CHAPITRE
I :
CADRE
THEORIQUE DE LA RELATION ENTRE
LE
CAPITAL HUMAIN ET LA TRANSFORMATION STRUCTURELLE
INTRODUCTION
Les controverses autour de la croissance
économique des pays de l'Afrique subsaharienne et le retard du
développement économique et social qui en résulte ont
été les conséquences d'une insuffisance de la
transformation des structures de ses économies. Kuznets(1979), dans son
travail sur la transformation structurelle mentionne qu'il est impossible
d'obtenir un taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) par
tête en terme réel sans toutefois enregistrer des changements
substantiels dans de nombreux secteurs de l'activité économique.
Cette thèse fut vérifiée dans les décennies 80 avec
l'échec des politiques structurelles adoptées par les
états africains suite à un essoufflement de la dynamique de
croissance des pays Africains, un creusement des grands
déséquilibres macroéconomiques et un éclatement de
la crise de la dette le tout avec une demande intérieure grandissante.
Ces déséquilibres sont les manifestations d'une crise plus
profonde qui trouve ses origines dans l'incapacité de ces
économies à favoriser une croissance à long terme de la
productivité et de leur compétitivité tout en adoptant des
politiques d'import-substitution.
Force est de constater d'après les
statistiques que la structure productive des économies africaines a
bien peu évolué au cours des vingt dernières
années, la croissance de la richesse a été principalement
tirée par les exportations de produits de base et l'industrialisation
est restée en retrait (McMillan et al, 2014).Certains auteurs comme
Rodrick et al(2007) parlent même d'une désindustrialisation
prématurée, compte tenue de la place qu'occupe l'ASS en amont de
la chaîne de valeur mondial dans les exportations des produits de base et
à faible intensité technologique. La part de l'Afrique
subsaharienne dans les exportations mondiales de marchandises en moyenne a
baissé en valeur de 6,3 % à 2,5 % entre 1980-2002 (CNUCED). Sa
part d'articles manufacturés de même, qu'il détenait dans
les exportations totales de marchandises des pays en développement en
moyenne à chuter de 20% à presque 7,9% durant la même
période, soit quasiment un tiers de sa valeur moyenne de 1986(CNUCED).
Comparée à la région en développement d'Asie qui a
obtenu de bons résultats moyens en ce qui concerne les exportations
totales de marchandises et d'articles manufacturés, sa part des
exportations mondiales de marchandises est passé de 18 % en 1985
à 22 % en 2012 et celle qu'elle détenait dans les exportations
totales de marchandises des pays en développement de presque 60 %
à 72 % dans la même période (CNUCED). De même, sa
part dans le commerce mondial d'articles manufacturés a triplé
pour atteindre 22,5 % en 2010 ses chiffres moyens ont doublés
d'après la CNUCED. Dans le cas de l'Afrique subsaharienne ses
performances peuvent en partie être expliquées par un niveau
insuffisant de diversification de l'appareil
productif et de la sophistication de ses exportations qui
résument une profonde transformation structurelle d'un pays. Le secteur
industriel qui représente le socle de la transformation structurelle est
resté statique à raison de 12% à 11% entre 1980 à
2013(CNUCED 2014).
Avec le passages des OMD aux ODD le rôle
central des agents économiques mis en exergue comme principal moteur
d'un développement durable fait indique clairement que la lenteur de la
transformation structurelle de la région d'ASS est due en majeur partie
à son faible niveau de capital humain malgré le relèvement
de son taux de croissance moyen ces sept(07) dernières années.
L'indice de développement humain de l'ASS en général
s'élève 0,4 (estimations du PNUD) un niveau très faible
comparé à celui des pays développés qui en moyenne
est de 0,7(estimation du PNUD). Cette prise en compte des agents
économiques au centre des processus de développement est une
condition préalable pour le développement de tous les pays du
monde. Plusieurs facteurs permettent d'actionner la transformation
structurelle mais dans le cadre de ce travail il nous revient de ressortir
l'influence du capital humain sur la transformation structurelle pouvant
conduire à un développement durable. Pour ce fait, ce chapitre
traite d'une analyse théorique de nos deux concepts à savoir le
capital humain et la transformation structurelle. Donc il se subdivise en deux
sections, la première section porte sur la présentation du cadre
théorique de la transformation structurelle dans son ensemble, puis la
seconde section celui du concept capital humain en appréhension de
toutes ses dimensions constitutives.
Section 1. Cadre théorique
du concept de la transformation structurelle.
La transformation structurelle est sujet central
dans le contexte de l'économie du développement suscitant de nos
jours un intérêt central dans tout processus de
développement d'une économie. Dans cette section nous
présenter la transformation structurelle à travers toutes ses
dimensions afin de mieux l'appréhender dans la suite de notre
étude. En cela nous allons d'abord définir la transformation
structurelle ensuite, énumérer les différentes dimensions
représentant au mieux ce concept dans l'économie du
développement.
