4.1.2.3 Les moyens militaires
Selon Belkacem IRATNI (2017), sur le plan militaire, les
groupes terroristes opérant dans le nord du pays sont presque totalement
éradiqués à travers une vigilance continue, un
redéploiement sur le terrain des forces de sécurité et
l'acquisition d'équipement approprié à la lutte
antiguérilla (satellites, radars de surveillances, détecteurs,
drones).
En 2014, l'opération Zarmaganda, du nom d'un ancien
royaume Djerma, est mise sur pied dans le Nord-Tillabéri afin de
sécuriser la frontière avec le Mali. Après une
série d'attaques contre les FDS, le président Issoufou juge le
dispositif insuffisant et le remplace en juin 2017 par l'opération Dongo
qui veut dire, « foudre » en langue djerma -, une « force mieux
armée et plus mobile forte de 245 hommes principalement basés
à Tilwa »24. Les autorités ont
décidé de redéployer du personnel militaire à la
frontière malienne et relancer l'opération Chara, en
étroite coordination avec l'opération Zarmaganda. Après
l'embuscade tendue aux forces de sécurité nigérienne
à Ouallam le 22 février 2017 qui a fait 15 morts et 19
blessés et a été revendiquée par l'État
Islamique au Grand Sahara. La France a annoncé qu'elle enverrait 80
commandos des forces spéciales pour soutenir les Nigériens (RFI,
2017).
À cet effet, il y a aussi l'opération conjointe
Antiterroriste Niger-Burkina Taanli 3 qui veut dire alliance et cohésion
en langue gulmancema, a comme les deux qui l'ont précédée,
débouche sur de résultats plus satisfaisants.
Néanmoins, il y a quelques opérations
militaires existantes dans la région de Tillabéri, et qui sont
entre autres : Almahaw (Ouallam), Niya (rive droite), Yardi
(Tillabéri-est), Fassa (Anzourou), Bataillon du G5 Sahel
(Bankilaré) qui est installé à Ayorou et à
Bankilaré et à Banibangou.
64
Même si les opérations militaires ont finalement
eu les effets pervers, elles ont fait reculer l'État Islamique dans le
Grand Sahara (EIGS). A titre illustratif, en septembre 2018, le groupe
armé de l'EIGS s'est temporairement retiré de certaines parties
du nord de Tillabéri sous la pression de l'action militaire.
4.1.2.4 Les moyens politiques
L'escalade de l'extrémisme violent dans la
région a été conjuguée à l'ascension de la
criminalité transnationale organisée, une sécheresse
cyclique, les conflits locaux et autres actes de banditisme. Il convient de
faire le point de l'état de la région et du bilan des diverses
initiatives en matière de paix et de sécurité.
L'État, détenteur des prérogatives de la
puissance publique, fait recourt habituellement à la force. Ce recourt
peut-être source d'alimentation d'un cycle de
provocation-répression-justification, qui induira une réponse du
« berger à la bergère ». C'est de cette
répression que les Groupes Armés Non Étatiques tirent une
certaine `'crédibilité politique» de leur lutte et de leur
opération (Linhart, 2004).
Aussi, la recherche d'une solution conciliant la force et le
dialogue pourrait paraitre comme une approche utile et idoine. Il est
souhaitable dans chaque conflit d'engager le dialogue avec les parties
prenantes, les leaders communautaires et religieux influents qui sont soit
acteurs au conflit soit directement exposés aux effets de la
radicalisation et de l'extrémisme violent.
Ø La stratégie du dialogue
Le dialogue est la suite de stratégie adoptée
par le Gouvernement du Niger dans le cadre de la lutte contre la radicalisation
et l'extrémisme violent au Niger notamment dans la région de
Tillabéri. Le dialogue peut avoir pour but ultime d'offrir aux
terroristes la possibilité de se repentir et de renoncer à la
violence. L'objectif est de maintenir le contact avec les communautés
qui sont
65
issues de groupes extrémistes, et d'être en
mesure d'identifier et de proposer des solutions aux aspirations des
populations. En arbitrant les conflits dans lesquels elles peuvent être
engagées, en particulier ceux du foncier pastoral25. Le
dialogue politique avec les communautés, c'est prendre conscience de
cette exclusion et réfléchir aux moyens d'y mettre un terme.
Les opérations militaires ne permettent pas à
elles seules d'atteindre les objectifs d'un retour de la paix dans la
région de Tillabéri, surtout si elles attisent des foyers de
tension inter et intracommunautaires. Le dialogue entre Niamey et les
communautés de la région de Tillabéri sera donc
indispensable pour rétablir la présence de l'État dans les
campagnes. Sur un plan concret, cependant, les autorités devront
résoudre un certain nombre d'obstacles qui ont entravé les
précédents efforts de dialogue. L'un de ces facteurs est le
manque de coordination entre les différentes institutions de
l'État chargées de regagner la loyauté des
communautés mécontentes.
