UNIVERSITE NOTRE-DAME DU KASAYI
« U.KA. »
Faculté de droit B.P.70 KANANGA
Département de Droit public
LE DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE ET LES DEFIS
DES CONFLITS INTERNES EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO, CAS DU CONFLIT
KAMUINA NSAPU
Mémoire présenté et
défendu en vue de l'obtention du grade de Licencié en
Droit
Par TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
Gradué en Droit
Directeur : René KANDE KATANKU
Professeur Associé
Juillet 2019
I
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
EPIGRAPHE
«Dans la mesure où le DIH s'applique dans des
périodes de violence extrême, son respect posera toujours des
graves difficultés. Néanmoins, il est plus important que jamais
de veiller à sa mise en oeuvre effective.»
CICR, Services consultatifs en droit international
humanitaire, 07-2007.
II
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
DEDICACE
A TSHIBUABUA KABIENAKULUILA Hippolyte, le Serviteur des pauvres
dont je porte le nom. Pour tout l'inimaginable que tu as été pour
moi.
A toutes les victimes innocentes du conflit Kamuina Nsapu. A
toutes ces personnes qui ont subi des actes de violences et des abus de tout
genre et dont le cri de détresse est resté dans l'amnésie
judiciare.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
III
REMERCIEMENTS
S'il est vrai que la rédaction de ce travail nous donne
la qualité de l'auteur, il demeure d'équité que nous avons
dès l'instant même le droit de remercier toute personne qui a
concouru, de près ou de loin, à l'achèvement de celui-ci,
car de manière objective, sans coup de main extérieure, son
achèvement serait difficile.
«Si Le Seigneur ne bâtit pas la maison, les
ouvriers peinent en vain», clame le psalmiste (Psaume 126). C'est dans la
gratitude à Dieu, Lui qui nous donne la vie, le mouvement et
l'être, Lui qui nous précède toujours dans tout ce que nous
entreprenons1, que nous sommes parvenu à présenter ce
travail.
De prime abord, qu'il nous soit permis de remercier le
Directeur de ce mémoire et notre encadreur , respectivement le
Professeur René KANDE et le Chef de Travaux Médard MULENGA pour
s'être acquittés de leur honorable devoir en toute
sérénité, eux dont les orientations ont
éclairé notre lanterne à cet effet. C'est une marque de
serviabilité que nous apprécions à sa juste
valeur.
Nous remercions tout également ceux qui ont
orienté nos pas et notre marche vers le chemin de l'école et par
le fait, voient ce travail couronner leurs efforts, KAPULA BUKU Edmond et
MUENYI MUAMBA Régine, ces parents forts et combattants, qui se sont
déployés dans la mesure de leurs possibilités afin de nous
voir arriver à ce jour. Nous n'oublions pas ceux qui nous ont toujours
porté à coeur, ceux avec qui nous sommes liés par le sang.
Nous citons : MAYI Bertin, LUPETU Félicité, MULENGEJA Joël,
TSHIALEMBA Exaucée et KAPULA Pater.
Nos remerciements s'adressent également à la
Soeur Bertine MAYI et au Révérend Abbé Victor BIDUAYA,
dont le soutien moral et parfois matériel nous a fortifié
dès les premiers instants de notre arrivée à
l'Université.
La vie ne nous fait pas rencontrer les personnes au hasard ;
les amis sont des richesses que nous devons conserver. Ils sont nombreux ceux
qui nous ont tenu compagnie, les citer serait s'exposer à oublier
certains, parfois ceux qui nous ont été de grande importance.
Mais toutefois, il serait ingrat de de penser à SAKAJI MANIKA,
NGWAPITSHI NYAMI, SANDEKE MAKANDA, Judith KAMUANGA et KITENGE KABANGE
Rebecca.
1 KABASELE MUKENGE A., Discours de fermeture, in
Revue de l'U.KA., Editions universitaires du Kasayi, année
académique 2018-2019.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
IV
Que tous ceux qui nous ont aidé à atteindre nos
objectifs se sentent tous remerciés.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
1
INTRODUCTION
L'on s'accorde qu'« Il ne fait pas de doute que la guerre
est une relation humaine et en tant que telle, elle est forcément
codifiable. Au même titre que l'on règlemente la relation entre
deux personnes qui s'aiment à travers le mariage par exemple, pourquoi
ne codifierait-on pas la relation entre deux personnes qui combattent ?
»2 Cette affirmation prouve combien, au fil des années,
les Etats ont trouvé nécessaire et même plus utile de
réglementer le domaine de la guerre à l'instar des autres
domaines de la vie humaine afin de limiter les effets néfastes qui en
sont toujours les conséquences logiques.
En effet, la guerre faisant partie des relations entre les
Etats, il fallait aussi la règlementer : il y a eu tout d'abord des
règles non écrites, fondées sur la coutume qui ont
règlementé les conflits armés. Puis, progressivement sont
apparus des traités bilatéraux plus ou moins
élaborés, les Cartels,3 que les belligérants
ratifiaient parfois après la bataille ; il y'avait également des
règlements que les Etats édictaient pour leurs troupes. Le droit
alors applicable dans la guerre fut limité dans le temps et dans
l'espace en ce sens qu'il ne pouvait régir parfois qu'une bataille ou un
conflit déterminé. Signalons que ces règles variaient
aussi suivant les époques, les lieux, la morale, les civilisations,
etc.
Quincy Wright avait raison quand il écrivait dans A
study of war que « dans l'ensemble, on peut trouver dans les
méthodes de guerre des peuples primitifs l'illustration des divers
genres des lois internationales de la guerre actuellement connues : lois qui
distinguent différentes catégories d'ennemis ; règles
définissant les circonstances, les formalités et le droit de
commencer et de terminer la guerre ; règles prescrivant des limites aux
personnes, aux saisons, aux lieux, ainsi qu'à la conduite de la guerre ;
et même des règles qui mettent la guerre hors la loi.» Cela
démontre avec exactitude qu'il y a eu des règles qui ont
préexisté au Droit international humanitaire (DIH)
actuel.
Deux hommes, parmi les pionniers du DIH, inventèrent le
DIH actuel : Henry DUNANT et Guillaume-Henri DUFOUR. Le premier dans
son ouvrage intitulé « lin souvenir de Solferino » et
le second, avec ses expériences
2 NOUWEZEM S.S., L'application des règles du Droit
international humanitaire dans les conflits en Afrique : étude des cas
ivoirien et congolais (RDC), Mémoire de recherche pour l'obtention
du diplôme d'université de 3ème cycle, Université de
Nantes, Université Paris II Panthéon Assas, Université
Paris X Nanterre, Université Paris XII Val-de-Marne, 2003-2004, p.7.
3 Historiquement, écrit par lequel on défiait
quelqu'un pour un combat singulier ou un défi par écrit pour un
combat dans une fête comme au tournoi.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
2
d'homme de guerre, a apporté trop vite son soutien
moral et actif au premier, notamment en présidant la conférence
diplomatique de 1864.
Le DIH fait partie du droit international ou droit
des gens. L'expression « droit des gens »4 est synonyme du
droit international public ou droit international qui se définit comme
l'ensemble des règles juridiques régissant les relations entre
les Etats ainsi qu'avec les autres membres de la société
internationale ou communauté internationale.
Le DIH est une branche du droit en constante
évolution. Les modes de conduite de la guerre ne cessent de changer, si
bien que son corpus juridique est tenu de s'adapter constamment à cette
évolution pour éviter que des failles n'apparaissent dans la
protection qu'il offre.
Les changements juridiques s'adaptent essentiellement aux
faits juridiques. Aujourd'hui, le DIH qui jadis était
créé pour réglementer les conflits armés entre
Etats au niveau international ou les conflits armés internationaux,
s'est tourné aussi vers les conflits non internationaux partant de ce
que ces derniers sont devenus de plus en plus importants et ont un impact
certain sur la scène internationale.
Le DIH s'est développé ainsi par
étapes pour répondre, trop souvent a postériori, à
des besoins humanitaires toujours croissants résultant de
l'évolution des armements et des types de conflits. Certains conflits
ont influencé plus ou moins immédiatement l'évolution du
DIH par leur gravité (Ex : 1ère guerre
mondiale, 2nde guerre mondiale, ...). C'est dans ce sens qu'en 1949,
la communauté internationale réagit au bilan de la seconde guerre
mondiale tout particulièrement aux persécutions effroyables dont
les civils ont été victimes, notamment par la révision des
conventions en vigueur alors et par l'adoption d'un nouvel instrument : la
4ème Convention de Genève protégeant les
civils, et venant comme pour compléter les 3 autres
préexistantes.
En 1874, une conférence diplomatique convoquée
à Bruxelles à l'initiative du Tsar Alexandre II de Russie, adopte
un projet d'une déclaration internationale concernant les lois et
coutumes de la guerre. Certains gouvernements présents ne souhaitant pas
être liés par une quelconque convention, refusent la ratification
de ce texte. Malgré ce geste, ce texte marqua une étape
très importante dans la codification des lois de la guerre. Dans le
4 Grotius (Hugo de Groot, 1585-1645) juriste et diplomate
néerlandais, a exercé une influence considérable sur la
théorie du droit et de l'Etat en général et sur celle du
droit international en particulier. Il est le père du « droit des
gens ». A la suite de la réforme qui divisait la
chrétienté en Europe, il a estimé que le droit
n'était plus désormais l'expression de la justice divine, qu'il
ne précédait plus l'action mais en découlait. D'où
la nécessité de trouver un autre principe d'unité pour les
relations internationales. Le « droit des gens » fournira ce
principe. Dans son ouvrage intitulé Droit de la guerre et de la paix,
Grotius énumère des règles qui sont les bases les plus
solides du droit de la guerre.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
3
même ordre d'idée, la XVème
Conférence internationale de la Croix Rouge à Tokyo approuve un
autre texte relatif aux civils de nationalité ennemie se trouvant sur le
territoire du belligérant [...]5, texte qui reste à
son tour lettre morte. S'en est suivi par après la célèbre
seconde guerre mondiale en 1945 avec toutes les conséquences connues.
C'est alors qu'en 1949 l'on connut l'adoption des Conventions de Genève,
qui sont toujours complétées par des Protocoles dits additionnels
de 1977 ; ceux-ci restant des textes juridiques qui viennent pour
compléter les premiers.
L'apparition des Protocoles additionnels est due notamment au
refus des pays décolonisés de vouloir adhérer à des
conventions auxquelles ils n'étaient pas parties au moment de leur
adoption (la plupart des pays étaient encore colonisés en 1949) ;
et, considérant qu'il serait dangereux le fait de réviser les
conventions existantes au risque de remettre en question certains acquis de
1949 juste pour besoin d'adhésion de ces Etats, on imagina dans
l'idée de renforcer la protection des victimes des conflits
armés, l'adoption des nouveaux textes sous la forme de Protocoles
additionnels aux Conventions de Genève.
La jurisprudence des instances judiciaires, mais aussi des
organes conventionnels, demeure une source importante d'interprétation
de ces textes juridiques et joue un rôle fondamental dans
l'évolution du système du DIH.
Mais pour appliquer les règles convenablement et,
surtout, assurer une protection adéquate aux populations
exposées, il faut bien comprendre les relations réciproques entre
les différentes normes et la manière dont elles se
complètent et se conjuguent pour offrir la protection la plus rigoureuse
possible.
Malheureusement, les conflits armés s'accompagnent
toujours des terribles souffrances humaines, qui sont bien trop souvent dues
à des violations du DIH.
Elles affectent non seulement les belligérants, mais
aussi les civils qui sont de plus en plus souvent les premières victimes
des conflits à l'interne comme à l'international. Il arrive
même parfois que des civils soient pris pour cible et soumis à
d'horribles atrocités en violation flagrante des Conventions de
Genève, qui sont destinées à protéger ceux qui ne
prennent pas ou plus part aux hostilités.
Voilà pourquoi, « Dans un monde de plus en plus
complexe, les conflits sont non seulement plus répandus et susceptibles
de déborder des frontières nationales, mais ils présentent
également des formes de violence plus
5 CICR, Droit international humanitaire. Guide à
l'usage du parlementaire n°25, Genève, 2016, p.3.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
4
inhabituelles. Alors que le visage et la pratique des guerres
modernes se transforment profondément, la nécessité de
respecter et de protéger les civils est plus urgente que jamais.
»6
Or, la souffrance n'est en aucun cas inévitable : nous
avons la capacité et les moyens de l'empêcher. Les Conventions de
Genève et leurs Protocoles additionnels sont des puissants
mécanismes qui ont été conçus pour protéger
ceux qui ne participent pas aux combats ou ont cessé d'y participer ;
ceci n'étant pas toujours évident car les conventions de
Genève ont connu un début plutôt difficile.
Les conflits armés non internationaux sont actuellement
intenses et complexes ; ils sont à la base d'abominables souffrances et
sont particulièrement fréquents en RDC, le cas du Kasaï
étant récemment parlant.
Dans un pays comme le nôtre, où une complaisance
dangereuse se développe à l'égard du respect des lois, la
pertinence et l'importance de cette branche du droit n'ont peut-être
jamais préoccupé ceux qui sont censés être
considérés comme bouches et garants de la loi, alors
qu'en réalité il s'agit d'une question qui prend la dimension des
Droits de l'homme et de facto une préoccupation à
portée universelle.
Cela étant, nous nous sommes posé la question
suivante : « Comment assurer la protection effective des droits des
personnes pendant les conflits armés internes à l'instar des
règles du DIH, étant donné que parler d'une
protection effective sous-entend normalement que la protection n'est pas
efficace ou tout simplement que la protection est de façade. La
loi est là, mais l'application est inexistante, bien qu'il reste
à le démontrer au cours de ce travail dans le cadre du DIH.
Entendu que le DIH reste lié aux Droits de
l'homme, il est donc important de faire montre du contenu de chacun de ces
droits (DIH et DIDH) qui doivent être considérés comme des
règles impératives de Droit, surtout en temps où l'ordre
public est bouleversé : la guerre.
Par ailleurs, il s'agit d'un domaine hautement politisé
dans lequel les responsables politiques et représentants des peuples
doivent être à l'avant-garde des efforts visant à s'assurer
que le DIH est appliqué scrupuleusement. Cela pose encore
d'énormes problèmes à cause des intérêts
politiques multiformes qui motivent les acteurs politiques congolais à
autre chose qu'à l'effectivité législative. D'où
l'impérieux souci d'informer et de former la classe politique quant
à ce.
6CICR, Op.cit., p.3.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
5
Alors que les victimes des conflits dans toutes les
régions du monde nous rappellent chaque jour que la
responsabilité de protéger les personnes les plus
vulnérables et de mettre fin à la souffrance humaine est une
responsabilité collective, le pouvoir qu'ont les dirigeants de notre
pays (République démocratique du Congo) de changer la vision
des choses en prenant des dispositions au plan national à cette fin est
immense.
Parler du DIH et des défis des conflits du
Kasaï, le cas des conflits Kamuina Nsapu en République
démocratique du Congo (RDC) revient à adapter le profil des
règles humanitaires aux réalités courantes des conflits
internes en vue d'en dégager les mérites et les limites. Ceci
dans le but de vérifier si la protection valable des droits humains a
été assurée dans différents conflits internes en
RDC prenant pour référence les conflits Kamuina Nsapu au
Kasaï.
« Si tous les pays ont ratifié les Conventions de
Genève de 1949, bon nombre d'entre eux n'ont pas encore ratifié
les Protocoles additionnels de 1977 et les traités de DIH ou
n'y ont pas adhéré. La ratification universelle des instruments
du DIH est un premier pas essentiel pour s'assurer que les personnes
ayant droit à une protection prévue en droit en
bénéficient effectivement. »7 Avant de proposer
d'autres voies de sortie pour ce faire.
Pour qu'il y ait application du DIH, il faut une
condition objective qui est une situation de guerre. Ainsi,
l'application ne dépendra ni de la nature du conflit ni de la
genèse du conflit, mais uniquement elle vient régenter le cadre
du conflit, limite les moyens de la guerre, protège des personnes
s'étant rendues ou n'ayant pas participé au conflit, les civils
non impliqués dans les conflits, etc.
Le DIH s'applique dans deux situations, ou même
connait deux régimes dans lesquels il s'applique :
? Le conflit armé international est
régi par la Convention de Genève de 1949 et le Protocole
additionnel I de 1977. Le DIH s'adresse aux parties impliquées
dans un conflit armé et protège tout individu ne participant pas
ou ne participant plus activement au conflit ; qu'il s'agisse des militaires
blessés, des prisonniers de guerre ou de la population civile qui peut
être constituée des étrangers ou des nationaux, personnels
sanitaires, religieux, etc.
Il faut aussi ajouter à la catégorie de conflits
armés internationaux la guerre de libération nationale, telle que
définie à l'article 1er du Protocole additionnel
I.8
7CICR, Op.cit., p.4.
8 Article 1er du Protocole additionnel I de 1977.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
6
? Le conflit armé non international
est régi par l'application de l'article 3 commun aux quatre Conventions
de Genève et le Protocole additionnel II. Les règles qui
régissent les conflits internes sont moins élaborées que
celles couvrant le conflit international. Cette difficulté est due au
fait que l'on se heurte au principe capital de la souveraineté des
Etats, car ce sont des conflits qui se déroulent en
général sur un territoire d'un Etat donné.
Au début du DIH, la Convention de
Genève de 1864 posait déjà les bases du Droit humanitaire
contemporain, avec comme caractéristiques :
- Des règles permanentes, écrites, universelles
qui tendent à protéger les victimes des conflits ;
- Un traité ouvert à tous les Etats du monde
;
- L'obligation de donner les soins sans discrimination aux
militaires blessés et malades ;
- Le respect de signalisation par un emblème (croix
rouge sur un fond blanc) du personnel sanitaire et du matériel et des
équipements sanitaires.
Le DIH est un domaine très important qui
nécessite une attention et un respect particuliers car, comportant des
aspects humanitaires universellement reconnus.
« Ainsi, les États doivent assurer à leurs
forces armées une formation au droit international humanitaire afin
d'éviter les violations éventuelles ; ils doivent en encourager
l'enseignement à la population civile ; il faut que soit adoptée
une législation interne qui donne effet à ses dispositions, et
qui traite notamment des crimes de guerre ; les États doivent poursuivre
les personnes qui ont commis de tels crimes. Les poursuites consécutives
des crimes de guerre qui constituent des violations graves des Conventions de
Genève et du Protocole I doivent être menées
conformément au principe de la compétence universelle,
c'est-à-dire indépendamment du lieu où le crime a
été commis et de la nationalité tant de l'auteur que des
victimes. Ainsi, certaines infractions au DIH peuvent être
constatées et leurs auteurs sanctionnés hors du cadre temporel et
géographique des hostilités elles-mêmes. »9
Il importe toutefois, avant de traiter de notre sujet dont la
problématique de mise en oeuvre reste pertinente, de définir
certaines étapes constitutives de notre travail.
9Nations Unies, la protection juridique
internationale des droits de l'homme dans les conflits armés, New
York et Genève, 2011, p.126.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
7
A. PROBLEMATIQUE
La problématique est définie selon Georgetta
CISLARU, Camille CLAUDEL et VLAD comme « l'introduction du travail de
recherche car elle permet de poser des jalons, de fixer des objectifs et
d'attirer l'attention du lecteur »10. Pour cela, entendons que
c'est la problématique qui identifie ou définit le type de
travail, son objet et ses objectifs et même oriente le travail.
Qui plus est, ils ajoutent que la problématique
identifie un secteur « incomplet » dans les recherches
antérieures faites dans le même domaine et se positionnent, donc,
à l'intérieur de ce secteur.11
Notre problématique se posant, nous ferons une
constatation avant de l'étaler. Cela constitue en ce que « les
conflits armés en Afrique restent une réalité tristement
actuelle ».12 La RDC, Etat situé au coeur de l'Afrique,
n'en est pas épargnée pourtant.
