La régionalisation du maintien de la paix et de la sécurité internationales. étude appliquée au conflit en république Centrafricaine.par Chrisogone Ignace MENEHOUL KOBALE Université de Yaoundé II (Cameroun) - Master recherche en Droit public 2016 |
CHAPITRE II :LES EXPRESSIONS PRATIQUES DU PARTENARIAT CEEAC/UA - ONU DANS LE CADRE DU CONFLIT EN RCAPour paraphraser la professeure TERCINET376(*), l'amplification du partenariat entre les organismes régionaux et l'ONU en matière de maintien de la paix et de la sécurité dans le monde en général, et en RCA en particulier, ne semble pas constituer un phénomène réversible. Si en principe, la CEEAC et l'UA revendiquent de jouer chacune, à travers leurs architectures de paix et de sécurité respectives, le rôle d'« Organisation de premièreinstance» en matière de maintien de la paix et de la sécurité dans leur espace géographique, celles-ci ne perdent pas de vue la nécessité de donner un effet pratique à leur partenariat patiemment construit avec l'Organisation mondiale, et chargée, en vertu de la Charte, d'exercer à titre principal le maintien de la paix et de la sécurité internationales. Il s'agit concrètement de mettre en mouvement une complémentarité active et palliative à certains égards, des insuffisances, et des organismes régionaux, et aussi de l'ONU. Précisément dans le cadre du processus de résolution du conflit centrafricain, deux principales tendances émergent : d'une part, l'on observe que l'ONU a été et demeure « au chevet » des organismes régionaux à travers son intervention dont le but, en réalité, est de consolider377(*) les acquis enregistrés en RCA grâce aux initiatives de la CEEAC et de l'UA (Section I) ; et inversement d'autre part, la CEEAC et l'UA ont été et demeurent utiles à l'ONU à travers, également, leur intervention (depuis le déploiement de la MINUSCA) dont le but n'est pas moins celui de faciliter378(*) les tâches à la Mission de celle-ci (Section II). SECTION I : L'INTERVENTION CONSOLIDATRICE DE L'ONU AU MOMENT DE LA PRISE EN CHARGE DU CONFLIT CENTRAFRICAIN PAR LA CEEAC ET L'UALa consolidation de la paix est un concept courant dans la doctrine onusienne. Elle « ... comprend un éventail de mesures visant à réduire le risque de retomber dans un conflit, par le renforcement, à tous les niveaux, des capacités nationales de gestion de crise, et à établir les fondations d'une paix et d'un développement durables...379(*) ». Si l'ONU est intervenue en RCA dans le but de consolider les progrès ou acquis enregistrés grâce aux initiatives de la CEEAC et de l'UA, cette intervention s'est faite, initialement, de façon indirecte via l'UNICEF et le PNUD qui sont des interlocuteurs divers (de l'ONU en RCA) et à qui une mission d'appui multiforme a été confiée (Paragraphe I) et, actuellement sinon finalement, de façon directe à travers la MINUSCA qui devient l'unique interlocuteur (de l'ONU en RCA) avec une mission d'appui également multiforme (Paragraphe II). PARAGRAPHE I : Une intervention initialement indirecte via l'UNICEF380(*) et le PNUDL'UNICEF ou le Fonds des Nations Unies pour l'enfance est une agence à d'obédience humanitaire de l'ONU381(*), et dont l'objectif est d'améliorer les conditions de vie des hommes et en particularité celles des enfants dans les pays du tiers-monde.Concrètement, il « oeuvre avec d'autres[structures] en vue de surmonter les obstacles dont la pauvreté, la violence, la maladie et la discrimination qui jalonnent le cheminement de l'enfant382(*)». Et le PNUD, lui, est un programme des Nations Unies dont le rôle est d'aider les pays en développement, en leur fournissant des conseils mais également en plaidant leur cause pour l'octroi des dons. Ces différentes structures onusiennes ont