1-2-5- Fondement climatique du bassin versant de la
Pendjari
Situé dans la zone des climats de mousson d'Afrique de
l'ouest, le bassin versant béninois de la Pendjari
bénéficie des flux de mousson et de ceux de l'alizé du
nord. L'alizé est un vent saisonnier soufflant des
hautes pressions subtropicales vers des latitudes équatoriales, sans
qu'il y ait passage de l'équateur. Les alizés restent dans leur
hémisphère d'origine. Ils deviennent moussons
dès qu'ils passent l'équateur (drift ou
déclivité transéquatoriale), avec changement de direction
(Boko, 1988).
Dans le cas du Bassin versant de la Pendjari, l'alizé
est l'harmattan qui est un vent froid et sec qui souffle du nord-est vers le
sud-ouest pendant la période de novembre à février voire
mars, en provenance du Sahara. Tandis que la mousson est le flux d'air maritime
humide qui souffle du sud-ouest vers le nord-est pendant la période
d'avril à octobre, en provenance des hautes pressions de l'anticyclone
de Sainte-Hélène situé dans l'océan Atlantique de
l'hémisphère Sud et qui fait tourner l'air dans le sens inverse
des aiguilles d'une montre.
Ces deux masses d'air convergent vers une zone de
dépression appelée la "Zone de Convergence Intertropicale" (ZIC)
encore appelée "Front Inter Tropical" (FIT), au sein de laquelle se
forment de gros nuages appelés cumulonimbus. C'est une zone de basse
pression marquant la limite entre un flux d'alizé et un flux de mousson
(Boko, 1988). Les saisons sont déterminées par le balancement de
ce Front Inter Tropical (FIT). Le figure 6 présente la position du FIT
à chaque mois de l'année.
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Figure 6 : Mouvement oscillatoire annuel de la ZIG sur
l'Afrique
Source : Fontaine cité par Vissin (1998), Houssou
(1998) et Tenté (2005).
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Pendant le mois de janvier, la ZIC occupe sa position la plus
méridionale sur le littoral (vers 7°N) aux latitudes de Lokossa,
Pobè (Houssou, 1998 ; Tenté, 2005). Le Bassin versant de la
Pendjari étant situé au nord de cette position, se trouve sous
l'influence de l'harmattan. A partir de février ou mars, il remonte
lentement vers le nord et occupe en août sa position la plus
septentrionale qui correspond généralement au
20ème parallèle.
La saison des pluies dans le Nord-Bénin en
général et en particulier dans le bassin versant béninois
de la Pendjari est, d'après Boko (1988) « liée au passage de
la ZIC, au fur et à mesure que l'anticyclone de
Sainte-Hélène s'étend vers l'équateur ».
En effet, les pluies surviennent avec le passage de la ZIC
dans le domaine du secteur d'étude. Elle donne des pluies abondantes et
continues qui sont le fait de nuages cumuliformes fortement convectifs.
D'après Afouda (1990), ce sont les averses des mois de juin, juillet,
août, mois au cours desquels le corps de la ZIC, dans les couches
moyennes, est légèrement plus au nord du bassin versant de la
Pendjari. Moron (1993) explique que ces pluies de mousson s'individualisent par
leur occurrence plus élevée la nuit et le matin, lorsque le
fléchissement thermique entraîne une augmentation de la
condensation. Les orages isolés sont dus à des nuages
cumuliformes, ils sont typiques de la zone B de la mousson (Annexe 5),
là où la faible épaisseur de la couche humide et la
subsidence supérieure interdisent des formes plus évoluées
(Moron, 1993 repris par Vissin, 2007).
Outre les pluies de mousson, les précipitations
observées dans le bassin versant de la Pendjari sont également
liées aux mécanismes atmosphériques à trajectoire
zonale largement argumentées par Boko (1988). Il s'agit des ondes d'est
ou ondes tropicales, des perturbations zonales, des lignes de grains et des
amas nuageux convectifs mobiles.