Les règles humanitaires prévues dans les
Conventions de Genève et dans les protocoles additionnels
n'étaient pas au début conçues pour couvrir les conflits
internes, mais plutôt ceux internationaux, alors que les premiers sont
devenus de plus en plus recrudescents.
Ainsi, la problématique étant définie de
plus comme un ensemble de questions qu'une science ou une philosophie se pose
dans un domaine particulier par certains auteurs; dans le domaine des conflits
armés internes où nous avons constaté plusieurs abus de
droits de la part de ceux qui participent aux conflits internes en RDC et
particulièrement dans le Kasaï, nous devrions répondre
à la question : «quelles sont les règles applicables dans
les conflits armés internes ?», et bien évidemment autour de
cette question gravitent d'autres à savoir : « les conflits du
Kasaï sur lesquels se basent nos recherches constituent-ils des conflits
armés non internationaux ?», « comment arriver
à sauvegarder et assurer le respect spontané des règles du
DIH pendant les conflits armés internes et éviter les violations
du DIH à l'avenir ? ». Cela implique logiquement le
problème de la mise en oeuvre du DIH, du moins de
manière efficace au plan interne, et des mesures de répression,
de réparations, des actes attentatoires au DIH.
Le problème de la protection des personnes pendant les
conflits armés étant considéré à l'heure
actuelle comme un problème majeur du
10CISLARU G., CLAUDEL C., et VLAD M., cités
par SHOMBA KINYAMBA S., Méthodologie et épistémologie
de la recherche scientifique, Kinshasa, Presse de l'Université de
Kinshasa, 2016, p.38.
11Idem, p. 40.
12 NOUWEZEM S.S., Op.cit., p.6.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
8
Droit des droits de l'homme, notre travail devra
contribuer ainsi à aider à connaitre les droits garantis par les
instruments juridiques internationaux en vue de les sauvegarder au mieux.
Si l'on affirme par ailleurs que les mécanismes de
protection des personnes pendant les conflits armés internes sont mis en
place quant à ce, au-delà de toutes les conventions
internationales (en la matière) que la RDC a ratifiées, quelque
chose nous donne toujours l'impression qu'il y a lieu de se préoccuper
de l'effectivité de la mise en oeuvre de ces règles car
l'expérience des conséquences fâcheuses est très
triste à ce sujet.
B. HYPOTHESE
L'hypothèse, nous pouvons la définir d'une part
comme «une réponse supposée valide que la recherche doit
confirmer ou infirmer»'3 et d'autre part, «comme une
proposition à partir de laquelle on raisonne pour résoudre un
problème, ou même pour démontrer un
théorème»'4. En mathématique par exemple,
une hypothèse est une proposition prise comme point de départ
d'une démonstration logique'5.
A qui incombe la protection ? Nous pouvons l'affirmer sans
risque d'être contredit, que la protection des personnes et de leurs
biens incombe tout d'abord à l'Etat, les autres institutions comme par
exemple celles du système des Nations unies, les Organisations
non-gouvernementales de protection de l'homme, etc., viennent en second plan,
soit pour appuyer l'Etat, soit pour suppléer à la faiblesse de
l'Etat, mais ne le remplacent pas.
De ce point de vue, quand un pays ratifie une convention
internationale en quelque matière que ce soit, elle est supposée
être dans l'intérêt de la nation, et dès lors l'Etat
et ses agents à tous les niveaux, sont obligés de pouvoir
respecter les règles contenues dans ladite convention étant
entendu que les conventions et traités internationaux dûment
ratifiés surplombent les lois nationales sur la scène nationale
en RDC.16 Cette disposition constitutionnelle de la RDC subordonne
l'application des traités à une approbation
régulière ainsi qu'à leur publication (système
moniste). On
13NDAMA G. et MASILA P., Rédaction et
présentation d'un travail scientifique, Ed. Enfance et paix,
Kinshasa, 1993, P.18.
14 Le Larousse illustré, édition spéciale
2010 RDC, Paris, 2010, sub verbo « hypothèse »
P.524.
15DELNOY P., Eléments de
méthodologie juridique, cité par KALINDYE BYANJIRA D. et
KAMBALE BIRA'MBOVOTE D., Précis de la méthodologie en droits
de l'homme et droit international humanitaire, Harmattan, Paris, 2018,
p.150.
16 Lire l'article 215 de la Constitution de la RDC, J.O.,
5ème année, n° spécial, Kinshasa, 5
février 2011.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
9
devra donc distinguer la régularité de
l'approbation ou de ratification au regard du droit interne et l'existence de
la publication dudit traité au Journal Officiel.
En effet, une fois entrés en vigueur, les
traités lient les parties et doivent être exécutés
par elles de bonne foi. La formulation du Pacta sunt servanda
opérée à l'article 26 de la Convention de Vienne sur
le droit des traités du 23 mai 1969 précise et limite la
portée des traités.
En revanche, en règle générale, il ne se
crée ni droits, ni obligations pour un Etat tiers sans son consentement.
Le principe de l'effet relatif étant prévu à l'article 34
de ladite Convention. La convention n'a d'effet qu'entre parties, comme en
droit civil.
Par ailleurs, l'article 27 de la même Convention dispose
qu'une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme
justifiant la non-exécution d'un traité. Dans le cas où un
Etat aurait déjà ratifié le traité en question. Il
en va de soi pour les règles humanitaires surtout que celles-ci entrent
dans le domaine des droits de l'homme. Elles doivent être d'application
non seulement intégrale, mais aussi surtout d'une application urgente en
vue de garantir les droits fondamentaux des citoyens victimes des conflits
armés.
Ainsi, au plan international, les Etats ont reconnu le
Comité International de la Croix-Rouge (CICR), organisation impartiale,
comme le garant du Droit humanitaire à compétence universelle,
pouvant intervenir en cas de conflits armés partout où il en sera
besoin.
Les belligérants sont concernés par cette
obligation du respect des règles humanitaires considérant que ces
dernières sont impératives dans la conduite d'un conflit
armé, notamment par l'emploi des moyens pouvant nuire à l'ennemi
et par la différence à faire entre l'ennemi et le non-ennemi,
etc.
Qui doit-on protéger ? La protection concerne une
catégorie des personnes bien limitativement
énumérées en DIH, cela entrant même dans la
définition du DIH. Il s'agit notamment de celles qui ne
participent plus ou qui ne participent pas aux conflits armés, quel que
soit leur statut (civils, militaires, combattants, prisonniers, mineurs,
majeurs, hommes, femmes, ...), il s'agit pour expliciter des personnes qui
n'ont jamais participé aux conflits, des personnes qui avaient
participé et ont abandonné le combat peu importe le motif et leur
statut.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
10
Comment doit-on protéger ? La protection se fait
notamment par la mise en oeuvre des mécanismes juridiques ou des
instruments juridiques appropriés qui sont les lois. Les lois ainsi
mises en oeuvre, la question qui reste est celle de leur application ou tout
simplement leur respect en vue de l'effectivité desdites
règles.
Bref, de tout ce qui est de la mise en oeuvre des
règles applicables dans les conflits armés internes,
l'hypothèse provisoire de notre travail est celle consistant à
affirmer avant toute analyse au fond que le manque d'une réglementation
spécifique des conflits internes, le manque de volonté politique
de la part des dirigeants et la méconnaissance parfois volontaire des
règles du DIH et l'impunité des auteurs des violations
du DIH rendent difficile la mise en oeuvre des règles du DIH
dans les conflits internes dans notre pays (RDC).
De manière provisoire, avant de démontrer la
mise en oeuvre, proposer des solutions en cas de violations, la question
majeure reste aussi de déterminer la nature juridique des conflits du
Kasaï (Conflits Kamuina Nsapu), et nous l'allons provisoirement
démontrer au cours de ce travail en les qualifiant, sans se hasarder de
le faire, des conflits armés non internationaux, en démontrant
pourquoi cette qualification tout en donnant quelques indicateurs pour ce
faire.
Le respect des règles en temps de conflit armé
étant toujours difficile à assurer, l'expérience de notre
pays nous le témoigne, notre travail se donnera de le démontrer
tout au courant.
C. INTERET DU SUJET
« Dans le domaine de sciences sociales, nous devons nous
contenter d'améliorer indéfiniment nos approximations
»17. L'intérêt accordé au choix de ce sujet
est double. C'est ainsi que, comme pour toute branche du droit, cet
intérêt est d'abord théorique, ensuite pratique.
Théoriquement, l'intérêt de cette
étude est culturel ou scientifique. Parler du DIH dans un cadre
étatique comme le nôtre voudrait contribuer aux connaissances en
la matière, surtout dans un espace en conflit comme la RDC en vue
créer une culture humanitaire particulièrement dans la province
du Kasaï. Ainsi, l'opinion se forgera une considération
générale sur la notion du DIH, entendu que celui-ci est
une branche du Droit international public, un droit plus ou moins vaste et
complexe. Il est alors nécessaire de connaitre les normes
impératives fondamentales du DIH en vue d'en faire
17 FRAGNIERE J.-P., Comment réussir un mémoire,
4ème éd., Dunod, Paris, 2009, p.23.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
11
application chaque fois qu'il y a éclatement d'un
conflit. C'est une mesure nécessaire à suggérer en amont
de toute situation conflictuelle même si, dans le cadre du présent
travail il intervient en aval, mieux vaut tard que jamais dit-on.
L'intérêt pratique étant la solution
apportée au problème qui se pose dans la société,
pour en parler ici, nous devons prendre en considération deux
éléments : Les acteurs dans un conflit armé et les actes
qu'ils posent.
Il sied de rappeler aux acteurs directs et indirects dans un
conflit armé la portée des règles du DIH, la
conduite à tenir pendant un conflit armé à chaque fois
qu'on y est impliqué, et cela tendant à la protection des Droits
fondamentaux des personnes pendant la période de conflit armé, si
jamais ils y sont impliqués, mais aussi faire de façon à
éviter dans le futur ces genres de conflits au Kasaï, car ayant
plongé la province dans d'indicibles souffrances et pertes
considérables en vies humaines. Il s'agit aussi de d'inculquer le
respect des règles aux acteurs des conflits armés. Les parties
aux conflits doivent pratiquer le DIH, doivent le mettre en pratique.
La méconnaissance de ces règles constitue par
ailleurs un danger dans la société qui se veut de droit. Et donc
par conséquent, les actes qu'ils posent doivent être conformes au
DIH et au respect des Droits de l'homme, au cas contraire, engagent
leurs responsabilités, civile et pénale en faveur des lois et des
victimes.
En outre, nous pensons apporter notre pierre à la
protection et à la réduction de la souffrance tant soit peu des
victimes et des personnes participant aux conflits internes par nos
propositions au courant de cet exercice de longue haleine. Car, nous inspirant
des leçons tirées des situations de guerre les plus complexes de
l'humanité en vue de les adapter aux conflits du Kasaï, qui se sont
révélés, on peut s'en douter, plus meurtrières
depuis plus de 50 ans dans l'espace kasaïen.
Traiter les parties au conflit avec humanité et avec
strict respect des normes en la matière serait aussi pour nous un
souhait le plus ardent dans le cadre de cette recherche. De ce fait,
l'intérêt de ce travail demeurant pertinent, question reste de
traiter des voies et moyens qui vont nous y faire arriver, à entendre
les méthodes et techniques.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
12
D. METHODES ET TECHNIQUES
CORTEN affirme : « la méthodologie est une
subdivision de la logique, ayant pour objet l'étude a posteriori des
méthodes et plus spécialement, d'ordinaire, celle des
méthodes scientifiques ».18 Et dès lors, «
des principes scientifiques bien établis, basés sur une recherche
rigoureuse, sont normalement une condition nécessaire pour une action
sociale intelligente, mais ils ne sont pas suffisants en eux-mêmes. Cela
signifie que le seul fait de détenir le savoir nécessaire ne
garantit pas que nous ayons la capacité ou la volonté en fonction
de ce savoir. Par contre, sans lui nous serons obligés de continuer
à nous servir des méthodes du type essais et erreurs qui
ont longtemps fait la preuve de leur inefficacité...
».19 Et donc l'importance de recourir à des
méthodes et techniques appropriées en vue de la rédaction
du présent travail s'impose de facto.
« En droit, la méthode revêt plusieurs
aspects. L'objectif du juriste étant de démontrer une solution
juridique, la méthode qu'il utilise doit être entendue comme
« la manière dont les juristes organisent leur raisonnement pour
parvenir à ce résultat ». Mais il faut également
entendre, outre la méthode au sens noble du terme, les
différentes techniques permettant de travailler efficacement. C'est
ainsi que Cohendet estime qu'une méthode de travail en droit public
n'existe pas, qu'il existe des méthodes multiples, variant selon la
personnalité et les conceptions de chaque juriste et selon le type
d'exercice. »20
« Chaque discipline a ses impératifs
méthodologiques. Les méthodes de recherche sont liées
à la discipline dans laquelle l'étude a lieu et à la
catégorie des chercheurs concernés par la démarche : les
juristes, les politologues, les sociologues, les historiens.... Utilisent les
méthodes liées à leur domaine. Les chercheurs en sciences
sociales utilisent traditionnellement dans des recherches similaires à
la nôtre deux principales méthodes d'approche : les
méthodes juridiques, s'ils sont juristes, les méthodes empiriques
pour les politologues, sociologues, anthropologues, psychologues et autres
historiens ».21
18CORTEN O., Méthodologie du droit
international public, édition de l'Université de Bruxelles,
Bruxelles, 2009, P.12.
19 BLALOCK H., Introduction à la recherche
sociale, Duculot, Gembloux, 1973, p.21.
20 KAMUKUNY MUKINAY, Droit constitutionnel congolais,
cours polycopié à l'usage des étudiants de deuxième
graduat, U.KA., 2014-2015, inédit.
21KAMUKUNY MUKINAY, Op. cit., p.6.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
13
La référence aux textes juridiques étant
le réflexe de tout juriste avisé, notre méthode, du moins
la principale sera normative et cela en accordant une place de choix, aux
Conventions de Genève et aux Protocoles additionnels, à la
Constitution, à la loi lato sensu ainsi que toutes les règles
juridiques qui organisent le domaine du DIH.
Selon que l'on se sert du langage dans lequel est
exprimé le texte, du contexte de sa création, de l'objectif
poursuivi par son auteur, de la fonction que doit objectivement remplir le
texte ou de l'ensemble des dispositions d'un texte, l'interprétation
peut être sémiotique ou exégétique,
téléologique ou contextuelle, génétique,
[...].22
Nous recourons aussi à l'analyse historique ou
génétique, entendu comme recours à l'histoire en vue de
comprendre les origines du DIH et ainsi en expliquer les faits
générateurs. L'exégèse ou la sémiologie nous
aide à faire une interprétation littérale de la
règle de droit, des dispositions des textes juridiques.
Par analyse contextuelle ou téléologique, nous
nous plaçons dans le contexte de l'élaboration, l'adoption, de la
fin d'une disposition légale en vue d'en saisir la portée.
« Toute recherche ou application de caractère
scientifique en science sociales comme dans les sciences en
général, doit comporter l'utilisation des procédés
opératoires rigoureux, bien définis, transmissibles, susceptibles
d'être appliqués à nouveau dans les mêmes conditions
adaptées au genre des problèmes et de phénomènes en
cause »23.
Parlant des techniques utilisées dans notre travail,
nous avons fait recours à la technique d'interview qui consiste à
faire une enquête avec questionnement à l'appui auprès des
victimes et témoins des atrocités pendant les conflits
armés en vue de recueillir des informations sur terrain.
La technique documentaire restant donc le fait de recourir
à la documentation, nous l'avons utilisée essentiellement dans le
présent travail.
22 COHENDET M.A., Droit public. Méthodes de
travail, 3ème édition, Montchrestien, Paris, 1998, p. 13.
23GRAWITZ, Méthodes de sciences sociales,
septième édition, Dalloz, Paris, 1986, P.361.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
14
E. DELIMITATION DU SUJET
Le DIH étant un domaine trop vaste, partout
où il y a des conflits on assiste à des manquements graves qui
entrent en controverse avec les normes humanitaires ; la RDC durant cette
dernière décennie compte parmi les pays les plus touchés
par les conflits armés internes et internationaux récemment le
Kasaï. Nous avons voulu donc délimiter nos recherches car, qui trop
embrasse mal étreint, dit-on.
Matériellement parlant, nous nous intéresserons
qu'aux règles applicables en situation de conflits internes en lisant de
façon combinée l'article 3 commun aux Conventions de
Genève de 1949 et l'article 1 du Protocole additionnel II de 1977,
après avoir fait, dans un premier temps, survolé sur les
règles générales et principes basiques du Droit
humanitaire et la législation interne en matière de crimes de
guerre, de génocide, crime contre l'humanité, etc. toujours dans
le souci de faire une corrélation entre le Droit humanitaire
général et celui applicable en matière de conflits
internes.
Temporellement , nous allons nous focaliser sur un temps bien
précis, à partir de l'adhésion de la RDC aux Conventions
de Genève de 1949 et ses Protocoles additionnels de 1977, soit du 28
août 1963, date à laquelle la Croix Rouge de la RDC a
été admise comme membre de Fédération
Internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant
rouge (FICR), mais nous serons plus intéressé par les
années 2016-2017 et mi 2018, une période particulièrement
marquée par la barbarie des conflits armés en RDC et tout
précisément dans la partie Centre-Sud.
En termes d'espace, nous avons voulu délimiter notre
travail en le bornant sur le territoire de la RDC tout en déduisant de
la situation du Kasaï Central à toute la République, car les
limites de mon monde sont aussi celles de ma langue, disait Wittgenstein.
F. ANNONCE DU PLAN
Le plan reste nécessaire car, il est en quelque sorte
une ligne de conduite visant un raisonnement cohérent sur la base de la
mise en commun des données de la recherche. C'est ainsi que KALINDYE dit
qu' «il fonde et annonce la cohérence de la
réflexion.»24
Dans le cadre de nos recherches, nous avons subdivisé
notre travail en deux chapitres, chaque chapitre comportant des sections, des
paragraphes et des points y afférents au besoin. Pour ce faire, nous
parlerons d'une part Du cadre juridique du DIH (Chapitre I). Ici, nous
ferons une vue
24KALINDYE BYANJIRA D. et KAMBALE BIRA'MBOVOTE J.,
Op.cit., p.52.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
15
panoramique du Droit humanitaire tout en esquissant sa
couverture, ses approches terminologiques, sa condition d'application, son
importance, ..., nous présenterons l'ensemble des normes juridiques
applicables en temps de conflits internes. Et d'autre part, de la mise en
oeuvre du DIH dans les conflits internes en RDC (Chapitre II), tout en
démontrant ses difficultés et ses limites, mais aussi en
proposant quelques pistes de solutions pour la RDC dans la crise humanitaire
qui sévit au Kasaï de suites des conflits armées Kamuina
Nsapu.
G. PLAN
CHAPITRE I. CADRE JURIDIQUE DU DIH
Section I. Le droit régissant les Conflits armés
Section II. La situation des conflits du Kasaï
CHAPITRE II. MISE EN OEUVRE DU DIH DANS LES CONFLITS
DU KASAI Section I. Violations du DIH dans les conflits du Kasaï
Section II. Suggestions à la mise en oeuvre du DIH dans
les conflits internes.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
16
CHAPITRE I. LE CADRE JURIDIQUE DU DIH
Avant d'aborder l'ensemble des règles qui
régissent le droit humanitaire, ou le cadre du DIH, nous nous proposons
tout d'abord d'esquisser son approche terminologique du DIH.
En Droit international, « les expressions droit
international humanitaire, droit humanitaire, droit des conflits
armés et droit de la guerre peuvent être
considérées comme équivalentes et le choix de l'une ou de
l'autre dépendra essentiellement des habitudes et du public. Ainsi, les
organisations internationales, les universités ou encore les
États utiliseront plutôt celle de «droit international
humanitaire» (ou «droit humanitaire»), tandis
qu'au sein des forces armées les deux autres expressions sont plus
couramment en usage.»25 Pour notre part, l'on remarquera
l'utilisation, parfois trop récurrente de l'expression Droit
international humanitaire au détriment des autres acceptions.
