La mise en œuvre des instruments juridiques dans la protection des civils à l'épreuve des conflits armés. Cas de la république Centrafricaine.par Emmanuel Stéphane NZAYE Institut Supérieur de Droit de Dakar (ISDD) - Master 2 en droit public 2018 |
Deuxième partie : Efficacité relativisée des instruments juridiques de la protection des civilsLes personnes qui ne participent pas aux hostilités c'est-à-dire les hommes, femmes, enfants, vieillards doivent être protégés. La protection comme nous l'avons précédemment défini est l'action de protéger, de défendre quelqu'un contre tout danger34(*). Ainsi, pour assurer la protection, il faut la mise en oeuvre des instruments juridiques comme les conventions de Genève et ses protocoles additionnels ainsi que différents textes qui organisent la protection de la personne humaine. Ces textes confèrent des grandes prérogatives dont le non-respect constitue une violation et entraine des sanctions. Les Etats, les organisations internationales, les belligérants et tous doivent les respecter et les appliquer. Le respect des textes permet de démontrer leur effectivité ou leur efficacité. L'efficacité ne se résume non plus au respect des textes ou des droits et libertés accordés aux individus mais aussi par les sanctions en cas de violations. La protection nécessaire de la population civile par les instruments juridiques peut être relativisée d'où l'efficacité relativisée de la protection. Cette efficacité est relativisée pour la simple raison que la protection n'est pas garantie dans toute sa totalité en raison de sa violation. Plusieurs violations des règles de droit international humanitaire et du DIDH sont constatées, ce qui fragilise par ailleurs la protection. L'étude sur l'efficacité relativisée de la protection par les instruments juridiques conduit à constater l'insuffisance de la protection par les instruments juridiques (chapitre 1) et les violations des garanties accordées aux civils (chapitre 2) Chapitre1 : Les insuffisances de la protection des civils en CentrafriqueLes instruments juridiques jouent un rôle important dans la protection des civils. Ils facilitent le respect des garanties accordées, principaux droits fondamentaux dont le respect est jugé nécessaire et permet d'affirmer son efficacité. Toutefois, la protection reste insuffisante du fait de sa violation d'où son inefficacité. Plusieurs violations constatées par les différents ONG et les O I démontrent cette insuffisance. L'étude sur l'insuffisance de protection consiste à voir la protection lacunaire liée à la fragilisation des mécanismes de protection (section1) et les opérations militaires jugées faibles (section2) Section 1 : La protection lacunaire liée à la fragilisation de l'appareil EtatiqueUne protection insuffisante est due un manquement ou une absence des règles de droit fondamental, soit par les violations de ces différentes règles et qui constitue un manque à gagner pour le maintien de la sécurité et de la paix. Toutefois elle peut aussi être due à la fragilisation de l'appareil Etatique (paragraphe1) mais aussi par les insuffisances de moyen de protection (paragraphe 2) Paragraphe1 : fragilisation de l'appareil EtatiqueLa fragilisation de l'appareil étatique la cause première de la violente crise qui a secoué le pays. L'Etat comme nous le considérons est caractérisé par le monopole de violence et est le principal garant de la paix, de la sécurité de son territoire et de la protection de sa population. Cependant force est de constater que la crise qui a secoué l'Etat est due à un manque d'autorité de l'Etat et une crise de l'autorité en politique. C'est ce qui conduit à aborder la défaillance de l'Etat (A) et les manifestions de cette défaillance (B) A. La défaillance de l'EtatUn Etat ne devient pas fragile ou défaillant du jour au lendemain. C'est souvent la conséquence d'un processus de détérioration progressive de l'environnement socio politique et économique qui empêche l'Etat de se développer. Encore faut-il que cet environnement soit institué au préalable. Avec un lourd passé colonial peu glorieux dont il n'a pas pu se débarrasser même après les indépendances, l'institutionnalisation du pouvoir politique dans ce pays s'est confrontée à plusieurs difficultés35(*). Ainsi la fragilité en RCA comme dans tout Etat défaillant est dûe à des facteurs internes et externes. Les causes internes sont endogènes à l'Etat et résultent des actions des acteurs étatiques tandis que celles externes sont exogènes et sont souvent étrangères. Les facteurs endogènes sont dus à un déficit de gouvernement démocratique. Un déficit de gouvernement démocratique est lié à une mauvaise gestion que font les autorités étatiques. Nous faisons référence ici à la capture de l'Etat par des intérêts privés et au développement d'inégalités horizontales qui ne favorisent pas un environnement à l'épanouissement de tous les citoyens. Le pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) auquel est partie la RCA en 1981 reconnait et protège à son article 25, le droit de tout citoyen de prendre part à la direction des affaires publiques de voter, être d'élu, et le droit d'accéder aux fonctions publiques. Et comme le faisait remarquer le comité de droits de l'homme dans son observation générale : « quel que soit le type de constitution ou de gouvernement adopté par un Etat, l'article 25 fait obligation aux Etats d'adopter des mesures d'ordre législatives ou d'autres qui peuvent être nécessaires pour que les citoyens aient la possibilité effective d'exercer les droits qu'il protège. L'article 25 appuie le régime démocratique fondé sur l'approbation du peuple et en conformité avec les principes du pacte. S'il faut donc partir de l'observation selon laquelle la démocratie n'y ait jamais vu le jour, rien qu'un regard rétrospectif sur l'histoire politique de ce pays relève l'existence des traits caractéristiques communs aux Etats non démocratique : la concentration et l'absence de séparation des pouvoirs, la corruption endémique, le clientélisme exacerbé, la vacuité des programmes politiques ,l'anémie des appareils administratifs, la fraude électorale à répétition, le faible légitimité des institutions, la persistance des tensions ethno régionaliste, l'injustices sociales, l'instabilité chronique de gouvernement etc. La participation des gouvernés par le biais des élections n'a souvent pas été conforme aux standards internationaux. Les élections n'ont été avant tout que cosmétiques, servant à asseoir un mode de gouvernance autocratique et à légitimer des gouvernants, qui cherchent à s'éterniser au pouvoir. Si le mode par excellence d'accession au pouvoir est le coup d'Etat militaire, l'élection en est l'exception36(*). Les innombrables incursions militaires dans l'arène politique centrafricaine ne peuvent considérées comme salutaires ou salvatrices puisqu'elles n'étaient pas guidées par les idéaux démocratiques. En revanche, ces coups d'états diaboliques ont servi à renverser des gouvernements plus ou moins civils illégitimes les uns que les autres. La RCA fait partie des Etat africain qui se sont réclamés de la démocratie au début des années 1990. C'est d'ailleurs en 1993 sous l'influence de ce vent de la démocratisation qui souffle sur le pays d'Afrique_ francophone que le pays va connaitre les premières élections législatives et présidentielles pluralistes. Mais avant cette période, le pays a connu et a sombré dans l'instabilité politique dont la cause principale est la mauvaise gouvernance du pays et la succession des régimes non démocratiques. Les facteurs exogènes résultent de l'instabilité régionale et des politiques interventionnistes néfastes. La République centrafricaine comme tous les autres pays ont hérité de frontières coloniales. Malgré la diversité ethnique et linguistique le « sango » a été érigé en langue officielle à côté du français, ce qui est plutôt un facteur d'unité et de paix sociale. Cependant, l'un des malheurs de la république centrafricaine est de se retrouver enclavée dans une particulièrement instable. Tous ses voisins, à l'exception du Cameroun et du Congo, sont des Etats faibles en proie à des cycles de violence qui perdurent. Au nord-ouest se trouve le Tchad dont le régime successifs partagent des traits commun avec ceux de la RCA, au nord Est, on assiste à la crise soudanaise et au sud à celle de la RDC. A cela, s'ajoute le nombre sans cesse croissant des déplacés internes du fait des crises successifs connu par le pays. De même, le territoire nord a toujours servi de zone de retrait ou de transit à de nombreuses milices Tchadiennes, soudanaises qui souvent apportent leur soutien aux rebelles pour déstabiliser le pouvoir à Bangui. Les migrations internes et transfrontalières sont importantes et la frontière très poreuse. A propos de cette perméabilité transfrontalière qui n'est pas spécifique à l'Afrique centrale, nous pouvons penser à l'effet de balkanisation du découpage des frontières. Ainsi au pendant de la décolonisation, la RCA comme d'autres pays était conscient de leur fragilité pour se permettre de modifier leurs frontières artificielles. L'intangibilité des frontières coloniales était ainsi décidée. Toutefois, les territoires ainsi maintenus, même s'ils correspondaient à une réalité juridique ne rend pas compte de la formation historique du territoire ni de leur lien ancestral qui unit la nation, ni surtout des valeurs effectives, dont l'esprit de l'homme s'atteint à la possession du sol, à sa délimitation et à son intégrité. Finalement, loin d'être un facteur de paix, signe d'indépendance et un élément de sécurité comme le conçoit Charles rousseau37(*), la frontières quand elle n'est pas maitrisée est constituée d'un facteur d'instabilité. La France ancienne puissance coloniale a longtemps mené une politique étrangère déstabilisatrice en RCA. Comme le confirme Patrice Gourdin « la situation centrale du pays lui confère une extrême importance stratégique comme pivot de la présence militaire et des interventions de la France en Afrique. De ce fait, les empreintes de la France dans la politique intérieure centrafricaine ont laissé des traces indélébiles au point qu'on a pu considérer la RCA comme un Etat type de la France- Afrique » Motivée par l'intérêt géo politique et géo économique que représente la RCA, la France aurait joué des rôles majeurs, soit par action, soit par omission dans les nombreux coups d'Etat qu'a connu le pays. Ainsi en 1966, David DACKO aurait été renversé grâce au soutien de la France après qu'il s'est rapproché de la Chine. D'ailleurs en 2003, c'est grâce à l'appui de la France et du Tchad que BOZIZE accède au pouvoir. Nous ne serons passés sans montrer combien la Lybie et le Tchad convoitaient l'uranium centrafricain. C'est ainsi que le pays s'est retrouvé toujours, pendant des années, dans des conflits. Par ailleurs, il faut souligner que la mondialisation, les politiques économiques, l'aide au développement ont été défavorables au plan du développement économique de la RCA. Exemple l'ajustement structurel avec le concours du fond monétaire international (FMI) et de la banque mondiale(BM) a eu un impact négatif sur le plan social par la réduction des dépenses de fonctionnement de l'Etat dans le domaine de l'éducation et de la santé. Le déficit de gouvernance démocratique, doublé d'un environnement extérieur défavorable ne peut donner lieu qu'à une désagrégation du pacte social et le recours à la violence contre l'autorité de l'Etat. Apres avoir constaté la défaillance Etatique, il est important maintenant de préciser les manifestations de cette défaillance Etatique (B) * 34 Fr.Wikipedia.org>.wiki>protection (dimanche 1heure 57min) * 35 JOSUE KANABO : la protection des civils en République Centrafricaine P56 Edition Harmattan * 36 Depuis l'indépendance du pays, seuls deux scrutins présidentiel ont été jugés crédible, transparente et sans contestation majeure de l'opinion publique nationale : celui qui porte PATASSE au pouvoir et celui de 2016 ayant porté FAUSTIN ARCHANGE TOUADERA * 37 ROUSEAU CHARLES Droit International Paris Sirey III |
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