à diffuser des informations ;
encourager les organismes nationaux et locaux s'occupant des droits de l'homme
et des peuples214 ». La Commission joue aussi un
rôle auprès des Etats Africains, A ce propos, elle a notamment
mission de formuler « des principes et règles qui permettent de
résoudre les problèmes juridiques relatifs à la jouissance
des droits de l'homme et des peuples et des libertés fondamentales
»215. Il s'agit en quelque sorte ici d'un rôle
d'expertise en matière d'harmonisation des législations
nationales avec les dispositions de la Charte Africaine. Elle a aussi pour
mission de « coopérer avec les autres institutions africaines ou
internationales qui s'intéressent à la protection des droits de
l'homme et des peuples »216.
212Charte Africaine, article 45 (1) littera a).
213 Id, la Commission Africaine, a par exemple organisé
en collaboration avec l'Association Africaine de Droit international un «
Séminaire sur les droits de l'homme et le pouvoir judiciaire en Afrique
» à Banjul en (Gambie) du 13 au 17 novembre 1989.
214 Charte Africaine, article 45 (1) littera a). Comme exemple
de tels organismes nationaux autonomes chargés de protéger et de
promouvoir les droits de l'homme, on peut citer la Commission Nationale des
Droits de l'homme créé par le gouvernement Togolais le 9 juin
1987 ; celle-ci est composée de 13 membres : 2 magistrats, 2 avocats, 1
député, 1 représentant du Conseil économique et
social, 1 représentant de la jeunesse, 1 représentant des
travailleurs, 1 représentante des femmes, 1 représentant des
chefs traditionnels, 1 médecin, 1 enseignant en droit et 1
représentant de la croix rouge Togolaise.
215 Charte Africaine, article 45 (1) 216Ibid
69
B-La Conférence des Chefs d'Etat et de
Gouvernement
Véritable organe de décision du mécanisme
régional Africain des droits de l'homme à cause de sa
prééminence dans le processus décisionnel, la
Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement détient en fait le
droit d'initiative vis-à-vis de la Commission le pouvoir de
contrôle et celui de décision. Toutes les décisions finales
relatives à l'aspect de la protection des droits de l'homme et des
peuples par la Commission relève ainsi de la compétence des Chefs
d'état et de gouvernement, cet organe joue donc un véritable
rôle de censure de la Commission217.
En effet, La Conférence des chefs d'Etat et de
Gouvernement est comme son nom l'indique, composée des chefs d'Etats et
de Gouvernement des Etats membres de l'Union Africaine ou de leurs
représentants dûment accrédités218. Au
début de chaque session, la Conférence des chefs d'Etat
élit le président de la Conférence ainsi que huit
présidents de séance219. Il est d'usage de nommer au
poste de président de la conférence le chef de l'Etat hôte
de cette dernière220.
Le président exerce les fonctions traditionnelles en
matière : « intérieur et il prononce l'ouverture et la
clôture des séances, présente pour approbation les
procès-verbaux des séances, dirige les débats, accorde la
parole, met aux voix les sujets en discussion, proclame les résultats
des votes, statue sur des questions de procédure conformément aux
dispositions de la Charte et du règlement veille sur le
déroulement des débats en vue de leur assurer un état
permanent d'ordre et de dignité »221.Le
président de la conférence des Chefs d'Etat possède en
outre une attribution non prévue par les textes mais relativement
importante : la présidence de l'U.A durant les douze mois qui suivent sa
désignation222.
La Conférence des Chefs d'Etat est selon l'article 8 de
la Charte de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA), l'organe
suprême de l'Organisation aujourd'hui l'UA223. Les
pères
217 OUMBA (Parfait), Les mécanismes de
contrôle et de garantie des droits de l'homme Master Droit international
des droits de l'homme, Cameroun 2016 P.27.
218 Article 9 de la Charte de l'OUA
219 Article 9 du Règlement intérieur de la
Conférence
220 SEASAY OLUSOLA (Amadou) et FASEHUN (Orobola), The O.A.U.
After Twenty Years, Boulder and London, Westview Press, 1984, p.7.
221 Article 10 du règlement intérieur de la
Conférence
222 Il a ainsi la possibilité d'exercer « une
magistrature d'influence d'un sommet à l'autre. Il personnifie
l'Organisation dont il peut apparaître comme l'interlocuteur, parfois
même comme la cheville ouvrière », EDMOND (Jouve),
L'Organisation de l'Unité Africaine, Paris, PUF, 1984 p.57.
223 Le Conseil des Ministres est responsable devant la
Conférence des chefs d'Etat (Article 13 de la charte de l'OUA) et le
secrétaire général de l'OUA (et ses secrétaires
adjoints) est pour sa part, responsable devant le Conseil des Ministres
(article 7 du règlement intérieur du secrétariat
général) et il peut être révoqué par la
70
fondateurs de l'OUA avaient voulu en faire « la
conscience du continent, le forum où seront débattues toutes les
questions importantes qui intéresse l'Afrique224 et elle
s'avère en effet être l'institution par excellence, le tout de
l'Organisation ; elle est l'Organisation même (...)
»225.
C'est à elle qu'il revient d'examiner les questions
présentant un intérêt commun pour les pays africains et de
coordonner et d'harmoniser la politique générale de
l'organisation. Elle peut également procéder à la
révision de la structure, des fonctions et de l'activité de tous
les organes et de toutes les institutions spécialisées qui
pourraient être créées conformément à la
Charte de l'OUA226. Elle nomme le secrétaire
général de l'Organisation et ses adjoints227, elle
crée les commissions spécialisées qu'elle juge
nécessaires228 et prend toutes les décisions relatives
à l'interprétation229ou à la modification
230de la Charte consultative de l'Organisation.
Ensuite, la Conférence des chefs d'Etat se
réunit au minimum une fois par an ; elle peut également se
réunir en session extraordinaire à la demande de tout Etat membre
de l'organisation mais avec l'accord des deux tiers des Etats
membres231. Au cours de chaque session ordinaire, la
Conférence des chefs d'Etat décide la majorité simple du
lieu où se tiendra la session suivante232. Toute la
séance de la conférence des Chefs d' Etat se déroule
à huit clos sauf décision contraire de celle-ci prise à la
majorité des deux tiers de ses membres233.
Conférence (article 36 du règlement
intérieur de la conférence) ; quant aux membres de la Commission
de Médiation, de conciliation et d'Arbitrage, ils sont révocables
par la conférence (Article IV du Protocole de Médiation, de
conciliation et d'Arbitrage).
224 BOUTROS BOUTROS (Ghali), L'Organisation de
l'Unité Africaine, Paris, Librairie Armand Colin, 1969, p. 110.
225 AHANHANZO GLELE (Maurice), Introduction à
l'OUA., p.45. ; Voir aussi BORELLA (François), Le
système juridique de l'OUA, AFDI, 1971, p.236.
226 Voir par exemple l'Union des Chemins de fer (UAC), la
Commission Africaine de l'Aviation Civile (CAFAC), l'Union Panafricaine
d'Information (PANA), sur ce point cf, GLELE AHANHANZO (Maurice),
Introduction à l'OUA., pp 33-35
227 Articles 16 et 17 de la Charte de L'OUA
228Ibid, article 20 ; ces Commissions
spécialisées sont actuellement au nombre de trois : la
Commission
économique et sociale, la Commission de
l'éducation, de la science, de la culture et de la santé et la
Commission
de la défense ; il est difficile de considérer
comme telle la Commission africaine des droits de l'homme et des
peuples dans la mesure où elle n'a pas une composition
politique contrairement à la prescription de l'article 21
de la Charte de l'OUA ; ses membres siègent en effet
à titre personnel (Article 31 (2) de la Charte Africaine).
229 Article 27 de la Charte de l'OUA.
230Ibid article 33
231Ibid article 9
232 Article 6 du règlement intérieur de la
Conférence
233Ibid article 7
71
Par ailleurs, le pouvoir de contrôle de la
conférence des chefs d'Etat s'exerce en premier lieu sur les moyens par
lesquels la Commission peut s'acquitter de sa mission générale de
promotion et de protection des droits de l'homme en Afrique. L'article 29 du
règlement intérieur de la Commission prévoit en effet que
celle-ci peut créer des « sous commissions d'experts »
mais seulement après approbation de la Conférence des Chefs
d'Etat qui aura en substance la possibilité de décider des
attributions et de la Composition de chaque sous-commission234.
D'autre part, la conférence exerce sur les
activités de la Commission un contrôle plus en amont mais tout
aussi réel dans la mesure où seuls les mouvements de
libération nationale reconnus par l'OUA. Peuvent être
invités par la Commission à participer à la discussion
d'une question les intéressant particulièrement235. Le
pouvoir de contrôle de la conférence des chefs d'Etat s'exerce en
second lieu par le biais de l'examen des rapports que doit annuellement
communiquer la Commission. Ce rapport d'activités de la Commission ne
pourra en effet être publié par son président
qu'après examen par la conférence des Chefs d'Etat.
Enfin, la Conférence des Chefs d'Etat n'intervient,
mais de manière déterminante, que dans le cadre de la
procédure relative aux communications d'origine extra-étatique.
La Commission n'a en effet que le seul pouvoir d'examiner la communication
« à la lumière de tous les renseignements que le
particulier et l'Etat partie intéressé lui ont communiqués
par écrit236 et d'attirer l'attention de la Conférence
des chefs d'Etat que si cette communication relate « des situations
particulières qui semblent révéler l'existence d'un
ensemble de violations graves ou massives des droits de l'homme et des peuples
»237.C'est ensuite par la Conférence des Chefs
d'Etat qu'il appartient de décider de l'opportunité d'une
étude approfondie sur lesdites situations238. La
Conférence est le principal organe décisionnel de l'Union
Africaine ; ses
234 On observera ici que la Commission peut également
créer des « comités » ou des « groupe de travail
» et ceci sans approbation préalable de la Conférence des
Chefs d'Etat mais sur simple consultation du secrétaire
général (article 28 du Règlement intérieur de la
Commission) ; cette plus grande souplesse s'explique essentiellement par le
fait que ces comités ou groupes de travail ne peuvent être
composé que de membres de la Commission c'est-à-dire de personnes
initialement choisies par l'organe suprême de l'OUA
235 Article 73 du Règlement intérieur de la
Commission ; l'article 75 Participation d'autres organisations
intergouvernementales dispose pour sa part Les représentants des
organisations intergouvernementales auxquelles l'OUA a accordé le statut
d'observateur permanent et d'autres organisations intergouvernementales
désignées par l'OUA à titre permanent ou invitées
par la Commission, peuvent participer, sans droit de vote, aux
délibérations de la Commission sur les questions relevant du
domaine d'activité desdites organisations ; il ne ressort pas du
caractère disjonctif de ces conditions que l'approbation de la
Conférence des Chefs d'Etat soit ici nécessaire.
236 Article 118 (1) du Règlement intérieur de la
Commission
237 Article 58 (1) de la Charte Africaine ; aux termes de
l'article 118 (2) du Règlement intérieur de la Commission,
celle-ci peut au même moment lui faire également part de ses
constatations en la matière
238 Article 58 (2) de la Charte Africaine et article 118 (3) du
Règlement intérieur de la Commission
72
pouvoirs sont considérables au sein de l'organisation.
Elle précise notamment l'orientation générale des
politiques que devra mener l'Union Africaine, et autorise celle-ci à
intervenir dans un Etat membre en cas de crise grave, parmi ces crimes nous
pouvons citer crimes de guerre239, crimes de
génocide240 ou contre l'humanité241. La
saisine de la commission par un Etat partie est automatique concernant les
articles 47 et 49 de la Charte. En effet, tout Etat partie qui considère
qu'un autre Etat partie a violé les dispositions de la Charte a la
possibilité, par communication écrite, d'attirer l'attention de
cet Etat et de lui demander des explications concernant l'article 47 de la
Charte.
En somme, en tant qu'organe politique suprême de l'Union
Africaine, la Conférence des chefs d'Etat constitue également
à n'en pas douter l'organe décisionnel par excellence du
système de sauvegarde prévu par la Charte Africaine. Comme les
organes politiques des deux autres organisations régionale, le
Comité des Ministres du Conseil de l'Europe et l'Assemblée
générale de l'OEA dans le cadre des instruments pertinents, la
conférence des chefs d'Etat est chargée de la nomination des
membres de la Commission. Mais contrairement à celui-ci, elle exerce
sans partage les responsabilités les plus décisives en
matière de protection des droits de l'homme et des peuples garantis par
la Charte Africaine.
239 L'article 8 du statut de Rome de la Cour pénale
internationale définit le crime de guerre comme les infractions graves
aux Conventions de Genève du 12 aout 1949, à savoir l'un
quelconque des actes ci-après lorsqu'ils visent des personnes ou des
biens protégés par les dispositions de la Convention de
Genève. Sont qualifier crime de guerre l'homicide intentionnel ; la
torture ou les traitements inhumains, y compris les expérience
biologiques, la prise d'otage, le fait de priver intentionnellement un
prisonnier de guerre ou tout autre personne protégée de son droit
d'être jugé régulièrement et impartialement, la
détention illégale ; le fait de contraindre un prisonnier de
guerre ou une personne protégée à servir dans les forces
d'une puissance ennemie, le fait de causer intentionnellement de grandes
souffrances ou de porter gravement atteinte à l'intégrité
physique ou à la santé.
240 L'article 6 du Statut de Rome de la Cour pénale
internationale définit le crime de génocide comme l'un quelconque
des actes ci-après commis dans l'intention de détruire, en tout
ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux. Sont
qualifié acte de génocide :a) Meurtre de membres du groupe ;b)
Atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de
membres du groupe ;c)Soumission intentionnelle du groupe à des
conditions d'existence devant entrainer sa destruction physique totale ou
partielle ;d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe
;e) Transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe.
241 L'article 7 du Statut de Rome de la cour pénale
internationale définit le crime contre l'humanité comme l'un
quelconque des actes ci -après lorsqu'il est commis dans le cadre d'une
attaque généralisée ou systématique lancée
contre toute population civile et en connaissance de cette attaque. Sont
considérée comme crime contre l'humanité les actes
ci-après :a) Meurtre ;b) Extermination ;c)Réduction en esclavage
;d) Déportation ou transfert forcé de population ;e)
Emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique en
violation des dispositions fondamental du droit international ;f) Torture ; g)
Viol, esclavage sexuel, prostitution forcée, grossesse forcée,
stérilisation forcée ou tout autre forme de violence sexuelle de
gravité comparable ;h) disparition forcées des personnes ;i)
Crime d'apartheid ;j) Autre actes inhumains de caractère analogue
causant intentionnellement de grande souffrances ou des atteintes graves
à l'intégrité physique ou à la santé
physique et mentale.
73
Paragraphe II : La Garantie Juridictionnelle des Droits de
l'homme
La garantie juridictionnelle des droits de l'homme est
assurée par la Cour Africaine des droits de l'homme et des Peuples (A)
et la Cour Africaine de Justice et des droits de l'homme (B).
A-La Cour Africaine des droits de l'homme et des
Peuples
La Cour Africaine des droits de l'homme et des peuples est une
Cour régionale Crée par les pays Africains afin d'assurer la
protection des droits de l'homme et de peuples, des libertés et des
devoirs en Afrique. Elle renforce les fonctions de la Commission Africaine des
droits de l'homme et des peuples, la Cour a été
créée le 9 juin 1998 en vertu de l'article 1 du protocole relatif
à la Charte Africaine des droits de l'homme et des peuples portant
création d'une Cour Africaine des droits de l'homme et des peuples par
la Conférence des chefs d'Etats et de gouvernement de l'OUA aujourd'hui
l'UA réunie à Ouagadougou capitale du Burkina Faso et il est
entré en vigueur le 25 janvier 2004 après avoir été
ratifié par 15 pays. A ce jour 30 Etats seulement ont ratifié le
protocole242.
La Cour est composé de onze (11) juges ressortissants
des Etats membres de l'Union Africaine (UA) relatives à la
désignation et à l'élection des candidats au poste de juge
que la Cour à le nombre suivant de juges de chaque région A l'Est
(2), au nord (2), au centre (2), à l'Ouest (3) et au Sud (2), la cour ne
peut comprendre deux juges de la même
nationalité243.
Les premiers juges de la Cour ont été
élus en janvier 2006 à Khartoum, au Soudan. Ils ont
prêté serment devant l'Assemblée des chefs d'Etat et de
gouvernement de l'Union Africaine, le 2juillet 2006, à Banjul capitale
de la République Gambienne. Les juges de la Cour sont élus,
après leur nomination par leur Etats respectifs, à titre
personnel parmi des juristes Africains jouissant d'une très haute
autorité morale, et d'une compétence et d'une expérience
judiciaires ou académiques reconnues dans le domaine des droits de
l'homme.
Ils sont élus pour une période de six ou quatre
ans et sont rééligibles une seule fois. Les juges de la Cour
élisent parmi eux un président et un vice-président de la
cour pour un mandat de deux (2) ans. La Cour a triple compétence d'abord
la compétence consultative comme la Cour internationale de justice, la
Cour peut donner un avis à la demande d'un Etat membre de
242 KOWOUVIH (Sitsofé), « La Cour Africaine des
droits de l'homme et des peuples : une rectification institutionnelle du
concept de spécificité africaine en matière des droits de
l'homme RTDH, n°44 octobre pp.23.
243 KAMTO (Maurice), La Charte Africaine des droits de
l'homme et des peuples et le protocole y relatif portant création de la
Cour Africaine des droits de l'homme, commentaire article par article,
Bruxelles, Bruylant, Edition de l'Université de Bruxelles, 2011 p.18.
74
l'UA ou d'une organisation reconnue par l'UA, sur les droits
garantis par la Charte ou sur toute autre disposition d'un instrument juridique
relatif aux droits de l'homme244.
Lorsque l'avis est donné, c'est sur une question
juridique concernant la Charte ou tout autre instrument pertinent relatif aux
droits de l'homme, à condition que l'objet de l'avis ne se rapporte pas
à une requête pendante devant la Commission. Ceci, nous ne le
dirons jamais assez, s'explique par le fait que la Cour ne remplace pas la
Commission mais complète ses fonctions.
Même si les avis de la Cour, pris à la
majorité des membres, sont motivés, il n'est pas exclu qu'un juge
y adjoindre une opinion individuelle ou dissidente245. Ensuite, le
règlement à l'amiable des conflits selon l'article 9 du protocole
la Cour peut tenter de régler à l'amiable les conflits avant
d'engager une procédure contentieuse de règlement des
différends.
Enfin, la compétence contentieuse de la Cour (article
3, 5, 6 ,7 du protocole). La Cour peut recevoir et traiter les requêtes
émanant de la Commission africaine des droits de l'homme, d'un Etat
partie au protocole et de toute organisation internationale africaine, tendant
à dénoncer la violation des droits de l'homme par un Etat
partie.
Les organisations Non Gouvernementale ayant le statut
d'observateur auprès de la commission africaine et les individus peuvent
également saisir la Cour, si et seulement si un Etat mis en cause dans
la violation des droits de l'homme a accepté une telle
compétence246, pour statuer sur tout différend
porté à sa connaissance concernant l'interprétation de
dispositions de la Charte et de tout autre instrument pertinent relatif aux
droits de l'homme ratifiés par les Etats concernés.
Pour ce qui est de la procédure, une des
différences fondamentales de la Cour africaine par rapport à la
Commission, qui examine les mêmes types de violations des droits de
l'homme, est la judiciarisation de la procédure d'examen des
requêtes. Celle-ci permet la transparence dans le traitement des
affaires, l'égalité des parties et leur représentation,
selon les principes généraux du droit à un procès
équitable reconnus par les traités régionaux et
internationaux de protection des droits humains.
Le protocole portant création de la Cour africaine
réserve une place importante aux victimes en leur octroyant
participation, représentation, protection et réparation. Ces
dispositions
244Ibid
245 Article 4 alinéa 2 du protocole
246 Article 3 du protocole
75
complétées par le règlement
intérieur doivent être suivies par une pratique respectueuse des
droits des victimes pour assurer une efficacité de la Cour. Les
décisions de la Cour Africaine ont force obligatoire, contrairement aux
communications de la Commission. En revanche, leur exécution
dépend de la volonté des Etats.
En somme, la place de la Cour africaine des droits de l'homme
et des peuples fait l'objet de vifs débats scientifiques et politiques.
En effet, l'Assemblée des chefs d'Etats et de gouvernement de l'Union
africaine, lors de sa session ordinaire de juillet 2004 à Addis-Abeba
décida que : « la Cour africaine des droits de l'homme et des
peuples et la cour de justice seront fusionnées en une seule Cour
». Cette décision de l'Assemblée déboucha à
l'élaboration d'un projet de protocole portant statut de la Cour
africaine de justice et des droits de l'homme.
B-La Cour Africaine de Justice et des droits de
l'Homme
Le 1er juillet 2008, lors de son 11e
sommet à Sharm el-Cheikh en Egypte, l'union africaine à
décider de fusionner ces deux instances judiciaires : la Cour africaine
des droits de l'homme et des peuples et la Cour africaine de justice. Le
protocole de fusion, intitulé protocole portant statut de la Cour
africaine de justice et des droits de l'homme a été adopté
en 2008. Il remplace le protocole de la Charte africaine des droits de l'homme
et des peuples sur l'établissement d'une cour africaine des droits de
l'homme (adopté le 10 janvier 1998 et entré en vigueur le 25
janvier 2004) et le protocole de la Cour de justice de l'union africaine
adopté le 1er juillet 2003 et entré en vigueur le 25
novembre 2005.
Le Statut de la Cour africaine de justice et des droits de
l'homme se trouve dans l'annexe du protocole de 2008. Cette Cour
désormais connue sous le nom de la Cour africaine de justice et des
droits de l'homme, est l'organe judiciaire principal de l'union africaine. Le
siège de la Cour se trouve à Arusha en Tanzanie.
En effet, la Cour se compose de deux sections : la section des
droits de l'homme et celle des affaires générales. Seize (16)
juges indépendants247, élus par le Conseil
exécutif selon une répartition géographique
équitable, sont élus au scrutin secret à la
majorité des deux tiers des Etats membres ayant droit de vote et
nommés par l'Assemblée. Il est prévu que la Cour
décide chaque année des périodes de ses sessions
ordinaires et tienne des sessions extraordinaires248 sur la demande
de la majorité des juges. La Cour est compétente pour tous les
litiges et
247 Article 3 alinéa 1 du statut de la Cour africaine de
justice et des droits de l'homme.
248 Article 20 du Statut de la Cour africaine de justice et des
droits de l'homme.
76
différend relatif à l'interprétation et
à l'application de la Charte africaine des droits de l'homme et tous les
protocoles de la Charte ainsi que toutes les autres conventions relatives aux
droits de l'homme ratifiés par les Etats concernés249.
Les éléments suivants de compétence de la Cour ont
été rajoutés par le traité de 2008 :
l'interprétation et l'application de la Charte africaine des droits de
la femme et celle sur les droits de l'enfant 250; toute question de
droit international ; tout acte de décision et directive des organes de
l'union africaine qui donnent compétence à la Cour ; l'existence
de tout fait qui s'il était établi, constituerait la violation
d'une obligation envers un autre Etat partie à l'union ; la nature ou
l'étendue de la réparation due pour la rupture d'un engagement
international.
Ensuite, la Cour peut aussi donner des avis consultatifs sur
toute question juridique relative aux diverses Conventions sur les droits de
l'homme à l'exception des questions qui sont en cours d'examen par la
Commission. Elle est compétente pour rassembler les documents et mener
des études et des recherches sur des questions des droits de l'homme et
des peuples en Afrique et fixe les règles visant à
résoudre les problèmes juridiques liés aux droits de
l'homme et des peuples et interprète les dispositions de la Charte.
Peuvent saisir la Cour africaine de justice au titre des
traités de 1998 et de 2008 : la Commission de l'union africaine ; l'Etat
partie qui a déposer plainte auprès de la Commission ; l'Etat
partie contre lequel une plainte a été introduite ; l'Etat partie
dont le ressortissant est victime et les organisations intergouvernementales
africaine251.
Enfin, la Cour a le pouvoir de rechercher un règlement
amiable des cas qui lui sont soumis. Si la Cour constate des violations des
droits de l'homme, elle peut décider sur des mesures de
réparations et de compensations ou de mesures conservatoires urgentes,
ses jugements sont obligatoires pour les Etats. Les particuliers et les ONG
dotées du statut d'observateur auprès de la Commission peuvent
également introduire directement des requêtes auprès de la
Cour252.
249 Article 3 du protocole portant création de la Cour
africaine des droits de l'homme et des peuples.
250 Le Comité africain d'experts sur les droits et le
bien-être de l'enfant est l'organe de sauvegarde des droits contenus dans
la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant,
adoptée par la 26ième Conférence des Chefs d'Etat et de
Gouvernement de l'OUA, le 11 juillet 1990 à Addis-Abeba, Ethiopie,
entré en vigueur le 29 novembre 1999. Il est réglementé
aux articles 32 à 41 de cet instrument. Pour renforcer les deux organes,
la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples et ce
Comité africain d'experts, l'article 28 du statut de cette nouvelle
juridiction l'invite à tenir compte, dans l'élaboration de son
règlement intérieur, des relations de
complémentarité qu'elle entretient avec les deux organes.
251 Article 29 du statut de la cour africaine de justice
252 Article 34 alinéa 6 du statut de la cour africaine de
justice.
DEUXIEME PARTIE :
DES MECANISMES LIMITES
77
78
Hector GROS ESPIELL écrit : « il est
incontestable que la plus sûre et la plus juste protection de
l'être humain est celle qui est assurée grâce à des
juges libres et indépendants, irréprochables sur le plan moral et
intellectuel »253.Sans doute, la faiblesse du droit
international des droits de l'homme tient, au plan universel, à une
institutionnalisation encore insuffisante des mécanismes de
contrôle que « l'idéal proclamé de la protection
universelle des droits de l'homme en 1948 reste largement bafoué et se
heurte aux nombreux défis scientifiques »254. La
faiblesse des mécanismes de contrôle résulte en
réalité du fait de l'absence d'une procédure de
présentation de communication et des plaintes contrairement à
tous les autres systèmes régionaux des droits de l'homme à
savoir : la Cour Européenne des droits de l'homme de Strasbourg et la
Cour Africaine des droits de l'homme et des peuples d'Arusha (Tanzanie)
instituée par un protocole relatif à la Charte Africaine des
droits de l'homme et des peuples entré en vigueur le 25 janvier 2004.
L'analyse des limites ou des insuffisances du système universel de
protection permet donc de comprendre les raisons de l'inexécution d'une
grande partie des décisions et constatations rendue par les organes de
protection qui viennent d'être étudier. A cet effet, il convient
de préciser d'abord les mécanismes Universels : Une protection
relative des droits de l'homme (Chapitre I) Avant d'examiner la réforme
du système de protection des droits de l'homme (Chapitre II).
253 GROS ESPIELL (Hector) « La Cour interamericaine et la
Cour européenne des droits de l'homme », Liber Amicorum
Marc-André Eissen, Bruxelles/Paris, Bruylant/ LGDJ, 1995, p.246.
254 Affirmation du professeur Robert BADINTER,
Président de la mission pour le cinquantenaire de la déclaration
universelle des droits de l'homme, « Le Monde » du 18 Août
1998.
