EPIGRAPHE
La confrontation avec le réel est toujours
préférable à la culture des illusions
(Serges BE TREIN)
II
DEDICACE
Aux neufs membres de la Cour constitutionnelle congolaise.
Aux pouvoirs exécutif et législatif congolais.
III
REMERCIEMENTS
Notre propos sera atteint si professeurs, encadreurs et
lecteurs trouvent ici un réel reflet de nos connaissances en
Droit.
Dieu merci pour la grâce de ton souffle de vie que tu
ne cesses de nous accorder jusqu'à ces jours.
Nos remerciements s'adressent au Professeur Ordinaire
Télésphore MUHINDO MALONGA pour son dévouement et son
engagement pour notre formation et pour la direction de notre travail de fin
de cycle.
Ensuite nous ne saurons oublier Monsieur l'assistant Thomas
KIYIREMBERA Roc pour son encadrement.
A nos chers parents Anicet MUSONIA et Liliane MBAGHENDA ;
à tous les membres de famille qui de près ou de loin, nous ont
soutenus, merci.
A ce même titre notre gratitude, nous le
témoignons, s'adresse au système « Bourse d'Excellence
Bringmann aux Universités Congolaises » (BEBUC).
1G. GUARNIERI et P. DEDERIZOLI, La puissance de
juge, Pouvoir judiciaire et démocratie, Nicholan, Paris, 1996,
p.23
1
INTRODUCTION
CONTEXTE ET ETAT DE LA QUESTION
La République Démocratique du Congo est en
marche vers un Etat de Droit. L'édification de cet Etat de Droit ne peut
commencer que par le respect des lois par les responsables chargés de
leur élaboration et exécution. C'est pourquoi beaucoup d'auteurs
insistent sur l'indépendance de la magistrature qu'ils
considèrent comme une condition essentielle de la fonction de juger.
Cette indépendance se trouve inscrite effectivement dans tous les actes
ou édictée dans toutes les constitutions que notre pays a
déjà connues jusqu'à nos jours.
En République Démocratique du Congo, en
dépit de la générosité des textes dans
l'affirmation de l'indépendance du pouvoir judiciaire, celui-ci n'est
pas effectivement indépendant. Ce manque d'indépendance affecte
l'impartialité et la neutralité du juge dans les litiges
impliquant l'administration. La peur de ses représailles fait que le
juge s'enferme dans une certaine timidité. Les failles et maux qui
ruinent le pouvoir judiciaire en général proviennent du fait que
la politique veut à tout prix destituer le droit de sa place. «
L'exécutif » ne voudrait plus que « le judiciaire »
prenne le dessus sur lui. Le vécu quotidien nous montre que la culture
du Droit occupe encore une place moins importante pour le peuple congolais. La
majorité de notre population ignore ce qu'est le Droit. Elle le confond
souvent avec la morale et sa confession religieuse1.
Pourtant le pouvoir judiciaire à travers la Cour
constitutionnelle est chargé de la protection des droits et
libertés des citoyens. La Cour constitutionnelle est donc le levier de
l'instauration et du maintien de l'état de Droit. Si une telle Cour
n'est pas indépendante, c'est la vie du peuple en général
qui est en danger. Cette indépendance suppose alors un fonctionnement
effectif. C'est ce qui constitue même une importance incontournable de
l'indépendance de la justice constitutionnelle.
2
Pour T. Muhindo Malonga, dans sa thèse intitulée
"le contrôle juridictionnel des pouvoirs publics : l'affirmation du
juge dans le parlementarisme en France" , « le contrôle
juridictionnel sur les gouvernants suppose une justice indépendante(...)
Pour se distinguer du totalitarisme, l'Etat de Droit doit présenter
certaines caractéristiques dont, en plus de la séparation des
pouvoirs(...), l'existence d'un pouvoir juridictionnel indépendant et la
possibilité d'un contrôle de constitutionnalité effectif
. L'indépendance de l'autorité juridictionnelle est de
ce fait, un impératif de l'Etat de Droit et un facteur de
légitimité du pouvoir»2.
Cependant, pour ce qui concerne le pouvoir judiciaire en
général, l'article 149 de la Constitution congolaise du 18
février 2006 dispose : « Le pouvoir judiciaire est
indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif.
Il est dévolu aux cours et tribunaux qui sont : la Cour
constitutionnelle, la Cour de cassation, le Conseil d'Etat, la Haute cour
militaire ainsi que les Cours et Tribunaux civils et militaires.
