La régionalisation du maintien de la paix et de la sécurité internationales. étude appliquée au conflit en république Centrafricaine.par Chrisogone Ignace MENEHOUL KOBALE Université de Yaoundé II (Cameroun) - Master recherche en Droit public 2016 |
Cadre opératoire de l'étudeL'objectif de cette partie consiste, dans un travail de recherche, à dégager la problématique(A), l'hypothèse(B), le processus méthodologique(C) et la structuration du plan (D). A- Problématique La problématique est un ensemble d'hypothèses, d'orientations, de problèmes envisagés dans une théorie ou recherche. Selon le professeur Michel BEAUD, la problématique se définit comme « l'ensemble construit, autour d'une question principale, des hypothèses de recherche et des lignes d'analyse qui permettront de traiter le sujet choisi76(*) ». De ce qui précède, la question qui se pose dans le cadre de cette étude aurait bien pu porter, soit sur les mécanismes (leur identification) régionaux de prise en charge du conflit centrafricain, soit sur le rôle ou la contribution des organisations (sous) régionales sur des questions relatives au maintien de la paix et de la sécurité en RCA ; soit alors plus directement, sur le type de rapports existant entre les acteurs précités et l'ONU dans le domaine du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Mais la première question ne paraît pas englobante et ne fait, par exemple, aucune allusion à la problématique de maintien de la paix et de la sécurité internationales ; et les autres, quant à elles, méritent d'être formulées de façon plus rigoureuse. La régionalisation, étant un phénomène de délégation de pouvoirs, elle se rapporte principalement à l'articulation ou à la relation entre les différents acteurs en présence (d'une part les délégataires qui sont les organismes régionaux et d'autre part le délégant qui est l'ONU) en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales ; cela pour deux raisons : d'abord, le maintien de la paix et de la sécurité internationales est relève de la compétence de l'ONU77(*) (c'est par nécessité qu'elle transfère quelque peu ladite compétence à d'autres acteurs dont les organismes régionaux). Et ensuite, il existe une « clause » de compatibilité de buts et de principes78(*) entre ces différents acteurs dans le domaine indiqué. Considérant ce qui précède, la question centrale que nous retenonsest la suivante : Quelle est la relation entre CEEAC-UA79(*) et ONU80(*) dans le cadre du maintien de la paix et de la sécurité en RCA ?A travers cette question, l'on tentera de déterminer la relation qui existe entre ces différents acteurs dans le domaine mentionné en RCA. Des pistes de réponse (à cette question) s'annoncent dès lors importantes. B- Hypothèse de recherche Une hypothèse est « une proposition de réponse à la question posée qui tend à formuler une relation entre les faits justificatifs81(*)». Il s'agit d'une réponse provisoire à l'interrogation soulevée par la problématique et que l'on doit soit confirmer, soit infirmer. Ainsi dans le cadre de notre problématique portant sur la relation entre la CEEAC-UA et l'ONU dans le cadre de la prise en charge du conflit centrafricain, deux constats peuvent, avant tout, se faire. D'abord, il est de la charge principale du Conseil de sécurité de l'ONU, et donc de l'ONU de maintenir la paix et la sécurité en RCA82(*). Toutefois, il y a eu d'initiatives de paix et de sécurité essentiellement régionales (CEEAC et UA) dans le strict respect de l'article 52 (2) qui établit que : « les Membres des Nations unies qui concluent ces accords ou constituent ces organismes doivent fairetous leurs efforts pour régler d'une manière pacifique, par le moyen desdits accords ou organismes, les différends d'ordre local (...). » Tout de même, l'Union africaine n'avait pas entrepris d'action coercitive via la MISCA avant d'avoir l'autorisation du Conseil de sécurité conformément à l'article 53(1) qui dispose que : « (...). ..., aucune action coercitive ne sera entreprise en vertu d'accords régionaux ou par des organismes