79
CHAPITRE I : DES MECANISMES UNIVERSELS : UNE PROTECTION
RELATIVE DES DROITS DE L'HOMME
Les Nations Unies se sont engagées à «
créer les conditions nécessaires au maintien de la justice et du
respect des obligations nées des traités et autres sources de
droit international » en faisant en sorte que les pays «
acceptent les principes et instituent les méthodes (...) » en
vue de leur application255. C'est assez dire que la justice est la
première garantie des droits de l'homme dont le droit contemporain offre
tout un maillage à la protection effective grâce à la
multiplication des voies de recours tant au plan interne qu'à celui
international. Et, il faut le reconnaitre, les normes de droit international
jouent un rôle significatif dans le système universel de
protection. Ce qui aide de toute évidence, à prévenir
l'anarchie sur scène mondiale. Le droit international classique
constitue, à cet égard, l'une des pierres angulaires de la
société civile qui oblige les gouvernements à respecter,
entre autre, les obligations issues des engagements internationaux relatifs aux
droits de la personne humaine. Cependant, malgré la création de
ce système international de garantie qui à, tout le moins,
contribué à une diminution relative du « taux » d'abus
et de violations, et qui constitue, par ailleurs, une digue contre
l'autoritarisme et les injustices ainsi que l'institution d'organes
internationaux chargés de veiller à ce qu'il n'y ait pas de
déviations ; il existe toujours un fossé entre cette oeuvre
grandiose de codification des droits entamée à l'échelon
international et la mise en oeuvre effective de ces droits. En fait, cela
s'explique par le fait que le droit international des droits de l'homme mis au
point par l'ONU est loin du schéma idéal de protection suite aux
paradoxes qui l'entourent (Section I), d'une part, ce qui ne manque pas
d'effets néfastes sur l'adéquation des organes de garantie mis en
place (Section II).
Section I : Des paradoxes du droit international des
droits de l'homme
« La règle morale se transforme en
règle de droit lorsqu'une collectivité prend conscience de la
nécessité de la respecter, d'une part, et de la
nécessité de sanctionner juridiquement, d'autres part ».
Cette formule de jean MORANGE révèle à elle seule la
complexité du droit international des droits de l'homme256.
Il est, certes vrai que les Etats participent tous à la création
des normes internationales des droits de l'homme. Mais dans la pratique, l'on
constate que ces exigences ont une portée très limitée. Le
paradoxe est que les Etats initiateurs de ces déclarations
internationales manifestent eux-mêmes des hésitations quant au
respect de
255 « Le Canada et l'ONU », Normes et droit
international (
www.unac.org/fr/linkKarn/en
difference/ international- law.asp)
256 MORANGE (Jean), Cité par BOUKONGOU (Jean Didier),
Op.Cit., p.106.
80
leurs engagements. Ainsi, le droit international des droits de
l'homme se trouve caractérisé par la contradiction entre
l'affirmation de l'universalisme des droits de l'homme tels qu'ils sont
consacrés dans les déclarations et les Pactes internationaux
(Paragraphe I) et les prétentions des Etats de maintenir en la
matière leur propre souveraineté (Paragraphe II).
Paragraphe I : Un universalisme factice de la protection
des droits
Le professeur Yves MADIOT considère que le concept
d'universalisme défini comme une unité de conception, de
définition et d'application des droits de l'homme n'a jamais
existé, à aucun moment de l'histoire car c'est un concept
éclaté257. Le droit international des droits de
l'homme s'inspire profondément du droit international
général dont il fait partie intégrante.
Il y tire un certain nombre de principes dont le plus
essentiel est le principe du consentement des Etats à prendre parti
à une convention ou à accepter la compétence de toute
juridiction internationale. Dès lors, la question qui se pose est celle
de savoir si l'on serait sorti de la longue hésitation entre une simple
coordination entre Etats souverains dont rien ne pourrait venir entamer les
volontés et un système de subordination dans lequel la contrainte
serait organisée contre les auteurs de manquements à la norme
commune. En d'autres termes, est-il possible de parler d'une réelle
protection universelle des droits de l'homme ? Au regard des réticences
des Etats à reconnaitre l'opposabilité et la compétence
des mécanismes de garantie (A) et l'absence de sanctions
considérables (B) en cas de violations des droits de l'homme, on ne
pourrait pas du tout affirmer que les droits de l'homme sont universellement
protégés.
A-La réticence des Etats vis-à-vis des
instruments et mécanismes de
protection
L'orientation de la Déclaration Universelle des Droits
de l'Homme de 1948 est celle de l'universalisme de la conception des droits de
l'homme258. Cette conception individualiste et libérale
était la conception dominante à une époque où l'ONU
ne comptait que 48 Etats.
Les deux pactes de 1966 qui prolongent la Déclaration
sous une forme conventionnelle ne suivent plus la même logique car la
conception communautaire s'est considérablement renforcée. Un
désaccord complet apparaît donc sur la conception de l'homme. Il
en résulte l'inexistence d'un universalisme de la définition
comme de la protection alimentée par des
257 MADIOT (Yves), Considérations sur les droits et
les devoirs de l'homme, Bruxelles, Bruylant.1998, p.37.
258 Le septième considérant de son
préambule dispose : « qu'une conception commune de ces droits et
libertés est de la plus haute importance pour remplir pleinement cet
engagement », Voir de SCHUTTER (Olivier) et alliés, Op.Cit.,
p.11.
81
facteurs politiques, idéologiques, économiques,
philosophiques et religieux et qui se manifeste par le rejet de
l'autorité ou le caractère obligatoire des instruments de
protection, d'une part, et d'autre part, une acceptation à double
vitesse marquée par des réserves nuisibles à a stricte
mise en oeuvre des mécanismes de garantie. Parlant du rejet de
l'autorité ou la méconnaissance des mécanismes de
garantie, certains Etats se sont montrés moins coopératifs et
opposés à ces procédures qui n'ont en fait qu'une valeur
relative.
Beaucoup dépend de la bonne volonté des
Etats259. Il est, bien en effet bien rare qu'un Etat, de l'avis du
professeur Gilbert GUILLAUME, accepte volontairement de voir contester son
action dans le domaine des droits de l'homme ou qu'il conteste le comportement
d'un autre Etat en pareil domaine260. Cela se manifeste par la
répugnance instinctive ou consciente à l'égard de tout
mécanisme supranational de contrôle dont le point de départ
est la ratification même des instruments internationaux relatifs aux
droits de l'homme261.
Le professeur Paul TAVERNIER262 trouve, en effet,
intéressant de s'interroger sur le sort réservé à
ces instruments, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et
politiques dans sa longue marche vers l'universalité et de l'avenir qui
lui est réservé en se basant sur les études du professeur
Jacques MOURGEON. Le constat qui en est fait est que l'avenir du Pacte est
incertain à cause de l'indifférence, l'hostilité, le
dédain des Etats.
En effet, à la fin de la 81e session du
comité des droits de l'homme qui s'est tenue du 5 au 30 juillet 2004,
153 sont parties au Pacte tandis que 104 seulement sont parties au premier
protocole et 53 au second (sur la peine de mort)263. L'acceptation
par les Etats des obligations découlant du Pacte est donc loin
d'atteindre l'universalité car une partie non négligeable de la
communauté internationale demeure à l'écart du
système conventionnel qui ne peut, dès lors, être
considéré comme reflétant l'état du droit
coutumier.
Même les Etats initiateurs n'échappent pas
à l'attitude de réticence. Tel est le cas des Etats Unis qui
n'ont toujours pas ratifié les Protocoles se rapportant au Pacte relatif
aux droits civils et politiques, la France dont le Conseil d'Etat n'avait pas
suivi les conclusions du commissaire du gouvernement philippe MARTIN sur le
fait que les principes du droit international correspondaient exactement
à ceux du droit interne en matière d'égalité
à propos de l'affaire
259 BOKATOLA OMANGA (Isse), Op.Cit.
260 GUILLAUME (Gilbert), « La cour internationale de
justice et les droits de l'homme » In Revue droits Fondamentaux,
N°1, juillet-décembre 2001 (
www.droits-fondamentaux.org/)
261 CHARVIN (Robert) et SUEUR (Jean-jacques), Droit de
l'homme et libertés de la personne, 3e édition,
Paris, Litec, 2000, pp.46-67.
262 TAVERNIER (Paul), Op.Cit., pp.480-482.
263 Nations Unies, Rapport du Comité des droits de
l'homme, Op.Cit., pp.117-187.
82
DOUKOURE264 ; ce qui a contredit la position prise
par le Comité des droits de l'homme dans l'affaire GUEYE,
conséquence d'un nationalisme orgueilleux. Cet état des choses
constitue un véritable modèle suivi par les « petits
Etats ». Comme l'avait écrit le professeur Paul TAVERNIER, il
s'agit d'un vaste débat, certes, qui ne sera pas clos de sitôt.
Toutefois, dans cette perspective, il peut être
intéressant d'observer qu'elle a été l'attitude des Etats
arabes vis-à-vis des textes adoptés au sein de l'Organisation des
Nations Unies en matière des droits de l'homme. Lors de l'adoption de la
Déclaration Universelle, la position des six Etats arabes membres
à l'époque des Nations unies révélait une certaine
diversité : quatre voix en faveur (Egypte, Irak, Liban et Syrie), une
opposition (Arabie Saoudite) et une absence au vote au (Yémen). Ces
positions doivent être appréciées par rapport au contexte
de l'époque.
Si Paul TAVERNIER semble lier le vote positif de l'Egypte et
du Liban à leur participation active à la rédaction de la
Déclaration et celui de l'Arabie saoudite et du Yémen à
des considérations religieuses, aucune raison n'est donnée quant
à l'adhésion de l'Irak et de la Syrie dont il faudrait recherche
l'explication non seulement dans les options modernistes de ces deux pays, mais
aussi dans leur caractère multiconfessionnel (Chrétiens, Juifs,
Chiites et Allaouites coexistant avec une majorité sunnite).
C'est une explication tout aussi valable pour l'Egypte et le
Liban. Le fait qu'aucun vote négatif arabe n'ait été
répertorié lors de l'adoption par l'Assemblée
générale des Nations Unies des deux Pactes de 1966 s'expliquerait
pour l'auteur par l'absence de toute référence à la
référence à la religion contrairement à ce qui
s'était fait dans la Déclaration de 1948.
Mais Paul TAVERNIER nous précise que la signature des
Pactes ne signifie pas pour autant une adhésion aux mécanismes de
contrôle révélant une « certaine méfiance
de la part des Etats arabes, à l'égard des procédures de
mise en oeuvre des deux Pactes, et notamment du
264 Dans cet avis (CE. Ass, Contentieux, 15 avril 1996, Mme
Doukouré, Rec. CE. P 126, AJDA 1996), rendu sur renvoi d'un tribunal
administratif à propos d'un litige individuel relatif à la «
cristallisation » des pensions civiles ou militaires des ressortissants
des anciennes colonies françaises, le Conseil d'Etat estime d'une part
qu'il résulte de la coexistence des deux Pacte, ouverts à la
signature le même jour, que l'article 26 du premier de ces Pactes (PIDCP)
« ne peut concerner que les droits civils mentionnés par ce Pacte
» et d'autre part, que les dispositions de l'article 26 du PIDCP «
n'étaient invocables que par les personnes qui invoquent une
discrimination relative à l'un des droits civils et politiques
énumérés par ce Pacte » (Voir aussi dans le
même sens :CE 29 décembre 1999, M Diaye, Req. N°207038).
Ainsi, contrairement à son Commissaire du gouvernement, la Haute
Assemblée estima que l'article 26 du PIDCP sur l'égalité
devant la loi ne saurait être invoqué à propos d'un droit
à la pension qui relève d'un autre Pacte des Nations Unies
(PIDESC). Lire à ce sujet : REYDELLET (Michel), « Etre
étranger. Les étrangers en France et conflits d'appartenance
», décembre 2002 (
http://perso.wanadoo.fr/felina/doc/etranger/reydellet.htm)
et le Conseil d'Etat, Section du contentieux, Requête et mémoire,
Affaire groupe d'information et de soutien aux immigrés c.
Ministère des Affaires étrangères, de la défense,
de la Fonction Publique, du Budget celui délégué aux
anciens combattants, 26 novembre 2004, p.6.
83
Pacte relatif aux droits civils et politiques qui a le
mérite d'avoir prévu la création d'un Comité des
droits de l'homme », Il est vrai que si l'adhésion de
l'Algérie, de la Lybie et de la Somalie au protocole 1 du Pacte sur les
droits civils et politiques (1989) fut significative à l'époque,
la suite des événements a mis en exergue son côté
paradoxal. Les problèmes de mise en oeuvre des deux Pactes
s'expliqueraient par la « difficile conciliation » entre les
impératifs de la Chariaa et les normes universelle des droits
de l'homme.
Ainsi, les Etats arabes ont fréquemment recours
à des réserves ou des déclarations interprétatives
pour limiter le champ d'application des normes onusiennes dans les domaines qui
relèvent totalement ou partiellement de la loi islamique. Toutefois,
même dans ce domaine il n'y a pas une position unifiée des pays
arabes, certains plus que d'autres insistant sur les prescriptions de la
Chariaa.
C'est une question complexe qui relève l'absence de
consensus parmi les juristes musulmans qui a pour conséquence on le voit
de créer une situation complexe ou prévaut un double
système de normes au champ d'application imprécis car
investissant pratiquement toute les branches du droit (civil, pénal,
constitutionnel)265.
C'est dans ce sens aussi que la Tunisie, même si elle a
reconnu la valeur et l'importance des instruments internationaux en les ayant
ratifié sans restriction ni réserve, limite par exemple la peine
application de ces instruments. En effet, ce dernier pays n'a jamais
ratifié le protocole additionnel au Pacte pour ne pas se soumettre au
contrôle du Comité des droits de l'homme, n'a jamais pu
procéder à la publication dans le journal officiel pour ne pas
susciter l'attention et l'intérêt de la doctrine et des
défenseurs des droits humains. Les raisons des réticentes sont
liées aux facteurs religieux sur l'égalité des sexes
(homme-femme)266.
Il est une autre plaie qui affecte l'action des
mécanismes de protection des droits de l'homme et par ricochet, leur
universalité : ce sont les réserves de fond refusant ou
minimisant ainsi leurs obligations et à marginaliser le contrôle
universel des droits de l'homme267. Fruit d'une certaine
méfiance à l'égard de l'originalité de l'instrument
universel, les réserves font montre
265 TAVERNIER (Paul), « Les Etats arabes, l'ONU et les
droits de l'homme », In Les cahiers de l'Orient n°19,
3ème trimestre 1992, pp.183-197. (htpp://
www.credho.org/biblio/islam/culture.htm)
266 CHEKIR (Hafidha), « Universalité et
spécificité : autour des droits des femmes en Tunisie »,
Center for philosophy of international Law and global plitics, JURA GENTIUM,
s.d (http//
dexl.tsd.unifi.it/juragentium/en/index.htm)
267 DHOMMEAUX (Jean), « Les Etats parties à la
Convention européenne des droits de l'homme et le comité des
droits de l'homme de l'ONU : de la cohabitation du système universel de
protection des droits de l'homme avec le système européen »
In Liber Amicorum Marc-André Eissen, Bruxelles/Paris,
Bruylant/LGDJ, 1995, p. 120.
84
d'une réelle hostilité qui, globalement, limite
l'avancée des droits de l'homme. Ces réserves sont de
différentes natures. Certaines concernent les modes de règlement
des différends pouvant naître de l'application ou de
l'interprétation des conventions. Elles ont été souvent
présentées lors des ratifications. D'autres, les plus importantes
et les plus nombreuses, portent sur les droits qui ont été
consacrés par les conventions, en somme sur l'objet des conventions.
Toutes les réserves ou déclarations sont
normalement, et du point de vue du droit international, utilisées pour
garantir le plus d'adhésion aux instruments internationaux et s'assurer
de la jouissance par les personnes de l'intégralité des droits
qu'ils consacrent. Elles représentent donc des exceptions admises,
acceptées à l'encontre du principe général des
ratifications totales et sans réserves268.
Mais, en vertu de l'article 2 (1) (d) de la Convention de
vienne sur le droit des traités de 1969, la définition et la
délimitation des conditions de leur utilisation sont
déterminées. Pourtant, malgré ces restrictions, la
majorité d'Etats a formulé les réserves au moment de la
ratification ou de l'adhésion aux conventions sur les droits de l'homme
en entravant, de ce fait, l'application universelle ou intégrale suite
au refus d'accepter certaines de leurs dispositions.
A titre illustratifs, en effet, les Etats Unis ont
formulé les réserves à propos de la peine de mort
269; la Norvège, le Royaume-Uni, la Suisse, la Suède,
le Danemark, la Finlande, l'Irlande, l'Islande, le Luxembourg et le Malte qui
sont hostile à l'article 20 (1) qui interdit toute propagande en faveur
de la guerre ont ainsi émis des réserves à ce
sujet270.
Tous les Etats arabes, dont la Tunisie ont formulé des
réserves au moment de la ratification ou de l'adhésion à
ces conventions en matière de la reconnaissance des droits universels
des femmes en raison de la prédominance d'un ordre social
inégalitaire conformément à l'interprétation de
l'Islam271. Les formules sont tellement nombreuses que leur
légalité a été mise en doute, du moins pour
certaines d'entre elles. La conférence de Vienne de 1993 a attiré
l'attention à juste titre sur ce point en demandant aux Etats d'examiner
la portée des réserves qu'ils formulent de façon à
ce que chacune d' « elle ne soit incompatible avec l'objet et le but du
traité en cause » et envisagent, le cas échéant, leur
retrait272. Quelques Etats ont
268 CHEKIR (Hafidha), Op.Cit.
269 SCHABAS A. (William), « Les réserves des Etats
Unis au pacte international relatif aux droits civils et politique en ce qui
concerne la peine de mort », In Revue Universelle des droits de
l'homme, vol.6 n°4-6, septembre 1994. Pp.137-150.
270 TAVERNIER (Paul), Op.Cit., p.482.
271 CHERIK (Hafidha), Ibidem
272 COHEN-JONATHAN (Gérard), « Evolution du droit
international des droits de l'homme », Mélanges offerts à
Hubert THIERRY, l'évolution du droit international, Paris,
Pédone, 1998, p.121.
85
effectivement retiré certaines réserves à
l'exemple de la France (1998), de l'Australie (1993), de la Suisse (1995,
janvier 2004 pour le second protocole), etc. Même si le nombre de celle
qui est encore en application demeure beaucoup trop élevé.
Cette question des réserves a d'ailleurs
été abordée par la Commission du droit
international273 et a de plus en plus retenu l'attention de la
doctrine274. La conférence mondiale sur les droits de l'homme
tenue en 1998 sur l'évaluation de la mise en oeuvre de la
Déclaration et du programme d'action de Vienne de 1993 à
toutefois, révélé dans son rapport, en ce qui concerne
l'universalité des droits de l'homme que l'appel lancé par la
Conférence mondiale voulant que les Etats évitent, dans la mesure
du possible, de formuler des réserves à l'égard des
instruments internationaux n'a pas donné des résultats
satisfaisants ? Nombre d'Etats hésitent encore à s'engager dans
la reconnaissance de l'obligation impérative de protéger sans
réserve les droits de l'homme275.
En outre, compte tenu de la complexité de la question
alimente aussi de substantielles controverses et conduit à de fortes
oppositions, entre autres, sur l'organe habilité à
apprécier les réserves et sur la compatibilité de ceux-ci
avec l'objet et le but de l'instrument qui les suscite. Le Comité des
droits de l'homme s'est vu confronté à la question des
réserves.
A cet effet, il soutient de, l'avis du professeur Abdel fattah
AMOS, que son rôle tant au titre de l'article 40 du Pacte que des deux
protocoles facultatifs suppose nécessairement l'interprétation
des dispositions du Pacte et l'élaboration d'une jurisprudence. Il en
conclut que les réserves excluant ou méconnaissant sa
compétence interprétative, s'agissant du Pacte, ne sont pas
acceptables. Il ajoute qu'en raison du caractère particulier d'un
instrument relatif aux droits de l'homme, la compatibilité d'une
réserve avec l'objet et le but du Pacte doit être établie
objectivement, en se référant à des principes juridiques.
A ce titre, il est particulièrement bien placé pour s'acquitter
de cette tâche276. Pour le professeur Jean DHOMMEAUX, le
Comité est investi par le Pacte d'une fonction de contrôle pour
faciliter la réalisation de ses objectifs en vertu de la théorie
de l'autonomie fonctionnelle.
273Voir le premier rapport du rapporteur
spécial, Alain PELLET, A/CN.4/470
274 COHEN-JONATHAN (Gérard), « Les réserves
dans les traités institutionnels relatifs aux droits de l'homme.
Nouveaux aspects européens et internationaux in Revue
générale de droit international public, 1996 ; N°4, pp
915-949.
275 Commission des droits de l'homme, Suivi de la
conférence mondiale sur les droits de l'homme, Evaluation quinquennale
de la mise en oeuvre de la Déclaration et du programme d'action de
vienne, Rapport intérimaire du Haut-Commissaire des Nations Unies aux
droits de l'homme, Cinquante-quatrième session, E/CN ; 4/1998/104, 20
février 1998, §59. (
http://www.hri.ca/fortherecord
1998/documentation/commission/e-cn4-1998-104 ;htm IV-B)
276 AMOS (Abdelfattah), Op.Cit., p.58.
86
Cette fonction, le Comité est appelé à
l'utiliser à travers son observation sur les réserve.
L'observation générale N°24 sur les réserves au Pacte
donne clairement la manière dont le Comité a justifié sa
compétence en ces termes : « il incombe nécessairement
au Comité de déterminer si une réserve est compatible avec
l'objet et le but du Pacte en particulier parce que (...) cette tâche
n'est pas du ressort des Etats parties s'agissant d'instrument internationaux
relatifs aux droits de l'homme, et en particulier parce que le Comité ne
peut se soustraire à cette tâche dans l'exercice de ses
fonctions... Le Comité doit nécessairement se faire une
idée de la compatibilité d'une réserve avec l'objet et le
but du Pacte avec le droit international général
»277. Cette position du Comité relativement
à sa compétence, en matière de réserves portant sur
un instrument relatif aux droits de l'homme, a été à
l'origine d'une divergence d'appréciation avec la Commission du droit
international.
Pour cette dernière, il est indiqué au
paragraphe 12 sur les réserves aux traités multilatéraux
normatifs, y compris les traités relatifs aux droits de l'homme que :
« la Commission souligne que les présentes conclusions sont sans
préjudice des pratiques et des règles mise en oeuvre par les
organes régionaux dans les contextes régionaux
»278.
Cette attitude de la Commission du droit international n'a
évidemment pas manqué de susciter une vive réaction du
Comité qui, dans sa lettre du 9 avril 1998 adressée au
président de la Commission du droit international, s'exprima sur la
perception de la Commission au sujet de l'examen des réserves, de la
plume de sa présidente, madame CHANET, en ces termes : « le
Comité considère à cet égard que les organes
régionaux de contrôle, ne sont pas les seuls institutions
intergouvernementales qui participent au développement des pratiques et
des règles qui y contribuent. Les organes universels de contrôle,
comme le Comité des droits de l'homme, ne jouent pas un rôle moins
important dans ce processus et sont donc habilités à participer
et à contrôler...Le Pacte et le Protocole facultatifs étant
de mieux en mieux acceptés, le Comité sera appelé à
jouer un rôle plus internationales de règlement » au
même titre que les deux Cours régionales (européenne et
interaméricaine) bien qu'il ne s'agisse pas d'un organe juridictionnel
à proprement parler279. C'est ainsi que, selon le Professeur
Frédéric COULE, suite au développement des pratiques qui
n'étaient pas prévues par les articles 19 à 23 de la
Convention de Vienne ou qui étaient contraires à ces dispositions
dont la plus importante d'entre elles était la pratique des organes de
contrôle des instruments de protection des droits de l'homme, la
Commission du droit international a inscrit le sujet des réserves
à
277 DHOMMEAUX (Jean), Le Comité des droits de
l'homme, Op.Cit, pp.657-659.
278 AMOS (Abdelfattah), Ibidem
279 DHOMMEAUX (Jean), Le Comité des droits de
l'homme, .Op.Cit., pp.657-658.
87
l'ordre du jour de ses travaux. Ces pratiques récentes
traduisent, en effet, là une remise en cause, voir un certain
dépassement des règles posées dans le cadre de la
Convention de Vienne.
A ce jour, le droit international positif n'organise, certes,
pas de réaction aux réserves contraires à l'objet et au
but des traités de protection des droits de l'homme qui serait efficace,
c'est-à-dire qui empêcherait la réserve de produire un
quelconque effet juridique. Un régime juridique probablement
partiellement inadapté à l'époque même où il
a été mis en place déploie ses effets pervers.
L'éparpillement d'appréciations subjectives portées sur
les mêmes réserves par les Etats parties, les organes de
contrôle, voir le dépositaire n'est pas un régime
satisfaisant de réaction aux réserves, aux traités de
protection des droits de l'homme.
Le régime retenu devrait assurer la lisibilité
de l'engagement entre Etats parties par une compréhension possible de la
réserve restaurant ainsi la stabilité nécessaire à
des saines relations conventionnelles ; il devrait garantir la
sécurité juridique précieuse aux particuliers, principaux
bénéficiaires de ces obligations et permettre une uniformisation
de la réaction aux réserves. Le régime
d'appréciation des réserves souhaitable devrait, tout en reposant
sur le critère de l'objet du but du traité, avoir un
caractère systématique, obligatoire et intervenir dès la
présentation de la réserve. Pour mettre en place un tel
régime, la Commission du droit international se trouve aujourd'hui
confrontée à la nécessité impérieuse de
faire oeuvre de développement progressif280.
Toutefois, dans son observation générale sur les
réserves, le Comité note que les réserves aux normes
impératives seraient contraires à l'objet et au but du Pacte. En
effet, les dispositions du Pacte qui représentent des règles du
droit international coutumier et a fortiori lorsqu'elles ont un
caractère de normes impératives ne peuvent faire l'objet de
réserves281. Ces interdictions concernent la torture,
l'esclavage, la privation de la vie, les arrestations arbitraires, la
liberté de pensée, de conscience et de religion, la
présomption d'innocence, l'exécution des femmes enceintes et des
enfants, les droits de minorités de professer leur propre religion et
d'employer leur propre langue, l'incitation à la haine raciale, le droit
au mariage, l'essentiel d'un droit à un procès équitable.
Cette liste ne regroupe que partiellement celle des droits auxquels on ne peut
déroger. Le Comité note qu'il n'y a pas de corrélation
280 COULE (Frédéric), « A propos d'une
controverse autour d'une codification en cours : les réactions aux
réserves incompatibles avec l'objet et le but des traités de
protection des droits de l'homme » In Liberté, Justice,
tolérance ? Mélange en hommage au doyen Gérard
COHEN-JONATHAN, Op.Cit p.521.
281 AMOS (Abdelfattah), Ibidem.
88
automatique entre les réserves émises à
l'égard des dispositions auxquelles il ne peut être
dérogé et celles qui portent atteinte à l'objet et au but
du Pacte.
Ainsi, normes non-dérogeables, intangibles,
impératives, coutumières si elles ne sont pas toujours faciles
à distinguer, conduisent à limiter sensiblement la marge de
manoeuvre de l'Etat et à étendre la normativité du
Pacte282. Une autre menace, beaucoup plus grave, qui pèse sur
l'universalité du Pacte concerne l'initiative d'un Etat à
dénoncer parce qu'il n'est pas d'accord au sujet de certaines
dispositions ou de certaines décisions des organes de garantie.
La République Populaire Démocratique de
Corée (actuel Corée du Sud) a annoncé son intention de
dénoncer le Pacte auquel elle a adhéré en
1981283. Ainsi, Trinité et Tobago a dénoncé le
Pacte, comme il en avait le droit, après que le Comité des droits
de l'homme eut déclaré illicite une réserve de cet Etat
tout en la tenant comme intégralement lié par le Protocole (au
sujet de l'affaire Rawle Kennedy c. Trinité et Tobago, communication
N°845/1999, CCPR/C67/D/845/1999, 31 décembre 1999). Trinité
et Tobago a ainsi renoncé à faire bénéficier
l'ensemble de sa population (et les étrangers) de la protection offerte
par le Protocole alors que cela pouvait être évité.
Dès lors, l'on se pose la question suivante : «
à quoi sert de voiler ainsi les Etats qui ne veulent pas s'engager par
un traité (ou ne le font qu'après s'être assurés
qu'ils pourront impunément n'en tenir aucun compte), qui manifestent
clairement leur opposition à la formation d'une coutume
générale et qui s'abstiennent soigneusement de reconnaître
les droits en cause dans leur ordre interne ? »284. Et avant
même de répondre à cette interrogation, une autre se pose.