Le dialogue doit être sincère et s'accompagner
de mesures concrètes pour empêcher le recrutement par les groupes
armés non étatiques de se poursuivre. C'est ainsi que Bello
Adamou, un expert nigérien de LASDL, indique :« Cette mission
n'est pas impossible à condition de convaincre les populations
d'adhérer au dialogue et d'accepter de vivre avec leurs anciens
bourreaux ».
Cette approche permettra de rétablir la confiance et
la sécurité, de réhabiliter les services sociaux de base,
de déradicaliser les communautés locales et d'isoler
l'extrémisme violent. Il faut également privilégier, en
cas de conflit, les cadres officiels pour le dialogue et la consultation, ainsi
que des mécanismes de médiation formels et informels y compris le
dialogue inter et interreligieux avec les leaders d'opinion, le dialogue
civilo-militaire, et inter et intracommunautaires.
25 Programme National de Prise en Charge de la Reddition, mai
2021, page 07.
26 Mission d'appui à l'élaboration
du plan stratégique 2022-2026 de la Haute Autorité à la
Consolidation de la Paix_HACP, rapport diagnostic, page 24-25.
66
Ø Les renforcements des capacités des
acteurs locaux
Les renforcements des capacités de leaders
communautaires et leurs organisations (Chefferie traditionnelle, leaders
religieux et organisation de la société civile), des jeunes et
femmes, des collectivités décentralisées et des acteurs
des médias qui visent à assurer efficacement leurs rôles en
matière de prévention de la radicalisation et de
l'extrémisme violent ont été mentionnés dans la
stratégie.
En effet, avec le soutien continu de diverses institutions
locales en matière de gestion des conflits entrepris depuis 2015, avec
l'appui à la structuration des comités communaux de paix, la
HACP, comme d'autres institutions, renforce depuis deux ans ses appuis aux
acteurs locaux dans la prise en compte des dynamiques de continuité de
dialogue, et la prise en compte de la dimension « Paix et
Sécurité » au niveau de la planification26.
L'appui aux comités communaux de paix est une pratique
courante depuis plusieurs années, il concerne actuellement 38 communes
et se traduit par un appui au fonctionnement et à la structuration de
ces comités, mais aussi par le financement d'une partie des plans
d'action desdits Comités.
Par ailleurs, le renforcement des capacités des
acteurs locaux notamment par l'appui aux réunions élargies
(mensuelles) des Conseils Départementaux de Sécurité (CDS)
constitue la pierre angulaire vers un maillage de l'ensemble du pays de
structures de concertation, de partage d'information et de message de
transparence portée envers toute la population.
Ces réunions élargies se tiennent mensuellement
et sont ouvertes à tous les acteurs « civils » qui participent
non seulement au renforcement du dialogue sur les questions de
sécurité, mais également à la restauration de la
crédibilité de l'État et de la confiance des populations
envers les FDS.
Pour une cohésion sociale réussie, il faut
impliquer les différents acteurs tels que les familles ou
communautés, les acteurs publics locaux, les
67
Ø Le renforcement de la cohésion
sociale
La cohésion sociale dans et entre les
communautés, et entre l'État et la population locale a
été affaiblie dans la région. Le conflit a
altéré les relations entre les familles, entre les
différents groupes ethniques et les communautés. La
cohésion sociale est aussi mise à mal par l'augmentation des
litiges liés aux droits fonciers et à l'accès aux
ressources naturelles. Elle est également fragilisée par les
comportements de forces de défense et de sécurité et le
changement climatique. La cohésion sociale est donc un facteur
déterminant pour construire la résilience face à ces
menaces. Pour y parvenir, il faut, entre autres, établir une relation de
confiance et d'échange entre les individus, les groupes et les
communautés.
Dans cette optique, le gouvernement nigérien à
travers le Ministère de l'Intérieur et de la
Décentralisation a organisé en novembre 2021 un forum sur le
maintien et le renforcement de la cohésion sociale pour discuter des
questions de sécurité. Les participants à ce forum sont
les acteurs de la Chefferie traditionnelle, les leaders religieux, les
autorités administratives locales, les élus et les autres
personnalités publiques, ressortissants des régions (Dosso,
Tahoua et Tillabéri). Ainsi, l'un des intervenants a souligné que
l'une des causes de l'insécurité est l'effritement de la
cohésion sociale, car c'est un facteur important pour répondre
à ce phénomène.
Les causes de déficit de la cohésion sociale
sont : la collaboration timide pour se sécuriser, l'injustice au niveau
des instances décisionnelles, les acteurs politiques qui augmentent les
tensions intercommunautaires. Pour résoudre une crise qui touche en
premier lieu la population, il faut se concentrer sur la population même.
Plus spécifiquement, cela pourrait impliquer des mécanismes
garantissant l'accès à la justice et le dialogue entre les
populations locales, entre communautés et entre
générations.
68
associations de jeunes, le groupement des femmes et les
espaces d'écoute et de concertation, les médias locaux et
nationaux.
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