Section I. Le droit régissant les Conflits
armés
Le DIH est, comme nous l'avions souligné plus
haut, « une branche du droit international public ; il se compose de
règles destinées à protéger les personnes qui ne
participent pas ou plus aux hostilités et limites les moyens et
méthodes de la guerre. »26
Comme toute règle de droit écrit, les
règles du DIH sont contenues dans des instruments juridiques
d'envergure universelle qui constituent le cadre juridique du DIH.
En effet, lesdites règles sont inscrites dans des
traités internationaux (les Conventions de Genève de 1949 et les
protocoles additionnels de 1977) pour l'essentiel. Ces règles sont
conventionnelles et coutumières. Elles ont toutes pour vocation de
régler les questions d'ordre humanitaire directement liées aux
conflits armés, qu'ils soient internationaux ou non
internationaux.
Les règles conventionnelles relèvent des
traités et conventions en la matière. En revanche, « la
coutume s'instaure lorsque la pratique des Etats est suffisamment dense
(répandue, représentative, fréquente et uniforme) et
s'accompagne de la conviction des Etats qu'ils sont juridiquement tenus d'agir
ou de s'abstenir d'agir d'une certaine manière. »27
Cette coutume est contraignante pour les Etats. Pas de règle sans
exception dit-on, à l'exception de
25 CICR, Droit international humanitaire, réponses
à vos questions, Genève, 2003, p.10.
26 Idem, p.7.
27 Idem, p.17.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
17
ceux qui se sont opposés de manière
remarquablement constante à une pratique ou à une règle
donnée depuis sa mise en place ; ce qui peut nous ramener, comme en
matière civile, au principe de relativité des conventions, mais
qui impose aux parties le strict respect du principe sacro-saint du pacta
sunt servanda.
Signalons tout de même que les règles dites
conventionnelles et celles coutumières sont intimement liées.
Voilà pourquoi « les liens entre le droit conventionnel et le droit
coutumier sont nombreux et complexes.»28 Nous pouvons constater
sans complaisance que « nombre de dispositions des traités du
DIH sont issues du droit coutumier et à l'inverse, certaines
dispositions du DIH qui ont évoluées dans le temps,
alors qu'au début elles étaient adoptées comme
dispositions conventionnelles, ont progressivement acquis une valeur de
coutume. »29
Dans ce même ordre d'idée, nombre des
dispositions au départ s'appliquant uniquement aux conflits armés
internationaux sont actuellement considérées comme applicables
à tous les types de conflits armés, ceci à « titre du
droit coutumier. »30
Il est impérieux de distinguer en DIH les
types de conflits armés. Même s'il est souvent difficile de
déterminer si un conflit est international(CAI) ou non
international(CANI)31, aussi, nécessitera-t-il de les
analyser.
La classification de ces différents types de conflits
n'est pas l'apanage ou l'appréciation des parties au conflit
armé, mais c'est une classification qui relève de l'observation
des éléments objectifs, observables et universellement connus. La
survenance d'un conflit armé est directement l'application du
DIH, et donc objectivement parlant, un conflit armé, une
situation de guerre, appelle automatiquement l'application du DIH,
cette application des règles en la matière dépend de ce
qui se produit sur le terrain du conflit.
Les CAI «sont des conflits dans lesquels un ou plusieurs
Etats recourent à l'emploi de la force armée contre un ou
plusieurs autres Etats. Les règles applicables aux CAI s'appliquent
également durant : un conflit armé entre un ou plusieurs Etats et
une organisation internationale (c'est-à-dire une
28 Idem, p.17.
29 Ibid., p.18.
30 Ibid., p.19.
31 Ibid., p.20.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
18
force multinationale), une guerre de libération
nationale (à certaines conditions) et une situation d'occupation.
»32
Les CANT par contre se déroulent sur le territoire d'un
seul Etat, entre les forces armées gouvernementales et un ou plusieurs
groupes armés non étatiques, ou seulement entre ces groupes
seulement. D'ailleurs, à l'heure actuelle, plusieurs conflits sont de
cette catégorie en RDC.
Mais pour que les hostilités soient
considérées comme un CANI, elles doivent atteindre un certain
degré d'intensité et les groupes qui y participent doivent
être suffisamment organisés.
En effet, « à la fin de la conférence
diplomatique de 1977, furent adoptés deux protocoles additionnels aux
conventions de Genève de 1949 parmi lesquels figure le deuxième
Protocole additionnel relatif aux CANI. Ce dernier a fait l'objet de
nombreuses discussions avant son adoption et est par la suite
considéré comme le premier texte conventionnel entièrement
consacré aux CANI. »
Aux termes de l'article premier du Protocole additionnel TT,
nous noterons cette définition : « Tous les conflits armés
qui ne sont pas couvert par l'article premier du protocole additionnel 1
relatif aux conflit armés internationaux et qui se déroulent sur
le territoire d'une haute partie contractante entre ses forces armées et
des forces dissidentes ou des groupes armés organisés qui, sous
la conduite d'un commandement responsable, exercent sur une partie de son
territoire un contrôle tel qu'il leur permette de mener des
opérations militaires continues et concertées et d'appliquer le
présent protocole ».
Pour ainsi qualifier un CANI, il faut la réunion de
certaines
conditions :
L'Opposition des forces armées
(gouvernementales et dissidentes) entre elles ou des forces
armées et des groupes organisés sous la conduite d'un
commandement responsable ;
Le Contrôle par ces groupes d'une
partie du territoire de manière à pouvoir mener des
opérations militaires continues et d'appliquer le protocole.
Par ailleurs, la guerre étant la condition
nécessaire de l'application du DIH, les dispositions de
l'article premier du Protocole additionnel TT écarte, d'une part,
expressément, de la qualification des conflits armés certaines
situations de violences qui sont notamment « les tensions
32 Ibidem, p.22.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
19
internes et les troubles intérieurs comme les
émeutes, les actes isolés et sporadiques de violence et d'autres
actes analogues. »
D'autre part, « implicitement, les conflits armés
internes opposant des groupes armés organisés entre eux dont
aucun ne représente le gouvernement en place. »33
Certes, « les troubles et tensions internes (les
émeutes et les actes de violence isolés et sporadiques) sont
des perturbations de l'ordre public qui ne vont pas jusqu'à constituer
un conflit armé ; ils ne peuvent être considérés
comme tels, parce que le niveau de violence n'est pas suffisamment
élevé, ou parce que les personnes qui recourent à la
violence ne sont pas organisées en groupe armé.
»34C'est parfois des situations éphémères
dans ce sens qu'ils (troubles et tensions internes) ne durent pas dans le temps
; une intervention policière suffit d'y mettre fin toutefois.
Signalons tout de même que les règles du DIH
s'appliquent aussi dans les « conflits nouveaux ». L'expression
recouvre en fait deux types de conflits distincts : ceux qui sont dits
«déstructurés» et ceux qui sont qualifiés
d'«identitaires» ou «ethniques».
Le contour terminologique de cette expression reste encore
flou dans son usage. En effet, « les conflits
déstructurés, certainement la conséquence de la
fin de la guerre froide, se caractérisent souvent par l'affaiblissement
ou la disparition - partielle et parfois même totale - des structures
étatiques.»35
Dans ces situations, des groupes armés profitent du
vide politique pour chercher à s'emparer du pouvoir. Mais « ce type
de conflit se caractérise surtout par l'affaiblissement, voire la
dislocation de la chaîne de commandement au sein de ces mêmes
groupes armés.»36
Les conflits identitaires par contre sont ceux qui
visent l'exclusion de l'autre par la «purification
ethnique». Ce qui consiste à déplacer de force des
populations, voire à les exterminer. « Sous l'effet d'une spirale
de propagande, de peur, de violence et de haine, ce type de conflit renforce la
notion de groupe au détriment de l'identité nationale existante,
et exclut toute possibilité de cohabitation avec d'autres
groupes.»37
33 NOUWEZEM S.S., Op.cit., p.10.
34 CICR, Op.cit., p.17.
35 CICR, Droit international humanitaire, réponses
à vos questions, 2003, p.18.
36 Idem, p.18.
37 Idem, p.20.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
20
Toutefois, dans ces conflits qu'ils soient
«déstructurés» ou «identitaires», la
population civile est particulièrement exposée à la
violence. L'article 3 commun aux quatre conventions de Genève impose en
effet à tous les groupes armés, rebelles ou non, le respect de
ceux qui se sont rendus et ceux qui ne participent pas aux hostilités,
les militaires ou combattants, à plus forte raison.
« Ce n'est donc pas parce que les structures
étatiques sont affaiblies ou inexistantes qu'il y a un vide juridique au
regard du droit international.»38 Ceci voudrait, à bien
le comprendre que, c'est dans les situations des conflits armés
précisément et particulièrement que le DIH prend
sa juste valeur.
« Il est vrai, cependant, que l'application des
règles humanitaires se révèle plus difficile dans ces
types de conflits. Le manque de discipline chez certains belligérants,
l'armement de la population civile, qui fait suite à la
prolifération des armes, et la distinction de plus en plus floue entre
combattants et civils font souvent prendre une tournure extrêmement
brutale aux affrontements, où les règles de droit n'ont que peu
de place. »39
Voilà pourquoi il est nécessaire que dans ce
type de situation, des efforts particuliers soient conjugués en vue de
sensibiliser les gens au droit humanitaire. Une simple connaissance des
règles du droit, aiguë soit-elle, ne va pas résoudre les
causes qui conduisent souvent aux conflits, ni même donner solution aux
conséquences qui en résultent, mais seulement, elle peut
atténuer, tant soit peu, les conséquences meurtrières
pendant les conflits armés. C'est une solution nécessaire en
DIH.
« Les règles qui s'appliquent à un conflit
particulier dépendent de son caractère qui peut être
international ou non international. Les conflits armés internationaux
sont soumis à une large gamme de règles, notamment celles
énoncées dans les quatre Conventions de Genève et le
Protocole additionnel I »40.
Les conflits armés non internationaux par contre font
l'objet d'un ensemble de règles plus restreint, qui sont
énoncées dans l'article 3 commun aux quatre Conventions de
Genève et dans le Protocole additionnel II. Mais à
côté de cette classification classique des conflits figurent aussi
d'autres, qui ne méritent pas
38 Idem, p.18.
39 CICR, idem, p.20.
40 CICR, guide du parlementaire, 2016, p.178.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
21
de classification étanche et que l'on peut appeler dans
le cadre de ce travail Conflits sui generis de par leur difficile
situation en DIH. Nous citons :
? Le contrôle d'un territoire sans présence
militaire sur place
« Malgré les précisions apportées
par le Règlement de La Haye de 1907 et la Convention de Genève de
1949 à la notion d'occupation, il n'est pas toujours facile d'identifier
en pratique les situations relevant de cette notion.»41
Illustrons cette situation par un exemple plausible, celui de
la Bande de Gaza suite au désengagement israélien.
Pour la petite histoire, Le 12 septembre 2005, les
dernières troupes israéliennes achevèrent de se retirer de
cette région dans laquelle elles avaient maintenu une présence
continue depuis la guerre des six jours en 1967. Ce faisant, elles
contribuaient à mettre en oeuvre un «Plan de
désengagement» adopté le 6 juin 2004 par le
gouvernement israélien et endossé le 25 octobre de la même
année par le parlement. En vertu de ce plan, les autorités
entendaient mettre un terme à leurs responsabilités
vis-à-vis des populations vivant dans ce territoire.42
Question : « Faut-il en conclure que l'aboutissement de
ces démarches a marqué la fin de l'occupation dans la
région en question ? En d'autres termes, le retrait physique des forces
israéliennes suffit-il pour admettre que l'exercice du contrôle
territorial effectif caractérisant l'occupation n'est plus
réalisé en l'espèce ? »43
Pour répondre à cette question, certains auteurs
pensent négativement. C'est ainsi qu' «Il a ainsi été
rappelé qu'Israël a gardé un degré substantiel de
contrôle sur la Bande de Gaza, même si ses troupes ne sont plus
déployées physiquement dans cette zone.»44
Et à conclure, «le Plan de désengagement
exprime clairement que cet État continue d'exercer le contrôle des
frontières de ce territoire, ainsi que de son espace aérien et de
sa zone côtière.»45 Il reste par ailleurs à
affirmer
41 VITE S., Op.cit., p.12.
42 VITE S., Op.cit., p.13.
43 Idem.
44 Voir la note du Secrétaire général des
Nations Unies : Situation des droits de l'homme dans les territoires
palestiniens occupés depuis 1967, UN Doc. A/61/470, 27 septembre
2006, p.6.
45
http://www.gisha.org/UserFiles/File/Report%20for%20the%20website.pdf,
consulté le 09 mars 2019 à 22h02.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
22
qu'Israël bénéficie du pouvoir de
pénétrer en tout temps dans le territoire palestinien en vue d'y
exercer des fonctions de maintien de l'ordre public.46
En outre, l'article 42 du Règlement de La Haye de 1907
renforce cette interprétation. Il précise qu'il y a occupation
lorsque l'autorité de l'armée ennemie «est
établie et en mesure de s'exercer. Alors l'occupation de la bande
de Gaza n'a pas cessé avec le retrait des troupes en 2005,
«puisqu'Israël continuerait d'exercer à distance un pouvoir
équivalant au contrôle effectif requis par le droit de
l'occupation.»47
D'autres observateurs estiment en revanche qu'«un examen
plus attentif des textes conventionnels montre que la capacité d'un
occupant d'imposer son autorité ne peut être dissociée de
sa présence physique dans le territoire soumis à son
contrôle.»48
Notre position à ce sujet reste de combiner les deux
points de vue, car, avec l'évolution de la technologie, l'on peut
toujours occuper un territoire, le contrôler sans présence
physique.
? L'intervention étrangère dans un conflit
armé non international
Cette notion fait intervenir deux cas de figure : lorsqu'un ou
plusieurs États tiers interviennent dans un CANI pour soutenir
l'une ou l'autre des parties au conflit ; et lorsque des forces multinationales
interviennent dans un conflit armé non international au cours d'une
opération de maintien de la paix.
En effet, lorsqu'un ou plusieurs Etats interviennent dans un
CANI pour soutenir l'une ou l'autre partie au conflit, nous assistons
à un conflit armé dit conflit mixte, sa mixité
relève du fait qu'il combine des caractéristiques qui sont
à la fois des conflits armés internationaux et des conflits
armés non internationaux.
Certes, «en fonction de la configuration des parties
impliquées, les affrontements sur le terrain peuvent se dérouler
entre les forces de l'État territorial et celles d'un État
intervenant, entre des États intervenant d'une part et d'autre part de
la ligne de front, entre des forces gouvernementales (de l'État
46 Idem.
47 UN, Situation des droits de l'homme dans les
territoires palestiniens occupés depuis 1967, UN Doc. A/61/470, 27
septembre 2006, p.7.
48 GASSER H.-P., Belligerent Occupation, The
Handbook of Humanitarian Law in Armed Conflicts, éd. D.Fleck,
Oxford, Oxford University, 1995, p. 243.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
23
territorial ou d'un État tiers) et des groupes
armés non gouvernementaux ou encore entre des groupes armés
uniquement.»49
Il va se poser naturellement un problème sérieux
de qualification juridique de ces situations sui generis en DIH. La
solution à ce problème étant difficile à trouver,
le CICR tente, tant soit peu de donner une solution. Il estime que le droit
applicable dans les conflits mixtes varie en fonction des parties qui
s'affrontent de cas en cas.
Les relations d'État à État sont
couvertes par le droit des conflits armés internationaux, alors que les
autres cas de figure sont soumis au droit des conflits armés non
internationaux.
Ainsi, l'intervention d'un État tiers en soutien d'un
groupe non gouvernemental opposé aux forces armées
étatiques aboutit à l'internationalisation du conflit
interne en cours.50 Il faut donc que le DIH soit mis
à jour en vue de s'adapter à ces genres de conflits qui suscitent
plusieurs controverses doctrinales.
Quant aux forces multinationales qui interviennent dans des
CANI en vue du maintien de la paix, il faut préciser que leur
présence dans ce contexte ne fait pas d'elles forcément des
parties au conflit.
En fait, ces troupes ne viennent pas participer au conflit
comme tel, mais viennent juste pour maintenir la paix. Elles sont
déployées moyennant un mandat qui ne les autorise nullement
à soutenir l'une ou l'autre partie au conflit, mais qui se limite
à l'interposition ou l'observation.
Par ailleurs, ils peuvent recourir aussi à la force
armée, mais ce, dans une situation extrême de légitime
défense.
Parfois, les forces multinationales peuvent être parties
au conflit dans deux cas suivants : Il peut arriver qu'elles prennent part
directement aux hostilités en cours en soutenant l'une des parties qui
s'affrontent. Il est par exemple arrivé que la Mission de l'Organisation
des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUC) qui
est devenue la MONUSCO51 par après, appuie militairement le
gouvernement de la République Démocratique du Congo pour
repousser des offensives lancées par les groupes armées et les
rebelles, notamment du côté de Beni à l'est du pays.
49 GASSER H.-P., Op.cit., p. 252.
50SCHINDLER D., International Humanitarian Law
and Internationalized Internal Armed Conflicts, International Review
of the Red Cross, 1982, pp. 255-264.
51 Mission de l'Organisation des Nations Unies pour la
stabilité au Congo.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
24
Mais il peut arriver aussi que, lorsque des troupes
multinationales sont déployées, qu'elles soient
considérées comme parties au conflit. Cela se fera si «leur
niveau d'implication atteint le niveau d'intensité requis.»52
Tel ne peut pas être le cas si le recours à la force se
limite au cadre de la légitime défense.
De nature aussi controversée, cette catégorie de
conflit suscite beaucoup de tensions doctrinales aussi. Certains auteurs
pensent que, comme une partie au conflit est une organisation internationale
qui définit et conduit les opérations, cela entre de droit par
nature dans la catégorie des CAI.
Mais d'autres par contre pensent en revanche que, si les
troupes multinationales combattent les groupes armés non
gouvernementaux, c'est le droit des CANI qui doit s'appliquer.
? Les conflits armés non internationaux se
déroulant sur le territoire de plusieurs États
L'article 3 commun aux Conventions de Genève et le
Protocole additionnel II détermine chacun son domaine d'application avec
une mention particulière sur les affrontements qui ont lieu sur le
territoire d'un État qui a ratifié les Conventions et les
protocoles selon le cas.
«Or, de nombreux conflits opposant un gouvernement
à un groupe armé se déroulent en pratique sur le
territoire de deux, voire plusieurs États.»53 C'est
alors que certains auteurs soutiennent qu'il s'agit dans ce cas d'un nouveau
type de conflit dont les textes en vigueur du DIH ne tiennent pas
compte. Ils vont jusqu'à qualifier ces conflits de transnationaux
ou de conflits extra-étatiques54 et plaident
pour l'application d'un DIH spécifique dans ce type de
conflits.
Notons d'ailleurs que ce type de conflit comporte deux
sous-catégories qui sont les conflits armés non internationaux
exportés et des conflits armés non internationaux
transfrontaliers.
Il peut arriver que les parties à un conflit
armé (international ou non international) classique55, sans
se vaincre, continuent leurs combats sur le territoire d'un autre Etat avec le
consentement exprès ou tacite du gouvernement concerné ou
même sans son consentement. Illustrons par le cas
52 SCHINDLER D., Op.cit., p.300.
53 VITE S., Op.cit., p.17.
54 SCHÖNDORF R.S., Extra-State Armed Conflicts : Is
there a Need for a New Legal Regime ?, New York University Journal of
International Law and Politics, Vol. 37, N° 1, 2004, pp. 61-75.
55 Voire article 3 commun aux Conventions de Genève.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
25
de la guerre de 6 jours entre le Rwanda et l'Ouganda en 2000
sur le sol de la RDC, dans la ville de Kinsangani. Hélas, il est
d'emblée question ici des conflits exportés ou
délocalisés ou encore des conflits armés non
internationaux extraterritoriaux. Tl s'agit en fait d'un conflit en
translocation.