2.1. Définition et évolution de la
transformation structurelle
Depuis une quinzaine d'années, la
transformation structurelle est redevenue une thématique centrale pour
les institutions internationales et un objet d'étude pour les
économistes du développement (Hidalgo; Rodrik, et al, 2007),
ainsi que pour les pays recherche de développement durable. Bien qu'elle
fut reléguée au second plan des débats académiques
et stratégiques qui, à partir des années quatre-vingt, ont
porté leur attention sur les problématiques financières et
les objectifs de croissance.
De ce fait, la transformation structurelle se
définit comme la réorientation de l'activité
économique des secteurs les moins productifs vers les secteurs plus
productifs (McMillan et Rodrick, 2013). Le rapport sur les Perspectives
Économiques en Afrique (2011) décrit la
transformation
structurelle comme la réallocation de l'activité
économique des secteurs à faible productivité vers ceux
où elle est plus forte, permettant ainsi de maintenir une croissance
forte, durable et inclusive. C'est en général la modification de
la structure d'une économie afin que celle-ci soit résiliente
face aux différents chocs aléatoires (staaz 2010). Elle insinue
une croissance soutenue de l'agriculture en terme de valeur malgré une
baisse de la part de ce secteur dans le PIB global et l'emploi de la main
d'oeuvre, l'accélération du processus
d'urbanisation appuyée par l'exode rural, l'émergence d'une
économie moderne industrielle et des services et une
évolution de la démographie qui passe des taux
élevés à des taux de natalité et de
mortalité faibles qu'il s'agisse des conditions de transfert du surplus
de main d'oeuvre d'un secteur traditionnel vers un secteur moderne (Lewis,
1954) ou des déterminants spécifiques des trajectoires
d'industrialisation et de modernisation économique de long terme dans
les pays en retard de développement (Chenery et Taylor, 1968 ; Kuznets,
1966).
La transformation structurelle depuis son
élaboration a communément évolué dans ce sens que
pour les premiers auteurs structuralistes la modification de la structure
économique se limitait à la structure productive d'une
économie, caractérisée par l'emploi dans le secteur
agraire et le secteur moderne, la valeur ajoutée sectoriel (Lewis, et al
1955). Mais avec la modernisation du commerce, la forte concurrence et la
compétitivité accrue, ainsi que l'intégration
régionale plusieurs aspects échappant à ses mesures
primaires ont été perçue comme ne reflétant pas
toutes les dimensions de la transformation structurelle. Dans la
littérature contemporaine, la transformation structurelle est
décrite par le niveau de diversification et de sophistication des
économies. D'où, la diversification et la sophistication des
exportations se sont imposées comme indicateurs complets de la
transformation structurelle en se basant sur la théorie des
capacités (Hausman, hidalgo et al 2000). Cette approche insinue que la
composition de la production et de l'emploi fournit un bon aperçu de la
structure globale d'une économie où les exportations
correspondent à la partie du système productif entièrement
soumise à la concurrence internationale. En d'autres termes, en
reflétant les avantages comparatifs, les exportations démontrent
bien la capacité d'un pays à valoriser son système
productif sur les marchés internationaux (Théorie des
capacités).
Mais récemment d'après les analyses
de quelques auteurs structuralistes, qui avancent que certaines
économies parviennent à entrer dans un cercle vertueux de
transformation alors que d'autres se diversifient vers des produits
isolés rendant plus difficiles de nouvelles diversifications et par
conséquent la modification de leur structure. Alors que McMillan et
Rodrik (2011) décrivent la mauvaise diversification comme celle
s'effectuant vers des productions à faible productivité, ou vers
des produits moins sophistiqués, permettant ainsi d'identifier des
diversifications qui s'avéreront être des enclaves. Comme la
prématurée désindustrialisation (Rodrick, 2011) dans le
cas des pays africains. Ceci a conduit à la perception d'une dimension
supplémentaire liée aux deux premières qui est la
profondeur de la diversification et la sophistication. Mais la prise en compte
de ses trois dimensions ne peut se sans intégrer celle de la
soutenabilité. Aussi dit la continuité, qui permet d'observer la
viabilité à long terme de la modification structurelle. Car
à défaut de son absence le processus de la transformation ne
peut s'achever faute d'inclusion (Lectard, 2017). Toutefois l'incertitude de
cette mesure et le niveau actuel de la littérature sur cette
dernière la rend encore difficile à bien appréhender ce
qui offre à la diversification et sophistication des exportations une
place capitale dans la représentation d'une structure productive sous
influence de transformation alors elles deviennent des indicateurs moins
controversés dans les analyses de la transformation structurelle.
Toutefois l'industrie, l'emploi sectoriel, la valeur
ajoutée sectorielle des exportations informent également sur le
niveau de transformation de la structure d'une économie.
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