régionaux sans l'autorisation du Conseil de sécurité ; (...) ». Et ensuite, l'Union africaine a fait valoir son droit de recourir (en dernier ressort) au Conseil de sécurité pour la gestion de la crise centrafricaine ; c'est ce qui a été effectif avec le déploiement de la MINUSCA. Ce qu'il convient de relever est que, malgré la présence de l'ONU, les organismes régionaux n'ont pas totalement « démissionné » de leur fonction. Ces dernières sont restées présentes aux côtés de la MINUSCA dans le respect de certains textes, tant onusiens qu'africains traitant de la coopération entre eux dans le domaine de la paix et de la sécurité. C'est donc dire, au regard de ce qui précède quela relation entre CEEAC/UAet ONU dans le cadre du maintien de la paix et de la sécurité en RCA est duale.En plus de l'hypothèse, il y a la méthodologie de cette étude qu'il faut relever. C- Méthode de l'étude «Le problème de la méthode est au coeur de toute oeuvre scientifique. Comment y aller?83(*)». C'est par cette préoccupation que le doyen Maurice KAMTO situe l'importance de la démarche dans l'élaboration d'un travail scientifique. Le souci (ici) est de savoir comment restituer une analyse (faite) sur notre thème d'étude ou procéder à sa démonstration.Et pour atteindre les objectifs fixés et avoir une esquisse de solution, une démarche s'impose. En effet, tout est dans la méthode qui doit être considérée comme « l'ensemble des opérations intellectuelles par lesquelles une discipline cherche à atteindre les vérités qu'elle poursuit, les démontre, les vérifie84(*).» Tout de même, comme l'indique le professeur Jean Louis BERGEL, la méthode est conçue comme un enchaînement raisonné de moyens en vue d'une fin, plus précisément comme la voie à suivre pour parvenir à un résultat85(*). L'on comprend donc que la démarche qui va guider la recherche doit être associative ou intégrative. Il s'agit dans ce cas de se consacrer à l'analyse des différents textes selon les questions recensées dans la matière. Maisil faudrait également intégrer des analyses consacrées à d'autres approches dont lacomparaison des expériences en la matière. Ce sont donc des explications et interprétations (des textes) qui vont constituer l'essentiel de ladémarche ou méthode adoptée ici ; c'est tout l'objet de la méthode juridique ou positivisme juridique. Cependant, il va falloir envisager une méthode additive (à la première), dans le but d'affermir et de parfaire la compréhension du contenu de la thématique ; c'est tout l'objet de la méthode comparative. On ne peut parvenir à une détermination de relations entre CEEAC/UA et ONU dans la résolution du conflit en RCA sans avoir procédé à un examen des textes de ces différentes organisations. Consistant concrètement en une explication ou une signification, cet examen des textes correspond à ce qu'il convient d'appeler la méthode exégétique86(*) ou l'« École de l'exégèse87(*) ». Il s'agit en général de procéder à une analyse qui se rattache soit à l'esprit, soit à la lettre du texte. C'est tout le domaine de la dogmatique où les règles textuelles sont essentiellement retenues comme des dogmes ou des opinions catégoriques du droit auxquels il ne faut pas déroger. En l'espèce, nous essayerons d'analyser, de comprendre mais aussi « d'interpréter » les textes juridiques qui fondent le lien entre la CEEAC, l'UA et l'ONU dans le cadre du maintien de la paix et de la sécurité en RCA. Toutefois, la casuistique qui est une composante du positivisme juridique renvoyant à l'analyse des décisions de justice rendues par les juridictions compétentes sur une question donnée ne sera pas utile dans le cadre cette étude ; la rareté, sinon l'inexistence des décisions de justice en la matière permet de s'en convaincre. Les réflexions menées dans le droit contemporain s'accommodent de plus en plus d'une exigence de comparaison, pour affirmer l'identité des ordres juridiques par rapport à d'autres.Dès lors, il n'est pas proscrit de recourir à la méthode comparative, bien que l'intitulé de la recherche délimite déjà son