Le droit applicable ici est difficile à
déterminer clairement. Certains auteurs pensent qu'il faut créer
un DIH nouveau applicable à ce nouveau type de conflit. Ce qui,
en fait ramènerait à un troisième régime juridique
à côté de ceux régissant les CAI et les
CANI.
D'autres par contre estiment que le droit à appliquer
est à trouver dans la combinaison des deux régimes juridiques
précédents, à rappeler, les deux régimes juridiques
des CAI et les CANI.
S'agissant des conflits transfrontaliers, il est envisageable
le cas d'un Etat qui entre en confrontation armée contre un groupe
armé non gouvernemental qui peut être situé sur le sol d'un
État voisin.
« Dans ce cas, il n'y a donc pas débordement ou
exportation d'un conflit préexistant. Les hostilités se
déroulent au travers d'une frontière.»56 Dans
l'hypothèse où le groupe armé agit sous le contrôle
de son État de résidence, ce conflit est naturellement un conflit
armé international, puisqu'il oppose deux Etats.
En revanche, dans l'hypothèse où le groupe
agirait seul, sans être au contrôle d'un Etat, il devient alors
difficile de le classer classiquement, ce qui va avec l'idée d'une
création d'un DIH nouveau pour ce faire.
Dans cette liste nous pouvons aussi mentionner le cas de la
lutte contre le terrorisme qui peut engendrer plusieurs situations
désastreuses, le cas de l'armée américaine par exemple qui
lutte contre le terrorisme dans plusieurs pays d'Asie, genre de situation
provoquant des conflits armés de grande taille occasionnant
l'application du DIH.
Nous nous donnons à proposer l'actualisation du DIH
à tous ces types de conflits armés pour éviter le cas
d'un vide juridique au point de laisser certains crimes impunis, ce qui
renforcerait le respect des droits de l'homme dans un temps de guerre. Pour
rappel, les droits de l'homme et le DIH sont des domaines
complémentaires en droit international, l'on doit les appliquer
concomitamment.
56 VITE S., Typologie des conflits armés en droit
international humanitaire : concepts juridiques et réalités,
2016, p.18.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
26
§1. Régime juridique des CAI
«L'histoire du droit des conflits armés
internationaux montre que le champ d'application de ce régime juridique
a été progressivement élargi au fur et à mesure de
son développement conventionnel.»57
Avant, c'est la conception étroite et formaliste de
la guerre qui prévalait, mais la réforme du
système avec la révision des Conventions de Genève en 1949
est venue consacrer une approche plus large, fondée sur une notion plus
objective, celle de conflit armé.
En effet, le concept guerre apparaît
déjà dans «les traités les plus anciens du
DIH».58 Les Conventions de 1949 sont venues
introduire, pour la première fois dans l'histoire du DIH, la
notion de conflit armé dans son régime juridique.
L'on peut, par une étude minutieuse de l'esprit,
comprendre que les rédacteurs desdites Conventions voulaient faire
montre du besoin de voir l'application du DIH désormais ne plus
se subordonner à la volonté des gouvernements, de pouvoir
qualifier une situation de « guerre» ou non et même de
la déclarer ou non, pour voir le DIH s'y appliquer. C'est à en
croire la conséquence de l'adoption du Protocole additionnel I de 1977,
un instrument qui innova dans le cercle des conflits armés
internationaux avec un nouveau type de conflit : Les guerres de
libération nationales.
Les Conventions de Genève de 1949, dans les
dispositions de l'article 2 commun aux quatre conventions de Genève de
1949 s'appliquent «en cas de guerre déclarée ou de tout
autre conflit armé surgissant entre deux ou plusieurs des Hautes Parties
contractantes, même si l'état de guerre n'est pas reconnu
par l'une d'elles.»59
Cette situation concerne uniquement deux ou plusieurs Etats.
Disons que ce ne sont que des Etats qui sont ici visés. Et selon
l'esprit de la lettre, quand on parle de «Hautes Parties contractantes
» dans le cadre du DIH, on fait allusion à des Etats,
à des entités souveraines.
Ainsi, il peut y avoir confrontation directe entre
États (Etat contre Etat) soit une intervention d'un Etat dans un conflit
interne d'un autre Etat. Ici, il y a ce qu'on appelle en DIH
internationalisation du conflit.
57 VITE S., Op.cit., 2016, p.2.
58 Lire les articles 4, 5 et 6 de la Convention de
Genève du 22 août 1864 pour l'amélioration du sort des
militaires blessés dans les armées en campagne.
59 Lire article 2 commun aux quatre conventions de Genève
de 1949.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
27
Illustrons-le par l'exemple d'un Etat étranger qui
envoie ses troupes sur le sol d'un autre Etat à l'appui d'un mouvement
d'opposition contre le gouvernement de cet Etat.
Rappelons tout de même qu'il y a CAI, selon la
définition tirée du Tribunal pénal international pour
l'ex-Yougoslavie, « chaque fois qu'il y a recours à la force
armée entre États.»60
§2. Le régime juridique des CANI
Le régime juridique des CANI est dominé
essentiellement et spécifiquement par un ensemble de règles plus
restreint énoncées d'une part à l'article 3 commun aux
quatre Conventions de Genève (A) et d'autre part dans le Protocole
additionnel II de 1977(B).
A. L'article 3 commun aux quatre Conventions de
Genève de 1949
Les dispositions de cet article s'appliquent, selon la lettre
de la convention aux Conflits armés ne présentant pas un
caractère international et surgissant sur le territoire de l'une des
Hautes parties contractantes.61
Cette disposition s'exprime négativement [ne...pas] sur
les conflits auxquels doit s'appliquer l'article précité, car, en
effet, il est question des conflits «ne présentant
pas» un caractère international.
C'est donc indirectement que cette disposition nous renvoie
à l'article 2 commun aux conventions de Genève62 qui
traite des conflits qui présentent un caractère international
ou des conflits entre les Etats.
L'on peut comprendre par conflits armés ne
présentant pas un caractère international ceux dans
lesquels « l'une au moins des parties impliquées n'est pas
gouvernementale.»63
A y voir clair, il est question-là des conflits
armés auxquels participent un ou plusieurs groupes armés non
étatiques, c'est-à-dire ces conflits qui peuvent opposer les
forces armées d'un État et des groupes armés non
étatiques organisés ou pas. Il est question des situations
d'affrontements armés entre l'armée régulière et
les groupes insurgés, ou même entre ces groupes
60 TPIY, Affaire Tadic, Arrêt relatif à
l'appel de la défense concernant l'exception préjudicielle
d'incompétence, 2 octobre 1995, para. 70.
61 Lire art. 3, paragraphe 1 des Conventions de Genève de
1949.
62 Lire article 2 commun aux quatre Conventions de Genève
de 1949.
63 VITE S., Op.cit., p.6.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
28
organisés entre eux se déroulant sur le
territoire d'une Haute Partie Contractante, ou d'un Etat
donné.
La prise en compte de la définition des CANI
nous fait remarquer que l'article 3 a pour vocation de régir les
relations conflictuelles qui se créent entre les forces armées et
les groupes armés ou ces groupes armés entre eux peu importe le
temps que ces conflits peuvent durer dans les frontières d'un Etat.
« Toutefois, cette disposition s'applique indépendamment au concept
de frontières étatiques.»64
L'on doit se fixer sur le fait que pour qu'il y ait
application de cet article, il doit y avoir la guerre, c'est-à-dire une
situation des violences qui ont atteint un seuil considérable le
distinguant des autres situations comme les cas des tensions internes, les
troubles intérieurs, les actes sporadiques et isolés à
l'intérieur d'un Etat qui relèvent en principe du droit
pénal étatique.
Il est alors préoccupant de se demander comment
déterminer ce seuil, alors qu'en cas des situations de conflits, les
violences sont toujours en nombre plus ou moins considérable. Pour
déterminer le seuil, on doit tenir compte de deux critères
fondamentaux qui sont notamment :
? L'intensité des violences et ?
L'organisation des parties.65
En ce qui concerne le critère d'intensité, les
éléments caractéristiques du conflit peuvent être
:
Le caractère collectif de la lutte ou le fait que
l'État soit contraint de recourir à
son armée, ses forces de police n'étant plus en
mesure de faire face seules à la
situation ;
La durée du conflit ;
la fréquence des actes de violence et des
opérations militaires ;
la nature des armes utilisées ;
le déplacement des populations civiles ;
le contrôle territorial exercé par les forces
d'opposition ;
le nombre de victimes (morts, blessés,
déplacés, etc.) sont aussi des éléments
qui peuvent être pris en compte. 66
Rassurons toutefois qu'il s'agit ici de facteurs
d'appréciation, des
éléments objectifs observables qui permettent de
déterminer si oui ou non le
64 Idem.
65TPIR, Affaire Rutaganda, Jugement du 6
décembre 1999, paragraphe 93. 66 VITE S., Op.cit., p.9.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
29
seuil d'intensité est atteint pour une situation
particulière. Ce sont des conditions translatives et non cumulatives.
Pour ce qui est du critère d'organisation des parties,
il doit se constater que les parties aux violences armées ont atteint un
niveau d'organisation minimal. C'est-à-dire une structuration de leur
organisation.
Du côté de l'Etat, les forces gouvernementales
sont présumées être organisées. L'organisation est
un facteur ontologique à leur existence. Ici ne peut plus se poser la
question du degré de leur structuration ou organisation.
Mais quant aux groupes armés non gouvernementaux, les
indicateurs déterminants sont par exemple « l'existence d'un
organigramme exprimant une structure de commandement, le pouvoir de lancer des
opérations coordonnant différentes unités, la
capacité de recruter et de former de nouveaux combattants ou l'existence
d'un règlement interne.»67 A cela nous pouvons ajouter
le recrutement des combattants par une personne considérée comme
chef.
C'est à conclure que lorsqu'une situation de violences
n'a pas atteint l'une ou l'autre condition, translativement, elle est tout
simplement qualifiée de tension interne ou trouble intérieur.
Le trouble intérieur est une notion dont le contour est
difficile à cerner en droit, mais pour laquelle le CICR estime qu'il y
en a l'existence, lorsqu'il y a des situations dans lesquelles : «sans
qu'il y ait à proprement parler de conflit armé non
international, il existe cependant, sur le plan interne, un affrontement qui
présente un certain caractère de gravité ou de
durée et comporte des actes de violence.»68 Cette
situation oblige à l'Etat d'employer les moyens et mécanismes
nationaux de protection notamment la police voire l'armée en vue de
rétablir l'ordre public et garantir la protection des personnes et de
leurs biens.
Pour ce qui est des tensions internes, «elles couvrent
des circonstances de moindre violence impliquant, par exemple des arrestations
massives, un nombre élevé de détenus politiques,
la pratique de la torture ou d'autres formes de mauvais traitements,
des disparitions forcées et/ou la suspension des garanties judiciaires
fondamentales.»69
67 VITE, Idem. p.9.
68 Id.
69 Ibid., p.11.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
30
Pour catégoriser les CANI, certains auteurs
pensent qu'il faut prendre aussi en compte un autre critère, celui de la
motivation ou du mobile des groupes non gouvernementaux impliqués dans
les violences ou dans les conflits.
C'est alors qu'il faut prendre en compte pour ce faire le
mobile politique ou l'objectif qui doit exclusivement être politique.
Cela étant, une association des malfaiteurs, une bande
des gangs ou une organisation à but purement criminel au sein d'un Etat
ne doivent pas être considérées comme des parties aux
CANI.
Ce critère, en DIH n'est pas de droit mais de
fait. Cela parce que la plupart des conflits au sein des Etats ont un mobile
politique. C'est un critère qui n'est pas déterminant dans la
mesure où les objectifs et les motivations des groupes non
gouvernementaux sont divers. D'ailleurs, nombre d'entre les groupes non
gouvernementaux exercent des activités criminelles diverses tout en
ayant à l'esprit un but politique.
B. L'article 1er du Protocole additionnel II
Le Protocole additionnel II s'applique aux conflits
armés « qui se déroulent sur le territoire d'une Haute
Partie contractante entre ses forces armées et des forces
armées dissidentes ou des groupes armés organisés qui,
sous la conduite d'un commandement responsable, exercent sur une partie de son
territoire un contrôle tel qu'il leur permette de mener des
opérations militaires continues et concertées et d'appliquer le
présent Protocole.»70
Comme pour le cas de l'article 3 commun, la situation conflit
armé doit répondre aux critères cités
précédemment, à rappeler l'intensité des violences,
le niveau d'organisation des parties et le mobile des parties.
En effet, à y voir de près, la définition
des CANI donnée par le protocole additionnel est plus
restreinte que celle proposée par l'article 3 commun. Car, cette
disposition (PA) pose des exigences telles qu'il faut que les forces non
gouvernementales atteignent un niveau d'organisation plus ou moins très
élevé, qu'elles doivent être placées sous
l'autorité d'un commandement responsable et doivent exercer un
contrôle territorial de manière perpétuelle pouvant leur
permettre de mener des opérations militaires pendant un temps plus ou
moins long et de manière concertée.
En effet, l'article 3 prévoit que les groupes
armés doivent avoir un degré d'organisation quelconque, mais le
protocole additionnel lui, a ajouté
70 Lire article 1er du Protocole additionnel II.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
31
et précisé que le groupe doit aussi avoir une
partie du territoire sous son contrôle et doit agir sous l'impulsion d'un
commandement responsable.
Qu'en est-il alors si un conflit armé entre en ligne de
compte de l'article 3 et ne remplit pas les conditions posées par le
Protocole additionnel ou vice-versa ?
De toutes manières, l'on peut remarquer qu'un conflit
répondant aux critères du Protocole additionnel l'est aussi pour
l'article 3 même si le contraire n'est pas si évident.
La situation de contrôle d'une partie du territoire doit
revêtir un caractère relatif : c'est la position du CICR qui,
adoptant une position intermédiaire, admet tout de même que la
maîtrise territoriale puisse revêtir parfois un
caractère relatif. C'est le cas par exemple pour les «
centres urbains qui restent en mains gouvernementales tandis que les zones
rurales échappent à leur autorité.»71 Il
ajoute par ailleurs que «la nature même des obligations
formulées dans le Protocole II suppose une certaine stabilité
dans le contrôle d'une portion, même modeste, du
territoire.»72
Comme nous pouvons le relever, le protocole additionnel II se
borne à régir les situations des conflits armés entre les
forces armées gouvernementales et les forces armées dissidentes
ou les groupes armés, c'est dire qu'il ne régit pas
expressément les conflits entre les groupes armés contre
eux-mêmes comme c'est le cas de l'article 3 commun.
Quelle serait alors la valeur ajoutée de cet instrument
juridique
aux CANI ?
« Quant à la portée des innovations
introduites par le Protocole additionnel II dans le régime juridique des
CANI, il convient de rappeler que cet instrument développe et
complète l'article 3 commun, mais qu'il n'en modifie pas les conditions
d'application. Les restrictions supplémentaires prévues à
l'article 1er ne valent donc que pour délimiter le champ d'application
du Protocole, mais ne s'étendent pas à l'ensemble du droit des
conflits armés non internationaux. L'article 3 commun préserve
ainsi son autonomie et couvre un plus grand nombre de
situations.»73
71 MOIR L., The Law of Internal Armed Conflict,
Cambridge, Cambridge University Press, 2002, p.106.
72 MOIR L., Op.cit., p.109.
73EIDE A., Troubles et tensions
intérieurs, les dimensions internationales du droit
humanitaire, Paris, Unesco, 1986, pp. 279-295.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
32
Après avoir catégorisé et analysé
les types des conflits armés et leurs régimes juridiques chacun,
la question qui mérite à présent d'être posée
est celle touchant à la nature des autres conflits armés qui
présente des caractéristiques controversés tel qu'il est
possible d'envisager un vide juridique si ces situations n'ont pas un
régime juridique propre, car ces situations ne correspondent à
aucune des catégories énoncée en DIH classique.
Nous nous donnons de les nommer les Conflits sui generis.
C'est pourquoi, « Sans viser l'exhaustivité [...]
nous avons ici illustré certains dilemmes rencontrés en pratique
en mentionnant trois types de situations dont la qualification prête
à controverse : le contrôle d'un territoire sans présence
militaire sur place, l'intervention étrangère dans un conflit
armé non international et les conflits armés non internationaux
se déroulant sur le territoire de plusieurs
États.»74
Tout compte fait, toutes ces situations mettent en
péril les vies humaines ; il faut s'en occuper en vue de la protection
des droits humains.
C. Le Droit international des droits de l'homme et le
droit International humanitaire, quel lien ?
Le DIH étant déjà défini,
le Droit international des droits de l'homme (DIDH) reste à
définir également.
En effet, il est «un système de normes
internationales destinées à défendre et promouvoir les
droits de l'homme de chacun.»75 Ces normes sont
inhérentes, indissociables de la personne humaine sans aucune
distinction qui pourrait être de nationalité, de race, d'origine
nationale ou ethnique, de couleur, de religion, de langue ou même de
toutes autres situations similaires. Les droits de l'homme sont
interdépendants, ils sont garantis du principe
d'indivisibilité.
Ces différents droits sont proclamés dans divers
instruments juridiques internationaux (Déclaration universelle des
droits de l'homme, Charte des Nations Unies, Charte africaine des droits de
l'homme et des peuples,...), ils reposent sur les principes
généraux de droit international, sur le droit international
coutumier, la conscience universelle, ...
Précisons que «le droit international des droits
de l'homme énonce les obligations qu'ont les États d'agir de
certaines manières ou de
74 VITE S., Op.cit., p.12.
75 Nations Unies, Op.cit., p.5.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
33
s'abstenir de certains actes afin de promouvoir et
protéger les droits de l'homme et les libertés fondamentales des
personnes ou de groupes.»76
Toutefois, le DIH et le DIDH relèvent de la
branche du droit international, et sont des domaines distincts l'un de l'autre,
mais qui se complètent aussi.
Leur différence n'est pas à démontrer
car, «elles ont été constituées au fil du temps,
indépendamment l'une de l'autre, et reposent sur des sources
différentes»77 mais néanmoins, leurs domaines
d'intervention parfois se rencontrent, étant entendu que tous visent
à protéger la vie humaine, et ce, selon les périodes
données.
Parlant ainsi de périodes, «le DIH ne
s'applique qu'en période de conflit armé, international ou non,
et vise, pour des raisons humanitaires, à limiter les effets de la
guerre sur les individus et les biens. Le DIDH, lui, s'applique en tout temps,
en situation de conflit armé comme en temps de paix»78,
un postulat qui n'était pas évident au départ, pour la
raison que l'on liait l'application du DIDH au temps de paix.
Mais au fil du temps, cette position fut rejetée, pour
considérer que le DIDH doit s'appliquer en tout temps, c'est un droit
qui protège les droits fondamentaux de la personne humaine qui peuvent
connaitre des violations en tout temps, de paix ou de guerre. D'ailleurs,
aucune disposition au monde, de n'importe quel instrument juridique relatif aux
droits de l'homme n'interdit au DIDH de s'appliquer en temps de
conflits.
Est-il en outre impérieux de rappeler que le DIH
lie toutes les parties à un conflit armé, y compris les
forces armées des États et les groupes armés non
étatiques alors que, le DIDH ne lie que les États, dans leurs
rapports avec les individus.
Le DIH et le DIDH ont chacun ses propres sources
distinctes de celles de l'autre.
