La responsabilité pénale du fait de l’empoisonnement et de ses problèmes en droit positif congolais.par André-JoàƒÂ«l MAKWA KANDUNGI Université de Lubumbashi - Licence en Droit 2015 |
3. Elément intentionnelNous avons dit que l'acte criminel constitue une infraction dès lors qu'il y a la réunion de trois éléments. L'élément moral ou l'état d'âme ou encore la volonté criminelle vient compléter les deux autres éléments que nous venons d'aborder. En réalité, il peut précéder les autres éléments tout comme il peut se réaliser simultanément que les deux autres. « Ce lien entre l'acte et l'auteur, que le droit anglais appelle la mens rea (la volonté criminelle) par opposition de l'actus reus (acte criminel), constitue l'élément moral. Il faut que l'élément moral se joigne à l'élément matériel (qu'il apparaisse avant, après, ou au moment même) pour que l'infraction soit constituée.63(*) » Désigne le fait constituant ou l'élément matériel de l'infraction quelle qu'en soit la gravité.64(*) L'intérêt de cet élément moral réside dans le fait que son absence fera que le prévenu soit disculpé car l'on ne saurait déterminer sa responsabilité pénale. Le cas le plus probant est celui de la force majeure où il y a donc absence de l'élément moral, par conséquent absence d'infraction, alors que l'acte positif ou négatif s'est bien posé et que cet acte est contraire à la loi pénale! Ainsi, « L'élément moral c'est l'élément intentionnel, la volonté, la tension, la pulsion psychologique qui détermine l'auteur de l'infraction.65(*) » A la suite de LEVASSEUR et alii, nous disons que dans la quasi-totalité les actes délictueux sont volontaires. Toutefois, l'étendue de la volonté n'est pas la même, ni le rôle de cette volonté. Ainsi, lorsque l'agent veut un acte et ses conséquences et qu'il accompli l'acte pour produire lesdites conséquences, nous sommes en présence de l'intention criminelle ou le dol pénal, ce qui est souvent le cas d'empoisonnement, du meurtre, etc. Mais si l'auteur ne vise que l'acte sans en vouloir les conséquences qu'il aurait dû prévoir, et pu éviter, nous sommes dans la faute pénale, le cas d'homicide par imprudence, coups et blessures par imprudence.66(*) De ce qui précède, nous affirmons que l'élément moral d'une infraction consiste soit en une intention criminelle67(*) ou un dol pénal, soit en une faute pénal. Cette logique a poussé nombre des législations à distinguer les infractions intentionnelles (crimes, délits) des infractions non intentionnelles (la plupart des contraventions). Mais cette distinction demeure non sans difficulté en ce sens qu'il existe d'une part des crimes, délits non intentionnels et d'autre part des contraventions intentionnelles. Le cas en France du dommage volontairement causé à la propriété mobilière ou immobilière d'autrui68(*). Par ailleurs, il y a lieu de faire la distinction entre le dol et le mobile. Selon la conception classique évoquée par LEVASSEUR, l'intention criminelle ou le dol est la volonté tendue à dessein vers un but interdit par la loi pénale. Elle est la volonté d'accomplir un acte que l'on sait défendu par la loi pénale ou de s'abstenir d'un acte que l'on sait ordonné par la loi. Pour la conception réaliste avec Enrico Ferri, l'intention loin d'être abstraite, est plutôt une volonté déterminée par un motif ou un mobile. D'où, il faut analyser le mobile, rechercher s'il est social ou antisocial ; car un fait n'est punissable que s'il a été voulu dans un but contraire à l'ordre social.69(*) Toujours avec LEVASSEUR, si dans la conception positiviste l'intention criminelle se confond avec le motif ou tout du moins est conditionnée par lui, tel n'est pas le cas avec la conception classique. Car celle-ci considère l'intention criminelle comme une volonté abstraite et la différencie du mobile. « Alors que l'intention, qui n'est autre que la volonté consciente d'accomplir un acte illicite est toujours la même, le mobile, c'est-à-dire l'intérêt ou le sentiment qui a déterminé l'action, ou encore la cause impulsive et déterminante de l'acte criminel est, par contre, essentiellement