1.5. Revue de littérature
Fragnière (2009), écrit qu'« on est
rarement le premier à aborder une question ou, plus
précisément, le champ thématique que l'on entreprend
d'analyser est déjà balisé par des études voisines
ou « cousines » ou bien, il se réfère à des
thèmes fondamentaux sur lesquels des bibliothèques
entières ont été écrites. Dans ces conditions celui
qui entreprend la réalisation d'un mémoire doit faire «
l'état de la question ».
Afin de définir comme il se doit, le concept de stress,
penchons-nous sur des ouvrages qui traitent cette notion. Sahler (2007 : 10)
fait ressortir la problématique devant laquelle nous nous trouvons. En
effet, il convient de dire que ce terme de « stress » est un terme
générique employé couramment pour définir de
manière imprécise un « ensemble disparate de
mécanismes biologiques, d'états de santé, de ressentis
individuels,... ».
Malgré cela, et malgré l'utilisation populaire
de ce concept, la majorité des auteurs spécialistes s'accordent
à dire que le stress pourrait être défini de la
manière suivante : « état physique et émotionnel que
ressent la personne quand elle perçoit un déséquilibre
entre la demande de l'environnement et ses propres ressources pour y
répondre ». Cette définition, donnée par Bachelard
(2008 : 131), est reprise par d'autres auteurs notamment Fontana qui indique
dans son ouvrage Gérer le stress que le stress est une demande
faite aux capacités d'adaptation de l'esprit et du corps. De ce fait,
si, grâce à nos capacités individuelles, nous sommes
capables de gérer la demande de l'environnement faite à
l'organisme, le stress ne sera pas ressenti comme gênant. Ce ne sont donc
pas les éléments extérieurs qui sont eux-mêmes
stressants, mais la manière dont nous pouvons y réagir. Chaque
individu pourra ainsi répondre de manière différente
à un même agent stressant.
Réalisé et soutenu par NAKPON Coomlan
Paul
19
LE STRESS EN MILIEU CARCERAL AU BENIN : CAS DU PERSONNEL
D'ENCADREMENT DE LA PRISON CIVILE DE PARAKOU
Comme nous venons de le voir, afin que l'on puisse parler du
concept de stress, la présence d'un « stresseur », d'une
source de stress est obligatoire. C'est dans ce contexte que se trouve toute la
différence avec le concept d'anxiété. Dans l'homme
stressé, Rivolier donne une définition de cette notion. Pour
lui, il s'agit davantage d'une émotion anticipée, d'une peur sans
objet. Dans ce type de situation, il n'y a aucun élément
responsable de ce comportement.
Il s'agit ainsi d'une inquiétude quant à ce qui
pourrait arriver. Maintenant que nous avons défini cette notion et que
nous avons expliqué que, pour qu'il y ait stress, il fallait des
responsables générateurs de ce stress, penchons-nous sur ces
types d'éléments.
1.5.1. Agents stressants et types de stress
Un agent stressant est un élément qui bouleverse
l'équilibre de l'organisme, et qui favorise ainsi la production de
stress.
Selon Cungi, dans Savoir gérer son stress en toutes
circonstances, il existe plusieurs types d'agents stressants. Il y a en
effet, ce qu'il appelle les stresseurs aigus et les stresseurs chroniques. Les
premiers peuvent être d'une intensité variable et surviennent de
manière épisodique (accidents, agressions, mais également
des évènements positifs comme des mariages). Quant aux
deuxièmes qui sont également nommés stresseurs
répétés, ils surviennent, comme leur nom l'indique, de
manière répétée et chronique (surcharge
professionnelle par exemple).
Ces multiples agents peuvent provoquer du « bon stress
» ou du « mauvais stress ». En effet, le stress n'est pas qu'un
élément négatif avec des conséquences dangereuses
pour l'organisme. Dans Sans stress la vie est impossible, Baumann et
Turpin vont même jusqu'à dire que le stress est l'une des
conditions de la créativité et de l'accomplissement de
l'être humain. L'important est alors de parvenir à un effet de
stress sans détresse.