(...)»3. L'article 160 de la même
constitution dispose en précisant que : « la cour
constitutionnelle est chargée du contrôle de
constitutionnalité des lois et des actes ayant force de loi. Les lois
organiques, avant leur promulgation, et les Règlements intérieurs
des Chambres parlementaires et du Congrès, de la Commission
électorale nationale indépendante ainsi que du Conseil
supérieur de l'audiovisuel et de la communication, avant leur mise en
application, doivent être soumis à la Cour constitutionnelle qui
se prononce sur leur conformité à la constitution.
(...)»4.
Eu égard à ce qui précède, nous
pouvons affirmer que, sur le plan textuel, cette indépendance est
déjà garantie. Il convient cependant de souligner que
l'indépendance ne se donne pas comme un gâteau sur un plateau,
mais elle s'arrache. Dans ce sens, Montesquieu avait senti la nécessite
d'instaurer le mécanisme de contre-pouvoir qu'il considérait
comme une réponse à l'arbitraire des gouvernants,
c'est-à-dire de tous ceux qui détenaient le pouvoir politique.
Dans son ouvrage "L'esprit des lois", Montesquieu instaure avec force
une séparation des pouvoirs, la classification la plus courante
comportant trois
2 T. MUHINDO MALONGA, Le contrôle
juridictionnel des pouvoirs publics: l'affirmation du juge dans le
parlementarisme en France, Thèse de Doctorat, Toulouse 1, 2005,
p.124
3Article 149 tel que modifié par l'Article
1er de la loi n° 11/002 du 20 janvier 2011 portant
révision de certains articles de la Constitution de la République
Démocratique du Congo
4Article 160 de la Constitution congolaise du 18
février 2006
3
fonctions, car à côté des fonctions
législative et exécutive, on distingue une fonction
juridictionnelle qui consiste à rendre la justice par la
résolution des litiges.
Montesquieu est donc parti d'une certaine constatation
lorsqu'il souligne ces termes : « Tout serait perdu si les mêmes
hommes ou les mêmes corps des principaux ou des nobles ou de peuple
exerçaient ces trois pouvoirs : "Celui de faire les lois, celui
d'exécuter les résolutions publiques et celui de juger les crimes
ou les différends des particuliers". Il faut, disait-il, pour qu'on ne
puisse abuser du pouvoir, partir de la disposition des choses, que le pouvoir
arrête le pouvoir car tout homme qui a du pouvoir est porte d'en abuser
»5.
Déjà à son temps, CICERON soutenait que :
« le pouvoir n'est pas une chose que l'on possède, mais une
fonction que l'on assume et qui pour avantage que l'honneur d'avoir servi
l'intérêt général»6. Parlant du
pouvoir judiciaire dans notre pays la République Démocratique du
Congo, il est exceptionnel qu'un juge condamne l'administration pour le
préjudice subi par le justiciable, car l'épée est toujours
à son coup pour lui trancher la tête.
D'après J. Mekhantar : « limiter le pouvoir de
l'Etat c'est non seulement déterminer un certain nombre de principes
fondamentaux qui doivent le régir, mais c'est aussi lui opposer des
droits et libertés individuelles dont il doit nécessairement
tenir compte»7. C'est dans ce sens qu'Evariste BOSHAB
également écrit : « De manière
schématique, par indépendance de la justice s'entend le fait de
placer le pouvoir juridictionnel sur un même pied d'égalité
avec les autres pouvoirs qui, comme lui, émanent de la nation. Le
pouvoir juridictionnel ne doit être inféodé ni au pouvoir
législatif, ni au pouvoir exécutif
»8.
Par ailleurs, la justice constitutionnelle, comme toute
justice, est soumise à l'exigence d'impartialité. Charles
Eisenmann soulignait au sujet de la Haute Cour constitutionnelle d'Autriche qu'
« appelée à jouer dans une certaine
5F. KISHIBA, Cours de Droit constitutionnel et
Institutions politiques, UNILU, G1 Droit, inédit, 2010-2011
6 CICERON, Cité par J. SOUGANIEMBA, Etat
de droit, démocratie fédérale au Congo Kinshasa, Le
Harmattan, Paris, 2002, p.43
7 J. MEKHANTAR, Droit politique et
constitutionnel, 4eéd., Eskar, Paris, 1986, p.115
8 E. BOSHAB, « La misère de la justice
est justice de la misère en RDC », in R.R.J.,
Droit prospectif, n°3, 1998, p.1165
4
mesure le rôle d'arbitre entre les parties, à
assurer le règne du Droit jusque dans le domaine politique,
l'impartialité de ses membres apparait d'autant plus nécessaire
qu'ils ont à se prononcer sur des questions plus
brulantes»9.
