La régionalisation du maintien de la paix et de la sécurité internationales. étude appliquée au conflit en république Centrafricaine.par Chrisogone Ignace MENEHOUL KOBALE Université de Yaoundé II (Cameroun) - Master recherche en Droit public 2016 |
SECTION II : L'USAGE PAR LA CEEAC ET L'UA DE LA COERCITION POUR LA RESOLUTION DU CONFLIT EN RCA, DANS LE RESPECT DE LA CHARTE DES NULa RCA a vu se succéder, depuis le coup d'Etat de 2012 et pour la première fois de son histoire depuis l'indépendance, des Missions (sous) régionales de maintien de la paix d'une envergure sans précédent232(*). Toutefois, il faut mentionner que le déploiement desdites Missions de maintien de la paix s'est fait, chacun en ce qui concerne l'organisation responsable, dans le respect des actes juridiques ou alors du droit international conséquent. Ainsi, la résolution 2127 (2013) du Conseil de sécurité des NU a autorisé le déploiement de la MISCA sous conduite de l'UA conformément à l'exigence de l'article 53 paragraphe 1 de la Charte des NU (Paragraphe II) qui elle-même remplaçait une mission déjà sur place, la MICOPAX ou Mission de maintien de la paix de la CEEAC (Paragraphe I). PARAGRAPHE I : La MICOPAX ou Mission de paix de la CEEACLa MICOPAX n'est pas la première Mission sous régionale de paix en RCA. En effet en 1996, le président élu de la RCA Ange-Félix PATASSE est menacé par une série de mutineries au sein des Forces Armées Centrafricaines(FACA), qui l'amenèrent à demander l'intervention de l'armée française. A partir de cette crise, l'instabilité devient progressivement chronique dans le pays. En réponse doncà cet état de choses, la CEMAC met en place pour la première fois, en décembre 2002, la Force Multinationale en Centrafrique (FOMUC) avec pour mandat d'assurer la sécurité du Président PATASSE, restructurer les forces armées et surveiller le travail des patrouilles mixtes le long de la frontière avec le TCHAD. Mais pour des raisons de légitimité (internationale), d'harmonisation et de cohérence avec les dispositions du Chapitre VIII de la Charte des NU, de l'Acte constitutif de l'UA et du Protocole COPAX, le transfert d'autorité de la CEMAC (FOMUC) à la CEEAC (MICOPAX), avec un mandat notablement plus étendu233(*), est intervenu le 12 juillet 2008 sur décision des Chefs d'Etat et de gouvernement réunis à Brazzaville le 30 octobre 2007 pour un mandat de consolidation de la paix : on parle de MICOPAX 1. Ce n'est qu'en 2013 (le 18 avril, après le renversement du régime du président François BOZIZE), lorsque la CEEAC organise un sommet extraordinaire à N'Djamena au cours duquel l'élection de Michel DJOTODIA à la présidence a été reconnue234(*), que les Chefs d'Etat de la Communauté ont fait la promesse de déployer mille cinq cent (1500) soldats au sein de la MICOPAX en renfort aux cinq cent (500) déjà présents (dans le cadre de la MICOPAX 1) et de doter la mission d'un mandat adéquat en vue d'accompagner les efforts du gouvernement de transition pour la paix : on parle de MICOPAX 2. Si le mandat de la MICOPAX 1 a été modifié en 2013 pour permettre à celle-ci de faciliter le suivi de l'application du cessez-le-feu et des décisions de l'Accord politique de Libreville (A), la MICOPAX 2 elle, a joué un rôle déterminant dans le développement du processus politique (B). A. La MICOPAX 1 et la facilitation du suivi de l'application du cessez-le-feu et des décisions de l'Accord politique de Libreville235(*)Les principales missions de la MICOPAX 1 portent d'une part sur l'appui à la cessation des hostilités et au rétablissement de la sécurité et de l'ordre publics236(*), et d'autre part sur l'appui aux opérations humanitaires, la protection des civils et des institutions internationales237(*). En tout état de cause, la particularité de cette Mission peut se voir à travers ses modalités d'action. En effet, la MICOPAX 1 est autorisée à faire usage de la force minimale en cas de nécessité opérationnelle, ce qui serait une mesure spécifique de garantie sécuritaire dans ce travail de facilitation (1) et à prendre toutes les mesures nécessaires pour s'acquitter de ses tâches en général, et du suivi de l'application du cessez-le-feu et des décisions de l'Accord politique de Libreville en particulier, ce qui serait une mesure générale de garantie sécuritaire dans ce travail de facilitation (2). 