Il s'agit de la question liée aux sanctions en cas de constatations
d'une violation des normes internationales relatives aux droits de l'homme.
B-Un régime de sanction pratiquement
quasi-inexistant
La problématique des sanctions, qui sont
définies comme de « véritables punitions
infligées afin de mieux garantir les droits »285,
est complexe. Il est, en effet difficile d'organiser, au plan universel, de
véritables sanctions juridiques, et juridictionnelles286.
Mais cela ne signifie pas qu'elles sont inexistantes en droit international. Il
est donc faux d'affirmer que ce dernier ignore complètement les
sanctions alors que le droit coutumier les pratiques sous des formes
282 DHOMMEAUX (Jean), Op.Cit., p.483.
283 TAVERNIER (Paul), « Droits de l'hommisme et droit
international » In Revue droits fondamentaux, N°1,
juillet-décembre 2001 (
http://www.droits-fondamentaux.org/).
284 Ibidem
285 GUINCHARD (Serge) et MONTAIGNER (Gabriel), Op.Cit., p.524.
286 BECET (Jean Marie) et COLARD (Daniel), Op.Cit., p248
89
variées telles que la rupture des relations
diplomatiques, l'annulation d'un traité irrégulièrement
conclu, la caducité d'un traité inexécuté par le
cocontractant, les mesures de rétorsion, les représailles, etc.
Ainsi, comme l'affirmait le professeur Wolfgang FRIEDMANN de
l'université de Columbia et représentant d'un courant «
institutionnaliste » : « dans les organisations Internationales,
le non-respect des règles peut être sanctionné par la
`'non-participation» de l'Etat fautif au bénéfice de la
coopération organisée par l'organisation
»287.
Toutefois, il est important de reconnaître qu'en tout
état de cause, on ne doit pas identifier la notion de système
juridique avec celle de sanction. Il y a, en effet, dans certains
systèmes internes des branches de droit qui ne comportent pas de
mécanismes de sanction à l'exemple du droit constitutionnel quand
il n'y a pas de contrôle de constitutionnalité (cas de l'Allemagne
sous la constitution Weimar du 31 juillet 1919 et de la France de 1789 à
1958).
On fera aussi observer que si l'application, d'un
côté, de la sanction peut être la condition de
l'efficacité du droit, elle n'est pas celle de son existence (à
condition que l'existence soit le sentiment de l'obligation). Le droit
international n'ignore donc pas complètement les sanctions car le droit
coutumier les reconnaît et les pratiques sous des formes qui varient de
la rupture des relations diplomatiques, de l'annulation des traités
irrégulièrement conclu, de la caducité d'un traité
inexécuté par le cocontractant, des mesures de rétorsion
aux représailles.
Certes, ces sanctions n'ont ni l'efficacité ni l'aspect
du droit privé. Mais ce serait manquer de méthode que de
considérer le droit interne comme étant le seul type possible
d'ordre juridique288. Ainsi, il est donc vrai que la
fragilité du droit international réside dans
l'inefficacité relative de ses sanctions que la mesure où de
nombreuses règles qu'il pose peuvent parfois être violées
en toute impunité. Aucune des institutions chargées de son
respect ne dispose d'un pouvoir coercitif efficace. Le respect du droit
international public, bien qu'il apparaît, à l'observation, que la
plupart d'Etat accepte de se soumettre sans trop de résistance aux
règles édictées par le droit ; est donc soumis au bon
vouloir des Etats289. Et comme le droit international des droits de
l'homme doit inexorablement se tourner vers le droit international
général pour assurer sa mise en oeuvre, il n'est pas surprenant
qu'il n'offre qu'un marginal et imparfait soutien à l'exécution
des obligations étatiques en matière de
287 Université de Lille2, « l'effectivité du
droit international »(
www.univelille2.fr/droit/dip/1
3.hm).
288 Ibidem
289 Université de Lyon3, « Introduction virtuelle au
droit : le droit international et le droit européen »,
Faculté de droit, janvier 2004 (
www.facdedroit-lyon.com/modules/ivd/10
droit international droit européen.php.conventions)
90
sanctions, Le professeur Karel VASAK l'a écrit : «
il n'existe pas d'institutions des droits de l'homme exerçant une
fonction de sanction »290.
Mais le professeur Charles LEBEN insiste de son coté
sur l'idée que le schéma de l'évolution de l'ordre
juridique international pourrait ne pas être « simplement la
répétition de l'évolution suivi par l'ordre juridique
interne » et qu'il pourrait y avoir maintien d'une
société internationale pluraliste dans laquelle coexisteraient
différentes organisations disposant de moyens de contrainte n'appliquant
pas la centralisation de la force. On pourrait approcher cette réflexion
de la notion de « niveau de solidarité »
évoquée par le professeur Georges SCELLE, ou l'idée d'une
régénération du droit international à partir
d'ensembles régionaux, dont parlait le professeur Wolfgang FRIEDMANN.
L'existence du droit appliquant les sanctions entre les Etats
doit donc être considéré, au stade actuel, comme une
réalité depuis l'apparition des organisations internationales
même s'il est encore difficile de trancher sur leur autorité. Et
ces sanctions internationales visent tous les domaines du droit international y
compris celui des droits de l'homme291.
En conséquence, les sanctions pour violation des droits
de l'homme, lesquelles existent, sont mineures, partielles et limitées.
Ainsi, comme le dit le professeur Antonio CASSESE : « la
communauté internationale ressemble à ce merveilleux pays,
l'Eldorado, ou Candide et son fidèle serviteur Cacambo finirent
après tant d'adversités, et où il n'y a ni tribunaux ni
parlements, ni prisons (...) pour la seule raison qu'aucun Etats n'a
réussi à dicter ses lois aux autres »292. Ce
climat de « quasi anarchie » de la communauté internationale
est favorable à la violation permanente des droits de l'homme car
malgré les condamnations dont font l'objet les Etats auteurs de ces
violations, ils peuvent continuer à conclure les traités,
à envoyer et recevoir des ambassadeurs, à participer aux
débats des organes des Nations Unies et à voter sur telle ou
telle autre résolution. Tel est le cas de certains pays comme
l'Israël, l'Afrique du sud du temps de l'Apartheid, le Chili et
autres293. Cette précarité s'explique donc, en
définitive, par un environnement international défavorable du
fait que la société internationale n'est pas homogène
à cause de la souveraineté des Etats qui continue aussi à
s'imposer.
290 VASAK (Karel) cité par PELLET (Alain), Op.Cit.
291 Université de lille2,Op.Cit.
292 CASSESE (Antonio), « La valeur actuelle des droits de
l'homme », Mélange René-Jean DUPUY, Op.Cit, p.72.
293 Idem.p.70.
91
Paragraphe II : Un droit respectueux de la
souveraineté étatique
Les violations des normes internationales relatives aux droits
de l'homme soulèvent une question préalable de fond : les
mécanismes de contrôle internationaux sont-ils compatibles avec le
principe de la souveraineté des Etats ? La querelle remonte au
début du XXe siècle mais c'est surtout dans le cadre
de l'ONU qu'elle a été soulevée. Que faut-il d'abord
entendre par la souveraineté ? En politique, la souveraineté est,
selon la définition que propose le professeur Jean BODIN, « la
puissance absolue et perpétuelle de toute forme d'organisation politique
légitime. Son détenteur, l'Etat, n'est soumis à aucune
autorité ni au plan interne, ni au plan externe. L'Etat souverain n'a
véritablement d'ordre à recevoir, ni directement, ni
indirectement de qui que ce soit. Il est donc indépendant et jouit d'une
liberté de décision pleine et entière. Il parle et agit au
nom de la population relevant de sa juridiction. Bref, il est et demeure un
sujet à plénitude de compétence »294.
Selon le professeur Monique CHEMILLIER-GENDREAU, la théorie de la
souveraineté est le « gage de la cohésion interne et
assure le principe non contradictoire entre les normes d'un même ensemble
national. Mais en entrant dans le champ international, elle devient la
théorie des souverainetés et semble faire obstacle à toute
possibilité de centralisation »295. De ce point de
vue, le professeur Hélène RUIZ FABRI écrit, quant à
elle que, « la souveraineté sert à designer le fait de
n'être assujetti à aucune autorité supérieure. Elle
se caractérise, dans ce cas, non pas comme un pouvoir mais comme une
liberté de l'Etat d'exercer comme il l'entend des pouvoirs dont il
dispose »296. Une telle conception de la
souveraineté des Etats reste une notion forte qui les rend les libres de
leurs systèmes juridiques à l'intérieur de leurs
frontières. En matière des droits de l'homme, les Etats qui ne
sont pas enclins à leur protection effective malgré l'obligation
qui leur incombe s'en servent régulièrement comme alibi en
utilisant, à tort ou à raison, le principe corollaire, à
savoir, la non-ingérence dans les affaires internes (A) qui,
invoqué abusivement, viole, à son tour le caractère
erga omnes des normes relatives aux droits de l'homme (B).
294 BODIN (Jean) Cité par GNONHOUE (Jean-Baptiste),
« Souveraineté des Etats et justice pénale internationale
», Session régionale de formation en droit humains, Chaire Unesco
des Droits de la personne et de la Démocratie, Cotonou, 2002.
295 CHEMILLIER-GENDREAU (Monique), « Le droit
international entre volontarisme et contrainte », Mélange offerts
à Hubert THIERRY, l'évolution du droit international,
Paris, Pédone, p.95.
296 RUIZ FABRI (Hélène), « Droits de
l'homme et souveraineté de l'Etat : les frontières sont-elles
été substantiellement redéfinies ? », In les
droits individuels et le juge européen. Mélange en honneur
de Michel FROMONT, Strasbourg, PUS, p.373.
92
A-La problématique du principe de
non-ingérence
Le principe de non-ingérence dans les affaires internes
des Etats avait été progressivement élaboré, au
début du XXe siècle pour empêcher les
interventions arbitraires des grandes puissances et stabiliser une
société internationale qualifiée d'anarchique du fait
qu'il n'y existe une véritable autorité judiciaire
supranationale, qu'elle est caractérisée par les rapports de
force et les inégalités297.
En effet, l'article 2 (7) de la Charte des Nations Unies
dispose : « aucune dispositionsde la présente charte n'autorise
les Nations Unies à intervenir dans les affaires qui relèvent
essentiellement de la compétence nationale d'un Etat, ni oblige les
membres à soumettre des affaires de ce genre à une
procédure de règlement aux termes de la présente Charte...
».
D'autres textes précisent d'ailleurs le concept contenu
dans cette disposition notamment les résolutions 2625 (XXV) et 36/103 de
l'Assemblée Générale. La première indique qu'aucun
Etat ni groupe d'Etats n'a le droit d'intervenir directement dans les affaires
intérieures d'un autre Etat. Quant à la seconde, elle
annonçait que les Etats ont le devoir de s'abstenir d'exploiter ou de
déformer les droits de l'homme dans le but de s'ingérer dans les
affaires intérieures des Etats298. A contrario, le triomphe
des droits de l'homme donnant à celui-ci la finalité de tout
droit, les Etats sont appelés à faire preuve d'une
véritable solidarité croissante pour qu'ils soient
véritablement vécus.
Ce qui leur a conféré une reconnaissance
universelle. Ainsi, « les parties soulignent que les efforts tendant
à promouvoir et à protéger ces droits doivent s'exercer
dans le respect des buts et principes de la charte des Nations Unies aussi bien
que de leur universalité, tout en tenant pleinement compte des
particularismes »299. Ce qui déboucle sur la notion
de coopération internationale, séparément ou en
collaboration avec l'ONU en vue de créer les conditions de
stabilité et de bien-être afin d'assurer entre les nations les
relations pacifiques et amicales300.
La communauté internationale a alors le pouvoir
d'exercer un droit de regard sur la conduite des Etats grâce au
succès de la philosophie des droits de l'homme dont le fondement est
l'obligation de respecter les droits de l'homme et les libertés
fondamentales en attribuant à
297 ROBERT (Anne-Cécile), « Dans le chaos de
l'après-guerre : justice internationale, politique et droit »,
In Monde Diplomatique, N°590, Mai 2003, p.25.
298 DORMENVAL (Agnès), Op.Cit., p.90.
299 Ibidem.
300Cfr article 1§ 3, 55 et 56 de la Charte des
Nations Unies.
93
certaines normes y relatives un caractère de « jus
cogens », c'est-à-dire de normes
impératives301.
Malgré cette grande évolution qui met en cause
le principe de non-ingérence en instaurant un nouvel équilibre,
celui-ci et les exigences de la protection universelle des droits de l'homme,
les Etats souverains peu désireux de collaborer avec la situation
générale des droits de l'homme, dans le monde demeurent
sourcilleux sur la portée de leurs engagements en avançant
prudemment en vue d'éviter les surprises dans la mesure où ces
engagements ne doivent être pris à la légère.
Aussi sur le plan interne, l'Etat peut accepter que ses
ressortissants provoquent l'annulation de ses décisions illégales
et le fassent condamner alors que dans la société internationale
il n'accepte pas facilement de se laisser accuser -à fortiori condamner
ni les par un autre Etat ni par un individu ni par une juridiction.
Ainsi, il arrive des fois qu'un Etat. Provoque des heurts avec
les instances de garantie dans le but de méconnaitre la portée de
ses engagements à l'image de la Guinée Equatoriale qui, dans
l'affaire Esseno Mika Miha (8 juillet 1994) devant le Comité
des droits de l'homme, a déclaré « la recevabilité de
la communication contraire aux normes élémentaires du droit
international et constitue une ingérence dans les affaires
intérieures de la Guinée »302.
L'application trop rigide par les Etats membres des Nations
Unies des instruments internationaux de protection des droits ne fait que
favoriser le relativisme au détriment d'une protection internationale
dotée d'une dimensions objective et source d'un « ordre public
international ». L'existence d'un engagement ferme de respecter les
droits de l'homme à cause du principe sacro-saint de non-intervention
place ainsi les droits de l'homme dans le « domaine
réservé »303 et viole de toute
évidence le caractère erga omnes des droits humains.
301 Le jus cogens est la notion de `'norme
impérative». Aux termes de l'article 55 de la Convention de Vienne
de 1969 sur le droit des traités, « une norme impérative du
droit international général et une norme acceptée et
reconnue par la Communauté internationale des Etats dans son ensemble ;
en tant que norme ayant le même caractère ». Lire à ce
sujet DOUCET (Ghislaine), « La responsabilité pénale des
dirigeants en exercice » In Actualité et Droit
international, janvier 2001 (
www.ridi.org/adi)
302 BOUKONGOU (Jean-Didier), Op.Cit., p.112.
303 Il s'agit du domaine de la compétence nationale
qui, selon la terminologie de la Charte de l'ONU (article 2 §7) signifie
affaire relevant exclusivement des Etats membres et soustraites de ce fait
à la compétence des organes de l'ONU, Voir GUINCHARD (Serge) et
MONTAIGNIER (Gabriel), Op.Cit., p.128.
94
B-Une violation certaine de l'obligation « erga
omnes »
Selon le droit international, écrit par le professeur
Hugo Ruiz DIAZ GALBUERA, il existe des « principes et règles
juridiques de base ou fondamentaux »304 qui sont trait à
la protection internationale des droits humains dont la portée
s'étend à tous les sujets de droit international tant sur le plan
conventionnel que celui coutumier. Ce qui crée à l'égard
desdits sujets, notamment, les Etats et les organisations internationales, une
obligation de les respecter et de les faire respecter de manière
inconditionnelle. Il s'agit des normes obligatoires qualifiées de normes
erga omnes, spécialement, les droits humains, et entre ceux-ci,
l'interdiction du crime international de l'apartheid du génocide,
Etc305.
L'arrêt célèbre Barcelona Traction
(1970) fonde cette garantie solide des droits de l'homme, sur les
obligations des Etats. Les unes, de l'avis du professeur Raymond GOY, sont des
« obligations envers la communauté internationale dans son
ensemble ». Cette formule évoque le jus cogens : elle
peut être tenue pour équivalente, le rejoint sans se confondre
avec lui.
Ces obligations, poursuit-il, concernent notamment les droits
fondamentaux de la personne humaine, concernant tous les Etats, et sont des
obligations erga omnes, alors que les obligations qui naissent
vis-à-vis d'un autre Etat dans le cadre de la protection diplomatique
n'intéresse que ceux-ci. Donc, pour des obligations erga omnes,
tous les Etats sont considérés comme ayant un
intérêt juridique à ce que ces droits soient
protégés alors que pour les obligations relevant de la protection
diplomatique, tous les Etats n'ont pas un tel
intérêt306.
L'institut de Droit international (CDI), par une
résolution adoptée le 3septembre 1989 a déclaré,
quant à lui, que « ...l'obligation de respecter les droits de
l'homme incombe à tout Etats vis-à-vis de la communauté
internationale dans son ensemble et tout Etat à un intérêt
juridique à la protection des droits de l'homme... ». En
consacrant l'obligation de respecter les droits de l'homme comme obligation
erga omnes. La résolution précise, en outre, que chaque
Etat peut ainsi invoquer les violations des droits de l'homme commis par un
autre Etat
304 Parmi ces principes nous pouvons citer : les droits
humains sont inhérents à tout être humain quel que soit sa
condition et son genre : ont une portée universelle, sont
interdépendants, étroitement liés, indissociables : chacun
a le droit de jouir de tous les droits humains sans discrimination ; ils
englobent les droits des collectivités et des peuples ; certain d'entre
eux son inaliénables comme le prévoit l'article 4 du PIDCP et la
violation de certains d'entre eux dans les circonstances
déterminées est un crime contre l'humanité qui
relève de la compétence universelle parce que ce sont les
violations des normes de jus cogens.
305 RUIZ DIAZ GALBUERA (Hugo), « Les politiques
menées par les IFI et leur responsabilité par les violations
massives des droits humains à l'impositions des programmes d'ajustements
structurels », Equipo NIZKOR, informations, DERECHOS (
http://www.derechos.or/nizkor/econ/hdb.html)
306 GOY (Raymond), La Cour internationale de justice et
les droits de l'homme, Bruxelles, Bruylant, 2002, p.50.
95
et appliquer à son encontre des mesures non militaires
proportionnées à la gravité des violations (article
5)307.
Les normes erga omnes ont, une fois de plus
été confirmées par la Cour internationale de justice dans
l'affaire du Timor Oriental opposant le Portugal c.
Australie308 sur le droit des peuples à disposer
d'eux-mêmes. La Cour, en qualifiant ainsi certaines obligations
conventionnelles d'obligations coutumières, puis en faisant d'elles des
obligations erga omnes, à imposer à tous les Etats des
normes minimales inspirées des considérations
élémentaires d'humanité qu'elle avait déjà
invoquées dans l'affaire du Détroit de Corfou (Albanie c.
Royaume-Uni) sur le règlement d'indemnités. Elle a
donné de la sorte un contenu concret à ces
considérations.
Ce faisant, elle a jeté les bases d'un droit coutumier
universel qui, sans remettre en cause le droit conventionnel, s'impose à
tous. Loin des querelles doctrinales sur le jus cogens, elle a ainsi,
de manière pragmatique, tenté de faire progresser les droits de
l'homme et y est largement parvenu309. Cette avancée
marquante implique dès lors, autant que le souligne le professeur Sidi
Mohamed OULD CHEINA, que l'argument de la compétence nationale de
l'Etat, au sens de l'article 2 paragraphe 7 de la Charte des Nations unies, n'a
plus de valeur juridique à partir du moment où l'Etat est
l'auteur des violations des droits de l'homme. Par ailleurs, on notera, qu'il
n'existe pas d'accord précis et définitif sur les droits
protégés. Il a été soutenu que l'atteinte à
ces droits doit porter sur « les droits essentiels »
touchant les intérêts de l'humanité ou « droit
fondamentaux » ou encore droits « auxquels on ne peut
déroger en aucune circonstance »310.
En définitive, le principe de non-ingérence dans
les affaires intérieures n'est plus opposable et ne saurait servir de
barrière protectrice derrière laquelle les droits de l'homme
pourraient être massivement et systématiquement violés en
toute impunité311, bien que les tenants du volontarisme
étatique, à l'exemple de la Chine et de la plupart d'Etat du
Tiers monde, se maintiennent dans la logique qui fait nécessairement
obstacle au développement du droit
307 Institut de Droit international, la protection des droits de
l'homme et le principe de non-intervention dans les affaires intérieures
des Etats, Session de Saint-Jacques de Compastelle, 13 septembre 1989, p.4.
308 Arrêt du 30 juin 1995
309 GUYLLAUME (Gilbert), « La cour international de justice
et les droits de l'homme », in Droits fondamentaux, N°1,
juillet-décembre 2001, pp 28-29
310 MOHAMED OULD CHEINA (Sidi), « La Cour africaine des
droits de l'homme et des peuples : un processus de longue haleine »(
http://www.ould.cheina.neuf.fr/cour
africaine3.htm)
311 DIENG (Adama), « Droits de l'homme et culture
démocratique », Acte de la cinquantième réunion
préparatoire au sypmposuim de Bamako : la culture démocratique,
juin 2000 (
http://démocratie.francophonie.org/rubrique.php3
id rubrique)
96
international312. Bref, l'internationalisation de
la protection, lui offre en quelque sorte, une voie d'appel dont l'importance
ne cesse de croitre et dans certaines situations, face à des
gouvernements « bêtes fauves », « les
techniques internationales sont même les seules recours envisageables
»313.
Et la souveraineté, à en croire monsieur Perez
DE CUELLAR, ancien secrétaire général des Nations Unies
dépend de l'attitude d'un Etat par rapport aux droits de l'homme puisque
la protection constitue la clé de voûte du système
international, donc de la paix314. Mais il faut reconnaitre que les
différents paradoxes ci-dessus mentionnés et entretenus par les
Etats membres des Nations Unies parties aux multiples instruments de protection
des droits de l'homme ont sérieusement influé sur la
qualité et l'efficacité des organes de mise en oeuvre qui, au
final, révèlent une inadaptation dans leurs procédures et
méthodes de travail.
Section II : L'inadéquation des organes de
garanties
Si l'action des Nations unies en matière des droits de
l'homme est militée, c'est fondamentalement à cause de la nature
et du pouvoir dont disposent ses organes de protection. La Commission des
droits de l'homme, organe intergouvernemental, n'échappe malheureusement
pas aux jeux et manipulations politiques (Paragraphe I) que lui imposent les
Etats membres, d'une part. D'autre part, le caractère techniquement
non-juridictionnel du Comité des droits de l'homme (Paragraphe II),
pourtant constitué d'experts indépendants, ne lui permet pas
d'avoir des résultats escomptés pour une protection effective des
droits individuels.
Paragraphe I : Une Commission manifestement
politisée
Malgré ses nombreuses réalisations, la
Commission ne parvient pas à apporter une réponse opportune,
durable et parfaite aux nombreux problèmes qui se posent aujourd'hui en
matière des droits humains. Plusieurs tendances négatives ont
confirmé voire concrétisées dans des initiatives
particulièrement inquiétantes visant à porter directement
atteintes à son mandat de protection. La particularité dans ses
réactions face aux violations des droits humains (A) ainsi la motion de
« non-action » (B) sont des facteurs contribuant à
l'effritement de sa crédibilité et de la baisse de son niveau de
compétence professionnel.
312 CHEMILLIER-GENDREAU (Monique), Op.Cit., p29
313 MINKOA SHE (Alphonse), Droits de l'homme et droit
pénal au Cameroun, Paris, Economica, 1999, p.89.
314 DIENG (Adama), Op.Cit.
97
A-Une partialité dans les réactions face
aux violations des droits humains
« Il est illusoire qu'un organe politique
formé par les représentants des Etats prenne des décisions
qui ne soient pas posées. Ce serait absurde que de prêcher la
chasteté dans une maison close »315.La Commission
des droits de l'homme souffre, en effet, d'un manque de débat
constructif étant entendu qu'elle travaille sur la base des propositions
des Etats qui la composent dont les visions diplomatiques, politiques,
stratégiques sont divergentes. Cet état des choses est à
la base d'un certain nombre de clivages qui divisent la Commission.
Il conduit à son dérapage à travers
l'application d'une « politique du pire » de la part des
Etats qui sont à la fois juges et parties316. La
dérive est constituée ainsi par des manoeuvres concertées
des Etats qui pourraient être incriminées, pour se soustraire
à la moindre réprimande de l'organe de contrôle, real
politik des puissances occidentales pour éviter les mises en causes
jugées, diplomatiquement, trop coûteuse ; « penchant
immodéré ».La commission pour le consensus.
Les décisions, résultats des marchandages «
relèvent plus d'alliances ponctuelles, voire de complicités entre
Etats, que les droits de l'homme »317. La Commission se
révèle donc comme un organe « menotté au sein
duquel on voit proliférer le mensonge et le « deux poids, deux
mesures », les discours creux de ceux qui, tout en jouissant de leur
opulence, tout en gaspillant et en polluant, regardent ailleurs et feignent de
ne pas voir comment les droits sont violés
»318Ainsi, que s'était exprimé monsieur
Felipé PEREZ ROQUE, ancien ministre cubain des relations
extérieures. De toute évidence, cette sélectivité
de la Commission s'est manifestée à plusieurs reprises.
Etant juges et parties, les 53 Etats membres de la Commission
manipulent allègrement les procédures démocratiques et les
régimes autoritaires et totalitaires ont réussi de joyeux tours
de passe-passe. Une surenchère s'engage alors pour plus de droit et non
de droit, et cet appétit juridique insatiable n'assure la victoire
qu'aux groupes les mieux armés, les plus revendicatifs et les plus
influents au détriment des autres groupes les mieux belliqueux, moins
entreprenants. Une telle perspective de tyrannie classique stratifiée
n'apparait pas, de prime
315 KAZAN (Pierre), « La Commission : un organe politique
», juin 2005 (
www.toile.org/psi).
316 BUHRER (Jean Claude), Discrédit sur la Commission
des droits de l'homme des Nations Unies. « Marchandage,
incompétences et non-action », Reporter Sans Frontières,
rapport d'enquête, juillet 2003, p.2.
317 TREAN (Claire), « Dérives et
difficultés du combat pour les droits de l'homme » In le
Monde, 17 avril 2003 (http//
www.fairelejour.org)
318 PEREZ ROQUE (Felipé), Allocution prononcée
au segment de haut niveau de la 61ième Session de la
Commission des droits de l'homme, Genève, 15 mars 2005
98
abord, comme gage de tranquillité publique de vie
sociale et sociétale harmonieuse. Elle favorise à l'inverse le
développement des droits des plus forts, résurgence de la «
loi du plus fort » ayant émaillé « l'Etat
de nature »319.
Ainsi, par exemple, par des alliances de circonstances, les
Résolutions avancées rappelant à l'ordre la Russie pour la
Tchétchénie, le Zimbabwe et le Soudan pour excès commis
sur leurs territoires, sont passées à la trappe. L'Iran a
également réussi à passer à travers les mailles du
filet car l'Union Européenne a renoncé à présenter
une résolution à son sujet, arguant du dialogue engagé
avec le Téhéran.
Quelques jours après avoir poussé à la
provocation jusqu'à faire condamner 79 dissident d'un ferry en pleine
session de la Commission, le Cuba ne s'en est tiré qu'avec une
résolution anodine l'invitant simplement à recevoir un
émissaire de l'ONU. Le retour en scène des Etats Unis a
brillé par son cynisme, ou son hypocrisie : ménagement à
l'évidence ses « adversaires-partenaires ». Et a
choisi de ne parrainer aucune résolution concernant la Chine et la
Russie320.
Par contre, les pays dépourvus de soutien à la
Commission comme la Birmanie et le Burundi ont une fois écopé de
condamnations certes méritées tandis que la Commission se
trouvait de nouvelles cibles plus faciles en épinglant pour la
première fois le Belarus la Corée du Nord et le
Turkménistan. Sans oublier Israël, rituellement condamné et
se prévalant du douteux privilège de « valoir »
à lui tout seul, en moyenne, une demi-douzaine de résolutions
chaque année.