Réalisé et soutenu par NAKPON Coomlan
Paul
20
LE STRESS EN MILIEU CARCERAL AU BENIN : CAS DU PERSONNEL
D'ENCADREMENT DE LA PRISON CIVILE DE PARAKOU
Effectivement, pour de nombreux auteurs, le « bon »
stress permet une amélioration de la performance. Afin de ne pas
confondre ces deux types de stress, l'IFAS (Institut Français de
l'Anxiété et du Stress) qui dirige un observatoire médical
du stress, de l'anxiété et de la dépression a
proposé le terme de « surstress » lorsque le niveau de
celui-ci pourrait entraîner un risque sur la santé de
l'individu.
Les agents stresseurs peuvent découler des situations
suivantes :
? Violences entre détenus
Les formes d'agression sont aussi diverses que surprenantes et
expriment assez bien le rapport qu'entretiennent les détenus dans le
milieu. Pour donner une idée de ces différents types de
violences, l'étude réalisée par McCorkle (1992) sur 42 cas
d'attaques graves de détenus incarcérés indique dans la
majorité des cas que les victimes avaient soit été
poignardées, soit reçues des coups de poing ou des coups de pied,
soit subies des matraquages, soit été agressées
sexuellement, ou encore brûlées. Mais ces données nous
permettent-elles d'affirmer que la violence est véritablement importante
en prison ? Si l'on s'en tient à une étude canadienne qui a
comparé le taux d'homicide annuel entre la population carcérale
et la population générale, le risque d'homicide serait 13 fois
supérieur à celui de la société (Ouimet, 1999). Les
pénitenciers représenteraient donc un plus grand danger que le
milieu extérieur. Une autre étude avait également
comparé les infractions commises à l'intérieur avec celles
de l'extérieur. Elle démontrait que ces infractions
étaient deux fois plus nombreuses concernant les vols qualifiés,
et 6 fois plus pour les voies de fait (Cooley, 1992). Cependant, le
caractère plus contrôlant du système carcéral peut
jouer un rôle sur cet écart aussi important. Si le système
de surveillance était similaire dans la société,
probablement que le nombre de crimes ou de délits constatés
augmenterait tout autant.
Réalisé et soutenu par NAKPON Coomlan
Paul
21
Réalisé et soutenu par NAKPON Coomlan
Paul
LE STRESS EN MILIEU CARCERAL AU BENIN : CAS DU PERSONNEL
D'ENCADREMENT DE LA PRISON CIVILE DE PARAKOU
Pourtant, O'Donnell (1999) contredit cette idée en
affirmant qu'il y aurait malgré tout, une sous-estimation du
phénomène en précisant que la plupart des individus
emprisonnés auraient été témoins de violence dans
le mois antérieur, allant même jusqu'à préciser dans
une autre étude que 26 % d'entre eux auraient directement subi cette
violence (O'Donnell et al., 1998). La fréquence de cette
violence a par ailleurs été étudiée par Ireland et
Archer (1996) qui ont évoqué notamment le chiffre de 3 victimes
d'intimidation par semaine. Cependant, il faut préciser que
malgré le caractère extraordinaire de certaines violences, elles
ne représentent pas nécessairement les violences qui ont cours en
général dans les institutions carcérales. Cette forme de
victimisation serait en réalité bien plus souvent le fait de
violences ordinaires (Vacheret, 2004). Parmi ces victimisations, il faut noter
la victimisation personnelle (menaces, rackette, agressions) qui est
globalement davantage dénoncée que la victimisation contre la
propriété (vols en cellule, vandalisme) (Cooley, 1993). La
victimisation est en général peu déclarée en
prison. Les motifs généralement responsables de ces comportements
étaient pour la plupart, soit des affaires de drogue, de dette, ou de
détenus intoxiqués, soit ils étaient le fruit d'une
vengeance quelconque, soit une victime était au préalable
repérée comme étant un délateur ; certains cas
concernaient des agressions sexuelles ou encore étaient en lien avec des
vols entre détenus.