variable avec les individus et les circonstances.70(*) » Certains codes pénaux dont le code pénal français ont opté pour la conception classique en ne considérant que l'intention. Eu égard à ce qui précède, le dol est avant tout une attitude psychologique, une volonté pour l'auteur, de commettre un acte interdit par la loi. Nous avons d'une part le dol déterminé et le dol indéterminé; d'autre part, le dol général et le dol spécial. Le dol déterminé consiste en ce fait que l'agent a voulu commettre l'infraction et il en a voulu les conséquences déjà prévues d'avance. Le cas de l'agent qui prévoit d'éliminer sa victime en lui administrant des substances mortelles. Il y a la préméditation. Le dol indéterminé consiste dans le fait que l'auteur a intentionnellement voulu l'infraction et d'une manière globale ses conséquences mais sans fixer le résultat final et déterminé que cet acte a produit. Le dol général consiste dans la volonté délibérée de commettre un acte prohibé par la loi pénale. Et le dol spécial est la volonté précise dans la commission d'une infraction déterminée. Le dol quant à l'empoisonnement, c'est l'intention de donner la mort par le poison ou la conscience, qu'a l'agent, de la nature mortelle de substances qu'il administre à la victime: « L'existence de la volonté de donner la mort ou la connaissance que la substance administrée peut donner la mort constitue l'élément moral.71(*) » Sont exclus l'acte posé par erreur, imprudence, inattention ou maladresse. En effet, « On peut administrer un poison par erreur ou distraction, ou dans l'intention de guérir un tiers ; il est évident que si, dans ce cas, la mort survient, il n'y a pas infraction à l'article 49, mais simplement homicide par imprudence.72(*) » C'est au ministère public de prouver l'élément moral. Il convient de savoir quand on peut dire que l'empoisonnement est consommé. L'empoisonnement est dit consommé lorsque les substances mortelles produisent leurs effets dont la conséquence est la mort de la victime. Cette dernière doit être une personne humaine née et vivante. Ne tombe pas sous le coup d'empoisonnement l'administration du poison à un animal. « Il en découle que si, poussé par le repentir, l'auteur administre à sa victime un antidote qui annihile l'effet du poison, ou si la victime rejette le poison, l'infraction n'est pas consommée, et dès lors, l'auteur ne pourrait être poursuivi que pour tentative d'empoisonnement.73(*) » Il en est de même si par l'intervention d'un tiers, le poison ne produit pas ses effets, il y aura tentative d'empoisonnement. Aussi, faut-il noter qu'il y a déjà tentative d'empoisonnement dès que le poison est préparé ou mélangé aux aliments, de telle sorte qu'il ne reste à la victime que de l'avaler. * 63 STAFANI, G., LEVASSEUR, G. et BOULOC, B., op. cit., p. 236. * 64 ROLAND, H., Lexique juridique des expressions latines, 6e édition, Paris, LexisNexis, 2014, p. 11. * 65 AKELE ADAU, op. cit., p. 16. * 66 A ce sujet, lire STAFANI, G., LEVASSEUR, G. et BOULOC, B., op. cit., p. 238. * 67 Selon la conception classique évoquée par LEVASSEUR, l'intention criminelle ou le dol est la volonté tendue à dessein vers un but interdit par la loi pénale. Elle est la volonté d'accomplir un acte que l'on sait défendu par la loi pénale ou de s'abstenir d'un acte que l'on sait ordonné par la loi. La conception réaliste parle de l'intention comme une volonté déterminée par un motif ou un mobile. * 68 Art. R.40.1° du code pénal français cité par STAFANI, G., LEVASSEUR, G. et BOULOC, B., op. cit., p. 240. * 69 Lire à cet effet, l'article 63 du code pénal Suisse de 1937 ou l'article 133 du code pénal italien de 1930. * 70 STAFANI, G., LEVASSEUR, G. et BOULOC, B., op. cit., p. 243. * 71 CIZUNGU, B., op. cit., p. 358. * 72 Tribunal d'appel de Boma, 2 octobre 1915, Revue de Jurisprudence coloniale, 1926, p. 161 cité par MINEUR, G., Commentaire du Code pénal congolais, deuxième édition, Bruxelles, Maison F. Larcier, S.A., 1953, p. 136. * 73 MINEUR, G., idem., p. 136. |
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