L'organisation internationale de la francophonie et la démocratie en Afrique noire francophone.par Abdou-Ramane MAMA Université d'Abomey-Calavi (UAC) - Master 2 Droit international et organisations internationales 0000 |
Section 1 : Une mise en oeuvre dynamique des engagements démocratiquesLes engagements consentis en 2000 par les Chefs d'Etat et de Gouvernement des pays de l'espace francophone dans la déclaration de Bamako s'articule autour de deux points essentiels : l'organisation des scrutins électoraux et le renforcement des institutions. On comprend alors aisément l'intérêt accordé par l'OIF à l'accompagnement des procédures électorales (Paragraphe 1) et au renforcement des institutions étatiques, en particulier les institutions judiciaires (Paragraphe 2). Paragraphe 1 : Une expertise électorale proactiveSi l'acceptation du verdict des urnes a été partout subordonnée à un consensus autour du mode d'organisation des scrutins, consolidant progressivement la dynamique démocratique, il convient à l'inverse, de souligner que les contestations électorales ont été le prélude à de très graves crises, voire à des guerres civiles, témoignant ainsi du caractère stratégique de la préparation et du déroulement satisfaisant des consultations électorales103. Ceci témoigne d'ailleurs de l'enjeu que représentent les élections pour la 103 L'exemple de la violence post-électorale de 2010-2011 en Côte d'Ivoire est illustratif du caractère stratégique des élections dans la vie politique des Etats. stabilité et la crédibilité de tout système démocratique. C'est fort de ce lien direct entre l'élection et la démocratie que l'OIF donne toute son impulsion à l'accompagnement des procédures électorales aussi bien par l'observation des élections (2) que par l'assistance électorale (1). A - L'assistance électorale«L'assistance électorale est l'expression de l'intérêt que la communauté internationale porte à la tenue d'élections libres s'insérant dans le cadre du développement démocratique, notamment le respect des droits de l'Homme et de la primauté du droit. Elle se définit comme une aide technique ou matérielle apportée par les Nations Unies ou toute autre organisation intergouvernementale ou non gouvernementale au processus électoral dans les pays en transition démocratique ou en situation post-conflictuelle»104 Comme on le sait très bien, l'organisation des élections en Afrique «est elle-même source de difficultés de toutes sortes et surtout de conflits constatables par des irrégularités nombreuses»105. Ces difficultés sont constatables aussi bien sur le plan des financements desdites élections que dans leur organisation matérielle. C'est dans ce contexte que «la Francophonie intensifie son appui à la tenue d'élections libres, fiables et transparentes, en ciblant davantage les besoins pour lesquels son aide est plus utile et en développant dans ce domaine, des synergies pertinentes avec d'autres organisations internationales»106. De façon globale, l'assistance électorale de la Francophonie consiste en des interventions adaptées concernant la mise à disposition d'expertise juridique et électorale, la formation des acteurs institutionnels et de la société civile impliqués dans le processus électoral, l'appui à la rédaction de textes électoraux, la confection de listes fiables et informatisées et la sécurisation de la transmission et du traitement des résultats 104SONON Evariste, « Assistance électorale », Réseau de recherche sur les opérations de paix (ROP), 2012. Disponible sur http://www.operationspaix.net/12-lexique-assistance-electorale.html. 105 MELEDJE Djedjro Francisco, « Le contentieux électoral en Afrique », Pouvoirs, Vol.2, n°129, 2009, p.143. 41 106 OIF, Rapport DDHDP, Bamako 10 ans après, 2000-2010, op.cit., p.51. 42 électoraux. Ces différentes actions sont menées en coordination avec les juridictions compétentes, les commissions électorales, les médias, les partis politiques, la société civile, ainsi que les partenaires bilatéraux et multilatéraux des Etats engagés dans les processus électoraux (coopérations bilatérales et organisations internationales et régionales impliquées dans l'organisation et l'observation des élections). Il s'agit de mesures appropriées à l'appui et à l'enracinement de la démocratie, des droits et des libertés, ainsi que de l'assistance électorale nécessaire aux pays en situation de post conflits. Ainsi, quand en 2009, l'opposition démocratique et la majorité présidentielle au Tchad contestaient l'indépendance de l'organe électoral, l'expertise juridique de la Francophonie fut conjointement sollicitée par les protagonistes ainsi que l'ensemble des partenaires internationaux concernés en vue de la mise à disposition du Comité de Suivi de l'Accord du 13 août 2007 pour l'élaboration d'un ensemble de «propositions objectives » à même de mettre fin à la crise. Ce compromis a permis la relance du processus électoral, notamment par la création et la mise en place d'une Commission électorale nationale indépendante (CENI), la prorogation à titre exceptionnel du recensement général de la population au 30 juin 2009 , qui permettra de mener à bien le recensement électoral et la prise d'un décret déterminant les modalités d'application de la loi électorale et de la loi portant création de la CENI. Par ailleurs, l'OIF a fourni son assistance électorale par l'envoi de mission d'information et d'évaluation comme ce fut le cas au Togo en prélude aux élections législatives du 14 octobre 2007 ou de la Côte d'Ivoire où à la suite de l'envoi de plusieurs missions des échanges approfondis entre les structures et acteurs concernés, en particulier la CEI, un diagnostic et des recommandations ont été établis y compris quant à la qualification des textes en vigueur pour répondre aux engagements pris à Marcoussis. Aussi, au Gabon une délégation de l'OIF, composée en partie d'experts en gouvernance électorale a-t-elle été envoyée. Elle est conduite par l'ancien ministre des affaires étrangères de la Mauritanie, Ahmed Ould Abdallah. A la suite de la rencontre des autorités nationales, elles ont fait part aux missionnaires de l'OIF de l'évolution des préparatifs en vue des élections de cette année. Des moyens mis en oeuvre pour garantir des élections libres, démocratiques et transparentes, aux attentes du pays au niveau de la coopération avec l'organisation francophone, en passant par la volonté claire de l'Etat de tenir un dialogue franc et inclusif avec les acteurs politiques et ceux de la société civile, dans le cadre du CND (Conseil National de la Démocratie), les principaux points intéressant les visiteurs ont été abordés et discutés. La mission de l'Organisation Internationale de la Francophonie, pour sa part, a par la suite déclaré, qu'après ses différentes consultations, elle a constaté la disponibilité de tous les acteurs politiques à contribuer à la préservation de la paix et de la cohésion sociale. L'OIF a par ailleurs souligné qu'elle a pris bonne note de l'appel du gouvernement de voir la Francophonie s'impliquer davantage dans le renforcement des capacités du monde de la presse, notamment en matière de gestion et de traitement de l'information en période électorale, en tant qu'acteurs incontournables de la prévention des conflits et de la paix. Enfin, des missions de soutien à la gestion des contentieux électoraux ont été envoyées dans plusieurs pays depuis 2000. Sur ce plan, les Cours Constitutionnelles de huit Etats africains ont reçu une assistance axée sur les contentieux électoraux107. Cette forme d'assistance électorale «constitue une part majeure de la spécificité francophone au regard de la pratique des autres organisations internationales dont les actions tendent, en général, au renforcement matériel et/ ou logistique des acteurs et des institutions impliqués dans le processus électoral»108 Pour assurer une meilleure régulation des élections, l'OIF envoie également des missions d'observation électorale. |
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