Quels sont les enjeux pour la promotion de la toponymie littorale comme patrimoine culturel littoral ?( Télécharger le fichier original )par Janig LE BOURVELLEC Universite Bretagne-Sud - Master Politiques patrimoniales, développement culturel et territoires 2017 |
I.1 Un nom pour un lieuI.1.1 De l'origine du motLa toponymie est un nom qui a été donné à un lieu, à un endroit reconnaissable par quelque chose. Le lieu ne sera pas nommé en fonction de l'affection mais surtout en fonction de l'évocation pour les personnes qui le nommeront. Le terme de toponymie vient de la racine grecque « topos » pour lieu, « onoma », pour nom. La toponymie est une branche de l'onomastique, qui étudie également les noms des personnes. L'Office de la Langue Bretonne réalise des études toponymiques regroupant l'ensemble des noms de lieux sur un territoire bien souvent limité, au vu du labeur que cela représente, afin de normaliser les termes pour éviter les erreurs de retranscription. Ce travail est effectué selon les recommandations du groupe d'experts des Nations Unies sur les noms géographiques (GENUNG). L'origine des noms est alors mise en rapport avec la langue actuelle parlée et celles plus anciennes du même territoire. La langue d'origine de création, avec ses constructions syntaxiques et orthographiques, est alors favorisée pour la normalisation.3 La description d'un lieu peut se retrouver dans le nom. Ainsi, on peut y trouver des roches et l'endroit devenir une carrière comme La Perrière à Lorient. Cette particularité donne un sens au nom. Le nom garde alors en mémoire son activité passée. «[...] Souvent, les carrières ont disparu entièrement par comblement et seule la toponymie, parfois, en conserve encore le souvenir : tel est le cas de « La Perrière » à Lorient. [...] En fait, seules les carrières littorales sur la côte de Ploemeur sont restées 3 L'Office de la Langue Bretonne est chargé de ces travaux d'enquête de terrain, via le Service Patrimoine Linguistique qui opère sur un travail de normalisation face aux erreurs orthographiques des personnes connaissant trop peu la langue bretonne. Pour cela, le Service Patrimoine Linguistique s'appuie sur des collectes orales, avec des personnes dont la langue bretonne est la langue maternelle. Cela permet également d'obtenir une meilleure localisation et facilite le travail de recherche linguistique quant à la construction du nom du lieu-dit. 8 comme figées depuis l'arrêt des extractions4 et seul le va-et-vient des flots adoucit lentement les platiers anthropiques. [...]»5 L'évocation des pierres dans le nom se retrouve un peu partout en Bretagne. Dans le département du Morbihan, sur une localisation peu étendue, le nom de Kerroc'h amène sur différentes pistes avec les mêmes termes ; Ker pour village et roch pour rocher. Ce toponyme est donné à au moins trois endroits différents dans les vingt kilomètres au-dessus de la côte dans le pays lorientais, à Guidel, Quéven et Ploemeur. L'utilisation de la roche n'a pourtant pas été la même à Kerroc'h, en Ploemeur, qu'à Quéven. Sur le littoral de Ploemeur, la roche traduit une activité de carrière notamment à Porzh-Foll, en Ploemeur, autour des calvaires dont des croix sont encore visibles, ainsi que des meules trahies par des cercles encore visibles6. Autre temps, autre endroit, à Quéven, le Kerroc'h donne une autre facette, puisqu'il se situe près d'un site mégalithique7 (Figure 1 p.9).Une visite à Guidel au hameau de Kerroc'h, ne permet, néanmoins, pas de savoir si le toponyme de ce lieu-dit a pour origine un site mégalithique comme à Quéven, ou s'il y aurait eu une carrière, comme à Ploemeur. La recherche bibliographique permet d'éclaircir ce toponyme. Kerroc'h à Guidel est issue d'une association de ker, pour village et un nom de famille An Roch qui se trouve dès 1499 sous le nom « K/anroch »8. A Quéven, la présence d'un manoir dès le XVIe siècle laisse à penser des chercheurs9 que le toponyme associe également Ker et un nom de famille.10De même pour Ploemeur où le doute est permis dans la mesure où les cadastres mentionnent 4 Kerroc'h a fait l'objet d'études sur cette activité de carrière, comme le confirme l'article de GOULPEAU Louis, Les curiosités de Porzh-Foll en Ploemeur, pour la Société d'Archéologie et d'Histoire du Pays de Lorient. 