Le DIDH tire sa source de la Déclaration universelle
des droits de l'homme, de différents traités internationaux et du
droit international coutumier. Les instruments universels fondamentaux relatifs
aux droits de l'homme sont :
76 Nations Unies, Op.cit., p.5.
77 CICR, Op.cit., p.39.
78 Ibidem, p.40.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
34
Le Pacte international relatif aux droits économiques,
sociaux et culturels, et son Protocole facultatif ;
Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques
et ses deux Protocoles facultatifs ;
La Convention internationale sur l'élimination de
toutes les formes de discrimination raciale ;
La Convention sur l'élimination de toutes les formes de
discrimination à l'égard des femmes et son Protocole facultatif
;
La Convention contre la torture et autres peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants et son Protocole facultatif
;
La Convention relative aux droits de l'enfant et ses deux
Protocoles facultatifs ; La Convention internationale sur la protection des
droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille ;
La Convention internationale pour la protection de toutes les
personnes contre les disparitions forcées ;
La Convention relative aux droits des personnes
handicapées et son Protocole facultatif.79
Au plan régional, il existe plusieurs traités et
protocoles relatifs
aux DIDH, on y ajoute aussi «les résolutions
adoptées par l'Assemblée générale, le Conseil de
sécurité et le Conseil des droits de l'homme, la jurisprudence
des organes conventionnels et les rapports issus des procédures
spéciales relatives aux droits de l'homme, les déclarations, les
principes directeurs et autres instruments du droit souple qui contribuent
à clarifier les normes relatives aux droits de l'homme, à leur
donner corps et à fournir à leur sujet des orientations
dûment fondées, même s'ils ne comportent pas d'obligations
juridiquement contraignantes en tant que telles.»80
Le DIDH ne se borne pas seulement aux droits
énumérés dans ses instruments juridiques ; il va
jusqu'à prendre en compte le droit international coutumier, qui
s'imposent à tous les États, y compris ceux qui ne sont pas
parties à telle ou telle convention relative aux droits de l'homme. Le
cas par exemple de plusieurs droits énoncés dans la
Déclaration universelle des droits de l'homme qui sont pour une large
part considérés comme faisant partie du droit international
coutumier.
En fait, certains droits sont reconnus comme ayant le statut
particulier de règles impératives du droit international
coutumier (jus cogens), ce qui exclut toute dérogation à
ces droits malgré les circonstances et leur donne une force
supérieure à tout autre devoir des Etats. Nous pouvons citer pour
ce
79 Nations Unies, Op.cit., p.14.
80 Ibidem, p.15.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
35
faire l'interdiction de la torture, de l'esclavage, du
génocide, de la discrimination raciale et des crimes contre
l'humanité ainsi que le droit à l'autodétermination qui
sont reconnus internationalement comme étant des règles
impératives du jus cogens.
Le DIH tire aussi ses sources des instruments
juridiques et du droit coutumier. Ses principaux instruments juridiques
à l'heure actuelle sont :
Le Règlement de La Haye concernant les lois et coutumes
de la guerre sur terre
;
La Convention de Genève pour l'amélioration du
sort des blessés et malades dans les armées en campagne
(première Convention de Genève) ;
La Convention de Genève pour l'amélioration du
sort des blessés, des malades et des naufragés des forces
armées sur mer (deuxième Convention de Genève); La
Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre
(troisième Convention de Genève) ;
La Convention de Genève relative à la protection
des personnes civiles en temps de guerre (quatrième Convention de
Genève) ;
Le Protocole additionnel aux Conventions de Genève
relatif à la protection des victimes des conflits armés
internationaux (Protocole I) ;
Le Protocole additionnel aux Conventions de Genève
relatif à la protection des victimes des conflits armés non
internationaux (Protocole II).
S'agissant de la place du droit coutumier en DIH,
«Le Règlement
de La Haye est généralement
considéré comme correspondant au droit international coutumier et
s'imposant à tous les États, qu'ils y aient adhéré
ou non. Les Conventions de Genève ont été universellement
ratifiées. Bon nombre des dispositions qui figurent dans ces instruments
ainsi que dans les Protocoles qui s'y rapportent sont tenues pour faire partie
intégrante du droit international coutumier et être applicables
lors de tout conflit armé.»81
Il existe également plusieurs autres instruments
juridiques en DIH qui ont pour vocation de régenter la conduite
des hostilités, ils sont à placer dans l'arsenal juridique du
DIH.
Terminons ce chapitre par démontrer que «le CICR
joue un rôle tout particulier dans le cadre du droit international
humanitaire. Les Conventions de Genève le chargent de rendre visite aux
prisonniers, d'organiser des opérations de secours, de contribuer
à la réunion des familles et de mener toute une série
d'activités humanitaires pendant les conflits armés
81CICR, Droit international humanitaire
coutumier, par Jean-Marie Henckaerts et Louise Doswald-Beck, Les
éditions juridiques Bruylant, 2006, p.20.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
36
internationaux. Elles l'autorisent aussi à offrir ces
mêmes services lors des conflits armés non internationaux. Le CICR
joue un rôle reconnu dans l'interprétation du droit international
humanitaire, et a pour mission de travailler à son application
fidèle dans les conflits armés, de recevoir les plaintes pour
violations alléguées de ce droit, et de contribuer à sa
connaissance, sa diffusion et son développement»82 et
même de contribuer à sa mise en oeuvre effective sur le plan
international.
Section 2. Situation des conflits du Kasaï ou
conflit Kamuina
Nsapu en DIH
De par la situation géographique que ces conflits ont
couvert, l'on peut, d'emblée, dire qu'il s'agit d'un CANT. La situation
de ces conflits renvoie à se questionner sur leur qualification ou leur
nature juridique en vue de faire une étude sur la mise en oeuvre du DIH
pendant leur déroulement.
Avant toute chose, rappelons que les célèbres
conflits du Kasaï sont aussi connus sous l'appellation du conflit KAMUTNA
NSAPU, un nom donné à la milice du chef traditionnel, ce nom qui
est aussi le titre traditionnel du chef des Bajila Kasanga, un des grands
groupements de la province du Kasaï Central.
La base de ces conflits réside dans le refus, en 2016,
de l'Etat congolais, par l'entremise du ministère provincial de
l'intérieur, de reconnaitre la nomination de Jean-Pierre Mpandi comme
Chef coutumier Kamuina Nsapu. Selon les dires, la raison de ce refus tient du
fait que celui-ci (Jean-Pierre MPANDI) est un opposant du pouvoir de Joseph
KABILA, à cette époque où le mandat constitutionnel de ce
dernier avait déjà pris fin et qu'il continuait à se
maintenir au pouvoir.
Suite à ce refus, le Chef coutumier mobilise les
jeunes, les femmes et adultes, enrôle les enfants, forment sans
délai une milice qui va opérer de manière
mystérieuse [...], tous, mus par une volonté de
révolution, ils vont entreprendre «de défendre le sol
congolais»83après que les policiers soient partis chez
lui toucher à ses Symboles du pouvoir, en avril 2016,
disait-il.
A partir de ce moment, le conflit qui n'était qu'en
gestation devient de plus en plus ample, des centaines des personnes dont
militaires, civils, enfants, fonctionnaires de l'Etat, etc. ont perdu la vie
et, le conflit qui avait commencé à Tshimbulu, une ville du
Kasaï central, s'étend à toute la province
82 Art. 5.2 c et g des Statuts du Mouvement international de la
Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.
83
www.radiookapi.net,
consulté le 10 mars 2019, à 7h12.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
37
et plus loin à d'autres provinces du Grand Kasaï
à savoir la province du Kasaï et celle du Kasaï Oriental.
Ces conflits commencés en 2016 en avril se sont
achevés en novembre et jusqu'à ces jours l'on assiste encore, de
manière sporadique, à des résidus des violences dans
certains coins ruraux.
Après avoir fait des milliers des morts et des dizaines
des fosses communes ; les civils et les enfants sont pris pour cible par les
militaires, les jeunes sont recherchés et exécutés sans
aucun critère de distinction objectif... les bâtiments de l'Etat
sont pris d'assaut par les miliciens, autant de descriptions qui ont rendu la
vie anormale dans cette zone. Toute personne ayant porté un habit de
couleur rouge était confondue à un milicien et pouvait de ce fait
perdre la vie, même par simple soupçon.
La réalité de ces conflits étant connue,
les victimes sont présentes, les dégâts sont visibles, leur
gravité est remarquable... qu'en-est-il en DIH ?
Cette question nous ramène à classer ces
conflits en DIH. Concrètement, il s'agira de les ranger soit dans les
CAT, soit dans les CANT soit encore dans les conflits que nous avons
qualifiés de sui generis si jamais les deux précédentes
catégories ne sont pas leur pointure.
Le fait pour ce conflit de se dérouler à
l'intérieur du territoire de la RDC entre un groupe des miliciens et les
forces loyalistes, sans implication extérieur, l'écarte sans
tergiverser de la qualification des CAT, même si ces conflits ont
occasionné des déplacements énormes vers d'autres pays
voisins. Alors, nous tenterons donc de leur appliquer la qualification des
CANI.
Pour pouvoir situer ces conflits en DIH et nous en rassurer,
il nous faudra prendre en compte un certain nombre de critères que
revêtent un CANI, à savoir l'intensité du conflit, le
niveau d'organisation des parties et éventuellement le mobile
(politique) du groupe s'opposant à l'armée étatique.
§1. L'intensité du conflit
Partant de ce que l'intensité doit être comprise
comme la gravité qu'ont revêtue ces conflits, cette
intensité ne serait plus à démontrer.
En effet, les conflits ont revêtu un caractère
collectif, le nombre des miliciens devenant de plus en plus croissant du jour
au jour à tel point que l'Etat, ayant constaté la faiblesse des
forces de la police, a recouru aux forces armées de la République
(FARDC) pour pouvoir rétablir l'ordre public. Les conflits ont
duré plusieurs mois, depuis 2016 en avril jusqu'en 2018.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
38
Il s'est constaté des actes de violences à
grande échelle, des viols des femmes et d'enfants mineurs, des
massacres... qui ont demandé des implications des organisations
internationales en vue de mettre fin à la crise provoquée par ces
conflits.
S'agissant de la nature des armes utilisées pendant ces
conflits, notons la particularité des armes dites «bâtons
magiques» utilisés par les miliciens et qui ont fait perdre la vie
à plusieurs centaines des militaires ; alors que ces derniers
utilisaient des armes classiques comme les mitrailleuses, les armes d'assaut,
... face à cette situation incontrôlée, les violations se
sont commises à grande échelle, ce fut une époque de la
raison du plus fort.
Selon un rapport donné par le Bureau conjoint des
Nations Unies aux Droits de l'homme, ces conflits ont provoqué plusieurs
déplacements internes notamment vers les provinces de Bandundu, du
Katanga et Kinshasa, les régions concernées par ces conflits
étaient quasi-inaccessibles par les forces militaires. Ce qui a, en
effet, favorisé la perpétration de plusieurs infractions contre
les Droits de l'homme et le DIH.84
§2. Le niveau d'organisation des parties
L'organisation est un élément essentiel dans
chaque association, chaque société ou collectivité car il
permet d'assurer l'ordre. Les parties aux conflits (la milice Kamuina Nsapu et
les FARDC) avaient toutes un niveau d'organisation afférente. Du
côté de l'armée régulière, il ne peut se
faire de doute sur son organisation.
Il s'est aussi constaté un niveau d'organisation du
côté de la milice sous le commandement du Chef Kamuina Nsapu, dont
le bastion était à Tshimbulu.
En outre, cette milice était structurée en
petits groupes des miliciens appelés «Tshioto» ou
«Bioto» et ayant à leur tête un commandant ou chef.
Toutefois, il n'y avait pas une hiérarchisation des rôles de
manière responsable, il y'avait à la tête le chef qui
commandait la milice, les apôtres qui était ses
représentants auprès de la troupe et un corps des miliciens
obéissant au mot d'ordre du chef. Cette organisation fut
éphémère, l'anéantissement du Chef créa donc
en son sein une situation de sauve-qui-peut malgré le fait d'avoir
opéré pendant un temps relativement long après la
disparition du chef.
84 www.radiookapi.net-conflits-du-kasai
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
39
§3. Le mobile des parties
Le mobile qui animait cette milice était de
déstabiliser le pouvoir en place qui était devenu
illégitime. Voilà pourquoi ils s'attaquaient aux symboles de
l'Etat comme le drapeau, la monnaie, les bâtiments abritant la fonction
publique, l'armée et la police nationales.
La mauvaise pratique de notre pays nous montre que les forces
loyalistes, au lieu d'être au service de la nation, sont plutôt au
service de ceux qui dirigent, et ceux-ci, avec des objectifs politiques
variés les utilisent à leur fin. La police et l'armée sont
donc intervenues avec une motivation politique, poursuivant la protection des
individus bien déterminés.
Et donc, comme nous pouvons bien analyser la situation, le
mobile politique fut au centre de toute intervention : policière,
militaire et milicienne.
Ces conflits ont donc, au vu de notre intime conviction,
rempli tous les critères de classification dans l'une des
catégories des conflits, et ont alors appelé d'urgence
l'application du DIH de manière objective, ce qui fut toutefois
méconnu de toutes les parties aux conflits et qui, du reste, n'a
été nullement appliqué. Il reste de le démontrer.
Ces conflits ont acquis la qualification des CANI, qui du reste nous le savons,
sont les plus meurtrières et dévastatrices durant ces
dernières décennies avec des conséquences très
fâcheuses.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
40
CHAPITRE
II. LA MISE EN OEUVRE DU DIH DANS LES CONFLITS DU
KASAI
« Lorsque les militaires ont réussi à
reprendre à la milice le contrôle de ces localités, ils ont
commis des graves atteintes aux droits humains. Des témoins ont
décrit à International Refugee Rights Initiative
(IRRI)85 qu'au lieu de protéger les civils qui avaient
souffert de la présence de la milice, les soldats se sont mis à
violer des femmes, tuer des civils et piller leurs biens. Ils ont
également fait usage d'une violence disproportionnée lors de
leurs opérations contre les miliciens mal armés et
composés de beaucoup d'enfants. »86
La mise en oeuvre du DIH est l'apanage, au premier chef, des
Etats. C'est ce qui ressort de l'article premier commun aux Conventions de
Genève.
Dans cette disposition, les Etats s'engagent à
respecter et à faire respecter les Conventions en toutes
circonstances.87 Autrement dit, les Etats sont les premiers
responsables de la protection des personnes et de leurs biens ; et à ce
titre, ils doivent prendre diverses mesures législatives et pratiques
pour assurer le respect des règles du DIH, que ce soit en temps de paix
ou de guerre.
Le DIH, nous pouvons toujours le rappeler, s'applique en
période de conflits armés. Cela ne signifie pas que les
dispositions importantes de son application ne peuvent pas être
adoptées en temps de paix comme en temps de guerre ; autant nous savons
que les mesures de prévention, en particulier, doivent être mises
en place en temps de paix. C'est le meilleur moyen de faire respecter
pleinement les règles du DIH en cas de survenance d'un conflit
armé.
Qu'en-est-il alors quand ces mesures ne sont pas prises en vue
de prévenir les conflits ? Forcement nous serons en face d'un conflit
né et qu'il faille le régenter, à tout le moins et en cas
de violations des règles du DIH, punir les auteurs et organiser la
réparation pour les victimes.
85 International Refugee Rights Initiative. Fondée en
2004, cette organisation internationale a pour but d'éclairer et
d'améliorer les mesures qui sont prises en réponse aux cycles de
violences et de déplacements qui sont au coeur des violations des droits
humains à grande échelle.
86 International Refugee Rights Initiative, Conflit et
déplacement au Kasaï, janvier 2018.
87 Lire avec intérêt l'article 1er commun
aux quatre Conventions de Genève de 1949.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
41
La répression des infractions relatives au DIH doit en
tout temps, en période des CAI ou des CANI une manière efficace
de lutter contre les abus de la guerre.
Cette répression ne doit toujours pas dépendre
de la volonté des Etats seuls comme ce fut le cas dans un passé
récent, au risque de fragiliser la répression elle-même car
la pratique a toujours démontré que ce sont des autorités,
les personnes investies d'une autorité publique qui commettent le plus
des violations des droits de l'homme, soit par leur commandement qu'elles
donnent à leurs subalternes (police et armée) soit de leur propre
chef.
»88
En effet, bien avant 1994, « la pratique des Etats tout
comme la jurisprudence internationale montraient que la répression des
infractions du DIH relevait de la compétence exclusive de l'Etat qui
avait le pouvoir et/ou le devoir de punir lui-même ou d'extrader les
auteurs présumés desdites infractions.
La note présentée en mars 1994 par le
gouvernement Suisse en vue de la réunion d'experts intergouvernementaux
pour la protection des victimes de guerre est explicite sur ce point :
«Depuis l'adoption des conventions de Genève, la répression
pénale des violations du DIH a exclusivement dépendu de la
volonté de chaque Etat de poursuivre ou d'extrader les personnes
suspectées d'être des criminels de guerre et arrêtées
sur le territoire. Pour diverses raisons, ce système de dissuasion et de
répression n'a pas toujours fonctionné de manière
satisfaisante».89
Ainsi, la création du Tribunal Pénal
International pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) et du Tribunal Pénal
International pour les crimes du Rwanda (TPIR) respectivement par les
résolutions 827 du 23 mai 1993 et 955 du 8 novembre 1994 du Conseil de
Sécurité des Nations Unies marque un tournant dans le
développement du DIH en matière de répression des
infractions commises.
Il faut souligner que, comme au Kasaï, le conflit en
Ex-Yougoslavie avait un double aspect : un aspect international et un aspect
interne. C'est ce qui le différencie du conflit armé rwandais qui
est essentiellement interne.
88 NOUWEZEM S.S., Op.cit., p.59.
89 TIPR, Chambre de première instance I, 2 septembre
1998, Procureur C/J.P. Akayesu, affaire N° ICTR964T.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
42
L'aspect international du conflit Kamuina Nsapu réside
dans le fait que ce conflit, sans concerner les autres pays voisins, a par
ailleurs laissé des retombées, a créé des
situations dans lesquelles ces pays furent concernés
(déplacements massifs des populations vers l'Angola par exemple fuyant
les conflits, etc.).
En effet, la compétence ratione materiae des deux
tribunaux englobait respectivement tous les crimes commis en ex-Yougoslavie et
au Rwanda.
Ainsi, dans leurs statuts figurent le génocide et les
crimes contre l'humanité. Quant aux crimes de guerre, le statut du TPIY
envisage deux catégories : les infractions graves aux conventions de
Genève de 1949 (article 2) et les violations des lois et coutumes de
guerre.
Dans le présent chapitre, nous allons essayer de
démontrer le non-respect du DIH pendant les conflits du Kasaï dans
un premier temps (section 1) et deuxièmement nous tenterons de donner
quelques solutions pratiques en vue d'éviter ce genre de situations dans
l'avenir (section 2).
Section 1. Une mise en oeuvre pathologique du DIH
pendant les
conflits du Kasaï
Précisons avant toute chose que le Kasaï, dans
l'entendement de cette présente étude fait allusion à
l'espace dit du «grand Kasaï», cette zone touchée par les
conflits Kamuina Nsapu, comprenant les provinces du Kasaï central, du
Kasaï et du Kasaï oriental.
Le phénomène des conflits internes en RDC n'est
pas nouveau. «C'est depuis août 1998 que ce phénomène
a commencé à prendre de l'ampleur en RDC. En effet,
enlisée dans un cycle de violence et de guerres civiles aux
conséquences politiques, socio-économiques incalculables, le
Congo a été victime de l'appétit des seigneurs de guerres
qui ont fait du conflit congolais le conflit le plus meurtrier depuis la fin de
la deuxième guerre mondiale.»90
Entendu que le conflit est un moment de prédilection
pour les ennemis de la loi, «les parties au conflit ont profité de
cet état d'impunité pour commettre toutes formes d'exactions, de
violations aux droits humains fondamentaux et au DIH sans faire l'objet
d'aucune enquête, d'aucune réparation sur le plan juridique et
d'aucune compensation pour les victimes. L'impunité dont jouissent les
auteurs de violations des droits de l'homme et
90 NOUWEZEM S.S., Op.cit., p.100.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
43
notamment les officiers supérieurs de l'armée
gouvernementale et les commandants des diverses forces rebelles est un obstacle
majeur à une paix durable en RDC.