Les ondes d'est
Selon Boko (1988), c'est un "talweg" ou une circulation
cyclonique dans l'alizé d'est. Il explique que sur les images
satellitaires, on note l'apparition d'un talweg mobile d'axe oblique reliant le
golfe de Guinée au Darfour et au massif éthiopien, contournant
l'anticyclone égypto-libyen par le sud et le sud-est. Cette situation
qui s'observe surtout en hiver boréal peut durer deux ou trois jours, en
se déplaçant vers l'ouest. Ces ondes peuvent affecter tout le
Bénin, mais surtout les régions nord. Elles ont cependant une
activité variable dans le temps et dans l'espace, de telle sorte que les
précipitations peuvent être tantôt importantes, tantôt
absentes, remplacées par une "tornade sèche".
Quant aux perturbations zonales, ce
sont, d'après Leroux (1980) et Boko (1988) des "lignes de pulsations"
qui naissent au sein même de la mousson. Wauthy (1983) explique que ces
ondes
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d'accélération de flux de mousson "modifient la
répartition de la convergence et de la divergence, pouvant amener la
formation de nuages à l'amont de la ligne de basses pressions". Pour
Boko (1988), ces phénomènes semblent être à
l'origine des précipitations diurnes lorsque l'échauffement a
créé les conditions propices à l'instabilité ou
lorsqu'il n'existe pas par ailleurs de facteurs inhibiteurs (substratum froid
ou refroidi, subsidence des couches supérieures).
Les lignes de grains
Elles se présentent comme des alignements nord-sud de
cumulonimbus, associés aux ondes d'est tropicales, ondulations affectant
le champ de masse et de mouvement d'altitude que Pagney (1994) appelle
perturbations de première grandeur. Ces lignes de grains sont à
l'origine des averses orageuses qui surviennent en mai-juin, mais aussi en
août et septembre dans le bassin versant de la Pendjari. Pour Omotosho
(1984), elles constituent l'apport le plus important de pluies au nord du
10°30' N où elles représentent au moins 60 % des totaux
pluviométriques. Boko (1988) confirme qu'elles constituent les facteurs
pluviogènes majeurs au Bénin (plus de 70% des
précipitations entre mai et octobre). Elles se situent dans la zone C1
de la mousson (Annexe 5) et sont accompagnées de vents violents avec des
rafales de plus de 20 noeuds (Agli, 1995). En effet, le front de la Ligne de
Grain est constitué de puissantes cellules convectives alignées
perpendiculairement à leur direction de propagation. Dans cette partie,
la rencontre des masses d'air sec et humide est favorable au
développement de la convection profonde qui entraîne des
précipitations de forte intensité et de courte durée. Les
courants ascendants et descendants résultant du soulèvement d'air
instable alimentent cette partie convective à partir de la couche limite
des masses d'air sec et humide. La partie stratiforme, quant à elle,
donne des pluies moins intenses et de durée plus longue. Pour un
observateur terrestre, selon N'Diaye (2009), le passage d'une ligne de grains
est caractérisé par de violents coups de vent (10-15m/s)
accompagnés d'une chute brusque de température et un saut de la
pression (grain blanc), quelques minutes avant l'arrivée de la pluie.
L'existence d'un courant froid ou courant de densité au sein de la ligne
de grains explique le refroidissement ressenti au sol avant l'arrivée de
la pluie.
Les amas nuageux convectifs mobiles (ou
clusters en anglais) :
Comparés aux lignes de grains, les amas nuageux ont des
formes moins définies et les déplacements plus lents. Boko (1988)
explique que sur les images satellitaires, on les voit "naftre" à
l'ouest et au nord du massif forestier congolais, sur la dorsale oubanguienne,
et au sud du massif éthiopien. Il s'agit certainement d'un effet de
convergence des flux de mousson le long des lignes de relief. Selon la vigueur
de la mousson, en d'autres termes selon la puissance de l'anticyclone de Sainte
- Hélène, la région-source peut être limitée
à la dorsale oubanguienne. Dans ce cas, les cellules passent au large
des côtes du Bénin, «sautant» des bouches du Niger
à
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l'embouchure de la Volta, épargnant ainsi le littoral
du golfe de Guinée. Si les pulsations de la mousson sont
particulièrement fortes, les cellules passent plus au nord, au nord du
9ème parallèle, avant d'être
déviées par les lignes de l'Atakora, tout comme les lignes de
grains.