Le lieu où se déroule l'infraction a
également son importance. Pour la plupart, elle se déroule dans
une cellule ou dans une rangée. Pour les autres, cela peut se passer
dans la cour d'exercice ou dans le gymnase. Le niveau de sécurité
n'est pas non plus sans conséquence. Les détenus évoquent
généralement plus de violences extraordinaires en maison
centrale, alors qu'il y aurait un nombre très important de violences
ordinaires en maison d'arrêt et peu de violences en centre de
détention. À ce propos, une étude de Bottoms (1999)
indique que plus le niveau de sécurité n'est élevé,
plus le
22
Réalisé et soutenu par NAKPON Coomlan
Paul
LE STRESS EN MILIEU CARCERAL AU BENIN : CAS DU PERSONNEL
D'ENCADREMENT DE LA PRISON CIVILE DE PARAKOU
niveau des agressions augmentent. On peut attribuer à
ces résultats deux phénomènes. D'une part, l'effet d'une
plus grande surveillance dans les milieux à sécurité
élevée, ainsi qu'une plus grande concentration d'individus
dangereux. Cependant, les actes violents surviennent généralement
dans des lieux où la supervision par les surveillants est moindre et
dans des secteurs de la prison où les déplacements des hommes
incarcérés sont plus libres (Ireland et al., 1996). Le
contexte carcéral agit donc pour produire un nombre important de
violences. Certaines s'affichent par leurs impacts graves sur le corps de la
victime, d'autres plus sournoises, agissent sur le moral. Ainsi, les insultes
qui ont généralement cours dans le milieu vont surtout être
utilisées pour isoler un détenu ou pour le confirmer dans sa
vulnérabilité. Elles peuvent être de nature manipulatrice,
diffamatoire ou raciste. Elles agissent pour instituer une relation de
domination. À l'intérieur des pénitenciers, la pire
insulte que peut recevoir un détenu est de se faire accuser de
délinquant sexuel ou de délateur selon Ireland. Ces menaces
visent également à ce que le détenu fasse quelque chose
contre son gré, pour éventuellement provoquer le conflit
physique. Les insultes sont employées pour tenir à
l'écart, exclure un délinquant dont le crime, l'apparence
physique ou la personnalité est rejeté. Ils sont très
dommageables pour l'estime de soi du détenu. Conséquemment, les
délinquants sexuels, les détenus souffrant d'une maladie mentale
et les détenus physiquement faibles représentent les victimes par
excellence visées par cette stigmatisation (Ireland et al.,
1996). Les hommes en détention qui n'ont pas payé leurs dettes,
qui sont gênés ou introvertis, qui manquent de confiance, qui ne
se conforment pas aux normes institutionnelles, qui sont solitaires ou qui ne
se lient pas à un groupe sont plus susceptibles de devenir les cibles de
violences psychologiques (Harvey & Liebling, 2001). Le racket est
également une autre dynamique de violence où sont combinés
la menace verbale et le vol et peut parfois s'accompagner d'une agression
physique. Le racket peut
23
LE STRESS EN MILIEU CARCERAL AU BENIN : CAS DU PERSONNEL
D'ENCADREMENT DE LA PRISON CIVILE DE PARAKOU
s'amplifier, allant de petits vols ou petites demandes vers
des exigences plus dommageables.
Comme le font remarquer Buchanan et ses collègues
(1986), l'accentuation de la violence dans les pénitenciers peut
découler d'une tendance des détenus à se comporter avec
plus d'agressivité et de violence pour répondre à l'image
de dureté qui leur est attribuée. L'inverse s'applique aux
pénitenciers à sécurité minimum où les
hommes emprisonnés démontrent plus de souplesse et
d'obéissance. Les caractéristiques physiques ont une place
importante dans cette attribution des rôles.
Tewksbury (1989) a montré que la peur des agressions
chez les détenus était significativement reliée aux
caractéristiques physiques (poids et taille). Et une des agressions qui
est indubitablement reliée au physique est celle de l'agression
sexuelle. En effet, la sexualité est une composante importante, qui
constitue à la fois un besoin physiologique et psychologique et qui est
très influencée par la construction de la culture
institutionnelle (Tewksbury & West, 2000). Certains, comme Sykes (1958),
considéraient la privation sexuelle comme faisant partie de la peine de
prison. Les relations sexuelles dans le milieu carcéral prennent la
forme soit de relations hétérosexuelles lors des parloirs, ou
alors de relations homosexuelles consenties entre les détenus. Eigenberg
(1992) distingue deux types d'homosexualité, les "vrais» et les
"situationnels». Les "vrais» homosexuels sont décrits comme
des hommes ayant une homosexualité déjà orientée
avant leur incarcération. Ils sont perçus négativement
dans le milieu et parfois considérés comme des anormaux (Sykes,
1958). Ce serait ces détenus le plus souvent victimes des viols.
