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Le stress en milieu carcéral


par Coomlan Paul NAKPON
Université d'Abomey-Calavi - Maîtrise 2016
  

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CHAPITRE IV : DISCUSSION ET SUGGESTIONS

4.1. Discussion

Il faut noter une différenciation à faire entre les corps de métiers. Il y a des corps de fonctions qui disposent d'horaires classiques comme les fonctionnaires des administrations. Mais dans ce lot on peut ressortir d'autres (fonctionnaires) qui en raison de la spécificité de leur fonction, sont constamment sollicités pour accomplir leur devoir républicain. Ces corps ne disposent pas d'horaires classiques, ces agents sont souvent à disposition à tout heure pour servir : ce sont en général les Forces de Sécurité Publiques. Qu'on la nomme harcèlement moral (Hirigoyen, Dejours), harcèlement professionnel ou encore violence psychologique au travail (Moreau), cette forme de violence au travail se manifeste par des comportements portant atteinte à l'intégrité physique ou psychique d'une personne, à sa dignité en tant que membre d'une organisation de travail et qui a pour effet de mettre en péril l'exécution du travail et la position de la personne au sein de l'organisation. Comme le précise Dejours, il s'agit bien d'une « forme clinique d'aliénation sociale dans le travail ».

Ces comportements violents peuvent se manifester par une ou plusieurs formes de violence psychologique (Moreau, 1999 ; Au rousseau & Landry, 1998, cités par Moreau 1999) :

- l'agression verbale, privée ou publique qui représente, dans certains pays, 70 % des manifestations de violence (chiffres cités par Moreau, 1999) pour le Canada) et qui se manifeste par des menaces, un discours partial, des injures ou des messages n'ayant aucune justification liée au travail ;

- l'intimidation, le manque de respect ou encore le mépris ;

- le dénigrement des compétences et la dévalorisation systématique, souvent associés à un contrôle excessif ;

- le refus de promotion, de ressourcement et de soutien professionnel ;

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- les brimades (8 % des cas avec l'intimidation, selon Chappel et Martino (1998), le refus des communications autres qu'instrumentales accompagné d'un harcèlement administratif ;

- l'isolement professionnel et social pouvant aller jusqu'à l'exclusion, formelle ou informelle.

Au-delà des typologies et des questions de définition, ce qui interroge la psychologie du travail et des organisations est peut-être moins, la classification et l'identification de cette violence que la possibilité d'identifier des catégories de personnes, ou encore des traits de personnalité, susceptibles de porter certains individus à être les auteurs d'actes de violence et d'autres à en être la cible, mais aussi de savoir quels effets elle peut avoir sur les personnes et sur les organisations et quel peut être le degré d'implication de l'organisation de travail dans l'émergence de la violence au travail.

Ce sont là des questions qui interrogent ce que la psychologie nous apprend des personnes et ce que nous savons des interactions entre personnes et organisations de travail ou famille.

Les causes du stress sont multiples et souvent combinées ; Damant, Dompierre & Jauvin (1997) les regroupent en cinq catégories qui permettent de cerner tout aussi bien les comportements des victimes que les raisons des auteurs à commettre ces actes violents :

- les facteurs liés à la personne : maladie mentale ou physique, conduites addictives, etc.

- les facteurs relationnels : manque de communication, jalousie, climat de travail tendu, inimitié, rapports conflictuels avec des usagers ou des clients, etc.

- les facteurs sociaux : conditions économiques difficiles, banalisation de la violence dans les médias, échec ou absence des mécanismes régulateurs, etc.

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- les facteurs organisationnels : hiérarchie trop pesante, manque de personnel et de moyens, surcharge de travail, manque de temps, manque de formation, etc.

- les facteurs d'environnement de travail : travail solitaire, exposition à des situations physiquement dangereuses, exiguïté des locaux ou locaux mal adaptés, promiscuité, etc.

Le ressort de ce stress repose sur une sorte de domination symbolique qui amène la personne à accepter les « sacrifices » demandés au nom des contraintes économiques (accepter de travailler sans contrat ou sans permis pour échapper au chômage ou à l'expulsion), organisationnelles (accepter les heures supplémentaires non payées ou une charge de travail exagérée au nom de la survie de l'entreprise et donc des emplois) ou encore hiérarchique (subir le harcèlement d'un supérieur au nom d'une pseudo-convivialité) (Dejours, 1999).

Les effets de stress peuvent être à la fois physiologiques et psychologiques. En effet, les effets physiques (hors agression physique) se manifestent par des troubles du sommeil (insomnie, réveils fréquents, endormissement difficile, réveil anticipé) et des troubles de la sphère gastro-intestinale (ulcères, perte d'appétit, vomissements). Les effets psychologiques relèvent des troubles de l'humeur (dépression, anxiété, baisse de l'estime de soi, sentiment de vulnérabilité, voire de culpabilité). Le sens même du travail est affecté puisque la motivation à travailler est dégradée.

Au-delà des personnes impliquées, l'organisation de travail est, elle aussi, affectée par le phénomène de stress. Outre la détérioration du climat social de la structure de travail, le roulement du personnel, l'absentéisme, la baisse de production ou de la qualité de service offert aux usagers ou aux clients entraînent des coûts financiers et humains parfois importants, dont l'organisation ne prend pas toujours la mesure.

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Pour lutter contre le stress, les stratégies déployées par les victimes s'apparentent finalement aux stratégies de lutte contre la violence : elles sont soit centrées sur le problème avec des tentatives de réponses rationnelles aux attaques, soit centrées sur la recherche de soutien social à l'intérieur et à l'extérieur de l'organisation de travail (famille, médecin, syndicat) ou encore centrées sur les émotions avec les phénomènes de déni et d'évitement bien connus.

Dejours (1999) a parfaitement résumé le processus morbide qui conduit aux manifestations pathologiques : « Le mouvement d'indignation et de révolte naissant chez le sujet, au lieu de créer chez les autres, l'émotion et la mobilisation collectives et solidaires, isole encore davantage le sujet en proie à une juste colère. La passivité, l'indifférence et l'inertie des collègues probablement en rapport avec leur soumission à la domination symbolique, exaspèrent encore la souffrance du sujet. Tous ses propos, ainsi que les reproches qu'il adresse aux autres, contribuent à le stigmatiser et à le repousser encore davantage dans la solitude, au prétexte que sa révolte serait irréaliste et irrationnelle... C'est cette situation où le sujet est seul à soutenir un rapport critique à la réalité de travail, rapport critique parfois rationnel mais cependant désavoué par sa propre communauté d'appartenance, qui le déstabilise et le fait douter de sa raison même et crée en fin de compte, la faille psychopathologique : l'atteinte à son identité. Le sujet est alors cliniquement dans un état pré-morbide, dont il tente de se défendre avec ses propres moyens... et risque de basculer dans la psychopathologie avec, un jour, des actes médico-légaux sur les lieux de travail ou des actes de désespoir sous forme d'alcoolisme aigu ou de violence dans l'espace domestique »4.

4Dejours (2000).Violence ou domination, Revue Travailler n°3, éditions Martin Média.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand