CHAPITRE IV : DISCUSSION ET SUGGESTIONS
4.1. Discussion
Il faut noter une différenciation à faire entre
les corps de métiers. Il y a des corps de fonctions qui disposent
d'horaires classiques comme les fonctionnaires des administrations. Mais dans
ce lot on peut ressortir d'autres (fonctionnaires) qui en raison de la
spécificité de leur fonction, sont constamment sollicités
pour accomplir leur devoir républicain. Ces corps ne disposent pas
d'horaires classiques, ces agents sont souvent à disposition à
tout heure pour servir : ce sont en général les Forces de
Sécurité Publiques. Qu'on la nomme harcèlement moral
(Hirigoyen, Dejours), harcèlement professionnel ou encore violence
psychologique au travail (Moreau), cette forme de violence au travail se
manifeste par des comportements portant atteinte à
l'intégrité physique ou psychique d'une personne, à sa
dignité en tant que membre d'une organisation de travail et qui a pour
effet de mettre en péril l'exécution du travail et la position de
la personne au sein de l'organisation. Comme le précise Dejours, il
s'agit bien d'une « forme clinique d'aliénation sociale dans le
travail ».
Ces comportements violents peuvent se manifester par une ou
plusieurs formes de violence psychologique (Moreau, 1999 ; Au rousseau &
Landry, 1998, cités par Moreau 1999) :
- l'agression verbale, privée ou publique qui
représente, dans certains pays, 70 % des manifestations de violence
(chiffres cités par Moreau, 1999) pour le Canada) et qui se manifeste
par des menaces, un discours partial, des injures ou des messages n'ayant
aucune justification liée au travail ;
- l'intimidation, le manque de respect ou encore le
mépris ;
- le dénigrement des compétences et la
dévalorisation systématique, souvent associés à un
contrôle excessif ;
- le refus de promotion, de ressourcement et de soutien
professionnel ;
Réalisé et soutenu par NAKPON Coomlan
Paul
55
LE STRESS EN MILIEU CARCERAL AU BENIN : CAS DU PERSONNEL
D'ENCADREMENT DE LA PRISON CIVILE DE PARAKOU
- les brimades (8 % des cas avec l'intimidation, selon Chappel
et Martino (1998), le refus des communications autres qu'instrumentales
accompagné d'un harcèlement administratif ;
- l'isolement professionnel et social pouvant aller
jusqu'à l'exclusion, formelle ou informelle.
Au-delà des typologies et des questions de
définition, ce qui interroge la psychologie du travail et des
organisations est peut-être moins, la classification et l'identification
de cette violence que la possibilité d'identifier des catégories
de personnes, ou encore des traits de personnalité, susceptibles de
porter certains individus à être les auteurs d'actes de violence
et d'autres à en être la cible, mais aussi de savoir quels effets
elle peut avoir sur les personnes et sur les organisations et quel peut
être le degré d'implication de l'organisation de travail dans
l'émergence de la violence au travail.
Ce sont là des questions qui interrogent ce que la
psychologie nous apprend des personnes et ce que nous savons des interactions
entre personnes et organisations de travail ou famille.
Les causes du stress sont multiples et souvent
combinées ; Damant, Dompierre & Jauvin (1997) les regroupent en cinq
catégories qui permettent de cerner tout aussi bien les comportements
des victimes que les raisons des auteurs à commettre ces actes violents
:
- les facteurs liés à la personne
: maladie mentale ou physique, conduites addictives, etc.
- les facteurs relationnels : manque de
communication, jalousie, climat de travail tendu, inimitié, rapports
conflictuels avec des usagers ou des clients, etc.
- les facteurs sociaux : conditions
économiques difficiles, banalisation de la violence dans les
médias, échec ou absence des mécanismes
régulateurs, etc.
Réalisé et soutenu par NAKPON Coomlan
Paul
56
LE STRESS EN MILIEU CARCERAL AU BENIN : CAS DU PERSONNEL
D'ENCADREMENT DE LA PRISON CIVILE DE PARAKOU
- les facteurs organisationnels :
hiérarchie trop pesante, manque de personnel et de moyens, surcharge de
travail, manque de temps, manque de formation, etc.
- les facteurs d'environnement de travail :
travail solitaire, exposition à des situations physiquement dangereuses,
exiguïté des locaux ou locaux mal adaptés,
promiscuité, etc.
Le ressort de ce stress repose sur une sorte de domination
symbolique qui amène la personne à accepter les « sacrifices
» demandés au nom des contraintes économiques (accepter de
travailler sans contrat ou sans permis pour échapper au chômage ou
à l'expulsion), organisationnelles (accepter les heures
supplémentaires non payées ou une charge de travail
exagérée au nom de la survie de l'entreprise et donc des emplois)
ou encore hiérarchique (subir le harcèlement d'un
supérieur au nom d'une pseudo-convivialité) (Dejours, 1999).
Les effets de stress peuvent être à la fois
physiologiques et psychologiques. En effet, les effets physiques (hors
agression physique) se manifestent par des troubles du sommeil (insomnie,
réveils fréquents, endormissement difficile, réveil
anticipé) et des troubles de la sphère gastro-intestinale
(ulcères, perte d'appétit, vomissements). Les effets
psychologiques relèvent des troubles de l'humeur (dépression,
anxiété, baisse de l'estime de soi, sentiment de
vulnérabilité, voire de culpabilité). Le sens même
du travail est affecté puisque la motivation à travailler est
dégradée.
Au-delà des personnes impliquées, l'organisation
de travail est, elle aussi, affectée par le phénomène de
stress. Outre la détérioration du climat social de la structure
de travail, le roulement du personnel, l'absentéisme, la baisse de
production ou de la qualité de service offert aux usagers ou aux clients
entraînent des coûts financiers et humains parfois importants, dont
l'organisation ne prend pas toujours la mesure.
Réalisé et soutenu par NAKPON Coomlan
Paul
57
Réalisé et soutenu par NAKPON Coomlan
Paul
LE STRESS EN MILIEU CARCERAL AU BENIN : CAS DU PERSONNEL
D'ENCADREMENT DE LA PRISON CIVILE DE PARAKOU
Pour lutter contre le stress, les stratégies
déployées par les victimes s'apparentent finalement aux
stratégies de lutte contre la violence : elles sont soit centrées
sur le problème avec des tentatives de réponses rationnelles aux
attaques, soit centrées sur la recherche de soutien social à
l'intérieur et à l'extérieur de l'organisation de travail
(famille, médecin, syndicat) ou encore centrées sur les
émotions avec les phénomènes de déni et
d'évitement bien connus.
Dejours (1999) a parfaitement résumé le
processus morbide qui conduit aux manifestations pathologiques : « Le
mouvement d'indignation et de révolte naissant chez le sujet, au lieu de
créer chez les autres, l'émotion et la mobilisation collectives
et solidaires, isole encore davantage le sujet en proie à une juste
colère. La passivité, l'indifférence et l'inertie des
collègues probablement en rapport avec leur soumission à la
domination symbolique, exaspèrent encore la souffrance du sujet. Tous
ses propos, ainsi que les reproches qu'il adresse aux autres, contribuent
à le stigmatiser et à le repousser encore davantage dans la
solitude, au prétexte que sa révolte serait irréaliste et
irrationnelle... C'est cette situation où le sujet est seul à
soutenir un rapport critique à la réalité de travail,
rapport critique parfois rationnel mais cependant désavoué par sa
propre communauté d'appartenance, qui le déstabilise et le fait
douter de sa raison même et crée en fin de compte, la faille
psychopathologique : l'atteinte à son identité. Le sujet est
alors cliniquement dans un état pré-morbide, dont il tente de se
défendre avec ses propres moyens... et risque de basculer dans la
psychopathologie avec, un jour, des actes médico-légaux sur les
lieux de travail ou des actes de désespoir sous forme d'alcoolisme aigu
ou de violence dans l'espace domestique »4.
4Dejours (2000).Violence ou
domination, Revue Travailler n°3, éditions Martin
Média.
58
LE STRESS EN MILIEU CARCERAL AU BENIN : CAS DU PERSONNEL
D'ENCADREMENT DE LA PRISON CIVILE DE PARAKOU
|