Le juge et le contrat de bail à usage professionnel en droit OHADA.par Giovanni Thiam Omontayo HOUNKPONOU Faculté de Droit et de Sciences Politiques de l'Université d'Abomey-calavi (BENIN) - Master 2 en Droit et Institutions Judiciaires 2015 |
B. La radiation de la procédure de résiliationCette mesure d'administration judiciaire n'a pas pour effet d'éteindre l'instance mais elle emporte seulement suspension de l'instance en résiliation du bail professionnel.Ainsi, dès que le demandeur se sera acquitté de son obligation d'information à l'égard des créanciers inscrits, l'instance sera rétablie du rôle de la juridiction. Il suffirait de faire réinscrire l'affaire en servant au défendeur un avenir pour que la même instance se poursuive sur l'assignation initiale qui continuera à produire ses effets.Cependant, le rétablissement de l'affaire ne pourra se faire à n'importe quel moment de la procédure, c'est à condition que dans l'intervalle l'instance n'ait pas été atteinte par la péremption biennale. En effet, la péremption n'est pas suspendue par la radiation et elle n'est pas davantage interrompue par le rétablissement de l'affaire au rôle. Si plus de deux ans se sont écoulés depuis la radiation, le défendeur à la résiliation du bail professionnel, peut faire échec au rétablissement de l'affaire en invoquant la péremption d'instance. Lorsque, par contre, la juridiction saisie elle-même, en méconnaissance de l'article 133 du nouvel Acte uniforme, fait droit à la demande en résiliation, alors que les créanciers inscrits n'ont pas été informés de la procédure, quels sont les moyens de défense dont disposent ces créanciers inscrits ?A la lecture de l'article 133 de l'Acte uniforme sur le droit commercial général, l'obligation de la juridiction saisie de statuer dans le délai d'un mois à compter de la notification de la demande en justice aux créanciers inscrits ne semble constituer ni une condition de recevabilité, ni un élément d'appréciation du bien-fondé de la demande en résiliation. La rédaction du texte précité permet de relever que seule l'intervention du jugement faisant droit à la demande en résiliation est subordonnée à l'information des créanciers nantis. En droit français, la jurisprudence répète inlassablement que, bien que l'article 143-2 du Code de commerce, repris à la lettre par l'article 133 de l'Acte uniforme sur le droit commercial général soit taisant sur ce point, la résiliation est inopposable aux créanciers inscrits non informés. Un auteur a pu parler à ce sujet d'une « vigueur de la sanction »96(*) .La chambre civile de la Cour de cassation française, dans un arrêt du 12 juillet 2006, a déjà jugé que « l'inopposabilité de la résiliation intervenue est acquise de plein droit dès lors que le bailleur a manqué à ses obligations à l'égard des créanciers inscrits »97(*) .Un commentateur de cette décision a écrit qu'il s'infère de cette solution prétorienne que « toute tentative de régularisation de l'absence de notification ou d'une notification tardive de l'assignation en résiliation est vouée à l'échec »98(*).Cette rétractation produit des effets à l'égard de toutes les parties, en raison de la nature indivisible des obligations découlant du bail. La conséquence de cette indivisibilité est que le bailleur doit recommencer l'ensemble des opérations nécessaires pour arriver à la résiliation, notamment la notification de l'action en résiliation aux créanciers inscrits99(*). Enfin, le créancier inscrit qui aurait subi un préjudice du fait de l'inobservation de la formalité prévue par l'article 133 de l'Acte uniforme sur le droit commercial général, est en droit, dans les conditions du droit commun, de réclamer la réparation de ce dommage qui peut être égal au montant non payé de sa créance . * 96 Marie-Pierre Dumont-Lefrand, « résiliation du bail : la nécessaire information des créanciers inscrits », AJDA, 2007, p. 450. * 97Cass. Com. 24 février 1954, Bull. civ, III, n° 75, p. 55. * 98Chauvel-Harel GALLET, « L'inopposabilité de la résiliation du bail commercial au créancier inscrit sur le fonds de commerce », Rev. Loyers, 2006, p. 871. * 99 CA Paris, 12 janvier 1993, Gaz. Pal, 1993, 2, som, p. 311. |
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