cadre géographique. Cette méthode va permettre de savoir si le lien qui existe entre la CEEAC, l'UA et l'ONU dans le cadre du maintien de la paix et de la sécurité en RCA est une spécificité ou simplement une généralité.En l'espèce, nous allons recourir, principalement, à l'expérience de la CEDEAO en la matière. La méthode étant révélée, il convient de structurer le travail. D- Structuration du plan Les développements qui ont précédé permettent de se faire définitivement une opinion sur la relation qui existe entre la CEEAC, l'UA et l'ONU dans le cadre du maintien de la paix et de la sécurité en RCA. En effet, même si d'une part, ces organismes régionaux sont des « sous-traitants » de l'ONU (Première partie), d'autre part ils sont ses « partenaires » (Seconde partie). * 76BEAUD (Michel), L'art de thèse, Paris, La Découverte, 2006, p.55. * 77Cf. article 1er par. 1 de la Charte. * 78 Lire sur cette question l'article 52 par. 1 de la Charte. * 79 Beaucoup d'organisations (la CEMAC et l'Union Européenne par exemple) se sont impliquées dans le processus du maintien ou du rétablissement de la paix en RCA. Mais comme il sera vu dans les développements qui porteront sur la définition ou l'identification des organismes régionaux, toutes ne sont cependant pas reconnues comme organismes régionaux au sens du Chapitre VIII de la Charte car n'ayant pas, à côté d'autres critères, une compétence en matière de maintien de la paix et de la sécurité ou simplement une structure politique et militaire. C'est pour cette raison que nous retenons et traiterons exclusivement, dans le cadre de cette étude, de la CEEAC et de l'UA, car organismes régionaux par excellence au regard du Chapitre VIII (notamment quelques-uns de leurs organes qui s'avèreront utiles). Aussi, celles-ci disposent de structures militaires aptes à intervenir en cas de conflit armé ; et d'ailleurs la RCA est membre de ces organisations. * 80 Même si les autres organes de l'ONU peuvent agir dans le domaine du maintien de la paix et de la sécurité internationales, nous ne ferons référence qu'à ceux qui nous paraîtront plus utiles dans le cadre de cette étude. Il y a par exemple l'Assemblée générale, le Secrétariat, et beaucoup plus le Conseil de sécurité qui, on peut le vérifier à travers l'article 24 (1) de la Charte, a la responsabilité principale en la matière sus évoquée, agit au nom de l'ONU ; et plus est, celui (qui est) en première ligne au regard des initiatives concernant la situation sécuritaire en RCA. En parlant de l'ONU d'une manière générale dans la formulation de cette question, nous avions voulu conserver une certaine rigueur technique ou de la logique ; car il (nous) semble moins indiqué de mettre en relation des organisations (qui ont chacune une personnalité juridique) à un organe d'une organisation qui, lui, en est dépourvu. * 81GRAWITZ (Madeleine), Méthodes des sciences sociales, 10e éd., Paris, Dalloz, Coll. « Précis Droit public. Science politique », 1996, p. 102. * 82Ce propos est tenu dans la compréhension déductive de l'article 24 (1) de la Charte des Nations unies qui dispose que : « Afin d'assurer l'action rapide et efficace de l'Organisation, ses Membres confèrent au Conseil de sécurité la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales et reconnaissent qu'en s'acquittant des devoirs que lui impose cette responsabilité le Conseil de sécurité agit en leur nom. ». * 83 KAMTO (Maurice), Pouvoir et droit en Afrique noire, essai sur les fondements du constitutionnalisme dans les Etats d'Afrique noire francophone, Paris, LDGJ, Coll. Bibliothèque africaine et malgache,1987, p. 47. * 84 GRAWITZ (Madeleine), op. cit., p.351. * 85 BERGEL (Jean Louis), Méthodologie juridique, Paris, PUF, 2001, p. 17. * 86 GUESSELE ISSEME (Pierre Lionel, L'apport de la Cour Suprême au droit administratif camerounais, Thèse de doctorat en Droit public, Université de Yaoundé II, 2010, p. 56. * 87 TERRE (François), Introduction générale au droit, 6ème éd., Paris, Dalloz, 2003, p.435. |
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