Chapitre 3. PROBLEMES ET PERSPECTIVES DE LA
PARADIPLOMATIE
Section 1. Contraintes
§1. Contraintes
Les acteurs paradiplomatiques connaissent des nombreuses
contraintes qui vont au-delà de la difficulté de se faire
reconnaitre comme acteur international. Malgré la transformation du
système international, l'Etat demeure le principal acteur et sujet de
Droit International. Donc les acteurs paradiplomatiques ne sont pas des
entités reconnus par le Droit International, ils doivent négocier
avec les autorités du gouvernement central, les limites d'une partie de
leur activité internationale, comme les relations formelles avec des
représentants de pays souverains ou d'Organisation
Internationales.65
Malgré qu'ils disposent une certaine autonomie,
ressources et influences, les Etats sub-étatiques font face à de
nouveaux problèmes sur le plan environnemental, à
l'échelle des infrastructures communes, sur le plan de mouvement des
marchandises, de services mais également des capitaux. En
général, la coopération transfrontalière vise
à régler des problèmes conjoints comme la
dépollution d'une rivière, la protection des espèces
menacée mais également l'édification d'infrastructures
conjointes comme les autoroutes, des ponts ou des liaisons ferroviaires. De
même, lorsque des ensembles culturels sont séparés par une
frontière, des politiques de promotion de la culture, des associations
de chercheurs, des échanges d'étudiants sont créés
mais il se fait que les disparités institutionnelles et politiques entre
les régions peuvent gêner l'action des pouvoirs politiques
sub-étatiques. Il en irait ainsi pour une région comme la
Flandre, qui dispose des ressources financières, politiques et
organisationnelles consistantes, et des régions transfrontalières
françaises dépendantes des échelons local et national pour
la mise en oeuvre d'un programme ou d'un projet d'infrastructure.
65 Stéphane Paquin, les actions
extérieures des entités sub-étatiques : quelle
signification pour la politique comparée et les relations
internationales, in Revue international de politique comparée, vol
58 2005- p135.
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§2. De la participation aux Organisations
Internationales
La diplomatie multilatérale est un des
éléments les plus importants de la politique
étrangère contemporaine. Aucun aspect de la politique des
gouvernements n'échappe à l'activité d'une ou plusieurs
organisations. Selon la logique du Droit international seuls les Etats
souverains détiennent le monopole de la représentation dans ces
forums, la participation d'autres acteurs que l'Etat est
exceptionnelle.66
Les entités sub-étatiques qui revendiquent avec
plus d'instance leur participation à certaines organisations
internationales ont toujours eu de la difficulté à se faire
accepter dans ces forums. Sur le plan politique, le Droit International
prédomine au sein des organisations multilatérales ce qui
signifie que l'accès aux organisations internationales en tant qu'acteur
politique relève du domaine (quasi) réservé des
Etats-nations. C'est ce qui explique l'obstruction créée aux
entités sub-étatiques mais non pas exemple aux ONG reconnues.
Puisque les organisations internationales formulent des propositions qui
touchent aux champs de compétence de nombreuses entités
sub-étatiques il est permis de se demander combien de temps cette
politique peut encore tenir ?67
L'exclusion des entités sub-étatiques au sein
des organisations internationales se fonde sur un triple raisonnement ; dans un
premier temps, il est
postulé que les nations détiennent le monopole
des relations internationales. On soutient que le fonctionnement même
des relations internationales est basé sur cette logique. Dans un
deuxième temps, la multiplication des pays souverains, et dont la plus
grande diversité de points de vue complique l'activité des
organisations internationales, un engagement de plus en plus poussé des
entités sub-étatiques rendrait encore plus difficile le
fonctionnement de ces institutions. Finalement comme le souligne Daniel
Latouche, on cherche généralement à préserver la
souveraineté des Etats et l'intégrité
territoriale.68 La crainte de créer des
précédents est forte. Si une entité sub-étatique
obtenait le droit de devenir membre d'une organisation internationale, d'autres
entités du même genre pourraient, elles aussi demander un statut
similaire. Les organisations multilatérales veulent éviter de
contrarier les Etats membres en satisfaisant aux inspirations d'une
entité fédérée.
66 Daniel Dormony, cité par Stéphane
Paquin, op cit, p 125.