Quant aux marchandages qui consistent en des tractations
à des fins plus ou moins honorables ils, ne permettent pas
d'empêcher l'existence des violations des droits de l'homme encore moins
d'en réparer les conséquences souvent tragiques pour les
victimes. Ils s'opèrent, le plus souvent lors des débats
spéciaux sur les droits de l'homme et la situation humanitaire dans
certains pays.
Jean Claude BUHRER, étale dans son rapport le
déroulement des débats sur de nombreux pays dont la prise ou le
rejet des résolutions faisait suite aux manoeuvres et marchandages lors
de la 59e Session de la Commission en 2003321.
319 FRAISSEIX (Patrick), « Les droits fondamentaux,
prolongement ou dénaturation des droits de l'homme ? » In Revue
de Droit public et de Science politique en France et à l'Etranger,
n°2, Paris, LGDJ, mars-avril 2001, p. 545.
320 BUHRER (Jean-Claude), Op.Cit., pp 2-3 321Ibid,
Op.Cit., pp 6-12
99
Dans l'ensemble, la politique de « deux poids, deux
mesures » et la technique des « manoeuvres et marchandages »
battent en brèche le principe de « l'égalité
souveraine de tous les Etats » établi par la Charte des Nations
Unies (Article 2). En plus du fait que chaque Etat conserve sa
souveraineté qui implique l'inexistence du super Etat, ce principe
énonce, en effet, que les effets, que tous les Etats, grands ou petits
sont égaux devant le droit international malgré les
inégalités de fait entre nations, écrit le professeur
Manuel DIEZ DE VELASCO VALLEJO322.
Mais les Etats membres de la Commission sont-ils égaux
? Répondant à cette question Felipé PEREZ ROQUE affirmait
: « le respect du principe de l'égalité souveraine des
Etats qui devait être la clef de voûte des relations
internationales contemporaines ne pourra s'établir que lorsque les pays
les plus puissants accepteront, dans la pratique, de respecter les droits des
autres, même si n'ont pas la force militaire ni le pouvoir
économique pour les défendre ».
Or poursuit-il, ces pays puissants ne sont pas du tout
prêts à respecter les « petits » même si cela
porte atteinte, si peu que ce soit, à leur
privilège323. Cette situation a donc pour
conséquences, la remise en question de l'indépendance et
l'impartialité des rapporteurs spéciaux qui, pour la plupart ne
sont pas à l'abri de la vindicte des membres de la
Commission324.
Ces relations hautement politisées au sein de la
Commission sont à la base des incohérences dans les
décisions prises par rapports aux violations des droits humains. Ce qui
pousse ainsi certains gouvernements à utiliser des tactiques pour aussi
empêcher la Commission d'agir sur d'autres situations nationales
spécifiques. Il s'agit de la motion de « non-action ».
B-La motion de « non-action » : une
procédure au service de l'impunité
Comme son nom l'indique, la motion de « non action »
est un artifice de procédures visant à éviter un vote sur
une résolution et à couper court à tout débat sur
une question gênante. Autrement dit, suffit à toute
délégation désireuse d'empêcher la discussion sur un
thème précis de présenter cette motion d'ordre qui,
aussitôt mise aux voix, bloque n'importe quelle
proposition325. Utilisée systématiquement par
Pékin depuis le massacre de Tienanmen en
322 DIEZ DE VELASCO VALLEJO (Manuel), Les organisations
internationales, Paris, Economica, 2002, p.147.
323 Allocution de Felipé PEREZ ROQUE, Ancien, ministre
des relations internationales cubain, devant l'Assemblée
générale des Nations Unies sur la guerre en Irak le 26 septembre
2002, In Solidary Project, « Histoire d'une tentative de crime humanitaire
» (
http://volcadoj.club.fr/Cuba/npa
roque 030926. Html)
324 DORMENVAL (Agnès), Op.Cit., pp 136-158.
325BUHRER (Jean Claude), Op.Cit., p.12.
100
1989, cette manoeuvre dilatoire a permis à la Chine
d'échapper à toute enquête attentive ou à toute
condamnation pour des atteintes graves et généralisées des
droits humains. Et parmi les comparses de Pékin, l'Algérie,
l'Arabie Saoudite, la Lybie, le Qatar, la Syrie, le Cuba, la Russie,
l'Indonésie, le Pakistan et plusieurs autres pays africains se sont,
depuis engouffrés dans l'usage immodéré de la motion de
« non-action », illustrant ainsi les dysfonctionnements et
le blocage de tout système. En définitive, la Commission des
droits de l'homme chargées de défendre les droits de celui-ci se
trouve menacée aux quatre coins de la planète.
Conséquence, le système onusien avec ses normes
et mécanismes de contrôle piétinent et sont vidés de
leur contenu. Peter SPLINTER déclare : « les
conséquences négatives de ces perceptions largement
partagées sont symptomatiques d'un malaise sous-jacent qu'il importe de
traiter si les Nations Unies veulent pouvoir traiter de façon effective
des violations des droits humains dans un certain nombre de pays
spécifiques... »326.
L'autre dimension du talon d'Achille des mécanismes de
protection du système universels réside dans les faiblesses
inhérentes à la nature de l'organe conventionnel de ce
contrôle des droits civils et politiques, à savoir, l'absence de
garantie juridictionnelle eue égard justement à son
caractère non-juridictionnel.
Paragraphe II : Un Comité des droits de l'homme
officiellement non-juridictionnel
Organe de supervision des droits civils et politiques, le
Comité des droits de l'homme, tel qu'il existe aujourd'hui n'est pas une
juridiction, c'est-à-dire un tribunal ou une Cour constituée de
juges dont la mission est d'assurer le respect du droit dans
l'interprétation et l'application des conventions ou des traités
internationaux relatifs aux droits de l'homme327. En effet, le Pacte
n'a pas défini sa nature et il ne s'agit pas, sans nul doute, d'un
organe juridictionnel tel que les Cours européenne et africaine des
droits de l'homme328.
Le Comité des droits de l'homme, comme tous les autres
organes conventionnels de contrôle, n'a pas reçu le mandat de
juger les Etats. En effet, même ses membres estimaient, de l'avis du
professeur Alfred DE ZAYAS, que « cet organe de traité
n'était qu'un organe consultatif, sans aucun pouvoir judiciaire et que
l'application de ses constatations était laissée à la
bonne
326 SPLINTER (Peter) In Amnesty International, « les
avancées positives de la 61ème Session sont loin de
suffire à corriger le « déficit de crédibilité
» de la Commission », communiqué de presse, Genève,
EFAI, Index Al :IOR41/047/2005 ? 22 avril 2005 (
www.amnesty.asso.fr)
327 GUINCHARD (Serge) et MONTAGNIER (Gabriel), Op.Cit., pp 341 et
577.
328 DHOMMEAUX (Jean), « Le Comité des droits de
l'homme... », Op.Cit., p.657.
101
volonté des Etats concernés
»329.Ceci joint l'idée du professeur Gérard
COHEN-JONATHAN qui affirmait : « Formellement, les constatations du
Comité des droits de l'homme n'ont pas une force obligatoire
»330.Et, au demeurant, le mutisme du Protocole facultatif
ne fait que conforter les positions des gouvernements répressifs qui
estiment que « la surveillance de l'application des constatations en
l'absence de mandat légal bien défini à cet effet,
pourrait être contraire au paragraphe 7 de la l'article 2 de la Charte
des Nations Unies »331. Néanmoins, bien que le
Comité soit présenté comme un organe purement technique,
indépendant et non-juridictionnel, ses fonctions peuvent être
qualifiées de quasi-juridictionnelles. Il parvient dans son comportement
à dépasser le cadre purement textuel.
Sa démarche est, en effet, souvent proche de celle d'un
organe judiciaire. Dans ce sens, même si formellement les constatations
qu'il émet sur le fond n'ont pas de force obligatoire, leur
autorité ne doit pas être négligée par le simple
fait de sa volonté de leur imprimer une nature «
quasi-juridictionnelle » par leur rédaction et de les rendre ainsi
juridiquement obligatoires à l'image de la communication «
N°884/1999 du 31 juillet 2001 »332.
Un des caractère permettant de cerner cette nature a
trait à la question de la signification et du contenu des articles 5 (2)
(a) du protocole facultatif du Pacte, 35 (2) (b) de la Convention
européenne des droits de l'homme et 45 de la Convention
américaine des droits de l'homme, qui toutes se déclarent
incompétentes si la requêtes est déjà soumise (has
already been submitted) à un autre instance d'enquête et de
règlement pour dire que le Comité est aussi
considéré comme une instance d'enquête et de
règlement333.
Certes, si les rédacteurs du Pacte n'ont pas
explicitement baptisé le Comité de juridiction par prudence ou
sagesse pour ne pas effaroucher les Etats, ils lui ont entendu lui
conférer les compétences d'une juridiction internationale car ils
lui ont donné un large pouvoir d'interprétation qui fait de lui
un législateur secondaire en matière des droits de l'homme sur
329 DE ZAYAS (Alfred), « Le droit constitutionnel et
l'internationalisation des droits de l'homme » (
http://www.alfreddezayas.com/lecture/tunis3
fr.html)
330 COHEN-JONATHAN (Gérard), « Quelques
observations sur le Comité des droits de l'homme des Nations Unies
»,Op.Cit., p.95.
331 DEZAYAS (Alfred), « Op.Cit., p.95.
332 Conformément à l'alinéa (a) du
paragraphe 3 de l'article 2 du Pacte, l'Etat partie à l'obligation
d'assurer à Madame Ignatane une réparation utile. Il est
également tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se
produisent pas à l'avenir. Etant donné qu'en adhérant au
protocole facultatif l'Etat partie a reconnu que le Comité avait la
Compétence pour déterminer s'il y avait ou non violation du Pacte
et que, conformément à l'article 2 du Pacte, il s'est
engagé à tous les individus se trouvant sur son territoire...
» Selon un dispositif de ladite constatation.
333 DHOMMEAUX (Jean), « Le Comité des droits de
l'homme... », Op.Cit., p.657.
102
le plan international334. Le caractère
quasi-judiciaire des constatations du Comité se marque par deux traits
d'importance inégale. D'une part, on remarque que le Comité a
progressivement étoffé la motivation de ses décisions et
surtout celles des constatations sur le fond. Cet effort est sensible
même s'il ne peut être comparé aux arguments
développés dans les rapports et les arrêts de la Cour de
Strasbourg. C'est pourquoi certaines constatations sont éclairées
par des opinions individuelles des membres du Comité qui savent
très bien utiliser cette technique, y compris à l'égard
des questions de recevabilité.
D'autre part, en statuant sur une communication, le
Comité peut toujours se référer à une observation
générale. Cette dernière technique lui permet alors
d'attirer l'attention des Etats sur les insuffisances et les
ambiguïtés que font apparaitre un grand nombre de rapports voire de
communications. Il s'agit d'une explication des droits énoncés
dans le Pacte qui est conçu comme un instrument vivant, qui devrait
permettre une conformité du droit interne par rapport aux obligations
internationales dûment souscrites.
Toutes ces observations, générales et
individualisées, contribuent à une bonne observance du Pacte et
au renforcement, par ce fait même, du Pacte et au renforcement, par ce
fait même, du caractère judiciaire du contrôle sans
officiellement le dire335. A ce titre, le Comité estime qu'il
ne fait que rappeler les obligations primaires en s'appuyant
précisément sur l'article 2 du Pacte.
Dans une telle situation, bien que les Etats pensent demeurer
formellement libres de donner suite aux constatations et observations
général des Etats du Comité à cause du mutisme
Pacte à ce sujet, il semble que ceux-ci doivent prendre les mesures
d'adaptation de leurs droits internes pour éviter des violations
comparables.
En effet, le maintien d'une réglementation jugée
lacunaire ou incompatible avec le Pacte pour quelque raison que ce soit est non
seulement contraire au devoir général des Etats contractants
d'assurer de bonne foi la protection effective des droits garantis, mais tout
à fait illogique dans la mesure où, restant inchangée,
ladite réglementation est susceptible de servir de fondement à
d'autres communications qui aboutiraient à la même
condamnation336. Cependant, malgré cet effort
prétorien du Comité des droits de l'homme de rendre
contraignantes ses constatations en faveur de la protection effective de ces
droits, celui-ci se
334 GLELE-AHANHANZO (Maurice), Op.Cit., pp 61 et 69.
335 COHEN-JONATHAN (Gérard), « Quelques
observations sur le Comité des droits de l'homme des Nations Unies
», Op.Cit., pp 86-87 et 91-92.
336 COHEN-JONATHAN (Gérard), «
Considération sur l'autorité des arrêts de la Cour
européenne des droits de l'homme » In Liber Amicorum
Marc-André Eissen,Op.Cit., pp 49 et 51.
103
heurte à une manifestement claire de la volonté
des Etats parties à ne pas se plier aux décisions de cet organe
de garantie. Les Etats semblent, en effet, se méfier de la
compétence générale de développement et
d'interprétation que le Comité exerce car la pratique montre que
les constatations faite à l'issue de l'analyse des communications ne
reçoivent pas de suite favorable de leur part et, ce nonobstant la
désignation d'un rapporteur spécial chargé de
vérifier les suites réservées par les Etats avec la
possibilité de signaler les éventuelles défaillances
à l'Assemblée Générale des Nations Unies dans les
rapports annuels. De ce fait, les rapports annuels du Comité contiennent
un inventaire des réponses reçues ou attendus qui sont
ventilées par les pays.
Ainsi, dans son rapport couvrant la période allant du
1er aout 2003 au 22 juillet 2004, tout en se félicitant des
réponses qui lui sont parvenue et accueillant avec satisfaction toute
les mesures prises par 17 gouvernements pour près de 23 constatations,
le Comité a exprimé son inquiétude en ce qui concerne
l'application de ces dernières et l'effectivité du suivi.
Il s'est, en effet, dit être préoccupé par
le nombre croissant de cas où les Etats parties ne donnent pas de suite
à ses constatations ou même ne l'informent pas des mesures prises
dans le délai prescrit de 90 jours. Dans ce rapport, le Comité a
inventorié près de 190 constatations n'ayant pas reçu de
réponses attendues au 30 juin 2003 de la part de 54 Etats
concernés.
La mise à jour de cette liste lors de sa 81e
session a montré que la situation est demeurée quasi identique,
c'est-à-dire inchangée337. Cet état des choses
démontre que l'exécution des décisions du Comité
des droits de l'homme est fonction de l'attitude des Etats, de l'acceptation du
rôle qu'ils jouent au sein de l'organe et de l'ambiance qui y
prévaut, le dialogue qui s'y établit avec les Etats
incriminés ainsi que de la bonne foi de leurs gouvernements.
A ce titre les mécanismes demeurent dans le domaine mal
défini des préceptes moraux avec pour effet la difficulté
de l'emporter sur les principes reconnus en droit
international338.Il est donc clair que ces mécanismes du
Comité des droits de l'homme ne sont pas particulièrement
efficaces. Les développements qui précèdent ont
révélé le rôle sans cesse croissant
réservé aux droits de l'homme dans l'action des Nations Unies. Le
bilan est incontestablement positif en ce qui concerne l'élaboration des
normes universelles protectrices des droits de l'homme dont le corpus
conventionnel est abondamment riche.
337 Nations Unies, Rapport du Comité des droits de
l'homme, Op.Cit., pp 145-172.
338 HUARAKA (Tunguru), Op.Cit., p.1144.
104
Les déclarations ou résolutions relatives aux
droits fondamentaux ont une valeur hautement symbolique mais qu'ils n'expriment
pas moins l'attachement croissant de la communauté internationale
à la cause des droits de l'homme. En fait les Nations Unies sont loin du
schéma idéal de protection reposant sur une Cour mondiale des
droits de l'homme à juridiction obligatoire.
A cet égard, l'idée de la réforme est
toujours d'actualité car tous les jours les droits sont violés en
Afrique, en Amérique Latine, dans certains Etats européens et
même dans de véritables démocraties pluralistes. Et les
systèmes régionaux, loin d'être interprétés
comme la reconnaissance d'un relativisme des droits de l'homme, sont
plutôt les mécanismes plus intégrés que ne le sont
ceux universels dans la mise en oeuvre des droits fondamentaux. A ce titre, ils
peuvent bien servir de référence et de modèle dans la
reinstitutionnalisation des mécanismes onusiens pour une garantie
efficace et effective des droits humains.
105
CHAPITRE II : NECESSITE D'UNE REFORME DU SYSTEME DE
PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME
Depuis sa création, l'ONU s'est engagée à
ne ménager aucun effort pour instaurer un monde de paix et de justice
fondé sur le respect universel des droits de l'homme. Cette mission
s'est confirmée avec l'adoption en septembre 2000 de la
déclaration du Millénaire qui, dans sa rubrique « droit
de l'homme et démocratie », a pour objectif le respect de la
déclaration universelle des droits de l'homme, la recherche des moyens
pour assurer la protection des droits civils, politique, économiques,
sociaux et culturels de chacun ; le renforcement, dans tous les pays, des
capacités nécessaires pour appliquer les principes et pratiques
de la démocratie et du respect des droits de l'homme ; la lutte contre
toute forme de discrimination à l'égard de la
femme339. Mais le système de protection des droits de l'homme
au niveau international est aujourd'hui mis à rude épreuve suite
aux lacunes et insuffisances qui le caractérisent. Et si l'ONU veut
être à la hauteur des attentes des hommes et des femmes partout
dans le monde, c'est-à-dire attacher à la cause des droits de
l'homme la même importance qu'à celles de la
sécurité et du développement, des changements sont
nécessaires340. Dans son discours d'acceptation de la
fonction de secrétaire général le 17 septembre 1996,
l'ancien secrétaire général de l'ONU Kofi ANNAN
énonçait les principes qui, selon lui, devraient guider la
réforme de l'ONU en s'assignant pour objectif d'assainir les Nations
Unies de les rendre plus présentes et plus efficaces. Plus sensibles
aussi aux souhaits et aux besoins de leurs membres et plus réalistes
dans leurs buts et engagements. Autrement dit, l'ONU devrait remplir les
objectifs de légitimité, de responsabilité et
d'efficacité341. A l'heure actuelle, des changements
importants sont déjà en cours tant sur le plan structurel ou
institutionnel que législatif pour la concrétisation desdits
objectifs en matière des droits de l'homme. Ainsi, une garantie
effective passe par une innovation des institutions ou organes politiques de
mise en oeuvre existants (Section I) ainsi qu'un possible renforcement de
l'arsenal législatif et judiciaire (Section II).
339 Déclaration du Millénaire : objectif (
www.un.org/french/geninfo/ir/millenmain.htm)
340 Assemblée Générale, 59e
Session, Suite à donner aux textes issus du sommet du millénaire.
Dans une liberté plus grande : développement,
sécurité et respect des droits de l'homme pour tous, Rapport du
Secrétaire général, 21 mars 2005, p 53
341 ANDRE (Marie), « Les européens et la
réforme de l'ONU : un état des lieux », Fondation pour
l'innovation politique, s.e, s.d, p 7.
106
Section I : Une innovation du schéma
institutionnel politique existant.
Point n'est besoin de rappeler que la Commission des droits de
l'homme est le principal organe intergouvernemental et politique de garantie
des droits de humains des Nations Unies. Elle a su donner à la
communauté internationale un véritable cadre universel relatif
aux droits de l'homme constitué de la Déclaration universelle des
droits de l'homme, des deux Pactes internationaux et d'autres traités
fondamentaux y relatifs. Plusieurs tendances négatives se sont
malheureusement confirmées voire concrétisées suite
à des initiatives particulièrement inquiétantes visant
à porter directement atteinte à son mandat de protection et
à remettre en cause les fondements même du droit international des
droits de l'homme. Dans un tel contexte, les réformes sont
justifiées afin de réduire toutes ces dérives
choquantes.
Dans cette perspective, l'ancien secrétaire
général de l'ONU Kofi ANNAN, dans son rapport rendu public le 20
mars 2005, a conclu que « la seule manière de faire face aux
critiques et aux faiblesses de la Commission était de l'abolir
»342.
A sa place, un Conseil des droits de l'homme (paragraphe I)
serait créé avec des approches plus efficaces qui permettent une
analyse dépassionnée pour le règlement des questions qui
suscitent des préoccupations au plan international. Mais la
création de Conseil des droits de l'homme implique l'adaptation d'autres
institutions d'appui intervenant dans la protection politique des droits
individuels (paragraphe II).
Paragraphe I ; Le conseil des droits de l'homme.
Proposition initiée par la conseillère
fédérale suisse, Madame Micheline CALMY REY, avec un groupe
d'experts ainsi que les défenseurs des droits de l'homme et
présenté au panel chargé d'établir « les
dangers, défis et changements » auxquels l'ONU devrait faire
face dans les prochaines années, au mois de septembre 2002 ; le Conseil
des droits de l'homme devra occuper au sein des Nations unies une place
à la mesure de l'importance que la charte accorde à la
coopération internationale destinée à promouvoir et
à encourager le respect des droits humains et des libertés
fondamentales. Il devra conserver les principales caractéristiques qui
ont été essentielles aux réalisations de la Commission des
droits de l'homme, à savoir :
-Le pouvoir de répondre efficacement et publiquement
aux graves violations des droits humains, en gardant les fonctions et
responsabilités adaptées à ses besoins propres
attribuées à la Commission par les résolution 1235 et 1503
du Conseil économique et social ;
342 ANDRE (Marie), Op.Cit., p.7.
107
-Le système des experts indépendants
spécialisés dans des thèmes ou des pays, connus sous le
nom de « procédure spéciales », mais avec une
meilleure cohérence et un plus grand soutien ;
-Le statut consultatif des ONG basé sur l'article 71 de
la Charte des Nations Unies et les pratiques d'engagement actif de ces ONG
auprès de la Commission. Conçu pour siéger officiellement
toute l'année de façon permanente, le Conseil des droits de
l'homme devra promouvoir et protéger tous les droits humains de chaque
individu au monde.
Il doit, pour satisfaire cet impératif, superviser et
favoriser la mise en oeuvre des normes et des engagements relatifs aux dits
droits et identifier les besoins en matière de renforcement des actions
dans le domaine des libertés fondamentales. Ce Conseil doit, en outre,
apporter une réponse initiale aux situations de crise relatives aux
droits humains, montrer la voie à suivre et soutenir
l'intégration réelle desdits droits dans tout le système
des Nations Unies en tant que principal organe politique de protection ; il a
comme autre mission de diriger l'élaboration de nouvelles normes et de
nouveaux instruments relatifs à ces droits ainsi que répondre
efficacement aux graves violations constatées.
Ses fonctions et attributions (A) exigent qu'un certain nombre
de conditions soient remplies par les Etats désireux d'en être
membres (B) afin d'assurer la jouissance effective des droits individuels et
corriger ainsi les multiples lacunes et insuffisances de la Commission des
droits de l'homme.
A-Des fonctions et pouvoir du nouveau conseil
La principale fonction du Conseil des droits de l'homme doit
être de surveiller et de contribuer à améliorer
l'application des normes et engagements internationaux relatifs aux droits de
l'homme dans tous les pays. Ce processus d'évaluation objective doit
servir de base à l'identification des obstacles à la
réalisation des droits humains et des besoins en matière de
renforcement des capacités dans chacun des pays343.
Le Conseil des droits de l'homme devrait, à tout
moment, pouvoir attirer l'attention sur une détérioration
soudaine et significative de la situation des droits de l'homme dans un pays
particulier. Cette fonction consistant à « tirer la sonnette
d'alarme » constituerait une tâche
343 Amnesty International, De la Commission des droits de
l'homme au Conseil des droits de l'homme, Op.Cit.
108
importante du Conseil. Une autre tâche serait de veiller
à ce que les droits de l'homme fassent partie intégrante de
toutes activités d'autres organes des Nations Unies344.
Dans un discours prononcé devant la Commission des
droits de l'homme, le 7 avril 2005 l'ancien secrétaire
général de l'ONU, monsieur Kofi ANNAN, apportait des
précisions sur les fonctions du nouveau Conseil en déclarant :
« le Conseil des droits de l'homme aurait expressément une
fonction de chambre d'examen collégial. Sa tâche première
serait de déterminer dans quelle mesure tous les Etats s'acquittent de
leurs obligations en matière des droits de l'homme. Il donnerait une
expression concrète à l'idée que les droits de l'homme
sont universels et indivisibles. Une égale attention devrait être
accordée aux droits civils et politiques ; économiques, sociaux
et culturels ainsi qu'au droit au développement. Chaque Etat membre se
prêterait périodiquement à cet examen collégial
(...) qui aiderait à éviter dans la mesure du possible la
politisation et la sélectivité »345.
Ainsi, pour l'ancien secrétaire général
de l'ONU Kofi ANNAN, la mise en place du Conseil permanent des droits de
l'homme mettrait un terme aux sessions actuelles de la Commission où
seule une poignée de « coupables habituels (Corée du
Nord, Biélorussie, Cuba ou Birmanie) » essuyaient des
condamnations pendant que d'autres violateurs tout aussi notoires s'en tiraient
à bon compte (les violations opérée au Soudan, au
Yémen, en Syrie, au Venezuela, en Iran, au Zimbabwe et en
République Démocratique du Congo).
Elle consacre également la fin de «
l'ère des déclarations » pour céder la place
à une nouvelle ère, celle de la « mise en oeuvre »
effective des outils (lois, normes, mécanismes)
élaborés ces soixante dernières années. Le futur
« Conseil des droits de l'homme, poursuit-il, constitue donc le symbole de
ce « nouveau départ »346. En outre,
l'examen objectif de la situation dans les différents pays doit
être conçu de manière à ce que les mêmes
normes et les mêmes méthodes s'appliquent à tous les
pays.
Il vise l'acquisition d'une connaissance plus approfondie des
politiques et des pratiques de chacun des Etats membres. Cet examen doit
s'appuyer sur des informations et des données
344 Commission des communautés européennes,
Sommet 2005 des Nations Unies- Relever les défis mondiaux et assurer la
réussite des réformes des Nations Unies, Communication de la
Commission au Conseil et au Parlement européen, Bruxelles, 15 juin 2005,
p.15.
345 Nations Unies, 62e Session de la Commission des
droits de l'homme du 13 mars au 21 avril 2006. Kofi Annan précise sa
proposition de créer un Conseil des droits de l'homme, New-York, juin
2005 (
http://www.aidh.org/onuge/commission/62/images/bandeau
62.gif)
346 GARDAZ (Samuel), « Kofi Annan plaide pour que la
situation des droits de l'homme soit passé au crible dans tous les pays
» In Le Temps, Genève, 8 avril 2005
109
objectives. Un dialogue avec les représentants de
l'Etat concerné par l'examen régulier des situations nationales
avec les membres du conseil est souhaitable.
Les ONG doivent pouvoir contribuer à ce processus en
soumettant des communications écrites et orales grâce
également aux informations fournies par les procédures
spéciales, les organes de suivi des traités et d'autres experts.
Le Conseil des droits de l'homme doit, enfin, avoir la possibilité de
porter une attention particulière aux situations grave
révélées par l'examen objectif des situations nationales.
L'organe restreint ainsi proposer pourrait identifier sur la base des
informations récentes contenues dans les dossiers publics sur les pays,
toutes les situations nécessitant une telle attention.
Et ce processus d'examen objectif de la situation des pays ne
devrait pas empêcher le Conseil des droits de l'homme de réagir
rapidement aux crises graves relatives aux droits humains nécessitant
une attention particulière de sa part. Mais la question fondamentale
demeure sans doute : qui siégera dans ce conseil et comment ses Etats
membres seront-ils désignés ? L'éligibilité est en
effet conditionnée par le respect de certains préalables de la
part des Etats prétendants.