? Violence auto-infligée
Les violences auto-infligées peuvent correspondre
à différents degrés d'intensité, et peuvent aller
de la simple automutilation sans risque au suicide.
Réalisé et soutenu par NAKPON Coomlan
Paul
24
Réalisé et soutenu par NAKPON Coomlan
Paul
LE STRESS EN MILIEU CARCERAL AU BENIN : CAS DU PERSONNEL
D'ENCADREMENT DE LA PRISON CIVILE DE PARAKOU
Historiquement, la définition du suicide a largement
évolué. Durkheim (1897) considérait le suicide comme tous
les cas de mort résultant directement ou indirectement d'un acte positif
ou négatif de la victime elle-même, bien qu'elle en connaisse les
conséquences. Plus récemment Baechler (1980) le
considérait comme tout comportement qui cherche et trouve la solution
à un problème existentiel en tentant de s'enlever la vie. Le
suicide serait donc un acte conscient d'annihilation induite par l'individu,
mieux compris comme un malaise multidimensionnel ressenti par l'individu et
où le suicide serait perçu comme la meilleure solution (Shneidma,
1985). Plus précisément, la définition du suicide a quatre
éléments : le suicide est considéré si la mort se
produit ; il doit être la conséquence de son propre acte ; l'agent
du suicide peut être actif ou passif ; et il implique
l'intentionnalité de mettre fin à sa propre vie (Mayo, 1992).
L'OMS (1998) définira le suicide comme l'acte de se
tuer délibérément initié et exécuté
par la personne concernée dans la pleine connaissance des
conséquences mortelles de l'acte. Cependant, l'acte suicidaire n'est pas
nécessairement mortel et doit se comprendre selon différents
degrés de létalité (Smith, Conroy, & Ehler, 1984). En
effet, le comportement suicidaire qui n'est pas nécessairement fatal
peut présenter plusieurs niveaux d'intentionnalité (De Leo,
Burgis, Bertolote, Kerkhof, & Bille-Brahe, 2006). L'acte suicidaire peut
être ainsi compris soit comme fortement probable ou encore compris comme
un comportement suicidaire instrumentalisé (O'Carroll et al.,
1996). Le milieu carcéral est largement suicidogène par
rapport à la société en général. Le risque
de suicide en milieu carcéral serait près de 12 fois plus
élevé qu'en milieu extérieur, soit 226 à 240
suicides pour 100.000 détenus contre 17 à 21 décès
pour 100.000 habitants (Bourgoin, 1992). Les raisons généralement
évoquées pour expliquer ces différences sont
l'agglomérat d'individus vulnérables dans un milieu
confiné et fermé, les caractéristiques spécifiques
de sexe, d'âge, de type de délit
25
Réalisé et soutenu par NAKPON Coomlan
Paul
LE STRESS EN MILIEU CARCERAL AU BENIN : CAS DU PERSONNEL
D'ENCADREMENT DE LA PRISON CIVILE DE PARAKOU
(plus de suicides dans le cas des meurtres, assassinats,
parricides et infanticides), le temps d'incarcération (la grande
majorité des suicides sont réalisés durant les trois
premiers mois), le nombre d'incarcérations (la majorité des
détenus qui se suicident sont incarcérés pour la
première fois), les antécédents sociaux, l'architecture
contraignante de la prison, les règlements pesants et difficiles
à suivre, et les influences parfois néfastes,
ségrégatives, de la culture carcérale. D'après
d'autres études qui ont dressé un profil type, ce détenu
serait un individu âgé entre 20 et 30 ans ; de race blanche;
célibataire, ayant commis un délit d'homicide ou de vol, purgeant
une sentence vie, placé dans un établissement de haute
sécurité à l'admission, ayant peu de qualifications
académiques ou professionnelles, ancien fugueur, victime de
brutalité en milieu scolaire, provenant d'un milieu familial
problématique, ayant un passé criminel, ayant eu un traitement
psychiatrique, ayant déjà une histoire d'automutilations avant
l'incarcération, des histoires d'abus de drogues et d'alcool, et une
absence d'amitié reconnu en prison (Liebling ; 1999 ; Leduc, 2000).