5CHAURIS Louis, Les anciennes carrières de la région lorientaise (Morbihan), Annales de Bretagne et des Pays de l'Ouest [En ligne], 120-4 | 2013, mis en ligne le 30 septembre 2015, consulté le 28 mars 2017. URL : http://abpo.revues.org/2667 ; DOI : 10.4000/abpo.2667 6 L'érosion faisant son travail, le mémoire mentionne des observations de terrain faites par l'auteure en 2016, à l'occasion d'un stage qui avait pour mission principale l'inventaire du patrimoine vernaculaire de la Ville de Ploemeur sous la responsabilité du Service culturel en partenariat avec le Comité d'Histoire du Pays de Ploemeur. 7 COMITE HISTORIQUE DE QUEVEN, sous la direction de Jean Le Bihan, président du Comité, Quéven au fil du temps, Liv' Edition, 4e édition 8 La graphie ancienne désignait sur les cadastres K/ comme une abréviation de Ker. HOLLOCOU, Pierre, PLOURIN, Jean-Yves, Toponymie bretonne et patrimoine linguistique Des sources de l'Ellé à l'île de Groix, Emgleo Breiz, Brest, 2014. 9 HOLLOCOU, Pierre, PLOURIN, Jean-Yves. Op. cit. 10 Cependant ce toponyme est à la fois récent et fruit d'une invention par les personnes qui ont mis en place la signalétique sur la commune de Quéven, dans le Morbihan. Se référer à la seconde partie de ce mémoire, le croisement des recherches bibliographiques dans la partie dédiée au collectage. 9 des noms tels que Jehan K/anroch à Saint Just, en Ploemeur, en 1441 et Bertrand Roch à Lennennec, toujours en Ploemeur, en 150411. Les termes toponymiques sont aussi le reflet de ce que le visiteur peut trouver comme sol. La pointe de Pen Men, située sur l'île de Groix, est un exemple ; son nom décrit son sol et sa nature topographique. La description de la pointe aurait été faite depuis le continent, comme étant, pen an maen, « l'extrémité de la pierre ».12« Ces mots (roche, rocher, roc, roc'h, roh, rohan, rohell) donnent leurs noms à plus de 1 000 lieux-dits dans toute la Bretagne, avec une densité assez faible près de la côte sud, contrairement à la côte nord, ce qui est conforme à la géologie. »13. Le mot roche peut être aussi décrit par le mot pierre avec un équivalent breton sous la forme maen et men. « Pierre est assez utilisé en noms de lieux-dits (environ 200 en Haute-Bretagne), mais parfois difficile à séparer du prénom Pierre »» Sans compter les dérivés comme pérou ou pérouse qui prend le sens de «terrain pierreux».14 Figure 1 - Signalétique et tumulus de Kerroc'h (c) J. LE BOURVELLEC La transmission du toponyme s'est effectuée en majorité par le langage oral ; les cartes n'étant qu'un outil pour les navigateurs, les ports étaient avantagés, avant d'être données pour des « cartes de clochers », où les bourgs 11 HOLLOCOU,Pierre, PLOURIN, Jean-Yves. Op. cit. 12 HOLLOCOU,Pierre, PLOURIN, Jean-Yves. Op. cit. « Sans relief apparent Groix donne l'impression d'une grande pierre flottant sur l'océan. » Le phare, à proximité, tire son nom de la pointe éponyme. 13 LE MOING, Jean-Yves, Noms de lieux de Bretagne, Editions Bonneton, Collection La passion de votre région, Paris, 2004. 14 LE MOING, Jean-Yves. Op. cit. 10 eurent, enfin, leurs places privilégiées, avant les hameaux.15 Cette oralité, une fois transmise, laisse des traces, plus ou moins cohérentes pour les contemporains, comme citées ci-dessus avec l'exemple du nom de Kerroc'h. Un groupe de personnes locales transmet à un autre groupe de personnes, occitanes par exemple, un nom de lieu. A ce moment-là, le lieu est reconnu par le groupe occitan avec ce nom particulier. Ce qui amène le deuxième groupe à transmettre ce nom avec leur propre prononciation. Le nom d'origine va alors s'enrichir de syllabes ou, au contraire, s'appauvrir de syllabes selon la facilité ou la difficulté de prononciation de la langue d'origine par le deuxième groupe. A l'instar des scribes latins : ce type de difficulté phonétique les a amenés à donner en fin de noms un -td- contre le T, comme en langue allemande où des noms sont apparus sous la forme Brandt ou Schmidt, pour ne pas froisser les habitants.16 Un toponyme peut aussi prendre une autre forme dans un langage différent : c'est ce que désigne un exonyme. Par exemple, Pékin est un toponyme dans le langage français alors que le toponyme dans sa langue d'origine, le chinois, est Beijing.17 |
|