La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
AVERTISSEMENT
i
L'Université de Dschang n'entend donner aucune approbation
ni improbation aux opinions défendues dans ce mémoire. Elles sont
considérées comme personnelles et engagent la seule
responsabilité de leur auteur.
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
DÉDICACE
ii
À mes parents KENNANG Jean Rousseau
et
EVOUNA Messie qui ont toujours
cru en moi et
m'encouragent tous les jours.
iii
iv
V
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
REMERCIEMENTS
Ce travail est l'aboutissement d'un effort auquel ont
contribué de nombreuses personnes à qui je tiens à
exprimer ma profonde gratitude. Mes remerciements vont à cet effet :
Au Seigneur tout Puissant pour la force et la
vie qu'il daigne bien m'accorder chaque jour.
À mon directeur de thèse, le Docteur KEM
CHEM Marcelin Bruno, qui a toujours fait preuve de patience et a
toujours su m'apporter les conseils pédagogiques, les critiques, la
rigueur méthodologique et les suggestions nécessaires à la
bonne avancée et à l'aboutissement de ce travail.
Au Professeur Henri Désiré MODI KOKO
BEBEY, Doyen de la Faculté des Sciences Juridiques et
Politiques de l'Université de Dschang, qui a bien voulu donner un
accord
favorable à la supervision de cette thèse ainsi
qu'à tout le personnel enseignant de
l'Université de Dschang
pour leur souci constant d'offrir une formation de qualité aux
étudiants.
Aux Dr TECHE Stéphane, Dr
KEUGONG WATCHO Rolande dont la disponibilité et les conseils
m'ont permis de réaliser le présent mémoire.
À Me CHEKEM, avocat à Douala,
qui a eu l'obligeance de me fournir des documents nécessaires à
la rédaction de ce travail.
À ma bien aimée KAMGA BAKAM Laure
Mireille, pour ses prières incessantes et ses
encouragements.
À tous mes frères et
soeurs pour leurs encouragement et soutien infaillible; leur
présence ainsi que la gaieté qu'ils m'ont toujours apporté
tout au long de ce labeur.
À mes amis pour leur encouragement de chaque jour, leur
prière, particulièrement MEDJA Franck, TSIMI
Prosper, et FOTSING Edmond.
À mes camarades de promotion pour leur collaboration,
particulièrement à KUATE Defo Rodrigue, LEUKOUE Uri,
DONGMO DOUANLA Brice, NDOUWA Clauvis, KADJE Gyres, FOUEDJIO Steve.
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
PRINCIPALES ABBRÉVIATIONS
AJPI : Actualité juridique,
Propriété Immobilière
Al. : Alinéa
Art. : Article
AUDCG : Acte Uniforme relatif au Droit
Commercial Général
AUPRSVE ou AUVE : Acte Uniforme portant
organisation des procédures Simplifiées
et voies d'Exécution
AUPCAP : Acte Uniforme portant organisation
des procédures collectives
d'apurement du Passif
AUS : Acte Uniforme portant organisation des
sûretés
Bull. : Bulletin des Arrêts de la Cour
Suprême
Bull. Civ. : Bulletin des Arrêts de la
Cour de Cassation, Chambres Civiles
CA : Cour d'Appel
Cass.Civ. 1ère, 2è et
3è. : Arrêt de la première,
deuxième, troisième Chambre de la Cour
de cassation
Cass. Com. :
Arrêt de la Chambre commerciale de la cour de cassation
C.Civ. : Code Civil
C.Com.
: Code du Commerce
Chron. : Chronique
Comm. : Commentaires
Concl. : Conclusions
Doctr. : Doctrine
Dr. : Droit
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
Ed. : Edition
Gaz. Pal. : Gazelle du Palais
JCP: Jurisclasseur Périodique (semaine
juridique)
LGDJ : Librairie Générale de
Droit et de Jurisprudence
N° : Numéro
Obs. : Observation
OHADA : Organisation pour l'Harmonisation en
Afrique du Droit des
Affaires
OP. Cit. : Opere citato (dans ouvrage
précité)
P. : Page
P.A. : Petites Affiches
Préc. : Déjà
cité
PUA : Presses Universitaires d'Afrique
Rev. : Revue
RDAO : Revue de Droit des Affaires OHAD
RTD civ. Revue Trimestrielle de Droit
civil
RTD com. : Revue Trimestrielle de Droit
commercial
Ss. : Suivant
Somm. : Sommaire
TGI : Tribunal de Grande Instance
TPI : Tribunal de Première Instance
V. : Voir
Vol. : Volume
vi
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
SOMMAIRE
l'Ohada
INTRODUCTION GÉNÉRALE 1
PREMIÈRE PARTIE : LA MISE EN DEMEURE: FORMALITÉ
PRÉALABLE EN
MATIÈRE DE RUPTURE DU BAIL À USAGE PROFESSIONNEL
EN DROIT DE
L'OHADA 10
CHAPITRE I : LE CHAMP D'APPLICATION DE LA MISE EN DEMEURE
12
SECTION 1: LE CHAMP D'APPLICATION DE LA MISE EN DEMEURE TENANT
EN
LA FORME DE LA RUPTURE 12
SECTION 2: LE CHAMP D'APPLICATION DE LA MISE EN DEMEURE TENANT
EN
LA NATURE DU MOTIF DE LA RUPTURE 20
CHAPITRE II : LA MISE EN OEUVRE DE LA MISE EN DEMEURE 25
SECTION 1: L'ÉLABORATION DE LA MISE EN DEMEURE 25
SECTION 2: LA NOTIFICATION DE LA MISE EN DEMEURE 31
CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE 40
DEUXIÈME PARTIE: LA MISE EN DEMEURE: FORMALITÉ
PRODUISANT
DES EFFETS VARIABLES DANS LA PROCÉDURE DE RUPTURE DU
BAIL À
USAGE PROFESSIONNEL EN DROIT DE L'OHADA 41
CHAPITRE I: LE RESPECT DE LA MISE EN DEMEURE 43
SECTION 1 : LA RÉGULARISATION DE LA SITUATION
DÉFAILLANTE 43
SECTION 2 : LE DÉFAUT DE RÉGULARISATION DE LA
SITUATION
DÉFAILLANTE 49
CHAPITRE II: L'ABSENCE DE LA MISE EN DEMEURE 63
SECTION 1: LE SORT DE L'ACTION EN RÉSILIATION 63
SECTION 2: LE SORT DU BAIL À USAGE PROFESSIONNEL 72
CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE 81
CONCLUSION GÉNÉRALE 81
vii
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
RÉSUMÉ
Le législateur OHADA a toujours été
soucieux du sort des transactions effectuées sous l'égide de la
législation OHADA. C'est ce qui d'ailleurs justifie qu'en matière
de bail commercial, toute intention de rupture doit être suffisamment
encadrée. Cet encadrement dont il s'agit en effet, passe en grande
partie par une exigence de mise en demeure perçue comme un dernier
échéancier accordé à la partie défaillante
pour s'exécuter. Cette mise en demeure, retrouvée à
l'article 101 de l'Acte Uniforme ancien de 1997, a subi avec la réforme
du 15 Décembre 2010 quelques améliorations que l'on ne saurait
pas manquer apprécier. L'intérêt était justement de
permettre à la partie ne s'étant pas exécuter de le faire
dans le nouveau délai à lui imparti. C'est la raison pour
laquelle le législateur Ohada semble très peu indulgent de la
violation de l'article 133 de l'Acte Uniforme nouveau considéré
d'ailleurs comme une disposition d'ordre public selon l'article 134 de l'Acte
Uniforme. La réforme de 2010 a permis d'entrevoir un champ d'application
large de la mise en demeure en ce que dorénavant elle s'applique
même en cas de résiliation de plein droit. Cette innovation
permettra de protéger la partie défaillante dans toutes les
formes de résiliation et lui permettre du même coup de pouvoir
s'exécuter. En plus, sa validité est un impératif à
ne point manquer.
Par ailleurs, il est reconnu à la partie
défaillant une possible régularisation de sa situation
vis-à-vis de l'autre. Si elle y parvient, le bail sera maintenu. Par
contre et selon le cas, la résiliation judiciaire ou le refus de
renouvellement seront les sanctions opposées à la partie qui,
avertie, n'aura pris les dispositions pour exécuter ses obligations ou
faire cesser le trouble. En outre, si cette formalité n'est pas
respectée, c'est-à-dire, si la mise en demeure n'est pas conforme
à l'article 133 de l'Acte Uniforme relatif au Droit commercial
Général, la partie auteur de l'acte exposerait dans pareil cas
son acte soit à la nullité, l'irrecevabilité pouvant
même aller jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction.
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
ABSTRACT
Législator OHADA was always concerned of the fate of
the transactions carried out under the aegis of legislation OHADA. It is what
besides justifies that as regards commercial lease, any intention of rupture
must be sufficiently framed. This framing about which it all is indeed, makes
mainly by a requirement of setting in residence perceived like a last bill book
granted to the failing part to be carried out. This setting in residence, found
in article 101 of the old Uniform Act of 1997, underwent with the reform of
December 15 2010 some improvements which one could not miss appreciating. The
interest was precisely to make it possible the part not being to be carried out
to do it within the new time with him assigned. This is why legislator OHADA
seems far from lenient of the violation of article 133 of the new Uniform Act
considered besides as a provision of law and order according to article 134 of
the Uniform Act. The reform of 2010 made it possible to foresee a broad field
of application of the setting in residence in what henceforth it applies even
in the event of full cancellation. This innovation will make it possible to
protect the failing part in all the forms from cancellation and at the same
time to enable him to be able to be carried out. Moreover, its validity is a
requirement not to be missed.
In addition, it is recognized with the part weakening a
possible regularization of its situation screw-with - screw of the other. If it
reaches that point, the lease will be maintained. On the other hand and
according to the case, the legal cancellation or the refusal of renewal will be
the sanctions opposed to the part which, informed, will not have made the
provisions to carry out its obligations or to put an end to the disorder.
Moreover, if this formality is not respected, it is with - to say, if the
setting in residence is not in conformity with article 133 of the Uniform Act
relating to the Commercial law Général, the author part of the
act would expose in similar case its act is with nullity, the inadmissibility
being able even to go until the payment of the allowance of ousting.
INTRODUCTION GÉNÉRALE
1
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
2
3
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
La localisation géographique d'un commerce
présente un grand intérêt pour toute entreprise1
en ce que très souvent, elle est déterminante pour ses
performances économiques et financières. Le
professionnel2 a donc besoin d'une localisation géographique
précise pour stabiliser et rentabiliser son activité. Les
motivations du choix d'un site pour implanter une entreprise sont
différentes suivant que l'objet de l'exploitation est une industrie, une
entreprise de prestation de services ou de vente au public d'un produit et
aussi du type de clientèle intéressée. C'est ce qui
justifie que le commerçant une fois installé, ferra toujours en
sorte de mettre tous les moyens en jeu en vue de demeurer dans les locaux
où il exploite son fonds de commerce3 .Il va sans dire, dans
ces conditions, que le nombre de locataires professionnels soit
extrêmement élevé perpendiculairement aux
propriétaires et bailleurs qui s'adonnent opportunément à
la construction d'immeubles dits commerciaux. Dans les activités
purement commerciales, si le commerçant n'est pas propriétaire
des locaux, le droit au bail constitue un élément important sinon
le plus important du fonds de commerce et c'est ce qui explique l'insertion
fréquente du pacte de préférence, le rappel du droit de
préemption au profit du locataire dans l'hypothèse où
l'immeuble serait mis en vente. En plus, quelle que soit l'activité
professionnelle envisagée, le lieu de l'installation matérielle
du professionnel participe beaucoup à ses chances de réussite
d'une façon générale. Il y a lieu d'observer que le
locataire est en position précaire voire fragile par rapport au bailleur
et cela quel que soit l'état de ses affaires : que ses affaires marchent
ou qu'elles périclitent. En effet, lorsqu'un lieu « marche bien
», il est possible qu'une autre personne vienne proposer au bailleur de
résilie le contrat en cours pour lui louer lesdits lieux contre un loyer
plus conséquent que le premier. Ainsi, les auteurs du siècle
suivant évoquaient plutôt « l'abus de puissance du
bailleur» et relataient leur comportement déloyal à
l'égard des preneurs, avec la complicité parfois des grandes
firmes de l'époque. En effet, deux siècles plus tard, la
1 L'entreprise est définie
généralement comme « une unité qui implique la mise
en oeuvre des moyens humains et matériels de production ou de
distribution des richesses reposant sur une organisation
préétablie. » Voir GUILLEN (A.) et VINCENT (J.), lexiques
des termes juridiques, 13è éd, p. 23.
2 La doctrine définit le professionnel comme
étant une personne physique ou morale qui agit dans le cadre d'une
activité habituelle et organisée de production, de distribution
et de prestation de services, Cf. CALAIS-AULOY (J.) et STEINMETZ, Droit e
la consommation, Paris , Dalloz, 2003, PP. 12 et Ss. Cette
définition a non seulement l'avantage d'exclure les travailleurs
salariés et d'inclure les personnes morales d'une part, mais surtout,
d'étendre la notion de profession aux activités de production, de
distribution des biens et de fourniture des services d'autre part. Apparaissant
ainsi comme une notion fédératrices du droit civil et du droit
commercial, la profession quel que soit sa nature, constitue l'un des
éléments d'encrage qui permet de saisir et l'activité
commerciale, et la personne qui l'exerce. DIFFO TCHUNKAM (J.), «
Actualité et perspective du droit OHADA des affaires après la
réforme de l'Acte Uniforme relatif au Droit Commercial
Général du 15 Décembre 2010 »,
www.ohada.com
3 Lorsque le local ou le terrain donné en
location est très bien situé, les clients trouvent y venir
facilement et il arrive même parfois qu'ils indiquent cet emplacement a
d'autres clients.
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
loi du 17 mars 1909 relative au fonds de commerce avait eu
pour conséquence d'augmenter leur valeur. Avec l'apparition des grandes
entreprises, celles-ci proposaient aux propriétaires bailleurs des
offres de relocation « à des prix défiant toute
concurrence» se substituant aux locataires en place. Les auteurs
rapportent que les bailleurs les expulsaient « sans bourse
délier» pour profiter de la clientèle
développée et des éventuels profits
générés tout en s'assurant pour l'avenir de la
solvabilité des nouveaux preneurs : « La morale n'avait pas
gagné à la réforme de 1909 et les commerçants y
avaient quelque peu perdu de leur sécurité. Il peut même
arriver que le propriétaire lui-même, pour continuer d'assouvir
ses appétits de gain d'argent, veuille libérer les lieux pour y
entreprendre une activité similaire ou identique car les loyers sont
devenus insignifiants à côté d'une telle
opportunité. Cette manoeuvre devient d'application pleine et
immédiate lorsque le professionnel éprouve des difficultés
passagères ou réelles à satisfaire les conditions du bail.
C'est pourquoi il devrait y avoir une veille permanente des autorités
administratives, juridiques, judiciaires et du preneur lui-même pour
déjouer certaines collusions inavouées ou contenir certains
appâts exacerbé du gain car la réussite d'une bonne
politique d'emploi, d'auto-emploi, d'essor économique et financier
dépend de la stabilité dont peuvent ou doivent
bénéficier les fonds de commerce et les baux professionnels. En
raison de l'ampleur et de la valeur de leurs installations matérielles,
les entreprises industrielles et les grands magasins sont
généralement propriétaires des locaux dans lesquels ils
exercent leurs activités. Mais il arrive parfois que le
commerçant ne soit pas propriétaire de l'immeuble dans lequel il
exerce son activité : il occupe celui-ci en exécution d'un
contrat, le contrat de bail. Le bail est un élément très
important d'un fonds de commerce4 en ce qu'il lui assure la
clientèle stable5.
Le contrat de bail6 est un contrat par lequel on
cède l'usage d'un bien pour un temps et un prix. Le contrat de bail qui
naît dans ces conditions ne saurait, de toute évidence et en
toutes circonstances connaître une application conventionnelle seulement.
L'intervention de l'État à travers des textes, va donc
s'avérer obligatoire. Malgré cette intervention autoritaire,
présumée régulatrice entre bailleur et preneur, il ne
serait pas superfétatoire d'évoquer le
4 L'ensemble des éléments corporels
(matériels, outillages, marchandises) et incorporels (droit de bail, nom
enseigne..) qu'un commerçant ou un industriel groupe et organise en vue
de la recherche d'une clientèle, ce qui constitue une entité
juridique distincte des éléments qui le composent. Cf. GUILLEN
(R.) et VINCENT (J.) op.cit., P. 265
5 La clientèle est un ensemble de personnes
(client) qui sont en relation d'affaires avec un professionnel. Si ce dernier
est un commerçant, la clientèle est dite commerciale. S'il exerce
une profession civile et en particulier libérale, elle est dite
clientèle civile. Cf. GUILLEN (R.) et VINCENT (J.) op.cit. P.105
6 Le contrat de bail est aussi appelé «
contrat de location » ; le locataire est aussi appelé
preneur et celui qui donne à bail, bailleur.
4
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
professeur Pierre VERDIER7 dans ses idées
sur le comportement humain. Il fait allusion à la morale et à
l'éthique pour inviter à éviter les excès. Aussi
déclare-t-il la morale peut être définie comme «
l'ensemble des règles de conduite socialement considérées
comme bonnes ». L'éthique est « l'ensemble des principes qui
sont à la base de la conduite de chacun ». Ces deux vocables
conjugués conduiront les éléments de la
société à s'imposer individuellement des comportements
corrects et à observer collectivement, avec un esprit de
coopération imbu de bonne foi, des règles de bonne conduite. Par
ailleurs, l'article 1709 du Code Civil Français définit le bail
comme une convention par laquelle « l'une des parties s'oblige
à faire jouir l'autre d'une chose pendant un certain temps et moyennant
un certain prix que celui-ci s'oblige de lui payer ». Le prix dans le
contrat de bail est appelé loyer, fermage8 ou encore prix de
location. L'objet du bail peut être un bien meuble tout comme un bien
immeuble. Conclu sur un immeuble l'on distingue plusieurs types de baux : le
bail civil ou bail d'habitation qui permet au preneur de louer une maison pour
s'y loger, le bail à construction dont la location au preneur permet de
réaliser des constructions sur un terrain en vue de les exploiter
lui-même ou de les donner à bail, et le bail commercial,
désormais connu sous l'appellation de bail à usage
professionnel9 dans l'espace OHADA10 depuis le reforme
intervenue en 2010, qui nous intéresse ici. Le bail professionnel est
une institution extrêmement importante car constituant le facteur de base
de la stabilité donc de la promotion des activités commerciales
ou professionnelles11. Ce bail qui met sur scène deux
personnes aux intérêts à la fois convergents et divergents
joue un rôle social et économique de premier plan dans l'essor des
affaires et des professions. Il procure l'usage de l'immeuble ou du bien au
locataire et assure les fruits du même bien au bailleur12. La
proposition d'un nouveau droit unique, valable pour tous les professionnels
remonterait à d'éminents juristes
7 VERDIER (P.) Morale, Éthique,
déontologie et droit, , Fondation la vie au Grand Air
8 Le fermage est un mode de faire-valoir d'une
exploitation agricole ou d'une parcelle de terrain dans lequel l'exploitant,
n'ayant pas la propriété du sol verse un loyer au
propriétaire ; ce loyer lui-même.
9 La conséquence en est
l'élargissement du régime de protection « des baux
commerciaux » à des professionnels non commerçants tels
que les artisans, mais aussi à toute activité professionnelle.
L'enjeu se situe plus haut, dans la mesure où le législateur a
étendu l'assiette des acteurs de l'entreprise en appréhendant des
entrepreneurs du secteur informel qui ne sont pas des acteurs
économiques de moindre importance. DIFFO TCHUNKAM (J.), «
Actualité et perspective du droit OHADA des affaires après la
réforme de l'Acte Uniforme relatif au Droit Commercial
Général du 15 Décembre 2010 »précité,
www.ohada.com
10 Il s'agit de l'Organisation pour l'Harmonisation
du Droit des Affaires dont le traité institutif a été
signé au sommet de Port-Louis le 17 octobre 1993.
11 SISSOUMA (S.) « LE BAIL PROFESSIONNEL (En
espace OHADA) : un mécanisme de veille (juridique) Permanente » in
juridis périodique, p.83.
12 Malaurie(P.) et Aynès (L.), « les
contrats spéciaux », Éditions Cujas 1995. 4, 6.8 rue de la
Maison Blanche 75013 Paris.
5
6
7
8
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
français13lesquels dès 1939 faisaient
le constat que les activités professionnelles14
présentent des caractéristiques similaires.
En Afrique, le bail à usage professionnel est
actuellement régi et plus précisément dans l'espace OHADA
par l'Acte Uniforme relatif au Droit Commercial Général
abrégé AUDCG. Cet acte dans sa version antérieure fut
adopté à Cotonou au Bénin, le 17 Avril 1997 et
entrée en vigueur le 1er Janvier 1998 qui traitait du bail
commercial a été remplacé en 2010 par le nouvel acte
uniforme15 qui tient en compte les insuffisances et les
imperfections du premier et traite désormais du bail à usage
professionnel, ceci dans l'objectif de faire bénéficier le statut
protecteur à tous ceux qui justifieraient d'une clientèle. Comme
tous les autres Actes Uniformes 16 , l'AUDCG participe à
l'objectif principale de l'OHADA, notamment « l'harmonisation du droit
des affaires dans les États-partie17 par l'élaboration
et l'adoption de règles communes, simples, modernes et adaptées
à la situation de leurs économies ; ainsi que par la mise en
oeuvre des procédures judiciaires appropriées et l'encouragement
du recours à l'arbitrage pour le règlement des litiges
contractuels »18. De plus, le traité de l'OHADA a
pour but de favoriser, au plan économique, le développement et
l'intégration régionale, ainsi qu'une sécurité
juridique et judiciaire afin de faire « renaître un climat de
confiance entre partenaires économiques nationaux et internationaux
».L'AUDCG adopté le 15 Décembre 2010 et entré en
vigueur le 14 Mai 2011, à travers ses objectifs et ses enjeux
réorganise et redéfinit le droit commercial. Il est divisé
en neuf (09) livres, dont le livre VI qui traite du « bail à
usage professionnel et fonds de commerce ». L'article 103 de ce texte
définit le bail à usage professionnel comme « toute
convention, écrite ou non, entre une personne investie par la loi ou une
convention du droit de donner en location tout ou partie d'un immeuble compris
dans le champ d'application du présent Titre, et une autre personne
physique ou morale, permettant à celle-ci, le preneur, d'exercer dans
les lieux loués avec
13 Ripert (G), « Ébauche d'un droit
civil professionnel : Études », Henry Capitant, Dalloz 1939. P 677
in Mamadou Koné : le nouveau droit commercial OHADA.
14Elles sont soit civiles soit commerciales.
15 Acte uniforme relatif au Droit Commercial
Général adopté le 15 Décembre 2010 à
Lomé au Togo
16 À ce jour, l'OHADA a déjà mis
sur pieds sept (07) Actes Uniformes :
L'acte uniforme relatif au droit commercial général
;
L'acte uniforme relatif au droit des sociétés
commerciales et du groupement d'intérêt économique ;
L'acte uniforme portant organisation des sûretés
;
L'acte uniforme portant organisation des procédures
collectives d'apurement du passif ;
L'acte uniforme portant organisation des procédures
simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution ;
L'acte uniforme sur l'arbitrage ;
L'acte uniforme sur le droit comptable.
17 À ce jour l'OHADA compte 17 pays membres.
18 Article 1er du Traité OHADA
modifié en 2008
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
l'accord de celle-là, le bailleur, une
activité commerciale, industrielle, artisanale ou toute autre
activité professionnelle ». Cette définition traduit
une opération commerciale qui met en relation des parties contractantes
dont l'objectif est généralement la recherche du gain, du profit.
Cela suppose qu'elles ont une totale maîtrise de leur opération en
ce sens qu'elles ont une libre disposition des biens ou des droits objets de
leurs transactions et peuvent en faire ce que bon leur semble19.
Le droit commercial a taillé au bail à usage
professionnel un régime dérogatoire du droit commun des baux
régit par le Code Civil en ses articles 1709 à 1762. Ce corpus
juridique spécifique était pour l'essentiel destiné
à assurer une protection du preneur commerçant dans le souci de
garantir la stabilité et le bon fonctionnement du fonds de commerce
exploité dans les lieux loués20. En effet, les
rapports entre les parties au contrat de bail souvent stables et cordiaux au
cours de la formation du contrat, ayant comme pierre angulaire la
liberté contractuelle, peuvent devenir quelques fois tendus et orageux
en phase d'exécution de la convention. Ceci peut être dû
à une faute provenant d'une des parties par exemple : un preneur ayant
cessé de payer ses loyers ou ne les ayant jamais payé ou un
bailleur refusant d'effectuer des travaux jugés nécessaires pour
l'exploitation de l'immeuble loué. Ainsi ces fautes peuvent aboutir
à une rupture du bail 21 . Une telle rupture était
très souvent préjudiciable aussi bien pour les parties que pour
le tissu socio-économique. Le bail commercial tire sa valeur de sa
stabilité, devant permettre au preneur de créer ou reprendre un
fonds et développer une activité dans la
sérénité. Le régime de la rupture du bail
commercial est particulièrement drastique, exprimant cette
pérennité. Le statut des baux commerciaux s'attache à
restreindre efficacement les prérogatives du bailleur
propriétaire, le dissuadant autant que possible de reprendre son bien.
La rupture du bail à son terme s'opère par l'effet d'un
congé portant refus de renouvellement. Ce refus emporte en principe
paiement d'une indemnité d'éviction égale au
préjudice causé au preneur. L'article 126 de l'AUDCG
évalue globalement ce préjudice à la valeur marchande du
fonds de commerce, dont l'évaluation est évidemment source de
nombreuses expertises et d'un important
19 WAMBO (J.), « bail commercial et domaine
public en droit OHADA, études de jurisprudence », Revue
del'ERSUMA, N' 2, 2013, P.339
20 TOURE (A.P.), « le nouveau visage de
l'action en résiliation du bail à usage professionnel dans l'Acte
Uniforme portant sur le Droit Commercial Général adopté le
15 Décembre 2010 », in Revue ERSUMA, N' 1, Juin 2012
21Contrairement à la fin normale des
relations contractuelles par exemple par l'arrivée d'un terme
stipulé, la rupture suppose que l'une des deux parties ou les deux
mêmes semblent ne plus vouloir poursuivre le bail pour des raisons
justifiées ou pas.
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
contentieux. Par ailleurs, le bail peut également
être rompu avant son terme. Le Code de commerce consacre ainsi une
section VII à sa résiliation, régissant les clauses
insérées dans le bail prévoyant sa résiliation de
plein droit. Cela ne signifie pas que seule la résiliation de plein
droit est envisageable, les parties restant libres de convenir d'une
résiliation amiable ou d'en demander la résolution judiciaire.
Longtemps la jurisprudence n'a semblé se soucier du trouble
sémantique né d'un usage aléatoire des notions de
résolution et de résiliation. La distinction répandue
était tirée de la nature du contrat rompu: le contrat à
exécution instantanée est résolu, tandis que le contrat
à exécution successive se trouve résilié, en
conformité d'ailleurs avec le vocable législatif s'agissant du
bail commercial. Pour donc parvenir à une quelconque rupture
fusse-t-elle très souvent judiciaire, le législateur de 1997
entériné par celui de 2010, a mis à la charge de la partie
qui demande en justice cette rupture une obligation de mise en demeure,
laquelle est prévue à l'article 133 alinéa 2 et suivants
de l'AUDCG
La mise en demeure se définit comme tout acte
extrajudiciaire signifié par un huissier de justice au débiteur
et portant sommation d'avoir à exécuter les obligations faillies.
En matière commerciale, une lettre recommandée constitue une mise
en demeure suffisante. Il s'agira d'un dernier avertissement adressé
à la partie défaillante de régulariser la situation
frauduleuse faute de quoi le créancier22 ira saisir le juge
pour apporter une solution à cette inexécution. Toutefois, la
mise en demeure n'est pas sans intérêt pour le créancier
puisqu'elle engendre plusieurs conséquences juridiques. Ainsi, si la
mise en demeure reste sans résultat c'est-à-dire que le
débiteur23 refuse de s'exécuter ou ne répond
pas, elle fait courir des intérêts de retard et des
dommages-intérêts peuvent être réclamés pour
le retard subi. Par ailleurs, certaines procédures judiciaires
conditionnent la possibilité d'agir en justice contre le débiteur
à l'envoi d'une mise en demeure préalable par le
créancier. La demeure peut donc être vue comme une étape
préalable à une action judiciaire. C'est du moins ce qui est
prévu par l'AUDCG dans son article 133 alinéas 2 et suivants qui
conditionnent l'exercice et l'aboutissement de toute action en
résiliation du bail à usage professionnel à l'envoi d'une
mise en demeure en bonne et due forme. Mais, bien que sans effet contraignant
immédiat pour le débiteur, la mise en demeure n'est pourtant pas
inutile pour le créancier, puisqu'elle constitue un moyen de pression
qui entraîne aussi des effets au niveau procédural.
22 Ici est entendu comme la partie vis-à-vis de
laquelle l'exécution du contrat n'a pas eu lieu.
23 Il est défini comme la partie
défaillante à ses obligations ou ayant commis une faute dans le
cadre de l'exécution du bail.
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
Étudier la mise en demeure en cas de résiliation
du bail professionnel revêt un intérêt tout autant
théorique que pratique.
Sur le plan théorique, cette étude permet de
révéler la richesse de la réforme de 2010.
Précisément, elle nous permettra de comprendre que le
législateur OHADA, protecteur de la propriété commerciale,
acquiert aussi de nos jours le statut de protecteur de la
sécurité contractuelle. Cette étude permettra donc de
mette en exergue un régime protecteur en faveur du bail ce pour
éviter de procéder à des résiliations arbitraires.
D'où, le souci d'imposer une mise en demeure. Encore qu'il est loisible
de constater la place majeur qu'occupe la mise en demeure dans presque toutes
les instances qu'elles soient civiles, commerciales ou administratives. Cette
mise en demeure aura donc pour rôle de limiter autant que possible les
actes inavoués de la partie voulant rompre le contrat, en la
contraignant à donner une dernière chance à l'autre.
Sur le plan pratique, cette étude pourra se
présenter comme un outil pour les parties à un contrat de bail
à usage professionnel puisqu'elle précise les conditions et les
traitements judiciaires auxquelles est subordonnée la mise en demeure.
Pour le bailleur, elle pourra lui permettre d'informer le preneur
récalcitrant. En effet, la procédure de mise en demeure est
parfois peu ou mal connue par les bailleurs, qui même, sont parfois
réticents à la mettre en oeuvre. Pour le preneur, il pourra y
trouver une sorte de protection en ce que le législateur sanctionne
rigoureusement le défaut d'envoi de mise en demeure, surtout que les
parties n'en connaissaient que rarement l'existence.
