Labellisation des sites web et protection du consommateur. Cas du commerce électronique.par FENI ALAIN RACHID BANOIN Université Catholique de l'Afrique de l'Ouest / Unité Universitaire d'Abidjan - Master 2 en droit privé professionnel. Option: droit des technologies de l'information et de la communication 2018 |
SOUS-SECTION 2 : LA DÉCENTRALISATION (SPÉCIALISATION) DES ORGANES DE RÉGULATION RELATIFS AUX TIC.Les TIC constituent à n'en pas douter un ensemble d'activités propices à l'analyse du phénomène économique et juridique de la régulation. En effet, l'ouverture à la 59 Labellisation des sites Web et protection du consommateur : Cas du commerce électronique. concurrence réalisée dans ce secteur notamment dans la branche des télécommunications s'est traduite par « une profonde mutation du rôle de la puissance publique en matière de surveillance109 et de protection des intérêts en présence ». Si, auparavant, le monopole que s'étaient arrogés les pouvoirs publics était censé leur permettre de veiller au bon fonctionnement du marché, la suppression de ce monopole, sous l'impulsion de la libéralisation des marchés économiques et des instances communautaires, ne pouvait dès lors se concevoir que moyennant la mise en place, en contrepartie de garde-fous, destinés à garantir que l'ensemble des intervenants sur le marché (opérateur historique, nouveaux entrants, consommateurs) ne soient pas lésés par cette libéralisation. Cet ensemble assez disparate de garde-fous est généralement saisi, dans un même mouvement par le concept de «régulation110». S'il serait malaisé de proposer une définition indiscutable de la régulation, encore est-il possible de s'entendre au moins sur les finalités de celle-ci dans le domaine des TIC ; il s'agit de prendre en considération la multiplicité d'intérêts présents sur les marchés libéralisés et faire en sorte qu'un équilibre s'instaure entre, d'une part, les préoccupations économiques qui gouvernent certains de ces intérêts et d'autre part, les exigences non-économique qui présidaient déjà au fonctionnement de l'ancien monopole et qui continuent d'être présentes après la phase de libéralisation (le souci de justice sociale, qui conduit à préserver un minimum de services au profit l'ensemble de la population). C'est cette nécessité de garantir la pérennité d'un tel équilibre qui, en propre, explique la consécration parallèlement à la libéralisation des télécommunications, d'un système complexe de régulation des TIC. En somme, ce que le monopole public prétendait réaliser directement, la 109 Thierry PENARD& Nicolas THIRION LA REGULATION DANS LES TELECOMMUNICATIONS : UNE APPROCHE CROISEE DE L'ECONOMIE ET DU DROIT, page 1 à 2. 110LE PETIT LAROUSSE, op cit, n.f. « Action de régler d'assurer un bon fonctionnement, un rythme régulier ». Page 913. 60 Labellisation des sites Web et protection du consommateur : Cas du commerce électronique. régulation est censée y parvenir par d'autres voies, plus subtiles peut-être, mais qui attestent la part non négligeable que continue de prendre la puissance publique à l'évolution du domaine des TIC. D'où l'idée que la régulation a étroitement partie liée avec certaines politiques de l'Etat ou de ses démembrements111. Cette idée vient dès lors mettre en lumière cette fonction de la régulation qui la laisse apparaître comme un instrument de politique publique. Dans cette logique, certains Etats Occidentaux, notamment Européens, ont envisagé de concentrer la régulation de diverses activités reliées aux TIC, aux intérêts fondamentaux en présence. Ce qui conduira à l'avènement d'un système régulateur polyvalent mais axé sur deux points essentiels, la régulation des Télécommunications, et celles de l'Internet et des données numériques qui y sont contenues (par la répression de la Cybercriminalité). La régulation apparait dès lors non pas comme le témoignage d'un retrait de la puissance publique, ainsi qu'il est traditionnellement enseigné, mais bien au contraire comme le révélateur d'une autre façon pour celle-ci, d'intervenir sur le marché des TIC. Cette décentralisation avancée des TIC qui est appliqué en Occident s'est révélée être un facteur de bonne gestion des flux de réseaux et de données numériques (I). Ainsi force est de constater que dans une majorité de pays d'Afrique Subsaharienne cette décentralisation de la régulation en matière de TIC accuse un réel retard (II). I- Une décentralisation avancée en Occident : facteur d'unebonne gestion des réseaux numériques. L'accès au réseau Internet commence avec un contrat d'accès à Internet conclu entre un fournisseur d'accès Internet (opérateur de télécommunications) et le consommateur (particuliers, entreprises, l'Etat). En France, l'Autorité de Régulation des Communications Electroniques (ARCEP) a été créée par la Loi 111Autorités Administratives Indépendantes et ou Ministère de Tutelle. 