67 Stéphane Paquin, idem.
68 Daniel Latouche, cité par Stéphane
Paquin, idem.
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Par contre, sur le plan technique la situation est bien
différente. David Criekemans et Timo Bo. Salomon Son affirment que les
entités fédérées sont reçues à
"bras ouverts" lorsqu'elles posent leur candidature en tant que
donatrices pour de fins de coopération à certains programmes ou
projets ou encore lorsqu'elles concluent des partenariats. C'est dans cette
optique que le gouvernement flamand a mis sur pied le "fonds fiduciaire flamand
de la banque mondiale" le " healthy cities network" de
l'Organisation Mondiale de la Santé ou encore l'accord
de coopération avec l'Unesco.69 La présence
d'experts provenant des entités sub-étatiques, que ce soit des
fonctionnaires ou des politiciens est également appréciée
dans le groupe de travail
technique des différentes organisations
internationales. Plusieurs membres d'organisations internationales
soutiennent que ces échanges sont en quelque sorte l'extension des
partenariats avec les entités régionales et locales. Certaines
organisations parlent même des partenariats de l'avenir. D'autres, comme
l'Unesco dont les activités dépendent le plus de la
coopération avec les administrations des entités
sub-étatiques sont généralement celles qui sont le plus
ouvertes aux entités sub-étatiques. Contrairement à ce
qu'affirment de nombreux auteurs, il arrive de plus en plus fréquemment
que des entités sub-étatiques soient représentées
au sein d'organisations internationales. Les Etats fédérés
du Québec, du nouveau Brunswick et Wallonie-Bruxelles sont
représentées dans l'Organisation Internationale de la
Francophonie.70 Même la France "unie et indivisible"
permet à ses territoires d'outre-mer de Nouvelle-Calédonie
et de Polynésie d'avoir un siège propre au sein de la
conférence du pacifique du sud71 aux côtés des
pays souverains comme l'Australie, la nouvelle Zélande et les
Etats-Unis. Il faut noter ici que les tendances sécessionnistes sont
notoires en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie. Au Quai D'Orsay
on avance que cette politique vise à favoriser l'intégration
régionale. On sait également que le gouvernement du Texas a
participé à des nombreuses rencontres de l'OPEP. De
nombreux leaders sub-étatiques participent régulièrement
à des rencontres internationales comme le World Enconomic Forum de
Davos.
Ces dernières peuvent aussi accéder aux
Organisations Internationales par l'entremise de leur Etat. Le gouvernement
australien par exemple, s'est déjà fait
69 David Criekment et Timon Bo Salomonson cité
par Stéphane Paquin, op cit, p126 suivantes.
70 MASSART PIERAD et cité par Stéphane
Paquin, op cit, p 128.
71 Christian Rioux cité par Stéphane
Paquin, op cit, p 127.
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représenter par une entité sub-étatique
lors d'une conférence de l'ONU sur le développement et
l'environnement.
C'est en Belgique que l'accès aux Organisations
Internationales par les entités sub-étatiques est le plus
fréquent. Les entités belges ont le droit d'établir
directement des politiques dans le domaine multilatéral. Aucun pays ne
va cependant aussi loin que la Belgique. Le 30 juin 1994, un accord-cadre a
été promulgué concernant la participation de la Belgique
et de ses entités fédérés aux Organisations
Internationales. Cet accord-cadre impose une concertation
générale systématique, horizontale et verticale,
préalable à chaque réunion ministérielle d'une
organisation internationale, c'est ainsi que certains auteurs soulignent que
« faute de hiérarchie entre ces autorités
fédérales, les communautés et les régions, le bon
fonctionnement du système de coopération dépend
entièrement de la bonne volonté des différentes
autorités. De plus, il existe des accords pour les organisations
internationales qui traitent des matières mixtes, les entités
fédérées belges siègent au sein des organisations
internationales, il leur arrive même de présider des rencontres et
de conclure des traités. Des accords ont été conclus avec
l'ONU, le conseil de l'Europe, l'OCDE, OIT, la CNUCED, UNESCO, OMS, l'OMC, le
BENELUX,...72
Enfin il existe des organisations qui traitent des
matières exclusivement communautaires ou régionales comme la
Nederlandse Taalunie ou l'Unesco. Dans ce cas, la Belgique n'est
représentée par les Etats fédérés.
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