B-L'éligibilité des membres du nouveau
Conseil
D'après l'ancien secrétaire
générale de l'ONU Kofi ANNAN, les membres du Conseil des droits
de l'homme seront élus par une majorité des deux tiers de
l'Assemblée générale et non plus sur la base des
désignations au sein des groupes régionaux comme c'est le cas
actuellement à la Commission car elles permettent la nomination des pays
qui violent massivement les droits humains comme le Soudan, et le
Zimbabwe347. Ce mode de désignation rendrait alors les Etats
membres plus responsables étant donné qu'ils seront choisis parmi
ceux qui respectent les normes les plus élevées relatives aux
droits de l'homme et accroîtront l'autorité du Conseil
économique et social.
L'idée contenue dans cette proposition est de
créer une sorte de compétition vertueuse des Etats. Les pays
candidats, au moment de leur élection par l'Assemblée
générale, devraient s'engager sur un certain nombre de points
notamment : ouvrir leurs territoires aux rapporteurs spéciaux de l'ONU
ainsi que promettre de ratifier et de respecter les conventions importantes,
etc. : c'est en théorie sur la base de leurs engagements qu'ils seront
élus348.
347 FREIH (Loubna), « Les droits de l'homme seront mieux
défendus sans leur Commission », In Le Temps, 7 avril 2005
(
http://hrw.org/)
348 KAZAN (Pierre), Op.Cit.
110
De plus, les pays candidats pourront être mis en
concurrence sur la question de la mise en oeuvre des obligations face au
système des droits de l'homme.
Il s'agit donc de répondre positivement aux
interrogations ci-après : Les Candidats ont-ils ratifié les
traités en matière des droits de l'homme ? Sont-ils à jour
sur leur rapport de mise en oeuvre des traités en matière
ratifié ? Ont-ils accepté de coopérer pleinement avec les
Nations Unies, y compris avec les enquêteurs ou rapporteurs
indépendants ? Permettent-ils une société civile et une
presse indépendante ? Peut-être serait-il judicieux d'envisager
que les pays qui ont eux-mêmes vécu une transition importante d'un
régime de dictature à un système démocratique
puissent siéger dans ce conseil afin de faire part de leur
expérience.
La particularité de ces conditionnalités est
qu'elles remettent en cause le système de représentation
géographique équitable, de plus le défaut de l'Etat membre
de se conformer ou non à ses engagements l'expose automatiquement
à des sanctions au terme d'une période probatoire de douze mois
par son exclusion de l'instance. Une telle obligation résulte de la
combinaison des articles 1(3), 55et 56 de la Charte des Nations
Unies349.
Mais la mise en oeuvre desdites conditionnalités
nécessite la redynamisation des autres entités des Nations Unies
susceptibles d'intervenir dans la protection des droits de l'homme à
travers une assistance technique quelconque ou un appui en faveur des
institutions nationales de défense, de sorte que les normes
internationales y relatives soient désormais mieux respectées.
Paragraphe II : La redynamisation des organes d'appui au
Conseil des droits de l'homme
La création du Conseil des droits de l'homme a pour but
d'attribuer à ceux-ci un caractère beaucoup plus
impérieux, en ligne avec la primauté que leur accorde la Charte
des Nations Unies. A ce titre, Amnesty International s'est réjoui lors
des auditions informelles interactives organisées par l'Assemblée
générale des Nations Unies, que le projet de document final de sa
session de septembre 2005 reconnaisse clairement les droits de l'humain comme
un pilier du système des Nations Unies, à l'instar du
développement et de la sécurité qui ne sauraient
être garantis sans que ceux-là ne soient
respectés350. Ainsi, changer le nom du principal organe
politique de protection des droits humains, puis l'élever dans la
hiérarchie des Nations Unies
349 FIDH, « Réforme de la CDH : préserver
son mandat et ses mécanismes de protection », Eléments de
proposition de la FIDH devant la Commission des droits de l'homme, 11 avril
2005 (
http://www.droits-fondamentaux.prd.fr/codes/templates/en
t/images/codes/bandeau Titre.gif)
350 Amnesty International, « Réforme des Nations
Unies : liberté de vivre dans la dignité », EFAI, 24 juin
2005 (
http://efai.amnesty.org)
111
au rang de l'un des trois piliers centraux du système,
constitue un point de départ important qui toutefois ne suffirait pas
pour remédier aux principaux points faibles de la Commission. Compte
tenu de ce rôle central que doivent jouer les attributions des autres
organes au sein du système. Dans ce sens, il est également
initié une réforme de l'Assemblée générale,
du Conseil économique et social (A) ainsi qu'une intervention accrue du
Conseil de sécurité restructuré (B).
A-Le recentrage des pouvoirs de l'Assemblée
générale et de l'ECOSOC
D'une part, il est question de réaffirmer le rôle
central de l'Assemblée générale en tant que principal
organe délibérant et représentatif de l'ONU. En lui
redonnant son envergure politique et en soutenant les conclusions du sommet qui
iront dans ce sens, le programme de son travail devrait être davantage
axé sur les priorités arrêtées par les Nations Unies
au niveau mondial ainsi que les principales questions de fond qui se posent
à l'heure actuelle.
Elle devrait prendre des mesures audacieuses pour rationaliser
ses travaux et accélérer le processus des
délibérations en privilégiant les questions de fond qui
sont inscrites à son ordre du jour et en mettant en place des
mécanismes qui lui permettent de collaborer pleinement et
systématiquement avec la société civile. Ainsi, «
l'Assemblée générale doit donc être plus qu'un forum
se livrant chaque année à des questions vraiment importantes si
elle ne veut pas voir d'autres forums débattre de l'essentiel
», affirmait Joschka FISCHER351.
D'autre part, un renforcement du conseil économique et
social s'avère indispensable de façon que cet organe soit plus
opérationnel. Nul n'est sans ignorer que l'ECOSOC est doté,
à deux niveaux, d'un grand potentiel dont seul une partie infime est
exploitée : il s'agit premièrement de la disposition d'un
réseau d'expertise unique au monde pouvant être exploité de
façon plus ciblée, deuxièmement, considéré
comme un partenaire du Conseil de sécurité dans le contexte de
maintien de la paix conformément à l'article 65 de la Charte,
tenant en compte le rôle important qu'il a à jouer pour le
seconder dans la lutte contre les origines des conflits, la
réhabilitation et la consolidation de la paix, des compétences
dans le domaine opérationnel devraient davantage lui être
accordées. Il est appelé à devenir l'organe central de
consultation
351 « Pour une réforme des Nations Unies »,
Discours prononcé par Joschka FISCHER, ministre fédéral
des Affaires étrangères, devant la 59eme
Assemblée Générale des Nations Unies, New-York, 23
septembre 2004 (
http://www.auswaertiges-amt.de/www/fr/index
html)
112
et de prise de décisions dans le système des
Nations Unies pour des questions économiques et
sociales352.
Pour l'Union Européenne, la réforme du Conseil
économique et social doit beaucoup plus être orientée sur
son rôle dans tous les éléments fondateurs du
développement durable. Elle doit s'assurer que ladite réforme
soit compatible et cohérente par rapport à celle de
l'Assemblée générale et de ses comités. Dans les
domaines du développement et de le gouvernance économiques, mais
aussi dans d'autres aspects économiques, environnementaux et sociaux, il
convient de renforcer la fonction de liaison qu'exerce l'ECOSOC avec d'autres
institutions et le rôle qu'il joue pour garantir la cohérence, la
mise en oeuvre et le suivi coordonnés des grandes conférences et
des sommets onusiens353.
Il ressort de ces propositions que le Conseil
économique et social ne devrait se concentrer que pour assurer une
amélioration des domaines économique et social ? Ce qui rejoint
en pratique la logique de la Déclaration de la Laguna de novembre 1992
notamment sur les mesures de réforme permettant d'améliorer la
mise en oeuvre des droits de l'homme par toutes les institutions
internationales de protection et d'abord par les Nations Unies dont il est
stipulé ce qui suit : « il convient de supprimer
l'échelon de l'ECOSOC dans le processus de prises de décision en
matière des droits de l'homme aux Nations Unies et de renforcer, par
voie de conséquence, la place et le rôle de la Commission des
droits de l'homme dans le système des Nations
Unies.354
Cela veut tout simplement dire que le rapport de
secrétaire général dans lequel il est mentionné la
nécessité de recrédibiliser la Commission des droits de
l'homme ou, mieux, le nouveau conseil des droits de l'homme en le retirant de
la subordination du conseil économique et social et en faisant un
principal organe autonome au même titre que celui-ci, l'Assemblée
générale et le Conseil de sécurité.
A cet égard, il pourrait aussi agir avec et par des
résolutions. Dans toutes ces initiatives en faveur de la réforme
des structures onusienne en matière des droits humains, quelle devrait
être la part du Conseil de sécurité en tant que seul organe
pourvu de pouvoirs coercitifs du moins dans les formes actuelles du
système des Nations unies ?
352 Ibidem
353 Commission des Communautés européennes,
Op.Cit., p.17.
354 « Déclaration de la Laguna sur la
réforme des institutions internationales de protection des droits de
l'homme » In Actes du premier Colloque international sur les droits de
l'homme, La Laguna, Ténériffe, du 1er au 4
novembre 1992, Bruxelles, Bruylant, 1993, p.407.
113
B-Une intervention accrue du conseil de
sécurité
Le niveau d'intégration des droits humains dans le
travail des Nations Unies est variable selon ses différents organes. Le
Conseil de sécurité, organe de l'ONU chargé de la
responsabilité principale du maintien de la paix, du règlement
pacifique des conflits, de l'action coercitive en cas d'agression ou de menace
d'agression, recours à des méthodes d'apaisements des conflits,
condamne maintenant assez souvent les violations du droit international
humanitaire tout comme celui relatif aux humains dans ses résolutions et
recommandation. Il intègre dans ses opérations de maintien de la
paix, des composantes spécialisées dans les droits humains avec
parfois des mandats assez étendus.
En effet, d'après le professeur Gérard
COHEN-JONATHAN, le Conseil de sécurité a joué et continue
de jouer un rôle important de maitre d'oeuvre de la communauté
internationale en matière de contre-mesures à la suite des
violations massives des droits de l'homme. Ce nouvel élément lui
a permis de mettre au point un certain nombre d'actions coercitives en vertu de
l'article 39 de la Charte des Nations Unies, fondant sa compétence au
titre du chapitre VII355. Mais de telles interventions ne sont que
ponctuelles et limitées, ce qui nécessite impérativement
un accroissement des capacités d'intervention.
C'est au regard de ceci que la Déclaration de la Laguna
avait suggéré que : « le Conseil de
sécurité qui est par la force des choses, amené à
se préoccuper chaque jour davantage du respect des droits de l'homme,
devrait utiliser pleinement les moyens que lui offre l'article 39 de la Charte
des Nations Unies, en tirant toutes les conséquences du fait que les
grosses violations des droits de l'homme constituent une menace contre la paix
et la sécurité internationale »356. Dans ce
contexte, il importe qu'une réforme en profondeur et complète
soit faite de manière à rendre cette institution plus
représentative, plus transparente et afin que ses décisions
soient acceptées, jugées légitimes et réellement
appliquées.
La réforme porterait sur l'usage du droit de veto, la
détermination des règles à propos de l'usage de la force
ainsi que sur le renforcement des pouvoirs en matière des droits de
l'homme après un éventuel élargissement de
l'institution.
Tout d'abord, comme l'a si bien suggérée la
Déclaration de la Laguna de 1992 en prélude de la
conférence de Vienne de 1993, il serait judicieux d'interdire tout usage
du droit de veto par
355 COHEN-JONATHAN (Gérard), « L'évolution
du droit international des droits de l'homme ».Op.Cit., pp 118-119.
356 « Déclaration de la Laguna », Op.Cit.,
p.407.
114
les Etats membres permanents du Conseil de
sécurité lors des discussions sur l'examen des situations de
violations graves et massives des droits humains ou en ce qui concerne les
mesures à prendre à l'égard d'un quelconque Etat dont la
responsabilité pour lesdites violations est clairement
établie357.
Par la suite, de l'avis du professeur Paul TAVERNIER, le
groupe de personnalités de haut niveau chargé d'élaborer
le rapport sur « les menaces, les défis et le changement »
publié le 2décembre 2004 accepta que les normes et les
règles gouvernant l'utilisation de la force dans les relations
internationales devraient être plus détaillées, notamment
en cas de génocide et autres tueries massives. Prenant non seulement
compte de la légalité de l'emploi de la force, mais aussi sa
légitimité, le groupe considère que le Conseil de
sécurité, lorsqu'il autorise ou approuve un tel emploi, devrait
tenir compte d'un certain nombre de critères Il estime que «
les directives régissant l'usage de la force devraient être
consignées dans des résolutions déclaratoires du Conseil
de sécurité et de l'Assemblée générale
» et que tous les Etats membres devraient y
souscrire358.
En ce qui concerne, enfin l'élargissement du Conseil de
sécurité, celui-ci doit être plus le reflet des
réalités géopolitiques modernes. Il doit, comme le
souligne Joschka FISCHER mieux représenter une organisation
internationale qui comprend aujourd'hui 191 membres, ce qui est inconcevable
sans augmenter le nombre de sièges, permanents et non permanents.
Un tel élargissement est évident parce que,
poursuit-il, un Conseil composé d'un plus grand nombre de membres
seraient mieux accepté au plan international, ce qui lui
conférait une plus grande autorité et inciterait clairement
davantage les nouveaux membres du Conseil de sécurité à
s'engager plus durablement dans la réalisation des objectifs de
l'ONU.
L'élargissement doit refléter convenablement des
mutations telles que la décolonisation, la fin de la guerre froide et la
mondialisation. Pour cela, toutes les grandes régions du Sud doivent y
être représentées en qualité de membres permanents
à savoir, l'Afrique, l'Asie et le Pacifique, l'Europe ainsi que les
Amériques359.
Concrètement, le groupe de personnalités de haut
niveau a suggéré d'adjoindre neuf nouveaux membres, soit un
conseil composé de 24 membres sans toutefois avoir pu tomber d'accord
sur
357 Cette proposition a été
réitérée par Amnesty International en
référence au rapport du Groupe de personnalités de Haut
niveau. Voir à ce sujet : Le Communiqué de presse du 26 juillet
2005 sur la réforme des Nations Unies, Index AI : IOR40/021/2005.
358 TAVERNIER (Paul), « Soixante ans après : la
réforme du Conseil de sécurité est -elle possible ? »
In Actualisé et Droit International, août 2005 (
http://www.ridi.org/adi/).
359 FISCHER (Joschka), Op.Cit.
115
une formule unique en matière de la disposition par les
Etats entrants du droit de veto, du moins pour certains d'entre eux
conformément aux « formules A et B »360 ou
toute autre proposition viable en terme de nombre et d'équilibre. Une
fois réformé, le Conseil de sécurité constituerait
un appui ultime au nouveau Conseil des droits de l'homme ou, pour reprendre les
propos du professeur Olivier DE FOURVILLE, de la nouvelle Commission d'experts
indépendants au mandat général de promotion, de protection
et de développement du droit international dans ce domaine.
Il constituerait l'un des organes pouvant saisir le nouveau
Conseil des droits de l'homme en plus de la possibilité de ce dernier,
grâce à ces nouveaux pouvoirs, d'effectuer les enquêtes sur
place. Cette possibilité de saisine permettrait de conserver l'un des
acquis fondamentaux de ces dernières années, à savoir, la
possibilité pour le Haut-Commissaire aux droits de l'homme de
créer des commissions d'experts indépendants. Ainsi, avec ces
modes de saisines l'on espère qu'aucune situation de violation grave des
droits de l'homme ne sera plus ignorée à l'avenir361.
Enfin, il est aussi important de souligner que la protection effective des
droits de l'homme passe par l'existence d'une véritable cohésion
de tout le système des Nations Unies.
Il s'agit, en effet, de ses agences, fonds et programmes qui
ont pris de l'extension et de l'ampleur dans le temps. La portée de
leurs activités ayant entraîné un important chevauchement
de mandats et d'actions des organes de l'ONU. Figurant parmi les
priorités de la réforme des Nations Unies, l'accroissement de la
cohérence du système d'agences en renforçant, par exemple,
le rôle des coordonnateurs résidents, en donnant au système
d'intervention humanitaire les moyens de réagir sans délai aux
situations d'urgence, etc. ; devrait entraîner une coopération
renforcée et plus systématique avec d'autres partenaires.
Une meilleure cohérence est aussi fondamentale lorsque
les nouveaux organes et structures de protection des droits de l'homme des
Nations Unies seront créés. C'est ainsi que le nouveau Conseil
des droits de l'homme devra être bien intégré dans le
système onusien notamment par la création de véritables
liens entre eux.
Les réformes mentionnées ci-dessus
n'écartent en rien la révision ou l'amélioration du cadre
normatif et juridictionnel dont l'importance n'est sans nul doute non
négligeable pour une meilleure protection des droits de la personne
humaine.
360 Selon la formule A, il serait créé six
sièges permanents sans droit de veto et trois nouveaux sièges non
permanents avec mandats de deux ans tandis que pour la formule B, il n'y aurait
pas de nouveau siège permanent, mais plutôt la création
d'une nouvelle catégorie de sièges avec mandat renouvelable de
quatre ans.
361 DE FOURVILLE (Olivier), « Pour une autre
réforme de la Commission des droits de l'homme de l'ONU » In Le
monde, 29 avril 2005 (
http://web.radicalparty.org/pressviex/printright.php/)
116
Section II : Un renforcement souhaitable des garanties
juridiques
La protection des droits de l'homme a parcouru un long chemin
depuis l'adoption de la Charte des Nations Unies. Bien des réalisations
ont, certes, été achevées au plan universel et
régional. D'énormes progrès ont été
réalisés dans le domaine des droits et de leur mise en oeuvre :
le droit international ne peut se concevoir aujourd'hui sans le droit
international des droits de l'homme qui a tellement influencé et
transformé toutes les catégories du droit international
classique.
Il n'est pas non plus pensable, au moment actuel, d'envisager
le monde ou la structure d'une communauté internationale moderne sans
les droits de l'homme et sans le combat nécessaire à faire
consacrer ces droits, à les défendre et à les
développer grâce aux moyens légaux.
Malgré ces considérables et non
négligeables évolutions, il reste encore beaucoup de travail
à accomplir dans le domaine juridique tant au plan des actions qu'au
plan des faits.
Le système juridique universel de protection des droits
de l'homme devrait être réinstitutionnalisé pour une plus
grande harmonie et une bonne coordination de manière à ce que
tout le monde jouisse de ses droits en toutes circonstances et que victime de
violation, prise individuellement, obtienne un droit de recours juridictionnel
effectif et objectif.
Ce qui explique la nécessité d'un
réaménagement du système normatif (paragraphe I)
considérablement éclaté dont les résultats
dicteraient une révision des mécanismes judiciaires et
conventionnels en vue d'une protection directe et effective des victimes des
violations (paragraphe II).
Paragraphe I : Un nécessaire
réaménagement du système normatif
La protection et la promotion des valeurs universelles,
notamment la primauté du droit et des droits de l'homme constitue une
fin en soi. Elles sont indispensables pour instaurer un monde de justice et de
stabilité. Aucun programme de sécurité ni aucun effort de
développement ne peut aboutir s'il n'est pas solidement ancré
dans le respect de la dignité humaine. C'est dire, comme l'a
souligné Leopoldo TORRES BOURSAULT, ancien membres du comité
européen pour la prévention de la torture, « que les
droits de l'homme sont partis intégrante du nouvel ordre international
fondé sur la liberté et la justice aux fins de
117
Poursuivre l'objectif ultime : que tous les êtres
humains vivent dans la liberté et dans la dignité
»362.
Cette intégration a pour avantage le
développement croissant d'un patrimoine législatif mis à
la disposition de la génération actuelle dont aucune autre n'a pu
bénéficier antérieurement.
La Charte Internationale des droits de l'homme réunit,
en effet, des normes visant à protéger les plus faibles, y
compris les victimes des conflits et des persécutions. On constate
pourtant avec le professeur Karel VASAK qu'en droit positif, parmi les
nombreuses normes internationales relatives aux droits de l'homme, plusieurs
d'entre elles sont soustraites de l'exigence du principe d'universalité
dans leur application par les organes compétents au détriment de
la volonté particulariste explicite ou implicite des
Etats363.
En effet, le droit appliqué par les organes
compétents de protection est loin d'être le même si les
définitions des dispositions des divers traités y relatifs sont
soit reprises purement et simplement, soit déduites du tronc commun
qu'est la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948. Les
différences relevées sont dues à la volonté
délibérée d'une précision plus grande des auteurs,
mais quelque fois aussi au hasard d'une traduction du texte original.
Cela a pour conséquence une application
sélective, discriminatoire et arbitraire dont l'issue est
l'impunité car les nombreuses institutions chargées de la
protection appliquent les instruments de façon désordonnée
et déconcertée. Dès lors, la question suivante se pose :
le moment n'est-il pas venu uniformiser le droit international des droits de
l'homme en y incluant les acquis jurisprudentiels désormais
considérables pour une bonne administration de la justice ?
Le renforcement de ce corps des traités afin d'en faire
un système unifié et plus solide est plus que nécessaire
pour la liberté au sens large364. Les Etats membres des
Nations Unies sont ainsi tenus de prendre des mesures concrètes pour
renforcer le cadre normatif mis en place et développé de
manière spectaculaire au cours de ces soixante dernières
années pour donner un nouvel élan aux engagements
énoncés dans la Déclaration du
Millénaire365.
362 TORRES BOURSAULT (Leopoldo), « Vers une meilleure
protection internationale des droits de l'homme », Colloque international
sur des droits de l'homme Organisé par L'Université de la Laguna.
Op.Cit., p.393.
363 VASAK (Karel), « Les principes
d'interprétation et d'application des droits de l'homme » In
Boutros Boutros-Ghali AmicorumDiscipulorumque Liber. Paix,
développement, démocratie, Bruxelles, Bruylant, 1998, pp
1428-1429.
364 Nations Unies, « Kofi Annan plaide pour une
réforme en profondeur de la Commission des droits de l'homme »,
Service de l'information, 7 avril 2005.
365 Assemblée Générale, 59e
Session, Op.Cit., p.40.
118
La principale proposition d'unification législative
est, notamment, la possibilité de « compression » des
différents instruments internationaux de protection. La
Conférence internationale organisée par l'université de la
Laguna en 1992 a proposé, dans sa Déclaration finale, la «
mise au point d'un Code Mondial des Droits de l'Homme qui intégrerait
tous les traités existants dans ce domaine afin d'assurer l'unité
de la matière au plan universel ».
Seule une telle mesure permettrait d'éviter les
divergences dans l'interprétation des décisions prises par les
institutions internationales de protection des droits de
l'homme366.
A défaut d'une telle entreprise de codification
à l'échelle mondiale ne pourrait-on pas reprendre la technique du
« restatement of law » bien connue du droit américain
et proposer un ensemble cohérent de normes harmonisables les unes des
autres ? L'idée proposée par le professeur Karel VASAK en 1998
constituerait le « grand dessein » de ce nouveau
millénaire dans le cas où sa réalisation serait
effective.
L'auteur souligne, en effet, que dans les textes qui
régissent les organes des droits de l'homme existent des principes qui
leur sont communs pour que leur action quotidienne retrouve une certaine
unité d'inspiration. En d'autres termes, le droit international des
droits de l'homme ne devrait être interprété et
appliqué qu'en ne tenant compte d'un certain nombre de principes
conformes à l'objectif ultime de ces droits. Ces principes seraient
alors destinés à en faciliter la réalisation. Parmi eux il
cite notamment la non-discrimination, l'opposabilité
générale des droits de l'homme et leur indivisibilité
ainsi que le principe de l'individu le plus favorisé.
Ils sont tous inscrit dans les traités des droits de
l'homme bien que leurs libellés soient différents367.
L'acquisition d'un véritable code des droits de l'homme au niveau
mondial contribuerait aussi à sauver leur universalité. Elle
fonderait, ainsi que l'a souligné le juge professeur Keba MBAYE, ces
droits sur le principe de « l'humanité une » et une
vision nouvelle de la sauvegarde des droits de l'homme. A ce titre, les
problèmes qui se posent seront traités de façon
universelle pour l'ensemble de la famille humaine qui, pour parodier VALERY,
constitue le « monde un » grâce à
l'amplification de l'information, de l'éducation et de l'assistance
ainsi que de la correction et de la révision de tous les systèmes
de protection (universel, régional et national)368.
366 « Déclaration de la Laguna », Op.Cit.,
p.406.
367 VASAK (Karel), Op.Cit., pp.1419-1428.
368 MBAYE (Keba), « Menace sur l'universalité des
droits de l'homme » In Boutros Boutros-Ghali AmicorumDiscipulorumque
Liber, Op.Cit., pp 1252-1258.
119
Une telle évolution normative permettrait ainsi de se
rendre compte que, dans le contexte des Nations Unies, l'on serait face
à un système unitaire réglant l'activité des Etats
et attribuant des droits ou des intérêts légitimes aux
individus. Mais la portée des droits stipulés serait non
seulement fonction des pouvoirs de nouveau code unifié mais aussi de la
garantie juridictionnelle qui leur serait pourvue. Et une comparaison,
même sommaire, du système des Nations Unies avec les
systèmes régionaux, à l'exemple de celui européen,
met en évidence une lacune qui, d'après madame Patrizia TOIA,
nécessite l'attention de la communauté internationale : l'absence
d'un système juridictionnel pour les recours
individuels369.
Dans la perspective d'assurer une garantie effective des
droits humains, il convient, comme pour la codification, d'unifier les organes
de mise en oeuvre des traités qui aboutirait à la mise en place
d'une juridiction pour le recours direct des victimes des violations.
Paragraphe II : Une révision des mécanismes
judiciaires et conventionnels pour une protection directe des victimes des
violations des droits humains.
Les Nations Unies sont l'organisation mondiale des peuples et
des Etats faisant des droits de l'homme un objectif et un ultime principe. A ce
titre, les mécanismes de protection de ces droits sont le coeur de son
système et doivent constituer pour les victimes et leurs
défenseurs, en désespoir de cause, la seule voie de recours pour
obtenir l'interpellation de leurs oppresseurs et la cessation de la
répression qui les vise.
Et seul le règlement judiciaire, de l'avis du
professeur Emmanuel DECAUX, traduit l'inspiration profonde du «
principe de la justice »370 qui, pour être
véritablement équitable, implique, de l'avis du rapporteur
spécial Cherif BASSIOUNI, « le droit des victimes à un
recours, leur droit d'accès direct aux instances judiciaires, leur droit
à réparation »371.
C'est dans cette optique que la Cour permanente de justice
internationale (CPJI) sous la Société des Nations, d'abord, et la
Cour internationale de justice des Nations Unies, ensuite, sont devenues, en
tant que principaux organes judiciaires des deux organisations
369 Statement by H.E. MsPatrizia TOIA, Under-Secretary of State
of Italy, (
http://www.unhchr.ch/huricane/nsf/)
370 DECAUX (Emmanuel), Op.Cit., p.85.
371 Conseil Economique et Social, Droits civils et politique
et, notamment : indépendance du pouvoir judiciaire, administration de la
justice, impunité. Le droit à restitution, indemnisation et
réadaptation des victimes de violations flagrantes des droits de l'homme
et des libertés fondamentales, Rapport final du Rapporteur
spécial Cherif BASSIOUNI, présent en application de la
Résolution 199/33 de la Commission, E/CN.4/2000/62, 18 janvier 2000
(
http://www.kuleuven.ac.be/jat/chap2-p85-92-10decok
files/images002.gif), pp 85-92
120
intergouvernementales universelles, des juridictions des
droits de l'homme sans officiellement le déclarer372.
Elles ont, en effet, pris parti sur diverses questions
touchant aux droits de l'homme qui étaient, et qui leur sont encore,
posées plus ou moins directement. Au total, leur jurisprudence a
contribué puissamment, souligne le professeur Gilbert GUILLAUME, au
progrès des droits de l'homme au cours du XXe siècle
même si la contribution est beaucoup plus le fait de la motivation des
avis et jugements rendus que de leur dispositif, et leur mise en oeuvre de
l'influence de ces décisions sur l'évolution du droit que de leur
exécution au sens strict du terme373. Mais la garantie des
droits de l'individu n'est pas directe et lui échappe.