Au-delà des préoccupations essentielles, il
semble nécessaire de s'interroger sur l'importance de la mise en demeure
perçue comme une formalité incontournable en matière de
rupture du bail professionnel. Autrement dit, quelle est la place de la mise en
demeure dans la procédure de résiliation du bail à usage
professionnel ?
En effet, pour juridique que soit notre travail, nous serons
amenés à utiliser la méthode juridique propre à
toute analyse juridique. Cette méthode se décline en deux
variantes principales : la première est l'exégèse et la
seconde la casuistique. Ce type d'analyse rend le travail plus clair car il
permet une étude très élucidée des institutions
dans leurs aspects analytique et global. Mais pas pour parfaite qu'elle puisse
être, il nous est permis parfois de nous référer aux
techniques propres à d'autres sciences et disciplines telle la
méthode comparative que nous adopterons tout au long de notre analyse.
Pour redire le Professeur
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
Roland DRAGO : « tout juriste doit être un
comparatiste. » car il y gagne « une faculté
d'approfondissement des notions fondamentales et une certaine modestie à
l'égard de son droit... » 24 . Cette méthode comparative
suppose une maitrise des systèmes juridiques comparés,
tâche à laquelle nous nous attèlerons.
Il semblera très pertinent de mener notre étude
autour de deux(02) axes qui, s'ils sont pertinemment exposés conduiront
à une compréhension constructive du sujet. Il s'agit de
présenter tout d'abord la mise en demeure comme préalable
à toute procédure de résiliation judiciaire du bail
à usage professionnel (PREMIÈRE PARTIE) et
ensuite les effets produits par la mise en demeure dans cette procédure
(SECONDE PARTIE).
9
24 DRAGO (R.), « Méthode des sciences
sociales »
LA MISE EN DEMEURE: FORMALITÉ
PRÉALABLE
EN MATIÈRE DE RUPTURE DU BAIL À
USAGE
PROFESSIONNEL EN DROIT DE L'OHADA
PREMIÈRE PARTIE :
10
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
La mise en demeure est une exigence posée par le
législateur communautaire de l'Ohada et préalable à toute
intention de mettre un terme au contrat de bail. C'est dans le souci de
favoriser la coopération entre le bailleur et le preneur qui constitue
l'un des éléments clé de toute relation contractuelle, que
le législateur communautaire par le biais de l'article 133 alinéa
2 de l'Acte uniforme portant droit commercial
général25 a imposé une mise en demeure
perçue ici comme une dernière chance pour la partie
défaillante à ses obligations, à devoir les
exécuter. Parmi les différents types de préavis auxquels
une partie défaillante peut être assujettie, la mise en demeure
constitue certes, en pratique, le mode le plus courant de rappel à
l'ordre. En droit Ohada du bail professionnel, et avec la réforme subie
par l'acte uniforme sur le droit commercial général en 2010, nous
remarquerons déjà que la mise en demeure procède d'un
champ d'application très vaste qui témoigne de l'importance de
cette mention (CHAPITRE I). À côté du
champ d'application de la mise en demeure qui semble déjà
présenter bien d'intérêt, s'entrevoit sa mise en oeuvre
(CHAPITRE II).
11
25Dans la version de 1997, on le retrouvait à
l'article 101 alinéas 2
12
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
LE CHAMP D'APPLICATION DE LA MISE EN
CHAPITRE I :
DEMEURE
l'Ohada
L'idée du champ d'application de la mise en demeure est
conséquente à l'évolution que cette exigence a subie en
droit Ohada. Il est question plus nettement de s'interroger sur
l'étendue de la mise en demeure. De l'analyse que nous pouvons faire,
nous constaterons que cette formalité est présente dans presque
toutes les situations d'inexécution d'une obligation par l'une des
parties. Mais une analyse plus profonde peut faire ressortir une autre approche
qui est de bord plus porteuse d'intérêt. Il s'agit
d'étudier le champ d'application de la mise en demeure tenant en la
forme de la rupture (SECTION 1) et autrement, mais cette fois
en prenant en compte la nature du motif de la rupture (SECTION
2).
SECTION 1: LE CHAMP D'APPLICATION DE LA MISE EN
DEMEURE
TENANT EN LA FORME DE LA RUPTURE
La compréhension du champ d'application perçu
sous l'angle de la forme de la rupture semble porteuse d'un grand
intérêt, dans cette mesure où le constat est fait de ce que
l'exigence de la mise en demeure est établie dans presque toutes les
hypothèses de rupture du lien contractuel entre les parties. Ainsi le
bail peut être rompu soit par le biais de la résiliation
(paragraphe 1), ou même par le refus de renouveler le
bail (paragraphe 2).
13
14
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
Paragraphe 1- La mise en demeure dans la procédure
de résiliation du bail à usage
professionnel
Dès lors qu'un contrat de bail à usage
professionnel26 entend être résilié par l'une
des deux parties pour inexécution de l'autre, un certain nombre de
formalités prévu par l'acte uniforme du 15 Décembre 2010
relatif au droit commercial général doivent être
respectées Aussi, le législateur communautaire a-t-il maintenu un
mécanisme classique de l'instance en résiliation du bail,
à savoir la mise en demeure préalable de la partie
défaillante d'avoir à respecter les clauses du contrat dans un
certain délai. Aux termes de l'article 133 alinéa 2 du nouvel
Acte uniforme : « la demande en justice aux fins de résiliation
du bail doit être précédée d'une mise en demeure
d'avoir à respecter la ou les clauses ou conditions violées. La
mise en demeure est faite par acte d'huissier ou notifiée par tout moyen
permettant d'établir sa réception effective par le
destinataire... ». Ainsi, toute action en résiliation en
l'absence de clause résolutoire doit être
précédée d'une mise en demeure (A). En
outre, le nouvel acte uniforme a consacré l'extension de cette
formalité même à la résiliation de plein droit
(B).
A- La résiliation en l'absence de toute clause
résolutoire
Il ressort de l'article 13327 de L'acte uniforme du
15 Décembre 2010 relatif au droit commercial général, que
lorsque le locataire n'exécute pas les obligations mises à sa
charge dans le bail28, le bailleur a la possibilité,
après mise en demeure29de saisir le juge d'une action en
résiliation du bail professionnel30. L'inverse est aussi
possible, c'est-à-dire que le locataire
26Le bail professionnel que le législateur
OHADA a désigné au début par défaut sous le vocable
de bail commercial, fut à l'origine un contrat garantissant le fonds de
commerce parce que seul était couvert par lui, les personnes ayant la
qualité de commerçant et exerçant sur un fonds de
commerce.
27 Anciennement article 101 sous la version de
1997.
28 Par exemple refuse de payer ses loyers
malgré une mise en demeure. V .Tribunal régional hors classe de
Dakar, jugement civil n° 2003 du 03 décembre 2003, Mamadou Fall
c/Mamadou Ly. Ohadata J-04-226. V. Tribunal de Première
Instance de Douala Bonanjo, 08/07/2003, Ordonnance de contentieux
d'exécution n° 756, Tchoube Joseph c/ Abgai Okoji, Ohadata
j-04-451 ;
29 La mise en demeure préalable doit
répondre aux exigences de l'acte uniforme. Notamment elle doit
reproduire sous peine de nullité, les termes de l'article 133 de l'acte
uniforme portant organisation du droit commercial général. Pour
une application, TPI de Nkongsamba, jugement n° 04/civ. du 21 novembre
2001 : aff : Mbatchou Ambroise c/ Benyomo Paulin Désiré.
Juris périodique n° 51, Juillet-Août, Septembre
2002, p. 46, Ohadata J-03159, obs. F. TEPPI KOLOKO.
30GATSI (J.), Pratique des baux commerciaux
dans l'espace OHADA, 2è éd, PRESSES UNIVERSITAIRE LIBRE,
2008 , P.182.
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
qui entend résilier le contrat de bail le liant au
bailleur pour inexécution31 de ses obligations par le
bailleur devra aussi procéder par la voie de la mise en demeure. C'est
dire donc que la résiliation ne peut aboutir devant le juge si aucune
mise en demeure n'a été servie à la partie
défaillante. L'article 13432 de l'acte uniforme érige
d'ailleurs cette formalité en une mention d'ordre public. Il reviendra
donc au juge d'apprécier souverainement la validité de l'acte
servi à la partie défaillante afin d'éviter toute
assimilation incontrôlée33. Une demande en
résiliation judicaire fondée sur les dispositions de l'article
133 de l'acte uniforme relatif au droit commercial général de
2010 nécessite une mise en demeure préalable. À cet
égard, l'acte uniforme prévoit la procédure à
suivre à défaut d'exécution des obligations contractuelles
par l'une des deux parties. D'abord, le législateur impose au bailleur
d'adresser une mise en demeure au preneur défaillant laquelle mise en
demeure rappelle les obligations à respecter et est assortie d'un
délai d'un mois. Elle est soumise à un formalisme prévue
à l'article 133 de l'acte uniforme suscité. Ensuite, pourra
suivre la procédure de résiliation proprement dite. De ce fait,
l'on ne saurait dissocier la mise en demeure de la procédure de
résiliation du bail professionnel. D'ailleurs la procédure de
résiliation ne sera régulière que lorsque par acte
extrajudiciaire reproduisant les termes de l'article 133 de l'acte uniforme
portant sur le droit commercial général, un commandement d'avoir
à exécuter les obligations faisant défaut aura
été servi à la partie fautive. La mise en demeure qui
suspend la procédure de résiliation pendant un mois est l'oeuvre
dans la majorité des États membres de l'Ohada, des huissiers de
justice qui y mettent matériellement les dispositions de l'alinéa
2 de l'article 133 sous peine de nullité ainsi libellé :
« ...A défaut de paiement du loyer ou en cas
d'inexécution d'une clause du bail, le bailleur pourra demander à
la juridiction compétente la résiliation du bail et l'expulsion
du preneur et tous occupants de son chef, après avoir fait
délivrer, par acte extra judiciaire, une mise en demeure d'avoir
à respecter les clauses et conditions du bail. ». En
réalité cette mise en demeure peut même interrompre la
procédure si le preneur respectait les conditions par la
régularisation de sa situation ou si le bailleur revenait à de
meilleurs sentiments de tolérance par l'accord d'une grâce
conventionnelle.
31 Pour le bailleur l'inexécution peut tenir
en un défaut d'exécution des travaux jugés « grosses
réparations », en un trouble de jouissance...
32 L'article 134 dispose : «Sont d'ordre public
les dispositions des articles 101, 102, 103, 107, 110, 111, 117, 123, 124, 125,
126, 127, 130 et 133 du présent Acte uniforme ».
33 La sommation de payer et de libérer les
lieux adressée par le bailleur au preneur ne saurait être
assimilée à la mise en demeure que l'acte uniforme impose au
bailleur de respecter avant toute résiliation du bail à usage
Professionnel. Cf. C.A. de l'ouest, arrêt n°11/civ, du 09 octobre
2002, affaire KOUDOUM Ambroise c/ FONKOUE Charlemar, ohadataJ-04-227
;
15
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
B- L'extension de l'exigence à la
résiliation de plein droit
La résiliation de plein droit est-elle
subordonnée à une mise en demeure préalable ? La question
mérite d'être posée, d'autant plus que l'AUDCG dans sa
version d'origine n'imposait expressément ce formalisme que dans deux
(02) hypothèses34. L'ancien texte était donc
silencieux quant à la nécessité de la mise en demeure en
cas de résiliation de plein droit. Ce silence n'était que la
conséquence logique du fait que, comme on l'a vu, ce type de
résiliation n'était pas réglementé par l'Acte
uniforme de 1997 sur le droit commercial général.
En outre, la clause résolutoire est expresse et
sanctionne les cas d'inexécution d'une des obligations prévues au
contrat. Cette clause vise à la fois en ce qui concerne le locataire le
défaut de paiement du loyer et le non-respect des diverses obligations
mises à sa charge telles que prévu à l'article 133 de
l'acte uniforme relatif au droit commercial général35.
En raison de l'automatisme et de la rigueur de la clause résolutoire de
plein droit, la jurisprudence a toujours considéré qu'elle doit
être expressément stipulée par les parties et ne peut jouer
que pour sanctionner l'inexécution d'une obligation inscrite au contrat
de bail36. Ainsi, rien n'interdit donc aux parties ayant
prévu une clause résolutoire dans leur contrat, de stipuler que
sa mise en oeuvre sera subordonnée au respect de la mise en demeure.
Dans une affaire tranchée par la Cour d'Appel du littoral37,
les parties avaient dans leur contrat en l'article 18 stipulé que la
« résiliation de plein droit dudit contrat pour défaut de
paiement est subordonnée à une mise en demeure restée
infructueuse » et c'est l'absence de cette formalité que les
juges de l'espèce reprochaient au premier juge de n'avoir pas
sanctionnée. Une inquiétude demeure tout de même. Dans le
cas où les parties auraient prévu une clause résolutoire
sans toutefois stipuler expressément que sa mise en oeuvre est soumise
à
34D'une part, en cas de refus de renouvellement
fondé sur un motif grave et légitime reproché à
l'une des parties, notamment l'inexécution d'une obligation
substantielle ou la cessation de l'exploitation du fonds de commerce (
L'article 95( devenu l'article 126), in fine de ce texte posait ainsi
que : « Ce motif ne peut être invoqué que si les faits se
sont poursuivis ou renouvelés plus de deux mois après une mise en
demeure du bailleur, par signification d'huissier de justice ou notification
par tout moyen permettant d'établir la réception effective par le
destinataire, d'avoir à les faire cesser. ». D'autre part, en
cas de résiliation judiciaire. L'article 101 (devenu l'article 133)
alinéa 2 prévoyait que : « A défaut de paiement du
loyer ou en cas d'inexécution d'une clause du bail, le bailleur pourra
demander à la juridiction compétente la résiliation du
bail et l'expulsion du preneur, et de tous occupants de son chef, après
avoir fait délivrer, par acte extrajudiciaire, une mise en demeure
d'avoir à respecter les clauses et conditions du bail ».
35GATSI (J.), Pratique des baux commerciaux
dans l'espace OHADA, op.cit. p.184.
36 Ce qui a changé avec la réforme de
l'Acte uniforme du 15 décembre 2010 relatif au droit commercial
général.
37 C.A. Littoral, arrêt n°100/CC du 07
Juin 2010, affaire La SOIDIC Sarl c/ Moukoury Ekongolo Martin, Juris
périodique n°89, Janvier-Février-Mars 2012 ; note : KEM
CHEKEM Bruno M.
16
17
18
19
20
21
22
23
24
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
l'accomplissement d'une mise en demeure, devrait-on
obligatoirement la respecter ? Une réponse affirmative s'impose car la
réglementation des baux commerciaux désormais professionnels
telle que prévue par l'AUDCG montre clairement que l'esprit
général du législateur Ohada est, d'empêcher que le
locataire la partie défaillante ne soit brutalement et trop
sévèrement sanctionnée. La formalité de mise en
demeure poursuivant justement cette finalité, on voit mal comment on
pourrait s'en passer.
En théorie générale des obligations, la
clause résolutoire de plein droit permet aux parties à un contrat
synallagmatique, sauf disposition légale contraire, de «
convenir expressément qu'à défaut d'exécution
le contrat sera résolu de plein droit (...) »38.
Cette clause ne peut jouer qu'à la date de la notification au
défaillant des manquements constatés. La notification dont il est
question est celle de la mise en demeure, qui depuis la réforme de 2010,
est imposée même lorsque la résiliation opère de
plein droit. La mise en demeure désigne « l'acte par lequel le
créancier a manifesté sa volonté d'exiger
l'exécution des prestations qui sont dues et, à défaut, de
tirer les conséquences légales de l'inexécution des
obligations ». Elle constitue, selon le Doyen CARBONNIER, «
une réclamation destinée à mettre le débiteur
en son tort en lui ôtant tout prétexte tiré d'une
négligence ou tolérance de son créancier ». La
particularité du mécanisme prévu par l'article 133 du
nouvel Acte uniforme est que désormais l'exigence de mise en demeure
préalable s'est emparée d'un champ beaucoup plus large. Elle a
été étendue à la résiliation de plein droit.
Le préalable de la mise en demeure a désormais vocation à
s'appliquer lorsque la juridiction saisie prononce la résiliation du
bail concomitamment à l'insertion d'une clause résolutoire.
Cependant, toutes les notifications faites par la partie demanderesse ne valent
pas mise en demeure, même si cet objet est atteint. Ainsi, n'ont pas
été jugés valant mise en demeure requise par l'article 133
de l'AUDCG, celle adressée un dimanche ou l'exploit de congé
servi au preneur39. Plus loin, on sait à quel point la clause
résolutoire, qui permet à une partie de mettre fin au contrat
après une mise en demeure, s'est implanté dans divers secteurs de
la vie économique. Dans un souci de protection des droits du
débiteur de l'obligation et pour lui permettre donc de s'exécuter
dans
38Mais nous ne devons pas au risque de nous tromper
se fier au vocable « résiliation de plein droit » pour
affirmer que le juge n'intervient pas lors de cette phase. En
réalité, la raison tiens au fait que c'est au juge que reviens le
soin de prononcer la résiliation du bail que celle soit avec ou sans
clause résolutoire
39 l'« exploit de congé » servi au
preneur n'est pas une mise en demeure valable ; la procédure d'expulsion
subséquente est entachée d'une nullité formelle et le
jugement entrepris doit être infirmé en ce qu'il a, sur la base de
l'article 1728 du Code civil, prononcé la résiliation du bail et
ordonné l'expulsion du preneur ; la réintégration du
preneur doit être ordonnée (CA Abidjan (Côte d'Ivoire),
4ech. civ. & com., n° 670, 2-6- 2006 : M. M. B. A. c./ Ayants- droit
de Feu El Hadji V. D., obs. J. Issa- Sayegh, Ohadata J- 11-28) ;
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
le délai qui lui est imparti, il est nécessaire
qu'il soit informé précisément des griefs qui lui sont
reprochés. La clause ne pourra jouer si le commandement notifié
au preneur ne lui permet pas d'être en mesure de déterminer
à quelles conditions du bail il aurait contrevenu et quelles obligations
contractuelles il doit exécuter. Ainsi, même une faute grave d'une
des parties consistant en l'inexécution de l'une de ses obligations ne
suffit pas à entraîner la résiliation de plein droit du
bail professionnel. Encore faut-il qu'il n'ait pas régularisé
après l'envoi d'une mise en demeure le sommant de se conformer aux
stipulations du bail.
Paragraphe 2- La mise en demeure dans la procédure
de refus de renouvellement du
bail à usage professionnel
En vertu de cette idée de propriété
commerciale s'exprimant dans le droit au renouvellement du bail, il est acquis
au professionnel preneur selon l'article123 AUDCG, le droit au renouvellement
dès lors qu'il justifie avoir exploité les locaux
conformément aux stipulations du bail par l'exercice de
l'activité prévue et ce pendant deux ans. Cependant, il peut
arriver que l'une des deux parties refuse de renouveler le contrat de bail le
liant à l'autre. Aux termes de l'article 127 de l'acte uniforme relatif
au droit commercial général nouveau, le bailleur est en droit de
refuser le renouvellement du bail40. De ce fait, Il devra donc
donné un congé41 avec refus de renouvellement, lequel
congé devra contenir les griefs invoqués contre l'autre partie.
Ces motifs doivent être suffisamment sérieux pour exonérer
la partie qui refuse tout renouvellement du paiement de l'indemnité
d'éviction. Ces motifs ne peuvent être invoqués que si les
actes se sont poursuivis plus de deux mois après une mise en demeure du
bailleur, par voie d'huissier de justice ou notification par tout moyen
permettant d'établir la réception effective par le destinataire,
d'avoir à les faire cesser. Une mise en demeure de cesser le trouble
doit donc nécessairement être servie à la partie
défaillante pour une faute commise par elle dans l'exécution du
contrat. Ainsi, que ce soit pour violation des obligations contractuelles
(A), ou pour cessation de l'exploitation du fonds donné
en bail (B) une mise en
40« Le bailleur peut s'opposer au droit au
renouvellement du bail à durée déterminée ou
Indéterminée, sans avoir à régler
d'indemnité d'éviction, dans les cas suivants :
1) S'il justifie d'un motif grave et légitime
à l'encontre du preneur sortant. Ce motif doit consister soit dans
l'inexécution par le locataire d'une obligation substantielle du bail,
soit encore dans la cessation de l'exploitation de l'activité.
»
41 Le bailleur par exemple, devra faire état
dans son congé de tous les agissements fautifs de son locataire connus
de lui à la date de délivrance du congé.
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
demeure doit être envoyé à la partie
défaillante.
A- La violation des obligations contractuelles
Il s'agit autrement de l'inexécution d'une obligation
jugée substantielle du bail42, et qui peut fonder l'autre
partie refuser tout renouvellement. L'inexécution d'une obligation
substantielle du bail professionnel par le locataire peur résider, par
exemple, dans le défaut de paiement du loyer et des diverses charges
accessoires ; la violation de l'obligation de réparation à
laquelle il est tenu ; l'exécution des travaux importants modificatifs
de l'architecture de l'immeuble au mépris des clauses du bail ; La
cession du bail ou la sous-location des lieux au mépris des dispositions
du contrat. De cette liste non limitative, nous constaterons que le
défaut de paiement est l'une des violations les plus fréquentes
en matière d'exécution du bail professionnel. L'article 112 de
l'acte uniforme relatif au droit commercial général impose
d'ailleurs au locataire le paiement d'un loyer en contre partie de la
jouissance des locaux43 et il reviendra au bailleur estimant n'avoir
pas reçu de paiement d'adresser une mise en demeure à son
locataire de s'exécuter ou d'avoir à faire cesser le trouble.
L'obligation préalable de la mise en demeure s'appliquant
désormais à toute partie et ce depuis la réforme de l'acte
uniforme du 15 décembre 2010, nous pouvons à la suite de la
doctrine44reconnaître au preneur la possibilité
d'adresser une mise en demeure au bailleur et plus loin même de refuser
de renouveler le bail avec son bailleur. Ainsi, contrairement à
l'article 101 de l'ancien Acte uniforme qui visait « le preneur »
comme le seul destinataire de la mise en demeure, l'alinéa 2 de
l'article 133 du nouvel Acte uniforme, énonce désormais plus
généralement que la mise en demeure doit informer « le
destinataire » qu'à défaut de s'exécuter dans un
délai d'un moisa compter de sa réception au contrat, cette
exigence légale n'est plus une obligation à la charge
exclusivement du bailleur. Il est à rappeler que la mise en demeure dans
la
42 Le droit de résiliation pour
inexécution d'une clause du contrat est placé sous le
contrôle du juge et il en résulte que les clauses
résolutoires expresses sont dépourvues de tout effet automatique.
Le juge peut par exemple tenir compte de ce que le débiteur s'est
intégralement acquitté, des loyers échus avant
l'introduction de l'instance en expulsion : C.A. du centre, Arrêt n°
124/De, du 19 mars 2004, Le groupe SOCOPAC/FOMUP c/ la SCI des frères
Réunis, ohadata J-04-201.
43Art.112 de l'acte uniforme sus-cité :
« En contrepartie de la jouissance des lieux loués, le preneur doit
payer le loyer aux termes convenus entre les mains du bailleur ou de son
représentant dûment mandaté. Le paiement du loyer peut
être fait par correspondance ou par voie électronique. »
44PAPA ASSANE (T.), « Le nouveau visage de
l'action en résiliation du bail à usage professionnel dans l'Acte
Uniforme portant Droit Commercial Général adopté le 15
Décembre 2010 ». In revue OHADA n° 1-Juin
2012;
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
procédure de renouvellement du bail s'inscrit dans un
délai de deux (02) mois45. La partie défaillante
dispose donc d'un délai de deux (02) à compter de la
signification de la mise en demeure pour mettre fin à l'infraction qui
lui est reprochée. À l'expiration du délai, la partie
demanderesse peut, en invoquant cette infraction non réparée,
refuser valablement le renouvellement du bail sans avoir à payer
l'indemnité d'éviction46.
B- La cessation de l'exploitation du fonds donné
en bail
La cessation d'exploitation du fonds de commerce constitue
elle aussi un motif de non renouvellement du bail commercial sans paiement
d'une indemnité d'éviction. Cette infraction au bail ne
s'applique qu'au locataire puisque lui seul et rien que lui exploite le fonds
donné en bail. Il ne pourra se justifier que par une raison jugée
sérieuse et légitime, telle une longue maladie. Cette maladie ne
sera pas toujours considérée comme une cause sérieuse et
légitime du défaut d'exploitation si l'intéressé
pouvait faire exploiter le fonds par un salarié ou un gérant
libre. Il reviendra donc à ce dernier de rapporter la preuve de
l'impossibilité absolue d'exploiter le fonds de commerce47.
De ce fait, la cessation sans raison sérieuse et légitime de
l'exploitation du fonds par exemple la fermeture du local alors qu'une clause
du bail mettait à la charge du locataire une obligation d'exploitation,
est susceptible d'entraîner des conséquences sévères
pour le locataire si elle s'est poursuivie ou renouvelée plus de
deux(02) mois après la mise en demeure. Le motif peut alors être
invoqué à l'appui d'un refus de renouvellement sans
indemnité d'éviction. Cependant, le défaut de mise en
demeure empêche le propriétaire de se prévaloir du grief
pour refuser le renouvellement sans indemnité d'éviction.
Toutefois, la mise en demeure ayant pour objet de permettre au locataire de
mettre fin au manquement qui lui est reproché dans un délai
imparti, elle devient inutile s'il n'est pas possible de faire cesser ou de
réparer l'infraction. La mise en demeure est impérativement
effectuée par acte d'huissier. Elle doit, à peine de
nullité, indiquer la ou les clauses et conditions du bail non
respectées(...). Partant du contenu de l'article 133 de l'acte uniforme
relatif au droit commercial général, l'on constate encore ici que
la mise en demeure joue un rôle très important dans la
procédure de refus de renouvellement du bail.
45 . Ce motif ne peut être invoqué que
si les faits se sont poursuivis ou renouvelés plus de deux mois
après une mise en demeure du bailleur, par signification d'huissier de
justice ou notification par tout moyen permettant d'établir la
réception effective par le destinataire, d'avoir à les Faire
cesser
46 C.A. de Dakar, 16/08/2002, Arrêt n° 400,
Ibra Guèye c/ SCI AMINE, Ohadata J-05-61.
47 Lorsqu'une branche commerciale devient
déficitaire, elle peut être supprimée ou constituer un
défaut d'exploitation, lorsque le preneur continue son activité
dans d'autres secteurs plus importants et plus rentables. Car, il serait
anormal d'obliger un locataire à poursuivre l'exercice d'une branche
commerciale déficitaire.
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
SECTION 2: LE CHAMP D'APPLICATION DE LA MISE EN
DEMEURE
TENANT EN LA NATURE DU MOTIF DE LA RUPTURE
La mise en demeure va aussi trouver à s'appliquer selon
la nature de la raison entraînant la rupture. Cette réflexion est
d'autant vraie qu'il existe des motifs pour lesquelles la jurisprudence a
estimé qu'il ne sera plus possible de revenir au statu quo
antérieur. Ceci dit, la mise en demeure telle que prévu à
l'article 133 de l'AUDCG est une formalité indispensable à toute
procédure emportant rupture du bail. Mais une interrogation perdure :
l'exigence de la mise en demeure est-elle absolue ? Loin de croire que oui, il
est établi dans certaines circonstances précises que cette
mention peut être dispensée. Ainsi quoi que nécessaire pour
les manquements susceptibles de régularisation (paragraphe
1), la mise en demeure pour les manquements insusceptibles de
régularisation est exclue (paragraphe 2).
Paragraphe 1- La nécessité de la mise en
demeure pour les manquements susceptibles de
régularisation
Il s'agit par manquements susceptibles de
régularisation, des fautes commises par l'une des parties et qui peuvent
possiblement être réparées. On les appelle aussi « les
manquements simples ». Ces manquements sont aussi appelés
manquements « traditionnels » au rang desquels nous pouvons citer :
le non-paiement du loyer et des charges accessoires, la
déspécialisation, la cessation d'exploitation, le trouble de
jouissance48 etc... La mise en demeure doit toujours être
servie s'il est établi que l'exécution de la prestation requise
peut être ordonnée et accomplie par la partie défaillante.
Ainsi, la délivrance préalable de la mise en demeure est de ce
fait requise et il reviendra au juge d'apprécier son bien-fondé.
La partie mise en demeure dispose selon le cas d'un délai pour
s'acquitter de sa dette ou pour faire cesser le trouble. La
particularité de cette mise en demeure est qu'elle ne trouve mieux de
s'appliquer que lorsque la partie destinataire dispose des moyens pour
s'exécuter. Dans un Arrêt rendu par la Cour de Cassation le 23
novembre 2011, n°10-24180, elle énonce qu' « un
48 Cour d'appel de Bobo-Dioulasso, ch. Civ.,
Arrêt n°29/08 du 17 mars 2008, Aff. SANOU Issa c/ BARRY Omar,
Ohadata J-10-113.
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
bailleur qui refuse le renouvellement du bail à
raison de l'exploitation illégale du fonds, est tenu de délivrer
une mise en demeure au preneur, dès lors que celui-ci peut
régulariser sa situation selon différentes voies de droit
». Les faits de l'arrêt sont les suivants : M. X...,
propriétaire de locaux à usage commercial de bar, débit de
boissons, donnés à bail à M. Y..., lui a notifié,
par acte du 26 janvier 2007, un congé avec refus de renouvellement sans
offre d'indemnité d'éviction, au motif, notamment, que le preneur
poursuivait son activité alors qu'il se trouvait, par suite de
condamnations pénales prononcées contre lui, interdit d'exploiter
un débit de boissons à consommer sur place en application des
articles L. 3336-2 et suivants du code de la santé publique ; que M.
Y... a assigné le bailleur en paiement de l'indemnité
d'éviction. L'infraction commise par le preneur ne peut être
invoquée que si elle s'est poursuivie ou renouvelée plus de deux
(02) mois après mise en demeure du bailleur d'avoir à la faire
cesser. Cette mise en demeure doit, à peine de nullité,
être effectuée par acte extrajudiciaire, préciser le motif
invoqué et reproduire les termes de l'article 133 de l'AUDCG. Le
bailleur est tenu de délivrer une mise en demeure au locataire n'ayant
pas exécuté ses obligations. La Cour d'appel a donné gain
de cause au bailleur au motif que : « l'infraction d'exploitation
illégale du fonds, alléguée comme motif grave et
légitime, était consommée et non susceptible de
régularisation». La Cour de cassation casse et annule au motif que
: « Qu'en statuant ainsi, alors que M. Y... pouvait régulariser
sa situation selon différentes voies de droit, et qu'en
conséquence, le bailleur était tenu de lui délivrer une
mise en demeure, la cour d'appel a violé le texte susvisé
». Cela va sans dire puisque le but de la mise en demeure est d'une
importance indéniable dans la procédure de rupture du bail
à usage professionnel en droit Ohada de par le rôle qu'il joue
dans cette procédure49.