Cette culture de l'impunité, a alimenté encore
davantage des cycles de violence et a fait du Congo une jungle ; un «
Etat de guerre de tous contre tous et où seule la raison du
plus fort est la meilleure.»91
En effet, les situations de conflits internes sont
fondamentalement distinctes de celles des CAI. Mais il est à noter que
ces conflits perdurent dans le temps et sont plus atroces que les CAI.
Il ne fait aucun doute que dès l'ouverture des
hostilités, les règles du DIH sont d'application automatique
qu'ils s'agissent des CAI ou des CANI, ceci dans l'optique de
réglementer le conflit et assurer, tant soit peu, une meilleure
protection de la personne humaine contre les passions qu'entraine la guerre.
Ainsi, il s'agira ici pour nous de confronter les
règles du DIH relatives aux conflits internes à la
réalité des conflits Kamuina Nsapu, démontrer que la mise
en oeuvre de ces règles par le truchement du mécanisme de
protection humaine et la répression des infractions commises n'a pas
été pourtant aisée.
Les événements engendrés par les conflits
armés depuis août 2016 sont les prototypes des crises qui menacent
la RDC depuis 1997, surtout dans sa partie est. La particularité de ce
conflit est d'être de haute intensité et de s'écouler sur
une période de temps plus ou moins longue. Il s'est alors posé le
problème d'application des règles du DIH relatives à la
protection des personnes, des biens, d'assistance humanitaire et du traitement
humain des personnes victimes des effets de ces conflits.
Certes, pendant plus de deux ans, la personne humaine dans les
conflits Kamuina Nsapu a été, et est même jusqu'à
ces jours affectée de manière préoccupante, comme c'est
aussi le cas partout dans les CANT en RDC.
Ainsi, en vue d'assurer la protection des droits de la
personne humaine et sa dignité contre les atrocités
qu'entraînent les CANI en général et le conflit Kamuina
Nsapu en particulier, le DIH a prévu, à l'article 3 commun aux
quatre conventions de 1949, alinéa 2, le principe d'assistance
humanitaire. Ce principe permet d'aider et d'assister toutes les personnes
91 Idem, p.101.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
44
humaines, sans discrimination aucune, dans des situations
d'urgence par des organismes humanitaires à l'instar du CICR.
Voilà pourquoi, pour ce qui est du conflit sous examen
qui a occasionné plusieurs actes de barbaries, l'action des organismes
humanitaires est importante. En fait, le conflit qui commence en 2016 a fait
imposition d'une nécessité humanitaire urgente des organismes
internationaux. Ainsi, assiste-t-on, à la présence de plusieurs
organismes de ce genre sur terrain. Il s'agit à titre d'exemple des
institutions de l'Organisation des Nations-Unies telles que le PAM, l'UNHCR,
l'OCHA, l'UNICEF, etc.
Signalons, par ailleurs, que malgré cette assistance
humanitaire octroyée, elle ne l'est pas de manière
complète ; ceci à cause de l'insécurité dans la
région.
Vu cette situation, on déplore sérieusement les
conditions de vie dans lesquelles vivent les victimes de ces conflits. La
dignité de la personne humaine étant précieuse et
sacrée, elle n'a pas de limite, chaque personne l'a malgré son
état ou sa situation ; elle mérite pour ce faire une protection
en tout temps et en tout lieu sans discrimination aucune.
En réalité, l'abandon de ces victimes sans
assistance humanitaire représente une menace à la vie humaine et
une atteinte à la dignité de l'homme. C'est d'ailleurs une
violation des droits fondamentaux de la personne humaine. Le respect du DIH
doit être de mise.
Mais, il existe aussi un seuil d'insécurité
où il est impossible de se hasarder à effectuer une mission
d'assistance humanitaire. L'Etat devrait donc assurer la protection du
personnel humanitaire dans l'exercice de leur mission, car en tant
qu'êtres humains, ils doivent s'assurer de leur protection avant de
protéger les autres.
Il faut donc, en tout temps, associer les forces de l'ordre ou
les forces multinationales de l'ONU dans des missions humanitaires. L'on ne
cessera de regretter l'assassinat des deux experts de l'ONU dans le territoire
de Dibaya au Kasaï central.
Rassurons, toutefois, qu'en parlant de l'assistance
humanitaire dans le conflit Kamuina Nsapu, on assiste à une assistance
humanitaire restreinte de la personne humaine. Beaucoup d'efforts devront donc
être fournis pour une assistance complète. Nous faisons donc appel
à l'ONU en vue de mobiliser ses forces de maintien de la paix pour
assurer et
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
45
protéger l'acheminement de l'assistance humanitaire
dans les zones d'insécurité afin de secourir les personnes en
situation de détresse.
Toutefois, la souffrance humaine n'a pas de couleur ou de
race. L'action de l'ONU est très nécessaire.
Faire remarquer une restreinte assistance humanitaire dans les
crises du Kasaï montre à plusieurs égards que l'application
du DIH a été timide ou difficile dans ces conflits.
Dans ces conflits, s'est posé plusieurs fois le
problème du traitement humain, qui du reste n'a été
qu'illusoire. En effet, «dans le but de protéger la personne
humaine face aux conséquences des conflits armés, le DIH, impose
non seulement aux parties aux conflits, mais aussi à la population
civile une obligation relevant du bon sens ; un principe fondamental
d'humanité. L'homme étant en tout temps et en tout lieu le
même, doit être traité avec humanité en toutes
circonstances.»92
En période de conflit armé et plus
spécifiquement ceux du Kasaï, l'on devrait donc épargner, en
tout état de cause, l'homme des actes et comportements inhumains et
dégradants, du meurtre, torture, supplices et des prises d'otage, les
pillages ; en somme, autant d'actes qui choquent la conscience humaine.
Autrement dit, les belligérants doivent traiter avec humanité, en
toutes circonstances, les personnes qui ne participent pas aux
hostilités, plus encore celles qui se sont rendues, et celles
blessés, malades ou naufragés. Même si nous savons que dans
le cas du conflit Kamuina Nsapu la réalité n'est pas
celle-là, l'armée déclare ne s'intéresser qu'aux
miliciens alors que plusieurs jeunes non impliqués dans les conflits ont
perdu gratuitement la vie, plusieurs maisons ont été
pillées et même certaines personnes forcées à se
déplacer.
Encore appelées forces loyalistes, il incombe en
premier chef à celles-ci de respecter et faire respecter la personne
humaine et ses droits en toutes circonstances, de traiter humainement celle-ci
sans aucune discrimination.
Ainsi, est-il à noter que ces forces gouvernementales
ont jeté par-dessus bord l'obligation qui leur incombait : le
traitement humain de la personne humaine en tout temps et en tout lieu.
92 OLINGA D., Intervention humanitaire et souveraineté
des Etats : Les enjeux d'un débat ; in Revue Africaine de Défense
n°001, p.86.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
46
Aussi, parlant des conflits Kamuina Nsapu, et dans le souci
d'avoir une idée claire du respect de ce principe de traitement humain,
il serait utile pour nous de démontrer ce respect par les forces
gouvernementales d'une part et par les miliciens d'autre part.
§1. Par les miliciens
De par leur multiplicité et leurs intérêts
poursuivis, les miliciens, en majorité des enfants et des jeunes
analphabètes n'ont pas une culture du DIH.
C'est ainsi qu'au cours de ce conflit, il y'a eu plusieurs
morts, des biens pillés, des maisons incendiées, ... en
matière de respect du principe de traitement humain par exemple,
celles-ci ont été souvent les premières à remettre
en cause ces règles du DIH, inconsciemment. Même si, au
début du conflit, ils ne semblaient que poursuivre leur seul objectif de
déstabilisation du pouvoir politique.
En effet, dans les conflits Kamuina Nsapu, les miliciens ont
fait recours, très fréquemment et parfois de façon
systématique aux viols, tortures, mutilations des populations civiles,
incendies des maisons, etc. Ces miliciens ont outre, commis, sur une vaste
échelle, des meurtres délibérés de civils non
armés, ils ont effectué des meurtres sommaires des militaires
captifs, des arrestations arbitraires et autres attaques directes ; tout ceci
en violation de l'article 3 commun aux quatre conventions de 1949.
En plus, les miliciens ont dans la plupart des cas, d'une part
infligés des traitements horribles à certaines femmes sous
prétexte d'avoir apporté du soutien aux militaires ou
d'être de leurs ; et d'autre part, ils ont enlevé certaines femmes
et filles, et les ont forcés à fournir des faveurs sexuelles et
travaux domestiques. Le conflit avait donc perdu ses horizons initiaux.
Aussi assiste-t-on à des actes de représailles
contre les civils, de la part de ces miliciens, se traduisant par la
destruction, des infrastructures de santé, des écoles,
églises et maisons sans oublier les stocks de réserves.
De tels actes effroyables, commis en violation du DIH en
période de conflit armé, sont restés par ailleurs
impunis.
Le problème de l'impunité ou de la
répression des infractions traduit toute la pathologie du DIH en RDC, et
s'insurge à certains égards contre l'efficacité du DIH
car, la beauté du droit réside dans la sanction, dit-on.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
47
Après les atrocités survenues entre
l'armée et la milice, nous avons essayé de contacter certains
témoins, certaines victimes de la scène malheureuse qui,
jusqu'à ces jours a laissé des horreurs et plusieurs
dégâts, dus à un conflit coutumier qui a paru simple au
départ.
Visiblement, le non-respect du DIH aux Kasaïs (l'espace
grand Kasaï) est très préoccupant. Pour parler de ces
violations, nous nous sommes plus servi de la méthode d'interview et des
constats sur terrain, en recourant aussi avec intérêt à
plusieurs rapports des certains organisations non-gouvernementales (ONG) et
internationales afin d'asseoir nos affirmations, qui du reste restent
réfragables pour qui le pourrait.
Un de nos témoins interrogé à propos des
violations se confie à nous décrivant qu'il y a eu des violations
graves commises pas toutes les parties impliquées dans ledit conflit. Ce
qui laisse transparaitre en filigrane la méconnaissance ou
carrément l'ignorance par les troupes impliquées dans les
conflits du Kasaï du DIH.
En effet, il raconte à propos des miliciens : «
Ils ont provoqué un grand désordre. Ils ont commencé
à tuer des gens, ils les décapitaient avant de brûler les
têtes dans leur Tshota [leur camp, qui est aussi un lieu de
culte]. Ils ciblaient la population tout entière, n'importe qui
pouvait être tué. Ils sont arrivés avec un discours qui
disait : Nous sommes ici pour protéger la population, restez calmes.
Mais leurs actes ont montré tout le contraire.»
Certes, les miliciens, au début de ces
atrocités, donnaient l'impression d'avoir pour cibles les militaires et
les policiers, mais au fur et à mesure que la situation s'empirait, ils
sont allés jusqu'à viser tout le monde, plusieurs personnes ont
succombé sur base d'un simple soupçon.
Cette triste réalité a vu périr les
militaires s'étant rendus, les membres des familles des militaires
connus, les civils, les enfants de tout genre à partir de 8 ans qui
refusaient d'adhérer au mouvement insurrectionnel ; plusieurs autres
personnes ont déclaré que les miliciens décapitaient des
voleurs et des gens accusés de posséder des fétiches,
connus pour être la cible de la milice.
Du côté de la province du Kasaï par exemple,
plusieurs témoins déplacés et venus chercher asile
à Kananga ont rapporté avoir entendu les membres de la milice
chanter « La terre est à nous» ou encore «
Nous avons riposté contre les Tchokwe qui ont pris les armes pour
tuer les Luba », ce que nous avons pu interpréter comme une
menace contre les autres groupes ethniques.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
48
Cependant les avis différaient sur la question de
savoir si la milice ciblait aussi les civils. Si beaucoup pensaient qu'ils ne
ciblaient que les fonctionnaires, d'autres ont fait savoir par exemple que les
miliciens ne tuaient pas que les agents de l'État (fonctionnaires,
agents, militaires, policiers, etc.) ils tuaient aussi des civils. Un jeune
homme, avec amertume a dit : « Ils ont décapité mon oncle en
ma présence.»
Certains autres témoins ont déclaré
même que des habitants Luba de Kamako avaient demandé à la
milice de venir dans la localité et l'avaient assistée en leur
indiquant qui appartenait aux autres groupes ethniques, et d'après un
jeune homme, c'est ce qui explique pourquoi les miliciens ciblaient certains
civils. Les Kamuina Nsapu ciblaient les représentants de l'État
et les militaires.
Signalons tout de même que les miliciens ont rendu
l'espace kasaïen incontrôlable par l'armée
régulière, ils y ont fait la loi ; de plus, certaines personnes
en ont profité pour se régler les comptes, car il suffisait juste
d'une simple indexation pour se voir décapité ou
brûlé vif sans raison valable.
§2. Par les FARDC
Après des multiples tentatives de restauration de
l'autorité de l'Etat dans cette zone, l'armée est finalement
parvenue à battre la milice en avril 2017. C'est là que des
violations graves des règles du DIH et des droits de
l'homme93 ont commencé de se commettre par l'armée.
Plusieurs rapports ont fait état de l'utilisation d'armes lourdes et
d'exécutions aveugles d'adultes et d'enfants.
Ces violations ont inclus des attaques systématiques et
non sélectives contre des civils, des exécutions sommaires des
civils et d'autres non combattants, des arrestations et détentions
arbitraires, des disparitions, des viols, des destructions d'objets
indispensables à la survie de la population civile et des pillages.
En effet, les FARDC, dans la grande majorité des
situations, remis en cause le principe de traitement humain en
perpétrant des actes effroyables à l'encontre de la personne
humaine des exécutions des civils portant parfois la couleur rouge , des
violences sexuelles, etc.
Elles ont commis des atteintes systématiques aux droits
de la personne humaine notamment le viol des femmes, les pillages et
destruction des petits stocks de vivre, abandon des combattants malades ou
blessés ; autant
93 HCDH, août 2017, p.15.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
49
d'actes qui n'ont jamais fait progresser le DIH en
matière de protection de la personne humaine.
Le principe du traitement humain n'a pas été
respecté véritablement par les forces gouvernementales ;
reléguant ipso facto la protection de la personne humaine à
l'arrière-plan ; ceci au profit des intérêts politiques car
celles-ci ont été déterminées à ne pas
céder à la pression grandissante des forces miliciennes.
Au moment de ces attaques, pas de travail, pas de nourriture,
les populations en pleine fuite vers les zones les moins touchées. Selon
IRRI, un aide-maçon qui avait quitté la province du Kasaï,
interrogé, a expliqué pourquoi il a fui : Ce qui m'a
convaincu de partir, c'est que les militaires ont dit : « Nous tuerons les
Luba, un après l'autre. Nous commencerons par cette province, nous vous
tuerons tous. » Ce discours m'a vraiment inquiété. [...] Ils
pouvaient accuser à tort n'importe quel Luba resté à
Kamako et le tuer.
Il faut aussi signaler que les militaires qui utilisaient les
armes lourdes contre les miliciens, les utilisaient aussi contre les citoyens
paisibles qui, selon eux, étaient complices de la milice; la
particularité était portée sur les jeunes.
D'ailleurs, dans certaines localités et communes de la
ville de Kananga, la commune de Nganza, la localité Cilumba par exemple,
les militaires, toujours selon le même rapport, sont entrés pour
un recrutement forcé des jeunes, filles et garçons, qu'ils ont
utilisés à leur merci. Mais ils les ont tués, tout comme
plusieurs autres qui avaient porté la couleur rouge étaient
visés et tués. Ce qui a, par ailleurs, expliqué le
dénombrement de plusieurs fosses communes, environ 80 selon le rapport
du bureau conjoint des Nations Unies aux Droits de l'homme et de l'ONG Humans
rights watch.94
Par ailleurs, hormis les tueries, les militaires ont commis
des actes de violence sexuelle contre les femmes et les enfants. Plusieurs
témoins interrogés à propos par IRRI ont décrit et
affirmé cette triste réalité.95
Dans un entretien leur accordé par cette organisation
internationale (IRRI), un d'eux rapporte : « Les militaires sont venus
pour nous protéger. Mais à peine arrivés, ils ont
changé de mission et se sont mis à violer des femmes. Je l'ai vu
de mes propres yeux. Les militaires ont frappé à la porte de mon
ami. Ils sont entrés et l'ont menotté. Puis ils ont violé
son épouse. Il ne pouvait rien faire. J'ai assisté à la
scène. Ils étaient douze. Après l'avoir violée, ils
lui ont inséré un bout de
94 www.radiokapi.net-onflits?du-kasaï?,
consulté le 16 avril 2019, à 19h03. 95UNICEF,
Children, Victims of the Crisis in Kasai, July 2017.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
50
bois. Heureusement, elle a survécu. Ces militaires,
ils étaient fous furieux parce que la milice leur avait tenu tête.
Ils ont pillé et commis beaucoup de violences. »
A Sumbula, une cité de la province du Kasaï par
exemple, selon les Nations unies96 dans leur rapport sur les
violations des droits de l'homme au Kasaï : « les miliciens,
arrivés dans la localité bien armés et en grand nombre,
ont égorgé cinq agents de police ainsi que le chef de la
Direction Générale de Migration (DGM). La situation a
dégénéré lorsque l'armée congolaise, qui au
départ avait reculé devant la milice, a attaqué Sumbula.
Plusieurs témoignages ont confirmé qu'elle avait utilisé
des armes lourdes et tiré sans discernement.
Selon toujours cette source, un père de deux enfants a
déclaré : « Les Kamuina Nsapu ne ciblaient que les
agents de l'État et ne détruisaient rien. Mais les soldats des
FARDC, quand ils sont entrés dans le village, ils tiraient sur tout le
monde. Ils ont détruit des biens et tué beaucoup de gens. Ils ont
tué un prêtre car ils l'accusaient d'être membre de Kamuina
Nsapu. C'était une boucherie. [. .] Ils ciblaient des civils parce
qu'ils avaient besoin d'argent. Ils ont même tiré sur des gens qui
enterraient des cadavres. » De même, une jeune femme a
décrit comment elle s'est enfuie après que les militaires aient
tué son voisin : « il avait donné sa moto à la
milice - et violé une femme qu'elle connaissait sous la menace d'une
arme. » Une autre a déclaré que ses deux frères
avaient été tués par l'armée : « Ils ont
tué mes frères, qui avaient 16 et 18 ans. Ils les ont tués
devant moi, je l'ai vu. Ils les ont trouvés dans une hutte et les ont
abattus. Même quand ils ont tué mes frères, je n'ai pas eu
le droit de pleurer. Ils ont brûlé les corps à l'aide d'un
pneu. [. .] La raison de leur comportement, c'est que la population avait bien
accueilli les Kamuina Nsapu. » Donc, à bien comprendre, il
s'agissait des représailles, les militaires manifestaient leur
colère contre la population. Ils tuaient des gens chaque jour.
Cette situation, nous pouvons aussi le relever, fut une
occasion pour que des ethnies s'affrontent, c'est ainsi que, d'après une
jeune mère, l'opération militaire a aussi été
l'occasion, pour certaines milices d'autres groupes ethniques, de
représailles contre la population Luba en réponse aux agissements
des Kamuina Nsapu : Les Tchokwe ont déclaré aux militaires
que certains d'entre eux avaient été tués par les Kamuina
Nsapu. Par conséquent, les militaires se sont mis à massacrer les
Luba. J'ai vu les Tchokwe tuer des gens, mais nous ne pouvions pas rester, nous
avons dû prendre la fuite. Ils avaient des fusils de chasse et des
pistolets, tandis que l'armée utilisait des armes lourdes.
Une femme a déclaré à IRRI que tout le
monde avait quitté la localité suite à l'assaut de
l'armée : « Personne n'est restée là-bas, il
fallait que
96 Jeune Afrique, RDC : l'ONU évoque 38 nouvelles
fosses communes dans le Kasaï, 16 juillet 2017.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
51
tout le monde parte. Il y a toujours des problèmes
là-bas. Certains y sont retournés pour chercher des proches, mais
ils sont repartis à nouveau. »
Ce tableau sombre des violations des droits de l'homme et du
DIH n'est pas exhaustif. Pour ce qui nous concerne, nous pouvons nous limiter
à ces quelques descriptions des violations car nous ne saurions
répertorier tous les actes de violations.