Le Pacte de la Société des Nations, article 16,
déclare en effet : « La Cour connaîtra tous les
différends de caractère internationale et que les parties lui
soumettront ». Et le Statut de la Cour, article 34, ajoute :
« Seuls les Etats ont qualité pour se présenter devant
le Cour »374. Pour sa part, la Cour internationale de
justice précise que la garantie juridictionnelle des droits de l'homme
est traditionnellement indirecte, obligeant les individus à passer par
les Etats nationaux au titre de la protection diplomatique375.
Une telle garantie qui exclut la participation totale de
l'individu à la procédure judiciaire et dont l'application
demeure soumise au consentement des Etats intéressés devrait donc
s'adapter aux impératifs actuels qui placent la victime au centre de
toute justice internationale au plan universel. Ainsi, la rigidité
devrait inciter les Etats à réviser le Statut de la Cour
internationale (A) et penser à la possibilité de créer
d'autres juridictions à l'image de la Cour de Strasbourg, notamment,
l'institution d'une Cour internationale des droits de l'homme (B).
A-La révision du Statut de la Cour
internationale de justice
La Cour ne dénie pas, il est vrai, à l'individu
le bénéfice direct d'un droit stipulé dans une convention
internationale. Mais elle refuse de reconnaître à celui-ci un
accès direct à cette juridiction pour défendre ses droits.
Pourtant, une volonté de garantir les droits de l'homme devait, en
principe, lui reconnaître la capacité de saisir la Cour des
atteintes dont il serait victime. La Cour devrait donc adapter son
règlement et son application.
372 DECAUX (Emmanuel), Ibidem.
373 GUILLAUME (Gilbert), Op.Cit., p.28.
374 GOY (Raymond), « La Cour permanente de justice
internationale et les droits de l'homme » In Amicorum Liber
Marc-André Eissen, Op.Cit., p.207.
375 GOY (Raymond), La Cour internationale de justice et les
droits de l'homme, Op.Cit., p.74.
121
Ainsi, par exemple, l'individu pourrait être
protégé non seulement par son Etat national, mais par les Etats
tiers grâce à la reconnaissance d'une sorte d' « actio
popularis » bien que cela soit difficilement réalisable
à cause de la délicatesse du problème conformément
à l'adage populiste « pas d'intérêt, pas d'action
». La victime serait aussi plus ou moins associée à la
procédure même si elle n'est pas un fonctionnaire international
comme c'est le cas actuellement en matière de procédure
consultative pour ce dernier.
Elle le serait simplement en tant qu'individu pour lequel la
protection des droits constitue un enjeu réel. Pour les affaires si
urgentes telles que les cas des condamnés à mort devant lesquels
la Cour est mise à l'épreuve, cette dernière devrait
pouvoir prendre les mesures conservatoires et engager une véritable
procédure d'urgence, un véritable référé
afin de faire obstacle à l'exécution d'une décision de
justice en conflit.
En outre, il est impérieux que la Cour internationale
de justice, seule juridiction universellement reconnue, se soumette
explicitement aux articles non dérogeables du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques : il s'agit des articles 5à 7
qui interdissent toute dérogation ou restriction aux droits fondamentaux
reconnus ou en vigueur, notamment, le droit à la vie, l'interdiction de
la torture, des traitements cruels, inhumains et
dégradants376.
L'absence de tels droits expliquerait, en effet, la faible
garantie des autres en même temps qu'elle autoriserait à ne pas
faire figurer les droits judiciaires parmi ceux protégés.
Une fois que la volonté de mieux promouvoir les droits
de l'homme est affirmée par la Cour internationale de justice de
façon concrète en tant que juridiction onusienne de protection et
de garantie effective, de nouvelles voies s'ouvriraient et seraient les
bienvenues pour le succès et la « progression de
l'humanité vers une organisation internationale moins
éloignée de la conception du Super Etat possédant une
Supra juridiction ».
Dans le cas contraire, il est plus qu'urgent de penser
à la mise en place d'une Cour des Nations Unies pour les droits de
l'homme qui répondrait le mieux aux exigence d'un organe juridictionnel
indépendant et impartial pour une protection effective des victimes des
violations.
376 Voir DE SCHUTTER (Olivier), et allii, Op.Cit., p.19.
122
B-Pour une Cour Internationale des Droits de l'Homme
(CIDH)
Le professeur René Samuel CASSIN admettait, pour la
mise en oeuvre des principes que le meilleur contrôle de l'application
des normes internationales de protection des droits de l'homme serait mieux
accepté et plus approprié s'il était remis à des
juridictions ou , à tout le moins, à des autorités
indépendantes régionales377. Et lors de
l'élaboration des mécanismes de contrôle des traités
en 1959, de longs débats ont été engagés devant la
Commission des droits de l'homme sur leur caractère.
Déjà, l'Australie proposa la création
d'une Cour internationale des droits de l'homme, tandis que des pays comme
l'Uruguay et la France proposèrent, pour leur part, la mise en place
d'une fonction de Haut-Commissaire des droits de l'homme ou d'une commission
d'enquête indépendante. D'autres Etats plus radicaux, parmi
lesquels figurait l'Union Soviétique, forts jaloux de leur
souveraineté ; s'opposèrent aux deux idées.
Il fut finalement opté pour la création des
Comités378. Aujourd'hui encore, le même problème
se pose du fait que la pluralité d'organes chargés de
l'application des traités suscite un manque de confiance de la part de
tous ceux qui placent leurs espoirs dans les droits de l'homme,
spécialement, les victimes et leurs défenseurs.
Et les nombreuses institutions qui sont au plan universel ne
permettent, en réalité, que d'établir par les voies
juridiques et même judiciaires l'existence des violations.
Elles ne permettent en rien de les arrêter et encore
moins d'en réparer les conséquences souvent tragiques pour les
victimes ni de sanctionner ou de punir leurs auteurs, ces criminels contre la
liberté de l'humanité379.
C'est pourquoi, selon le professeur Gérard
COHEN-JONATHAN, la création d'une cour internationale des droit de
l'homme tant désirée par le professeur René CASSIN reste
la seule issue possible pour la meilleure protection universelle des droits
individuels vu les aléas et les difficultés qui s'y
manifestent380. Pour le gouvernement italien dont les propositions
ont été avancées à plusieurs occasions, notamment,
lors de la conférence diplomatique de Vienne en
377 COHEN-JONATHAN (Gérard), « Les droits de
l'homme, une valeur internationalisée » In Revue Droits
Fondamentaux, N°1, juillet-décembre 2001, p 164 (
www.revue-df.org)
378 ERGEC (Rusen), Protection européenne et
internationale des droits de l'homme, Op.Cit., p.34.
379 « Déclaration de la Laguna », Op.Cit.,
p.400.
380 COHEN-JONATHAN (Gérard), « Les droits de l'homme,
une valeur internationalisée », Op.Cit., p.164.
123
1993, la création d'une Cour des Nations Unies et la
prise en compte d'une réelle procédure de recours individuels
compléteraient opportunément l'édifice des droits de
l'homme381.
La même proposition fut formulée en janvier 1985
par le professeur Hocine AIT AHMED qui écrivait : « Si l'on
veut avoir pour idéal l'intégrisme des droits de l'homme qui
postule l'intégrité de la dignité humaine, le respect de
l'intégralité de ses dimensions multiples, il faut lutter pour
(...) l'institution des mécanismes de recours individuels, d'une Cour
internationale des droits de l'homme à l'ONU, abolir la clause de
souveraineté exclusive des Etats en matière des droits de l'homme
»382.
Quant au professeur Monique CHEMILLIER-GENDREAU, elle propose
en faveur de l'individu la « dotation urgente aux Nations Unies d'une
Cour internationale des droits de l'homme en charge de faire appliquer les
Pactes sur le fondement d'un recours direct des individus
»383. Il est toutefois vrai que la réussite de ces
propositions exige une communauté internationale plus homogène et
mieux institutionnalisée.
Pour l'instant, il est donc évident que l'on puisse
faire l'économie d'une démarche peut-être encore ambitieuse
(et en tout cas contestée) sinon pour fixer des objectifs que l'on
espère atteindre progressivement grâce à la prise de
conscience de la nécessité d'une meilleure garantie des droits
fondamentaux par toutes les nations du monde.
La politique qui consiste à faire table rase des
institutions de protection universelles existantes aux Nations Unies dans le
seul souci de les concentrer au sein d'un mécanisme unique
centralisé qui agirait comme un organe suprême est à
l'ordre du jour des discussions au niveau de tous les organes de garantie.
Ainsi, par exemple, le Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale a procédé à des
échanges de vue sur la question de réforme s'agissant des organes
conventionnels créés en vertu d'instruments internationaux
relatifs aux droits de l'homme. Ayant, en effet, constaté que le
système de surveillance de ces organes avait atteint un degré
élevé de complexité et que les améliorations
étaient, sans doute nécessaires ; le Comité a
suggéré la fusion des différents organes en un seul dans
le but de leur renforcement.
381 TOIA (Patrizia), Op.Cit.
382 AIT AHMED (Hocine), « Introduction à une
éthique et une stratégie : intégrisme des droits de
l'homme », Paris, janvier 1985 (
www.geocities.com/hocine
ait ahmed/socialiste.htm)
383 CHEMILLIER-GENDREAU (Monique), « L'ONU ou la
communauté internationale confisquée » In
Réponses Civiques à la mondialisation, N°110,
juin-août 2000 (
http://www.Idh-France.org/images/documentation/hommeslibre.gif)
124
Sur proposition du Haut-Commissariat aux Droits de l'homme et
pour donner suite à la volonté du Secrétaire
général des Nations Unies de renforcer tout le système
conventionnel de protection, la réforme retient quatre objectifs :
« accroître la visibilité du système actuel, le
renforcer, l'unifier et lui donner une plus grande cohérence
».
Cet organe serait une instance plus efficace et plus
contraignante comparable à une juridiction internationale. Il pencherait
ainsi sa balance du côté non plus de la souveraineté des
Etats mais plutôt du côté des droits de l'homme. La
création entraînerait aussi la présentation d'un rapport
unique et l'organe recevrait des communications individuelles des
Comités qui en ont, pour l'instant, la compétence384.
Dans son rapport sur la réalisation des droits économiques,
sociaux et culturels présenté en 1997 par le rapporteur El Hadji
GUISSE, en application de la Résolution 1996/24 de la Sous-Commission
des droits de l'homme ; il est demandé une organisation juridictionnelle
de la lutte contre l'impunité pour violation de ces droits.
En effet, la violation des droits économiques, sociaux
et culturels, lorsqu'elle dépasse le cadre national ; engage la
responsabilité internationale de ses auteurs. Ce qui pose
automatiquement, les bases de leur juridicité et de leur «
justiciabilité ». Comme les actions en réparation
supposent l'existence d'un recours utile et efficace devant les juridictions,
une plus grande prise de conscience de la communauté internationale et
des Etats est de rigueur pour non seulement reconnaître à ces
droits une plus grande valeur juridique et pour punir les violations, mais
aussi pour créer des règles qui assureront de réelles
juridicité et justiciabilité.
Ainsi, les Etats et les institutions internationales devraient
procéder aux réformes des systèmes juridiques internes et
internationaux actuels pour assurer cette mission de protection et de garantie
en commençant par l'élaboration, à l'instar des droits
civils et politiques, un Protocole facultatif pour une réelle mise en
oeuvre et une meilleure protection des droits économiques, sociaux et
culturels385. Par ailleurs, pour ce qui est des droits civils et
politiques, il est question de reconnaître réellement les recours
contre violations des droits de l'homme.
Ceux-ci comprennent le droit d'accès de la victime aux
instances judiciaires, son droit à réparation du préjudice
subi et son droit d'accès à des informations factuelles
concernant les
384 Lire à ce sujet : United Nation Presse Release, «
Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale se
penche sur la question de la réforme des organes conventionnel »,
16 août 2005 et « Comité pour l'élimination de la
discrimination raciale : examen de la question de la réforme des organes
conventionnels », 18 août 2005 (
www.unhchr.ch/huricane/huricane.nsf)
385 GUISSE (El Hadji), « Le réalisation des droits
économiques sociaux et culturels », Rapports final sur la question
de l'impunité des auteurs des violations des droits de l'homme en
application de la Résolution 1996/24 de la Sous-Commission,
E/CN.4/Sub.2/1997/8, 27juin 1997.
125
violations. Le droit à un recours suffisant, utile et
rapide contre une violation des droits de l'homme englobe tous les
mécanismes internationaux disponibles dont un particulier doit se
prévaloir.
Il faut donc renforcer les mesures visant à
prévenir le renouvellement des violations tant au plan interne
qu'à celui international386. La création de la
nouvelle Cour favoriserait alors la primauté du droit et mettrait fin
à l'impunité. Elle renforcerait aussi l'action des Nations Unies
dont l'un des principaux buts est la protection indiscriminée des droits
de l'homme dans le monde.
La Cour confirmerait également la volonté des
gouvernements à renforcer les mécanismes de défense contre
d'éventuelles violations. Avec une Cour internationale des droits de
l'homme, les pressions se feraient sur les Etats afin qu'ils relâchent
leur emprise sur les tribunaux dont ils se servent habituellement pour
commettre des violations généralisées.
Ses décisions auront une force obligatoire et
exécutoire. Et ainsi, comme l'avait déclaré un
délégué de l'Union Européenne lors de la
réunion informelle en prélude à la 59eme
session de l'Assemblée générale prévue du
1er octobre au 14 décembre 2004 à Genève,
« le rôle des Etats parties devait rester modeste et se
cantonner au soutien, en évitant de s'engager dans des discussions
pouvant déboucher sur la réouverture des conventions ou sur une
perte d'intégrité des organes de suivi des traités
»387.
Mais la réalisation de ce projet suppose, d'une part,
une clarification des relations qui devraient être entretenues entre la
nouvelle Cour internationale des droits de l'homme et le nouveau Conseil des
droits de l'homme des Nations Unies afin d'éviter un double emploi et de
garantir entre eux une complémentarité. En plus, l'idée de
création d'un organe juridictionnel permanent devraient faire l'objet de
large s consultations et que les avis des parties concernées soit pris,
dans le cadre d'un processus aussi participatif que possible.
En outre étant entendu que les débats sur la
réforme des organes conventionnels de garantie des droits de l'homme
évoluent aussi en faveur de leur unification, il serait encore plus
facile, à notre avis, d'opérer une simple transformation de ces
organes puisque certains d'entre eux, notamment le Comité des droits de
l'homme qui jouit d'une nature quasi-judiciaire.
386 BASSIOUNI (Cherif), Op.Cit. Voir aussi l'article 14 du
Pacte international relatif aux droits civils et politiques dans DE SCHUTTER
(Olivier) et allii, Op.Cit., pp 21-22.
387 Commission des droits de l'homme, réunion
informelle en prélude à la 59eme session de
l'Assemblée générale prévue du 1er
octobre au 14 décembre 2004, Genève, Service International pour
les droits de l'homme, 28 septembre 2004, p.3.
126
Il est, en effet, indiscutable que le Comité donne
l'impression, partant de la logique juridictionnelle dans laquelle il semble
inscrire de plus en plus l'exercice de ses compétences, d'être une
juridiction, une Cour internationale des droits de l'homme à
l'état embryonnaire ou en état de formation388.
De ce fait, il s'adapterait plus facilement cette
transformation et permettrait un gain de temps par rapport au processus de
refonte complète du système. Mais bien que cette impression ainsi
énoncée ne soit pas apte à être confirmée
facilement et totalement de nos jours parce que n'étant pas à
l'abri d'une certaine réversibilité, il n'en demeure pas moins,
cependant, qu'elle n'est pas dénuée, si non de fondement, du
moins d'une certaine réalité, d'une certaine existence qui
pourrait précéder des évolutions ou peut-être,
même, de les favoriser. Il ne s'agit donc pas, ici, de tenir un plaidoyer
pour « l'ivraie » aux dépens du « bon droit
», mais de tenter d'examiner ce qui, à travers la pratique du
Comité, semble contribuer à le situer sinon dans l'espace
juridictionnel, du moins dans les confins d'une juridiction internationale des
droits de l'homme dont il annoncerait l'avènement ou poserait
l'équation.
Dès lors, il y a lieu de donner du temps au temps pour
qu'il puisse permettre d'assimiler et d'intérioriser les progrès
réalisés mais aussi provoquer, de manière volontariste,
les évolutions nécessaires tous en admettant que l'impulsion
à la juridictionnalisation des fonctions du Comité des droits de
l'homme, dans le sens d'une mise sur pied progressive d'une juridiction
internationale des droits de l'homme a déjà été
établie389. Les autres Comités se transformeraient
alors en chambres ou en sections et s'occuperaient ainsi de la
recevabilité et de la gestion des affaires se rapportant à leurs
domaines d'interventions actuels.
Enfin, le projet devrait disposer d'éléments
d'information en ce qui concerne la politique des Etats et des entités
de la société civile à la réforme proposé :
il s'agit d'évaluer le soutien des partenaires à toute
réforme. Une réforme ne pouvant pas être faite pour le
simple plaisir de le faire, il est impérieux que le dialogue
engagé entre les Etats à ce sujet produise des décisions
sur leur engagement ferme de résoudre définitivement le
problème de la protection efficace et effective des droits de l'homme.
La question qui se pose est celle de savoir si ces Etats ont une réelle
volonté de réaliser ces réformes. En d'autres termes, les
Etats sont-ils disposés à prendre un engagement plus ferme
à la cause des droits de l'homme ?
388 AMOS (Abdelfattah), Op.Cit., p.44.
389 Idem, pp 44 et 60.
CONCLUSION
127
128
En abordant cette étude sur « l'efficacité
des mécanismes juridiques internationaux de protection des droits de
l'homme », le principal souci était celui de démontrer que,
malgré l'évolution de la législation internationale en
matière des droits de l'homme, les mécanismes onusiens ne
suffisent plus pour assurer une réelle garantie de ces droits du fait de
l'inexistence de juridiction universelle spécifique en la
matière. A côté de la protection universelle s'est
abreuvée une protection régionale en Europe et en Afrique.
L'étude des systèmes régionaux
spécialement européen considéré comme un
véritable modèle nous inciterait à affirmer que les
progrès y enregistrés permettraient de se parfaire grâce
à une possibilité de réforme en vue d'une
justiciabilité effective des droits de l'homme dans le monde. Ces
réformes devraient aussi toucher le système africain
articulé autour de la Charte africaine des droits de l'homme.
La lecture du système onusien de protection des droits
de l'homme prouve, en effet, que d'énormes avancées ont
été réalisées en faveur de la protection
grâce à la mise en place des mécanismes de contrôle
de ces droits. Ces mécanismes, à la fois non-conventionnels et
conventionnel, permettent tant aux Etats qu'aux particulier de s'en
prévaloir en respectant certaines conditions et procédures
précises.
Il a toutefois été constaté que ces
mécanismes demeurent inadaptés vu les insuffisances dont ils font
montre, notamment : d'une part, le reflet d'un universalisme factice suite
à la réticence des Etats, le manque de sanctions
appropriées, le ménagement de la souveraineté par
l'utilisation abusive du principe de non-ingérence dans les affaires
internes et du non-respect de l'obligation erga omnes dont doivent
bénéficier normalement les règles relatives aux droits
humains.
D'autre part, la politisation à outrance du principal
organe intergouvernemental qui a pour effets la partialité dans le
traitement des dossiers et l'amplification de la culture de l'impunité
ainsi que le caractère non-juridictionnel de l'organe technique ont
rendu précaire la garantie universelle des droits de l'homme. Le
système européen, par contre, démontre sa capacité
de répondre véritablement aux problèmes liés
à la garantie des droits individuels.
La Convention européenne des droits de l'homme,
conçu comme une supra constitution plutôt qu'un simple
traité et interprétée, à ce titre, de façon
fédéraliste ; soumet, en effet, les Etats parties à n'en
avoir qu'une seule vision.
129
En outre, l'imposition d'un ordre public européen
oblige à ne défendre qu'une conception de la vie sociale,
laquelle est fondée sur les mêmes valeurs, à savoir : la
démocratie, la primauté du droit et le respect des droits et
libertés fondamentales de l'homme. Aucun Etats ne peut y déroger
sous peine d'être exclu du Conseil de l'Europe. De même, toute
personne sous la juridiction d'un quelconque pays membre a droit à la
jouissance effective de ses droits fondamentaux.
Ce qui écarte toute idée de
réciprocité au profit du jus cogens qui limite ainsi la
souveraineté des Etats en leur interdisant de conclure tout autre
traité contraire aux normes impératives du droit international
général. De plus, la Cour européenne des droits de l'homme
rend des arrêts très contraignants dont les effets en droit
interne sont incontestablement visibles car la mise en compatibilité,
résultat de l'interprétation uniforme de la Convention, avec sa
jurisprudence est obligatoire. Le système européen exprime ainsi
la ferme volonté des Etats membres du Conseil de l'Europe de
protéger réellement les droits de l'homme. En Afrique, la Cour
africaine des droits de l'homme exerce les mêmes fonctions.
Tout ceci nous a convaincu de plaider pour une relecture du
système onusien tant dans son approche matérielle que celle
institutionnelle de protection des droits de l'homme dont, d'ailleurs, certains
éminents auteurs sont conscients des faiblesses et défauts qui le
gangrènent. C'est pourquoi nous nous sommes contentés de
suggérer, vu que c'est déjà au centre des discussions, une
innovation du schéma institutionnel intergouvernemental existant afin de
le rendre plus utile et efficace. Du point de vue juridique, une unification
normative et une reconnaissance d'un véritable recours juridictionnel au
profit des individus sont plus qu'une urgence en ce moment où « la
démocratie et les droits de l'homme suscitent l'unanimité
»390 et constitue un acquis pour tout système de
protection.
L'exercice des droits reconnus à l'individu sera
désormais sous le contrôle du juge qui pourra redresser les
erreurs, harmoniser les interprétations et combler les lacunes. Sans
doute pas plus que les Cour européenne et africaine, les
décisions de la Cour internationale des droits de l'homme ne permettront
pas totalement l'enrayement des violations des droits de l'homme qui se
commettent dans le monde, mais on peut espérer qu'elle contribuera,
même modestement, à réduire le scandale que constitue
l'impunité de leurs auteurs.
390 DENQUIN (Jean-Marie), Démocratie et droits de
l'homme, Paris, Montchrestien, 1996, p.19.
130
Il faut aussi reconnaître que la réalisation de
ces réformes suppose, comme l'avait si bien suggéré
Amnesty International dans sa déclaration publique du 24 juin 2005, que
les Etats membres de l'organisation universelle :
-réaffirment sans ambiguïté les engagements
auxquels ils ont souscrit librement au cours des soixante dernière
années envers les droits de l'homme (à commencer par la Charte
des Nations Unies) ;
-s'engagent à n'épargner aucun effort afin de
protéger la pleine et entière jouissance des droits humains pour
tous, sans discrimination ;
-s'engagent à mener une action concertée afin
d'adhérer aux principaux traités internationaux relatifs aux
droits humains d'ici à 2020 et prendre des mesures quantifiables pour
mettre en oeuvre, dans leur intégralité, les obligations qui leur
incombent en vertu de la Déclaration universelle des droits de l'homme
et de tous les autres instruments auxquels ils sont parties ;
-prennent, enfin, l'engagement ferme d'en finir avec
l'impunité pour toutes les atteintes aux droits humains en veillant
à ce que soient intégrés ces droits fondamentaux dans les
politiques et les décisions des principaux organes des Nations Unies.
Sans cela, il est illusoire de penser mettre sur pied un système de
défense des droits humains enrichi et consolidé pour
l'organisation universelle391.
Ainsi au cas où, ces réformes adoptées,
les violations continuent d'exister, cela ne sera plus dû à un
vide juridique au plan international mais il ne s'agira, une fois de plus, que
de la confirmation du perpétuel reproche fait à l'endroit des
Etats qui, pourtant, sont à la fois artisans du succès des
systèmes régionaux : leur manque de volonté à
s'acquitter au niveau universel, au même titre qu'au plan
régional, des obligations qui sont les leurs conformément
à la Charte des Nations Unies et aux autres instruments internationaux
de protection des droits de l'homme, c'est-à-dire, grosso modo, en vertu
du droit international des droits de l'homme. De ce point de vue, le triomphe
des droits de l'homme qui demeure, du reste, un défi n'appelle-t-il pas
l'existence d'un réel et véritable ordre public international.
A la lumière de ce qui précède, les
mécanismes de contrôle et de garanties des droits de l'homme en
générale, jouent un rôle considérable dans la
préservation des droits de l'homme. Mais il faut tout de même
reconnaitre qu'ils présentent encore une inadaptation par rapport
à
391 Amnesty International, « Réforme des Nations
Unies : liberté de vivre dans la dignité », EFAI, AI :
IOR41/049/2005, 24 juin 2005 (
http://efai.amnesty.org).
131
l'état actuel des violations massives et
répétées des droits de l'homme, c'est cette inadaptation
qui empêche une réelle effectivité de ces
mécanismes.
Une réforme ou alors une inadaptation des
mécanismes onusiens de protection des droits de l'homme paraît
utile et nécessaire afin de garantir efficacement et effectivement les
droits fondamentaux, c'est pourquoi les yeux du monde entier sont rivés
sur le Conseil des droits de l'homme. En ce qui concerne les mécanismes
régionaux, la reforme se ferait alors au regard du système
européen de protection des droits de l'homme.
En effet, ce dernier a marqué une évolution
notable dans la mise en place d'un organe juridictionnel dont les arrêts
pris ont l'autorité de la chose jugée. Le système
européen de contrôle de l'effectivité des droits
fondamentaux a trouvé également une solution aux problèmes
des réserves en déclarant, par exemple ; dans l'arrêt
Belilosdu 29 avril 1988, invalide une réserve suisse contraire
à l'article 64 qui interdit des réserves à
caractères général.
En outre, le mécanisme européen a connu une
évolution sur le principe de réciprocité qui n'est plus
pris en compte en matière des droits de l'homme. Ces exemples montrent
que le système régional européen a un apport positif sur
la protection des droits de l'homme dont le système universel doit
s'inspirer pour assurer l'efficacité et l'effectivité des droits
fondamentaux.
Enfin, malgré d'irréfutables acquis dans le
domaine de la protection des droits de l'homme, les défis à
l'aube du XXIième siècle sont nombreux et
variés : la justiciabilité des droits culturels, sociaux, et
économiques, la lutte contre l'impunité, l'abolition universelle
de la peine de mort, l'interdiction absolue de la torture, l'interdiction de
certaines manipulations génétiques.
L'on compte également parmi ces défis l'adoption
de mesures de prévention et de suivi de l'action de protection, la
sauvegarde des droits de l'homme dans des situations d'urgence et le
développement des modes de réparation des victimes de violations
des droits de l'homme.
L'avenir de la protection des droits de l'homme dépend
actuellement, en grande partie, des mesures nationales d'implémentation,
étant entendu que le droit international et le droit interne sont
constamment en interaction dans ce domaine.
Les obligations conventionnelles de protection lient non
seulement les gouvernements mais aussi l'ensemble des organes des Etats en tant
que tels (pouvoir et agent). Les normes
132
internationales de protection sont directement applicables
dans les droits internes, ce qui bénéficie à tous les
êtres humains sous la juridiction de leurs Etats respectifs.
Il s'agit de la norme de protection la plus efficace autant au
niveau international qu'au niveau national, car elle prévaut toujours
sur les autres. Une manifestation de l'apparition des normes impératives
du droit international jus cogens et le développement du
régime des obligations erga omnès favoriseraient
considérablement l'établissement d'un système effectif de
suivi permanent de la situation des droits de l'homme dans le monde.