61 Labellisation des sites Web et protection du consommateur : Cas du commerce électronique. du 26 juillet 1996 pour préparer et accompagner l'ouverture à la concurrence112 du secteur et veiller à la fourniture et au financement du service universel de télécommunications. La Loi du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales a étendu la compétence de l'Autorité au secteur postal. Autorité administrative indépendante (AAI), l'ARCEP assure, au nom de l'Etat, et sous le contrôle du parlement et du juge, la régulation du secteur des communications électroniques et postales. A l'instar de tous les pays développés ou en développement, la Belgique s'est également dotée d'une autorité de régulation ayant un statut propre, à travers la création de l'Institut Belge des services Postaux et des Télécommunications (IBPT) par la Loi du 17 janvier 2003. De ce qui précède, l'on peut constater l'importance de la régulation du secteur des télécommunications sur le plan économique, étant donné que sa bonne gestion est un facteur de stimulation de l'utilisation du réseau Internet et par la même occasion des sites Web, en particulier les sites de commerce électronique. La Déclaration universelle des droits de l'Homme dispose en son article 12 : « Nul ne fera l'objet d'immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteinte à son honneur ou à sa réputation ». De même, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 affirme en son article 8 le droit au respect de la vie privée et familiale, du domicile et de la correspondance. Dans le droit interne français, la loi 70-643 du 17 juillet 1970 a introduit dans le code civil un article 9 dont le premier alinéa est rédigé ainsi : « Chacun a droit au respect de sa vie privée ». Le respect de la vie privée a fait l'objet d'une abondante jurisprudence qui a précisé et élargi le contenu de cette notion ; le Conseil constitutionnel lui a aussi reconnu une valeur constitutionnelle en le rattachant au principe de la liberté individuelle, qui est une liberté constitutionnellement garantie. Ainsi, les données à 112 www.data.gouv.fr/fr/organization-arcep/ data sets 62 Labellisation des sites Web et protection du consommateur : Cas du commerce électronique. caractères personnels apparaissent comme une partie de ce principe qui englobe tout ce qui se rattache à l'identité personnelle, familiale d'une personne ainsi qu'à son image. Les réseaux numériques sont de nature à mettre en péril cette vie privée. Certaines pratiques des réseaux sont particulièrement préoccupantes du fait du développement du commerce électronique qui se fonde notamment sur un «marché des données personnelles» (le BIG DATA113). Des renseignements sur les habitudes de consommation des individus, très souvent collectés à l'insu de ceux-ci, sont réunis en bases de données exploitées par des techniques modernes d'investigation. La France, pionnière en matière de données personnelles, a très vite réalisé les risques de l'informatique pour les libertés de la personne humaine et a réagi en se dotant depuis 1978 d'une législation traitant de la protection de ces données face aux dangers d'une informatique grandissante : la Loi du 6 janvier 1978 dite "Informatique et libertés". La Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés (CNIL) est une autorité administrative indépendante née de l'adoption de la loi précitée. La mission générale de la CNIL est, face aux dangers de l'informatique, de protéger la vie privée et les libertés individuelles ou publiques. Elle est chargée de veiller au respect de la loi Informatique et libertés. Par conséquent, elle doit en particulier faire respecter les principes de loyauté dans la collecte des données personnelles, de l'information préalable des personnes concernées par la collecte des données personnelles, de la finalité du traitement qui doit lui-même répondre à une exigence de proportionnalité. À cette fin, elle garantit à toute personne physique un droit à l'information, à l'accès à ses propres données, ainsi qu'un droit de rectification, de radiation et d'opposition. Dans le cadre de la mission qui lui est dévolue par la loi, la CNIL a la faculté de recenser les fichiers et de mener des investigations. Elle 113Littéralement « grosses données », ou méga données parfois appelées données massives désignent des ensembles de données qui deviennent tellement volumineux qu'ils en deviennent difficile à traiter avec des outils classiques de gestion de base données ou de gestion de l'information. 63 Labellisation des sites Web et protection du consommateur : Cas du commerce électronique. dispose également du pouvoir de prononcer des sanctions pouvant aller jusqu'à 300 000 euros d'amende. Cette démarche des autorités françaises, visant à diversifier la régulation du secteur des TIC se justifie par le fait qu'il s'agit d'un secteur si vaste, que l'on ne peut concevoir qu'une seule et même entité puisse mener à bien cette régulation. En décentralisant ainsi la régulation du secteur des TIC, la France a facilité l'instauration d'un cadre juridique servant au mieux la mise en place du processus de labellisation. On peut observer une certaine dualité inhérente à la régulation de l'Internet à savoir d'une part, une bonne gestion des communications électroniques (ou des télécommunications) et d'autre part la protection des données à caractères personnelles. Quid des pays Africains en voie d'émergence, notamment ceux de l'Ouest, à l'instar du Sénégal et de la Côte d'Ivoire. |
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