Bref, il convient de retenir que cette situation des conflits
a provoqué plusieurs déplacements, plusieurs
réfugiés vers l'Angola, plusieurs tueries, plusieurs situations
de violences sexuelles, etc. En somme, plusieurs civils ont été
des cibles dans ces conflits, parfois avec disproportionnalité d'armes
contre les miliciens, les attaques contre les personnes qui avaient
abandonné les atrocités, ... et tout ceci a constitué des
violations du DIH.
Dans ces violations, aucune des parties engagées ne
peut rejeter la responsabilité sur une autre car, aux termes de
l'article 13 de la première Convention de Genève, toutes les
parties en présence sont tenues au respect du DIH, et selon la lettre :
« La présente Convention s'appliquera aux blessés
et malades appartenant aux catégories suivantes :
1) les membres des forces armées d'une Partie au
conflit, de même que les membres des milices et des corps de volontaires
faisant partie de ces forces armées ;
2) les membres des autres milices et les membres des autres
corps de volontaires, y compris ceux des mouvements de résistance
organisés, appartenant à une Partie au conflit et agissant en
dehors ou à l'intérieur de leur propre territoire, même si
ce territoire est occupé, pourvu que ces milices ou corps de
volontaires, y compris ces mouvements de résistance organisés,
remplissent les conditions suivantes :
a) d'avoir à leur tête une personne responsable
pour ses subordonnés ;
b) d'avoir un signe distinctif fixe et reconnaissable
à
distance ;
c) de porter ouvertement les armes ;
d) de se conformer, dans leurs opérations, aux lois et
coutumes de la guerre.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
52
3) les membres des forces armées
régulières qui se réclament d'un Gouvernement ou d'une
autorité non reconnus par la Puissance détentrice ;
4) les personnes qui suivent les forces armées sans en
faire directement partie, telles que les membres civils d'équipages
d'avions militaires, correspondants de guerre, fournisseurs, membres
d'unités de travail ou de services chargés du bien être des
militaires, à condition qu'elles en aient reçu l'autorisation des
forces armées qu'elles accompagnent ;
5) les membres des équipages, y compris les
commandants, pilotes et apprentis, de la marine marchande et les
équipages de l'aviation civile des Parties au conflit qui ne
bénéficient pas d'un traitement plus favorable en vertu d'autres
dispositions du droit international ;
6) la population d'un territoire non occupé qui,
à l'approche de l'ennemi, prend spontanément les armes pour
combattre les troupes d'invasion sans avoir eu le temps de se constituer en
forces armées régulières, si elle porte ouvertement les
armes et si elle respecte les lois et coutumes de la guerre. »
En vue de punir ces actes de violences, il sera donc juste de
recourir aux textes en la matière, car il n'y a pas eu de protections
envers les catégories des personnes protégées en DIH.
Toutefois, l'article 3 commun aux quatre conventions de
Genève dispose qu'« en cas de conflit armé ne
présentant pas un caractère international et surgissant sur le
territoire de l'une des Hautes Parties contractantes, chacune des Parties au
conflit sera tenue d'appliquer au moins les dispositions suivantes :
1) Les personnes qui ne participent pas directement aux
hostilités, y compris les membres de forces armées qui ont
déposé les armes et les personnes qui ont été mises
hors de combat par maladie, blessure, détention, ou pour toute autre
cause, seront, en toutes circonstances, traitées avec humanité,
sans aucune distinction de caractère défavorable basée sur
la race, la couleur, la religion ou la croyance, le sexe, la naissance ou la
fortune, ou tout autre critère analogue. A cet effet, sont et demeurent
prohibés, en tout temps et en tout lieu, à l'égard des
personnes mentionnées ci-dessus :
a) les atteintes portées à la vie et à
l'intégrité corporelle, notamment le meurtre sous toutes ses
formes, les mutilations, les traitements cruels, tortures et supplices ;
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
53
b) les prises d'otages ;
c) les atteintes à la dignité des personnes,
notamment les traitements humiliants et dégradants ;
d) les condamnations prononcées et les
exécutions effectuées sans un jugement préalable, rendu
par un tribunal régulièrement constitué, assorti des
garanties judiciaires reconnues comme indispensables par les peuples
civilisés.
2) Les blessés, les malades et les naufragés
seront recueillis et soignés. Un organisme humanitaire impartial, tel
que le Comité international de la Croix-Rouge, pourra offrir ses
services aux Parties au conflit. Les Parties au conflit s'efforceront, d'autre
part, de mettre en vigueur par voie d'accords spéciaux tout ou partie
des autres dispositions de la présente Convention. L'application des
dispositions qui précèdent n'aura pas d'effet sur le statut
juridique des Parties au conflit. »
Voilà pourquoi, hormis le fait que les auteurs et les
commanditaires de ces violations doivent être punis, il faut toujours
envisager quelques solutions en termes de suggestions pour le futur, en vue
d'éviter ce genre de situation.97
En effet, Tous ces manquements ont conduit à des
possibles crimes contre l'humanité dans la région du Kasaï.
Il est indispensable que les responsabilités de ces crimes
internationaux soient établies afin de prévenir que des tels
crimes ne soient commis à nouveau, aussi bien dans ces localités
que partout ailleurs dans la région ; de dissuader les acteurs
politiques et militaires de ne plus provoquer des conflits similaires dans
d'autres parties du pays et de permettre aux citoyens, surtout ceux qui
envisagent de retourner chez eux, de retrouver un niveau de confiance minimal
aux institutions de leur pays. A ce jour, malheureusement, ce point n'a connu
presqu'aucune avancée.
Section 2. Suggestions en vue de la mise oeuvre du
DIH au Kasaï Comme nous l'avons dit tantôt, les
solutions en amont sont d'une grande importance dans la prévention d'un
conflit, tels les conflits de Kamuina Nsapu.
En effet, « cette situation aurait pu être
évitée si les autorités avaient mieux géré
leur litige avec un chef coutumier. Si elles avaient opté pour le
dialogue plutôt que pour une action militaire disproportionnée, la
mobilisation de ses partisans, devenue la milice Kamuina Nsapu, n'aurait pas
97 IRRI, idem, p.30.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
54
eu l'effet dévastateur que l'on sait. Si l'armée
congolaise avait choisi des opérations ciblées au lieu d'user
d'une force brutale et sans discernement, aussi bien contre la milice mal
armée que contre les civils, de nombreux morts auraient
été évités ; si les fonctionnaires locaux et
provinciaux avaient protégé leurs citoyens au lieu d'ignorer les
assauts de la milice Bana Mura sous prétexte qu'il s'agissait
d'un conflit local et tribal, et pire encore, s'ils n'avaient pas soutenu
activement la milice, aucun des crimes supposés contre l'humanité
n'aurait pu être commis. Si la MONUSCO avait pu maintenir sa
présence dans la région, elle aurait sans doute été
capable de réagir plus vite et plus efficacement, afin de mettre en
oeuvre son mandat de protection des civils. »98
Cette situation prouve à suffisance qu'il y a eu des
nombreuses violations du DIH, et face à cet état de fait,
quelques mesures doivent s'imposer.
Nous avons regroupé ces mesures en deux groupes : les
mesures juridiques telles que la ratification des instruments internationaux
relatifs au DIH et la mise en place d'une réglementation
spéciale(A), et comme le travail de mise en oeuvre ne saurait suffire
seulement à une mesure juridique, nous avons aussi pensé à
une action politique tendant à vulgariser les instruments du DIH (B).
§1. Mesures juridiques et mise en place d'une
réglementation
spéciale
La plupart des mesures juridiques étant connues et
même déjà appliquées pour une large part, il n'est
pas toujours mal de le rappeler, car cela aiderait aussi à y
prêter attention.
Les mesures juridiques que nous pensons conseiller sinon
proposer dans le cadre de la décrispation de la crise humanitaire au
Kasaï, ce qui pourrait valoir pour toute la RDC sont :
a. Devenir partie aux traités de DIH
En devenant partie aux traités du DIH, les Etats
prennent l'engagement, selon les dispositions de l'article 1er
commun aux quatre conventions de Genève, de « respecter et faire
respecter » le DIH, chaque Etat doit être sûr que celui-ci est
respecté par tous les autres Etats.
Cela veut dire qu'en cas de violations des règles du
DIH, les Etats n'ont pas seulement le droit mais aussi le devoir d'intervenir
pour faire
98 Idem.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
55
cesser ces violations en rappelant à l'Etat fautif ses
obligations et en lui montrant que les violations dont il se rend responsable
ne sont pas tolérables99.
Rappelons qu'on ne parlera pas d'ingérence ici, il
s'agit des prérogatives reconnues à chaque Etat partie aux
conventions du DIH d'intervenir en vue de mettre fin aux violations de
celui-ci.
En pratique, en droit international, dans certaines
circonstances, il n'est pas exclu que les Etats, au moment de ratifier un
traité, limitent l'applicabilité d'une de ses dispositions en
formulant une réserve. Aux termes de la Convention de Vienne
sur le droit des traités, la réserve est une
déclaration unilatérale, quel que soit son libellé ou sa
désignation, faite par un Etat au moment où il signe, ratifie,
accepte ou approuve un traité ou même y adhère, et par
laquelle il tend à exclure ou veut modifier l'effet juridique de
certaines dispositions du traité dans leur application à cet
Etat.100
Le fait de formuler des réserves à des
traités internationaux relatifs aux droits de l'homme ou en l'occurrence
au droit humanitaire est légitime comme pour toute autre matière
en droit international. Mais ces réserves doivent respecter les
dispositions de l'article 19 de la Convention de Vienne sur le droit des
traités. Cet instrument indique que des réserves peuvent
être formulées si le traité lui-même l'autorise ou,
en cas de silence du texte sur ce point, si la réserve n'est pas
incompatible avec le but et l'objet du traité.
Qui plus est, pour que les réserves soient valides, le
droit international exige qu'une série de conditions soient remplies.
Les réserves aux instruments du DIH sont très rares. Toutefois,
dans son Observation générale n° 24(1994), le CICR a
souligné qu'«un Etat ne peut se réserver le droit de
pratiquer l'esclavage ou la torture, de soumettre des personnes à des
traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants, de les priver
arbitrairement de la vie, de les arrêter et de les détenir
arbitrairement, de dénier le droit à la liberté de
pensée, de conscience et de religion, de présumer une personne
coupable tant que son innocence n'a pas été établie,
d'exécuter des femmes enceintes ou des enfants, d'autoriser l'incitation
à la haine nationale, raciale ou religieuse, de dénier à
des personnes nubiles le droit de se marier, ou de dénier aux
minorités le droit d'avoir leur propre vie culturelle, de professer leur
propre religion ou d'employer leur propre langue».101
99 Lire avec intérêt l'article 2 commun aux quatre
conventions de Genève de 1949.
100 Lire article 2.1 de la Convention de Vienne sur le droit des
traités.
101 Observation générale n° 24(1994) sur
les questions touchant les réserves formulées au moment de la
ratification du Pacte ou des Protocoles facultatifs y relatifs ou de
l'adhésion à des instruments, ou en rapport avec des
déclarations formulées.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
56
Il n'y a point de doute que la RDC a signé et
ratifié les Conventions de Genève et leurs protocoles
additionnels102. Mais, seul le fait d'être membre ne suffit
pas, il faut au plan interne des mécanismes pouvant rendre cette
adhésion solide et mettre en application les règles auxquelles on
a adhéré. C'est ce qu'il faut à l'heure actuelle, car cela
entre en ligne de compte avec la bonne gouvernance et l'Etat de droit,
où la loi est en avant-plan de toute action.
b. La création d'un Tribunal
Spécial pour les crimes du Kasaï Ceci peut s'avérer une
mesure nécessaire en vue de réprimer les violations des crimes
commis pendant les conflits Kamuina Nsapu. S'inspirant de la situation TPIR et
TPY.
Ainsi, ce tribunal aura pour compétence de connaitre de
toutes les violations survenues au cours de ce conflit et de juger toute
personne qui serait impliquée ou supposée impliquée dans
ces conflits. Le législateur devra donc lui donner une compétence
territoriale sur toute la province du Grand Kasaï, définir les
infractions dans les conflits du Kasaï telles que prévues dans les
Conventions de Genève et les protocoles additionnels.
Partant de l'idée que la sanction fait partie
intégrante de toute logique juridique cohérente et que, la menace
de sanctionner est un élément dissuasif, le DIH a consacré
une grande place à la répression des infractions aux droits
humains en situation de conflit armé qui, depuis l'adoption des
conventions de Genève, relevait de la compétence exclusive de
l'Etat. Alors que celle-ci s'est avérée par la suite
insatisfaisante pour la communauté internationale, il fallut
l'institution des juridictions pénales internationales pour juger les
crimes de guerre, tels les TPIY et TPIR.
La création de cette institution pourrait
découler d'un accord entre Etats sous forme de traité
international à vocation universelle ou d'une décision du Conseil
de Sécurité comme cela a été notamment le cas pour
le Tribunal pénal international pour juger des personnes sur le
territoire de l'ex-Yougoslavie depuis le 1er janvier 1991 par sa
résolution 827 de 1993 et pour la création du TPIR par sa
résolution 955 en 1994.
Faudra-t-il rassurer que la création d'un tribunal du
genre sera d'une grande importance dans la mise en oeuvre réelle de
l'obligation de
102 28 août 1963, date à laquelle la Croix Rouge
de la RDC a été admise comme membre de Fédération
Internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant
rouge (FICR)
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
57
l'Etat de punir les crimes commis contre ses sujets, et par
ricochet pour le respect du DIH.
C'est ainsi que, par la création de deux tribunaux
(TPIR et TPY), suivis de la création d'une cour pénale
internationale en 1998, la communauté internationale a manifesté
une réelle détermination dans la répression des crimes et
a contribué, du moins par sa volonté manifeste de le faire,
à mettre fin à l'impunité des criminels de guerre.
En effet, notons tout de même que depuis 2016, le
Kasaï sombre dans des conflits et crises humanitaires multiformes
caractérisés par des graves atrocités et violations
humanitaires commises en toute impunité.
Alors, face à des telles violations et tels actes
effroyables menaçant la paix et la sécurité nationale et
internationale, et en dépit du besoin de répression et de
justice, l'impunité règne et des auteurs sont libres.
Voilà pourquoi l'institution d'un tribunal spécialisé au
Kasaï est plus que nécessaire.
Pour pouvoir réprimer un comportement criminel, il faut
que ce dernier soit défini en droit, c'est d'ailleurs un principe
sacro-saint en droit criminel ou droit pénal qui dit qu'il n'existe
aucune infraction ni aucune peine sans loi. Ajoutons à ce principe les
dispositions du code pénal congolais qui dit que nul ne peut être
arrêté ni condamné pour un comportement qui ne constituait
pas une infraction au moment de sa commission.103
C'est ainsi que, nous fondant sur ces principes nous pouvons
à titre d'exemple citer comme infractionnels certains actes
précis qui sont énumérés dans les conventions de
Genève et dans le protocole additionnel I.
Constituent des infractions graves aux Conventions de
Genève :
L'homicide intentionnel ;
la torture ou les traitements inhumains, y compris les
expériences biologiques ;
le fait de causer intentionnellement de grandes souffrances ou
porter des atteintes graves à l'intégrité physique ou
à la santé ;
la destruction et l'appropriation de biens non
justifiées par des nécessités militaires et
exécutées sur une grande échelle de façon illicite
et arbitraire ;
103Lire article 1er du Code pénal
congolais, décret du 30 janvier 1940 tel que modifié et
complété à ce jour, J.O.,
45ème année,
numéro spécial, 3O novembre 2004.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
58
le fait de contraindre un prisonnier de guerre à servir
dans les forces armées de la Puissance ennemie ; le fait de priver un
prisonnier de guerre de son droit d'être jugé
régulièrement et impartialement ; la déportation ou les
transferts illégaux ; la détention illégale ;
la prise d'otages etc.
Constituent des infractions graves au Protocole I de 1977 les
actes suivants quand ils sont commis intentionnellement, en violation des
dispositions pertinentes du Protocole, et qu'ils entrainent la mort ou causent
des atteintes graves a` l'intégrité physique ou à la
santé, il s'agit de :
soumettre la population civile ou des personnes civiles
à une attaque ;
lancer une attaque sans discrimination atteignant la
population civile ou des biens de caractère civil, en sachant que cette
attaque causera des pertes en vies humaines, des blessures aux personnes
civiles ou des dommages aux biens de caractère civil ;
lancer une attaque contre des ouvrages ou installations
contenant des forces dangereuses, en sachant que cette attaque causera des
perte sen vies humaines, des blessures aux personnes civiles ou des dommages
aux biens de caractère civil ;
soumettre à une attaque des localités non
défendues et des zones démilitarisées ;
soumettre une personne à une attaque en la sachant hors
de combat ;
utiliser perfidement le signe distinctif de la Croix-Rouge ou
du croissant-rouge ou d'autres signes protecteurs reconnus par les Conventions
ou par le Protocole.
Sont aussi considérées comme des infractions
graves au Protocole I de 1977 :
le transfert par la Puissance occupante d'une partie de sa
population civile dans le territoire qu'elle occupe, ou la déportation
ou le transfert à l'intérieur ou hors territoire occupé de
la totalité ou d'une partie de la population de ce territoire, en
violation de l'article 49 de la IVème Convention ;
tout retard injustifié dans le rapatriement des
prisonniers de guerre ou des civils ;
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
59
les pratiques de l'apartheid et les autres pratiques
inhumaines et dégradantes, fondées sur la discrimination raciale,
qui donnent lieu à des outrages à la dignité personnelle
;
le fait de diriger des attaques contre les monuments
historiques, les oeuvres d'art ou les lieux de culte clairement reconnus qui
constituent le patrimoine culturel ou spirituel des peuples et auxquels une
protection spéciale a été accordée en vertu d'un
arrangement particulier ;
le fait de priver une personne protégée par les
Conventions ou visée au paragraphe 2 de l'article 85 du Protocole I de
son droit d'être jugée régulièrement et
impartialement.
Les atteintes à la santé et
l'intégrité physiques ou mentales des personnes au pouvoir de la
Partie adverse ou internées, détenues ou d'une autre
manière privées de liberté en raison d'une situation
visée à l'article premier ; celles-ci ne doivent être
compromises par aucun acte ni aucune omission injustifiés.
Il est en particulier interdit de pratiquer sur les personnes
citées ci-haut, même avec leur consentement :
des mutilations physiques
des expériences médicales ou scientifiques des
prélèvements de tissus ou d'organes pour des transplantations,
sauf si ces actes sont justifiés dans les conditions prévues par
le Protocole I.
Nous pouvons aussi ajouter à cette brève
énumération les faits infractionnels de la compétence de
la Cour Pénale Internationale (CPI).104 Il s'agit des :
Crime de génocide ;
Crimes contre l'humanité ;
Crimes de guerre ; Actes d'agression.
104 Il s'agit d'un tribunal permanent avec une
compétence globale pour juger les individus inculpés des
violations les plus graves. Son Statut a été adopte' le 17
juillet 1998. Elle a pleine compétence à l'égard des
crimes de guerre commis pendant des conflits armés, tant internationaux
que nationaux. Les crimes de guerre retenus par le statut de la Cour
pénale internationale sont définis en son article 8. A la
différence de la Cour Internationale de Justice, dont la juridiction est
réservée aux Etats, elle aura la capacité d'inculper les
individus. A la différence des tribunaux de guerres du Rwanda et de
l'ex-Yougoslavie, sa compétence ne sera limitée ni
temporellement, ni géographiquement.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
60
Ces actes étant commis, les personnes qui doivent
être tenues pour responsables sont celles qui les ont commis
elles-mêmes, y compris leur abstention d'agir pour les empêcher,
mais aussi celles qui ont donné l'ordre de les commettre.