C'est sur la base de ces phénomènes
atmosphériques d'échelle régionale et des
différentes oscillations de la ZIC, que le bassin versant
béninois de la Pendjari est sous l'influence du climat soudanien (climat
tropical chaud et humide) ou soudano-guinéen qualifié d'atacorien
(Houssou, 1998). Il est caractérisé par une alternance d'une
saison sèche et d'une saison pluvieuse. La saison pluvieuse de 5
à 6 mois (mai à octobre) est dominée par les flux de
mousson mais aussi ceux liés aux lignes de grains,
génératrices de fortes averses sur la région. La
pluviosité moyenne (1961-2006) est de 1131,3 mm. Les mois de juillet,
août et septembre sont les plus pluvieux avec une moyenne de 227,5 mm par
mois.
Par effet de versant au vent et de versant sous le vent, la
chaîne de l'Atacora aurait des influences sur les précipitations
et la répartition spatiale des champs pluviométriques dans le
bassin versant de la Pendjari. En effet, dans les régions occidentales
des moyennes latitudes, les versants exposés aux masses d'air humide et
aux perturbations venant de l'est (versant au vent) sont plus arrosés
que les versants sous le vent. Après avoir franchi le relief, l'air perd
une grande partie de son humidité, d'où un temps plus sec dans le
versant sous le vent. Un flux d'air forcé à franchir une
barrière de relief est à l'origine d'un effet de Foehn de l'autre
côté du relief. A sa descente, il se comprime, se réchauffe
et s'éloigne du point de saturation (point de rosée), d'où
un vent sec et haud, soufflant en rafales très violentes. Dans le le cas
de cette étude, on est tenté d'estimer qu'il y a effet de Foehn
avec la chaîne de l'Atacora. Mais nous penson qu'il n'y a pas effet de
Foehn dans le bassin versant de la Pendjari pour deux raisons : (1)
l'isohyète 1050 se distribue dans les deux HER. (2) le relief n'est pas
suffisemment important pour générer l'effet de Foehn.
La saison sèche de 6 à 7 mois (octobre à
avril) est marquée dans les quatre ou cinq premiers mois
(octobre/novembre à février) par des flux de l'alizé du
Nord-Est (l'harmattan), secs, frais la nuit et relativement chauds le jour,
desséchant et accélérant le dépérissement de
la végétation (Tenté, 2005). Elle est marquée par
l'absence de précipitations. D'après Boko (1988), la saison
sèche commence assez brutalement, pratiquement en octobre sur l'ensemble
de la région. Il explique que l'affaissement brutal des totaux mensuels
à partir d'octobre précède d'au moins un mois la baisse de
la tension de vapeur, donc du volume d'eau précipitable. Cela s'explique
par le fait que le "voyage-retour" de la ZIC est plus rapide que le
"voyage-aller". Il en est toujours ainsi lorsque l'échange s'effectue
entre un anticyclone maritime et un anticyclone continental. Il semble que les
mécanismes anticycloniques se rétablissent très
rapidement, dès l'automne sur le nord-est du Sahara, et dès
novembre le flux d'alizé continental atteint le nord du Bénin. De
cette façon, il n'y
a pas d'intersaison entre la saison des pluies et l'harmattan,
du moins elle n'est pas évidente. A la fraîcheur nocturne et
matinale de l'harmattan succède la forte chaleur de l'intersaison, en
mars-avril (Houssou, 1998).
Somme toute, ces conditions climatiques, relativement
favorables, et les autres caractéristiques physiques, offrent des
conditions assez favorables à l'installation humaine et aux
activités économiques.
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