Globalement, le détenu suicidaire serait plus
vulnérable et présenterait de plus grandes difficultés
d'adaptation. Ainsi, aurait-il peu de capacité à se distraire ;
des difficultés à faire face à l'ennui de la
détention prolongée en cellule ; des difficultés à
vaincre l'isolement ; des conflits avec les autres personnes
incarcérées ; peu de visites ; peu de communication avec des gens
de l'extérieur ; et serait souvent victime d'ostracisme et
d'intimidation (Liebling, 1999).
La nature de la relation, à savoir si le comportement
suicidaire apparaît avant la violence ou si la violence déclenche
un état d'esprit suicidaire, ne semble pas corrélée. La
violence sérieuse (menaces de mort ou de blessures corporelles) serait
mieux corrélée au risque de suicide que le faible niveau de
violence (insultes, rumeurs, etc.) (Blaauw et al., 2001). Cependant,
selon Blaauw et ses collaborateurs (2001), un individu suicidaire, moralement
plus
26
Réalisé et soutenu par NAKPON Coomlan
Paul
LE STRESS EN MILIEU CARCERAL AU BENIN : CAS DU PERSONNEL
D'ENCADREMENT DE LA PRISON CIVILE DE PARAKOU
démuni, aurait peut-être davantage tendance
à exagérer les attaques, les percevant plus dommageables que ce
qu'elles sont en réalité. Et inversement, les détenus non
suicidaires seraient davantage imperméables aux offenses.
Les suicides qui découlent de causes propres aux
caractéristiques de l'individu présentent également des
composantes environnementales. Ainsi, les suicides surviendraient-ils surtout
la nuit, par pendaison, les fins de semaine, durant les mois
d'été, en début de détention et dans des secteurs
spécifiques de la prison, tels que l'infirmerie et les lieux
d'isolement. L'environnement physique restrictif et la crainte constante de la
victimisation ne sont donc pas sans répercussion. Ainsi, pour
échapper à l'intimidation journalière et au stress
engendré par le milieu, certains détenus entrevoient le suicide
comme cette ultime solution à leur délivrance. Les tentatives de
suicide et les automutilations représentent ainsi le moyen in extremis
d'appel à l'aide (Liebling, 1999).
Toutefois, nous pouvons nous questionner sur la
capacité effective des détenus suicidaires à demander de
l'aide. La culture carcérale peut inciter le refus des hommes
emprisonnés à chercher des ressources de soutien, en ne voulant
pas être intimidés ou en ne voulant pas se montrer faible.
Conséquemment, la violence inhérente à la prison pourrait
interagir avec le suicide, les tentatives de suicide ou les gestes
d'automutilation.
? Violences des détenus faites aux membres du
personnel
Les cas de violence physique envers une personne autre qu'un
incarcéré, peuvent être divers et variés. Ces actes
sont posés généralement contre des surveillants et plus
rarement contre d'autres membres du personnel. Dans le cadre d'une étude
sur les prises d'otage (Seidman & Williams, 1999), le personnel
impliqué était majoritairement constitué de surveillants,
mais également de psychologues, d'instituteurs, de commis ou de
bibliothécaires. La durée des incidents pouvait aller de quelques
instants à plus de 60 heures.
27
Réalisé et soutenu par NAKPON Coomlan
Paul
LE STRESS EN MILIEU CARCERAL AU BENIN : CAS DU PERSONNEL
D'ENCADREMENT DE LA PRISON CIVILE DE PARAKOU
Une autre étude (Furr, 1994) a décrit les
caractéristiques des détenus ayant agressé sexuellement
des employées. Ce sont en général des délinquants
sexuels qui avaient déjà agressé sexuellement des femmes,
ainsi que des employées et qui voyaient leur situation comme
désespérée ou extrêmement pénible. Ils
révélaient également un diagnostic de psychopathie
(Mailloux & Serin, 2002). Parmi ces cas, il y a rarement des blessures
sérieuses. Le plus généralement, la violence a lieu dans
des cas où la force est utilisée pour contrôler la personne
incarcérée, ou lorsque le détenu a fait des menaces, a
frappé un mur, a été agressif ou a invité un
surveillant à se battre (Lemire, 1990). Selon Toch, Adams et Grant
(1989), les détenus jeunes, célibataires et sans emploi avant
l'incarcération sont les plus portés à commettre ce type
d'infractions. Le crime commis et la longueur de la sentence ne seraient pas
reliés au taux d'infractions disciplinaires. Au contraire, la
réduction des infractions au cours d'une sentence prolongée
serait due au vieillissement du détenu. L'expérience de la prison
atténuerait l'importance des infractions disciplinaires chez les hommes
incarcérés depuis une longue durée. Le refus de se
conformer aux ordres et le bris des règlements carcéraux sont les
deux infractions disciplinaires les plus courantes, et le harcèlement
des surveillants venant en troisième position (Toch et al.,
1989).