Pour mener à bien cette action, il faut rechercher les
auteurs ainsi que les personnes qui sont soupçonnées d'avoir
commis des tels actes, les traduire en justice ; mais il faut aussi dans la
mesure du possible créer des partenariats judiciaires ou une entraide
judiciaire avec d'autres Etats en vue de cette recherche.
c. Prendre des mesures d'application des
traités du DIH à l'interne
Les traités du DIH obligent les Etats à adopter
une série de mesures d'application au sens large. Ces mesures
répondent à la nécessité de traduire le DIH dans la
législation nationale, les procédures, la doctrine ; introduire
l'enseignement du DIH dans le programme d'enseignements à partir de
l'école primaire jusqu'à l'université dans toutes les
filières d'études ; cela aiderait à éviter des
conflits et par ricochet des effets néfastes des conflits
armés.
Le DIH, rappelons-le, régit la conduite des actes
à poser pendant un conflit armé. Ce qui n'est pas toujours facile
à faire, transformer les dispositions en actes. C'est alors que pour
qu'il soit pleinement respecté, ce que nous souhaitons, il faut que ceux
qui sont impliqués dans les conflits armés en connaissent la
teneur et les principes fondamentaux afin de les intégrer dans leur
comportement. C'est pourquoi il s'avère important que tout membre des
forces armées et de la police nationale reçoive une formation en
DIH.
Les militaires et les policiers, quels que soient leur rang ou
leur fonction, doivent participer à telle formation. Ils doivent suivre
des cours en la matière. Il faut que les principes fondamentaux du DIH
fassent partie intégrante des codes et des doctrines militaires. Aussi,
l'un des meilleurs moyens de former les troupes au DIH est d'intégrer
dans leurs manoeuvres, au cours de leur formation, une « dimension
humanitaire » afin que, confrontés à des situations du
DIH, ils sachent les gérer sur base des règles humanitaires.
Nous pourrons aussi aller plus loin, en faisant un plaidoyer
pour la formation des conseillers juridiques en DIH en temps de paix afin
d'être disponibles lors de conflits pour conseiller le commandement
militaire quant à l'application des règles du DIH. La
présence de tels experts est nécessaire au vu de la
complexité croissante de cette branche du droit.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
61
Nous faisons un plaidoyer ici en vue de la création
d'une commission provinciale de mise en oeuvre du DIH dans le grand Kasaï,
n'empêche si, pour besoin de protection de tous les citoyens, cette
commission fasse extension dans d'autres provinces touchées
également par les effets des conflits armés comme à l'est
du pays.
La mise en oeuvre du DIH est un travail très lourd,
elle nécessite des efforts constants qui durent dans le temps. C'est
pourquoi de nombreux Etats ont créé des commissions
nationales de mise en oeuvre du DIH. Et à l'instar de ces
commissions nationales, pour assurer une protection de plus près des
victimes, qu'il soit créé une commission provinciale comme nous
l'avons suggéré tantôt.
De quoi peut-il s'agir en fait ?
Il s'agira donc d'un groupe de travail interministériel
qui conseille et aide le Gouvernement provincial dans la mise en oeuvre, la
diffusion et l'application effective du DIH.
Il n'est fait aucune obligation aux Etats de créer une
telle commission, et si tel est le cas, l'on se demandera à propos de la
valeur juridique d'une telle commission en province.
En effet, selon les dispositions de l'article
10105, sa mise en place répondrait à plusieurs besoins
dont certains sont les suivants :
? Assurer une coordination
interministérielle
La mise en oeuvre du DIH implique souvent des
ministères différents, que ce soit ceux de la défense, de
la sante' ou de la justice. Si ces ministères ne se coordonnent pas,
elle risque d'être désordonnée et plus longue, alors qu'on
a besoin des résultats pratiques et concrets, sinon immédiats
dans la protection des victimes des conflits armés. La création
d'une commission provinciale pouvant enquêter sur les violations du DIH
permet d'établir un agenda et des priorités, répertorier
les violations et suivre les cas des victimes.
? Garantir une action de protection de longue
durée
La création d'une Commission provinciale de mise en
oeuvre, dotée d'une mémoire institutionnelle, est le meilleur
moyen pour que le travail de mise en conformité du droit national soit
continu et cohérent.
105 Lire avec intérêt l'article 10 de la
1ère Convention de Genève pour l'amélioration du sort des
blessés et des malades, 1949, p.40.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
62
Il n'y a pas de règle précise sur la
manière dont doit être constituée une commission
provinciale de mise en oeuvre, même si l'on peut se référer
à une commission nationale pour ce faire, et remarquer que le cas serait
le même.
On peut d'ailleurs retrouver de telles commissions sous de
nombreux noms différents ; par exemple : commission provinciale
interministérielle pour la mise en oeuvre du DIH, commission provinciale
du droit humanitaire, commission provinciale de suivi des violations du DIH,...
tout dépendra de la dénomination que pourrait lui donner
l'autorité, mais l'essentiel est qu'elle puisse conseiller et aider
efficacement le Gouvernement à assurer la mise en oeuvre, notamment en
étant en mesure d'évaluer les besoins et de soumettre des
recommandations, rechercher des auteurs des violations pendant les conflits,
les déférer devant la justice ; l'assistance judiciaire et
sociale des victimes de la guerre. Bref, il s'agira d'accorder à une
telle commission un rôle non négligeable dans la diffusion, la
protection et la mise en oeuvre du DIH.
Un des plus sûrs moyens d'assurer le bon fonctionnement
de la commission provinciale de mise en oeuvre est de s'assurer qu'elle est
composée de personnes compétentes : représentants des
ministères concernés, militaires, spécialistes du droit
international humanitaire, membres de la Société nationale de la
Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge en province.
Il est, en outre, important que la commission provinciale pour
ce faire, jouisse d'un statut permanent afin d'être à même
d'effectuer son travail dans la durée.
§2. Une action politique nécessaire
Parler d'une action politique ici renverrait à ce que
l'opinion a toujours dit de volonté politique nécessaire à
cette fin. Nous ne pouvons pas le négliger, étant donné
qu'il s'agit d'un point très important dans la mise en oeuvre du DIH :
il nécessite un réel engagement des acteurs politiques, eux qui
sont les gestionnaires des cités dans lesquelles vivent les populations
civiles et militaires qui sont exposées aux effets néfastes des
conflits armés.
Il est donc urgent de démontrer le rôle de
premier plan des parlementaires, au niveau tant national que provincial, car
ces derniers représentent les populations qui les ont élus et
contrôlent les actions du gouvernement et in spece casu, dans la mise en
oeuvre du DIH.
Ils sont donc appelés, surtout localement à
prendre des mesures urgentes, à prendre des lois (édits) et
d'assurer leur application par les membres du gouvernement.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
63
Les actions politiques doivent être entendues comme des
mesures plus pratiques dans cette mise en oeuvre. Quand on parle des actions
concrètes, on voit des actions qui nécessitent des efforts
réels.
Nous ne pouvons cesser de le dire et de le rappeler, la mise
en oeuvre du DIH est une mission régalienne, qui incombe au premier chef
aux Etats, et ce, par le biais de ses acteurs politiques.
Cette responsabilité est en harmonie avec l'article 1er
commun aux Conventions de Genève. Par cette obligation, ils doivent
prendre diverses mesures législatives et pratiques pour assurer le
respect des règles du DIH.
Parmi les mesures pratiques à prendre, nous pouvons
suggérer entre autres :
La formation continue des forces armées et des forces
de police au DIH, mesure très indispensable auprès des personnes
qui sont réputées commettre des violations ;
La Sensibilisation de la population au DIH : il est toujours
indispensable que les règles du DIH soient connues non seulement de ceux
qui doivent les appliquer (les parties aux conflits) le plus directement, mais
aussi de l'ensemble de la population.
La diffusion des règles du DIH auprès des
fonctionnaires et responsables gouvernementaux ;
La diffusion du DIH dans les milieux académiques et des
écoles, primaires et secondaires ;
L'instruction au DIH dans des milieux médicaux ;
La diffusion du DIH sur les médias notamment la
télévision et la radio ;
La diffusion par des panneaux publicitaires, des affiches, des
banderoles publicitaires sur des places publiques ;
La vulgarisation du DIH notamment en la traduction des
différents instruments y relatifs en langues nationales, la diffusion
par des théâtres, etc.
Toutes ces mesures suggérées, rappelons-le, ne
sont pas suffisantes pour parvenir à une mise oeuvre effective du DIH ;
néanmoins, elles contribueraient dans la mesure du possible en cas de
leur mise en place, à éviter, sinon réduire, à tout
le moins, les effets néfastes de la guerre.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
64
CONCLUSION
Il serait biaisé de prétendre conclure à
un travail scientifique, surtout dans un domaine tentaculaire comme le Droit
humanitaire, car nous-même, avons fait un plaidoyer en vue de la mise
à jour de ce droit en rapport avec son adaptation à certains
types de conflits non classiques, et certaines suggestions en vue de sa mise en
oeuvre surtout au niveau provincial.
Les conflits Kamuina Nsapu qui ont commencé depuis 2016
et ont pris fin en 2018 comptent parmi les conflits les plus meurtriers de
l'histoire du grand Kasaï, laissant plusieurs retombées
néfastes dont des déplacés internes, des
réfugiés en Angola, des milliers des morts, des viols des femmes
et enfants, l'utilisation des enfants dans la milice... et une crise
humanitaire de grande taille. Bref, une situation qui a préoccupé
plus d'un.
Or, l'on sait que des telles situations sont un moment de
prédilection pour ceux qui aiment fouler les lois aux pieds. Et comme
l'on ne peut se hasarder de prétendre à l'affirmation du
non-respect du DIH en pareilles situations, nous nous sommes posé la
question de savoir si le DIH était respecté avant tout examen au
fond. C'est donc tout ceci qui a motivé notre penchant vers la
présente recherche dont nous avons exposé le contenu dans plus de
50 pages de notre dissertation.
En vue de rendre efficace la mise en oeuvre du Droit
humanitaire, il serait aussi important de traiter de la notion
d'ingérence humanitaire, notion non traitée dans le
présent travail.
En effet, l'ingérence humanitaire en politique
internationale
est apparue durant la guerre du Biafra (1967-1970).
Ce conflit a créé une crise épouvantable, crise qui fut
largement couverte par médias occidentaux mais totalement ignorée
par les chefs d'Etats et des gouvernements au nom de la neutralité et de
la non-ingérence.106
Cette situation a entrainé la création d'ONG
telle que Médecins sans frontières qui défendent
l'idée que certaines situations de crise, qui mettent en jeu la vie
humaine, peuvent justifier la mise en cause de la souveraineté d'un
Etat, et cela en cas des violations graves comme les crimes de guerre, les
crimes contre l'humanité, les crimes de génocide, etc. Alors, le
concept fut théorisé à la fin des années 1980 par
le professeur de Droit Mario Bettati et l'homme politique Bernard Kouchner.
106 FERNANDO T. et Bas Van der Vossen, Debating
humanitarian intervention. Should we try to save strangers ?, Oxford
University Press, 2007.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
65
Mais la doctrine ne fit pas l'unanimité. Ses
défenseurs la
justifient principalement au nom d'une morale d'urgence :
« on ne peut pas laisser les gens mourir.» Elle puise son fondement
de la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948.
«L'ingérence n'est donc légitime que lorsqu'elle est
motivée par une violation massive des droits de l'homme et qu'elle est
encadrée par une instance supranationale et principalement le Conseil de
sécurité des nations unies.»107 Les
négateurs de cette théorie mettent en avant la
souveraineté de l'Etat qui implique la non-ingérence dans les
affaires intérieures d'un Etat.
Cette notion a donné naissance à deux situations
: le droit d'ingérence et le devoir
d'ingérence.
Le droit d'ingérence est donc à comprendre comme
une
reconnaissance du droit qu'ont une ou plusieurs nations de
violer la souveraineté nationale d'un Etat dans le cadre du mandat
accordé par le Conseil de sécurité, au nom de l'urgence
humanitaire.
Quant au devoir d'ingérence, il est une obligation faite
aux
à tout Etat de veiller à faire respecter le DIH.
C'est une façon d'interdire aux Etats l'indifférence. Chaque Etat
est responsable de la protection de l'humanité.
Pour clore, par ce travail, nous souhaitons donc une
diffusion des grands principes du DIH, car nous pensons qu'il
a aussi un caractère pédagogique. Nous souhaitons l'implication
de tous les acteurs sociaux de protection des droits de l'homme dans la
vulgarisation du DIH. Cela aiderait efficacement à implanter la culture
humanitaire dans la mentalité congolaise et Kasaïenne.
Une oeuvre scientifique n'est jamais achevée, l'on peut
l'actualiser, la compléter et même l'approfondir.
Voilà pourquoi, ce travail restera ouvert à toutes remarques et
critiques des lecteurs.
107 FERNANDO T. et Bas Van der, Op.cit., p. 19.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
66
BIBLIOGRAPHIE
I. TEXTES JURIDIQUES
A. Textes juridiques internationaux
1. CICR, Convention de Genève de 1949,
Genève, mai 2010.
2. CICR, Protocoles additionnels aux Conventions de
Genève du 12 août 1949 (I et II), Genève, mai 2010.
3. Convention de Vienne sur le droit des traités de
1965.
4. Statuts du Mouvement international de la Croix-Rouge et du
Croissant-Rouge.
B. Textes juridiques internes
1. Constitution de la République démocratique
du Congo, J.O., 52ème année, numéro
spécial, Kinshasa, 5 février 2011.
2. Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal
congolais tel que modifié et complété à ce jour,
J.O., 45ème année, numéro spécial, 3O
novembre 2004.
II. OUVRAGES
A. Ouvrages généraux
1. BLALOCK H., Introduction à la recherche
sociale, Duculot, Gembloux, 1973.
2. COHENDET M.A., Droit public. Méthodes de
travail, 3ème édition, Montchrestien, Paris, 1998.
3. CORTEN O., Méthodologie du droit international
public, édition de l'Université de Bruxelles, Bruxelles,
2009.
4. FRAGNIERE J.-P., Comment réussir un
mémoire, 4ème éd., Dunod, Paris, 2009.
5. GRAWITZ, Méthodes de sciences sociales,
septième édition, Dalloz, Paris, 1986.
6. LADEGAILLERIE V., Lexique des termes juridiques,
Anaxagora, collection numérique, 12 novembre 2018.
7. NDAMA G. et MASILA P., Rédaction et
présentation d'un travail scientifique, Ed. Enfance et paix,
Kinshasa, 1993.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
67
8. SHOMBA KINYAMBA S., Méthodologie et
épistémologie de la recherche scientifique, Presse de
l'Université de Kinshasa, Kinshasa, 2016.
B. Ouvrages spécifiques
1. CICR, Droit international humanitaire coutumier, par
Jean-Marie
Henckaerts et Louise Doswald-Beck, Les éditions
juridiques Bruylant, 2006.
2. CICR, Droit international humanitaire. Guide à
l'usage du parlementaire n°25, Genève, 2016.
3. CICR, Droit international humanitaire. Réponses
à vos questions, Genève, 2003.
4. EIDE A., Troubles et tensions intérieurs, les
dimensions internationales du droit humanitaire, Unesco, Paris, 1986.
5. GASSER H.-P., Belligerent Occupation, The Handbook of
Humanitarian Law in Armed Conflicts, éd. D.Fleck, Oxford
University, Oxford, 1995.
6. KALINDYE BYANJIRA D. et KAMBALE BIRA'MBOVOTE D.,
Précis de la méthodologie en droit de l'homme
et droit international humanitaire, L'Harmattan, Paris, 2018.
7. MOIR L., The Law of Internal Armed Conflict,
Cambridge University Press, Cambridge, 2002.
8. Nations Unies, la protection juridique internationale des
droits de l'homme dans les conflits armés, New York et
Genève, 2011.
9. SCHINDLER D., International Humanitarian Law and
Internationalized Internal Armed Conflicts, International Review of the Red
Cross, 1982.
10. VITE S., Typologie des conflits armés en droit
international humanitaire : concepts juridiques et réalités,
2016.
III. ARTICLES DES REVUES
1. International Refugee Rights Initiative, Conflit et
déplacement au Kasaï, janvier 2018.
2. Jeune Afrique, RDC : l'ONU évoque 38 nouvelles
fosses communes dans le Kasaï, 16 juillet 2017.
3. OLINGA D., Intervention humanitaire et
souveraineté des Etats : Les enjeux d'un débat ; in Revue
Africaine de Défense n°001, 2006.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
68
4. SCHÖNDORF R.S., «Extra-State Armed Conflicts:
Is there a Need for a New Legal Regime?» in New York University
Journal of International Law and Politics, Vol. 37, N° 1, 2004.
5. UNICEF, Children, Victims of the Crisis in
Kasai, July 2017.
IV. RAPPORTS OFFICIELS
1. Note du Secrétaire général des
Nations Unies : Situation des droits de l'homme dans les territoires
palestiniens occupés depuis 1967, UN Doc. A/61/470, 27 septembre
2006.
2. Observation générale n° 24(1994) sur
les questions touchant les réserves formulées au moment de la
ratification du Pacte ou des Protocoles facultatifs y relatifs ou de
l'adhésion à des instruments, ou en rapport avec des
déclarations formulées.
V. MEMOIRE
NOUWEZEM S.S., L'application des règles du Droit
international humanitaire dans les conflits en Afrique : étude des cas
ivoirien et congolais (RDC), Mémoire de recherche pour l'obtention
du diplôme d'université de 3ème cycle, Université de
Nantes, Université Paris II Panthéon Assas, Université
Paris X Nanterre, Université Paris XII Val-de-Marne, 2003-2004.
VI. COURS
1. KAMUKUNY MUKINAY, Droit constitutionnel
congolais, cours polycopié à l'usage des étudiants de
deuxième graduat, U.KA., 2014-2015, inédit.
2. KANDE R., Droit humanitaire, cours à
l'intention des étudiants de L1 droit, U.KA., 2017-2018,
inédit.
VII. JURISPRUDENCE
1. TPIY, Affaire Tadic, Arrêt relatif à
l'appel de la défense concernant l'exception préjudicielle
d'incompétence, 2 octobre 1995.
2. TIPR, chambre de première instance I, 2
septembre 1998, Procureur C/J.P. Akayesu, affaire N° ICTR964T.
3. TPIR, Affaire Rutaganda, Jugement du 6
décembre 1999.
VIII. INTERNET
1.
http://www.gisha.org/UserFiles/File/Report%20for%20the%20
we bsite.pdf
2. www.radiookapi.net-conflits-du-kasai
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
69
Table des matières
EPIGRAPHE I
DEDICACE II
REMERCIEMENTS III
INTRODUCTION 1
A. PROBLEMATIQUE 7
B. HYPOTHESE 8
C. INTERET DU SUJET 10
D. METHODES ET TECHNIQUES 12
E. DELIMITATION DU SUJET 14
F. ANNONCE DU PLAN 14
G. PLAN 15
CHAPITRE I. LE CADRE JURIDIQUE DU DIH 16
Section I. Le droit régissant les Conflits armés
16
§1. Régime juridique des CAI 26
§2. Le régime juridique des CANI 27
Section 2. Situation des conflits du Kasaï ou conflit
Kamuina Nsapu en DIH
36
§1. L'intensité du conflit 37
§2. Le niveau d'organisation des parties 38
§3. Le mobile des parties 39
CHAPITRE
II. LA MISE EN OEUVRE DU DIH DANS LES CONFLITS
DU
KASAI 40
Section 1. Une mise en oeuvre pathologique du DIH pendant les
conflits du
Kasaï 42
§1. Par les miliciens 46
§2. Par les FARDC 48
Section 2. Suggestions en vue de la mise oeuvre du DIH au
Kasaï 53
§1. Mesures juridiques et mise en place d'une
réglementation spéciale 54
§2. Une action politique nécessaire 62
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
70
CONCLUSION 64
BIBLIOGRAPHIE 66
Table des matières 69
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