Section 3. Paradiplomatie en Afrique : la
République Démocratique du Congo en
perspective
§1. Considérations générales
A la lecture des livres et des articles consacrés
à la paradiplomatie, on ressent la nette impression que ce
phénomène est essentiellement occidental. La paradiplomatie n'est
cependant pas un phénomène strictement occidental, il est
également présent dans l'espace post-soviétique, en Asie
du Sud-Est, en Amérique latine et en Afrique.53
En Afrique, Stéphane Paquin indique que l'Afrique n'est
pas un terrain fertile pour le développement de la para
diplomatie54 mais il y a ce pendant quelques brins de soleil en
Afrique du Sud dont certaines régions cherchent à entretenir des
relations avec d'autres régions pour favoriser le développement
économique et pour renforcer le corridor Johannesburg-Maputo. Dans
d'autres cas comme le Rwanda et le Burundi, la Sierra Léone et le
Liberia, les dynamiques transfrontalières semblent être plus
fortes que les gouvernements centraux. Au soudan du sud, en Angola ou en
République Démocratique du Congo où les frontières
sont l'objet de disputes, les flux transnationaux, sont tout simplement
ignorés par les autorités centrales.55
Pour autant, la république démocratique du Congo
est un cas atypique pour le développement de la paradiplomatie,
cependant, elle dispose des atouts constitutionnels énormes pouvant
faciliter ses provinces à développer ce
phénomène.
§2. La problématique de la
régionalisation en République Démocratique du
Congo
53 Stéphane Paquin, op. cit. p 103.
54 Stéphane Paquin, op.cit. p 107.
55 Noé Carnago cité par Stéphane
Paquin, op.cit. p 108.
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La décentralisation/régionalisation est une
dialectique des mutations sociétales liant les économies
nationales à la régionalisation de l'économie
mondiale.56 Dès lors qu'une société
florissante, est une société ou toutes les provinces ou toutes
les régions sont armées pour mettre à profit les
opportunités de progrès que la mondialisation peut apporter.
L'objectif primordial de la régionalisation de l'Etat est le
développement provincial lequel doit viser la création des
richesses et la valorisation des atouts de la province et des entités
territoriales décentralisées. L'enjeu est en effet, l'attraction
des investissements productifs et la création ou le renforcement des
entreprises locales. Donc il faut mettre à profit les
possibilités d'ouverture des provinces à l'étranger en
incitant les régions à envisager les opportunités
transfrontalières qui ont un sens économique, étant
donné que l'économie mondiale se caractérise par les
réseaux des villes et des régions. Rappelons que c'est l'Union
Européenne qui a innové en la matière.
En effet, l'Union Européenne a adopté, une
politique régionale visant à aider chaque région à
exploiter son potentiel, à renforcer la compétitivité et
l'emploi au niveau régional, en investissant dans les domaines à
fort potentiel de croissance, etc.
Pour ce qui est de la République Démocratique du
Congo (RDC), le constituant congolais n'a pas utilisé le terme
régionalisation pour désigner le processus de
recomposition géopolitique interne de la RDC en 2006. Il a fallu
attendre la "loi portant principes fondamentaux relatifs à la libre
administration des provinces" de juillet 2008, pour voir le
législateur utiliser le terme
régionalisme, lorsqu'il précise que le
«statut, l'organisation et le fonctionnement de la province
procèdent des dispositions constitutionnelles qui instituent le
régionalisme politique en république démocratique du
Congo, déterminent les institutions politiques de la province et
répartissent les compétences entre elle et le pouvoir
central».57 L'objectif est d'éradiquer à la
source l'ingouvernabilité et le sous-développement de ce pays.
En effet, le chaos permanent en RDC est même dû
à la désorganisation et à l'absence de l'esprit des lois
qui fondent l'ingouvernabilité en tant que vulnérabilité
absolue depuis cinquante ans. C'est ainsi que certains auteurs, sur base de
certaines analyses concluent qu'en RDC, tout est possible sauf l'organisation.