Paragraphe 2- La dispense de la mise en demeure en
présence de manquements
insusceptibles de régularisation
Malgré l'importance accordée à la mise en
demeure, dans le droit antérieur comme dans le droit
nouveau50, certains facteurs ont permis d'écarter cette
démarche afin de protéger les intérêts
légitimes du créancier : ce dernier profite alors de tous les
effets associés
49. La mise en demeure désigne « l'acte par lequel le
créancier a manifesté sa volonté d'exiger
l'exécution des prestations qui sont dues et, à défaut, de
tirer les conséquences légales de l'inexécution des
obligations » 50 Il s'agit du droit français applicable
avant l'entrée en vigueur du traité Ohada et par là
même des règles applicables au bail professionnel et plus loin
à la mise en demeure.
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
à la demeure de façon immédiate, sans
être tenu d'accorder un délai d'exécution additionnel
à son débiteur. C'est ce que plusieurs appellent la demeure de
plein droit51 mais que nous désignerons plutôt comme la
demeure «par l'effet de la loi». Principalement, deux facteurs
expliquent la dispense dont bénéficie le créancier : soit
l'inutilité de la mise en demeure et l'attitude manifestée par le
débiteur.
Il ne fait pas de doute que la mise en demeure ne saurait
être imposée lorsqu'elle s'avère à toutes fins
pratiques inutile. L'exiger dans de telles circonstances relèverait d'un
formalisme contraire à l'esprit du droit actuel. C'est ainsi que la loi
dispense le créancier de mettre son débiteur en demeure lorsqu'il
y a urgence, ou encore que l'obligation ne pouvait être
exécutée utilement que dans un certain temps que le
débiteur a laissé s'écouler. Le fait d'avoir manqué
à l'exécution d'une obligation de ne pas faire relève du
même fondement: en principe, même mis en demeure, le
débiteur ne pourrait arriver à effacer un acte passé qu'il
devait s'abstenir de poser52. De la même façon, la mise
en demeure d'exécuter une obligation s'avère inutile lorsque le
débiteur a, par sa faute, rendu l'exécution en nature
impossible.
Le second fondement, soit l'attitude du débiteur, se
rencontre essentiellement dans deux cas. Il en va ainsi, tout d'abord, du
débiteur qui manifeste clairement son intention de ne pas
exécuter l'obligation, c'est-à-dire la
«répudiation» de l'obligation53. C'est
également le cas du débiteur qui refuse ou néglige, de
façon répétée, d'exécuter une obligation
à exécution successive54. Dans tous ces cas de
dispense, qu'ils soient motivés par l'inutilité de la mise en
demeure ou encore par l'attitude du débiteur, le principe de la bonne
foi apparaît en filigrane : le débiteur ne saurait chercher
à se prévaloir d'un délai d'exécution lorsque
celui-ci s'avère purement dilatoire. Cette position ne nous semble pas
convaincante puisque cela permettrait, dans certaines circonstances, de
protéger un débiteur qui ne mérite pas un droit
à
51 L'expression «demeure de plein droit»
peut, en effet, s'avérer ambiguë dans certains cas :
elle peut renvoyer à tout cas de dispense de mise en
demeure, ou uniquement à ceux qui résultent de la loi.
52 C'est cela qui permet de justifier le vocable de
« manquements non susceptibles de régularisation.
53 La répudiation peut survenir lorsque le
créancier mentionne au débiteur l'inexécution
Constatée, par exemple le retard dans l'exécution ou encore
l'exécution défectueuse, et que le débiteur n'apporte
aucun correctif. Donc, même si aujourd'hui certaines législations,
par exemple celle du Québec ,exigent désormais une mise en
demeure écrite, les doléances exprimées verbalement par le
créancier s'avèrent toujours pertinentes dans l'analyse de la
demeure.
54 ce cas de dispense ne saurait être
invoqué à l'égard du premier manquement : il vise
simplement à éviter que le créancier, déjà
victime d'une première inexécution pour laquelle il a
constitué son débiteur en demeure, soit tenu d'expédier
une nouvelle mise en demeure pour toute nouvelle inexécution.
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
la dernière chance. Ainsi, il nous apparaît donc
souhaitable de conserver la position jurisprudentielle du droit
antérieur et d'accepter l'existence de cas de dispense résiduels,
tout en adoptant une attitude prudente sur la question afin d'éviter une
érosion du principe de la mise en demeure. Par ailleurs, le
débiteur ne peut se plaindre du défaut de son créancier de
lui expédier une mise en demeure lorsqu'il a lui-même
quitté son domicile sans laisser d'adresse. Dans ce dernier cas, on peut
même y voir un cas où le débiteur a, par son fait, rendu
l'exécution en nature impossible. La question de l'incompétence
du débiteur appelle quelques précisions. Tout d'abord, il
convient de distinguer la mauvaise exécution et l'incompétence
véritable. Le débiteur «incompétent» au sens
où nous l'entendons ici est celui qui, de façon
généralisée, ne maîtrise pas son art: ses
connaissances et habiletés ne lui permettent pas de comprendre les
causes ou l'étendue de son inexécution et, à plus forte
raison, d'y apporter des correctifs appropriés. Il faut souligner que
l'incompétence du débiteur ne constitue pas, en soi, un motif
« de demeure par l'effet de la loi ». Il a droit, en principe,
à un rappel à l'ordre afin qu'il ait la possibilité de
corriger cette prestation. Lorsque le créancier confronté
à l'incompétence de son débiteur n'a aucunement pris la
peine de faire connaître son mécontentement, ne serait-ce que par
un avis verbal en ce sens, il nous semble contraire au principe de la bonne foi
de le dispenser systématiquement de mise en demeure sur le seul
fondement de l'incompétence de son débiteur. Une solution plus
juste, à notre avis, consisterait à présumer, dans de
telles circonstances, qu'une mise en demeure n'aurait eu aucune utilité
compte tenu du degré d'incompétence constaté et à
imposer au débiteur le fardeau de démontrer qu'il aurait pu, en
étant valablement informé de l'insatisfaction de son
créancier, corriger sa prestation. Ainsi vu, il n'est pas toujours
aisé de tracer la frontière entre les cas où la mise en
demeure est requise et ceux où le créancier en est
dispensé.
*
* *
Parvenu au terme de ce chapitre consacré au champ
d'application de la mise en demeure, nous constaterons que fort de ce que
l'article 133 de l'AUDCG la place comme exigence préalable à
toute intention de rompre le bail professionnel en droit Ohada, son
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
champ d'application présente des contrastes tant au
niveau de la forme de la rupture que de la nature du motif susceptible
d'entraîner la rupture du contrat.
25
26
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
LA MISE EN OEUVRE DE LA MISE EN DEMEURE
CHAPITRE II :
La mise en oeuvre peut s'entendre simplement comme un ensemble
de phases permettant de mettre en place un mécanisme ou un acte. De par
l'approche ainsi donnée de la mise en oeuvre, il est question de voir
maintenant comment cette formalité prévu par l'AUDCG en son
article 133 est implémenté. Plus loin, nous pourrions voir en la
mise en demeure, une exigence dont la mise en oeuvre est minutieusement
encadrée par le législateur communautaire55.
L'encadrement dont il est fait allusion plus haut s'inscrit dans le souci
d'éviter l'arbitraire. L'idée de mise en oeuvre suscite donc
d'appréhender notre travail selon deux pistes. La première est
l'élaboration de la mise en demeure (SECTION 1) et la
seconde la notification de celle-ci (SECTION 2).
SECTION 1: L'ÉLABORATION DE LA MISE EN
DEMEURE
Comme tout acte juridique, la mise en demeure est astreinte
à un minimum de validité. D'ailleurs l'AUDCG en son article 133
ne manque pas d'y faire allusion en son alinéa 2 et suivants. Ainsi, il
énonce que : « (...) La demande en justice aux fins de
résiliation du bail doit être précédée d'une
mise en demeure d'avoir à respecter la ou les clauses ou conditions
violées. La mise en demeure est faite par acte d'huissier ou
notifiée par tout moyen permettant d'établir sa réception
effective par le destinataire. À peine de nullité, la mise en
demeure doit indiquer la ou les clauses et conditions du bail non
respectées et informer le destinataire qu'à défaut de
s'exécuter dans un délai d'un mois à compter de sa
réception, la juridiction compétente statuant à bref
délai est saisie aux fins de résiliation du bail et d'expulsion,
le cas échéant, du preneur et de tout occupant de son chef(...)
». De l'analyse de
55 Cf. art 133 al 2 et suivants.
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
cette disposition, il ressort clairement que la
validité de la mise en demeure peut s'apprécier tant sur la forme
(paragraphe 2), que sur le fond (paragraphe
1).
Paragraphe 1-Le contenu de la mise en demeure
Selon l'article 133 alinéa 2 de l'Acte uniforme
susvisé : « À peine de nullité, la mise en
demeure doit indiquer la ou les clauses et conditions du bail non
respectées et informer le destinataire qu'à défaut de
s'exécuter dans un délai d'un mois à compter de sa
réception, la juridiction compétente statuant à bref
délai est saisie aux fins de résiliation du bail et d'expulsion,
le cas échéant, du preneur et de tout occupant de son chef
».Les engagements conventionnels constituent donc le domaine par
excellence de la mise en demeure. Dans ce cadre, celle-ci a une fonction
foncièrement informative. La mise en demeure est en effet
destinée à informer le débiteur d'une obligation
contractuelle et de la volonté du créancier d'en tirer les
conséquences qui s'imposent. C'est pourquoi dans la procédure de
rupture du bail, elle doit obéir à un formalisme presque
sacramentel. Ainsi, la validité de la mise en demeure est
subordonnée au respect de deux conditions cumulatives : l'Indication des
clauses ou conditions violées (paragraphe 1) et la
Mention suffisante du respect du délai légal prévu par
l'article 133 de l'AUDCG nouveau (paragraphe 2).
A- L'indication des clauses et conditions
violées
La mise en demeure qui comporte la reproduction
intégrale de l'art.133 de l'AUDCG est valable. Avec l'ancien acte
uniforme de 1997, l'article 101 n'exigeait pas l'indication dans la mise en
demeure des clauses et conditions spécifiques qu'il est demandé
à la partie mis en demeure de respecter56. Dorénavant,
et avec la réforme de l'AUDCG en 2010, l'article 133 al. 2 exige
désormais qu'« à peine de nullité, la mise en
demeure doit indiquer la ou les clauses et conditions du bail non
respectées et (...)». Ceci veut dire que l'acte dont il est
question c'est-à-dire la mise en demeure doit être suffisamment
précise sur les comportements et agissements commis par la partie auteur
du trouble. La mention des motifs a pour but principal de donner à la
partie fautive, la chance pour prendre les mesures favorables avant la
56 Le moyen selon lequel si les termes dudit
article sont reproduits dans la mise en demeure, nulle part n'y figure
l'information au preneur qu'à défaut de paiement ou de respect
des clauses et conditions du bail dans un délai d'un mois, la
résiliation sera poursuivie alors que cette mention est prescrite
à peine de nullité doit être rejetée (CCJA, 3ech.,
n° 60/2012, 7-6- 2012 ; P. n° 077/2009/PC du 24-8- 2009 : Sté
Camerounaise de Divertissements et de Commerce (SOCADIC) c./ KADJI DEFOSSO
Joseph)
27
28
29
30
31
32
33
34
35
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
fin du contrat. À travers cette obligation
imposée aux parties au contrat de bail à usage professionnel, il
est davantage question de circonscrire les comportements jugés abusifs
ou anormaux pouvant justifier l'intention de mettre un terme au contrat. Le
bailleur est obligé de mentionner dans la mise en demeure les mentions
prévues à l'article 133 de l'AUDCG. Cet article à un
rôle très important dans l'information du locataire par les
mesures à prendre en cas de réception de la mise en demeure. La
jurisprudence a eu l'occasion plusieurs fois et plus particulièrement la
Cour d'Appel d'Abidjan de sanctionner des mises en demeures qui
n'étaient pas conformes aux dispositions prescrites par l'article 133 de
l'AUDCG en infirmant par exemple l'ordonnance d'expulsion rendue57.
Ainsi, toute mise en demeure doit devoir être explicite sur les
inexécutions ou les fautes d'une partie.
B- La mention du respect du délai légal
prévu par l'article 133 de l'Acte Uniforme portant organisation du droit
commercial général
La mise en demeure qui comporte la reproduction
intégrale de l'article 133 et la mention selon laquelle le preneur
« dispose du délai d'un mois à compter de la
signification des présentes, pour honorer les termes du contrat de bail
et du présent acte, faute de quoi, il sera procédé
judiciairement » est valable. En clair, la mise en demeure doit
également informer le destinataire qu'à défaut de
s'exécuter dans le délai légal prévu des sanctions
pourront être prononcées. Il est néanmoins loisible de
constater que le législateur communautaire Ohada a prévu des
délais différents selon que l'on est dans une procédure de
résiliation ou dans une procédure de non renouvellement.
L'article 133 alinéa 2 et suivants traite de la mise en demeure dans la
résiliation. Le délai prévu et qui doit être
mentionné dans la mise en demeure est celui d'un (01) mois en
l'occurrence58. Dans un Arrêt rendu par la CCJA59,
le juge a eu l'occasion de se prononcer sur la question. Dans l'espèce,
il était reproché à l'arrêt attaqué d'avoir
violé l'article 133 de l'AUDCG, en ce que la Cour d'Appel a poursuivi la
résiliation du bail alors que le délai d'un mois imposé
par le texte, avant l'expiation duquel la résiliation
57 C.A. Abidjan, n° 279, 6/3/2001: Sté
PAGOTO c/ O., Ohadata J6-04-114.- Le Juris-Ohada, n°3/2003,
Juillet-septembre 2003, p.55.
58 Sous l'angle processuel, le délai d'un
mois à compter de la réception de la mise en demeure s'analyse en
un « délai d'attente » que le demandeur en
résiliation du bail professionnel doit respecter avant de faire
constater la résiliation par le juge.
59CCJA, N°062/2008, 30-12-2008 : M. Neil RUBIN
c/ ATLAS ASSURANCES S.A, Recueil de jurisprudence n°12,
Juillet-Décembre 2008, p.99, Ohadata J-10-36, Ohadata
J-09-271, Juris Ohada n°1/2009, janvier-mars, p.45
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
ne peut être poursuivie, n'avait guère
été observé par le prétendu qui, au contraire, a
procédé à la signification le même jour à la
même heure, du commandement de payer et de l'assignation en
résiliation. À l'image de l'absence de mise en demeure, le
non-respect du délai d'un mois prévu par l'alinéa 2 de
l'article 133 de l'Acte uniforme sur le droit commercial, doit être
sanctionné par une fin de non-recevoir. En effet, l'action en
résiliation initiée avant l'expiration du délai d'un (01)
mois à compter de la mise en demeure est précoce d'autant plus
que le droit d'agir n'existe pas encore.
En outre, lorsque le créancier de l'obligation est
obligé de renvoyer une mise en demeure à la partie
défaillante pour exprimer son refus de renouvellement, il doit donc le
faire conformément aux règles propres à la validité
de la mise en demeure. Aux termes de l'article 127 : « Le bailleur
peut s'opposer au droit au renouvellement du bail à durée
déterminée ou indéterminée, sans avoir à
régler d'indemnité d'éviction, dans les cas suivants : 1)
S'il justifie d'un motif grave et légitime à l'encontre du
preneur sortant. Ce motif doit consister soit dans l'inexécution par le
locataire d'une obligation substantielle du bail, soit encore dans la cessation
de l'exploitation de l'activité. Ce motif ne peut être
invoqué que si les faits se sont poursuivis ou renouvelés plus de
deux mois après une mise en demeure du bailleur, par signification
d'huissier de justice ou notification par tout moyen permettant
d'établir la réception effective par le destinataire, d'avoir
à les faire cesser. (...)». L'on constate que contrairement
à la résiliation étudiée plus haut, la
différence est au niveau du délai qui varie. L'alinéa 2 de
l'article 133 suscité nous renseigne davantage sur le délai de la
mise en demeure en cas de refus de renouvellement et il s'agit du délai
de deux (02) mois.
Mais quelle que soit la forme de la rupture du bail
professionnel, il est important de garder en vue que la mise en demeure devra
pour être considérée comme valable contenir la mention de
l'indication du délai légal prévu pour chaque cas.
Paragraphe 2- Le formalisme dans la mise en demeure
Dans l'instance en résiliation du bail à usage
professionnel, le formalisme de la mise en demeure constitue un
élément déterminant pour l'information de la partie
défaillante par rapport au manquement à ses obligations
contractuelles. L'exécution effective de cette obligation d'information
est largement tributaire de la forme que doit revêtir l'acte de mise en
demeure. Sous l'empire de l'ancien article 101 de l'Acte uniforme sur le droit
commercial général, la mise en demeure ne pouvait être
délivrée que par « acte extrajudiciaire ». La
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
lourdeur de ce procédé ainsi que son
caractère dispendieux ont incité les rédacteurs du nouvel
Acte uniforme à simplifier la forme de la mise en demeure, sans pour
autant répudier le recours à un officier ministériel. Il
résulte de l'alinéa 2 de l'article 133 de l'Acte uniforme
précité : « la mise en demeure est faite par acte
d'huissier ou notifiée par tout moyen permettant d'établir sa
réception effective par le destinataire ».
L'avènement du nouvel Acte uniforme sur le droit
commercial général60 a marqué l'apparition de
l'expression « tout moyen permettant d'établir sa réception
effective par le destinataire » dans la terminologie du législateur
communautaire. Cette formule est employée dans plusieurs autres textes
issus de la réforme pour traduire la volonté législative
d'allégement du formalisme de certains actes. Il en est ainsi de la
forme de la cession du bail, de celle du renouvellement du bail, de la forme du
congé ou de la mise en demeure du preneur dans le cadre de l'opposition
au droit au renouvellement du bail. Cette formule générique
semble viser tout procédé permettant de garantir la
réception effective de la mise en demeure par la partie
défaillante. Il ne fait pas de doute que le procédé de la
lettre recommandée avec accusé de réception ou de la
simple lettre dûment déchargée par son destinataire, permet
de remplir cet objet spécifique.
Mais, avec le développement contemporain des
technologies de l'information et de la communication (TIC), on peut se demander
si le recours à des procédés électroniques ne peut
valoir utilisation de moyens permettant d'établir la réception
effective de l'acte de mise en demeure par le destinataire. En l'état
actuel du droit uniforme de l'OHADA, le Conseil des Ministres n'a pas encore
adopté un Acte uniforme sur les transactions électroniques qui
pourrait héberger le principe de l'admissibilité de la preuve
électronique. Mais, le législateur communautaire de l'OHADA a
profité du chantier de réforme de l'Acte uniforme sur le droit
commercial général pour envisager, dans le cadre de
l'informatisation du registre du commerce et du crédit mobilier, la
question de l'équivalence entre l'écrit sur support papier et
l'écrit électronique. Selon l'article 82 alinéa 2 du
nouvel Acte uniforme sur le droit commercial général : «
les documents sous forme électronique peuvent se substituer aux
documents sur support papier et sont reconnus comme équivalents
lorsqu'ils sont établis et maintenus selon un procédé
technique fiable, qui garantit, à tout moment, l'origine du document
sous forme électronique et son intégrité au cours des
traitements et des transmissions électroniques ». Les
procédés techniques fiables et garantissant l'origine des
60 Il s'agit de l'AUDCG adopté le 15
décembre 2010
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
documents sous forme électronique ainsi que leur
intégrité au cours de leurs traitements et de leurs transmissions
électroniques sont reconnus valables par le nouvel Acte uniforme sur le
droit commercial général ou par le Comité technique de
normalisation des procédures électroniques. Les rédacteurs
de l'Acte uniforme ont entendu donner une grande portée juridique au
principe d'équivalence entre l'écrit sur support papier et
l'écrit électronique. Il résulte de l'article 79 de l'Acte
uniforme que les dispositions du livre V sur l'informatisation du registre du
commerce et du crédit mobilier du fichier national et du fichier
régional, dans lequel est inséré l'article 82 de l'Acte
uniforme précité, s'appliquent aux formalités ou demandes
prévues par le présent acte uniforme, par tout autre acte
uniforme ou par toute autre réglementation. En d'autres termes, faute
d'avoir prévu un Acte uniforme spécifique aux transactions
électroniques, le législateur a voulu étendre la nouvelle
réglementation sur la preuve électronique contenue dans le nouvel
Acte uniforme sur le droit commercial général, aux autres Actes
uniformes61 et même aux droits des États Parties ne
disposant pas encore d'un cadre juridique approprié. L'accueil de
l'écrit électronique au même rang que la preuve manuscrite
classique a permis au législateur d'admettre la preuve des actes de
commerce à l'égard des commerçants par voie
électronique et le paiement du loyer par voie électronique .
Dans le cadre du contentieux de la résiliation du bail
professionnel, le nouveau dispositif sur la preuve électronique de
l'OHADA, n'autoriserait-il pas le demandeur en résiliation du bail ou en
refus de renouvellement du bail à servir à son cocontractant une
mise en demeure par un procédé électronique, comme un
courrier électronique (mail) ? Il est légitime de le penser.
Mais, pour admettre ce mode de preuve, le juge devra vérifier la
condition d'intégrité du document électronique
posée par l'article 82 du nouvel Acte uniforme et celle tirée de
la réception effective de la mise en demeure électronique au
destinataire prévue par l'article 133 alinéa 2 du même Acte
uniforme. Dans la pratique, la vérification judiciaire de ces conditions
d'admissibilité de la mise en demeure électronique risque de
poser des difficultés. En effet, en raison de la technicité de la
matière, le juge ne dispose pas toujours d'éléments
d'appréciation suffisants, et ce, d'autant que le contenu de la mise en
demeure obéit à un formalisme dont la simplification a
été également recherchée par la réforme
61Déjà, l'acte uniforme de l'OHADA
relatif aux contrats de transports de marchandises par route du 22 mars 2003
avait consacré une acception très extensive de la notion
d'écrit incluant les supports numériques modernes. L'article 2 de
cet Acte uniforme définit l'écrit comme : « une suite de
lettres, de caractères, de chiffres ou de tous autres signes ou symboles
dotés d'une signification intelligible et mis sur papier ou sur un
support faisant appel aux technologies de l'information ».
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
SECTION 2: LA NOTIFICATION DE LA MISE EN DEMEURE
Une notification est une formalité par laquelle l'on
donne connaissance à un individu du contenu d'un acte pris à son
égard. Ce sont des actes juridiques qui n'ont efficacité que
lorsqu'ils sont portés à la connaissance de leur destinataire ;
que lorsque celui-ci les reçoit. On a pu signaler le cas de la mise en
demeure par exemple. La plupart des actes de la procédure doit
être portée à la connaissance de la partie adverse, lui
être notifiée, plus précisément. Cette notification
est essentielle.
Si la notification est nulle, si elle est
irrégulière, l'acte n'ayant pas été porté
régulièrement à la connaissance de son destinataire sera
sans aucune efficacité dans la procédure. Si la notification est
irrégulière, l'acte sera considéré comme non avenu,
il n'aura jamais eu ses effets. C'est pourquoi la notification est soumise
à des exigences très précises. En outre, l'acte de mise en
demeure peut se faire notifié par différents moyens lesquels
moyens ont pour but d'assurer une information suffisante de la partie
vis-à-vis de laquelle l'acte a été dressé
(paragraphe 1). Plus loin, il se pose le problème du
moment à prendre en compte pour apprécier l'effectivité de
la notification (paragraphe 2).
Paragraphe 1-Les procédés de notification de
la mise en demeure
Sous l'empire de l'ancien article 101 de l'AUDCG, il a
été jugé que la mise en demeure doit être
adressée par acte extrajudiciaire, c'est-à-dire par voie
d'huissier. Celle adressée par lettre simple de l'avocat du bailleur
n'est pas valable et ne peut servir de fondement à une
résiliation judiciaire. Mais comme l'observe très justement un
auteur, la seule condition désormais exigée par l'article 133,
al.2 de l'AUDCG pour la validité de la notification de la mise en
demeure est l'existence de «tout moyen permettant d'établir sa
réception par le destinataire»62. Il en résulte
que la décision ci-dessus est désormais caduque, sauf si dans
l'espèce, il n'y avait eu aucun moyen de prouver la réception de
la mise en demeure par le destinataire. L'acte extrajudiciaire n'est plus
obligatoire si l'auteur de la mise en demeure est capable de prouver sa
réception par le destinataire.
62 TGI Bobo-Dioulasso (Burkina-Faso), n° 32,
2-2-2005 : SANGA Mady c/ GRAPHI-SERVICE, Ohadata J-09-63).Obs. Jimmy Kodo.
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
La notification de la mise en demeure pourra donc se faire par
le biais de plusieurs procédés. On pourra utiliser plusieurs
critères de distinction de ces moyens, mais la distinction la plus
simple et la plus utilisée est celle consistant à envisager d'une
part La voie ordinaire de notification (A), et d'autre part la
voie de la signification (B).
A- La voie ordinaire
Ici, il n'y a pas de complication, l'acte va être
placé sous pli fermé et il sera expédié par la
Poste, soit remis directement à son destinataire et dans ce cas, contre
émargement ou récépissé, selon l'article 667 du
Cpcc. Lorsque l'on procède par voie postale, l'administration des Postes
n'est tenue à aucune diligence particulière pour toucher
particulièrement le destinataire. Rien n'indique qu'il n'ait
été touché. Et c'est là le grand risque que
présente ce procédé ; il est certes moins onéreux
mais porteur de beaucoup d'inconvénients pour l'expéditeur de la
mise en demeure63.
La notification par forme ordinaire recouvre plusieurs
procédés, comme par voie postale, par lettre recommandée
avec demande d'avis de réception. Parfois-même, la loi se contente
d'une lettre simple, ce qui est rare sur le plan probatoire. Le recours
à la lettre recommandée présente un intérêt
pour établir la réalité d'un envoi, la date de celui-ci
et, le cas échéant, sa réception par le destinataire. Les
hypothèses sont légion, qu'il s'agisse, pour une partie,
d'établir qu'elle a effectivement posé un acte unilatéral
ou porté un fait à la connaissance d'une autre partie. Cependant,
à l'heure où se généralise la communication
électronique pour s'échanger des informations ou pour poser ou
conclure des actes juridiques, il s'imposait de reconnaître la
possibilité d'effectuer des envois recommandés de mise en demeure
sur support électronique. Cette reconnaissance étant
désormais acquise64.
Il existe de nombreuses situations où l'on souhaite se
ménager la preuve de l'envoi d'un
63 Ceci est d'autant vrai qu'en cas
d'impossibilité de toucher le destinataire par l'acte, les
conséquences y afférentes seront opposées à
l'expéditeur.
64Selon l'article 82 alinéa 2 du nouvel Acte
uniforme sur le droit commercial général : « les documents
sous forme électronique peuvent se substituer aux documents sur support
papier et sont reconnus comme équivalents lorsqu'ils sont établis
et maintenus selon un procédé technique fiable, qui garantit,
à tout moment, l'origine du document sous forme électronique et
son intégrité au cours des traitements et des transmissions
électroniques ». Les procédés techniques fiables et
garantissant l'origine des documents sous forme électronique ainsi que
leur intégrité au cours de leurs traitements et de leurs
transmissions électroniques sont reconnus valables par le nouvel Acte
uniforme sur le droit commercial général ou par le Comité
technique de normalisation des procédures électroniques.
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
courrier afin d'éviter toute contestation
ultérieure sur la réalité de cet envoi. Une telle
précaution s'avère particulièrement opportune lorsqu'une
relation s'envenime et qu'un litige se profile à l'horizon. À
titre d'illustration, on peut songer, en matière de baux, à
l'insatisfaction d'un locataire (infiltrations d'eau non résolues,
grosses réparations non effectuées...). Ce dernier aura
intérêt à consigner ses reproches dans une mise en demeure
adressée par envoi recommandé, afin d'être en mesure de
prouver, dans le cadre d'un litige ultérieur, qu'en temps utile, il
avait effectivement averti son bailleur des désagréments qu'il
subissait. Par ailleurs, préalablement à toute sanction, une mise
en demeure est nécessaire : le créancier est, en principe, tenu
de manifester au débiteur, d'une manière claire et non
équivoque, sa volonté de voir exécuter l'obligation en
souffrance. La mise en demeure constitue un acte
unilatéral65: son efficacité est donc
subordonnée à une notification au débiteur et le
créancier doit se ménager une preuve de sa réception. En
ce qui concerne la forme de la mise en demeure, la jurisprudence fait preuve
aujourd'hui de la plus grande souplesse : aussi, en pratique, elle pourra
fréquemment être adressée au débiteur par lettre
recommandée (ou même par simple lettre) 66 .
L'intérêt incontestable de toute lettre recommandée est de
ménager à l'expéditeur une preuve de la
réalité et, au besoin, du moment de son envoi, ou plus exactement
de son dépôt à La Poste. Cette double preuve pourra
être rapportée grâce au récépissé qui
lui est remis par l'agent de la Poste lors du dépôt du pli. Comme
cela vient d'être suggéré, le dépôt à
la Poste d'une lettre recommandée n'atteste nullement que celle-ci est
effectivement parvenue à son destinataire. L'occasion a
été donnée à la jurisprudence de confirmer ce point
de vue : «Le seul fait pour les services de la Poste d'apposer pour
chaque envoi individuel un cachet établissant l'envoi recommandé
n'apparaît pas suffisant pour en déduire que le destinataire a
reçu l'envoi qui lui était destiné ou qu'il en a eu
connaissance (...)67''. L'éventualité qu'un envoi
recommandé s'égare et n'arrive jamais à destination est
d'ailleurs clairement envisagée dans les dispositions fixant la hauteur
de l'indemnité due par la Poste en cas de perte, de vol ou de
détérioration d'un envoi recommandé.
En tout état de cause, le destinataire peut toujours
prétendre n'avoir pas reçu le courrier
65 Il s'agit d'un acte juridique, et non d'un fait
juridique, car ses effets de droit sont voulus par le créancier, et d'un
acte unilatéral au motif qu'il émane de la seule volonté
du créancier et n'est pas subordonné à une acceptation du
débiteur
66 En matière commerciale, il est admis, de
longue date, que la mise en demeure ne doit répondre à aucune
forme spéciale. La mise en demeure peut donc prendre la forme d'une
lettre recommandée (ou même d'une simple lettre), pourvu qu'elle
contienne une interpellation suffisamment ferme du débiteur.
67Par exemple, Mons, 21 octobre 1998, J.L.M.B., 1999,
I, p. 456.