1- Le droit de la MICOPAX 1 à l'usage de la force,mesure spécifique de garantie sécuritaire dans le rôle de facilitation du suivi de l'Accord de Libreville D'après l'article 6 alinéa 1 de la décision n° 02/CEEAC/CCEG/13, « la MICOPAX 1 est autorisée, en cas de nécessité opérationnelle, notamment lorsqu'elle ne peut accomplir autrement sa mission ou pour protéger des vies humaines sous la menace imminente d'une agression physique ou d'une attaque armée, de faire usage de la force minimale conformément aux règles d'engagement annexée à la présente décision ». Le recours à la « force minimale » est entendu comme l'obligation de ne pas utiliser une intensité de force supérieure à celle suffisante pour atteindre l'objectif opérationnel ou de légitime défense ; et l'usage de la force minimale comprend en l'espèce l'emploi des armes ou de la force armée et toute mesure coercitive susceptible de limiter la liberté et les droits des personnes y compris la force meurtrière représentant le degré extrême de l'emploi de la force238(*). En effet, il s'agit de la base des règles d'engagement et de comportement à appliquer par la force MICOPAX dans le cadre de sa mission d'application du cessez-le-feu décidée par l'Accord politique de janvier 2013. Il est entre autres autorisé de faire usage de la force minimale pour se défendre contre une intrusion dans les zones sous contrôle de la force de paix ; ou pour faire relâcher le(s) personnel(s) des navires, aéronefs, véhicules ou installations pacifiques après avoir été occupés, retenus ou capturés etc.239(*). Mais il est par contre interdit de faire usage de la force pour empêcher que ne s'échappent la ou les personnes retenues, détenues par ses soins240(*). La liberté de moyens reconnue à la MICOPAX 1 pour l'accomplissement de sa mission complète ledit droit à l'usage de la force minimale. 2- La liberté de moyens de la MICOPAX 1, mesure générale de garantie sécuritaire dans le rôle de facilitation du suivi de l'Accord de Libreville Au sens de l'article 6 alinéa 2 de la décision des Chefs d'Etat de la CEEAC de 2013, « la MICOPAX 1 peut prendre toutes les mesures nécessaires, dans la limite de ses capacités pour s'acquitter de ses tâches, en étroite coopération avec les missions internationales déployées en RCA » ; ce qui implique une appropriation de la coutume internationale dans le cadre des OMP. Ainsi suivant les différentes circonstances susceptibles de se présenter sur le terrain, les règles d'engagement de la MICOPAX 1 sont les suivantes : le droit international et le droit de la guerre, la légitime défense et la nécessité militaire. D'abord, tout le personnel de la MICOPAX 1 est tenu de respecter les dispositions pertinentes du droit international humanitaire et du droit de la guerre, y compris le devoir d'obéissance à un acte manifestement illégal. Il doit également faire tout ce qui est en son pouvoir pour veiller à ce que les parties belligérantes se conforment à ces obligations. Ensuite, le personnel de la MICOPAX 1 doit faire usage de la légitime défense qui est un droit naturel des individus et des unités à se défendre face à une attaque241(*), dans le respect de certaines conditions notamment lorsque l'usage de la force est le seul moyen de défense et la nécessité de se défendre doit être réactive et immédiate. Enfin, toutes les fois que la situation opérationnelle le rend indispensable, le personnel ou les unités de la MICOPAX 1 peuvent faire usage limité de la force pour défendre les positions qu'ils occupent ou les populations exposées à des attaques. En outre, le contrôle de la zone de responsabilité opérationnelle est effectué en coopération avec les parties au conflit et la MICOPAX 1 doit faire preuve de persuasion, mais aussi de fermeté pouvant aller jusqu'à l'usage de la force minimale pour imposer le respect du cessez-le-feu et des décisions de l'Accord politique de Libreville242(*). Après cette première mission de paix de la CEEAC, il y a une seconde qui a joué un rôle important. * 232 En moins d'une année (2013-2014), deux missions de paix africaines se sont succédées avec chacune un effectif de plus de mille (1000) hommes. * 233 Cf. Décision N°02/CEEAC/CCEG/XIII/08 du 12 juin 2008 portant mandat de la Mission de Consolidation de la Paix du Conseil de Paix et de Sécurité de l'Afrique Centrale en République Centrafricaine (MICOPAX 1), notamment ses articles 1, 5 et 6. * 234 La CEEAC, à l'issue du sommet extraordinaire de ses Chefs d'Etat, a jugé impossible de reconnaitre la légitimité du Président DJOTODIA après le putsch et a demandé qu'un collège élu par les forces vives de la Nation doit être à la tête de la transition pour jouer le rôle de l'exécutif et choisir le président de la transition qui ne doit pas excéder 18 mois. Michel DJOTODIA approuve ces conclusions et annonce la création d'un Conseil Nation de la Transition (CNT) ou pouvoir législatif qui l'élira le 13 avril au poste de Président, donnant ainsi une certaine légitimité au nouveau régime. * 235 Tel est l'intitulé de la décision N° 002/CEEAC/CCEG/13 du 11 janvier 2013. * 236 Article 7 (1) de la décision N° 02/CEEAC/CCEG/13 portant mandat de suivi de l'application du cessez-le-feu et des décisions de l'Accord politique de Libreville par la Mission du Conseil de Paix et de Sécurité de l'Afrique Centrale en République Centrafricaine (MICOPAX 1). * 237 Article 7 (2), décision Supra. * 238 Cf. Directive sur les règles d'engagement et de comportement de la MICOPAX 1, annexée à la décision précitée. * 239Idem. * 240Idem. * 241Idem. * 242Idem. |
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