B- Une souplesse défavorable des textes
L'OIF repose sur des textes essentiellement
déclaratoires. La Charte de la Francophonie, principal texte de
l'organisation n'a pas valeur contraignante. Dans la même logique, la
Déclaration de Bamako et la Déclaration de Saint Boniface sont
des textes de la soft law et par voie conséquence, les obligations qui y
découlent ne lient pas les Etats membres de l'institution. Ceci fait de
l'OIF une organisation atypique207. Car une Organisation
internationale est fondée sur un traité liant tous les membres.
Cet acte constitutif est un acte mixte car «il est à la fois un
accord de volonté conclu entre les Etats souverains et aux sens à
la fois formel et matériel ou l'on l'entend en droit public interne, une
constitution, déterminant les droits et obligations des Etats
liés entre eux de même qu'aux organes institués dont ils
précisent les pouvoirs»208.
Le caractère non contraignant des textes de l'OIF
entraine dans la plupart des cas, le non-respect de certains principes
liés à la démocratie et à l'Etat de droit. La
rupture de la démocratie en Guinée, en Côte d'Ivoire, en
Centrafrique et même en RDC est très illustrative du non
appropriation par les Etats des valeurs démocratiques promues par l'OIF.
Il en est de même des révisions opportunistes mises en oeuvre par
les chefs d'Etats de certains pays d'Afrique noire francophone;
révisions qui sont enclenchées au grand mépris des valeurs
contenues dans la Déclaration de Bamako et sous la presque inaction des
instances de l'OIF. C'est pourquoi, «il est souhaitable d'avoir un
véritable traité ratifié par les parlements des Etats
membres et définissant les droits et les devoirs de chaque signataire.
Ainsi les membres prendraient-ils au sérieux leur
adhésion»209 . Par ailleurs, la souplesse des
textes de l'OIF a pour conséquence d'empêcher l'OIF de prendre des
mesures coercitives ou non coercitives telles les sanctions économiques
à l'égard des Etats en cas de
207 CABANIS André, CROUZATIER Jean Marie, IVAN
Ruxandra, SOPPELSA Jacques, Méthodologie de la recherche en droit
international, géopolitique et relations internationales,
op.cit., p.70.
208 DUPUIY Pierre Marie, op.cit., p.158.
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209 AUF, ouvrage collectif, Francophonie et relations
internationales, ouvrage précité, p.70.
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violation de la démocratie. En effet, deux principes
cardinaux régissent les activités de l'OIF en matière de
médiation et de conciliation. Le premier qui prend en compte le principe
sacro-saint de la souveraineté consiste pour les institutions de l'OIF
à n'intervenir qu'après obtention de l'autorisation de l'Etat
concerné.
Le second principe qui est celui de la
complémentarité des actions de l'OIF à celles des autres
organisations internationales et régionales a pour philosophie
d'éviter une cacophonie entre les acteurs de la médiation ; ce
qui pourrait complexifier le conflit ou corseter le dénouement de la
crise.
Du reste, l'intervention de la Francophonie dans les conflits
repose sur la médiation ; mode privilégié de
résolution des conflits qui trouve son explication dans le fait que les
textes qui organisent la démocratie dans l'espace francophone ont un
caractère souple. En cas de rupture de la démocratie, la sanction
privilégiée est soit la suspension de l'Etat concerné des
rencontres des instances de l'organisation ou l'exclusion pure et simple de ce
dernier de l'organisation. Mais malheureusement, on remarque que l'OIF est
plutôt encline à jouer le rôle d'un leader moral
auprès des Etats ; une action qui jusque-là n'empêche pas
les dirigeants politiques de l'espace noir francophone à s'adonner
à des violations des droits humains et à réviser
opportunément les constitutions. Face à une telle situation, il
est important que l'OIF renforce la déclaration de Bamako afin de la
rendre contraignante vis-à-vis de ses Etats membres. Cette
démarche doit s'inscrire dans le sillage du Commonwealth qui s'est
doté d'outils lui permettant d'imposer des sanctions à l'encontre
des pays ne respectant pas les règles établies.
Par ailleurs, la faiblesse des textes de l'OIF rend son
fonctionnement mitigé. Paragraphe 2 : Un fonctionnement
mitigé.
Le fonctionnement interne de l'OIF fait constamment l'objet de
polémiques. Il est d'abord dénoncé en raison de la
présence stratégique de la France qui laisse penser que l'OIF est
une émanation de la géopolitique française dans le monde
et plus particulièrement dans les Etats de l'Afrique francophone (A).
Cette influence française
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entraine une perte de confiance manifestée par les
Etats membres en particulier ceux de l'Afrique noire francophone (B).
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