considérablement contribué à la consolidation de la paix en RCA qu'il convient de les étudier différemment : d'abord l'UNICEF (A), et ensuite le PNUD (B). A. Le rôle non négligeable de l'UNICEF dans la consolidation des acquis de la CEEAC/UA383(*) en RCALa crise centrafricaine, qualifiée de « crise oubliée384(*) », a atteint un paroxysme, lorsque les rebelles Séléka ont envahi le pays, provoquant des pertes en vies humaines et des déplacements massifs. Si les initiatives régionales ont eu une incidence dans la contention de cette crise, la réponse de l'UNICEF l'a été également à plus d'un titre : d'abord en ce qui concerne l'approvisionnement en eau et l'assainissement (1), et ensuite en ce qui concerne la promotion de l'hygiène et l'accès à une éducation de qualité (2). 1- UNICEF, un facilitateur en terme d'approvisionnement en eau et l'assainissement Depuis la fin du mois de décembre 2013, malgré des défis logistiques majeurs et l'insécurité persistante, l'UNICEF a fourni un appui crucial, notamment des matériels indispensables au traitement de l'eau, à SODECA (Société de Distribution d'Eau en Centrafrique), la Société nationale d'approvisionnement en eau, pour réhabiliter et étendre les réseaux existants à Bangui la capitale, à d'autres villes du pays comme Bossangoa, Bouar et Bambari385(*). L'UNICEF s'emploie également à acheminer l'eau par camion-citerne aux sites des personnes déplacées qui n'ont pas accès au réseau local d'approvisionnement en eau. En outre, il collabore avec le Gouvernement pour réhabiliter les pompes à eau en zone rurale, et en a rétabli l'accès pour environ 15 000 personnes à Bambari et Bossangoa. Au total, suite aux efforts de l'UNICEF et de ses partenaires, plus de 201 000 personnes dans des sites de personnes déplacées à Bangui, Bossangoa et Bouar ont reçu de l'eau potable, et 130 000 autres personnes ont reçu des articles de première nécessité, comme des bidons et du savon386(*). Cette agence de l'ONU concentre son attention sur les sites de personnes déplacées à haut risque et fortement peuplés. Ses efforts sont axés sur la construction, l'entretien et la vidange de latrines pour les hommes, les femmes et les enfants concernés qui vivent sur ces sites, principalement à Bangui et Bossangoa. A la fin du mois de décembre, plus de 104 000 personnes ont, de nouveau, accès à l'assainissement grâce à la construction de latrines par l'UNICEF et ses partenaires387(*). La promotion de l'hygiène et l'accès à une éducation de qualité occupent aussi une place de choix dans l'agenda de l'UNICEF en RCA. 2- UNICEF, un promoteur dans le cadre de l'hygiène et de l'accès à une éducation de qualité Afin de s'assurer que les communautés ont reçu des informations sur les comportements à adopter pour rester en bonne santé et se protéger contre les maladies, l'UNICEF a associé la distribution d'articles d'urgence à des messages soulignant l'importance du lavage des mains avec du savon. Grâce à des campagnes de porte-à-porte, des groupes de discussion et des messages de communication de masse, l'UNICEF et ses partenaires ont touché plus de 130 000 personnes à Bangui, Bossangoa, Bouar, Bambari et Kaga Bandoro afin de les sensibiliser à une bonne hygiène, autant d'informations capitales à l'approche de la saison des pluies388(*). Malgré une insécurité et des difficultés logistiques omniprésentes, l'UNICEF et ses partenaires ont mis en place 118 espaces temporaires d'apprentissage et de protection des enfants proposant des activités éducatives et de loisirs adaptées à leur âge, ainsi que des services de protection de l'enfance, afin de garantir la continuité de l'éducation pour plus de 23 000 enfants dans les sites de personnes déplacées de Bangui et Bossangoa. L'UNICEF