ANNEXES
133
134
Annexe 1
Déclaration Universelle des droits de l'homme
adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies,
le 10 décembre 1948
Préambule
Considérant que la reconnaissance de
la dignité inhérente à tous les membres de la famille
humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le
fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde,
Considérant que la
méconnaissance et le mépris des droits de l'homme ont conduit
à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de
l'humanité et que l'avènement d'un monde où les
êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés
de la terreur et de la misère, a été proclamé comme
la plus haute aspiration de l'homme,
Considérant qu'il est essentiel que
les droits de l'homme soient protégés par un régime de
droit pour que l'homme ne soit pas contraint, en suprême recours,
à la révolte contre la tyrannie et l'oppression,
Considérant qu'il est essentiel
d'encourager le développement de relations amicales entre nations,
Considérant que dans la Charte, les
peuples des Nations Unies ont proclamé à nouveau leur foi dans
les droits fondamentaux de l'Homme, dans la dignité et le respect de la
personne humaine, dans l'égalité des droits des hommes et des
femmes et qu'ils se sont déclarés résolus à
favoriser le progrès social et à instaurer de meilleures
conditions de vie dans une liberté plus grande,
Considérant que les états
membres se sont engagés à assurer, en coopération avec
l'Organisation des Nations Unies, le respect universel et effectif des droits
de l'Homme et des libertés fondamentales,
Considérant qu'une conception commune
de ces droits et libertés est de la plus haute importance pour remplir
pleinement cet engagement,
135
L'Assemblée générale
Proclame
La présente Déclaration universelle des
droits de l'homme
Comme idéal commun à atteindre par tous les
peuples et toutes les nations afin que tous les individus et tous les organes
de la société, ayant cette Déclaration constamment
à l'esprit, s'efforcent, par l'enseignement et l'éducation, de
développer le respect de ces droits et libertés et d'en assurer,
par des mesures progressives d'ordre national et international, la
reconnaissance et l'application universelles et effectives, tant parmi les
populations des Etats Membres eux-mêmes que parmi celles des territoires
placés sous leur juridiction.
Article premier
Tous les êtres humains naissent libres et égaux
en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de
conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de
fraternité.
Article 2
Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de
toutes les libertés proclamés dans la présente
Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de
sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion,
d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre
situation.
De plus, il ne sera fait aucune distinction fondée sur
le statut politique, juridique ou international du pays ou territoire dont une
personne est ressortissante, que ce pays ou territoire soit indépendant,
sous tutelle, non autonome ou soumis à une limitation quelconque de
souveraineté.
Article 3
Tout individu a droit à la vie, à la liberté
et à la sûreté de sa personne.
Article 4
Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude ; l'esclavage et
la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes.
136
Article 5
Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines
ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Article 6
Chacun a le droit à la reconnaissance en tous lieux de sa
personnalité juridique.
Article 7
Tous sont égaux devant la loi et ont droit sans
distinction à une égale protection de la loi. Tous ont droit
à une protection égale contre toute discrimination qui violerait
la présente Déclaration et contre toute provocation à une
telle discrimination.
Article 8
Toute personne a droit à un recours effectif devant les
juridictions nationales compétentes contre les actes violant les droits
fondamentaux qui lui sont reconnus par la constitution ou par la loi.
Article 9
Nul ne peut être arbitrairement arrêté,
détenu ou exilé
137
Annexe 2
Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples
adoptée
Le 27 juin 1981 à Nairobi
(Kenya) Préambule
« Les Etats africains membres de l'Organisation de
l'unité africaine, parties à la présente Charte qui porte
le titre de Charte africaine des droits de l'homme et des peuples ; tenant
compte des vertus de leurs traditions historiques et des valeurs de
civilisation africaine qui doivent inspirer et caractériser leurs
réflexions sur la conception des droits de l'homme et des peuples ;
Conscients de leur devoir de libérer totalement l'Afrique dont les
peuples continuent à lutter pour leur indépendance
véritable et leur dignité en s'engageant à éliminer
le colonialisme, le néocolonialisme, l'apartheid, le sionisme, les bases
militaires étrangères d'agression et toutes formes de
discrimination, notamment celles qui sont fondées sur la race, l'ethnie,
le couleur, le sexe, le langue, la religion ou l'opinion politique ».
Article 20
« 1. Tout peuples a droit à l'existence. Tout
peuple a un droit imprescriptible et inaliénable à
l'autodétermination. Il détermine librement son statut politique
et assure son développement économique et social selon la voie
qu'il a librement choisie.
2. Les peuples colonisé ou opprimés ont le
droit de se libérer de leur Etat de domination en recourant à
tous moyens reconnus par la communauté internationale.
3. Tous les peuples ont doit à l'assistance des Etats
parties à la présente Charte, dans leur lutte de
libération contre la domination étrangère, qu'elle soit
d'ordre politique, économique ou culturel. »
Article 21§ 1
« Les peuples ont la libre disposition de leurs richesses
et de leurs ressources naturelles. Ce droit s'exerce dans
l'intérêt exclusif des populations. En aucun cas, un peuple ne
peut en être privé. »
138
Article 22
« 1. Tous les peuples ont droit à leur
développement économique, social et culturel, dans le respect
strict de leur liberté et de leur identité, et à la
jouissance légale du patrimoine commun de l'humanité.
2. Les Etats ont le devoir, séparément ou en
coopération, d'assurer l'exercice du droit au développement
».
Article 27
« Chaque individu a des devoirs envers la famille et la
société, envers l'Etat et les autres collectivités
légalement reconnues et envers la Communauté internationale
».
Article 45
La Commission a pour mission de :
1-Promouvoir les droits de l'homme et des peuples et notamment
:
a)Rassembler de la documentation, faire des études et
des recherches sur les problèmes africains dans le domaine des droits de
l'homme et des peuples, organiser des séminaires, des colloques et des
conférences, diffuser des informations, encourager les organismes
nationaux et locaux s'occupant des droits de l'homme et des peuples et, le cas
échéant, donner des avis ou faire des recommandations aux
gouvernements ;
b)Formuler et élaborer, en vue de servir de base
à l'adoption de textes législatifs par les gouvernements
africains, des principes et règles qui permettent de résoudre les
problèmes juridiques relatifs à la jouissance des droits de
l'homme et des peuples, des peuples et des libertés fondamentales ;
c)Coopérer avec les autres institutions africaines ou
internationales qui s'intéressent à la promotion et à la
protection des droits de l'homme et des peuples.
2) Assurer la protection des droits de l'homme dans les
conditions fixées par la présente Charte.
139
3Interpréter toute disposition de la présente
Charte à la demande d'un Etat partie, d'une institution de l'OUA ou
d'une organisation africaine reconnue par l'OUA aujourd'hui l'Union Africaine
(U.A).
4) Exécuter toutes autres tâches qui lui seront
éventuellement confiées par la Conférence des chefs d'Etat
et de gouvernement.
Article 47
Si un Etat partie à la présente Charte a de
bonnes raisons de croire qu'un autre Etat également partie à
cette Charte a violé les dispositions de celle-ci, il peut appeler, par
communication écrite, l'attention de cet Etat sur la question. Cette
communication sera également adressée au secrétaire
général de l'OUA et au président de la Commission. Dans un
délai de trois mois à compter de la réception de la
communication, l'Etat destinataire fera tenir à l'Etat qui a
adressé la communication, des explications ou déclarations
écrites élucidant la question, qui devront comprendre dans toute
la mesure du possible, des indications sur les lois et règlements et
procédure applicables ou appliqués et sur les moyens recours,
soit déjà utilisés, soit en instance, soit encore
ouverts.
140
Annexe 3
Protocole de Ouagadougou Portant Création de la
Cour Africaine des Droits de l'Homme et des peuples du 9 juin 1998
« Les Etats membres de l'Organisation de l'unité
africaine (ci-après dénommée OUA), Etats parties à
la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, (.../...)
Fermement convaincus que la réalisation des objectifs
de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples nécessite la
création d'une Cour africaine des droits de l'homme et des peuples pour
compléter et renforcer la mission de la Commission africaine des droits
de l'hommes et des peuples ;
SONT CONVENUS DE CE QUI SUIT :
Article 1 : Création de la Cour
Il est créé, au sein de l'organisation de
l'unité africaine, une Cour africaine des droits de l'homme et des
peuples (ci-après dénommée « la Cour », dont
l'organisation, la compétence et le fonctionnement sont régis par
le présent Protocole.
Article 2 : Relations entre la Cour et la
Commission
La Cour, tenant dûment compte des dispositions du
présent Protocole, complète les fonctions de protection que la
Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (ci-après
dénommée la Charte) a conférées à la
Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (ci-après
dénommée la Commission).
Article 3 : Compétence de la Cour
La Cour a compétence pour connaître de toutes les
affaires et de tous les différends dont elle est saisie concernant
l'interprétation et l'application de la Charte, du présent
Protocole, et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l'homme
et ratifié par les Etats concernés. En cas de contestation sur le
point de savoir si la Cour est compétente, la Cour décide.
Article 4 : Avis consultatifs
A la demande d'un Etat membre de l'OUA, de tout organe de
l'OUA ou d'une organisation africaine reconnue par l'OUA, la Cour peut donner
un avis sur toute question juridique concernant la Charte ou tout autre
instrument pertinent relatif aux droits de l'homme, à condition que
l'objet de l'avis consultatif ne se rapporte pas à une enquête
pendante devant la
141
Commission. Les consultations de la Cour sont motivées.
Un juge peut y joindre une opinion individuelle ou dissidente.
Article 5 : Saisine de la Cour
Ont qualité pour saisir la Cour :
-la Commission ;
-l'Etat partie qui a saisi la Commission ;
-l'Etat partie contre lequel la plainte a été
introduite ;
-l'Etat partie dont le ressortissant est victime d'une violation
des droits de l'homme ;
-les organisations intergouvernementales africaines.
Lorsqu'un Etat partie estime avoir un intérêt
dans une affaire, il peut adresser à la Cour une requête aux fins
d'intervention. La Cour peut permettre aux individus ainsi qu'aux organisations
non-gouvernementales (ONG) dotées du statut d'observateur auprès
de la Commission d'introduire des requêtes directement devant elle
conformément à l'article 34 (6) de ce Protocole.
Article 7 : Droit applicable
La Cour applique les dispositions de la Charte ainsi que tout
autre instrument pertinent relatif aux droits de l'homme et ratifié par
l'Etat concerné.
Article 8 : Examen des requêtes
La Cour fixe dans son Règlement intérieur les
conditions d'examen des requêtes dont elle est saisie en tenant compte de
la complémentarité entre elle et la Commission.
Article 9 : Règlement amiable
La Cour peut tenter de régler à l'amiable les
cas qui lui sont soumis conformément aux dispositions de la Charte.
Article 33 : Règlement
intérieur
La Cour établit son règlement intérieur
et détermine sa propre procédure. La Cour consulte la Commission
chaque fois que de besoin.
142
Article 34 : Ratification
A tout moment à partir de la ratification du
présent Protocole, l'Etat doit faire une déclaration acceptant la
compétence de la Cour pour recevoir les requêtes
énoncées à l'article 5(3) du présent Protocole. La
Cour ne reçoit aucune requête en application de l'article 5 (3)
intéressant un Etat partie qui n'a pas fait une telle
déclaration.
143
Annexe 4
Protocole portant Statut de la Cour Africaine de
Justice et des Droits de l'homme du 1er juillet 2008 A Sharm-
El-Sheikh (Egypte)
Chapitre I : Fusion de la Cour Africaine des Droits de
l'homme et des Peuples et de la Cour de Justice de l'Union
Africaine
Article 1 : Abrogation des Protocoles de 1998 et de
2003
Le Protocole relatif à la Charte africaine des droits
de l'homme et des peuples portant création d'une Cour africaine des
droits de l'homme et des peuples, adopté le 10 juin 1998 à
Ouagadougou (Burkina Faso) et entré en vigueur le 25 janvier 2004, et le
Protocole de la Cour de justice de l'Union africaine, adopté le 11
juillet 2003 à Maputo (Mozambique), sont remplacés par le
présent Protocole et le Statut y annexé qui en fait partie
intégrante, sous réserve des dispositions des articles 5, 7 et 9
du présent Protocole.
Article 2 : Création d'une cour
unique
La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples et la
Cour de justice de l'Union africaine, créées respectivement par
le Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l'homme et des
peuples portant création d'une Cour africaine des droits de l'homme et
des peuples et l'Acte constitutif de l'Union africaine, sont fusionnées
en une cour unique instituée et dénommée « Cour
africaine de justice et des droits de l'homme ».
Article 16 : Section de la Cour
La Cour siège en deux (2) Sections : La Section des
Affaires générales composée de huit (8) juges et la
Section des droits de l'homme composée de huit (8) juges.
Article 17 : Affectation des affaires aux
Sections
1. La Section des affaires générales est saisie
de toute affaire introduite en vertu de l'article 28 du présent Statut,
à l'exception des affaires portant sur des questions de droits de
l'homme et des peuples.
2. La Section des droits de l'homme et des peuples est saisie
de toute affaire relative aux droits de l'homme et des peuples.
144
Article 18 : Renvoi à la Cour siégeant en
formation plénière
Lorsqu'une Section de la Cour est saisie d'une affaire, elle
peut, si elle le juge nécessaire, décider de la renvoyer à
la Cour siégeant en formation plénière pour examen.
Article 19 : Chambres
1. La Section des affaires générales et la Section
des droits de l'homme peuvent constituer une ou plusieurs chambres. Le quorum
requis pour les délibérations d'une chambre sera
déterminé dans le règlement de la Cour.
2. Tout arrêt rendu par toute Section ou Chambre sera
considéré comme rendu par la Cour. Article 20 :
Sessions
1. La Cour tient des sessions ordinaires et des sessions
extraordinaires.
2. La Cour arrête chaque année les périodes
de ses sessions ordinaires.
Article 27 : Règlement
1. La Cour détermine par un règlement le mode
d'exercice de ses attributions et de mise en oeuvre du présent Statut.
En particulier, elle établit son propre règlement.
2. Dans l'élaboration de son règlement, la Cour
doit garder à l'esprit les relations de complémentarité
qu'elle entretient avec la Commission africaine et le Comité africain
d'experts.
Chapitre II : Compétence de la Cour Article 28 :
Compétence matérielle
La compétence de la Cour s'étend à toutes
les affaires et à tous les différends d'ordre juridique qui lui
seront soumis conformément au présent Statut et ayant pour objet
:
L'interprétation et l'application de l'acte constitutif
;
L'interprétation, l'application ou la validité des
autres traités de l'Union et de tous les instruments juridiques
dérivés dans le cadre de l'union ou de l'organisation de
l'unité africaine ;
L'interprétation et l'application de la Charte africaine
des droits de l'homme et des peuples, de la Charte africaine des droits et du
bien-être de l'enfant, du Protocole à la Charte africaine
145
des droits de l'homme et des peuples relatif aux droits de la
femme ou de tout autre instrument juridique relatif aux droits de l'homme,
auxquels sont parties les Etats concernés ;
Toute question de droit international ;
Tous actes, décisions, règlements et directives des
organes de l'Union ;
Toutes questions prévues dans tout autre accord que les
Etats parties pourraient conclure entre eux, ou avec l'Union et qui donne
compétence à la Cour :
L'existence de tout fait qui, s'il est établi,
constituerait la violation d'une obligation envers un Etat partie ou l'Union
;
La nature ou l'étendue de la réparation due pour la
rupture d'un engagement international.
Article 29 : Entités admises à ester
devant la Cour
1. Les entités suivantes ont qualité pour saisir la
Cour de toute affaire ou tout différend visé à l'article
28 :
Les Etats parties au présent Statut ;
La Conférence, le Parlement et les autres organes de
l'Union autorisés par la Conférence ;
Un membre du personnel de l'Union, sur recours, dans un litige et
dans les limites et conditions définies dans les Statut et
Règlement du Personnel de l'Union
146
Annexe 5
Le Pacte International Relatif Aux Droits Economiques,
Sociaux et culturels Adopté et ouvert à la signature, à la
ratification et à l'adhésion par l'Assemblée
générale des Nations Unies dans sa résolution 2200 A (XXI)
du 16 décembre 1966. Entrée en vigueur : le 3 janvier 1976,
conformément aux dispositions de l'article 27.
PREAMBULE
Les Etats parties au présent Pacte,
Considérant que, conformément
aux principes énoncés dans la Charte des Nations Unies, la
reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres
de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables
constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans
le monde,
Reconnaissant que ces droits découlent de
la dignité inhérente à la personne humaine,
Reconnaissant que, conformément
à la Déclaration universelle des droits de l'homme,
l'idéal de l'être humain libre, libéré de la crainte
et de la misère, ne peut être réalisé que si des
conditions permettant à chacun de jouir de ses droits
économiques, sociaux et culturels, aussi bien que de ses droits civils
et politiques, sont créées,
Considérant que la Charte des Nations
Unies impose aux Etats l'obligation de promouvoir le respect universel et
effectif des droits et des libertés de l'homme,
Prenant en considération le fait que
l'individu à des devoirs envers autrui et envers la collectivité
à laquelle il appartient et est tenu de s'efforcer de promouvoir et de
respecter les droits reconnus dans le présent Pacte,
Sont convenus des articles suivants :
Article premier
Tous les peuples ont le droit de disposer d'eux-mêmes.
En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et
assurent librement leur développement économique, social et
culturel.
Pour atteindre leurs fins, tous les peuples peuvent disposer
librement de leurs richesses et de leurs ressources naturelles, sans
préjudice des obligations qui découlent de la
coopération
147
économique internationale, fondée sur le
principe de l'intérêt mutuel, et du droit international. En aucun
cas, un peuple ne pourra être privé de ses propres moyens de
subsistance.
Les Etats parties au présent Pacte, y compris ceux qui
ont la responsabilité d'administrer des territoires non autonomes et des
territoires sous tutelle, sont tenus de faciliter la réalisation du
droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, et de respecter ce
droit, conformément aux dispositions de la Charte des Nations Unies.
Article 2 :
Chacun des Etats parties au présent Pacte s'engage
à agir, tant par son effort propre que par l'assistance et la
coopération internationales, notamment sur les plans économique
et technique, au maximum de ses ressources disponibles, en vue d'assurer
progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le présent
Pacte par tous les moyens appropriés, y compris en particulier
l'adoption de mesures législatives.
Les Etats parties au présent P acte s'engagent à
garantir que les droits qui y sont énoncés seront exercés
sans discrimination aucune fondée sur la race, la couleur, le sexe, la
langue, la religion, l'opinion politique ou toute autre opinion, l'origine
nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation.
Les pays en voie de développement, compte dûment
tenu des droits de l'homme et de leur économie nationale, peuvent
déterminer dans quelle mesure ils garantiront les droits
économiques reconnus dans le présent Pacte a des
non-ressortissants.
Article 3
Les Etats parties au présent Pacte s'engagent à
assurer le droit légal qu'ont l'homme et la femme au
bénéfice de tous les droits économiques, sociaux et
culturels qui sont énumérés dans le présent
Pacte.
Article 4
Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent que,
dans la jouissance des droits assurés par l'Etat conformément au
présent Pacte, l'Etat ne peut soumettre ces droits qu'aux limitations
établies par la loi, dans la seule mesure compatible avec la nature de
ces droits et exclusivement en vue de favoriser le bien-être
général, dans une société démocratique.
148
Article 5
Aucune disposition du présent Pacte ne peut être
interprétée comme impliquant pour un Etat, un groupement ou un
individu un droit quelconque de se livrer à une activité ou
d'accomplir un acte visant à la destruction des droits ou
libertés reconnus dans le présent Pacte ou à des
limitations plus amples que celles prévues dans ledit Pacte.
Il ne peut être admis aucune restriction ou
dérogation aux droits fondamentaux de l'homme reconnus ou en vigueur
dans tout pays en vertu de lois de conventions, de règlements ou de
coutumes, sous prétexte que le présent Pacte ne les reconnait pas
ou les reconnait à un moindre degré.
149
Annexe 6
Pacte international Relatif Aux Droits Civils et
Politiques
Adopté et ouvert à la signature, à
la ratification et à l'adhésion par l'Assemblée
générale dans sa résolution 2200 A (XXI) du 16
décembre 1966 Entrée en vigueur : le 23 mars 1976,
conformément aux dispositions de l'article 49.
PREAMBULE
Les Etats parties au présent Pacte,
Considérant que, conformément
aux principes énoncés dans la Charte des Nations Unies, la
reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres
de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables
constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans
le monde.
Reconnaissant que, ces droits découlent
de la dignité inhérente à la personne humaine.
Reconnaissant que, conformément
à la Déclaration universelle des droits de l'homme,
l'idéal de l'être humain libre, jouissant des libertés
civile et politiques et libéré de la crainte et de la
misère, ne peut être réalisé que si des conditions
permettant à chacun de jouir de ses droits civils et politiques, aussi
bien que de ses droits économiques, sociaux et culturels, sont
créées.
Considérant que la Charte des Nations
Unies impose aux Etats l'obligation de promouvoir le respect universel et
effectif des droits et des libertés de l'homme.
Prenant en considération le fait que l'individu
à des devoirs envers autrui et envers la collectivité à
laquelle il appartient et est tenu de s'efforcer, de promouvoir et de respecter
les droits reconnus dans le présent Pacte.
Sont Convenus des articles suivants :
150
Article premier
Tous les peuples ont le droit de disposer d'eux-mêmes.
En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et
assurent librement leur développement économique, social et
culturel.
Pour atteindre leurs fins, tous les peuples peuvent disposer
librement de leurs richesses et de leurs ressources naturelles, sans
préjudice des obligations qui découlent de la coopération
économique internationale, fondée sur le principe de
l'intérêt mutuel, et du droit international. En aucun cas, un
peuple ne pourra être privé de ses propres moyens de
subsistance.
Les Etats parties au présent pacte, y compris ceux qui
ont la responsabilité d'administrer des territoires non autonomes et des
territoires sous tutelle, sont tenus de faciliter la réalisation du
droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, et de respecter ce
droit, conformément aux dispositions de la Charte des Nations Unies.
Article 2
Les Etats parties au présent Pacte s'engagent à
respecter et à garantir à tous les individus se trouvant sur leur
territoire et relevant de leur compétence les droits reconnus dans le
présent Pacte, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur,
de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion,
d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre
situation.
Les Etats parties au présent Pacte s'engagent à
prendre, en accord avec leurs procédures constitutionnelles et avec les
dispositions du présent Pacte, les arrangements devant permettre
l'adoption de telles mesures d'ordre législatif ou autre propres
à donner effet aux droits reconnus dans le présent Pacte qui ne
seraient pas déjà en vigueur. Les Etats parties au présent
Pacte s'engagent à :
Garantir que toute personne dont les droits et libertés
reconnus dans le présent Pacte auront été violés
disposera d'un recours utile alors même que la violation aurait
été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs
fonctions officielles ;
Garantir que l'autorité compétente, judiciaire,
administrative ou législative, ou tout autre autorité
compétente selon la législation de l'Etat, statuera sur les
droits de la personne qui forme le recours et développer les
possibilités de recours juridictionnel ;
151
Garantir la bonne suite donnée par les autorités
compétentes à tout recours qui aura été reconnu
justifier.
Article 3
Les Etats parties au présent Pacte s'engagent à
assurer le droit égal des hommes et des femmes de jouir de tous les
droits civils et politiques énoncés dans le présent
Pacte.
Article 6
Le droit à la vie est inhérent à la
personne humaine. Ce droit doit être protégé par la loi.
Nul ne peut être arbitrairement privé de la vie.
Article 7
Nul ne sera soumis à la torture ni à des peines
ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. En particulier, il est
interdit de soumettre une personne sans son libre consentement à une
expérience médicale ou scientifique.
Article 9
Tout individu a droit à la liberté et à
la sécurité de sa personne. Nul ne peut faire l'objet d'une
arrestation ou d'une détention arbitraire. Nul ne peut être
privé de sa liberté, si ce n'est pour des motifs, et
conformément à la procédure prévue par la loi.
152
Annexe 7
Déclaration sur le Droit et la
Responsabilité des Individus, Groupes et Organes de la
Société de Promouvoir et Protéger les Droits de l'Homme
et les Libertés Fondamentales Universellement Reconnus
Résolution de l'Assemblée générale53/144
9décembre 1998, 85e séance
plénière.
L'Assemblée générale.
Réaffirmant L'importance que
revêt la réalisation des buts et principes énoncés
dans la Charte des Nations Unies pour la promotion et la protection de tous les
droits de l'homme et de toutes libertés fondamentales pour tous dans
tous les pays du monde.
Réaffirmant également
l'importance de la Déclaration universelle des droits de l'homme et des
Pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme Résolution 2200 A
(XXI), annexe en tant qu'éléments fondamentaux des efforts
internationaux visant à promouvoir le respect universel et effectif des
droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que l'importance
des autres instruments relatifs aux droits de l'homme adoptés par les
organes et organismes des Nations Unies, et de ceux adoptés au niveau
régional,
Soulignant que tous les membres de la
communauté internationale doivent remplir, conjointement et
séparément leur obligation solennelle de promouvoir et encourager
le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour
tous, sans distinction fondée sur la race, la couleur, le sexe, la
langue, la religion, l'opinion, politique ou autre, l'origine nationale ou
sociale, la fortune, la naissance ou toute situation, et réaffirmant
qu'il importe en particulier de coopérer à l'échelle
internationale pour remplir cette obligation conformément à la
Charte,
Reconnaissant le rôle important que
joue la coopération internationale et la précieuse contribution
qu'apportent les individus, groupes et associations à
l'élimination effective de toutes les violations des droits de l'homme
et des libertés fondamentales des peuples et des personnes, notamment
des violations massives, flagrantes ou systématiques telles que celles
qui résultent de l'apartheid, de toutes les formes de discrimination
raciale, du colonialisme de la domination ou de l'occupation
étrangère, de l'agression ou des menaces contre la
souveraineté nationale, l'unité nationale ou
l'intégrité territoriale, ainsi que du refus de
153
reconnaître le droit des peuples à
l'autodétermination et le droit de chaque peuple d'exercer sa
souveraineté pleine et entière sur ses richesses et ses
ressources naturelles,
Considérant les liens qui existent
entre la paix et la sécurité internationales d'une part, et la
jouissance des droits de l'homme et des libertés fondamentales, d'autre
part, et consciente du fait que l'absence de paix et de sécurité
internationales n'excuse pas le non-respect de ces droits et
libertés,
Réaffirmant que tous les droits de
l'homme et toutes les libertés fondamentales sont universels,
indivisibles, interdépendants et indissociables, et qu'il faut
promouvoir et les rendre effectifs en toute équité, sans
préjudice de leur mise en oeuvre individuelle,
Soulignant que c'est à l'Etat
qu'incombent la responsabilité première et de devoir de
promouvoir et protéger les droits de l'homme et les libertés
fondamentales,
Reconnaissant que les individus, groupes et
associations ont le droit et la responsabilité de promouvoir le respect
des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de les faire
connaître aux niveaux national et international,
Déclare :
Article premier
Chacun a le droit, individuellement ou en association avec
d'autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de
l'homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et
international.
Article 2
Chaque Etat a, au premier chef, la responsabilité et le
devoir de protéger, promouvoir et rendre effectifs tous les droits de
l'homme et toutes les libertés fondamentales, notamment en adoptant les
mesures nécessaires pour instaurer les conditions sociales,
économiques, politiques et autres ainsi que les garanties juridiques
voulues pour que toutes les personnes relevant de sa juridiction puissent,
individuellement ou en association avec d'autres, jouir en pratique de tous ces
droits et de toutes ces libertés.
Chaque Etat adopte les mesures législatives
administratives et autres nécessaires pour assurer la garantie effective
des droits et libertés visés par la présente
Déclaration.
154
Article 3
Les dispositions du droit interne qui sont conformes à
la Charte des Nations Unies et aux autres obligations internationales de l'Etat
dans le domaine des droits de l'homme et des libertés fondamentales
servant de cadre juridique pour la mise en oeuvre et l'exercice des droits de
l'homme et des libertés fondamentales ainsi que pour toutes les
activités visées dans la présente Déclaration qui
ont pour objet la promotion, la protection et la réalisation effective
de ces droits et libertés.