Comme dans plusieurs Etats démocratiques, en
République Démocratique du Congo les textes affirment sans
équivoque l'indépendance du juge constitutionnel. D'abord, un
mandat pratiquement long et non renouvelable10 qui constitue une
garantie dans la mesure où le juge n'a point à s'inquiéter
des injonctions des autres pouvoirs en exerçant ses fonctions dans une
indépendance effective. Egalement, une indépendance
financière lui est reconnue du fait que le pouvoir judiciaire
élabore son propre budget à travers le Conseil supérieur
de la magistrature, lequel budget est transmis au budget national de l'Etat.
Sur le plan financier, moins le pouvoir judiciaire est
rémunéré, plus il parait dépendant car devient
facilement tendu vers corruptible. La faible rémunération serait
aussi à la base de la dépendance. Ainsi une
rémunération descente semblerait constituer un bon
mécanisme de l'indépendance de cette Cour. C'est ce que
prône déjà l'article 27 de la loi portant organisation et
fonctionnement de la cour constitutionnelle qui dispose à son
alinéa premier que les membres de cette Cour ont droit à un
traitement et à des avantages qui assurent leur indépendance et
leur dignité.
Aussi, du point de vue des décisions que cette Cour
rend, les arrêts de la cour constitutionnelle ne sont susceptibles
d'aucune voie de recours. Le juge constitutionnel n'a donc pas à
s'inquiéter car il rend ses décisions en premier et dernier
ressort. L'autorité des arrêts du juge constitutionnel constitue
même une force pour son indépendance. Il est impérieux que,
par les garanties, le pouvoir judiciaire en général et la justice
constitutionnelle en particulier gardent une indépendance tant
vantée mais non encore vécue en République
Démocratique du Congo.
9C. EISENMANN, cité
par E. TAWIL, L'organe de la justice constitutionnelle-aspects
statuaires, Montpellier, 2005, p.1
10Article 6 de la loi
organique no 13/026 du 15 Octobre 2013 portant organisation et
fonctionnement de la Cour constitutionnelle.
5
I. PROBLEMATIQUE
La cour constitutionnelle est chargée, entre autres
compétences, du contrôle de constitutionnalité des lois.
Elle vise non seulement à répondre à l'option du
constituant de séparer le contentieux constitutionnel du contentieux
administratif et judiciaire, mais aussi à renforcer
l'indépendance du pouvoir judiciaire face aux pouvoirs législatif
et exécutif. Aussi, le pouvoir judiciaire ne peut être un
véritable pouvoir que dans la mesure où son indépendance
est assurée. Le juge ne doit être qu'un simple serviteur de la
loi. Ainsi son indépendance est une garantie fondamentale de
l'instauration de l'Etat de Droit pour les citoyens.
En effet, l'indépendance de la justice
constitutionnelle doit être une réelle garantie car elle est la
clé de voûte de l'Etat démocratique,
caractérisé par un Etat de droit. Cet Etat de Droit se
définit comme un pouvoir politique institutionnalisé dont les
différents organes agissent en vertu du droit et seulement ainsi en
garantissant le respect par la puissance publique des droits humains
fondamentaux individuels et collectifs. L'Etat de droit s'oppose alors au
pouvoir arbitraire des hommes. La justice constitutionnelle se veut un rempart
contre l'arbitraire des gouvernants. Cette justice constitutionnelle ne peut
assurer la protection et la sauvegarde des droits et libertés
individuels et collectifs que dans la mesure où son indépendance
est garantie.
Par ailleurs, la volonté du constituant est de voir le
juge constitutionnel demeurer indépendant dans ses décisions.
Cette indépendance est d'une grande importance parce que la justice
constitutionnelle constitue le garant des libertés individuelles et des
droits fondamentaux des citoyens. Cette indépendance ne sera pas
seulement prônée et vantée par des textes, encore faut-il
que cette indépendance se pratique.
Malheureusement, en dépit des garanties
déjà affectées par la Constitution, la loi portant statut
des magistrats, la loi portant organisation et fonctionnement de la Cour
constitutionnelle et plusieurs autres textes, la Cour ne fait pas encore preuve
d'une réelle indépendance. Quelle sont alors les causes
d'affaiblissement de l'indépendance de cette Cour ? En suivant le
même fil d'Ariane, en plus des garanties déjà
prévues, les quelles autres garanties
6
peuvent-elles être consacrées pour rendre
effectivement indépendante cette haute juridiction ? En d'autres termes,
quels sont les mécanismes ou les voies et moyens pouvant permettre la
mise en oeuvre d'une indépendance effectivement garantie du juge
constitutionnel ?
Telles sont les questions majeures qui nous poussent à
mener notre recherche sur les garanties de l'indépendance du juge
constitutionnel en République Démocratique du Congo.
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