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
recommandé que l'expéditeur affirme avoir
déposé à la Poste. L'expéditeur peut toutefois se
prémunir contre ce risque, en faisant recours à un type
particulier de recommandé : le recommandé avec accusé de
réception. Dans cette hypothèse, le destinataire est
invité à signer un accusé de réception du courrier
qui lui est présenté par le facteur. Ce dernier doit
vérifier l'identité du destinataire et remettre la lettre en main
propre. Ainsi, sur le plan de la preuve, la situation de l'expéditeur
sera particulièrement confortable si l'accusé de réception
est effectivement signé de la main du destinataire. Celui-ci ne pourra
alors plus prétendre qu'il n'a pas reçu le
courrier68.
Tous les problèmes ne sont pas pour autant parfaitement
résolus.
Tout d'abord, il arrive parfois que le signataire de
l'accusé de réception ne soit pas le véritable
destinataire de l'envoi. Dans cette hypothèse, si un litige survient, la
responsabilité de la Poste pourrait être engagée puisque
l'employé n'a pas procédé à une vérification
d'identité.
Ensuite, le destinataire peut toujours refuser le pli
recommandé qui lui est présenté. Toutefois, il y a lieu de
considérer qu'est parfaitement valable l'incombance par exemple une mise
en demeure accomplie par lettre recommandée au destinataire qui, sans
motif plausible, refuse le pli, alors que les circonstances devaient lui faire
deviner le contenu. Cette attitude de refus apparaît pour le moins
suspecte et, en principe, ne permet donc pas d'éviter les effets d'une
mise en demeure.
B- La voie de la signification.
La forme la plus sûre et la plus pratiquée est la
signification, la signification d'un acte par huissier de justice. Lorsque les
actes de la procédure sont rédigés par l'huissier de
justice, la forme normale de la notification sera la signification. C'est
d'ailleurs l'une des formes de notification prévues par le
législateur Ohada à travers l'article 133 alinéa 2 de
l'AUDCG. Aux termes de cet article 133 suscité : « (...) La
demande en justice aux fins de résiliation du bail doit être
précédée d'une mise en demeure d'avoir à respecter
la ou les clauses ou conditions violées. La mise en demeure est faite
par acte d'huissier ou notifiée par tout moyen
68 . MOUGENOT, La preuve, Tiré à part
du Répertoire notarial, 3e éd. revue et mise à
jour par D. MOUGENOT, Bruxelles, Larcier, 2002, p. 244, n° 180.
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
permettant d'établir sa réception effective
par le destinataire. (...)». De ce qui précède, nous
constatons que la particularité de la signification est qu'elle est
faite par voie d'huissier de justice.
Matériellement, cette notification peut être
faite par l'huissier de justice lui-même ou par un clerc
assermenté. L'article 609 du CCPC Camerounais dispose : « Aucune
signification ni exécution ne pourra être faite, avant six heures
du matin et après six heures du soir ; non plus que les jours de
fête légale, si ce n'est en vertu de permission du Juge, dans le
cas où il y aurait péril en la demeure ». Il reste encore
une fois que le procédé de la signification est le
procédé le plus sûr en tous les cas, car l'huissier de
justice a la qualité d'officier public. Le ministère qui le
confie l'oblige à des diligences particulières. L'idée
fondamentale tient au fait qu'il faut tout faire pour toucher le destinataire.
Il faut faire tout ce qui est possible pour le toucher par la mise en demeure.
Lorsque tout a été fait, le destinataire ne pourra alors plus se
soustraire à l'acte qui lui aura été
régulièrement notifié alors même qu'il n'aura pas
été le cas échéant touché. On
considérera que, si tout a été fait dans les
règles, la notification est régulière et efficace. A
contrario, si les règles n'ont pas été respectées,
la notification sera nulle. Et par conséquent, l'acte notifié
sera sans efficacité. Matériellement, il faut pouvoir s'assurer
que l'huissier ait bien effectivement accompli toutes les démarches pour
toucher personnellement le destinataire. Au cas échéant,
l'article 603 du CCPC Camerounais pose que : « Les procédures ou
les actes nuls ou frustratoires et les actes qui auront donné lieu
à une condamnation d'amende, seront sur conclusions des parties ou
même d'office, mis à la charge des avocats-défenseurs ou
officiers ministériels qui les auront faits, lesquels suivant l'exigence
des cas, seront en outre passibles des dommages et intérêts de la
partie, et pourront même être suspendus de leurs fonctions
».Donc, Il faut encore s'en assurer. C'est pourquoi, la loi impose
à l'huissier de justice à peine de nullité,
d'écrire dans le corps-même de l'acte, toutes les
formalités qu'il aura accompli pour signifier69.
La forme privilégiée de la signification est la
signification à personne. S'il n'y parvient pas, après diligence,
il devra procéder à une signification à domicile ou
à résidence.
Primo, la signification à personne est le mode de
notification normal qu'il faut
69 Dans un acte de signification, ces indications
figureront dans l'en-tête de l'acte. Ces modalités de la
notification qui s'imposent à l'huissier de justice
sont organisées concrètement par les articles 653 à 664 du
Code de Procédure Civile Français.
36
37
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
privilégier à peine de nullité. Mais la
règle n'a pas le même sens que pour les personnes physiques et les
personnes morales.
Pour les premières, Si on arrive à toucher la
personne, l'huissier de justice lui remettra l'acte en main propre. On a alors
l'assurance que le destinataire a été régulièrement
touché. Il faut la localiser et savoir dans quels lieux peut-on
procéder à cette signification par personne. La loi est
très libérale. Elle n'impose ni n'interdit aucun lieu. Elle
interviendra au lieu du domicile, de la résidence ou sur le lieu du
travail. S'il ne parvient pas à toucher la personne à domicile,
il doit chercher sur le lieu de travail, ou sur un autre lieu de
fréquentation de la personne. S'il n'y parvient pas, il devra
s'expliquer dans le corps de la signification, selon l'article 655
alinéa 2 du Code de Procédure Civile. Ce genre de signification
est difficile lorsque les personnes ne veulent pas être touchées
et refusent d'ouvrir à l'huissier de justice. C'est pourquoi la
notification à domicile est si fréquente.
Lorsqu'il s'agit de signifier à une personne morale, la
signification ne pourra être faite qu'à une personne physique.
Seules les personnes physiques peuvent être les destinataires
matériels de la signification. Puisqu'il en est ainsi, le lieu de la
notification qui n'avait aucune importance pour les personnes physiques, va au
contraire prendre une très grande importance pour les personnes morales.
La signification à personne morale ne peut avoir lieu n'importe
où. L'article 689 du Code de Procédure Civile et commerciale
précise que la signification doit être faite au lieu de leur
établissement. Mais cette notion est comprise de manière
particulière par la jurisprudence. Normalement, le lieu de
l'établissement pour une personne morale de droit privé sera le
lieu du siège social. Mais par faveur, car il n'est pas toujours
aisé de trouver le siège social de la personne morale de droit
privé, la jurisprudence autorise à notifier dans les
différentes succursales de la personne morale. C'est la «
théorie des gares principales ». Simplement, qu'il s'agisse du
siège social ou d'une succursale, il faut savoir à qui l'acte
pourra être remis régulièrement. Ici, au contraire de
l'exigence légale d'une localisation de notification, la jurisprudence
est très libérale. Toute personne physique peut se voir remettre
la notification en ce lieu. N'importe quel préposé pourra
recevoir l'acte. Toutefois, si l'huissier de justice parvient à remettre
l'acte au représentant légal, ou bien à un fondé de
pouvoir, ou bien à toute personne habilitée à recevoir des
significations pour le compte de la personne morale, dans ce cas, on
considérera juridiquement, que la signification est faite à
personne, selon l'article 654 alinéa 2 du CCPC Français. Mais il
faut compter encore avec une autre règle jurisprudentielle favorable aux
huissiers de justice. La
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
jurisprudence retient de manière constante que
l'huissier de justice n'est pas tenu de vérifier les pouvoirs de celui
qui se dit représentant, fondé de pouvoir, ou habilité
à recevoir signification. S'il en est ainsi, si l'huissier de justice
n'a pas à rechercher spécialement cette habilitation de pouvoir,
c'est dire que l'huissier de justice peut se contenter d'indiquer dans le
parlenta 70 que la personne à qui il a remis
l'habilitation a été habilitée à recevoir la
signification. On considérera encore, que ce pouvoir soit
avéré ou non, que cette signification a été faite
à personne. C'est dire, a contrario, que la signification à
domicile est tout à fait exceptionnelle dans le cas des personnes
morales.
Mais, le législateur a posé un garde-fou. Toute
signification à personne morale doit être doublée d'une
lettre simple que l'huissier va adresser au représentant légal de
la personne morale et qui va l'informer de la signification, même si la
signification a été faite à personne, selon l'article 658
du Cpcc.
Secundo, si l'on constate que la signification à
personne n'ait pas été possible, l'huissier de justice va
chercher à notifier à domicile. Si le domicile n'est pas connu,
il va chercher à signifier à résidence, au lieu où
le destinataire demeure habituellement, en fait.
Or, si le destinataire n'a pas encore été
touché le cas échéant, pendant combien de temps,
l'huissier de justice devrait- il conserver l'acte de mise en demeure en sa
disposition ? L'huissier devra conserver l'acte pendant trois (03) mois
à la disposition de son destinataire. Au-delà des trois (03)
mois, l'huissier de justice est déchargé et pour autant, la
signification à domicile est réalisée. Passé ce
délai, on considérera que, quoi qu'il arrive, la notification a
été faite et qu'elle a la valeur d'une signification à
domicile.
Paragraphe 2- Le moment de la notification de la mise en
demeure
Lorsque la notification a eu lieu par voie postale, les choses
sont simples, la loi n'impose aucune règle à ce sujet. La
notification va se faire à l'heure du facteur, le facteur ne peut
d'ailleurs passer à une heure indue.
70 Il s'agit de la mention de toutes les
formalités que l'huissier aura accomplies pour signifier l'acte de mise
en demeure.
38
39
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
Lorsque maintenant, le procédé de la
notification est laissé à la discrétion des
intéressés, lorsqu'ils ont le choix, lorsque
l'intéressé peut porter lui-même l'acte à la
connaissance de l'autre partie, la seule limite temporelle à la
notification tient au respect de la vie privée. Si l'on s'aventurait
à notifier au milieu de la nuit, on pourrait la considérer comme
irrégulière. Finalement, tout le problème se concentre
ainsi par la seule signification, la notification par huissier de justice.
C'est à ce seul sujet que la loi a posé des règles
précises. Ce sont des règles d'interdiction. La notification ne
peut avoir lieu ni un dimanche71, ni un jour férié, ni
un jour chômé, et pas avant six heures du matin et après
vingt et une heures du soir72.Partant, la notification participe
aussi du respect des droits de la défense. Il se peut que parfois
l'urgence, les circonstances particulières commandent de faire exception
à ces garde-fous. Précisément le législateur y
pourvoit. En cas de nécessité, on pourra obtenir du juge la
permission de passer outre, de notifier hors ces heures normales. Si ces
règles ne sont pas respectées, la sanction encourue est la
nullité pour vice de forme de la mise en demeure, avec le régime
restrictif qui est le sien.
Dans les faits, la difficulté est différente et
se concentre sur la détermination du moment précis où
intervient la notification. Quand, juridiquement, à quel instant
précis la notification est-elle réalisée ? Cet instant
précis a une importance évidente car elle fait courir un
délai pour le destinataire. Il faut alors connaître exactement le
point de départ de ce délai. C'est la notification qui doit
intervenir dans un certain délai imposé à l'auteur de
l'acte.
Par exemple, on dispose d'un mois après la notification
d'une mise en demeure pour exécuter la prestation défaillante ou
faire cesser le trouble objet de l'acte de mise en demeure. Il faut dater
exactement la notification. Comme la preuve est parfois impuissante à
déterminer cette date, la loi a dû recourir à des
présomptions. Si la notification est une signification, les choses sont
simples, la date de la signification sera celle portée par l'acte.
Autrement dit, la date d'accomplissement qui fera pleine foi. Si par contre, la
notification a été effectuée par voie postale, on retrouve
une question de savoir s'il faut retenir la date de l'expédition ou de
la réception. On peut en logique retenir les deux solutions.
71La mise en demeure adressée à un
preneur un dimanche sans autorisation de la juridiction compétente comme
l'exige la législation camerounaise relative aux exploits d'huissiers
est nulle, si bien que la demande de résiliation du bail et d'expulsion
du locataire par le bailleur doit être déclarée irrecevable
(TPI Bafoussam, n° 63, 2-9-2005 : Me GEUGANG c/ DJOBDIE AMADAMA, Ohadata
J-07-64)
72 CPCC Cameroun « Aucune signification ne
peut être faite avant six heures et après vingt et une heures, non
plus que les dimanches, les jours fériés ou chômés,
si ce n'est en vertu de la permission du juge en cas de nécessité
».
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
Le Code de procédure civile et commercial
Français a pris parti sur ce point à l'article 668. Ce texte pose
une distinction. En principe, la date de la notification par voie postale est
à l'égard de celui qui procède à
l''expédition. Autrement dit, il n'aura respecté le délai
qui s'impose le cas échéant à lui pour la notification que
s'il a expédié la notification avant l'expiration du
délai. Si l'expédition est intervenue avant l'expiration du
délai, celui qui est à l'origine de l'acte est dans les
délais. À l'égard du destinataire de l'acte, la date
à retenir est celle de la réception de la lettre. Autrement dit,
si la notification fait courir un délai, ce délai ne commencera
à courir contre lui qu'à compter du jour où il aura
été touché effectivement, où il aura reçu la
lettre.
Il se peut en effet que le destinataire ne soit pas
présent ou refuse le courrier. Dans ce cas-là, le
préposé aux Postes établira un avis de passage qui
n'établira pas réception. C'est seulement lorsqu'il y a
réception au domicile, ou au bureau de Poste qu'il y aura
réception.
*
* *
À l'image de tout acte juridique, la mise en demeure
est un acte dont la mise en oeuvre répond à un ensemble de
règles concourant chacune à la validité de celle-ci. Mais
contrairement à tout autre acte, la mise en demeure obéit
à des règles prévues dans l'AUDCG nouveau à
l'article 133. Sa validité comme nous l'avons vu est de pair avec sa
mise en oeuvre, puisqu'on ne saurait parler de mise en oeuvre sans toutefois se
demander si l'acte est valable. De plus, le législateur communautaire
Ohada attache beaucoup d'importance à la validité de la mise en
demeure. D'ailleurs, cela est perceptible à travers l'article 134 de
l'Acte uniforme suscité qui traite du caractère d'ordre public
des dispositions applicables à la mise en demeure.
40
LA MISE EN DEMEURE: FORMALITÉ PRODUISANT
DES
EFFETS VARIABLES DANS LA PROCÉDURE DE RUPTURE
DU BAIL À
USAGE PROFESSIONNEL EN DROIT DE L'OHADA
DEUXIÈME PARTIE:
41
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE
La consécration de la mise en demeure comme
formalité indispensable en droit commercial Ohada découle du
rôle « informateur » qu'il joue lors de la rupture du bail
à usage professionnel73. Mais, nous l'avons vu, l'existence
des hypothèses d'exclusion de la formalité, notamment les cas de
dispenses. Mais, il reste vrai qu'aux termes de l'article 134 de l'Acte
uniforme sur le droit commercial : « Sont d'ordre public les
dispositions des articles 101, 102, 103, 107, 110, 111, 117, 123, 124, 125,
126, 127, 130 et 133 du présent Acte uniforme. Sauf convention contraire
entre le bailleur et l'entreprenant, ce preneur ne bénéficie ni
d'un droit au renouvellement du bail, ni d'un droit à la fixation
judiciaire du loyer du bail renouvelé », la mise en demeure ne
saurait être exclue dans une phase de résiliation du bail ou de
refus de renouvellement. En effet, il n'est pas possible pour les parties par
quelques clauses que ce soit de soustraire cette formalité à la
procédure de résiliation ou de refus de renouvellement. S'ils le
font néanmoins, cette procédure sera simplement
irrégulière pour défaut de mise en demeure. Le
législateur a d'ailleurs encadré rigoureusement sa mise en oeuvre
en subordonnant, sa validité au respect d'un certain nombre de
conditions prévues à l'article 133 de l'Acte uniforme. Cet
encadrement rigoureux revêt une grande importance, d'autant plus que la
mise en demeure permet de donner une dernière chance au débiteur
qui pourrait ne pas connaître l'étendue de ses obligations et
qu'il échoira pour lui à travers elle de pouvoir les
exécuter.
Cependant, même si la mise en demeure participe du
besoin de donner une dernière chance au débiteur de l'obligation,
il n'en demeure pas moins vraie qu'elle génère des effets qu'il
échait dès lors de présenter.
73Le bailleur ne peut demander la
résiliation du bail et l'expulsion du preneur à la juridiction
compétente qu'après avoir fait délivrer par acte
extrajudiciaire une mise en demeure d'avoir à respecter les clauses et
conditions du bail ; à défaut il doit être
débouté de sa demande (TGI Bobo-Dioulasso (Burkina-Faso), n°
219, 21-6-2006 : AD Sanou S. Siméon c/ Ouédraogo Lassané,
Ohadata J-09-89).
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
La mise en demeure est un commandement de payer ou de
s'exécuter que l'on va envoyer à la personne débitrice,
redevable, en vertu d'un contrat, d'une prestation ou d'un paiement. Cet
écrit est envoyé car la partie mise en cause n'a pas
respecté ses propres obligations contractuelles. En outre, elle informe
une entreprise ou un particulier de l'intention du créancier d'engager
d'éventuelles poursuites judiciaires devant la juridiction
compétente s'il ne remédie pas à la situation. La mise en
demeure présente de nombreux intérêts. Ainsi, la mise en
demeure est nécessaire et conditionne le point de départ de la
prise en compte des intérêts dit moratoires, c'est-à-dire,
ceux qui désignent une forme de réparation du préjudice
causé au créancier d'une somme d'argent en raison du retard dans
l'exécution des obligations qui incombent au
débiteur74.
Bien qu'étant encore dans une phase amiable du litige,
cet acte n'est pas sans conséquence, en effet il est destiné
à produire des effets juridiques notamment lors de la réception
de ce dernier. Mais ces effets varieront selon que l'acte de mise en demeure
sera conforme ou pas aux prescriptions légales75. Autrement
dit, selon que l'auteur de l'acte aura respecté les règles
concourant à sa validité (CHAPITRE I) ou sera
passé outre, en les ignorants (CHAPITRE II).
42
74Civ 1ère, 29 nov. 2005
75 Il s'agit des prescriptions posées par
l'article 133 de l'AUDCG.
43
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
LE RESPECT DE LA MISE EN DEMEURE
CHAPITRE I:
La mise en demeure comme nous l'avons déjà
souligné plus haut joue un rôle indispensable dans la
procédure de rupture du bail professionnel puisque sans elle, cette
procédure serait déclarée irrégulière. C'est
la raison pour laquelle, il est important que cet acte soit lui-même
valable pour pouvoir produire les effets attachés à un acte
régulier. Par ailleurs, une fois la validité de la mise en
demeure attestée, il est question de s'interroger sur une possible
régularisation de la situation de la partie défaillante. Il
convient donc d'analyser la question de la régularisation de la
situation litigieuse (SECTION 1). Lorsque la partie
défaillante refuse du tout de s'exécuter c'est-à-dire de
régulariser la situation alors des effets spécifiques s'y
appliqueront. (SECTION 2).
SECTION 1 : LA RÉGULARISATION DE LA
SITUATION
DÉFAILLANTE
La régularisation est définie comme la mise en
conformité d'un acte juridique ou d'un acte de procédure avec les
prescriptions légales opérant validation de l'acte originairement
entaché de nullité. Cette régularisation est donc
nécessaire pour valider ledit acte ou ladite procédure. Mais elle
variera selon que nous sommes en matière de résiliation
(paragraphe 1), ou en matière de renouvellement
(paragraphe 2).
44
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
Paragraphe 1- L'hypothèse de la résiliation
judiciaire
La régularisation en instance de résiliation est
possible et la partie souhaitant exécuter ses obligations pourra le
faire dans le délai imparti par la mise en demeure (A).
Cependant, il se pose le problème de la régularisation alors
même que le délai est déjà écoulé
(B).
A- Régularisation dans les délais
impartis
La régularisation de la situation litigieuse est
recommandée pour que l'acte puisse être jugée valable. La
partie défaillante qui peut être soit le preneur, soit le bailleur
selon le cas, peut à cet effet décider d'exécuter les
obligations manquantes. L'article 133 imparti un délai à la
partie défaillante pour cette régularisation. Il dispose :
«À peine de nullité, la mise en demeure doit indiquer la
ou les clauses et conditions du bail non respectées et informer le
destinataire qu'à défaut de s'exécuter dans un
délai d'un mois à compter de sa réception, la juridiction
compétente statuant à bref délai est saisie aux fins de
résiliation du bail et d'expulsion, le cas échéant, du
preneur et de tout occupant de son chef ». Si elle y parvient,
c'est-à-dire la partie défaillante, et ce dans les délais
prévus, la régularisation emportera certains effets qu'il importe
de ne pas ignorer. En effet, du moment où la partie pourtant fautive a
exprimé son intention de régulariser sa situation, ou l'a
d'ailleurs déjà fait, il s'en suit que toutes les actions tendant
à demander la résiliation du bail seront éteintes.
D'où l'idée de « l'extinction des actions en
résiliation du bail ». Ceci se justifie par le souci de permettre
à celle-ci de se rattraper dans le cadre de l'exécution de ses
obligations. Ainsi, toute action en résiliation intentée
postérieurement sera irrecevable puisque éteinte.
Dans l'hypothèse d'une clause résolutoire, il
est encore possible pour le locataire de régulariser sa situation dans
le délai d'un (01) mois. Dans ce cas, la clause résolutoire est
privée d'effet et le bail se poursuit normalement. La Cour d'appel de
Bordeaux a ainsi rendu la décision suivante le 2 novembre
201176: « Les juges saisis d'une demande
présentée dans les formes et conditions prévues aux
articles 1244-1 à 1244-3 du code civil peuvent, en accordant des
délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de
résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou
prononcée par une décision de justice ayant acquis
l'autorité de la chose jugée. (...) Dans ces conditions, compte
tenu de la situation du débiteur, l'octroi rétroactif de
délais de paiement pour la régularisation de deux termes de
loyers et de
76 CA Bordeaux, 02 /11/201, n° 11/4804.
45
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
la suspension de la clause résolutoire pour
effectuer ce paiement sont justifiés. Le paiement intégral des
loyers dus étant intervenu avant même que la cour accorde ces
délais, il doit être constaté que la clause
résolutoire n'a pas opéré. ». Nous constatons
ici que le juge est très peu tolérant des résiliations
précipitées puisqu'il n'accorde que peu de crédit à
une action en résiliation alors même que la partie
défaillante proposait de régulariser la situation ou l'a
même déjà régularisé. La Cour de l'Ouest dans
une affaire a décidé que le refus pour le bailleur de renoncer
à l'action en résiliation alors que le preneur offrait de
s'exécuter est une faute de la part du bailleur pouvant entraîner
le versement d'une indemnité d'éviction77.
L'indemnité d'éviction était due dans le cas
d'espèce car, le véritable but du bailleur était la
libération des locaux et non le paiement des arriérés de
loyers. Il échait de rappeler que la régularisation peut aussi
être faite par les créanciers du débiteur de l'obligation
et ce, en vue de protéger leurs intérêts qui pourraient
être sapés si la résiliation venait à être
prononcée. Un délai d'un mois à compter de la mise en
demeure lui est imparti pour exécuter ses propres obligations et d'autre
part un délai supplémentaire d'un mois, après la
notification de la demande en résiliation du bailleur, pour permettre
aux créanciers inscrits de se substituer à lui pour
exécuter à sa place ses obligations ou l'inciter à
s'exécuter. La haute juridiction de cassation française a eu
l'occasion de juger que l'exécution par le locataire, pendant ce
délai, de ses obligations spontanément ou sur incitation du
créancier inscrit, a pour effet de faire échec à la
résiliation sollicitée. En cas de notification de la demande en
résiliation aux créanciers inscrits, la juridiction saisie, pour
se conformer à l'article 133 du nouvel Acte uniforme, devrait renvoyer
la procédure à plus d'un mois avant de rendre sa décision
de résiliation. En effet, l'exigence de la notification a pour objet de
porter la procédure de résiliation initiée par une partie
au bail à la connaissance des créanciers inscrits sur le fonds
antérieurement à la demande en résiliation , en vue de
leur permettre « de prendre le cas échéant toutes
dispositions utiles pour sauvegarder leurs intérêts » .
Récemment, un arrêt de la Cour de cassation française du 14
décembre 2008 a jugé que la notification de l'acte introductif
d'instance vaut mise en demeure au créancier d'exécuter les
obligations du bailleur défaillant ou de les faire exécuter.
Cette obligation d'information permet aux créanciers inscrits d'une part
d'intervenir dans l'instance en résiliation pour s'assurer qu'il
n'existe pas
77CA de l'Ouest, n° 11/civ., 9-10-2002 : K. A.
c/ F. C., Ohadata J-04-227 : Lorsque la mise en demeure a été
suivie d'une offre réelle par le preneur de payer les loyers dus,
offrerejetée par le bailleur qui a répondu qu'il «ne veut
pas recevoir de l'argentcar le véritable problème était
que le preneur libère sa maison», les conditions de
résiliation prévues par l'article 101 [devenu 133] ne sont
pasremplies ; si le bailleur décide tout demême de
résilier, il doit, dans ce cas, se conformer à l'article [94
devenu 126] de l'AUDCG, c'est à dire offrir au preneur une
indemnité d'éviction
46
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
une collusion frauduleuse entre le bailleur et le locataire et
d'autre part d'avoir la faculté d'exécuter les obligations du
locataire défaillant en ses lieux et place. Mais, lorsque la
défaillance du preneur résulte d'agissements positifs par exemple
l'extension d'activités illicites, réalisation de travaux sans
autorisation du bailleur..., la marge de manoeuvre du créancier inscrit
est bien limitée. Il ne peut, en effet, se substituer au locataire. Il
ne peut intervenir que pour l'amener à faire cesser le manquement
à ses obligations. Cependant, lorsque l'action en résiliation est
fondée sur un défaut de paiement de loyers ou le refus de
procéder aux réparations d'entretien, le créancier inscrit
peut exécuter ces obligations à la place du preneur, pour
éviter le dépérissement de sa sûreté.
B- Régularisation hors délai
La régularisation de la situation litigieuse doit
intervenir dans un délai bien déterminé qui est d'un (01)
mois. L'article 133 de l'AUDCG de 2010 dispose que : « À peine
de nullité, la mise en demeure doit indiquer la ou les clauses et
conditions du bail non respectées et informer le destinataire
qu'à défaut de s'exécuter dans un délai d'un mois
à compter de sa réception, la juridiction compétente
statuant à bref délai est saisie aux fins de résiliation
du bail et d'expulsion, le cas échéant, du preneur et de tout
occupant de son chef ». Ce qui à notre sens semble vouloir
dire que toute régularisation ne devrait pas s'inscrire en dehors du
délai d'un mois. Cependant, qu'en est-il donc si elle intervient
après ce délai ? Le Tribunal Régional Hors Classe de
Dakar78 a proposé une solution, lorsqu'il estime que :
«Lorsque le preneur ne paye pas ses loyers ou ne respecte pas les
clauses et conditions du bail, la résiliation de celui-ci et l'expulsion
du preneur peuvent être obtenues par voie judiciaire. Conformément
à l'article 101 de l'AUDCG, une mise en demeure par acte extrajudiciaire
doit informer le preneur qu'à défaut de paiement dans un
délai d'un mois la résiliation sera poursuive. Ainsi lorsque les
loyers réclamés ont été payés hors du
délai imparti par le commandement de payer, le juge ordonne la
résiliation du bail, l'expulsion et la condamnation à payer les
sommes dues ». Mais cette solution va être remise en cause par
un Arrêt de la Cour d'Appel du Centre79 dans laquelle le juge
estime que : « Le juge peut refuser la résiliation pour tenir
compte de ce que le débiteur a intégralement acquitté
des
78 Tribunal Régional Hors Classe de DAKAR,
jugement civil n° 2322 du 17 décembre 2003, REMY JUTEAU c/ LA STE
SENITAL, Ohadata J-04-282.
79CA du CENTRE, N°124/De, 19-3-2004 : Le
groupe SOCOPAC/FOMUP c/ La SCI des Frères Réunis, Ohadata
J-04-207 ; voir aussi dans ce sens CA Ouagadougou, N° 105, 19-11-1999 :
IMPEX-AFRIQUE c/ ATTIE CHAWKI, F. AHO et al. ; OHADA : Jurisprudences
nationales. Éd. BENIN CONSULTING GROUP, Cotonou (Bénin) : 2004, p
39,2BF21
47
48
49
50
51
52
53
54
55
56
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
loyers échus avant l'introduction de l'instance en
expulsion bien que le délai d'un mois imparti étant
déjà écoulé ». De même, comme l'a
rappelé le juge de la Cour d'Appel d'Abidjan, l'appelant (locataire)
s'étant déjà acquitté de tous les loyers dus, y
compris ceux qui avaient motivé le premier juge à ordonner son
expulsion, la demande actuelle de résiliation du bail fondée sur
le non-paiement de loyers devient sans objet, et il n'y a lieu ni à
résiliation du contrat ni à expulsion de l'appelant80.
Ainsi, si la situation est régularisée, et ce même
après que soit rendue la décision constatant l'acquisition de la
clause résolutoire l'expulsion du locataire peut ne pas avoir lieu. En
effet, la jurisprudence précise que lorsque les causes du commandement
ont été réglées hors du délai imparti, mais
avant que le Juge ne statue, le Juge peut accorder rétroactivement des
délais au locataire, puis constater que le paiement ou
l'exécution demandé a eu lieu dans ces
délais81Notons que «la demande de suspension des effets
de la clause résolutoire est recevable, même si l'acquisition de
la clause résolutoire a été consacrée par une
ordonnance du Juge des référés devant lequel le preneur,
qui n'avait pas comparu, n'avait pas sollicité de délai».
Cependant, il se pose un problème de savoir si la
possibilité donnée au preneur de s'exécuter même
après le délai légal d'un mois ne remet il pas en cause
l'efficacité de la mise en demeure ? La réponse à cette
question nécessite de comprendre le but même de la
législation Ohada, c'est-à-dire assurer la sécurité
des transactions juridiques en maintenant autant que possible les contrats en
vie. Par là même, il est donc de bon droit et c'est ce que la
jurisprudence en validant une régularisation hors délai, de
reconnaître à la partie souhaitant régulariser sa situation
après le délai prévu de le faire. Mais, si tel est le cas
que deviendra donc le bailleur s'étant déjà engagé
auprès de tierces personnes ? Va-t-on le sacrifier ? Il s'en suit qu'une
réparation pourrait lui être alloués sur la base du retard
dans l'exécution de son ou ses obligations contractuelles. La
réparation pourra aussi tenir compte du fait que le bailleur aurait subi
un préjudice ou fait subir un préjudice à un
éventuel tiers avec qui il aurait déjà contracté.
