La régionalisation du maintien de la paix et de la sécurité internationales. étude appliquée au conflit en république Centrafricaine.par Chrisogone Ignace MENEHOUL KOBALE Université de Yaoundé II (Cameroun) - Master recherche en Droit public 2016 |
CONCLUSION GENERALEAutrefois considéré comme un espace paisible, le continent africain est devenu, depuis quelques décennies, « la zone stratégique la plus déstabilisée de la planète443(*) ».Comment sortir de cette instabilité chronique et de la guerre civile qui guettent en permanence derrière le rideau pour parvenir à une stabilité et un développement durables, et donc préserver la paix mondiale ?C'est à l'ONU que revient, en principe, la charge de répondre à cette question ; c'est elle qui a la responsabilité (principale) de maintenir la paix et la sécurité internationales. Devant les besoins grandissants en matière de maintien de la paix, il ne peut être évident que l'ONU parvienne à prendre concomitamment en charge tous les conflits survenant dans le monde, d'où nécessité sinon exigence de décentraliser cette fonction ; et les rédacteurs de la Charte des Nations Unies ont eu la sagesse de le faire dans le Chapitre VIII qui traite des accords ou organismes régionaux. Aucune définition sur la notion d'organismes régionaux n'a été donnée par la Charte. Malgré quelques premières réticences par rapport à des regroupements d'Etats sans cohérence géographique évidente (Ligue des Etats Arabes) ou à des alliances militaires (OTAN), il a été très vite admis de considérer tout type d'association comme pouvant prendre des mesures en vue du maintien de la paix et de la sécurité internationales. C'est le Secrétaire général Boutros Boutros-Ghali, dans son Agenda pour la paix, qui a donné une définition très large en estimant que « les associations ou entités en question peuvent être des organisations créées par un traité, avant ou après la fondation de l'Organisation des Nations Unies, ou bien des organisations régionales de sécurité et de défense mutuelles, ou encore des organisations destinées à assurer le développement régional d'une façon générale ou sur un aspect plus spécifique. Ce peut être encore des groupes créés pour traiter d'une question particulière, qu'elle soit politique, économique ou sociale, posée au moment considéré ». Mais la seule condition tient au respect des deux principes incontournables énoncés dans l'article 52 :règlement pacifique d'affaires pouvant être traitées dans un cadre régional ; respect des buts et principes des Nations Unies. D'une part au regard déjà de cette définition, l'on peut aisément attribuer à la CEEAC et à l'UA les statuts d'organismes régionaux. Mais concernant ce dernier critère (respect des buts et principes des NU), les textes constitutifs des organisations régionales considérées précisent régulièrement que l'une ou l'autre organisation est créée en vertu du Chapitre VIII de la Charte des Nations Unies. Ils contiennent également des assurances quant à l'intention de chacune de ces organisations de respecter les buts et principes des Nations Unies : c'est ce qui contribue fondamentalement à affirmer,au terme de cette étude dont l'enjeu était de déterminer la relation existant entre la CEEAC, l'UA et l'ONU dans le cadre de la résolution du conflit centrafricain que ces organismes sont des sous-traitants de l'ONU. Et cela pourrait, in globo, trouver comme élément de justification le fait que l'ONU, de par le nombre de ses Etats membres, apparaît comme le parachèvement de l'histoire du droit international ayant édifié un système de sécurité collective plus solide et plus vieux. D'autre part, cette étude permet de remarquer que la CEEAC et l'UA, de par leur fonction en matière de promotion, de maintien et de consolidation de la paix et de la sécurité, contribuent significativement à conférer aux nouveaux rapports panafricains et bien au-delà une dimension et une visibilité aussi essentielles qu'importantes dans la galaxie des organisations internationales. Leurs aptitudes, reconnues, à déployer des Missions de maintien de la paix, la substance des textes initiés par eux ou par l'ONU notamment les concernant sont autant de raisons, en filigrane, qui permettent d'affirmer qu'elles sont des partenaires de l'ONU. Cela est d'ailleurs conforté dans le cadre du processus de résolution de la crise centrafricaine où la CEEAC et l'UA jouent, à ce jour, un rôle important aux côtés de la Mission de l'ONU la MINUSCA, présente depuis le 15 septembre 2014 et dont l'objectif principal est de consolider les progrès enregistrés grâce à leurs actions. En tout état de cause, si cette relation de sous-traitance semble s'enraciner déjà et surtout est de droit, celle du partenariat par contre n'est pas claire et achevée, elle est en construction. Cependant, les actions menées par la MINUSCA jusque-là ne semblent pas toujours répondre aux attentes de la population, ou au moins contenir véritablement la crise ; la résurgence quasi régulière d'affrontements des groupés armés qui ont placé le pays à la trainée du processus de paix permet de s'en convaincre. De ce qui précède, les démarches d'instauration d'une paix et d'un développement durables en RCAdoivent être initiées et renforcées, d'abord, par les autorités centrafricaines, et éventuellement par les organismes (sous) régionaux ou internationaux, l'ONU particulièrement ensuite. En ce qui concerne les autorités centrafricaines, un éventail d'actions concertées et coordonnées à tous les niveauxpeut être relevé. Il y a par exemple, la nécessité d'une redistribution équitable des ressources, la justice sociale, une décentralisation effective, la mise en place d'une politique d'équilibre régional pour permettre à toutes les régions d'être représentées dans les institutions publiques. Au niveau régional ou sous régional, les principales limites des Missions de paix étant relevées, plutôt que de déployer une Mission de paix de l'ONU qui requiert beaucoup de ressources financières, et aux bilans parfois mitigés, celle-ci gagnerait à injecter de ressources en vue du renforcement et du réajustement rigoureux des mécanismes de maintien de la paix. Si, de toutes les organisations sous régionales africaines, « la CEDEAO est celle qui a fait le plus pour mettre sur pied une force de maintien de la paix solide444(*)... », c'est peut-être parce que de ressources conséquentes ont été mises en avant ou alors il y a une réelle volonté politique de la part des chefs d'Etat et de gouvernement de cette sous-région. Et l'histoire le témoigne à travers la capacité de cette organisation à contenir ou à prévenir parfois de conflits. Une stratégie sous régionale de sécurisation des frontières devrait être envisagée pour pérenniser la paix, non seulement en RCA, mais également dans toute la sous-région. A ce niveau également, les Nations Unies et la CEEAC/UA devraient redoubler d'efforts pour promouvoir une interprétation souple et novatrice du Chapitre VIII de la Charte des Nations Unies. Il est important que les trois institutions aient une compréhension et une appréciation partagées des principes et de l'esprit du Chapitre VIII. Et en ce qui concerne la MINUSCA, une mise en oeuvre effective et totale de son mandat permettrait d'améliorer la situation sécuritaire sur le terrain. L'on espère qu'avec les régulières prorogations de son mandat, celle-ci finira par achever effectivement le processus de paix enclenché. * 443BONIFACE (Pascal) : « Afrique, de l'ingérence à l'indifférence», Le Figaro, 16 mai 2000. * 444 BERMAN (Eric) et SAMS (Katie), « Le maintien de la paix en Afrique », art. cit., p.26. |
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