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Les garanties de l'indépendance du juge constitutionnel en République Démocratique du Congo.


par Dieu-Merci Wasingya Musonia
Université Catholique du Graben (UCG) - Graduate en Droit (Droit Public Interne et International) 2017
  

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EPIGRAPHE

La confrontation avec le réel est toujours préférable à la culture des illusions

(Serges BE TREIN)

II

DEDICACE

Aux neufs membres de la Cour constitutionnelle congolaise. Aux pouvoirs exécutif et législatif congolais.

III

REMERCIEMENTS

Notre propos sera atteint si professeurs, encadreurs et lecteurs trouvent ici un
réel reflet de nos connaissances en Droit.

Dieu merci pour la grâce de ton souffle de vie que tu ne cesses de nous accorder
jusqu'à ces jours.

Nos remerciements s'adressent au Professeur Ordinaire Télésphore MUHINDO
MALONGA pour son dévouement et son engagement pour notre formation et
pour la direction de notre travail de fin de cycle.

Ensuite nous ne saurons oublier Monsieur l'assistant Thomas KIYIREMBERA
Roc pour son encadrement.

A nos chers parents Anicet MUSONIA et Liliane MBAGHENDA ; à tous les
membres de famille qui de près ou de loin, nous ont soutenus, merci.

A ce même titre notre gratitude, nous le témoignons, s'adresse au système
« Bourse d'Excellence Bringmann aux Universités Congolaises » (BEBUC).

1G. GUARNIERI et P. DEDERIZOLI, La puissance de juge, Pouvoir judiciaire et démocratie, Nicholan, Paris, 1996, p.23

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INTRODUCTION

CONTEXTE ET ETAT DE LA QUESTION

La République Démocratique du Congo est en marche vers un Etat de Droit. L'édification de cet Etat de Droit ne peut commencer que par le respect des lois par les responsables chargés de leur élaboration et exécution. C'est pourquoi beaucoup d'auteurs insistent sur l'indépendance de la magistrature qu'ils considèrent comme une condition essentielle de la fonction de juger. Cette indépendance se trouve inscrite effectivement dans tous les actes ou édictée dans toutes les constitutions que notre pays a déjà connues jusqu'à nos jours.

En République Démocratique du Congo, en dépit de la générosité des textes dans l'affirmation de l'indépendance du pouvoir judiciaire, celui-ci n'est pas effectivement indépendant. Ce manque d'indépendance affecte l'impartialité et la neutralité du juge dans les litiges impliquant l'administration. La peur de ses représailles fait que le juge s'enferme dans une certaine timidité. Les failles et maux qui ruinent le pouvoir judiciaire en général proviennent du fait que la politique veut à tout prix destituer le droit de sa place. « L'exécutif » ne voudrait plus que « le judiciaire » prenne le dessus sur lui. Le vécu quotidien nous montre que la culture du Droit occupe encore une place moins importante pour le peuple congolais. La majorité de notre population ignore ce qu'est le Droit. Elle le confond souvent avec la morale et sa confession religieuse1.

Pourtant le pouvoir judiciaire à travers la Cour constitutionnelle est chargé de la protection des droits et libertés des citoyens. La Cour constitutionnelle est donc le levier de l'instauration et du maintien de l'état de Droit. Si une telle Cour n'est pas indépendante, c'est la vie du peuple en général qui est en danger. Cette indépendance suppose alors un fonctionnement effectif. C'est ce qui constitue même une importance incontournable de l'indépendance de la justice constitutionnelle.

2

Pour T. Muhindo Malonga, dans sa thèse intitulée "le contrôle juridictionnel des pouvoirs publics : l'affirmation du juge dans le parlementarisme en France" , « le contrôle juridictionnel sur les gouvernants suppose une justice indépendante(...) Pour se distinguer du totalitarisme, l'Etat de Droit doit présenter certaines caractéristiques dont, en plus de la séparation des pouvoirs(...), l'existence d'un pouvoir juridictionnel indépendant et la possibilité d'un contrôle de constitutionnalité effectif . L'indépendance de l'autorité juridictionnelle est de ce fait, un impératif de l'Etat de Droit et un facteur de légitimité du pouvoir»2.