a apporté des fournitures éducatives et s'est chargé de la formation des enseignants pour ces espaces, qui offrent également un soutien psychosocial, des compétences nécessaires à la vie courante et des initiatives de consolidation de la paix dans un environnement d'apprentissage sûr. L'UNICEF a atteint 23% des enfants ciblés pour l'accès à l'éducation, mais seulement 6% des enfants ciblés ont reçu une éducation de qualité, car les parents ont toujours peur d'envoyer leurs enfants à l'école à cause de l'insécurité 389(*). L'UNICEF appuie le Ministère de l'éducation dans ses efforts pour faire revenir les enseignants et les élèves à l'école en fournissant le matériel d'apprentissage, en effectuant le suivi du nombre d'écoles ouvertes, en collaborant avec le PAM sur un programme de repas scolaires et en préparant la formation et la mise en place de cours de rattrapage dans les régions où la sécurité le permet390(*). Le PNUD n'est pas du reste dans cette logique de consolidation de la paix en RCA, mieux encore, des acquis de la CEEAC/UA. * 376TERCINET (Josiane), « Régionalisme et internationalisme : une conciliation difficile en matière de maintien de la paix », in Le maintien de la paix et de la sécurité internationales, Recueil d'études de Josiane TERCINET, Bruxelles, Bruylant, 2012, p. 447. * 377Cette formulation trouve, en partie, son fondement dans la compréhension du paragraphe 36 de la résolution 2149 (2014) du Conseil de sécurité des NU sur le déploiement de la MINUSCA. En effet, ce paragraphe dispose que le Conseil de sécurité « Prie en outre la MINUSCA d'apporter son assistance, dans la limite de ses ressources et de son mandat, aux efforts politiques déployés par l'Union africaine et la CEEAC à l'appui de la transition, une fois achevé le transfert d'autorité de la MISCA à la MINUSCA ; ». * 378 Deux considérations sont importantes pour justifier cette pensée. D'une part, l'ONU ne dispose pas de Forces en attente pour un quelconque déploiement sur le terrain ; par contre dans le cadre du conflit centrafricain, il y a la MISCA ou Forces de l'UA/CEEAC qui est déjà sur place ; leur intégration dans la Mission de l'ONU facilite la constitution des troupes. Et d'autre part, l'initiative africaine pour la paix en Centrafrique (que l'on étudiera plus tard) est une oeuvre « parallèle » (étant entendu que l'avènement de la MINUSCA met en principe fin à toute autre intervention d'organismes régionaux) mais dont les ambitions vont dans le sens de celles de la MINUSCA : restaurer la paix en RCA. Ce qui peut donc être perçu comme une oeuvre de facilitation dans la réalisation de l'objectif de l'ONU en RCA. * 379 ONU - Bureau d'appui à la consolidation de la paix, « La consolidation de la paix et l'ONU », consulté sur http://www.un.org/fr/peacebuilding/pbso/pbun.shtml le 26 août 2018. * 380United Nations International Children's Emergency Fund. * 381 Elle est créée par l'Assemblée générale le 11 décembre 1946. * 382 ARIAS (Marta), DELALOYE (Romaine) et TORRES (Sandy) « L'UNICEF ou la déconstruction critique de la documentation d'une organisation travaillant avec les enfants », Séminaire sur l'enfant travailleur, analyse de l'UNICEF, p.3. * 383 Tout le développement qui concerne cette partie est tiré essentiellement du « Les enfants dans la crise en République centrafricaine. Un rapport d'activités à quatre mois », de l'UNICEF, Mai 2014, 27 p. * 384 GOURDIN (Patrice), « République centrafricaine : géopolitique d'un pays oublié », art. cit. * 385 « Les enfants dans la crise en République centrafricaine. Un rapport d'activités à quatre mois », op. cit., p. 6. * 386Idem. * 387Idem. * 388Idem. * 389Ibid, p. 8. * 390Idem. |
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