Article 4
Aucune disposition de la présente Déclaration ne
peut être interprétée comme portant atteinte aux buts et
principes énoncés dans la Charte des Nations Unies ou allant
à leur rencontre, ni comme apportant des restrictions aux dispositions
de la Déclaration universelle des droits de l'homme, des Pactes
internationaux relatifs aux droits de l'homme et des autres instruments et
engagements internationaux applicables dans ce domaine, ou y
dérogeant.
Article 5
Afin de promouvoir et protéger les droits de l'homme et
les libertés fondamentales, chacun a le droit, individuellement ou en
association avec d'autres, aux niveaux national et international :
De se réunir et de se rassembler pacifiquement ;
De former des organisations, associations ou groupes non
gouvernementaux, de s'y affilier et d'y participer ;
De communiquer avec des organisations non gouvernementales ou
intergouvernementales.
Article 9
Dans l'exercice des droits de l'homme et des libertés
fondamentales, y compris le droit de promouvoir et protéger les droits
de l'homme visés dans la présente Déclaration, chacun a le
droit, individuellement ou en association avec d'autres, de disposer d'un
recours effectif et de bénéficier d'une protection en cas de
violation de ces droits.
155
Article 11
Chacun a le droit, individuellement ou en association avec
d'autres, d'exercer soin occupation ou sa profession conformément
à la loi. Quiconque risque, de par sa profession ou son occupation, de
porter atteinte à la dignité de la personne humaine, aux droits
de l'homme et aux libertés fondamentales d'autrui doit respecter ces
droits et libertés et se conformer aux normes nationales ou
internationales pertinentes de conduite ou d'éthique professionnelle.
Article 12
Chacun a le droit, individuellement ou en association avec
d'autres, de participer à des activités pacifiques pour lutter
contre les violations des droits de l'homme et des libertés
fondamentales.
L'Etat prend toutes les mesures nécessaires pour
assurer que les autorités compétentes protègent toute
personne, individuellement ou en association avec d'autres, de toute violence,
menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou
autre action arbitraire dans le cadre de l'exercice légitime des droits
visés dans la présente Déclaration.
A cet égard, chacun a le droit, individuellement ou en
association avec d'autres, d'être efficacement protégé par
la législation nationale quand il réagit par des moyens
pacifiques contre des activités et actes, y compris ceux
résultant d'omissions imputables à l'Etat et ayant
entraîné des violations des droits de l'homme et des
libertés fondamentale, ainsi que contre des actes de violence
perpétrés par des groupes ou individus qui entravent l'exercice
des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Article 13
Chacun a le droit, individuellement ou en association avec
d'autres, de solliciter, recevoir et utiliser des ressources dans le but
exprès de promouvoir et protéger les droits de l'homme et les
libertés fondamentales par des moyens pacifiques, conformément
à l'article 3 de la présente Déclaration.
156
Annexe 8
Convention contre la torture et autres peines ou
traitements cruels, inhumain ou dégradants adoptée et ouvert
à la signature, à la ratification et à
l'adhésion par l'Assemblée générale dans sa
résolution 39/46 du 10 décembre 1984 Entrée en vigueur
: le 26 juin 1987, conformément aux dispositions de l'article 27
(1)
Les Etats parties à la présente
Convention,
Considérant que, conformément
aux principes proclamés dans la Charte des Nations Unies, la
reconnaissance des droits égaux et inaliénables de tous les
membres de la famille humaine est le fondement de la liberté, de la
justice et de la paix dans le monde,
Reconnaissant que ces droits procèdent de
la dignité inhérente à la personne humaine,
Considérant que les Etats sont tenus,
en vertu de la Charte, en particulier de l'article 55, d'encourager le respect
universel et effectif des droits de l'homme et des libertés
fondamentales
Tenant compte de l'article 5 de la
Déclaration universelle des droits de l'homme et de l'article 7 du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques qui prescrivent tous deux
que nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Tenant compte également de la
Déclaration sur la protection de toutes personnes contre la torture et
autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants,
adoptée par l'Assemblée générale le 9
décembre 1975,
Désireux d'accroître
l'efficacité de la lutte contre la torture et les autres peines
traitements cruels inhumains ou dégradants dans le monde entier,
SE SONT CONVENUS DE CE QUI SUIT :
157
Article premier
1.Aux fins de la présente Convention , le terme «
torture » désigne tout acte par lequel une douleur ou des
souffrances aigües, physique ou mentales, sont intentionnellement
infligées à une personne aux fins notamment d'obtenir d'elle ou
d'une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d'un acte
qu'elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d'avoir
commis, de l'intimider ou de faire pression sur elle sur une tierce personne,
ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination qu'elle
soit, lorsque, lorsqu'une telle douleur ou de telles souffrances sont
infligées par un agent de la fonction publique ou tout autre personne
agissant à titre officiel ou à son investigation ou avec son
consentement exprès ou tacite. Ce terme ne s'entend pas à la
douleur ou aux souffrances résultant uniquement de sanctions ou
occasionnées par elles.
2-Cet article est sans préjudice de tout instrument
international ou de toute loi nationale qui contient ou peut contenir des
dispositions de portée plus large.
Article2
1-Tout Etat partie prend des mesures législatives,
administratives, judiciaires et autres mesures efficaces pour empêcher
que des actes de torture soient commis dans tout territoire sous sa
juridiction.
2-Aucune circonstance exceptionnelle qu'elle soit, qu'il
s'agisse de l'état de guerre ou de menace de guerre,
d'instabilité politique intérieure ou de tout autre état
d'exception, ne peut être invoquée pour justifier la torture.
3-L'ordre d'un supérieur ou d'une autorité
publique ne peut être invoqué pour justifier la
torture.
Article 3
1-Aucun Etat partie n'expulsera, ne refoulera, ni n'extradera
une personne vers un autre Etat où il y a des motifs sérieux de
croire qu'elle risque d'être soumise à la torture.
2-Pour déterminer s'il y a de tels motifs, les
autorités compétences tiendront compte de toutes les
considérations pertinentes, y compris, le cas échéant, de
l'existence, dans l'Etat intéressé, un ensemble de violations
systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives.
158
Article 4
1-Tout Etat partie veille à ce que tous les actes de
torture constituent des infractions au regard de son droit pénal. Il en
est de même de la tentative de pratiquer la torture ou de tout acte
commis par n'importe quelle personne qui constitue une complicité ou une
participation à l'acte de torture.
2-Tout Etat partie rend ces infractions passibles de peines
appropriées qui prennent en considération leur gravité.
Article 11
Tout Etat partie exerce une surveillance systématique
sur les règles, instructions, méthodes et pratiques
d'interrogatoire et sur les dispositions concernant la garde et le traitement
des personnes arrêtées, détenues ou emprisonnées de
quelque façon que ce soit sur tout territoire sous sa juridiction, en
vue d'éviter tout cas de torture.
Article 12
Tout Etat partie veille à ce que les autorités
compétentes procèdent immédiatement à une
enquête impartiale chaque fois qu'il y a des motifs raisonnables de
croire qu'un acte de torture a été commis sur tout territoire
sous sa juridiction.
Article 16
1-Tout Etat partie s'engage à interdire dans tout
territoire sous sa juridiction d'autres actes constitutifs de peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants qui ne sont pas des actes de
torture telle qu'elle est définie à l'article premier lorsque de
tels actes sont commis par un agent de la fonction publique ou toute autre
personne agissant à titre officiel, ou à son investigation ou
avec son consentement exprès ou tacite. En particulier, les obligations
énoncées aux articles 10, 11, 12, 13 sont applicables moyennant
le remplacement de la mention de la torture par la mention d'autres formes de
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
2-Les dispositions de la présente Convention sont sans
préjudice des dispositions de tout autre instrument international ou de
la loi nationale qui interdisent les peines ou traitements cruels, inhumain ou
dégradants, ou qui ont trait à l'extradition ou à
l'expulsion
159
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relatif aux droits civils et politiques vingt ans après son
entrée en vigueur », Pouvoir et liberté, Etudes offertes
à Jacques Mourgeon, pp 479-493.
- TAVERNIER (Paul), « La Cour européenne des
droits de l'homme applique-t-elle le droit international ou un droit de type
interne ? », In TAVERNIER (Paul) (Sous la dir.), Quelle Europe pour les
droits de l'homme ?...pp 17-37.
- TAVERNIER (Paul), « L'étendue de la
compétence de l'organe de contrôle », In SUDRE
(Frédéric)(Sous la dir.), L'interprétation de la
Convention européenne des droits de l'homme, pp 41-66.
- TAVERNIER (Paul), « Les Etats arabes, l'ONU et les
droits de l'homme », In les Cahiers de l'Orient, n°19,
3ème trimestre 1992, pp 183-197. TAVERNIER (Paul), «
Soixante ans après : la réforme du Conseil de
sécurité des Nations Unies est-elle possible ? In
Actualité et Droit International, août 2005.
- TORRES BOURSAULT (Leopoldo), « Vers une meilleure
protection des droits de l'homme », Actes du colloque international sur
les droits de l'homme, pp 389-395.
- TREAN (Clair), « dérives et difficultés
du combat pour les droits de l'homme » In Le Monde, 17 avril 2003.
- TULKENS (Françoise), « Vers un droit commun
européen ? » In TEITGEN-COLLY (Catherine) (Ed), Op. Cit.
- VASAK (Karel), « Les principes d'interprétation
et d'application des droits de l'homme », In Boutros Boutros-Ghali
Amicorum Discipulorumque Liber, pp 1417-1429.
167
IV Rapports et Périodiques
- Amnesty International, Rapport 1999, Edition Francophones,
416 p. - Amnesty International, Rapport 2003, Edition Francophones 431 p.
- Amnesty International, « Réforme des Nations
Unies : liberté de vivre dans la dignité », EFAI, index AI :
IOR 41/049/2005, 24 juin 2005.
- BASSIOUNI (Cherif), Rapport final sur les droits civils et
politiques : indépendance du pouvoir judiciaire, administration de la
justice, impunité. Le droit à restitution, indemnisation et
réadaptation des victimes de violations flagrantes des droits de l'homme
et des libertés fondamentales en application de la Résolution
1999/33, E/CN.4/2000/62, 18 janvier 2000, pp 85-92.
- BUHRER(Jean-Claude), Discrédit sur la Commission des
droits de l'homme des Nations Unies : « Marchandages, incompétences
et non- action ». Reporters Sans Frontières demande une
réforme radicale du fonctionnement de la Commission, Rapport
d'enquête juillet 2003, 16 p.
- Commission des Communautés Européennes, Sommet
2005 des Nations Unies-Relever les défis mondiaux et assurer la
réussite des réformes des Nations Unies, Communication de
Commission au Conseil et au Parlement Européen, Bruxelles, 15juin
2005.
- Commission des droits de l'homme, Réunion informelle
en prélude de la 59e Session de l'Assemblée
générale prévue du 1er octobre au 14
décembre 2004, Genève, Service international pour les droits de
l'homme, 28 septembre 2004.
- Commission des droits de l'homme, Suivi de la
Conférence mondiale sur les droits de l'homme, Evaluation quinquennale
de la mise en oeuvre de la Déclaration et du Programme d'action de
Vienne. Rapport intérimaire du Haut-Commissaire des Nations Unies aux
droits de l'homme, Cinquante-quatrième session, E/CN.4/1998/104, 20
février 1998.
- Conseil de l'Europe, Cour européenne des droits de
l'homme. Aperçus 1995-1996, Edition provisoire, 75 p.
- Dans une liberté plus grande : Développement,
sécurité et respect des droits de l'homme pour tous, Rapport du
Secrétaire général, 21 mars 2005.
- FREIH (Loubna), « Les droits de l'homme seront mieux
défendus sans leur Commission » In le Temps, 7 Avril 2005.
- FIDH, « Renforcer la CDH : préserver son mandat
et ses mécanismes de protection », Eléments de proposition
de la FIDH devant la Commission des droits de l'homme, 11 avril 2005.
- GUISSE (El Hadji), « La réalisation des droits
économiques, sociaux et culturels », Rapport final sur la question
de l'impunité des auteurs des violations des droits de l'homme en
application de la Résolution 1996/24 de la Sous-Commission, E/CN.1997/8,
27juin 1997.
- Nations Unies, Droits civils et politiques : le
Comité des droits de l'homme, Fiche d'information N°15, New York,
Centre pour les droits de l'homme, 1992, 39 p.
168
- Nations Unies, Les droits de l'homme, Fiche d'information
N°1, New York, Centre pour les droits de l'homme, Mai 1989, 26 p.
- Nations Unies, Les droits de l'homme aujourd'hui. Une
priorité des Nations Unies, New York, Département d'information,
1998.
- Nations Unies, Procédures d'examen des
Communications, Fiche d'information N°7, New York, Centre pour les droits
de l'homme, octobre 1991, 20 p.
- Nations Unies, et droits de l'homme, N°38, septembre
2004, 57 p.
- Nations Unies, Rapport du Comité des droits de
l'homme, Vol.1, Supplément N°40 (40/59/40), New York, Novembre
2004, 211 p.
- Nations Unies, Récapitulation des observations
générale ou recommandations générales
adoptées par les organes créés en vertu d'instruments
internationaux relatifs aux droits de l'homme, HRI/GEN/1/Rev.7, 12 mai 2004,
406 p.
- Nations Unies, « Kofi Annan ancien secrétaire
général de l'ONU plaide pour une réforme en profondeur de
la Commission des droits de l'homme », 7avril 2005.
- Nations Unies, « Le Comité pour
l'élimination de la discrimination raciale se penche sur la question de
la réforme des organes conventionnels », 16 août 2005.
- Nations Unies, « Le Comité pour
l'élimination de la discrimination raciale : examen de la question de la
réforme des organes conventionnels », 18 août 2005.
V- Textes juridiques
- DE SCHUTTER (Olivier), TULKENS (Françoise) et VAN
DROOGHENBROECK, Code de droit international des droits de l'homme,
2e Edition, Bruxelles, Bruylant,1er mai 2003, 767 p.
- Charte des Nations Unies et Statut de la Cour internationale
de justice du 26 juin 1945.
- Convention de Vienne sur le droit des traités de
1969.
- Convention pour la prévention et la répression
du Crime de génocide du 9 décembre 1948
- Déclaration Universelle des Droits de l'homme du 10
décembre 1948
- Déclaration de Rio sur l'environnement et le
développement du 13 juin 1992
- Pacte international relatif aux droits civils et politiques
du 16 décembre 1966
- Pacte international relatif aux droits économiques,
Sociaux et Culturels du 16 décembre 1966
Règlement intérieur du Comité des droits
de l'homme, CCPR/3/Rev.6, 24 avril 2001
169
VI- Conférences, Séminaires, Colloques.
- AHADZI-NONOU (Koffi), Séminaire sur les droits
humains et développement, Décembre 2004.
- AHOUANNOU (Laurent), « Droits de l'homme,
démocratie et maintien de l'ordre », Séminaire sur les
droits de la personne humaine et le maintien de l'ordre, Cotonou du 9 au 10
octobre 2000, pp 11-37.
- DIENG (Adama), « Droits de l'homme et Culture
démocratiques », Actes de la Cinquantième réunion
préparatoire au symposium sur la culture démocratique, juin
2000.
- Institut des droits de l'homme du Barreau de Paris,
cinquantième anniversaire des droits de l'homme, Cérémonie
du 12 novembre 1998, 82 p.
- Institut des droits de l'homme des avocats européens
et Institut des droits de l'homme du Barreau de Bordeaux, « Le
procès équitable et la protection juridictionnelle du citoyen
», Colloque organisé pour le cinquantième anniversaire de la
Convention européenne des droits de l'homme, Bordeaux, 29-30 septembre
2000, Bruxelles, Bruylant, 2001, 160 p.
-GUILLAUME (Solanet) et BRECHIGNAC (Hanna), « La
protection régionale des droits de l'homme sur le continent Africain
», Séminaire de justice internationale, p. 3.
- LAGOUTTE (Stéphanie), « Le système
européen de protection des droits de l'homme », Troisième
session Régionale de formation en droit humains, Cotonou 15 au 16
juillet 2002, pp 5-11.
- MAYER-BISCH (Patrice), « Approche multidimensionnelle
de l'effectivité des droits humains. Une fonction spécifique pour
les droits culturels », Colloque sur l'effectivité des droits
économiques, sociaux et culturels, fin et moyen du développement,
Cotonou, 18-20 novembre 2004, 16 p.
- NZOUANKEU (Jacques Mariel), « Système universel
de protection des droits de l'homme », Troisième session
régionale de formation en droits humains, Cotonou, du 15 au 16 juillet
2002, pp 1-4.
-OUGUERGOUZ (Fatsah), « La Charte Africaine des droits de
l'homme et des peuples, un instrument vivant et évolutif de promotion et
de protection des droits de l'homme en Afrique » Exposé au colloque
sur les 30ans de la Charte Africaine des droits de l'homme et des peuples
Banjul Octobre 2011 p 13.
- SUDRE (Frédéric) (sous la dir.),
L'interprétation de la Convention européenne des droitsde
l'homme. Actes du colloque des 13 et 14 mars 1998 organisé par
l'Institut de droit européen des droits de l'homme (UMR.CNRS.5815),
Faculté de Droit de l'Université de Montpellier I, Bruxelles,
Bruylant, 1998, 354 p.
- Université de la Laguna, « La réforme des
institutions internationales de protection des droits de l'homme, Laguna,
Ténériffe, du 1er au 4 novembre 2002, Bruxelles,
Bruylant, 1993, 453 p.
170
VII-Thèse et Mémoire
-OUGUERGOUZ Fatsah, « La Charte Africaine des droits de
l'homme et des Peuples, historique, portée juridique et contribution
à la protection des droits de l'homme en Afrique, Thèse de
Doctorat, Université de Genève 1991 (Publié par Paris PUF
en 1993).
-ZAKRI Blé Eddie, « L'Application de la Charte
Africaine des droits de l'homme et des Peuples », Mémoire de master
2 recherche, Droit public Fondamental 2014, Université Catholique de
l'Afrique de l'ouest-Unité Universitaire d'Abijan.
VIII- Sites Internet
-
http://ould.cheina.neuf.Fr/cour
africaines3.htm -
http://dexl.tsd.unifi.it/juragentium/en/index.htm
-
http://vdedaj.club.fr/cuba/nparoque030926.html
-http://www.fairelejour.org/
-
http://perso.wanadoo.fr/felina/doc/etranger/reydellet.htm
-
http://www.auswaertiges-amt.de/www/fr/index
html -
http://web.radicalparty.org/pressview/printright.php/
-
http://www.legrandsoir.info/index.php
-
http://www.law.kuleuven.ac.be/jat/chap
2-p 85-95-10 decokfiles/image002.gif
-
http://www.1dh-France.org/images/documentation/hommeslibres.gif-
----
http://democratie.francophonie.org/rubrique.php3?id
rubrique=176 -
http://www.dfait-maeci.gc.ca/Canada
un/gezneva/site/images/header-fr.jpg -
http://www.ohchr.org/images/top
middlefgood.gif -
http://www.hri.ca/fortherecord1998/bilan/documentation/commission/e-cn4-1998-104.htm
IV-B
-
http://www.credho.org/biblio/islam/culutur.htm
-
http://www.coe.int/TF/droits
de l'homme/exécution/01 introduction.htm -
http://www.chr.up.ac.Za/chrold/centrepublications./ahr/j/docs/Boukongoufr.062.doc
-
http://www.droits-fondamentaux.org/img/pdf/df3jasapdh.pdf.
171
TABLE DES MATIERES
Avertissements
|
1
|
Dédicace
|
2
|
Remerciements
|
3
|
Sigles et abréviations
|
.4
|
Sommaire
|
6
|
INTRODUCTION GENERALE
|
8
|
PREMIERE PARTIE : DES MECANISMES IMPORTANTS DE PROTECTION
DES
DROITS DE L'HOMME 20
CHAPITRE I : DES MECANISMES UNIVERSELS
.....22
Section I : Garantie des droits sous la Charte
des Nations Unies : La Commission des droits
|
de l'homme
|
22
|
Paragraphe I : Des mécanismes géographiques :
mandats par pays
|
.... ........24
|
A-La procédure publique : « Résolution 1235
»
|
24
|
B-La procédure confidentielle : « Résolution
1503 »
|
26
|
Paragraphe II : Des mécanismes thématiques :
mandats par thèmes
|
27
|
A-Des procédures de réaction
|
28
|
B-Procédures d'intervention d'urgence
|
..31
|
Section II : Garantie des droits de l'homme sous
le pacte international relatif aux droits civils
et politiques : le Comité des droits de l'homme 32
Paragraphe I : Le système des rapports périodiques
: un dialogue constructif avec les
Etats 33
|
Paragraphe II : Le contrôle sur plaintes
|
37
|
A-La procédure de conciliation : plaintes étatiques
|
.37
|
B-Des pétitions ou communications individuelles : un
ultime recours
|
.39
|
CHAPITRE II : DES MECANISMES REGIONAUX
|
.44
|
Section I : Le système européen de
protection des droits de l'homme
|
44
|
Paragraphe I : La Convention Européenne des droits de
l'homme : Un instrument efficace de
garantie
|
45
|
A- Une Constitution plus qu'un traité
|
...46
|
1-Une interprétation de type fédéraliste
|
..48
|
2-La doctrine de la marge d'Appréciation
|
50
|
172
B- L'existence d'un Ordre public européen 51
1-Le contenu de l'Ordre public européen ...52
2-Des implications dans l'ordre juridique interne .54
Paragraphe II : La technique juridictionnelle : Une protection
effective des droits de
l'homme 56
A-Des Arrêts à effet juridiques certains 57
1-Le Caractère définitif .58
2-La Force obligatoire des arrêts de la Cour 59
B-Une autorité incontestablement renforcée des
arrêts 60
1-Une interprétation Uniforme de la Convention 61
2-Une mise en compatibilité obligatoire du droit
interne avec de la jurisprudence
Européenne 63
Section II : Le Système Africain de
Protection des droits de l'homme 64
Paragraphe I : La Charte Africaine des droits de l'homme et
des Peuples : Principal
instrument de Protection des droits de l'homme sur le
continent 65
A-La Commission Africaine des droits de l'homme et des peuples
66
B- La Conférence des chefs d'Etat et de Gouvernement
69
Paragraphe II : La garantie juridictionnelle des droits de
l'homme 73
A-La Cour Africaine des droits de l'homme et des peuples
73
B- La Cour Africaine de Justice et des droits de l'homme
75
DEUXIEME PARTIE : DES MECANISMES LIMITES
77
CHAPITRE I : DES MECANISMES UNIVERSELS : UNE
PROTECTION
RELATIVE DES DROITS DE L'HOMME 79
Section I : Des paradoxes du droit
international des droits de l'homme 79
Paragraphe I : Un universalisme factice de la protection des
droits 80
A-La réticence des Etats vis-à-vis des
instruments et mécanismes de Protection 80
B-Un régime de sanctions pratiquement quasi inexistant
88
Paragraphe II : Un droit respectueux de la souveraineté
Etatique ..91
A-La problématique du principe de non-ingérence
...92
B-Une violation certaine de l'obligation « erga-omnes
» 94
173
Section II : L'inadaptation des Organes de
Garantie .....96
Paragraphe I : Une Commission manifestement Politisée
96
A- Une partialité dans les réactions face aux
violations des droits humains 97
B- La motion de « non-action » : Une
procédure au service de l'impunité .99
Paragraphe II : Un Comité des droits de l'homme
officiellement non juridictionnel 100
CHAPITRE II : NECESSITE D'UNE REFORME DU SYSTEME DE
PROTECTION
DES DROITS DE L'HOMME
|
105
|
Section I : Une innovation du schéma
institutionnel politique existant
|
106
|
Paragraphe I : Le Conseil des droits de l'homme
|
106
|
A-Des fonctions et pouvoirs du nouveau Conseil
|
.107
|
B-L 'éligibilité des membres de nouveau Conseil
|
109
|
Paragraphe II : La redynamisation des Organes d'Appui au Conseil
des Droits de l'homme110
A- Le recentrage des pouvoirs de l'Assemblée
Générale et de l'ECOSOC
|
.111
|
B-Une intervention accrue du Conseil de Sécurité
|
113
|
Section II : Un renforcement souhaitable des
Garanties Juridiques
|
.116
|
Paragraphe I : Un nécessaire réaménagement
du système normatif
|
116
|
Paragraphe II : Une révision des mécanismes
judiciaire et conventionnel pour une protection
directe des victimes des violations des droits de l'homme
|
119
|
A-La révision du statut de la cour internationale de
justice
|
120
|
B-Pour une cour internationale des droits de l'homme
|
122
|
CONCLUSION
|
.127
|
ANNEXES
|
.133
|
BIBLIOGRAPHIE
|
162
|
Résumé :
Les droits de l'homme sont certainement en quête de leur
protection, comme en témoigne les mécanismes juridiques mise en
place au niveau international. Si la première phase de ces
mécanismes a consisté à remettre sur orbite l'homme dans
sa dignité et son égalité, la seconde phase demeure
tirée par l'ignorance et la méconnaissance de ces droits qui
conduisent à l'ineffectivité de ce trésor, interrogeant
par conséquent l'efficacité même de cet arsenal juridique
international.
En abordant donc la question de l'Efficacité des
mécanismes juridiques internationaux de protection des droits de
l'homme, on analyse doublement la question des droits de l'homme puisque
répondre aux
questions comment s'organise la protection des droits de
l'homme en droit international ? Les instruments juridiques internationaux
visant la protection des droits de l'homme sont-ils efficaces au plan
institutionnel ? Quelles en sont limites et les conditions de son
amélioration ? C'est en réalité examiner si les droits de
l'homme affirmés par les textes juridiques internationaux ont des
protecteurs efficaces.
Car, ces mécanismes importants de protection des droits
de l'homme, qu'on retrouvent aussi bien sur le plan universel que sur le plan
régional, délivrent un résultat contrasté autant
ils signent voire annoncent une protection efficace des droits de l'homme. Ils
se contractent et se figent en manifestant complètement leurs limites,
et ce comme si la seule façon d'excuser les péchés de ces
différents textes juridiques internationaux voire de ce système
de protection des droits de l'homme est de recourir à la réforme.
Un requiem pour l'efficacité de cette protection, telle
qu'étudiée, doit être imaginé en vue d'orienter les
droits de l'homme vers leur « mise en oeuvre » et entrer pleinement
dans cette « nouvelle ère », imaginée par Kofi
ANNAN.
Mots-clés : efficacité
- mécanisme juridique - protection - Droits de l'homme.
Abstract
Human rights are certainly in search of their protection, as
evidenced by the legal mechanisms established at the international level. If
the first phase of these mechanisms consisted in putting man back into orbit
with his dignity and equality, the second phase remains driven by ignorance and
ignorance of these rights which lead to the ineffectiveness of this treasure,
questioning by consequently, the very effectiveness of this international legal
arsenal.
By therefore addressing the question of the effectiveness of
international legal mechanisms for the protection of human rights, we are
doubly analyzing the question of human rights since answering the questions how
the protection of human rights is organized by international law? Are
international legal instruments for the protection of human rights
institutionally effective? What are its limits and the conditions for its
improvement? It is in reality to examine whether the human rights affirmed by
international legal texts have effective protectors.
Because, these important mechanisms for the protection of
human rights, which are found both universally and regionally, deliver a
contrasting result as much as they sign or even announce effective protection
of human rights. They contract and freeze by fully manifesting their limits, as
if the only way to excuse the sins of these various international legal texts
or even of this system of protecting human rights is to resort to reform. A
requiem for the effectiveness of this protection, as studied, must be imagined
in order to orient human rights towards their "implementation" and enter fully
into this "new era", imagined by Kofi ANNAN.
Keywords: effectiveness - legal mechanism - protection
- Human rights.
|