La place de la politique culturelle dans le projet d'émergence du Cameroun à l'horizon 2035. Contribution à une analyse des politiques publiques.par Arouna Pountougnigni Mfenjou Université de Yaoundé 1 - Master en sociologie 2018 |
4.2-Le festival Ngondo236Le Ngondo est une fête culturelle, traditionnelle et rituelle de la tribu Douala et du peuple grand Sawa qui se célèbre tous les premiers samedis du mois de décembre de chaque année sur les berges du fleuve Wouri. Il a été célébré pour la première fois en 1830. Il réunit plusieurs cantons en occurrence le canton Akwa, canton Déido etc. Le Ngondo a pour objectif de réunir les peuples côtiers une fois tous les douze mois. 236 L'essentiel des informations sur le ngondo nous vient du site : https://fr.wikipedia.org./w/index.php ?title=Ngondo_(fête)&oldid=132548142. 127 Le caractère culturel de ce festival est visible à travers les courses de pirogue sur le fleuve Wouri, le concours de cuisine, les luttes traditionnelles sur les berges du Wouri, l'organisation des colloques ainsi que l'élection du miss Ngondo, l'organisation des concerts de musique etc. Le caractère rituel de ce festival est perceptible à travers les danses rituelles, l'immersion dans le fleuve Wouri pour ressortir avec le message des ancêtres qui est déterminant pour le peuple. L'image suivante montrant un homme sur une pirogue avec un panier en rotin dans lequel se trouve le message des ancêtres est assez illustratif du caractère mystique voire rituel de ce festival. Photo 2 : un homme sur la pirogue sur le fleuve Wouri ramenant le message des ancêtres Source : Happi MBIELE Au regard de ce qui précède, nous nous rendons à l'évidence compte que malgré le fait que le secteur culturel ne soit par une priorité des pouvoirs publics camerounais, les communautés locales en occurrence les Bamouns et les Sawa s'attachent à organiser parfois sans aucune subvention des pouvoirs publics, les festivals qui constituent une vitrine pour la promotion de leurs cultures. Ces festivals dont « les expressions artistiques, musique, danse et chant, constituent une indissoluble trilogie, étroitement liée à la vie sociale »237constituent les marques et les marqueurs d'identités culturelles de ces peuples. Parlant de ses festivals, Sali BABANI relève pertinemment que : « le ngondo dans l'aire culturelle Sawa, le Ngouon (à Foumban) et le Medumba (à Banganté), la semaine culturelle de Garoua [...] et bien d'autres, sont la manifestation 237 Adala HERMENEGILDO, L'Adamaoua trésors culturels et patrimoniaux : peuples, traditions et identités culturelles. Tome 1, Paris L'Harmattan, 2015, p.35. 128 de la volonté des communautés, de faire revivre des trésors traditionnels ancestraux africains ».238 Ces festivals se tiennent à des calendriers précis. Ils ne sont pas comme le FENAC239donc le calendrier prévoit qu'il se tienne une fois tous les deux ans mais qui était entré en hibernation en 2008 avant d'être relancé en novembre 2016 par le ministre des arts de la culture Narcisse MOUELLE KOMBI. La valorisation et l'organisation de ces festivals se fait par le bas c'est-à-dire, par les acteurs voire détenteurs même de ces festivals patrimoniaux parfois sans aucun parrainage des acteurs institutionnels. Le secteur culturel, malgré quelques traits de dynamisme qui y scintillent, demeure un secteur en proie à la précarité, à l'indigence. Les pouvoirs publics ont visiblement abandonnés ce secteur entre les mains des artistes et entre les mains des communautés locales. C'est un secteur qui reste marginalisé dans les politiques de développement comme nous l'avons précédemment indiqué. La culture au Cameroun est en proie à la folklorisation au point qu'on y pense seulement à elle que pour égayer, divertir les masses populaires lors d'un événement. Les propos de Richard Laurent OMGBA sont révélateurs des logiques d'action qui sont produites autour de ce secteur de la vie sociale lorsqu'il soulève que : Dans nos régions, préfectures, arrondissements et villages, la culture n'est convoquée que lorsqu'il s'agit de divertir, d'égayer, de distraire. Elle est faite pour amuser et aider à dissiper les soucis. C'est cette culture qu'affectionnent les visiteurs, les touristes, les hommes politiques à l'occasion des tournées et des grandes fêtes.240 Dans un contexte économique morose, marqué par la baisse drastique du baril de pétrole, les matières premières qui se raréfient, il est juste regrettable de constater qu'un secteur plein de potentialités comme le secteur culturel, soit relégué au rang d'un secteur qui n'est convoqué que pour le divertissement, bref pour amuser les individus lors des événements politico-économiques comme les meetings politiques, les poses de première pierre des barrages, l'accueil d'une personnalité étrangère ou locale etc. La culture de cette Afrique en miniature est 238Sali BABANI, Op. Cit, p.144 239Le FENAC a été institutionnalisé à la faveur du décret n° 91/193 du 08 avril 1991 signé par le président Paul BIYA. Le FENAC a plusieurs volets notamment celui de célébrer la culture camerounaise ainsi que les acteurs culturels, l'autre volet est intellectuel qui est visible via l'organisation d'un colloque qui s'articule autour d'une thématique sur la culture camerounaise où sortent les idées susceptibles d'inspirer les décideurs. Depuis son institutionnalisation en 1991 plusieurs éditions du FENAC ont déjà été organisées notamment à Douala en 1994, Ngaoundéré en 1996, Ebolowa en 1998, Limbé en 2000, Bafoussam en 2002, Yaoundé en 2016. 240 Richard Laurent OMBGA, Op. Cit, p.5. 129 l'ombre d'elle-même. Les artistes camerounais vivent dans la précarité, dans l'indigence, dans l'indolence car il n'existe à ce jour aucun statut pour ces derniers. L'observation du secteur culturel au Cameroun nous a permis d'observer que, dans un contexte marqué par les ambitions affirmées des pouvoirs publics de faire du Cameroun un pays émergent dans un horizon déterminé, le secteur culturel quant à lui, est en plein dans l'imergence. L'imergence de ce secteur est perceptible à travers un certain nombre d'indicateur comme l'absence d'une orientation claire en matière de promotion des arts et de la culture, l'inexistence des salles de spectacles, l'absence d'une loi forte pour lutter contre la piraterie, la contrefaçon voire le braconnage des oeuvres de l'esprit, le jeu trouble des pouvoirs publics en ce qui concerne les organismes de gestion des droits d'auteurs et les droits voisins de la catégorie B art musical, l'inexistence d'un statut clair pour les artistes, le délabrement avancé des sites et monuments historique, l'absence d'un calendrier des activités culturelles et artistiques du Cameroun etc. L'artiste musicien Ledoux Marcellin observe, à propos de la catégorie B art musical, que ce secteur se porte mal à cause de l'inexistence d'un organe de gestion collective des droits d'auteurs. Il soutient pertinemment que : La culture a beaucoup de problème. Déjà parce que l'organe de gestion des droits d'auteurs ne fonctionne pas. Il ne fonctionne pas et du coup ça pose un grand problème ce qui a d'ailleurs tué l'industrie musicale. Cà même éviter les mécènes de mettre beaucoup d'argent dans l'industrie musicale.241 Au regard de ce qui précède, l'on se rend davantage compte que plusieurs perceptions de la culture se dégage à la lumière des données que nous avons obtenues dans le cadre de cette recherche. |
|