Cependant, pour ce qui concerne le pouvoir judiciaire en général, l'article 149 de la Constitution congolaise du 18 février 2006 dispose : « Le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. Il est dévolu aux cours et tribunaux qui sont : la Cour constitutionnelle, la Cour de cassation, le Conseil d'Etat, la Haute cour militaire ainsi que les Cours et Tribunaux civils et militaires. (...)»3. L'article 160 de la même constitution dispose en précisant que : « la cour constitutionnelle est chargée du contrôle de constitutionnalité des lois et des actes ayant force de loi. Les lois organiques, avant leur promulgation, et les Règlements intérieurs des Chambres parlementaires et du Congrès, de la Commission électorale nationale indépendante ainsi que du Conseil supérieur de l'audiovisuel et de la communication, avant leur mise en application, doivent être soumis à la Cour constitutionnelle qui se prononce sur leur conformité à la constitution. (...)»4.

Eu égard à ce qui précède, nous pouvons affirmer que, sur le plan textuel, cette indépendance est déjà garantie. Il convient cependant de souligner que l'indépendance ne se donne pas comme un gâteau sur un plateau, mais elle s'arrache. Dans ce sens, Montesquieu avait senti la nécessite d'instaurer le mécanisme de contre-pouvoir qu'il considérait comme une réponse à l'arbitraire des gouvernants, c'est-à-dire de tous ceux qui détenaient le pouvoir politique. Dans son ouvrage "L'esprit des lois", Montesquieu instaure avec force une séparation des pouvoirs, la classification la plus courante comportant trois

2 T. MUHINDO MALONGA, Le contrôle juridictionnel des pouvoirs publics: l'affirmation du juge dans le parlementarisme en France, Thèse de Doctorat, Toulouse 1, 2005, p.124

3Article 149 tel que modifié par l'Article 1er de la loi n° 11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la Constitution de la République Démocratique du Congo

4Article 160 de la Constitution congolaise du 18 février 2006

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fonctions, car à côté des fonctions législative et exécutive, on distingue une fonction juridictionnelle qui consiste à rendre la justice par la résolution des litiges.

Montesquieu est donc parti d'une certaine constatation lorsqu'il souligne ces termes : « Tout serait perdu si les mêmes hommes ou les mêmes corps des principaux ou des nobles ou de peuple exerçaient ces trois pouvoirs : "Celui de faire les lois, celui d'exécuter les résolutions publiques et celui de juger les crimes ou les différends des particuliers". Il faut, disait-il, pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, partir de la disposition des choses, que le pouvoir arrête le pouvoir car tout homme qui a du pouvoir est porte d'en abuser »5.

Déjà à son temps, CICERON soutenait que : « le pouvoir n'est pas une chose que l'on possède, mais une fonction que l'on assume et qui pour avantage que l'honneur d'avoir servi l'intérêt général»6. Parlant du pouvoir judiciaire dans notre pays la République Démocratique du Congo, il est exceptionnel qu'un juge condamne l'administration pour le préjudice subi par le justiciable, car l'épée est toujours à son coup pour lui trancher la tête.

D'après J. Mekhantar : « limiter le pouvoir de l'Etat c'est non seulement déterminer un certain nombre de principes fondamentaux qui doivent le régir, mais c'est aussi lui opposer des droits et libertés individuelles dont il doit nécessairement tenir compte»7. C'est dans ce sens qu'Evariste BOSHAB également écrit : « De manière schématique, par indépendance de la justice s'entend le fait de placer le pouvoir juridictionnel sur un même pied d'égalité avec les autres pouvoirs qui, comme lui, émanent de la nation. Le pouvoir juridictionnel ne doit être inféodé ni au pouvoir législatif, ni au pouvoir exécutif »8.

Par ailleurs, la justice constitutionnelle, comme toute justice, est soumise à l'exigence d'impartialité. Charles Eisenmann soulignait au sujet de la Haute Cour constitutionnelle d'Autriche qu' « appelée à jouer dans une certaine

5F. KISHIBA, Cours de Droit constitutionnel et Institutions politiques, UNILU, G1 Droit, inédit, 2010-2011

6 CICERON, Cité par J. SOUGANIEMBA, Etat de droit, démocratie fédérale au Congo Kinshasa, Le Harmattan, Paris, 2002, p.43

7 J. MEKHANTAR, Droit politique et constitutionnel, 4eéd., Eskar, Paris, 1986, p.115

8 E. BOSHAB, « La misère de la justice est justice de la misère en RDC », in R.R.J., Droit prospectif, n°3, 1998, p.1165

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mesure le rôle d'arbitre entre les parties, à assurer le règne du Droit jusque dans le domaine politique, l'impartialité de ses membres apparait d'autant plus nécessaire qu'ils ont à se prononcer sur des questions plus brulantes»9.

