1.3 Décentralisation, libéralisation:
apparition de tutelles plurielles des woro-woro
En Côte d'Ivoire, la décentralisation est un
processus ancien auquel les changements politiques ont donné des
objectifs différents selon les époques. Pour rappeler
l'expérience ancienne d'exercice local du pouvoir durant la
période coloniale, on fait en général
référence aux trois communes de plein exercice d'Abidjan, de
Bouaké et de Grand -Bassam qui ont été instituées
par la loi du 18 novembre 1955. Le processus se poursuivra, mais très
timidement après l'indépendance en raison du contexte du parti
unique et du besoin de contrôle politique des populations (Akindès
2007). La décentralisation est liée à cette époque
à des objectifs de contrôle étatique:
«les réformes avaient pour but, non de faire
participer mais de serrer le maillage administratif sur la
société pour accroître l'efficacité de la politique
de développement dont l'extension du domaine étatique
était l'élément moteur» (Diouf 1992).
Le but était donc associé à ce moment
à l'édification d'un État fort. Mais les années
1980 voient au contraire la mise en place des politiques d'ajustement
structurel et le début du désengagement de l'État. La
décentralisation devient donc un moyen de «gérer la
pénurie» (Blundo 1998). Dans le même moment, l'essor de la
coopération décentralisée et du développement
«participatif» donne aux communes un rôle de premier plan dans
la gestion des ressources locales. Au niveau de la théorie
économique:
«la justification de la décentralisation renvoie
presque exclusivement à la fonction allocative des gouvernements, les
actions macroéconomiques et redistributives relevant du pouvoir
central» (Piveteau 2004).
Les collectivités décentralisées
devraient donc remplir essentiellement cette fonction économique
d'allocation, de façon à ajuster l'offre de biens publics aux
contextes locaux. La dernière phase de la décentralisation
amorcée entre 2000 et
156
2005 s'est traduite par la création de districts (le
district d'Abidjan et le district de Yamoussoukro) avec transfert et
répartition de compétences de l'Etat aux collectivités
territoriales. Dans le secteur des transports collectifs d'Abidjan, la
décentralisation a abouti à la libéralisation du secteur
des transports. En particulier avec le Programme d'Ajustement Structurel du
Secteur des Transports (CI-PAST) de 1995, une nouvelle arène s'ouverte
entre l'Etat, la ville d'Abidjan et les mairies de la ville. Ainsi, au noyau
restreint d'acteurs historiques de transport constitués de la ville
d'Abidjan et du Ministère des transports, se sont adjoint d'autres
catégories d'acteurs (mairies, associations coopératives de
transporteurs, ONG, etc.). Le tout créant selon (Mintzberg 1990), un
champ de forces évolutives autour des transports alternatifs qui peut
comprendre les propriétaires, les syndicats et les autres associations
d'employés, les usagers et tous les types de décideurs publics.
Que ce soit sous une forme gouvernementale ou de groupes particuliers, ces
forces forment des groupes d'intérêts parfois aussi convergents
que contradictoires. La lecture qui est faite de ces transports dépend
alors des ententes et des intérêts que chaque acteur ou groupe
d'acteurs entendent tirés de ces transports. Trois grands types
d'entités se trouvent alors représentées dans le jeu
d'acteurs des woro-woro: les entrepreneurs privés, les
collectivités locales et l'Etat. Ces acteurs constituent ainsi la
structure du contexte d'action à partir de laquelle se détermine
la structuration des woro-woro.
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