Aussi, plus loin, il échait de comprendre que la mise en demeure peut
être double si l'on se base sur l'article 133 al.4 de l'AUDCG
nouveau82 qui prévoit une notification aux
80CA Abidjan, N° 330, 10-3-2000 : MALKA Elie
c/ Sté TOTAL CI, F. AHO et al. ; OHADA : Jurisprudences nationales.
Éd. BENIN CONSULTING GROUP, Cotonou (Bénin) : 2004, p 24,
2CI11.
81Cour d'appel de Bordeaux, 2 novembre 2011,
n° 11/4804 :«Le paiement intégral des loyers dus étant
intervenu avant même que la cour accorde ces délais, il doit
être constaté que la clause résolutoire n'a pas
opéré.»
82 Article 133 al.4 : « La partie qui
entend poursuivre la résiliation du bail doit notifier aux
créanciers inscrits une copie de l'acte introductif d'instance. La
décision prononçant ou constatant la résiliation du bail
ne peut intervenir qu'après l'expiration d'un délai d'un mois
suivant la notification de la demande aux créanciers inscrits
».
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
créanciers inscrits sur le fonds qui intervient
après la première mise en demeure et qui leur impartis encore un
délai d'un mois supplémentaire pour leur permettant ainsi
d'être informé et de prendre les mesures qui s'imposent.
Paragraphe 2 : Le cas du refus de renouvellement du
bail
Le propriétaire de l'immeuble peut refuser le
renouvellement du bail en versant au preneur une indemnité
d'éviction fixée d'accord parties ou par le juge. Le bailleur
peut aussi dans certains cas, refuser le renouvellement sans être tenu au
versement d'une indemnité au locataire. L'Acte Uniforme de 2010
prévoit en son article 127, les cas que le bailleur peut invoquer pour
s'exonérer du paiement de l'indemnité. Le refus de renouvellement
peut par exception être opéré sans indemnités dans
deux hypothèses. La première hypothèse : S'il existe un
motif grave et légitime de refuser le renouvellement comme la faute du
locataire consistant à une violation de ses devoirs de
locataire83. Et la seconde hypothèse est en cas de droit de
reprise. Concernant particulière la première hypothèse, le
bailleur peut s'opposer à tout renouvellement s'il justifie d'un motif
grave et légitime à l'encontre du preneur84. Les
motifs graves et légitimes'' dont peut se prévaloir le
bailleur pour refuser le renouvellement se résument pour l'essentiel en
un comportement gravement répréhensible du locataire. Il s'agira,
d'après l'Acte Uniforme, soit de l'inexécution par le locataire
d'une obligation substantielle du bail85 , soit la cessation de
l'exploitation du fonds de commerce. La première hypothèse
renvoie à une violation de la part du preneur locataire d'une obligation
contractuelle. En nous référant aux articles 112 et suivants de
l'AUDCG nouveau sur les obligations du locataire. Ces motifs graves
et légitimes'' consisterons principalement au non-paiement ou paiement
irrégulier des loyers 86 , ainsi qu'en la
déspécialisation non autorisée87. Il pourrait
également s'agir du défaut d'entretien et des dégradations
des lieux
83Il ne paie pas ses loyers ; il n'entretient plus
de locaux ; il a changé la destination des lieux sans autorisation du
propriétaire.
84 Sauf cas de survenance d'une circonstance
exceptionnelle faisant apparaitre de nouveaux motifs. Ex : Ruine de l'immeuble,
promulgation d'une loi rendant caduc le motif précédemment
invoqué. Par ailleurs, à tout moment de la procédure , le
bailleur pourra également invoquer l'absence de l'une des conditions
légales du droit au renouvellement, tel par exemple, le fait que le
locataire a cessé d'exploiter le fonds de commerce dans les lieux
loués, le fait que le local accessoire faisant l'objet du bail n'est
plus nécessaire à l'exploitation du fonds.
85 Cette violation peut aller selon la
jurisprudence jusqu'à celle de ne refuser de souscrire une police
d'assurance si cela figurait au contrat. Voir. CCJA, Arrêt
n°32/2008, Aff. Sté METALUX Sarl c/ CHEICK BASSE, Actualités
juridiques n°60-61, note anonyme, ohadata J-08-134
86 En effet, payer le loyer est pour le preneur une
obligation substantielle qui caractérise le bail. Un paiement est dit
irrégulier s'il s'effectue avec retard ou entre les mains de toute
personne autre que le bailleur ou son représentant désigné
au contrat.
87 C'est-à-dire des travaux ou changement de
destination des lieux loués sans autorisation du bailleur.
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
loués par le locataire. La seconde quant à elle,
consiste non seulement au défaut d'exploitation sans raison
sérieuse et légitime88 mais également une
exploitation non conforme ou ayant un caractère immoral. Il en sera de
même des cessions et sous-locations interdites. Le preneur locataire peut
lui-même s'opposer au renouvellement du bail demandé par le
bailleur. L'article 105 et suivant de l'AUDCG nouveau précise clairement
les obligations qui incombent au bailleur dans le cadre de l'exécution
du bail. Ces obligations se résument pour l'essentiel en
l'exécution des grosses réparations89 et en une
garantie de bonne jouissance des lieux loués90. Ainsi, le
bailleur refusant de remplir ces engagements qui sont pourtant siennes dans un
contrat, il reste que le preneur peut en se basant sur cette
inexécution, refuser de renouveler le bail le liant au
propriétaire de l'immeuble, le bailleur. Par ailleurs, la partie ayant
manqué à ses obligations peut décider de
régulariser la situation litigieuse, encore que rien ne l'y
empêche. Mais, que cette régularisation intervienne avant ou
après le délai prévu par la mise en demeure, la partie
demanderesse ne peut refuser de renouveler le bail. Si elle s'y oppose, alors
l'on parlera de l'illégitimité du refus de renouvellement ou de
motifs inopérants pouvant conduire à un refus non
justifié. Dans pareil cas, cas seule une indemnité
d'éviction sera due91.
SECTION 2 : LE DÉFAUT DE RÉGULARISATION
DE LA SITUATION DÉFAILLANTE
La mise en demeure comme nous l'avons déjà
souligné plus haut joue un rôle indispensable dans la
procédure de rupture du bail professionnel puisque sans elle, cette
procédure serait déclarée
irrégulière92. C'est la raison pour laquelle, il est
important que cet acte soit lui-même valable pour pouvoir produire les
effets attachés à un acte régulier. Par ailleurs, une fois
la validité de la mise en demeure attestée, la question qui se
pose ici avec beaucoup d'acuité est celle de savoir : que se
passera-t-il si la partie défaillante refuse de
88 Le défaut d'entretien ne peut pas par
exemple résulter d'un cas de maladie grave d
89 Les grosses réparations sont notamment
celles des gros murs, des voûtes, des poutres, des toitures, des murs de
soutènement, des murs de clôture, des fosses septiques et des
puisards (article 106 al 2).
90 Le bailleur est responsable envers le preneur du
trouble de jouissance survenu de son fait, ou du fait de ses ayants-droit ou de
ses préposés (article 109).
91 En pareil cas, si le bailleur souhaite vraiment
résilier le bail, il devra offrir au preneur une indemnité
d'éviction (CA de l'Ouest, n° 11/civ., 9-10-2002 : K. A. c/ F. C.,
Ohadata J-04-227).
92CF TPI DE BAFOUSSAM, JUG CIVIL N° 67 DU 16
SEPTEMBRE 2005, AFFAIRE Paroisse de la cathédrale de Bafoussam c/
ngoupou Samuel : « en l'absence d'une mise en demeure préalable, la
demande de résiliation d'un contrat de bail commercial formée par
le bailleur doit être déclarée irrecevable. Article 133
AUDCG
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
régulariser sa situation ? La réponse est simple
puisque deux solutions sont prévues en l'occurrence : d'une part la
résiliation du bail (paragraphe 1), et d'autre part le
refus de renouvellement (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : la résiliation du bail à usage
professionnel en droit de l'Ohada
La doctrine oppose la résolution, dont l'effet est en
principe rétroactif, à la résiliation, qui ne joue que
pour l'avenir93 ; ce qui conduit certains auteurs à
déclarer à l'égard des contrats à exécution
successive, qu'il y aurait résiliation et non
résolution94. La résiliation est définie comme
: « la suppression d'un contrat successif pour l'avenir, en raison de
l'inexécution par l'une des parties de ses obligations
»95. C'est donc son effet rétroactif qui la
distingue de la résolution, et plus encore de la nullité qui
sanctionne plutôt un vice de formation. Longtemps la jurisprudence n'a
semblé se soucier du trouble sémantique né d'un usage
aléatoire des notions de résolution et de résiliation. La
distinction répandue était tirée de la nature du contrat
rompu : le contrat à exécution instantanée est
résolu, tandis que le contrat à exécution successive se
trouve résilié, en conformité d'ailleurs avec le vocable
législatif s'agissant du bail commercial. En étaient
déduits les effets respectifs de la résolution et de la
résiliation, la première devant remettre les parties dans
l'état où elles se trouvaient antérieurement, alors que la
seconde ne valait que pour l'avenir, ne remettant pas en cause
l'exécution contractuelle intervenue+ depuis la conclusion du contrat
jusqu'à sa résiliation. Mais il semble que la résiliation
ne soit pas la résolution d'un contrat à exécution
successive. Si seule la résolution se conçoit pour un contrat
à exécution instantanée, résolution et
résiliation se combineraient pour un contrat à exécution
successive, en fonction de l'inexécution sanctionnée.
En outre, en ce qui concerne le bail, il a été
procédé à un véritable toilettage des dispositions
relatives à la cessation du bail professionnel. De prime abord, il
importe de relever la disparition du terme « judiciaire » de
l'intitulé du chapitre VII consacré désormais à la
« résiliation du bail ». Au regard de cette disparition, l'on
est tenté de penser que la
93 La Cour de Cassation pour sa part, utilise
indifféremment les deux termes. Une telle incertitude terminologique
rend parfois l'interprétation de ses arrêts
particulièrement délicate. Voir par exemple,
l'interprétation donnée à l'arrêt Cass.Civ. 2 mars
1983 MARTY ET RAYNAUD dans Les obligations, Sirey, 2è
éd., 1988 n°332, P.342, note 4.
94 GHESTIN (J.), JAMIN(C.), BILIAU (M.),
Traité de droit civil (les effets des contrats), L.G.D.J,
3è édition, 2005, n°615.
95 GUILLIEN et VINCENT, Lexique des termes
juridiques, 13è édition, 2001, P.487.
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
résiliation du bail peut être amiable d'autant
plus que contrairement à l'article 100 de l'ancien Acte uniforme relatif
au droit commercial général, le nouvel article 132 semble
beaucoup plus libéral puisqu'il consacre la possibilité de
s'affranchir de l'office du juge96. Malgré tout, la
résiliation demeure judiciaire, car l'article 133 alinéa 2
établit l'obligation de saisir le juge en exigeant que la demande en
justice aux fins de résiliation du bail doive être
précédée d'une mise en demeure. Le législateur
cherche par-là à soumettre cette procédure au
contrôle du juge qui devra toujours chercher à assurer la
protection des intérêts des parties en présence.
En effet, les distorsions jurisprudentielles sur des questions
processuelles comme celle de la compétence juridictionnelle ainsi que
les lenteurs constatées dans l'instance en résiliation du bail
professionnel sont de nature à entraver l'objectif d'une application
judiciaire du droit uniforme OHADA97. C'est conscient de ces enjeux
stratégiques que le législateur de l'OHADA a esquissé une
stratégie d'aménagement de la procédure de
résiliation du bail professionnel (A). Mais, à
la lecture de l'article 133 du nouvel Acte uniforme, il ne fait pas de doute
que le législateur uniforme n'est pas allé jusqu'au bout de sa
logique. En outre, une fois que la procédure de résiliation aura
été menée régulièrement, celle-ci produira
inéluctablement des effets juridiques (B).
A- La procédure applicable en cas de
résiliation du bail professionnel
Le droit uniforme du bail commercial a été
toujours marqué par une volonté de garantir la protection du
locataire commerçant contre l'arbitraire du bailleur au cours de
l'instance en résiliation. Il s'agissait, à travers l'exigence
d'une mise en demeure préalable du preneur et de la
nécessité de la reproduction de certaines mentions dans l'acte
extrajudiciaire de mise en demeure, de favoriser la continuité de
l'exploitation et la sécurité des activités commerciales.
Cette protection recherchée non seulement par le législateur
OHADA mais par toutes les législations en droit du bail professionnel,
se décline quelque part en l'évitement des lenteurs
procédurales. Il sera davantage question dans le cadre de cette
procédure de s'interroger sur deux (2) points : Qui peut exercer cette
action ? D'où l'idée des titulaires de l'action et quelle est la
juridiction compétente pour statuer ?
96 L'on peut affirmer que le recours au juge est
facultatif puisque la mise en oeuvre d'une clause résolutoire n'est pas
nécessairement assujettie à la présence du juge. Voir en
ce sens C.A. du Centre, arrêt n°108/Civ. du 12 déc. 2003,
FOMAKA GWEI Isaac c/ La Sierka, Ohadata n°J-04-204.
97« Avec diligence dans les conditions propres à
garantir la sécurité juridique des activités
économiques afin de favoriser l'essor de celles-ci et d'encourager
l'investissement »
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
S'agissant primo des titulaires de l'action en
résiliation, nous devons partir du constat selon lequel l'action en
résiliation a été considérée avant la
réforme de 2010 comme une « action attitrée » ou «
action réservée ». Il s'agit d'une action dans laquelle
« la qualité pour agir apparait comme une condition distincte de
l'intérêt à agir puisqu'il faut exciper tout à la
fois de l'intérêt que l'on a à élever ou à
combattre la prétention litigieuse et du titre qui permet de le
faire». L'action attitrée n'est attribuée qu'à
certaines personnes intéressées seulement98. Sous
l'angle de la théorie générale de l'action en justice, la
loi communautaire avait ainsi prévu une « attribution exclusive
» du droit d'agir au bailleur , du moins dans le cadre de l'action en
résiliation du bail commercial pour inexécution des conditions du
bail. Sous l'empire de l'ancien article 101 de l'Acte uniforme sur le droit
commercial général, il a été prévu une
attribution spéciale très étroite du droit d'agir en
résiliation du bail commercial. Seul le bailleur était
habilité à se pourvoir en résiliation. Cela est d'ailleurs
mieux perceptible à l'article 101 alinéa 2. Mais, cette
attribution exclusive au bailleur du droit d'agir en résiliation
était de moins en moins acceptable, si l'on sait que le preneur pouvait
dans bien des situations avoir intérêt à se délier
du contrat de bail, en invoquant une inexécution des obligations du
bailleur. Alors, pourquoi, ne pas lui ouvrir la possibilité d'agir en
résiliation en excipant d'une défaillance du bailleur ? C'est
à cette question que le législateur Ohada a répondu en
consacrant, dans la nouvelle version de l'acte uniforme relatif au droit
commercial général un droit de résiliation du preneur. Le
nouvel Acte uniforme portant sur le droit commercial général a
franchi ce pas, en consacrant le droit de résiliation du preneur. Il
résulte de l'alinéa 1er de l'article 133 de cet Acte
uniforme que : « le preneur et le bailleur sont tenus chacun en ce qui le
concerne au respect de chacune des clauses et conditions du bail sous peine de
résiliation ». Désormais, aussi bien le bailleur que le
preneur ont qualité pour agir en résiliation, en raison de la
défaillance de l'autre partie dans l'exécution de ses obligations
contractuelles.
Secundo, s'agissant de la juridiction compétente, La
réforme du 15 décembre 2010 de l'AUDCG a essayé d'apporter
une réponse à la question du juge compétent en
matière de résiliation. L'article 133 dispose désormais
que « La demande en justice aux fins de résiliation du bail
doit être précédée d'une mise en demeure d'avoir
à respecter la ou les clauses ou conditions violées (...) A peine
de nullité, la mise en demeure doit indiquer la ou les clauses et
conditions du bail non respectées et informer le destinataire
qu'à défaut de
98C'est tout le sens du deuxième paragraphe
de l'article 1-2 alinéa 1e du Code de procédure civile
sénégalais qui réserve les « cas où la loi
attribue ce choix aux seules personnes qu'elles qualifie pour élever une
prétention ou pour défendre un intérêt
déterminé »
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
s'exécuter dans un délai d'un mois à
compter de sa réception, la juridiction compétente statuant
à bref délai est saisie aux fins de résiliation du bail et
d'expulsion, le cas échéant, du preneur et de tout occupant de
son chef ».La compétence du juge siégeant à bref
délai, c'est-à-dire pour le droit camerounais, le juge des
référés, semble s'ériger en principe. Dans
l'hypothèse de la résiliation en présence d'une clause
résolutoire, le problème de la compétence du juge des
référés s'est posé avec beaucoup d'acuité.
La détermination de la juridiction compétente variera selon que
la résiliation sera avec ou sans clause résolutoire. La
difficulté tenait en ce que le juge des référés ne
rendant que des ordonnances, devait-il se déclarer compétent
toutes les fois qu'il était saisi d'une demande en expulsion pour
inexécution ou mauvaise exécution des conditions du contrat de
bail professionnel ? Cette question qui à l'origine d'une énorme
division jurisprudentielle99 n'a pas elle-même trouvé
de solution malgré l'avis donnée par la CCJA le 04 Juin
2003100. Même si l'avis donné par la CCJA, n'a pas
apportée une solution satisfaisante à la question, elle a eu le
mérite d'avoir levé le doute sur le sens du mot « jugement
» qui doit s'entendre au sens large. Mais il demeurait la question de
savoir si la compétence du juge du fond était le principe et
celle du juge des référés l'exception ? La grande partie
de la doctrine avait alors pris position, pour la compétence du juge de
fond, le juge des référés ne pouvant intervenir qu'en
présence d'une clause résolutoire, ce que n'approuve pas une
autre doctrine101. Ceci s'est justifié par le fait qu'en
présence d'une clause résolutoire, le juge, n'ayant pas
grand-chose à faire, il doit siéger à bref délai,
car il ne doit que constater la résiliation qui a été
parfaite entre les parties. On sait traditionnellement que la clause
résolutoire, lorsquelle est insérée dans un
contrat, a pour effet de faciliter la rupture du contrat concerné. Parce
qu'une telle clause prive le juge de tout
99 Au Cameroun, Arrêt n° 157/Civ, du 28
Janvier 2000, Aff. Sté Papadhópoulos et Fils c/ CNDC,
inédit. Le juge de référé de la Cour d'Appel du
centre affirma sans aucune ambiguïté que « le bail non
écrit n'en constitue pas moins un et que le juge des
référés est compétent pour prononcer l'expulsion du
locataire s'il est établit que celui-ci ne paie pas ses loyers ».
Par contre, dans d'autres affaires, la même juridiction avait
subordonnée cette compétence à l'insertion dans le contrat
d'une clause résolutoire. Voir Arrêt n°362/Civ/02-03 du 06
Juin 2003 Aff. SCI FOV c/ Sieyansdji Jean Baptiste, Inédit.
100Une position de principe de la Cour Commune de
Justice et d'Arbitrage s'avérait nécessaire pour mettre un terme
aux hésitations jurisprudentielles. D'une part, saisie par voie
consultative par le Ministère de la Justice du Sénégal sur
la question de la détermination de la juridiction compétente
visée par l'article 101 de l'Acte uniforme portant droit commercial
général, la haute juridiction communautaire a rendu l'avis
n° 001/2003/EP du 4 juin 2003.
101Ce qui au regard d'un auteur semble «
alourdir la procédure d'expulsion des preneurs indélicats, qui se
trouvaient par l'occasion protégés excessivement par les
dispositions bienveillants de l'article 101 de l'AUDCG ». Voir KEUGONG
WATCHO (R.S.), « Juridictions compétentes en matière de
résiliation de bail professionnel après la réforme de
l'Acte Uniforme relatif au droit commercial général » in
Juridis périodique, n°93, Janvier-Février-Mars 2013,
P.102.
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
pouvoir d'appréciation du degré
d'inexécution de la part du débiteur102, on admet que
le juge des référés est compétent pour se prononcer
pour la résiliation du bail, et l'expulsion du preneur. En effet, en
présence d'une clause résolutoire, ce n'est pas le juge qui
prononce la résiliation, mais elle s'opère de plein droit
à partir du moment où une des deux parties a violé une des
conditions visée par la clause résolutoire introduite dans le du
bail. Le législateur OHADA a confirmé cette compétence du
juge des référés en matière de résiliation
du bail dans sa réforme de 2010. Mais il semble que le
législateur OHADA a même étendu cette compétence du
juge des référés en cas d'absence de clause. Ainsi une
interrogation naît : le juge des référés serait-il
devenu le juge de droit commun en matière de résiliation du bail
professionnel en OHADA ? Une réponse affirmative s'impose et diverses
raisons là justifient. Les premières tiennent au fait que le
législateur de 2010 en changeant la terminologie «
Résiliation Judiciaire » pour « Résiliation
»103 tout court a voulu être plus précis quant au
fait que la résiliation pourrait être judiciaire, conventionnelle
ou légale. Et quel que soit le cas, le juge des
référés sera compétent pour connaître de la
résiliation du bail professionnel. Les secondes, quant à elles
concernent l'idée de « juridiction siégeant à bref
délai ».En réalité, le fait pour le
législateur d'avoir adjoint à l'expression « juridiction
compétente » celle de « juridiction compétente
siégeant à bref délai » est justement de donner au
juge des référés pris comme juridiction siégeant
à bref délai une compétence ne faisant plus l'objet d'un
doute. La réforme de 2010 a apporté une solution en affirmant
qu'il existe des hypothèses dans lesquelles le juge des
référés peut se prononcer sur la résiliation alors
que dans d'autres et notamment en présence d'une clause elle devra tout
simplement constater la résiliation qui se serait réalisée
automatiquement. Le texte communautaire aurait ainsi doté la juridiction
des référés d'une compétence dérogatoire qui
emporterait éviction des conditions du référé de
droit commun104. Il s'agirait d'un référé
spécial ou plus précisément d'un
référé de fond, qui n'emprunte au
référé que les formes procédurales tandis que les
principes généraux qui caractérisent les
référés ne lui sont pas applicables. Ainsi, même en
présence de contestation sérieuse ou en dehors de toute urgence,
le juge des référés serait seul compétent pour
statuer sur la résiliation du bail professionnel, à l'exclusion
de toute autre juridiction.
102 En effet, dans le cadre d'une action en résiliation
judiciaire le juge se doit d'apprécier l'importance de la faute (en ce
sens, V. Cass.Civ. 3è éd, 126 mars 1977 ?
Rev. Loyers, 1977).
103 Chapitre VII du Titre 1 Livre VII relatif au bail à
usage professionnel et fonds de commerce.
104 Il s'agit de l'absence de contestation sérieuse,
urgence etc...
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
B- Les effets de la résiliation du bail
professionnel
Le bail professionnel en droit Ohada est le plus souvent
conclu au profit du preneur, et l'on voit mal un locataire demander la
résiliation de ce contrat. Généralement, il cherchera
toujours à exécuter les obligations manquantes du bailleur, sous
réserve de déduire les frais dépensés dans le loyer
dû. Cela dit, la résiliation ne pourra être couramment
prononcée qu'à l'égard du bailleur qui aura toujours
intention à ce que le contrat le liant au preneur soit
résilié si le preneur est indélicat. Ainsi, lorsque la
résiliation est reconnue acquise et le lien contractuel rompu, le
preneur qui ne libère pas volontairement les lieux doit en être
expulsé conformément à la décision de justice qui
l'a prononcé, mais, celle-ci est souvent accompagnée de sanctions
conventionnelles complémentaires.
S'agissant de l'expulsion, elle est l'action consistant
à obliger l'occupant sans titre ou le locataire à la fin du bail
d'un immeuble de vider les lieux105. Le créancier doit
posséder une décision de justice ou un procès-verbal de
conciliation pour exiger l'expulsion du preneur, d'où la
nécessité d'une décision prononçant cette
expulsion. Ainsi, tout locataire preneur qui, face à toute menace de
résiliation du bail professionnel ne prends pas de mesures
adéquates pour juguler la situation, pourra être expulsé du
local qu'il occupait lors. L'AUDCG en son article 133 alinéa 2 dispose :
« À peine de nullité, la mise en demeure doit indiquer
la ou les clauses et conditions du bail non respectées et informer le
destinataire qu'à défaut de s'exécuter dans un
délai d'un mois à compter de sa réception, la juridiction
compétente statuant à bref délai est saisie aux fins de
résiliation du bail et d'expulsion, le cas échéant, du
preneur et de tout occupant de son chef ».Il ressort clairement de
cette disposition que le législateur OHADA réprime froidement le
non-respect par le locataire de ses obligations. Prévoir une expulsion
du preneur est une mesure sanctionnatrice et s'inscrit davantage dans la
logique de la protection du droit de propriété du bailleur
propriétaire du fond. Il revient donc au juge de prononcer cette
expulsion dès lors que le constat de l'inexécution a
été fait. Il en est ainsi puisque seul le juge est
habilité à déclencher l'expulsion du preneur. C'est ce qui
ressort de la lecture de l'article 133 alinéa 4 de l'AUDCG. La
conséquence est qu'en l'absence de décision de justice, la
procédure d'expulsion ne saurait être valable. La Cour d'Appel
d'Abidjan a d'ailleurs eu à décider que le locataire doit
être maintenu dans le local à usage commercial, dès lors
qu'il a été expulsé de fait, aucune décision de
justice ne l'ayant
105 LADEGAILLERIE (V.), Lexique des termes juridiques,
Anxagora,13 Juillet 2005, P.74,
www.anaxagora.net
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
expulsé dudit local106.
S'agissant en outre des sanctions conventionnelles
complémentaires, nous retenons qu'à l'expiration du délai
d'un mois, le preneur qui n'a pas totalement obtempéré à
la mise en demeure s'expose à des poursuites engagées par le
bailleur. Si la résiliation est reconnue acquise au bailleur, elle
pourra très souvent être accompagnée de sanctions
conventionnelles complémentaires.
Il s'agira d'abord du remboursement de l'ensemble des frais de
poursuites, y compris les honoraires du conseil. Ces frais sont naturellement
à la charge de la partie défaillante.
Ensuite de la fixation par avance de l'indemnité
d'occupation avec son mode de calcul. Ce sont des sommes d'argent que verse le
preneur évincé et qui demeure dans les lieux et ce, en vertu
d'une décision d'expulsion régulière. Le loyer contractuel
est remplacé par une indemnité d'occupation. Elle est due de
plein droit à compter de la cessation du bail et ce par le locataire qui
se maintient dans les lieux alors qu'une décision rendue l'en expulse
pourtant. Cette indemnité est calculée selon la valeur locative,
et compte tenu de tous les éléments d'appréciation. Au
regard de la jurisprudence actuelle, les juges, tout en prônant une
protection du preneur, conditionnent celle-ci au départ effectif des
lieux même si leur fonds de commerce s'en retrouve anéanti faute
d'emplacement nouveau.
Et enfin, du dépôt de garantie 107 qui
reste intégralement acquis au bailleur à titre
d'indemnité108, puisque dans l'hypothèse de la mise en
oeuvre de la clause résolutoire, le preneur a nécessairement
commis une faute. L'Acte Uniforme ne proscrit pas le dépôt de
garantie, en conséquence, dans la pratique des baux à usage
professionnel, cette clause est usuelle109.
De ce qui précède, nous pouvons remarquer que
les effets de la résiliation ne sont envisagés que contre le
preneur alors que toutes les deux parties ont désormais le droit
d'agir
106 CA Abidjan, n°361,27-3-2001 : N c/ A, Le Juris
Ohada, n° 1/2003,Janvier-mars 2003, P.54, Ohadata J-03118
;
107 Le dépôt de garantie constitue une somme
versée par le locataire au propriétaire d'un immeuble à
usage professionnel en vue de garantir la bonne exécution des
obligations du bail. Cette somme est souvent stipulée remise à
titre de nantissement. V. GATSI (J.), pratique des baux commerciaux dans
l'espace OHADA, 2è éd., Presse Universitaire
Libre, 2008.
108 CA Paris, 16è Ch. A, 11 juin 1991.
109 Aucune disposition de l'AUDCG ne prévoit, au profit
du bailleur, le versement d'une somme en garantie de l'exécution des
obligations du bail, mais cette pratique est courante au, point de justifier un
examen affectif. V. GATSI (J.), pratique des baux commerciaux dans l'espace
OHADA op.cit., p.89
57
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
en résiliation. Mais en allant plus loin on peut tout
de même admettre que si le preneur demande la résiliation du bail,
des dommages-intérêts pourraient lui être octroyés.
En effet, le trouble de jouissance du fait du bailleur, ou la ruine de
l'immeuble, par exemple, lorsqu'il se réalise sont de nature à
causer un préjudice au preneur. Par ailleurs, il faut préciser
que ces dommages-intérêts ne pourront être dus que si les
conditions de la responsabilité civile, fondée sur les articles
1382 et suivants du Code Civil110, sont réunies.
Paragraphe 2- le refus du renouvellement justifié du
bail à usage professionnel
Comme il était déjà admis sous l'ancienne
législation, le droit au renouvellement du bail est acquis au
locataire-commerçant. Le renouvellement est un droit qui confère
au preneur une illusion de propriété ; raison pour laquelle Yves
GUYON le qualifie de «propriété commerciale ».
Il est ouvert au locataire qui justifie avoir exploité, avec l'accord du
propriétaire, l'activité prévue au bail pendant une
durée d'au moins deux(02) ans111. Les délais de la
demande de renouvellement sont désormais plus réduits, notamment
en ce qui concerne le bail à durée déterminée : la
partie sollicitant le renouvellement, généralement le preneur,
doit agir par acte extrajudiciaire au plus tard trois(03) mois avant la date
d'expiration du bail. Faute de quoi, il est déchu de son droit au
renouvellement. Quant à l'autre, très souvent le bailleur, elle
doit faire connaître sa réponse au plus tard un (01) mois avant
l'expiration du bail, faute de quoi il est censé avoir
accepté112. Ainsi, le propriétaire de l'immeuble peut
refuser le renouvellement du bail en versant au preneur une indemnité
d'éviction fixée d'accord parties ou par le juge. Le bailleur
peut aussi dans certains cas, refuser le renouvellement sans être tenu au
versement d'une indemnité au locataire. L'Acte Uniforme de 2010
prévoit en son article 127, les cas que le bailleur peut invoquer pour
s'exonérer du paiement de l'indemnité.
