II. La toponymie littorale II.1 Un usage presque
perdu
II.1.1 Un langage européen pour les
côtes
La toponymie a sa propre identité, mêlant
histoire, linguistique et topographie, comme son étymologie la
conçoit. Cette identité, à plusieurs versants,
reflète également le parler des sociétés littorales
d'où qu'elles soient, au vu des appellations par les marins, argumentant
qu'elles ne devaient rester qu'entre usagers du littoral. Ce langage des gens
de mer renferme, en réalité, une multitude de
langages.
Aussi, Pierre Sizaire34 énonce
clairement que le vocabulaire marin est européen, « le latin a
apporté l'essentiel (puis) le grec a fourni
à l'espagnol des termes savants (...) ». Il
constate également que « l'italien a fourni de nombreux
mots ». Plus tard, les Anglais et les pays
scandinaves auraient largement contribué à cet enrichissement du
langage maritime, avec un avantage pour les pays nordiques dont il
décèle « une grosse influence des Scandinaves
puis des Néerlandais ». De fait, Pierre Sizaire
affirme que le mot rouf vient du mot
néerlandais roef. Toutefois, note-t-il, une
« absence totale de mots celtes, les Gaulois
étaient des terriens et pour les Bretons l'effet de leur isolement
linguistique et culturel [s'est fait ressentir] ; on
ne retient non plus aucun mot d'origine atlantique : Nantes,
La Rochelle et Bordeaux ainsi que Bayonne ne nous ont donné
aucun terme marin.»35
II.1.2 Le sens des mots diffère
Le langage maritime a été enrichi par
plusieurs langues. Néanmoins, certains pays ont peu donné dans
cette aventure linguistique, comme la France. Au temps des Lumières,
n'ont-ils pas eu, pourtant, une capacité de développement, un
rayonnement culturel exceptionnel en Europe ? Pierre Sizaire indique que le
XVIe siècle, malgré sa période humaniste,
côté terrestre, n'influencera pas plus le côté
maritime. A contrario, il remarque «
l'influence
34 SIZAIRE, Pierre, de l'Académie de Marine,
Traité du parler des gens de mer, Editions Patrimoines et Médias,
Poitiers, 1996.
35 SIZAIRE, Pierre, de l'Académie de Marine.
Op.cit.
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exotique très étendue
»36 qui marquera davantage le langage maritime.
Mais les linguistes diffèrent sur l'origine des mots. A l'instar du mot
lof qui serait un mot scandinave, au surplus transmis
par les Néerlandais, et récif serait
parvenu par les Espagnols. L'explication de ces surprenantes
hérédités viendrait d'un langage intermédiaire qui
aurait permis cette transmission des termes. D'où la difficulté
à retrouver l'origine de certains mots, comme l'évoque Pierre
Sizaire ; « Dès le Moyen-Âge, les Espagnols
appelaient un garçon « mozo ». Les Italiens en firent «
mozzo » avec le sens «garçon
manqué». Les Français l'empruntèrent
alors à l'italien et en tirèrent le mot «mousse» avec
l'acceptation que chacun connaît (...)
».37
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