Comme dans plusieurs Etats démocratiques, en République Démocratique du Congo les textes affirment sans équivoque l'indépendance du juge constitutionnel. D'abord, un mandat pratiquement long et non renouvelable10 qui constitue une garantie dans la mesure où le juge n'a point à s'inquiéter des injonctions des autres pouvoirs en exerçant ses fonctions dans une indépendance effective. Egalement, une indépendance financière lui est reconnue du fait que le pouvoir judiciaire élabore son propre budget à travers le Conseil supérieur de la magistrature, lequel budget est transmis au budget national de l'Etat. Sur le plan financier, moins le pouvoir judiciaire est rémunéré, plus il parait dépendant car devient facilement tendu vers corruptible. La faible rémunération serait aussi à la base de la dépendance. Ainsi une rémunération descente semblerait constituer un bon mécanisme de l'indépendance de cette Cour. C'est ce que prône déjà l'article 27 de la loi portant organisation et fonctionnement de la cour constitutionnelle qui dispose à son alinéa premier que les membres de cette Cour ont droit à un traitement et à des avantages qui assurent leur indépendance et leur dignité.

Aussi, du point de vue des décisions que cette Cour rend, les arrêts de la cour constitutionnelle ne sont susceptibles d'aucune voie de recours. Le juge constitutionnel n'a donc pas à s'inquiéter car il rend ses décisions en premier et dernier ressort. L'autorité des arrêts du juge constitutionnel constitue même une force pour son indépendance. Il est impérieux que, par les garanties, le pouvoir judiciaire en général et la justice constitutionnelle en particulier gardent une indépendance tant vantée mais non encore vécue en République Démocratique du Congo.

9C. EISENMANN, cité par E. TAWIL, L'organe de la justice constitutionnelle-aspects statuaires, Montpellier, 2005, p.1

10Article 6 de la loi organique no 13/026 du 15 Octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle.

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I. PROBLEMATIQUE

La cour constitutionnelle est chargée, entre autres compétences, du contrôle de constitutionnalité des lois. Elle vise non seulement à répondre à l'option du constituant de séparer le contentieux constitutionnel du contentieux administratif et judiciaire, mais aussi à renforcer l'indépendance du pouvoir judiciaire face aux pouvoirs législatif et exécutif. Aussi, le pouvoir judiciaire ne peut être un véritable pouvoir que dans la mesure où son indépendance est assurée. Le juge ne doit être qu'un simple serviteur de la loi. Ainsi son indépendance est une garantie fondamentale de l'instauration de l'Etat de Droit pour les citoyens.

En effet, l'indépendance de la justice constitutionnelle doit être une réelle garantie car elle est la clé de voûte de l'Etat démocratique, caractérisé par un Etat de droit. Cet Etat de Droit se définit comme un pouvoir politique institutionnalisé dont les différents organes agissent en vertu du droit et seulement ainsi en garantissant le respect par la puissance publique des droits humains fondamentaux individuels et collectifs. L'Etat de droit s'oppose alors au pouvoir arbitraire des hommes. La justice constitutionnelle se veut un rempart contre l'arbitraire des gouvernants. Cette justice constitutionnelle ne peut assurer la protection et la sauvegarde des droits et libertés individuels et collectifs que dans la mesure où son indépendance est garantie.

Par ailleurs, la volonté du constituant est de voir le juge constitutionnel demeurer indépendant dans ses décisions. Cette indépendance est d'une grande importance parce que la justice constitutionnelle constitue le garant des libertés individuelles et des droits fondamentaux des citoyens. Cette indépendance ne sera pas seulement prônée et vantée par des textes, encore faut-il que cette indépendance se pratique.

Malheureusement, en dépit des garanties déjà affectées par la Constitution, la loi portant statut des magistrats, la loi portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle et plusieurs autres textes, la Cour ne fait pas encore preuve d'une réelle indépendance. Quelle sont alors les causes d'affaiblissement de l'indépendance de cette Cour ? En suivant le même fil d'Ariane, en plus des garanties déjà prévues, les quelles autres garanties

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peuvent-elles être consacrées pour rendre effectivement indépendante cette haute juridiction ? En d'autres termes, quels sont les mécanismes ou les voies et moyens pouvant permettre la mise en oeuvre d'une indépendance effectivement garantie du juge constitutionnel ?

Telles sont les questions majeures qui nous poussent à mener notre recherche sur les garanties de l'indépendance du juge constitutionnel en République Démocratique du Congo.

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