110 « Tout fait quelconque de l'Homme, qui cause
à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est
arrivé, à le réparer ». Article 1382 du Code
civil
111 Aux termes de l'article 91(désormais l'article 123)
de l AUDCG : « Le droit au renouvellement du bail à
durée déterminée ou indéterminée est acquis
au preneur qui justifie avoir exploité, conformément aux
stipulations du bail, l'activité prévue à celui-ci,
pendant une durée minimale de deux ans(...) ».
112 Voir l'article 124 de l'AUDCG : « Dans le cas du
bail à durée déterminée, le preneur qui a droit au
renouvellement de son bail en vertu de l'article 123 ci-dessus peut demander le
renouvellement de celui-ci, par signification d'huissier de justice ou
notification par tout moyen permettant d'établir la réception
effective par le destinataire, au plus tard trois mois avant la date
d'expiration du bail. Le preneur qui n'a pas formé sa demande de
renouvellement dans ce délai est déchu du droit au renouvellement
du bail. Le bailleur qui n'a pas fait connaître sa réponse
à la demande de renouvellement au plus tard un mois avant l'expiration
du bail est réputé avoir accepté le principe du
renouvellement de ce bail. »
58
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
Particulièrement à notre analyse, le premier
alinéa de cet article113parle de motifs graves et
légitimes pouvant motivés l'une des parties à refuser le
renouvellement. À cet effet, si l'une des parties se rend fautive et est
mise en demeure par l'autre de faire cesser le trouble, sans cependant qu'elle
n'obtempère, la partie défenderesse pourra invoquer les motifs
graves et légitimes ayant justifié ce refus (A),
lesquels feront l'objet d'une appréciation par le juge
(B).
A- L'invocation des motifs graves et légitimes
liées la faute d'une partie
Le lien contractuel existant entre le bailleur et le locataire
doit être marqué par la confiance et l'honnêteté
contractuelle. Lorsque l'une des deux (02) parties s'aventurent à ne pas
exécuter l'une de ses diverses obligations, elle commet une faute qui
selon sa gravité peut conduire à un renouvellement du bail
refusé. Les motifs graves et légitimes sont ainsi compris comme
des raisons flagrantes étant susceptibles d'entraîner un refus de
renouvellement. Mais avant que ceux-ci ne soient invoqués, ils doivent
obéir à certaines conditions (1). Une fois leur
validité acquise, il sera question de présenter les
hypothèses de motifs graves et légitimes (2).
1- Les conditions de validité des motifs graves
Un seul acte préjudiciable d'une partie ne saurait
suffir à légitimer le refus de l'autre de procéder au
renouvellement du bail. Il faut pour cela non seulement une
répétition de tels actes, mais aussi, le créancier de
l'obligation doit attirer l'attention de l'autre sur ses agissements, afin
notamment à l'amener à remplir convenablement ses obligations
contractuelles. C'est dans ce sens que l'Acte Uniforme énonce que
«ce motif ne pourra être invoqué que si les faits se sont
poursuivis ou renouvelés plus de deux mois après une mise en
demeure du bailleur par acte extrajudiciaire d'avoir à les faire cesser
»114. Le bailleur ne peut donc toutefois
évoquer ces fautes que s'il a mis en demeure le locataire par acte
huissier et que ces fautes se sont renouvelées dans le mois suivant la
mise en demeure115. La mise en
113 « S'il justifie d'un motif grave et
légitime à l'encontre du preneur sortant. Ce motif doit consister
soit dans l'inexécution par le locataire d'une obligation substantielle
du bail, soit encore dans la cessation de l'exploitation de l'activité.
Ce motif ne peut être invoqué que si les faits se sont poursuivis
ou renouvelés plus de deux mois après une mise en demeure du
bailleur, par signification d'huissier de justice ou notification par tout
moyen permettant d'établir la réception effective par le
destinataire, d'avoir à les faire cesser. »
114 Article 127 de l'AUDCG de 2010.
115Il ne paie pas ses loyers ; il n'entretient plus
de locaux ; il a changé la destination des lieux sans autorisation du
propriétaire.
59
60
61
62
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
demeure permet ainsi d'éviter tout effet de surprise
envers le locataire. Autrement dit, l'on ne saurait parler de motif grave si
celui-ci ne s'est pas répété à plusieurs reprises
ouvrant ainsi voie à une mise en demeure de s'exécuter.
2- Les hypothèses de motifs graves et
légitimes
Le refus de renouvellement peut par exception être
opéré sans indemnités dans deux hypothèses. La
première hypothèse : S'il existe un motif grave et
légitime de refuser le renouvellement comme la faute du locataire
consistant à une violation de ses devoirs de locataire116. Et
la seconde hypothèse est en cas de droit de reprise. Concernant
particulière la première hypothèse, le bailleur peut
s'opposer à tout renouvellement s'il justifie d'un motif grave et
légitime à l'encontre du preneur117. En outre, il est
aussi possible à un locataire de s'opposer au renouvellement
demandé par son bailleur.
Primo, les motifs graves et légitimes'' dont
peut se prévaloir le bailleur pour refuser le renouvellement se
résument pour l'essentiel en un comportement gravement
répréhensible du locataire. Il s'agira, d'après l'Acte
Uniforme, soit de l'inexécution par le locataire d'une obligation
substantielle du bail118 , soit la cessation de l'exploitation du
fonds de commerce. La première hypothèse renvoie à une
violation de la part du preneur locataire d'une obligation contractuelle. En
nous référant aux articles 112 et suivants de l'AUDCG nouveau sur
les obligations du locataire. Ces motifs graves et
légitimes'' consisterons principalement au non-paiement ou paiement
irrégulier des loyers 119 , ainsi qu'en la
déspécialisation non autorisée120. Il pourrait
également s'agir du défaut d'entretien et des dégradations
des lieux loués par le locataire. La seconde quant à elle,
consiste non seulement au défaut d'exploitation sans raison
sérieuse et légitime121 mais également une
exploitation non conforme ou ayant un caractère immoral. Il en sera de
même des cessions et sous-locations interdites.
116Il ne paie pas ses loyers ; il n'entretient plus
de locaux ; il a changé la destination des lieux sans autorisation du
propriétaire.
117 Sauf cas de survenance d'une circonstance exceptionnelle
faisant apparaitre de nouveaux motifs. Ex : Ruine de l'immeuble, promulgation
d'une loi rendant caduc le motif précédemment invoqué. Par
ailleurs, à tout moment de la procédure , le bailleur pourra
également invoquer l'absence de l'une des conditions légales du
droit au renouvellement, tel par exemple, le fait que le locataire a
cessé d'exploiter le fonds de commerce dans les lieux loués, le
fait que le local accessoire faisant l'objet du bail n'est plus
nécessaire à l'exploitation du fonds.
118 Cette violation peut aller selon la jurisprudence
jusqu'à celle de ne refuser de souscrire une police d'assurance si cela
figurait au contrat. Voir. CCJA, Arrêt n°32/2008, Aff. Sté
METALUX Sarl c/ CHEICK BASSE, Actualités juridiques n°60-61, note
anonyme, ohadata J-08-134
119 En effet, payer le loyer est pour le preneur une
obligation substantielle qui caractérise le bail. Un paiement est dit
irrégulier s'il s'effectue avec retard ou entre les mains de toute
personne autre que le bailleur ou son représentant désigné
au contrat.
120 C'est-à-dire des travaux ou changement de destination
des lieux loués sans autorisation du bailleur.
121 Le défaut d'entretien ne peut pas par exemple
résulter d'un cas de maladie grave.
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
Secundo, le preneur locataire peut lui-même s'opposer au
renouvellement du bail demandé par le bailleur. L'article 105 et suivant
de l'AUDCG nouveau précise clairement les obligations qui incombent au
bailleur dans le cadre de l'exécution du bail. Ces obligations se
résument pour l'essentiel en l'exécution des grosses
réparations122 et en une garantie de bonne jouissance des
lieux loués123. Ainsi, le bailleur refusant de remplir ces
engagements qui sont pourtant siennes dans un contrat, il reste que le preneur
peut en se basant sur cette inexécution, refuser de renouveler le bail
le liant au propriétaire de l'immeuble, le bailleur.
Mais une question surgit à l'esprit, celle de savoir si
l'une des parties peut fonder son refus sur des motifs ne tenant pas
nécessairement à l'inexécution d'une obligation
contractuelle. Ce serait notamment le cas par exemple de violences
exercées par le locataire sur le bailleur, d'une attitude injurieuse, de
l'abus de jouissance, de l'émission d'un chèque sans
provision124 ou du comportements du bailleur, qui ne
représentent pas forcément une violation spécifique du
contrat, mais qui portent atteinte à la personnalité du locataire
ou à celle de ses proches 125 ... Nous serions en droit de
répondre à cette interrogation par l'affirmative, car il s'agit
là en général des causes susceptibles de provoquer en
même temps la résiliation du bail. Pour ce faire, elles doivent
être exprimées de telles sortes que la partie coupable ne puisse
pas se méprendre sur leur nature126.
B- L'appréciation souveraine des motifs graves
et légitimes
En droit français, le juge dispose d'un pouvoir
souverain d'appréciation de la gravité et de la
légitimité des motifs de refus127. Il s'agit d'une
question de pur fait échappant au contrôle de la Cour de
cassation.
122 Les grosses réparations sont notamment celles des
gros murs, des voûtes, des poutres, des toitures, des murs de
soutènement, des murs de clôture, des fosses septiques et des
puisards (article 106 al 2).
123 Le bailleur est responsable envers le preneur du trouble
de jouissance survenu de son fait, ou du fait de ses ayants-droit ou de ses
préposés (article 109).
124 Certains auteurs estiment à ce sujet que « la
remise d'un chèque sans provision par le locataire au
propriétaire peut entraîner la détérioration de
leurs rapports. Néanmoins, les motifs totalement étrangers au
bail et fondés par exemple sur les relations familiales sont sans effet.
De même, la faute d'un précédant locataire ayant
cédé son bail ne peut être opposée au cessionnaire,
sauf si la cession a porté sur le droit au renouvellement
lui-même, après expiration du bail, le cessionnaire ne pouvant
avoir plus de droits que le propriétaire.
125 Tribunal de district de March, 24.04.1997, Comm. Office
fédéral du logement 29, n° 4 : allégations
d'attouchements d'un enfant du locataire, non établies en
l'espèce.
126 Voir
Cass.Com. 28 mars 1962. D. 1962, p.422.
127 Pour une cession irrégulière ou une
sous-location auquel le bailleur n'a pas été appelé voir
3è Civ. 9 juillet 2003, n° 02-11.621, Bull. Civ. III
n° 147 ;
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
D'une part, le juge peut déclarer recevables les motifs
graves et légitimes invoqués par le bailleur. La jurisprudence
est casuistique dans ce domaine mais de grandes tendances peuvent être
dégagées. Il a été jugé que constituent des
motifs graves et légitimes l'abus de jouissance128, la
cession irrégulière du bail129, les infractions aux
clauses du bail130, un changement de destination des
lieux131, une inexploitation132, des loyers
impayés après un commandement de payer d'un mois133,
des violences sur la personne du bailleur134. Plus largement la
jurisprudence a retenu que des motifs extracontractuels pouvaient constituer
des motifs graves et légitimes de refus de renouvellement sans
indemnité. En effet, le motif grave et légitime ne doit pas
forcément être rattaché à une clause du contrat mais
peut seulement avoir un lien suffisant avec l'exécution du bail
commercial. L'interprétation de la jurisprudence est souple à cet
égard. À titre d'illustration, on peut citer le cas de la
production de documents gravement inexacts en cours d'opérations
d'expertises135 ou la production auprès d'un nouveau bailleur
d'un bail qui s'avère être faux sur lequel la signature du
précédent bailleur a été
imitée136.
D'autre part, étant donné que la preuve du motif
grave et suffisant est subordonnée à l'appréciation
souveraine des juges du fond, ces derniers peuvent retenir que les motifs
invoqués sont irrecevables. À titre d'exemples, on peut citer
l'exercice d'activités complémentaires non
autorisées137, l'accumulation de retards de loyers et charge
expliquée par un contexte financier difficile, le preneur ayant toujours
régularisé sa dette, l'exécution de travaux sans les
autorisations requises mais rendus nécessaires par l'obligation
d'adapter le fonds à la nouvelle activité connue et
acceptée par le bailleur ou encore l'inexécution de
128 CA Paris, 16ech. Sect. A, 16 janvier 2002 ; 3eCiv. 20 juin
1979, Rev. Loyers 1980, p. 42 ; CA Paris 16ech. Sect. A, 26 avr. 2006, n°
05/01903.
129 CA Paris 16ech. Sect. A 14 janvier 1997, n° RG :
95/11149 ; CA Montpellier, 1ere ch. Sect. B, 14 février 2006..
130 Pour un abandon du commerce voir Com. 31 janv. 1949, Bull.
Civ. III, n° 51 ; pour un cinéma classé commerce de luxe et
projetant, sans autorisation, des films érotiques voir CA Paris 29
janvier 1987 D. 1987, IR 33.
131 Pour un cinéma classé commerce de luxe et
projetant sans autorisation des films érotiques voir CA Paris 29 janvier
1987 D. 1987, IR 33.Ca Paris 16e ch. Sect. B, 22 nov. 2007, n°
RG : 06/17666; 2 mars
2006 RG : 05/08364 ; pour l'utilisation à usage de
chenil d'un local destiné à l'usage de débit de boissons
voir Civ. 3 e, 3 avril 2001, n° 99-19.768 Gaz. Pal. 2002, somm.
p. 162.
132 Com. 6 juill. 1960 D. 1961, somm. 57 ; Com. 8 févr.
1965, D. 1965. 292 ; CA Montpellier 1re ch. Sect. B., 5 juin 2007,
n° RG : 06/03501.
133 Civ. 3e 12 juill. 1989, n° 88-12.539,
Loyers et copr. 1989, n° 484 ; Civ. 3e ,17 févr. 1993,
n° 89-12.597, Loyers et copr. 1993, n° 225
134 Civ. 3e, 28 mars 1995, n° 93-16.657, Rev.
Loyers 1995, p. 414.
135 Civ. 3e, 19 déc. 2001, n°00-14.425,
Bull. Civ. III n°156 ; BRDA 2/2002, n°10.
136 Civ. 3e ,11 juin 2008, n°07-14.551, Bull.
Civ. III, n°103.
137 Civ. 3e, 1er avril 1998, n°96-14.638, Bull.
Civ. III, n°77, Gaz. Pal. 28 août 1998, pan. 228.
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
réparations nécessaires au bon entretien de
l'immeuble lorsque la vétusté et la négligence du bailleur
sont en partie responsables. L'on comprend bien que la jurisprudence
Française, puisque c'est bien d'elle dont il s'agit ici, part de
l'idée selon laquelle le juge peut donner une interprétation
constructive d'une notion afin d'apprécier si oui ou non celle-ci peut
être considérée comme faute ou pas. Nous pouvons aussi
soupçonner les juges communautaires de l'Ohada d'user dans certaines
circonstances d'un pouvoir d'appréciation des faits afin d'en
dégager une interprétation claire.
*
* *
Parvenu au terme de ce chapitre, il est possible de retenir
que la mise en demeure, une fois sa validité acquise produira
inéluctablement des conséquences juridiques qui seront graves.
Nous relevons que ces conséquences ou effets juridiques auront un impact
sur l'existence du bail. Alors, il reviendra à la partie
défaillante de s'exécuter avec diligence afin d'éviter que
la mise en demeure qui lui est adressée par le créancier de
l'obligation ne produise les effets y attachés.
En outre, la situation est autre lorsque la mise en demeure
telle que réglementée par l'article 133 de l'AUDCG nouveau est
absente.
63
64
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
L'ABSENCE DE LA MISE EN DEMEURE
CHAPITRE II:
Le législateur Ohada a posé par l'acte 133 de
l'acte uniforme relatif au droit commercial général de 1997
révisé le 15 décembre 2010, une exigence de mise en
demeure préalable à toute intention de mettre un terme au contrat
de bail. Ainsi, la mise en demeure ne respectant pas les prescriptions
posées par l'article 133 de l'AUDCG n'est pas valable. On parle de
« mises en demeure irrégulières ». Néanmoins et
même si l'acte uniforme ne réglemente pas expressément
à l'article 133 l'hypothèse de l'absence de mise en demeure, la
jurisprudence de l'Ohada a eu à se prononcer sur la question. Partant de
là peut-on assimiler une absence de mise en demeure à une mise en
demeure irrégulière ? Le juge du TPI du Mfoundi s'est
prononcé en consacrant une assimilation des deux (02) notions et
reconnaissant par-là que les deux produisent les mêmes
effets138. La partie souhaitant donc ne plus poursuivre ses
relations contractuelles avec l'autre pour des raisons tenant en ses fautes,
doit absolument procéder à cette formalité de mise en
demeure sauf en cas de dispenses tels qu'étudier plus
haut139. Si elle ne le fait pas, elle s'expose à des
sanctions. Celles-ci peuvent être présentées selon que l'on
s'intéressera au sort de l'action en résiliation (SECTION
1) ou au sort du bail commercial (SECTION 2).
SECTION 1: LE SORT DE L'ACTION EN
RÉSILIATION
Le sort de cette action est variable. Ainsi, selon que la mise
en demeure sera adressée au preneur (Paragraphe 1) ou
aux créanciers inscrits sur le fonds (Paragraphe 2),
les sanctions varieront.
138 « La mise en demeure qui ne respecte pas les
exigences de l'article 101(devenu article 133) de l'AUDCG n'est pas valable ;
dans ce cas le tribunal constate l'absence de mise en demeure et déboute
le bailleur de son action en résiliation judiciaire du bail ». TPI
Yaoundé (Cameroun) Centre Administratif, Ord. N° 477/C, 1-92008 :
Sté AGF Cameroun Assurances c/ Techni-Cameroun, Journal Le Jour, Faty
and Sister Compagny et autres, Ohadata J-09-225.
139 Par exemple lorsque le débiteur a exprimé son
intention de ne plus continuer le bail
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
Paragraphe 1 : Le cas de la mise en demeure adressé
au preneur.
Spécifiquement à cette procédure de
résiliation, le défaut de mise en demeure semble ne pas encore
avoir trouvé la sanction idoine en droit Ohada encore que la
jurisprudence n'est pas unanime sur la question et le législateur
n'ayant rien prévu en la matière. Or, le TGI de la Menoua a
déclaré dans une affaire que : « faute de mise en demeure,
la procédure de résiliation et d'expulsion qui en est
résulté doivent être frappées de nullité
»140. En réalité, la sanction de la
nullité qui frappe l'acte de mise en demeure et posé par la
jurisprudence141 n'en rejaillit pas moins sur la recevabilité
de l'action en résiliation du bail à usage professionnel. La
nullité entrainant l'anéantissement de la mise en demeure
(A), bascule, du coup, les parties dans la situation d'une
instance en résiliation initiée sans mise en demeure
préalable. Or, cette irrégularité est sanctionnée
par une fin de non-recevoir tenant à l'irrecevabilité de l'action
(B).
A- La nullité de la mise en demeure non
conforme
La nullité de la mise en demeure est la sanction
attachée à un acte présentant des
irrégularités ou un acte dont le contenu n'est pas conforme aux
dispositions régissant la matière. Le dictionnaire de Droit
Privé de Serge Braudo le définit comme : « la sanction
de l'invalidité d'un acte juridique, ou d'une procédure. Soit que
la cause de la nullité réside dans l'absence de l'utilisation
d'une forme précise qui est légalement imposée, soit
qu'elle résulte de l'absence d'un élément indispensable
à son efficacité ». En l'occurrence dans le cadre de
l'OHADA, c'est l'article 133 de l'AUDCG qui pose les conditions de
validité de l'acte suscité. La partie qui entend donc
contestée la procédure de rupture du bail intentée par
l'autre peut se fonder sur l'irrégularité de la mise en demeure.
Si cette irrégularité est avérée, l'acte
concerné sera annulé. Ainsi, plusieurs faits peuvent être
causes de l'annulation d'une mise en demeure (1) laquelle
annulation entraîne généralement des conséquences
juridiques sur la
140 TGI de la Menoua à Dschang, n°28/Civ,
10-03-2003 : amicale des anciens combattants, Anciens militaires et victimes de
guerre de la Menoua c/ ZEBAZE Pierre, ohadata J-05-111.
141Un jugement du tribunal de première
Instance de Bafoussam du 16 septembre 2005 a bien campé ce débat
en énonçant que : « la mise en demeure préalable avec
reproduction sous peine de nullité des termes ( de l'article 101 de
l'AUDCG) est une condition indispensable à toute résiliation d'un
bail commercial ; Mais attendu qu'en l'espèce, la sommation de payer et
de libérer du 17 Mars 2003 servie au défendeur et tenant lieu de
dite mise en demeure ne satisfait pas aux exigences légales prescrites
par l'article susvisé en ce qu'elle ne reproduit aucunement les termes
de ce texte ; Qu'il échait par conséquent de déclarer
cette sommation nulle et partant irrecevable en l'état l'action de la
demanderesse ».
65
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
procédure de rupture du bail (2).
1- Les raisons justifiants la nullité
Elles sont à l'origine de l'annulation de la mise en
demeure. Elles sont réglementés par l'Acte Uniforme et concernent
la validité de lacte même. Quoi qu'il en soit, la
nullité dont il est question sanctionne la violation des règles
de fond et celles de forme.
S'agissant des règles de fond, aux termes de l'article
133 alinéa 2 il ressort clairement que: « À peine de
nullité, la mise en demeure doit indiquer la ou les clauses et
conditions du bail non respectées et informer le destinataire
qu'à défaut de s'exécuter dans un délai d'un mois
à compter de sa réception, la juridiction compétente
statuant à bref délai est saisie aux fins de résiliation
du bail et d'expulsion, le cas échéant, du preneur et de tout
occupant de son chef ». Selon l'article 133 alinéa 2 de l'Acte
uniforme susvisé, la validité de la mise en demeure est
subordonnée au respect de ces deux conditions cumulatives. Il faut
d'emblée relever que l'exigence classique de la reproduction des
dispositions de l'article 101 de l'Acte uniforme sur le droit commercial
général, n'a pas survécu à la réforme. A la
place, l'article 133 du nouvel Acte uniforme a prévu l'obligation pour
le demandeur en résiliation du bail d'indiquer dans la mise en demeure
la ou les clauses et conditions du bail non respectées. Quoi qu'il en
soit, l'obligation d'indication dans la mise en demeure des conditions du bail
violées et d'information du destinataire qu'en cas d'inexécution
dans un délai d'un mois à compter de sa réception le juge
sera saisi d'une action en résiliation, est prescrite « à
peine de nullité » de la mise en demeure. Sous l'empire des textes
antérieures, la jurisprudence des tribunaux sénégalais
n'était pas fixée sur la sanction du non-respect de l'obligation
de reproduction dans la mise en demeure des dispositions de l'article 101
(devenu 133) de l'Acte uniforme portant sur le droit commercial
général. Le tribunal régional de Kaolack
(Sénégal) a été saisi d'une action en
résiliation d'un bail commercial initiée par une personne qui
n'avait pas respecté l'obligation de reproduction de ce texte. Le
tribunal dans son jugement du 14 août 2002 a énoncé que :
« l'article 101 de l'Acte uniforme relatif au droit commercial
général dispose que la mise en demeure doit reproduire sous peine
de nullité les termes du présent article ; Que ladite
prescription n'ayant pas été observée, il y a lieu de
constater la nullité de la procédure ». Plus loin, Un
jugement du tribunal de première Instance de Bafoussam du 16 septembre
2005 a bien campé ce débat en énonçant que : «
la mise en demeure préalable avec reproduction sous peine de
nullité des termes ( de l'article 101 (devenu 133) de l'AUDCG) est une
condition indispensable à toute résiliation d'un bail
66
67
68
69
70
71
72
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
commercial ,
· Mais attendu qu'en l'espèce,
la sommation de payer et de libérer du 17 Mars 2003 servie au
défendeur et tenant lieu de dite mise en demeure ne satisfait pas aux
exigences légales prescrites par l'article susvisé en ce qu'elle
ne reproduit aucunement les termes de ce texte ,
· Qu'il échait
par conséquent de déclarer cette sommation nulle et partant
irrecevable en l'état l'action de la demanderesse ».
Par ailleurs, l'on peut à bon droit étendre la
question en cas de non-respect du délai légal d'un mois
prévu au même article 133 suscité. La mise en demeure qui
comporte la reproduction intégrale de l'article 133 et la mention selon
laquelle le preneur « dispose du délai d'un mois à compter
de la signification des présentes, pour honorer les termes du contrat de
bail et du présent acte, faute de quoi, il sera procédé
judiciairement » est valable. Le moyen selon lequel si les termes dudit
article sont reproduits dans la mise en demeure, nulle part n'y figure
l'information au preneur qu'à défaut de paiement ou de respect
des clauses et conditions du bail dans un délai d'un mois, la
résiliation sera poursuivie alors que cette mention est prescrite
à peine de nullité doit être rejetée142.
Ainsi, à l'image de l'absence de mise en demeure, le non-respect du
délai d'un mois prévu par l'alinéa 2 de l'article 133 de
l'Acte uniforme sur le droit commercial, doit être sanctionné par
la nullité. En effet, l'action en résiliation initiée
avant l'expiration du délai d'un mois à compter de la
réception de la mise en demeure est
prématurée143.
S'agissant ensuite des règles de forme, l'article 133
alinéa 1 dispose que : «La demande en justice aux fins de
résiliation du bail doit être précédée d'une
mise en demeure d'avoir à respecter la ou les clauses ou conditions
violées. La mise en demeure est faite par acte d'huissier ou
notifiée par tout moyen permettant d'établir sa réception
effective par le destinataire ». Dans la procédure de
résiliation du bail à usage professionnel, le formalisme de la
mise en demeure constitue un élément déterminant pour
l'information de la partie défaillante par rapport au manquement
à ses obligations contractuelles. L'exécution effective de cette
obligation d'information est donc tributaire de la forme que doit revêtir
l'acte. Sous l'ancienne version de l'Acte Uniforme de 1997, « la mise en
demeure ne pouvait être délivrée
142 CCJA, 3e ch., n° 60/2012, 7-6- 2012 ; P.
n° 077/2009/PC du 24-8- 2009 : Sté Camerounaise de Divertissements
et de Commerce (SOCADIC) c/ KADJI DEFOSSO Joseph).Obs. J. Issa- Sayegh
143Le droit d'agir n'existe pas encore, et par
là l'action peut aussi être frappée
d'irrecevabilité. Cette exigence formelle était
déjà contenue dans l'ancien article 101 de l'Acte uniforme
portant sur le droit commercial général. Mais, la
particularité du nouvel Acte uniforme réside dans la
précision du point de départ du délai d'un mois
prévu par la loi, ce délai courant à compter de la
réception de la mise en demeure.
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
que par acte extrajudiciaire
»144. C'est d'ailleurs la position qu'a pris
la jurisprudence qui sanctionnait le non-respect de cette formalité. Il
était d'ailleurs difficile pour les parties de toujours se plier
à cette formalité qui était jugée de houleuse pour
la procédure. La lourdeur de ce procédé ainsi que son
caractère dispendieux ont incité les rédacteurs du nouvel
Acte uniforme à simplifier la forme de la mise en demeure, sans pour
autant répudier le recours à un officier ministériel. Il
résulte de l'alinéa 2 de l'article 133 de l'Acte uniforme
précité : « la mise en demeure est faite par acte d'huissier
ou notifiée par tout moyen permettant d'établir sa
réception effective par le destinataire ». C'est dire que tout acte
qui ne recouvre pas une forme susceptible de laisser une preuve, devrait donc
être annulée. Il en est par exemple des mises en demeure faites
sous forme non-écrite.
2 - Les effets attachés à la nullité
de la mise en demeure irrégulière
La particularité de chaque sanction juridique est
qu'elle est amenée à produire des effets juridiques
précis. La nullité, sanction par excellence des actes juridiques
irréguliers, frappant un acte de mise de demeure dans le cadre d'une
procédure de résiliation du bail à usage professionnel,
conduira inéluctablement à une annulation rétroactive de
cet acte. Ainsi, dès l'instant où le juge prononce la
nullité, l'acte de mise en demeure disparaît
rétroactivement: il est censé n'avoir jamais existé. Il
n'existe plus ni dans le passé, ni dans l'avenir. Tout doit être
remis dans l'état antérieur qui existait avant
l'élaboration de l'acte mitigée. Dans son jugement du 2 septembre
2005, le TPI de Bafoussam a décidé qu'« en raison de la
nullité de l'exploit susvisé, tout se passe comme s'il n'y a
jamais eu de mise en demeure préalable telle qu'exigée par
l'article 101 de l'Acte uniforme susvisé ». Cette annulation
rétroactive de l'acte de mise en demeure aura pour but d'invalider la
procédure de résiliation puisqu'une mise en demeure
irrégulière équivaut à une absence de mise en
demeure comme l'a clairement admis le TGI du Mfoundi145.
B- L'irrecevabilité de l'action en
résiliation
La "recevabilité" est la qualité que doit
présenter la demande dont un plaideur saisit
144 Article 101 de l'AUDCG de 1997
145 « La mise en demeure qui ne respecte pas les
exigences de l'article 101(devenu article 133) de l'AUDCG n'est pas valable ;
dans ce cas le tribunal constate l'absence de mise en demeure et déboute
le bailleur de son action en résiliation judiciaire du bail ». cf.
note n°103 suscité.
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
une juridiction pour que le juge en soit
régulièrement amené à statuer. Si la demande ne
réunit pas l'ensemble des conditions fixées par la Loi, la
demande est dite "irrecevable" : le juge va la rejeter sans qu'il puisse
examiner si elle est ou non bien fondée146. Ainsi et en
dépit du principe de la liberté d'agir, la recevabilité de
toute action en justice visant la rupture du bail à usage professionnel
comme d'ailleurs toute autre action en droit processuel est subordonnée
au respect de différentes exigences cumulatives qui s'imposent. Par
exemple la capacité, la qualité ou même
l'intérêt. Le non-respect des formalités imposées
pour aboutir à un jugement valable est très souvent peu
toléré. Et sur ce point, le législateur Ohada a
prévue à l'article 133 de l'AUDCG un certain formalisme que doit
revêtir la procédure de résiliation du bail. En
l'occurrence, l'exigence de la mise en demeure en bonne et due forme. La
jurisprudence s'attache très fortement au strict respect de ce
formalisme sous peine d'irrecevabilité. La Cour d'Appel du littoral a
dans une affaire déclaré irrecevable une mise en demeure qui
correspondait plus en une sommation147.
