B- Un aboutissement décisif
Les négociations engagées au sommet de Cotonou
en 1995 ont atteint leur point d'orgue en 1997 à Hanoi.
En effet, à l'occasion de ce sommet, la Charte de
l'Agence de la Francophonie a été révisée en
créant un poste de Secrétariat Général investi
d'importantes prérogatives
68 TOLDE Ngarlem, La Francophonie et la résolution des
conflits : réflexion sur la notion de tiers, article
précité., p.56.
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69 Selon Emile Derlin Zinsou dans son rapport au sommet en
qualité de Président du CPF, « La Francophonie peut, en
se référant à ses valeurs, être un acteur essentiel
dans certaines médiations. Mais elle devrait d'abord, pour ce faire, se
doter d'instruments indispensables, de manière à être
éclairée en permanence par une observation attentive de
l'évolution des situations qui lui permette de déceler les
risques de conflits. Il s'agit de renforcer la capacité de
réaction de la Francophonie, de manière à faciliter sa
mobilisation immédiate en cas de crise ». Voir TOLDE Ngarlem,
La Francophonie et la résolution des conflits : réflexion sur
la notion de tiers, thèse de doctorat, op.cit., p.58.
26
politiques en matière d'accompagnement
démocratique. Selon l'article 7 de cette Charte révisée,
« En cas d'urgence, le Secrétariat Général saisit
le CPF et, compte tenu de la gravité de la situation, le
président de la Conférence ministérielle, des situations
de crise et de conflits dans lesquels les membres peuvent être ou sont
impliqués. Il propose des mesures spécifiques pour leur
prévention, éventuellement en collaboration avec d'autres
organisations internationales ». « Les instances de la
Francophonie donnent au Secrétaire Général des
délégations générales de pouvoir, qui
découlent de son statut et qui sont liées aux exigences de sa
fonction. Notamment le Secrétaire Général décide de
l'envoi d'une mission d'exploration. Il propose au CPF l'envoi d'une mission
d'observation d'élections. Il en rend compte »70.
Le secrétaire Général Boutros Boutros Ghali va
dès lors sur la base de son expérience aux Nations Unies donner
une impulsion décisive à ce nouvel engagement de l'organisation
au service de la paix et de la démocratie. Ainsi, lors de sa
première intervention en qualité de représentant officiel
de la Francophonie, Boutros Ghali estime que : « la Francophonie doit
être un creuset de solidarité et de
générosité. Elle doit se traduire- et c'est bien le sens
de l'élection aujourd'hui- par un véritable programme d'action.
Ce programme, je le souhaite, d'abord, au service de la paix. Je suis
persuadé que la Francophonie peut déployer, à cet
égard, une diplomatie de conciliation, une diplomatie de
médiation de manière à ce que se renforcent les liens
pacifiques entre tous les membres de notre communauté et avec le reste
du monde »71.
Le plan d'action adopté à Hanoi au cours de ce
sommet par les chefs d'Etat et de Gouvernement donnait des prérogatives
politiques au Secrétaire Général qu'il devra mettre au
service de la paix et la démocratie. L'article 4 invitait en effet le
Secrétaire Général à « développer
les initiatives politiques susceptibles de contribuer au règlement
pacifique des conflits en cours, par le canal des opérateurs directs et
reconnus des
70 DESSOUCHES Christine, « Médiation et
Francophonie », Vettovaglia Jean Pierre (sous dir), in
Médiation et Francophonie dans l'espace francophone, p.280.
Cité par TOLDE Ngarlem, La Francophonie et la résolution des
conflits : réflexion sur la notion de tiers, article
précité., p.60.
71 Ibidem.
Sommets et d'autres acteurs de la Francophonie
»72. Aussi, convaincus des avantages du système de
la sécurité collective, les chefs d'Etat et de gouvernement
invitèrent le Secrétaire Général à
« intensifier la coopération avec les organismes internationaux
et régionaux oeuvrant, notamment, dans le domaine des droits de l'Homme
»73.
Dès lors, la Francophonie longtemps cantonnée
à ses activités culturelles va « multiplier et
étendre ses réseaux d'influence pour renforcer ses
capacités d'action dans les lieux où elle peut influer sur les
enjeux diplomatiques déterminant la marche du
monde»74.
C'est ainsi que sa charte de 1997 adoptée à
Hanoi au Vietnam a été révisée en 2005 à
Antananarivo par la Conférence ministérielle afin «de
renforcer la Francophonie, la rendre plus dynamique, plus cohérente et
plus visible»75. Cette Charte a le mérite de donner
une touche politique aux missions du Secrétaire Général
qui devient désormais une personnalité centrale dans
l'accompagnement démocratique de l'organisation. Dorénavant, les
instances supérieures de la Francophonie sont appelées à
établir progressivement une doctrine francophone d'engagement pour la
démocratie, la paix et la sécurité en utilisant les
sommets francophones comme « une tribune privilégiée de
l'élaboration de stratégies francophones sur les enjeux
présentant un caractère prioritaire pour le devenir commun de
tous les membres d'une communauté regroupant des Etats appartenant aux
cinq continents»76.
Par ailleurs, la Francophonie se réclamant
désormais comme une actrice de plein droit des relations internationales
ne pouvait pas mener ses actions isolément. Il s'agit dans ses nouveaux
objectifs d'agir en synergie avec l'ONU et les autres organisations
régionales oeuvrant pour la démocratie, la paix et la
sécurité. L'article 9 alinéa 6 de la
72 OIF, Plan d'action de Hanoi, article 4.
73 Ibidem.
74 MOBE Fansiama, « Pour que l'intelligence critique
donne un sens au cinquantenaire des indépendances africaines»,
in MOBE Fansiama (dir.), 50 ans d'indépendance en Afrique
francophone, l'année Francophone internationale 2010-2011, p.
324.
75 DIOUF Abdou, Discours lors de la séance d'ouverture
de la conférence ministérielle de la Francophonie à
Antananarivo à Madagascar les 22 et 23 Novembre 2005.
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76 CHABI Basile, l'OIF et la résolution des
conflits en Afrique noire francophone, mémoire de master,
Université d'Abomey-Calavi, 2014, p.19.
Charte de 2005 dispose que «L'OIF collabore avec les
diverses organisations internationales et régionales sur la base des
principes et des formes de coopération multilatérales
reconnues». Il en résulte alors que l'OIF «devient
acteur dans le système des relations internationales et ajuste son
agenda qu'elle veut commun à tous ses membres au plus près des
réalités de la gouvernance mondiale»77.
Engagée dans cette droite ligne d'actrice politique
privilégiée aux cotés des Etats membres, la Francophonie
va construire progressivement sa doctrine en mettant en place un dispositif
institutionnel de soutien à la démocratie et à la paix.
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