A notre humble
56 M Tshiyembe, Régionalisme et
problèmes d'intégration économique ; Alena, Mercosur,
Union Européenne, Union Africaine, l'Harmattan, 2012, p 171.
57 Exposé des motifs, loi n°08/012
portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des
provinces, col.1. 31 juillet 2008, p1.
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avis, nous estimons que c'est aberrant tout en rejetant cette
hypothèse dans la mesure où une révolution
constitutionnelle peut tout remettre en place.
L'enjeu de la régionalisation est la
gouvernabilité et le développement durable et non
l'éthnicisation de la République Démocratique du Congo,
même si le maillage territorial donne, une fois de plus, une
visibilité supplémentaire aux ethnies en tant que peuples
précoloniaux ou marqueur social incontesté.58
Selon le constituant congolais, les vecteurs du
développement durable sont les provinces et les entités
territoriales décentralisées, désormais, conçues
comme des centres d'impulsion et de développement à la base,
dotés de la personnalité juridique exerçant des
compétences de proximité, conformément à la loi,
dans le but, d'une part de consolider l'unité nationale mise à
mal par des guerres successives et, d'autre part, de créer des centres
d'impulsion et de développement à la base, le constituant a
structuré administrativement l'Etat congolais en 25 provinces plus la
ville de Kinshasa dotée de la personnalité juridique et
exerçant des compétences de proximité
énumérées dans la présente
constitution.59
La régionalisation et le développement durable
vont de paire avec les besoins vitaux des citoyens et des peuples du Congo,
membres de la nouvelle société démocratique en gestation,
dont, il faut assurer les besoins élémentaires de manger, boire,
se vêtir, se loger se soigner, travailler et éduquer leurs
enfants. La durabilité du développement dépend de la
capacité des générations futures, or, l'horizon du
développement durable est celui de l'industrialisation du Congo, c'est
à dire la transformation en produits finis des potentialités du
sol et du sous-sol inexploitées ou male exploitées sous forme des
matières premières brutes exportées sans valeurs
ajoutées. Chemin faisant, la régionalisation soulève, pour
première fois une question de fonds à laquelle il faut
répondre : "Comment la régionalisation peut-elle mettre
à profit l'attractivité de la RDC en ce début du 21
siècle pour attirer les investissements directs étrangers au
niveau régional et local ? C'est-à-dire arrimer
qualitativement et quantitativement l'économie congolaise à la
globalisation par des partenariats stratégiques gagnants/gagnants".
La première tâche consiste à créer
ou à promouvoir les entreprises congolaises, acteurs
privilégiés de la création des richesses, au profit duquel
il importe
58 M Tshiyembe, Op cit, p 176.
59 M Tshiyembe, Op cit, p 178.
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de mettre les moyens de la puissance publique, une politique
économique innovante touchant tous secteurs (formel et informel). Les
nouvelles formes de coopérations techniques Nord-Sud ou Sud-Sud doivent
être imaginés et orientées vers les industries
agro-alimentaires à commencer par les produits vivriers, impliquant
entrepreneurs, investisseurs, commerçants, industriels, formateurs,...
cet effort de modernisation économique et industrielle doit être
étendu à tous les secteurs vitaux du pays dont l'exploitation
forestière, minière, énergétique
(pétrolière et gazière), culturelle et artistique,
touristique... lequel doit mobiliser des ressources dans la caisse nationale de
péréquation.
L'une des innovations majeures de la régionalisation
congolaise est le découpage territorial en trois blocs constitutionnels.
Le bloc de l'Etat, le bloc des provinces, le bloc des entités
territoires décentralisées (villes, communes, chefferies), en
tant que variables dépendantes de la gouvernabilité et du
développement durable. Chaque bloc constitutionnel est soumis aux
principes de personnalité juridique, libre administration et autonomie
de gestion des ressources économiques, humaines,
financières et techniques, égalité de
traitement (constitution 2006 article 1,3) ; à chaque bloc
constitutionnel correspond des compétences exclusives et des
compétences
partagées ou concurrentes ayant une portée
générale (constitution, articles, 201,203,204).
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