En réalité, la sanction de la nullité qui
frappe l'acte de mise en demeure n'en rejaillit pas moins sur la
recevabilité de l'action en résiliation du bail à usage
professionnel. La nullité entrainant l'anéantissement de la mise
en demeure, bascule, du coup, les parties dans la situation d'une instance en
résiliation initiée sans mise en demeure préalable. Or,
cette irrégularité est sanctionnée par une fin de
non-recevoir tenant à l'irrecevabilité de l'action. Un jugement
du tribunal de première Instance de Bafoussam du 16 septembre 2005 a
bien campé ce débat en énonçant que : « la
mise en demeure préalable avec reproduction sous peine de nullité
des termes de l'article 101 (devenu l'article 133) de l'AUDCG est une condition
indispensable à toute résiliation d'un bail commercial ; Mais
attendu qu'en l'espèce, la sommation de payer et de libérer du 17
Mars 2003 servie au défendeur et tenant lieu de dite mise en demeure ne
satisfait pas aux exigences légales prescrites par l'article
susvisé en ce qu'elle ne reproduit aucunement les termes de ce texte ;
Qu'il échait par conséquent de déclarer cette sommation
nulle et partant irrecevable en l'état l'action de la demanderesse
». Le TPI de Bafoussam a d'ailleurs réitéré cette
solution de l'irrecevabilité dans un jugement rendu le 16 septembre 2005
dans laquelle le juge décida que : « en l'absence d'une mise
en
146 Braudo (S.), Dictionnaire juridique, 2016.
147 CA. Littoral, arrêt n°152/CC du 04 Juillet
2011, Aff. MR. JEUNGA Jean c/ Dame DIBA Georgette, Juridis périodique
n°97, Janvier-mars 2014, p. 44-45.
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
demeure préalable, la demande de résiliation
d'un contrat de bail commercial formée par le bailleur doit être
déclarée irrecevable»148.
Paragraphe 2 : l'hypothèse de la mise en demeure
adressée aux créanciers
inscrits sur le fonds de commerce
Le droit uniforme de l'OHADA a toujours aménagé
un régime de protection au profit des créanciers inscrits sur le
fonds de commerce. L'article 133 du nouvel Acte uniforme, reprenant le
dispositif prévu par l'ancien article 101 de l'Acte uniforme sur le
droit commercial général, a mis à la charge du demandeur
une obligation de notification de la demande en résiliation aux
créanciers inscrits. Aux termes de l'article 133 alinéa 5 du
nouvel Acte uniforme sur le droit commercial général «
la décision prononçant ou constatant la résiliation du
bail ne peut intervenir qu'après l'expiration d'un délai d'un
mois suivant la notification de la demande aux créanciers inscrits
». Ainsi, en cas d'inscription de créanciers sur le fonds de
commerce, le respect par le demandeur en résiliation du bail
professionnel de son obligation de notification de sa demande en justice aux
créanciers inscrits n'est pas qu'une simple formalité. Il
présente un enjeu certain pour la régularité de la
procédure de résiliation du bail. D'ailleurs, l'article 176 du
nouvel Acte uniforme sur les sûretés énonce que la
résiliation amiable ou en vertu d'une clause résolutoire de plein
droit ne peut produire effet qu'après l'expiration du délai de
notification. Dans le cadre de la résiliation judiciaire, tout se passe
comme si le juge était en face d'une « question
préjudicielle à la décision de résiliation ».
D'ailleurs, la décision prescrivant la résiliation du bail ne
peut être prononcée « qu'après l'expiration d'un
délai d'un mois » suivant l'information des créanciers
inscrits. Il s'agit d'une sorte de « délai d'attente » qui
affecte non pas le droit d'agir mais l'intervention de la décision de
justice.
La notification de l'acte introductif d'instance valant mise
en demeure au créancier d'exécuter les obligations du preneur
défaillant ou de les faire exécuter, il n'est pas logique que le
délai imparti au locataire pour s'exécuter soit différent
de celui accordé au créancier inscrit pour se substituer au
preneur. C'est la raison pour laquelle, nous pensons que c'est le délai
d'un mois prévu par l'article 133 de l'Acte uniforme portant sur le
droit commercial
148TPI de Bafoussam, JUG CIVIL N° 67 DU 16
SEPTEMBRE 2005, AFFAIRE Paroisse de la cathédrale de Bafoussam c/
ngoupou Samuel, IDEF, p. 32.
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
général qui doit être observé entre
la date de la notification de la demande en résiliation et la
décision y faisant droit. C'est un problème que soulève
l'analyse de l'AUDCG et de l'AUS. En effet, il résulte de l'article 176
alinéa 2 de l'acte uniforme sur les sûretés, reprenant
l'article 143-2 du Code de commerce français, que « la
décision judiciaire de résiliation ne peut intervenir, ni la
résiliation amiable ou en vertu d'une clause résolutoire de plein
droit produire effet, qu'après l'expiration du délai de deux mois
suivant la notification ». Alors, que l'article 133 al.5 prévoit
plutôt un délai d'un (01) mois. Faute par le demandeur
d'exécuter son obligation d'information, en principe la décision
de résiliation ne devrait pas être prononcée, cette
décision ne pouvant intervenir, selon l'article 133 alinéa 5 du
nouvel Acte uniforme « qu'après l'expiration d'un délai d'un
mois suivant la notification de la demande aux créanciers inscrits
». La formalité de la notification de la demande en justice
étant le point de départ du délai d'un mois à
l'expiration duquel la juridiction saisie devra statuer, lorsque le demandeur
n'accomplit pas cette formalité, ce délai ne court pas. Le
non-respect de l'obligation d'information des créanciers inscrits
devient alors un obstacle au prononcé de la décision de
résiliation du bail professionnel149.
L'étude des diverses décisions rendues par le
tribunal régional Hors Classe de Dakar permet de constater que les juges
sénégalais semblent assimiler le défaut de notification de
la demande en résiliation aux créanciers inscrits à
l'absence de justification de l'inexistence de créanciers inscrits sur
le fonds. Cependant, les magistrats sont divisés sur la sanction
attachée à l'absence de justification de l'inexistence de
créanciers inscrits sur le fonds. Certaines décisions, analysant
la question sous l'angle de la recevabilité de l'action en
résiliation du bail, sanctionnent cette irrégularité par
l'irrecevabilité de la demande en justice (A). D'autres
par contre parle d'inopposabilité(B).
A- L'irrecevabilité de l'action
Le demandeur a l'obligation de d'informer les
créanciers inscrits sur le fonds. S'il ne le fait pas il expose son
action à une éventuelle irrégularité. Ainsi, un
jugement rendu par le tribunal régional Hors classe de Dakar le 5
janvier 2010 a déclaré irrecevable l'action en résiliation
du demandeur au motif qu'il n'a pas produit un certificat négatif pour
établir qu'il
149Sur l'effet de l'absence de notification au
créancier inscrit de la demande de résiliation d'un bail
commercial, dans le même sens que : Chambre civile 3, 1995-12-06,
Bulletin 1995, III, n° 252, p. 170 (cassation partielle sans renvoi), et
l'arrêt cité. Sur la nécessité de notifier, à
rapprocher : Chambre civile 3, 2006-03-22, Bulletin 2006, III, n° 75, p.
62
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
n'y avait aucune inscription sur le fonds de commerce. Un
autre jugement rendu le 19 mai 2009 a énoncé que : « le
jugement prononçant la résiliation ne peut intervenir
qu'après l'expiration d'un délai d'un mois suivant la
notification de la demande aux créanciers inscrits ;Qu'en
l'espèce le demandeur n'a pas daigné produire un certificat
négatif de nantissement et ce, malgré le rabat du
délibéré qui a été opéré
à cette fin ;Qu'il échait en conséquence de
déclarer irrecevable la demande d'expulsion ». Plus
récemment, un jugement rendu par le tribunal régional Hors Classe
de Dakar du 14 décembre 2011 a déclaré irrecevable une
action en résiliation de bail professionnel au motif que le demandeur
n'avait pas respecté son obligation de notification de la demande en
justice aux créanciers inscrits.
D'autres décisions, moins nombreuses,
appréhendent la question l'obligation d'information des
créanciers inscrits comme une condition de fond de la demande en
résiliation qu'ils sanctionnent par une décision de
débouté au fond. Quoi qu'il en soit, dès lors que le
demandeur n'a pas respecté son obligation d'information à
l'égard des créanciers inscrits, l'affaire n'est pas en
état d'être jugée, puisque d'après l'article 133
alinéa 5 du nouvel Acte uniforme, la décision de
résiliation ne peut être prononcée qu'après
l'expiration du délai d'un mois à compter de la notification de
la demande en justice aux créanciers inscrits.
B - L'Opposabilité de la décision aux
créanciers non informés
En droit français, la jurisprudence
répète inlassablement que, bien que l'article 143-2 du Code de
commerce, repris à la lettre par l'article 133 de l'Acte uniforme sur le
droit commercial général soit taisant sur ce point, la
résiliation est inopposable aux créanciers inscrits non
informés. Un auteur a pu parler à ce sujet d'une « vigueur
de la sanction ». La chambre civile de la Cour de cassation
française, dans un arrêt du 12 juillet 2006, a déjà
jugé que « l'inopposabilité de la résiliation
intervenue est acquise de plein droit dès lors que le bailleur a
manqué à ses obligations à l'égard des
créanciers inscrits». Un commentateur de cette décision
a écrit qu'il s'infère de cette solution prétorienne que
« toute tentative de régularisation de l'absence de
notification ou d'une notification tardive de l'assignation en
résiliation est vouée à l'échec». En
raison de l'irrévocabilité de l'inopposabilité de la
résiliation, cette sanction jouera même si les créanciers
ont eu connaissance des défaillances du débiteur et n'avaient
rien fait pour y remédier. L'obligation de notification prévue
par l'article 133 de l'Acte uniforme sur le droit commercial
général semble être érigée à la
dignité d'une formalité impérative. La sanction rigoureuse
de l'inopposabilité offre au créancier
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
inscrit non informé un triple recours qui constitue des
substitutifs au nantissement du fonds.
D'abord, le créancier non informé peut
poursuivre la réalisation de son gage incluant le droit au bail, alors
même que ce bail est résilié dans les rapports entre le
bailleur et le locataire.
Ensuite, il peut former tierce opposition à la
décision prononçant ou constatant la résiliation du bail
dans les conditions énoncées aux articles 281 et suivants du Code
de procédure civile du Sénégal. Aussi, le jugement rendu
sur tierce opposition et reconnaissant aux créanciers inscrits le droit
au maintien du bail pour sauvegarder leur gage, a-t-il pour conséquence
la rétractation de la décision de résiliation à
l'égard de toutes les parties, y compris à l'égard du le
locataire. Cette rétractation produit des effets à l'égard
de toutes les parties, en raison de la nature indivisible des obligations
découlant du bail. La conséquence de cette indivisibilité
est que le bailleur doit recommencer l'ensemble des opérations
nécessaires pour arriver à la résiliation, notamment la
notification de l'action en résiliation aux créanciers
inscrits.
Enfin, le créancier inscrit qui aurait subi un
préjudice du fait de l'inobservation de la formalité
prévue par l'article 133 de l'Acte uniforme sur le droit commercial
général, est en droit, dans les conditions du droit commun, de
réclamer la réparation de ce dommage qui peut être
égal au montant non payé de sa créance
SECTION 2: LE SORT DU BAIL À USAGE
PROFESSIONNEL
Le non-respect par l'une des deux parties des exigences
posées par l'article 133 de l'Acte Uniforme relatif au Droit Commercial
Général en termes de mise en demeure aura une incidence sur le
bail à usage professionnel conclu entre le bailleur propriétaire
du local et le preneur locataire. À cet effet, tout défaut d'acte
de mise en demeure ou de mise en demeure irrégulière invalidera
la procédure de rupture du bail et la première conséquence
est la continuité des relations contractuelles entre les parties
jusqu'à la régularisation de la procédure d'où la
survie du bail (Paragrahe1) qui se suivra par le paiement
d'une indemnité d'éviction selon le cas (Paragraphe
2).
73
74
75
76
77
78
79
80
81
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
Paragraphe 1 : la survie du Bail à usage
professionnel
La survie du bail suppose que l'on considèrera que les
parties doivent être remises à l'état où elles se
trouvaient avant la décision frauduleuse. Le preneur doit se maintenir
dans les lieux s'il y était encore (A) ou qu'il doit
être réintégré s'il avait déjà
été expulsé (B).
A- Le maintien dans les lieux loués
Le locataire doit être maintenu dans les lieux
dès lors qu'il est établi qu'il a été
expulsé irrégulièrement. L'expulsion est
irrégulière lorsqu'elle ne se base sur aucune décision ou
sur une décision irrégulière. Si le locataire n'avait pas
encore libéré les lieux loués, il pourra demander son
maintien jusqu'à ce qu'une décision régulière l'en
expulse. Ainsi, tout bailleur qui serait tenté par exemple d'expulser de
fait le locataire pourra se heurter au refus de ce dernier de libérer.
Une affaire rendue par la Cour d'Appel d'Abidjan témoigne bien de
l'importance donnée au strict respect des règles concourant
à l'expulsion du preneur150. Si par contre l'expulsion a
été poursuivie sans congé préalable comme l'exigent
les articles 123 et 133 de l'AUDCG, le juge des référés
peut être saisi pour ordonner le maintien du locataire dans les lieux
loués151.
B- La réintégration dans les lieux du
preneur expulsé
La réintégration du preneur est l'une des
diverses mesures prises par les juges pour rétablir le locataire preneur
dans ses droits. Ceci est d'autant vrai qu'une procédure mal
menée peut conduire néanmoins à une expulsion
injustifiée du preneur des locaux loués. De plus, le bailleur
peut même être fondé dans son action mais ne respecte
pourtant pas la procédure prévue à l'article 133 de
l'AUDCG. La jurisprudence ne s'accommode pas d'une situation pareille
puisqu'elle sanctionne le bailleur qui n'ayant pas adressé de mise en
demeure, souhaitait néanmoins l'expulsion du preneur
locataire152. Cette réintégration doit permettre au
locataire de retrouver l'usage des locaux desquels il fut expulsé
irrégulièrement.
150 CA Abidjan, n° 361, 27-3-2001 : N c/ A, Le Juris
Ohada, n°1/2003, Janvier-mars 2003, p.54, Ohadata J-03118.
151 CA Abidjan, Ch. civ. & com., n° 774, 9-7-2004 :
Sté SOTRANSYA c/ Sté IBN TRANSPORTS, Ohadata J05-326.
152 la procédure d'expulsion subséquente est
entachée d'une nullité formelle et le jugement entrepris doit
être infirmé en ce qu'il a, sur la base de l'article 1728 du Code
civil, prononcé la résiliation du bail et ordonné
l'expulsion du preneur ; la réintégration du preneur doit
être ordonnée (CA Abidjan (Côte d'Ivoire), 4e ch.
civ. & com., n° 670, 2-6- 2006 : M. M. B. A. c./ Ayants- droit de Feu
El Hadji V. D., obs. J. Issa- Sayegh, Ohadata J11-28).
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
La jurisprudence a décidé que s'agissant d'un
restaurant, le bailleur qui n'a pas respecté les termes de leur contrat
faisant obligation à la partie voulant se dégager, d'en informer
l'autre un mois avant la rupture effective, et qui ne s'est pas non plus
conformé aux prescriptions d'ordre public de l'article 101 (devenu 133)
de l'AUDCG a commis une voie de fait qu'il convient de faire cesser en
ordonnant la réouverture du restaurant et la réintégration
du preneur dans les lieux153. Toutefois, une expulsion n'est
régulière que si les conditions et la procédure de
résiliation ont été respectées. À cet effet,
l'expulsion du preneur a été jugée
irrégulière dès le moment où le commandement de
payer ou la mise en demeure n'est pas conforme aux dispositions prescrites par
l'article 133 de l'AUDCG. Cette mise en demeure n'étant pas valable,
l'ordonnance d'expulsion doit être infirmée pour non-respect de
l'article sus cité. La Cour d'Appel de Douala a rendu dans une
décision allant dans ce sens et un attendu mérite bien
d'être cité : « Attendu que les dispositions de l'article 101
AUDCG sont d'ordre public, toute procédure d'expulsion n'étant
pas précédé d'une mise en demeure, devrait être
déclaré irrecevable»154. Puisque
l'irrégularité de la mise en demeure est assimilée
à son absence155, la procédure de résiliation
en résultant par cet effet est nulle elle-même. Par
conséquent, les parties sont remises au même état où
elles étaient avant l'ordonnance d'expulsion
irrégulière156. Il a déjà
été procédé à l'expulsion du preneur, le
juge peut ordonner sa réintégration. À titre d'exemple, la
Cour d'Appel de Daloa a ordonné la réintégration du
preneur dans les lieux en cas de résiliation irrégulière,
s'agissant du bail d'un local servant de restaurant. En effet, elle soutient
que le bailleur qui n'a pas respecté les termes de leur contrat faisant
obligation à la partie voulant se dégager, pour des raisons
justifiées, d'en informer l'autre un mois avant la rupture effective, et
qui ne s'est pas non plus conformé aux prescriptions d'ordre public de
l'article 101(devenu 133) de l'AUDCG a commis une voie de fait qu'il convient
de faire cesser en ordonnant la réouverture du restaurant et la
réintégration
153 CA., de Daloa, n°295,20-11-2002 : K.K. c/ S.G, le
Juris Ohada, n°4/2005, Juillet-Septembre 2005, p.32 ; Ohadata
J-06-19.
154CA Littoral à Douala, arrêt n°
58/ réf du 21 AVRIL 2003, MOHAMED Aref c/ FONKA Louis. ; CA Abidjan,
n°279, 6-3-2001 : Sté PAGOTO c/ O, OhadataJ-04-114, Le Juris
Ohada, N°3/2003, Juillet-septembre 2003, P.55 ; TGI de la Menoua
à Dschang, n° 28/CIV,10-3-2003 : Amicale des Anciens Combattants,
Anciens militaires et victimes de Guerre de la Menoua c/ ZEBAZE Pierre, Ohadata
J-05-111 « Faute de mise en demeure, la procédure de
résiliation et l'ordonnance d'expulsion qui en est résulté
doivent être frappées de nullité. »
155La mise en demeure qui ne respecte pas les
exigences de l'article 101 [devenu 133] de l'AUDCG n'est pas valable ; dans ce
cas le tribunal constate l'absence de mise en demeure et déboute le
bailleur de son action en résiliation judiciaire du bail (TPI
Yaoundé (Cameroun), Centre Administratif, Ord. N°477/C, 1-9-2008 :
Sté AGF Cameroun Assurances contre Techni-Cameroun, Journal Le Jour,
Faty and Sister Compagnie et autres, Ohadata J-09-225).
156 CA Yaoundé, n° 222/Civ, 14-3-2003 : NGOUNOUN
NGATCHA Benjamin c/ NOUMESSI Gilbert, F. AHO et al. OHADA : Jurisprudences
nationales. Ed. BENIN CONSULTING GROUP, Cotonou (Bénin) : 2004, P.47.
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
du preneur dans les lieux157. On peut
également citer l'arrêt rendu par la Cour d'Appel d'Abidjan en
date du 02 Juin 2006158dans lequel le juge rappelle que l'exploit de
congé servi au preneur n'est pas une mise en demeure valable ; la
procédure d'expulsion subséquente est entachée d'une
nullité formelle et le jugement entrepris doit être infirmé
en ce qu'il a, sur la base de l'article 1728 du Code civil, prononcé la
résiliation du bail et ordonné l'expulsion du preneur ; la
réintégration du preneur doit être ordonnée.
Le bailleur a donc l'obligation de remettre le local à
la disposition du preneur notamment à travers la remise des clés.
Mais cependant une question se pose ici : celle de savoir si le preneur a un
délai pour réintroduire le local ? À cette question la
Cour de Cassation par un Arrêt du 06 mai 1964 réponds par
l'affirmative en imposant au preneur de réintégrer le local dans
un délai raisonnable faute pour lui de le faire le bailleur pourra le
louer à un autre locataire.
Par ailleurs que se passera-t-il si le local avait
déjà été loué à une autre personne ?
Dans pareil cas, les notions de bonne foi et mauvaise foi guideront notre
logique. Ainsi, nous pensons que le locataire de bonne foi sera maintenu dans
le local, le preneur expulsé ne pouvant se contenter que d'une
indemnité d'éviction. Par contre, si le tiers était de
mauvaise foi, les choses seront autrement puisqu'il sera évincé
compte tenu qu'il savait que l'expulsion n'était pas
régulière. Ainsi il devra libérer pour permettre à
l'ancien preneur de réintégrer les dits lieux.
Paragraphe 2 : l'octroi de l'indemnité
d'éviction
Le droit au renouvellement reconnu au locataire est
destiné à lui assurer la protection et la stabilité du
fonds de commerce exploité dans les lieux loués. Cette protection
est toutefois conditionnée : le locataire doit lui-même remplir
les conditions d'application du statut. À défaut, il n'aura droit
ni au renouvellement ni au paiement d'une indemnité d'éviction.
S'il bénéficie de ce droit au renouvellement, cela ne veut pas
dire que le bailleur soit obligé de lui accorder. Il peut arriver que le
bailleur refuse de renouveler le bail et ce pour des raisons justifiées
: soit il pourra invoquer un motif grave et légitime159 ou un
droit de
157 CA Daloa, n°295, 20-11-2002 : K.K. c/ S.G, Le Juris
Ohada, n° 4/2005, Juillet-septembre 2005, p.32, Ohadata
J-06-19.
158 CA Abidjan (Côte d'Ivoire), 4ech. civ. & com.,
n° 670, 2-6- 2006 : M. M. B. A. c./ Ayants- droit de Feu El Hadji V. D.,
obs. J. Issa- Sayegh, Ohadata J- 11-28
159 Cf., article 127 : « Le bailleur peut s'opposer au
droit au renouvellement du bail à durée déterminée
ou indéterminée, sans avoir à régler
d'indemnité d'éviction, dans les cas suivants :
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
reprise160. Mais, si le bailleur ne respecte pas la
procédure de refus de renouvellement telle que décrite à
l'alinéa 1(1) de l'article 127 de l'AUDCG, par exemple lorsqu'il omet ou
simplement refuse d'adresser de mise en demeure, pourra-t-on le contraindre
à le faire ? La jurisprudence dans une espèce y répond par
la négative. À cet effet, s'agissant de la sanction pour absence
de mise en demeure ; la question était de savoir si le preneur pouvait
s'en prévaloir afin de poursuivre le bail. La cour de cassation a
considéré que :« l'absence de mise en demeure
régulière, si elle est établie, laisse subsister le refus
de renouvellement mais ouvre droit, pour le preneur, au paiement d'une
indemnité d'éviction »161. Le droit du
locataire au renouvellement se heurte donc au droit de propriété
du bailleur, qui souhaite reprendre le bien loué. Afin de
protéger le fonds de commerce du locataire, il s'agira alors de
réparer l'intégralité du préjudice subi du fait de
l'éviction. Le plus souvent, cette indemnité d'éviction
versée par le bailleur permet au locataire de se réinstaller et
de poursuivre son activité.
Il sera donc question pour mieux explorer la question de
consacrer une première analyse au régime juridique de
l'indemnité d'éviction (A), pour plus loin
s'interroger sur les règles relatives à son règlement
(B).
1) S'il justifie d'un motif grave et légitime à
l'encontre du preneur sortant. Ce motif doit consister soit dans
l'inexécution par le locataire d'une obligation substantielle du bail,
soit encore dans la cessation de l'exploitation de l'activité.
Ce motif ne peut être invoqué que si les faits
se sont poursuivis ou renouvelés plus de deux mois après une mise
en demeure du bailleur, par signification d'huissier de justice ou notification
par tout moyen permettant d'établir la réception effective par le
destinataire, d'avoir à les faire cesser.
2) S'il envisage de démolir l'immeuble comprenant les
lieux loués, et de le reconstruire. Le bailleur doit dans ce cas
justifier de la nature et de la description des travaux projetés. Le
preneur a le droit de rester dans les lieux jusqu'au commencement des travaux
de démolition, et il bénéficie d'un droit de
priorité pour se voir attribuer un nouveau bail dans l'immeuble
reconstruit.
Si les locaux reconstruits ont une destination
différente de celle des locaux objets du bail, ou s'il n'est pas offert
au preneur un bail dans les nouveaux locaux, le bailleur doit verser au preneur
l'indemnité d'éviction prévue à l'article 126
ci-dessus»
160 L'article 128 : « Le bailleur peut, sans versement
d'indemnité d'éviction, refuser le renouvellement du bail portant
sur les locaux d'habitation accessoires des locaux principaux, pour les habiter
lui-même ou les faire habiter par son conjoint ou ses ascendants, ses
descendants ou ceux de son conjoint.
Cette reprise ne peut être exercée lorsque le
preneur établit que la privation de jouissance des locaux d'habitation
accessoires apporte un trouble grave à la jouissance du bail dans les
locaux principaux, ou lorsque les locaux principaux et les locaux d'habitation
forment un tout indivisible ».
161 Civ. 3ème, 19 décembre 2012, n°
de pourvoi 11-24.251 Publié au Bulletin.
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
A- Le régime juridique de l'indemnité
d'éviction
L'article 127 alinéa 1 de l'Acte Uniforme énonce
sans équivoque que : « Le bailleur peut s'opposer au droit au
renouvellement du bail à durée déterminée ou
indéterminée sans régler au locataire une indemnité
d'éviction ». Mais si cette procédure de refus de
renouvellement est menée en ignorance de l'obligation de mise en demeure
pesant sur le bailleur, celui-ci sera tenu au versement d'une indemnité
d'éviction162. Le paiement de l'indemnité apparait
donc comme une autre manifestation de la propriété
commerciale''. Instituée dès l'origine par les textes anciens sur
les baux commerciaux163, l'indemnité d'éviction se
trouve aujourd'hui au coeur du droit au renouvellement du bail commercial. Afin
de mieux comprendre sa place dans la procédure de renouvellement, nous
nous interrogerons sur sa véritable nature juridique avant de nous
pencher sur l'identification des parties en présence. Il n'en demeure
cependant pas moins que l'indemnité d'éviction est une
indemnité compensatrice et pour ce faire, doit être
calculée suivant un certain nombre de critères légaux.
1- Nature de l'indemnité d'éviction
L'indemnité d'éviction, de par sa nature, est
une indemnité compensatrice. Elle compense ainsi le préjudice
subi par le locataire du fait du refus de renouvellement164, refus
considéré par certains comme un abus de droit, tandis que
d'autres trouvent son fondement dans le concept même de
propriété commerciale''. L'indemnité
d'éviction serait alors une indemnité
d'expropriation'' due par le propriétaire de l'immeuble au
propriétaire commercial à. Elle doit compenser autant que
possible les droits qui découlaient du renouvellement du bail
commercial, c'est donc une sorte de dommages-intérêts.
En effet, l'indemnité d'éviction compense le
préjudice subi par le locataire non seulement du fait de la perte
matérielle du fonds, mais également en raison des frais
supplémentaires que lui occasionne l'acquisition d'un autre fonds. Elle
sera fixée compte-
162l'absence de mise en demeure
régulière, si elle est établie, laisse subsister le refus
de renouvellement mais ouvre droit, pour le preneur, au paiement d'une
indemnité d'éviction.
163 Voir art. 4 Loi du 30 juin 1926.
164 Cette fonction de l'indemnité d'éviction
était déjà celle retenue par le législateur de 1926
(art.4).
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
tenu des 'éléments de
perte''165 que le locataire aura à subir et des
'éléments de gains'' dont il sera privé,
c'est-à-dire le trouble commercial ou manque à
gagner''166, depuis la fermeture de l'ancien fonds jusqu'à la
réouverture du nouveau.
Ainsi présentée, l'indemnité
d'éviction vise essentiellement la protection du fonds de commerce et
qui peut résulter du non-renouvellement du bail. Ce non-renouvellement
peut être le fait d'une procédure de renouvellement mal
menée, par exemple en cas de défaut de mise en demeure, ayant
conduit le bailleur non à être contrains de continuer de louer son
local mais à devoir verser au propriétaire une indemnité
d'éviction. Néanmoins, il peut arriver que le droit au bail
constitue à lui-seul l'élément le plus important du fonds.
Dans ce cas, le préjudice représenté par la perte de ce
droit aura alors une valeur supérieure à celle du fonds
lui-même, en raison du potentiel de développement qu'il
représente. Ainsi, dans cette hypothèse, l'indemnité
d'éviction est considérée comme protectrice non plus du
fonds, mais plutôt du seul droit au bail167.
Quant à son montant, l'indemnité
d'éviction présente un caractère d'indivisibilité.
En découle le fait qu'en cas de refus de renouvellement pour motif grave
et légitime retirant au locataire tout droit au versement d'une telle
indemnité, il ne sera pas possible pour les juges d'imposer le paiement
d'une indemnité d'éviction dont le montant aurait
été minoré en fonction du caractère plus ou moins
grave du motif de non-renouvellement. En d'autres termes, l'indemnité
d'éviction doit être versée dans son
intégralité ou ne pas être versée du tout, aucune
situation intermédiaire n'étant possible. En vertu de ce
caractère d'indivisibilité, l'indemnité d'éviction
devra également couvrir l'entier préjudice du locataire alors
même que celui-ci n'est évincé que de la partie des locaux
affectée à un usage commercial dans l'hypothèse d'un bail
mixte portant sur des locaux affectés en partie à un usage
d'habitation et en partie à un usage commercial. En somme, si
l'indemnité d'éviction compense effectivement les
préjudices matériels et financiers subis par le locataire, elle
est cependant loin de couvrir tous les effets néfastes nés du
refus du propriétaire de renouveler le bail du commerçant,
d'où l'ampleur des difficultés pouvant résulter du refus
de renouvellement.
165 Il s'agit notamment de la valeur du fonds, des droits
d'enregistrement et taxes locales à payer pour l'achat d'un fonds de
même valeur,, des frais des intermédiaires et rédacteurs
d'actes, des frais de déménagement et de réinstallation,
des indemnités de licenciement dues au personnel salarié
évincé des lieux.
166 Tel par exemple la perte de clientèle.
167Mais cette solution a été
critiquée en doctrine car étant de nature à engendrer des
spéculations sur la valeur du droit du bail. (Voir DE JUGLART (M.) et
IPPOLITO (B.) Droit commercial, vol 1, éd Montchrestien, Paris,
1980, 744 pages).
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
2- Calcul de l'indemnité
d'éviction
L'évaluation du préjudice dépend tout
d'abord de leur nature : matériel et financier. Cependant, l'Acte
uniforme en son article 94 de même que la loi française ne
prennent pas en compte l'indemnisation du préjudice moral.168
En effet c'est le dommage qui est causé d'une manière volontaire
ou involontaire. Le préjudice peut être le fait d'une personne, la
survenance d'un événement naturel etc. Il peut affecter la
personne dans son patrimoine ; il consiste soit dans une perte soit des
dommages causés aux biens, soit encore dans la suppression ou la
diminution des revenus. Et si on analyse la situation du preneur
évincé il est certain qu'une diminution des revenus et du
patrimoine n'est pas à écarter des conséquences du refus
du renouvellement par le propriétaire ; qu'il soit légitime ou
illégitime. La réinstallation du fonds dans un autre immeuble
demande l'emploi de nouvelles ressources financières et en France
'le pas de porte''169 est exigé par certain
propriétaire .Ainsi le préjudice moral est certain ; En ce sens
que le locataire sera obligé dans une certaine mesure à
réemployer des sommes d'argent pour continuer son exploitation
commerciale. La réparation doit donc prendre en compte la perte subie et
le gain manqué.
