1.1.3 Problématique
Au cours de ces deux dernières décennies, la
radicalisation et l'extrémisme violent sont devenus une
préoccupation internationale et plus particulièrement pour le
continent africain. L'Afrique, surtout dans la vaste zone
sahélo-saharienne, a été touchée par les
phénomènes de la radicalisation et de l'extrémisme
violent. Ceux-ci constituent des menaces sur la paix, la
sécurité, la cohésion sociale et le développement,
avec notamment la présence des Groupes Armés Non Etatiques (GANE)
dans les pays du Sahel, notamment la région de Liptako-Gourma (Burkina,
Mali et Niger).
La région du Liptako Gourma, faisant déjà
face à des défis structurels et climatiques majeurs, est
affectée aussi par une crise sécuritaire depuis 2012 suite
à l'insurrection au Mali de plusieurs groupes extrémistes
violents, adeptes
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d'un islamisme radical et revendiquant principalement la
libération de l'Azawad et l'instauration de la charia islamique comme
loi fondamentale dans le nord du pays. Il s'agit principalement d'Ansar Eddine,
d'Al-Qaïda au Maghreb Islamique et du Mouvement pour l'Unité et le
Djihad en Afrique de l'Ouest (MUJAO), auxquels s'ajoutent de narcotrafiquants
et de bandits armés dont les mouvements déstabilisent le Mali et
au-delà les deux autres pays de la région du Liptako Gourma du
fait de la porosité des frontières que ses Etats membres
n'arrivent pas à assurer pleinement le contrôle.
Cette crise sécuritaire est aussi
caractérisée par la présence active et continue des
groupes armés. La criminalité et les conflits intercommunautaires
qui n'épargnent aucun des pays du Liptako Gourma, notamment, le Niger
où depuis la fin des campagnes militaires majeures qui, dans le cadre de
l'opération Serval, ayant permis de libérer le nord du Mali,
occupé par les principaux Groupes Islamistes, la situation
sécuritaire s'est particulièrement dégradée.
Parmi les zones du Liptako Gourma confrontées aux
menaces terroristes, l'ouest du Niger reste particulièrement
confronté à une montée de l'extrémisme violent qui
résulte de sa proximité avec la zone d'influence qui donne lieu
à un manque de perspectives économiques, en particulier chez les
jeunes, qui sont les plus vulnérables à la radicalisation, et les
femmes, dans un contexte généralisé de pauvreté et
de fragilité.
Depuis 2012, les parties Nord des régions du Mali, du
Burkina Faso et du Niger sont devenues des zones de conflits, avec comme
corollaire la prolifération d'armes illicites provenant de la Libye, la
constitution de groupes criminels organisés, les trafics de tout genre
et l'existence des groupes terroristes. La détérioration de la
situation sécuritaire, marquée par la prolifération des
groupes armés, la recrudescence des affrontements communautaires et la
montée de l'extrémisme violent, soulève de profondes
inquiétudes au niveau de la région de Liptako-Gourma.
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C'est dans ce contexte que la région de
Tillabéri, dans sa partie septentrionale, fait face à une
recrudescence des conflits locaux et des attaques terroristes de plus en plus
violentes avec des impacts majeurs sur les programmes de développement
et sur le processus de consolidation de la paix. Ces actes d'une violence
extrême ont entraîné des pertes en vies humaines, des
enlèvements des personnes et des biens ainsi qu'un important flux des
populations déplacées.
Cependant, toutes les menaces citées ci-haut peuvent
causer un certain nombre de facteurs sur le parcours d'une personne vers ces
phénomènes. Ces facteurs peuvent être propres à la
personne selon son environnement immédiat (endogène) ou dans la
société (exogène).
Aussi, une jeunesse sans emploi, sans activité, vivant
dans l'oisiveté, peut constituer une proie facile à la
manipulation des activités pouvant éclater une crise au sein de
la société.
En plus, le mécontentement et le manque de confiance
à l'égard du gouvernement sont préoccupants dans les
localités du Niger qui enregistrent la plus forte incidence de
l'extrémisme violent. Ces sentiments sont dus au délaissement,
à l'injustice, à la marginalisation sur le plan politique et
touchés par une pauvreté multidimensionnelle plus
accentuée dans certaines régions du Niger, notamment le
septentrion de la région Tillabéri. Tous ces facteurs
créent des frustrations et des replis identitaires conduisant à
l'insécurité.
Cette insécurité dans la région de
Tillabéri est liée à l'intensification des conflits
locaux, à la persistance de la criminalité transnationale
organisée et à l'activisme de groupes extrémistes violents
comme le groupe des insurgés islamistes peuls Ansar al-islam et la
Jamaat nosrat al-Islam (Al Mourabitoun, Al-Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI),
Ansar dine dont les démembrements sont la Katibat du Gourma). Ces
groupes, qui cherchent à agrandir leur sanctuaire, commettent des
incursions criminelles, aussi, dans l'ouest de la région de
Tillabéri.
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Pour une meilleure prise en charge de cette
problématique au niveau international qu'au niveau de chaque
État, le plan d'action des Nations Unies pour la prévention et la
lutte contre la radicalisation et l'extrémisme violent a
recommandé à chaque État de prendre des mesures
nécessaires pour se doter d'un cadre d'action intégré pour
prévenir et lutter contre la radicalisation et l'extrémisme
violent4.
Au niveau national, le Plan de Développement Economique
et Social (PDES 2017-2021) du Niger préconise l'élaboration et la
mise en oeuvre d'une stratégie nationale de prévention et de
lutte contre la radicalisation et de l'extrémisme violent5
comme un des piliers importants pour l'amélioration du cadre
stratégique de la gouvernance sécuritaire. Malgré les
conditions des luttes que le Niger a créées, on constate toujours
que le nombre de groupes extrémistes violents continue d'augmenter dans
certaines régions, notamment dans la région de Tillabéri.
Alors la question centrale de la recherche est la suivante :
- La stratégie mise en place par l'État du Niger
dans la lutte contre la radicalisation et l'extrémisme violent est-elle
efficace ?
Pour tenter de répondre à cette question
centrale, des questions spécifiques ci-après méritent
d'être abordées :
- Quels sont les mécanismes mis en place par
l'État dans le cadre de la lutte contre l'extrémisme violent dans
la région de Tillabéri ?
- Quels sont les facteurs de ralliement et les raisons qui
poussent les jeunes à la radicalisation ?
Pour répondre à cette préoccupation, des
hypothèses de recherche peuvent être avancées.
4 Stratégie Nationale de Prévention de
la Radicalisation et de l'Extrémisme Violent-NIGER, 2020
5 Cf. PDES 2017-2021, Programme 9 : Renforcement de
la sécurité et de la consolidation de la paix ; sous-programme
9.1 : Amélioration du cadre stratégique de la gouvernance
sécuritaire, page 117.
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