Contrairement à la violence déployée
entre les hommes incarcérés, la violence contre les surveillants
serait concrétisée dans les endroits supervisés et
publics, par exemple les cellules et les unités spéciales de
détention (Bottoms, 1999). Elle surviendrait la plupart du temps dans
les circonstances suivantes : suite à un ordre donné par un
surveillant ; comme marque de protestation à une intervention
considérée injuste par le détenu ; lors d'une fouille de
cellule ou d'une fouille à nu ; lors des déplacements du
détenu, durant une altercation entre hommes emprisonnés ; ou lors
d'une suspicion d'un surveillant de la possession de substances illicites par
un détenu. La violence contre les surveillants serait plus
fréquente à certains moments de la
28
LE STRESS EN MILIEU CARCERAL AU BENIN : CAS DU PERSONNEL
D'ENCADREMENT DE LA PRISON CIVILE DE PARAKOU
journée, tel qu'à l'ouverture des cellules le
matin, au commencement de la période de travail en matinée,
à la reprise du travail en après-midi, et à la fermeture
des cellules en soirée (Bottoms, 1999 ; Toch et al., 1989). Les
actes de violence envers les surveillants coïncident
généralement avec des temps forts de confrontation entre les deux
parties. Comme nous l'avons dit ci-dessus, la violence dirigée vers les
surveillants est surtout caractérisée par le harcèlement
et les menaces. Selon Bottoms (1999), la combinaison des facteurs âge
plus avancé et expérience plus poussée chez les
surveillants diminuerait le taux de violence des hommes
incarcérés envers ces derniers. Les surveillants plus
âgés et plus expérimentés auraient
développé de meilleures habiletés interpersonnelles et
seraient plus aptes à régler les conflits par la communication.
À l'opposé, les surveillants plus jeunes et moins
expérimentés émettraient davantage de rapports
disciplinaires et ce, pour des actes d'agression moins sérieux,
traduisant surtout un manque de confiance dans leur propre autorité
(Davies & Burgess, 1988, Cooke, Johnstone, & Gadon, 2004). Aussi, de
nombreux auteurs suggèrent-ils de porter une attention spéciale
dans le placement et la formation des surveillants (Buchanan et al.,
1986; Grant & Luciani, 1998; Rice, Harris, Varney, & Quinsey,
1989).
En réalité, même si la violence des
détenus envers les surveillants paraît importante, elle n'en reste
pas moins marginale, comparée à celle que les
incarcérés se font subir les uns aux autres, et comparativement
à d'autres corps professionnels. Concernant ce dernier propos, une
étude de Lusignan (1995) révèle que les surveillants de
prison ont des taux de victimisation nettement inférieurs à ceux
des huissiers, policiers ou travailleurs sociaux. Et ils ont une
mortalité professionnelle moins importante que les mineurs, les
camionneurs, les ouvriers de la construction ou les policiers. Lusignan
explique cela par le fait que les surveillants se rendent rarement
vulnérables
Réalisé et soutenu par NAKPON Coomlan
Paul
29
LE STRESS EN MILIEU CARCERAL AU BENIN : CAS DU PERSONNEL
D'ENCADREMENT DE LA PRISON CIVILE DE PARAKOU
face aux détenus. Ils savent se défendre
à mains nues et s'organisent pour qu'un autre surveillant ne soit jamais
loin.
Tous ces agissements ou comportements constituent des effets
de l'incarcération sur les détenus et par extension, sur les
personnels d'encadrement : la privation excessive de la liberté non
seulement, change les prisonniers, mais elle change aussi leurs geôliers
et par extension, la société qu'il représente (Cormier,
Bruno & Williams ; 1966).
|