Le refus de renouvellement s'accompagne forcément d'une
indemnité, cette dernière devant réparer le
préjudice subi par le locataire du fait de l'éviction. À
cet effet, le calcul de l'indemnité d'éviction s'effectue
généralement sur la base de certains éléments
fixés par la Loi. Par ailleurs, si le bailleur n'entend
pas payer tout ou partie de cette indemnité il lui appartient alors de
faire la démonstration d'un « préjudice moindre » subi
par son locataire. L'indemnité d'éviction comprend notamment la
valeur marchande du fonds de commerce. L'un des éléments les plus
importants du fonds de commerce est le droit au bail. Des auteurs le
définissent comme étant « l'élément qui
mesure l'intérêt pour un exploitant d'être situé
à un emplacement donné pour exploiter un commerce donné
moyennant un loyer donné170». Dans le cadre de
l'indemnité d'éviction, il s'agit de calculer la perte du droit
au bail par le preneur évincé qui représente le
préjudice à indemniser.
Sont à cet effet souvent pris en compte les frais de
déménagement et de réinstallation. Ainsi, Si le locataire
a déjà quitté les lieux au moment où le tribunal
statue, il suffira d'ajouter à l'indemnité
168Mais si on s'en tient à la
définition de ce type de préjudice, il importait pourtant d'en
prendre compte pour l'évaluation des dommages subi par le
commerçant évincé.
169 Il s'agit des sommes d'argent versé avant l'occupation
des lieux.
170Droit et pratique des baux commerciaux, Dalloz,
n° 550-130, p. 565
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
principale le montant des frais de déménagement
et de réinstallation déboursés par le locataire
évincé sur justification. Néanmoins, seuls les frais
normaux sont pris en compte, ce qui exclut les dépenses somptuaires. Les
frais de réinstallation, dès lors qu'ils ont un caractère
indispensable pour l'exercice de l'activité du preneur, doivent
être pris en considération même s'ils apportent une
plus-value à l'immeuble acquis par celui-ci. Le locataire
évincé qui a acquis des locaux en vue d'y transférer son
activité doit très normalement adapter la distribution desdits
locaux à son activité future. Les dépenses que cette
adaptation implique y compris le renforcement de la structure de l'immeuble
pour accueillir dans de bonnes conditions, d'une part, la clientèle et
le personnel, d'autre part, l'équipement de distribution de monnaie sont
totalement induites par la nécessité par le locataire de
transférer ses équipements et doivent donc être prises en
compte pour le calcul de l'indemnité d'éviction. Peu importe que
ces dépenses correspondent à des travaux de gros oeuvre apportant
une plus-value à l'immeuble. Le locataire n'a pas à supporter les
frais d'une réinstallation coûteuse à proportion du
degré d'amortissement des investissements qu'il abandonne par la
contrainte et ne doit conserver à sa charge que les seuls travaux qui
auraient dû être refaits à brève
échéance dans le local abandonné qui ne relèvent
pas en leur valeur à neuf des frais normaux de réinstallation
mais correspondent à court terme à une économie
d'investissement que le bailleur n'est pas tenu de supporter. En
conséquence, si les nouveaux locaux acquis par le preneur pour
transférer son fonds de commerce lui ont été livrés
sans aucun aménagement et qu'il est indispensable qu'il les adapte
à son activité, le bailleur devra supporter une partie de ces
travaux d'aménagement.
B- Le règlement de l'indemnité
d'éviction
À titre de rappel, le droit à l'indemnité
naît au jour du refus de renouvellement, mais l'évaluation doit
être effectuée à la date la plus proche du jour de
l'éviction effective171. Il s'agira donc pour le bailleur
dès lors que cette indemnité est calculée de la payer.
Mais certaines modalités entourent néanmoins le paiement de
celle-ci. En outre qu'adviendra-t-il si le bailleur refuse de
régler cette indemnité ? D'où l'idée des
difficultés liées au non-paiement. Les modalités de
paiement de l'indemnité d'éviction sont multiples.
Concernant les modalités de règlement de
l'indemnité tenant à sa fixation, c'est l'article 126
alinéa 1er traite de la question. Cet article dispose que :
« À défaut d'accord sur le
171 Notamment à la date à laquelle le locataire
doit vider les lieux, car c'est à ce moment que le préjudice se
réalise ; ou à défaut à la date où le juge
statue si cette éviction n'est pas encore réalisée.
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
montant de cette indemnité, celle-ci est
fixée par la juridiction compétente en tenant compte notamment du
montant du chiffre d'affaires, des investissements réalisés par
le preneur, de la situation géographique du local et des frais de
déménagement imposés par le défaut de
renouvellement ». Aux termes de cet article, l'on peut constater en
premier point qu'il revient selon les vouloirs du législateur aux
parties de fixer le montant de l'indemnité à payer. Donc, il
s'agit d'une fixation conventionnelle à la base. Le texte suscité
va plus loin en suppléant au silence des parties. En effet, à la
lecture de ce texte, le juge est en cas de silence des parties, habilité
à fixer cette indemnité et ce sur la base
d'éléments énumérés par ce même
article. Par ailleurs, le juge peut désigner un expert chargé de
l'évaluation de l'indemnité à verser.
Concernant les modalités de règlement de
l'indemnité tenant aux parties, celle-ci peut être versée
au locataire directement ou entre les mains d'un séquestre, auquel cas
le délai imparti pour libérer les lieux ne commence à
courir qu'à partir de la notification au locataire du versement de
l'indemnité au séquestre. Le séquestre ne se
libérera de l'indemnité entre les mains du locataire que lorsque
ce dernier aura justifié auprès de lui qu'il a bien quitté
les locaux, s'est acquitté des impôts, loyers et
réparations locatives et qu'aucun créancier n'a formé
d'opposition. Cependant que se passe-t-il quand le bailleur ne donne pas de
verser cette indemnité ?
En vertu de l'article L. 145-28 du Code de commerce
Français, « aucun locataire pouvant prétendre à
une indemnité d'éviction ne peut être obligé
à quitter les lieux avant de l'avoir reçue. Jusqu'au paiement de
l'indemnité d'éviction, il a droit au maintien dans les lieux aux
conditions et clauses du contrat de bail expiré. ». Ainsi,
l'éviction consécutive au refus de renouvellement
discrétionnaire du bailleur ne peut, pour des raisons pratiques, avoir
d'effet automatique et contraindre le preneur à quitter les lieux le
jour du congé. Ainsi, si théoriquement la relation contractuelle
a cessé à compter du jour du refus de renouvellement, il n'en
reste pas moins que le preneur dispose du droit de rester dans les lieux
jusqu'au complet paiement de l'indemnité d'éviction. Ainsi en
droit Français, Après avoir perçu l'indemnité
d'éviction, le locataire dispose de trois mois pour quitter les
lieux.
Qu'en est-il si le locataire continuait à se maintenir
sur les lieux loués après avoir perçu son indemnité
et ce contre le gré du bailleur ? Dans ce cas, le preneur sera tenu
au
82
83
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
paiement d'une indemnité d'occupation172
L'indemnité d'occupation doit correspondre à la valeur locative
et se calcule par référence à un loyer
déplafonné. Toutefois, à la défaveur du bailleur,
la pratique judiciaire révèle que les juges appliquent un
coefficient d'abattement en raison de la précarité de
l'occupation.
En définitive, le preneur quittera les lieux
après paiement intégral de l'indemnité d'éviction
du bailleur. Pour faciliter le règlement, les parties peuvent convenir
que les créances seront compensées selon les règles de
l'article 1289 et suivants du Code civil Camerounais. La jurisprudence
reconnaît que la compensation peut produire ses effets dès lors
qu'une décision juridictionnelle a reconnu la réciprocité
des dettes. L'étude du refus de renouvellement sans indemnité
d'éviction révèle que le bailleur sort affaibli de la
lutte entre droit de propriété et droit à la
propriété commerciale dès lors qu'elle est mal
menée173. Il revient donc à la partie diligente, et
très souvent le bailleur, de régulariser la procédure en
respectant par exemple l'exigence de mise en demeure faisant défaut.
*
* *
En conclusion, l'absence de mise en demeure a pour
inconvénient de remettre en cause toute la procédure de
résiliation. Dès que les conditions à remplir par la
procédure ne sont pas respectées, il y a lieu de sanctionner
celle-ci. Mais, il est possible à la partie vis-à-vis de laquelle
la sanction de la procédure porte grief, d'effectuer les diligences
manquantes.
En effet, il est possible que la partie n'ayant pas
adressé de mise en demeure n'était pas informé de
l'exigence d'un tel impératif, et par là même, a
engagé une procédure qui se vouait déjà être
irrégulière. Ainsi, lui est donc possible de régulariser
la situation en adjoignant à la procédure l'acte de mise en
demeure faisant défaut. En outre, celle qui le
172 Sauf dans l'hypothèse où celui s'est
retrouvé dans un cas fortuit ou une force majeure l'empêchant
d'effectuer la remise des clés du local.
173 Les montantsdéfinitifs des indemnités
d'éviction, qu'elles soient de remplacement ou de déplacement,
peuvent atteindre des montants très exorbitants.
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
savait et est passée outre, devra subir les
conséquences attachées à l'absence de mise en demeure :
nullité de la procédure, paiement de l'indemnité
d'éviction. Il s'agit donc de sanctionner le non-respect d'une mention
prévue par le législateur Ohada et indispensable à
l'information de la partie fautive, le législateur étant
fidèle à son désir de préserver la stabilité
des relations contractuelles gages d'essor dans les affaires dans l'espace
OHADA.
84
CONCLUSION GÉNÉRALE
85
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE
On constate que le législateur Ohada a
préservé les éléments fondamentaux de la protection
des contrats commerciaux parmi lesquels le bail commercial. C'est la raison
pour laquelle une exigence d'une mise en demeure fut imposée. Cette mise
en demeure produit des effets d'ailleurs comme tout acte de procédure.
Cependant en cas de violation des exigences légales posées, des
sanctions sont prévues quoique, toutes n'étant pas
expressément prévues par l'AUDCG.
Primo, la mise en demeure est un acte informant la partie
défaillant d'avoir à s'exécuter. Une telle
possibilité peut être saisie par le débiteur de
l'obligation, qui peut dès lors régulariser sa situation en
exécutant les obligations faisant défaut. Plus loin, il est aussi
donner une possibilité aux créanciers inscrits sur le fonds du
preneur d'exécuter les obligation manquantes ou même de
contraindre ce dernier à les exécuter. Si donc, elle n'y arrive
pas, c'est-à-dire en cas de non régularisation, deux effets
seront produits : soit elle entraîne la résiliation du bail avec
toutes ses conséquences, soit un refus de renouvellement tel que
prévues respectivement aux articles 133 et 127 de l'Acte Uniforme
relatif au droit commercial général.
Secundo, rappelons que comme tout acte juridique
irrégulier, la mise en demeure peut faire l'objet de diverses sanctions
lorsqu'il est établi qu'elle ne respecte pas les conditions de
validité174. Déjà le bail, dont la
résiliation est irrégulière, sera maintenu jusqu'à
ce qu'une procédure régulière soit menée. Comme
corollaire la réintégration du preneur dans les lieux s'il
était déjà expulsé ou son maintien s'il n'en
n'était pas encore expulsé. Cette irrégularité peut
aussi aboutir dans l'hypothèse contraire au versement d'une
indemnité d'éviction en bonne et due forme.
174 Article 133 de l'AUDCG.
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
86
87
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
En définitive, prévue et aménagée
pour protégée le bail professionnel, la mise en demeure a
été placé au rang d'une formalité d'ordre public
par le législateur OHADA à l'article 234 alinéa 1 de
l'AUDCG. En effet, l'ordre public attaché à cette mention a pour
objectif de préserver la propriété commerciale sans
laquelle le preneur professionnel se trouverait dans une
insécurité intempestive, puisque c'est elle qui lui permet de se
prévaloir du renouvellement de son bail ou à défaut, d'une
indemnité d'éviction qui pourra lui permettre de se
réinstaller ailleurs en cas de refus de renouvellement par le bailleur.
Elle a pour but d'informer la partie défaillante de l'inexécution
des obligations qui sont pourtant siennes et de l'inciter à les
exécuter. Il s'agit donc d'une dernière chance donnée pour
remplir les obligations contractuelles faillies. Ceci explique dont pourquoi le
législateur a encadré rigoureusement les règles
applicables à la mise en demeure, à travers l'article 133 du
nouvel AUDCG, en lui donnant un rôle quasi incontournable dans les
procédures emportant rupture du bail professionnel.
En effet, toute procédure dont la finalité est
la rupture du lien contractuel qu'est en l'occurrence le bail doit
nécessairement faire intervenir un acte de mise en demeure en termes d'
« ultimatum » donné au locataire ou au bailleur selon le cas.
Comme nous l'avons dit plus haut, cette mise en demeure sert à
l'information de la partie défaillante. En effet, il peut arriver comme
cela est très souvent le cas, que la parte débitrice de
l'obligation ne l'a pas exécuté en ignorance de cause. Il est
donc nécessaire de lui donner la possibilité de
régulariser une situation dont les conséquences auraient pu
être néfastes à son égard. Dans cette situation, le
preneur peut prendre toutes les mesures qu'il juge utiles pour exécuter
les obligations manquantes ou faire cesser le trouble résultant de son
fait ou d'un tiers proche. Bien plus, les créanciers du preneur doivent
être informés de la procédure de résiliation contre
leur débiteur. Cette exigence permettra à ces derniers s'ils le
souhaitent d'exécuter les obligations faillies de leur
débiteur.
En outre, retenons que selon les cas de rupture, la mise en
demeure s'applique différemment. Mais, le but visé est le
même : l'évitement de la rupture du bail gage de l'essor des
affaires dans l'espace OHADA. Le bail professionnel est considéré
comme l'un des éléments les plus importants du fonds de commerce,
et par là même, il est donc primordial de le protéger et
d'en assurer la survie. Cependant, il arrive souvent et très souvent que
le respect de l'exigence de mise en demeure ne soit pas avéré.
Dans pareil cas, le législateur OHADA, n'ayant pas été
très explicite sur les sanctions applicables en cas d'absence de mise
en
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
demeure, il demeure que la jurisprudence emboîtant le
pas, semble avoir trouvé des pistes de réponses au
problème des sanctions en cas d'absences de mise en demeure. À
cet égard, il est impératif pour la partie exprimant son
intention de mettre un terme au bail d'en informer l'autre par une lettre de
mise en demeure la sommant de s'exécuter au péril de voir son
contrat de bail résilier.
88
89
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
l'Ohada
A- OUVRAGES GÉNÉRAUX
· AUQUE (F.), Les baux commerciaux. Théorie
et pratique, Librairie Générale
de Droit et de Jurisprudence, 1996, 396 p ;
· BLATTER (J.P.) Droit des baux commerciaux,
éd le moniteur, 2è éd, 1996;
· BLATTER (J.-P.), Droit des baux commerciaux,
3ème édition, Dalloz et Le Moniteur, collection «
L'actualité juridique », 2000, 552 p ;
· BRAUD (A.), L'essentiel du droit commercial et des
affaires, Gualino lextenso, éd. 2012;
· BRAUDO (S.), Le dictionnaire de Droit
Privé, Dalloz, 2016 ;
· CAMPAN (M.J.), Droit des entreprises, LAMY,
éd 2003-2004;
· CORNU (G.), Vocabulaire juridique, ASSOCIATION
HENRI CAPITANT, 6è éd, PUF, Paris, 2004;
· D'ANDIGNE-MORAND (A.), Baux commerciaux, industriels
et artisanaux, 13ème édition, Delmas, 2004, 367 p. ;
· D'ANDIGNE-MORAND (A.), Baux commerciaux, industriels et
artisanaux, 12ème édition, Delmas, 2002, 346 p ;
· DE JUGLART(M.) et APPOLITO (B.), Traité de
droit commercial, T1, 4è édition par DUPONTAVICE (E.) et
DUPICHOT (J.) Montchrestien, Paris, 1988,985 pages;
· DE JUGLART(M.) et APPOLITO (B.), Droit commercial,
vol 1, éd Montchrestien, Paris, 1980, 744 pages;
· DERRUPPE (J.), Locations et loyers, baux
d'habitation, baux professionnels, baux commerciaux,
6ème édition, Dalloz, collection «
Mémentos droit privé », 1998, 157 pages ;
· DERRUPPE (J.), Les baux commerciaux,
2ème édition, Dalloz, collection « Connaissance
du droit », 1996, 203 pages ;
· DIDIER( F.), Droit commercial, l'entreprise
en difficulté, THEMIS, Droit privé, 1ère
édition, PUF,1995;
La mise en demeure en matière de rupture du
bail à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
· Dr Mamadou (K.), « Le nouveau droit commercial
des pas de la zone OHADA comparaison avec le droit français »,
· DUTILLEUL (F.C.) et DELEBECQUE (P.), Contrats
civils et commerciaux, DALLOZ, 2002;
· DZEUKOU (G.B), Code de la propriété
immobilière, 1ère édition, édition juridique
camerounaise, 2009;
· FÉNÉON (R.) et GOMEZ (J.), Droit
commercial général, EDICEF édition FFA, 2002;
· GATSI (J.), Pratique des baux commerciaux dans
l'espace OHADA, 2è éd, PRESSES UNIVERSITAIRE LIBRE, 2008;
· GUILLEN (R.) et VINCENT (J.), Lexique des termes
juridiques, 137éd, DALLOZ, 2001;
· GROSS (B.) et BIHR (P.), Contrats, Tome 1 : Ventes
civiles et commerciales, baux d'habitation, baux commerciaux, 2
ème édition, Presses Universitaires de France,
collection « Thémis droit privé », 2002, 691 pages ;
· HOUIN (R.)et PEDAMOUN (M.), Droit commercial,
9è éd, DALLOZ, 1990;
· JAUFFRET (A.), Droit commercial, 23è
édition par MESTRE (J.), LGDJ, 1997;
· MALAURIE (P.) et AYNES (L.). Les contrats
spéciaux. Éditions Cujas 1995. 4, 6.8 rue de la Maison
Blanche 75013 Paris ;
· MATOR (B.), PILKINGTON (N.), SELLERS (D.) et THOUVENET
(S.), Le droit Uniforme africain issu de l' OHADA, LITÉE,
Juillet 2004;
· MEROLLA (C.), Le contrat de bail de Droit commun,
Confédération des Organisations de Jeunesse
Indépendantes et Pluralistes, 2006 ;
· MONEGER (J.) (dir.), Dix ans de baux commerciaux
1993-2003. Sélection des principaux arrêts et commentaires, Litec,
collection « Litec Immo », 2004, 892 pages ;
· NGUEBOU TOUKAM (J.), Le droit commercial
général dans l'Acte Uniforme OHADA, COLLECTION DROIT
UNIFORME, PUA 2000;
· REVUE FIDUCIAIRE, Le bail commercial, Groupe Revue
Fiduciaire, collection « Guide de gestion RF », 2004, 408 pages ;
· RUET (L.), Les baux commerciaux,
Defrénois, 2005, 296 pages ;
90
91
92
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
· VERDIER (P.), Morale, Éthique,
déontologie et droit, Fondation la vie au Grand Air ;
· WESNER (P.), L'obligation du locataire de payer le
loyer et les frais accessoires, Dalloz.
B- MÉMOIRES ET THÈSES
· KEUGONG WATCHO (R.S.), Le droit commun des
contrats face à l'émergence des droits communautaires africains,
Thèse, Université de Dschang, 2009;
· MÉTALLIER (C.), Résiliation du bail
commercial et procédure collective du preneur, Mémoire
Master II, Université de Lille 2, 2005 ;
· HEMMER (A.), La résiliation du bail
Commerciale en cas de redressement judiciaire du Locataire, Mémoire
master 2, Université de Strasbourg.
C- ARTICLES DE DOCTRINE
· DALLIX (V.), « Réflexion sur la
mise en demeure », in Semaine juridique(1977), doctr. 2844,
n°2, p. 34 ;
· DIFFO TCHUNKAM, (J.) « Actualité et
perspective du droit OHADA des affaires après la réforme de
l'Acte Uniforme relatif au Droit Commercial Général du 15
décembre 2010 », in Revue ERSUMA ;
· DUMONT-LEFRAND (M.P.), « Baux commerciaux »,
in recueil Dalloz 2013, P.1794 ;
· FIENI (P.), « Droit Commercial
Général dans l'espace OHADA : étude comparative de
l'ancien et du nouvel Acte Uniforme » in actualités juridiques,
éditions économiques, n°3,2012 ;
· HERCÉ (S.), « La mise en demeure : une
garantie reconnue aux exploitants, des effets limités dans le temps
», in responsabilité et environnement, n' 45, Janvier 2007
;
· JOBIN, (P.-G.) « L'abus de droit contractuel
depuis 1980 », dans Congrès annuel du Barreau du Québec
(1990), Montréal, Service de la Formation permanente, Barreau du
Québec, 1990,. Les mêmes propos ont été repris
dans un
La mise en demeure en matière de rupture du
bail à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
texte publié ultérieurement par le même
auteur : «Grands pas et faux pas de l'abus de droit contractuel»
(1991) 32 C. de D. 153 ;
· KEUGONG WATCHO (R.S.), « Juridictions
compétentes en matière de résiliation de bail
professionnel après la réforme de l'Acte Uniforme relatif au
droit commercial général » in Juridis périodique,
n°93, Janvier-Février-Mars2013 ;
· LONNE-CLEMENT (A.L) « L'aléa
économique et l'imprévision » in revue lexbase Hebdo
édition privée n°516 du 14 février 2013 ;
· MOKOKO (F.C.), « Le bail commercial dans l'acte
uniforme relatif au droit
commercial général ».in letin
OHADA n° 1, août-septembre 2000, p. 8, publié
et
édité par l'Association Club OHADA, Brazzaville ;
· MOUSSA (D.), « L'encadrement du bail
commercial, les hésitations entre protectionnisme et libéralisme
: étude comparative France, USA, Canada et OHADA » in juridis
infos N°13 -Nov. Déc. 2013, 33pages ;
· OKEMBA NGABONDO (G.J.), « Le bail commercial dans
l'acte uniforme relatif au droit commercial général ».
in Bulletin OHADA n° 1, août-septembre 2000, p. 6,
publié et édité par l'Association Club OHADA,
Brazzaville;
· PAPA ASSANE (T.), « Le nouveau visage de l'action en
résiliation du bail à usage professionnel dans l'Acte Uniforme
portant Droit Commercial Général adopté le 15
Décembre 2010 ». in revue OHADA n° 1-Juin
2012;
· SISSOUMA (S.), « LE BAIL PROFESSIONNEL (En espace
OHADA) : un mécanisme de veille (juridique) Permanente » in
juridis périodique, p.82 ;
· TOGORA (B.), « Sort du bail à usage
professionnel en OHADA au décès du preneur », in
jurifis, édition spéciale, N°12, Octobre 2012.
D- TEXTES ET DOCUMENTS OFFICIELS
· Acte Uniforme relatif au Droit Commercial
Général adopté en 1997 ;
· Acte Uniforme relatif au Droit Commercial
Général du 15 décembre 2010 ;
· Acte Uniforme portant organisation des suretés du
17 Avril 1997 ;
· Acte uniforme sur les sûretés du 10
décembre 2010 ;
· Code civil Français de 1804, version de 2011 ;
La mise en demeure en matière de rupture du
bail à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
· Code du commerce de 1850 ;
· Code de procédure civile et commercial camerounais
du 16 décembre 1954 ;
· Code de procédure civile et commercial
Sénégalais ;
· Code de procédure civile et commercial
Français ;
· Code des obligations civiles et commerciales
sénégalais ;
· L'acte uniforme portant organisation des
procédures collectives d'apurement du passif ;
· L'acte uniforme portant organisation des
procédures simplifiées de recouvrement et des voies
d'exécution ;
· L'acte uniforme relatif au droit des
sociétés commerciales et du groupement d'intérêt
économique ;
· Loi n° 2009-010 du 10 Juillet 2009 régissant
la location accessoire à la propriété immobilière
;
· Traité OHADA modifié le 17 Octobre 2008.
E- NOTES DE JURISPRUDENCES
· CCJA, 2ème ch., N° 32, 3-7-2008
: METALUX SARL c/ B., Le juris Ohada n° 4/2008, p. 15, Ohadata J-09-71 ;
CCJA, n° 032/2008, 3-6-2008 : Sté METALUX SARL c/ Cheik Basse,
Actualités juridiques n° 60- 61, p. 426, note anonyme, Ohadata
J-09314). Note sous Jimmy Kodo.
· TPI Abidjan (Côte d'Ivoire), Sec. de
Grand-Bassam, N°163, 28-6-2006 : SOCICO c/ KOUAME FULGENCE, Ohadata
J-08-48 ; Note sous Jimmy Kodo.
· CA Littoral (Cameroun), N°022/C, 4-2-2008 : TENE
NDEFFO Armand c/ Succession MASSOMA MBONGO Antoine, Ohadata J-10-261, Ohadata
J-09-127, Note sous Jimmy Kodo.
· CCJA 2ème Ch. Arrêt n°5
du 2 Février 2012 SCI LUMIÈRE C/ IPM, OHADATA J13-59, cassation
de CA Abidjan du 7 Avril 2006, note sous Faustin EKOLLO.
· TPI de Dschang, n° /Civ, 03 Déc. 2009,
Aff. Lekemo, Ohadata J-07-137, note Sous Issa-Sayegh
93
94
95
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
TABLES DES MATIÈRES
AVERTISSEMENT i
DÉDICACE ii
REMERCIEMENTS iii
PRINCIPALES ABBRÉVIATIONS iv
SOMMAIRE vi
RÉSUMÉ vii
ABSTRACT viii
INTRODUCTION GÉNÉRALE 1
PREMIÈRE PARTIE : LA MISE EN DEMEURE: FORMALITÉ
PRÉALABLE EN MATIÈRE DE RUPTURE DU BAIL À USAGE
PROFESSIONNEL EN DROIT DE
L'OHADA 10
CHAPITRE I : LE CHAMP D'APPLICATION DE LA MISE EN
DEMEURE ... 12
SECTION 1: LE CHAMP D'APPLICATION DE LA MISE EN DEMEURE
TENANT EN
LA FORME DE LA RUPTURE 12
Paragraphe 1- La mise en demeure dans la procédure de
résiliation du bail à usage
professionnel 13
A- La résiliation en l'absence de toute clause
résolutoire 13
B- L'extension de l'exigence à la résiliation de
plein droit 15
Paragraphe 2- La mise en demeure dans la procédure de
refus de renouvellement du bail
à usage professionnel 17
A- La violation des obligations contractuelles 18
B- La cessation de l'exploitation du fonds donné en bail
19
SECTION 2: LE CHAMP D'APPLICATION DE LA MISE EN DEMEURE
TENANT
EN LA NATURE DU MOTIF DE LA RUPTURE 20
Paragraphe 1- La nécessité de la mise en demeure
pour les manquements susceptibles de
régularisation 20
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
Paragraphe 2- La dispense de la mise en demeure en
présence de manquements
insusceptibles de régularisation 21
CHAPITRE II : LA MISE EN OEUVRE DE LA MISE EN DEMEURE 25
SECTION 1: L'ÉLABORATION DE LA MISE EN DEMEURE 25
Paragraphe 1- Le contenu de la mise en demeure 26
A- L'indication des clauses et conditions violées 26
B- La mention du respect du délai légal
prévu par l'article 133 de l'Acte Uniforme
portant organisation du droit commercial général
27
Paragraphe 2- Le formalisme dans la mise en demeure 28
SECTION 2: LA NOTIFICATION DE LA MISE EN DEMEURE 31
Paragraphe 1-Les procédés de notification de la
mise en demeure 31
A- La voie ordinaire 32
B- La voie de la signification. 34
Paragraphe 2- Le moment de la notification de la mise en demeure
37
CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE 40
DEUXIÈME PARTIE: LA MISE EN DEMEURE: FORMALITÉ
PRODUISANT DES EFFETS VARIABLES DANS LA PROCÉDURE DE RUPTURE DU BAIL
À
USAGE PROFESSIONNEL EN DROIT DE L'OHADA 41
CHAPITRE I: LE RESPECT DE LA MISE EN DEMEURE 43
SECTION 1 : LA RÉGULARISATION DE LA SITUATION
DÉFAILLANTE 43
Paragraphe 1- L'hypothèse de la résiliation
judiciaire 44
A- Régularisation dans les délais impartis 44
B- Régularisation hors délai 46
Paragraphe 2 : Le cas du refus de renouvellement du bail
48
SECTION 2 : LE DÉFAUT DE RÉGULARISATION DE LA SITUATION
DÉFAILLANTE 49
Paragraphe 1 : la résiliation du bail à usage
professionnel en droit de l'Ohada 50
A- La procédure applicable en cas de résiliation
du bail professionnel 51
B- Les effets de la résiliation du bail professionnel
55
Paragraphe 2- le refus du renouvellement justifié du bail
à usage professionnel 57
A- L'invocation des motifs graves et légitimes
liées la faute d'une partie 58
La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
1- Les conditions de validité des motifs graves 58
2- Les hypothèses de motifs graves et légitimes
59
B- L'appréciation souveraine des motifs graves et
légitimes 60
CHAPITRE II: L'ABSENCE DE LA MISE EN DEMEURE 63
SECTION 1: LE SORT DE L'ACTION EN RÉSILIATION 63
Paragraphe 1 : Le cas de la mise en demeure adressé au
preneur. 64
A- La nullité de la mise en demeure non conforme 64
1- Les raisons justifiants la nullité 65
2 - Les effets attachés à la nullité de la
mise en demeure irrégulière 67
B- L'irrecevabilité de l'action en résiliation
67
Paragraphe 2 : l'hypothèse de la mise en demeure adressée
aux créanciers inscrits sur le
fonds de commerce 69
A- L'irrecevabilité de l'action 70
B - L'Opposabilité de la décision aux
créanciers non informés 71
SECTION 2: LE SORT DU BAIL À USAGE PROFESSIONNEL 72
Paragraphe 1 : la survie du Bail à usage professionnel
73
A- Le maintien dans les lieux loués 73
B- La réintégration dans les lieux du preneur
expulsé 73
Paragraphe 2 : l'octroi de l'indemnité d'éviction
75
A- Le régime juridique de l'indemnité
d'éviction 77
1- Nature de l'indemnité d'éviction 77
2- Calcul de l'indemnité d'éviction 79
B- Le règlement de l'indemnité d'éviction
80
CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE 81
CONCLUSION GÉNÉRALE 81
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 81
TABLES DES MATIÈRES 81