Conclusion
Donner davantage de pouvoir d'agir aux usagers des structures
sociales et médico-sociales est une priorité affichée des
gouvernements qui se sont succédés depuis plus de deux
décennies. C'est aussi la volonté de nombre de cadres et
salariés du secteur.
Cette ambition d'envisager la personne comme
co-élaboratrice de son projet enjoint aux cadres et salariés
d'envisager des changements de pratiques professionnelles au sein des
organisations dans lesquelles ils sont en poste. Dans le secteur du soin en
addictologie, le choix éclairé de la personne accueillie est une
des conditions sine qua non à l'instauration de l'alliance
thérapeutique. Prendre en compte le savoir expérientiel de
l'individu en est une autre.
Comment, en effet, bâtir un projet de soin pertinent et
individualisé, un parcours balisé et efficient sans prendre en
compte le savoir que la personne a accumulé pendant ses années de
dépendance? Quelle qualité auront nos accompagnements futurs, nos
pratiques si nous ne tirons pas d'abord des enseignements du vécu des
usagers eux-mêmes ?
Les professionnels du travail social, de la santé et de
l'encadrement ont une vision forcément partielle des risques pris ou
encourus par les usagers. Leur niveau de compréhension de
l'évolution des pratiques de consommation dépend aussi de ce que
les usagers veulent bien dévoiler. Dans cette structure en particulier,
ils ne sont pas assez dotés d'outils pour appréhender ces
réalités si diverses et en perpétuel changement.
Ce manque d'information, associé à un
étayage insuffisant, empêchent la confiance de s'installer,
l'alliance thérapeutique de s'instaurer avec au final des
conséquences sur l'efficience du parcours de l'usager. Parfois le
séjour se solde même par une sortie sans solution.
J'ai voulu, en tant que RUIS, interroger la
réalité de la participation active de l'usager dans ce CSAPA en
particulier, tant elle conditionne la qualité de la prestation. Ma
participation à l'évaluation interne m'a donné l'occasion
de pointer ces écarts entre les attendus de la Loi, les pratiques du
secteur et de les analyser dans mon diagnostic.
L'organisation actuelle de la structure contribue à la
multiplication des risques pour les acteurs : risques physiques et
psychologiques pour les usagers, risques de perte de sens au travail et d'usure
pour les professionnels. Ces difficultés complexifient le management de
l'équipe et ma capacité à la faire évoluer. L'image
de la structure et de l'association peut à terme être
dégradée avec des conséquences sur les relations
tissées avec les partenaires.
Remédier à ces faiblesses implique la conception
et la mise en oeuvre d'un plan d'action qui s'envisage en fixant des
priorités :
- À court terme, la revue du protocole des phases
d'admission et de pré-admission, la réécriture partielle
du livret d'accueil, l'augmentation des contacts avec les usagers et la mise
à disposition de matériel de consommation à moindre risque
seront les principales mesures.
Côme du Mas des Bourboux - Mémoire CAFERUIS -
session 2022 - 48 -
Côme du Mas des Bourboux - Mémoire CAFERUIS -
session 2022 - 49 -
- À long terme, le recrutement et la formation d'un
travailleur pair, parlant une langue slave si possible sera essentiel.
J'ai élaboré des indicateurs d'atteinte des
objectifs qui permettent d'évaluer les actions entreprises. Ces
résultats seront à la base d'un nouveau plan d'action.
La rédaction de ce mémoire, le travail de
recherche, d'entretiens ont été une aide pour comprendre la place
que j'occupe en tant que Responsable d'Unité d'Intervention Sociale.
J'ai pu me familiariser avec la démarche
d'évaluation interne et prendre une place active dans sa mise en oeuvre
à travers des échanges avec le pôle qualité du
groupe, mesurant par là-même l'impact qu'elle pouvait avoir sur la
qualité du service rendu à l'usager.
J'ai enrichi mes connaissances en RDRD et découvert les
approches du soin en addictologie. Je sais désormais que mon rôle
de cadre est aussi de faire vivre des façons de travailler innovantes
pour qu'elles enrichissent les pratiques professionnelles et suscitent la
motivation constructive de l'équipe.
J'ai pris davantage conscience de l'importance de fournir des
prestations individualisées qui prennent tout son sens pour
l'usager-sujet. J'ai saisi qu'il s'agit là d'un enjeu éthique qui
doit être sans cesse questionné en équipe : «
travailler avec l'usager plutôt que pour lui ».
Une fois les membres de l'équipe engagés dans la
réorganisation de l'action, quand la structure répondra aux
attentes des autorités et au niveau d'exigence attendu par les instances
expertes du secteur, je m'attacherai à réfléchir à
d'autres optimisations de l'instauration et de la pérennité de
l'alliance thérapeutique.
Pour le service des appartements thérapeutiques, je
compte réfléchir à l'accueil avec alcool dans la
structure. Le sevrage étant un préalable à l'admission,
cela constitue un barrage pour des usagers qui auraient d'autres
priorités de soin et ne désireraient pas cesser totalement leur
consommation d'alcool. Ainsi que je l'ai écrit dans le plan d'action, ce
travail de mémoire me donne envie de d'approfondir mes recherches autour
des approches novatrices d'accompagnement des personnes dépendantes aux
substances psychotropes. Enfin, je veux questionner et faire évoluer le
modèle d'hébergement collectif. Cette organisation
présente plusieurs inconvénients. La vie en commun peut amener
à des situations de conflits entre usagers voire entre salariés,
surtout dans le contexte actuel de la pandémie. La communauté ne
prépare pas à l'autonomie et n'assure pas la mission de
réinsertion sociale des CSAPA. L'insertion par le logement me
paraît une option intéressante à étudier à
travers la découverte d'expériences déjà en cours
sur le territoire.
J'envisage de porter ces débats lorsque ma
stratégie de réduction des risques dans les appartements
thérapeutiques fera sens commun et aura montré son
efficacité.
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