Conclusion
Les transports publics en Afrique subsaharienne entrent
désormais dans une nouvelle aire. Une prise de conscience commence
à s'opérer quant à la nécessité de proposer
un réseau de transports urbains fiable et plus respectueux de
l'environnement. A l'instar des grandes agglomérations d'Amérique
Latine, le continent Africain se laisse désormais séduire par un
modèle de transport de masse, le Bus Rapid Transit. Initié par le
Brésil au cours des années 70 ce modèle s'est largement
propagé jusqu'à atteindre les côtes du continent africain.
Fasciné par le succès d'un tel réseau le Nigéria
est le premier pays du continent à se lancer dans la mise en place de ce
modèle. Les particularités urbaines du pays et plus
précisément de la ville de Lagos dans lequel le BRT est
implanté diffèrent considérablement des
phénomènes urbains d'Amérique Latine. Le système de
transport de la ville s'organise désormais en conséquence et
propose une alternative de transport plutôt fiable capable de drainer
plus de 180.000 passagers par jour. Sa rapidité, sa sureté et sa
fiabilité ont ouvert la voie à d'autres projets BRT. L'Afrique du
Sud s'engage elle aussi dans ce nouveau modèle à la fin des
années 2000 et désormais c'est le Sénégal qui se
lance dans un projet de BRT.
Si le Bus Rapid Transit apparaît aux yeux des
états comme une solution idéale la réalité de sa
mise en place est souvent plus complexe qu'il n'y parait. En effet, parfois,
lorsque le
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projet ne fait partie d'une démarche de concertation
appuyée avec les différents opérateurs de transports de la
ville, comme ce fut le cas en Afrique du Sud, de vifs conflits peuvent avoir
lieux. Au-delà de simples revendications, le lancement de projet de
transport de telles envergures vient parfois rappeler le caractère
historique de l'organisation de la nation. Les conflits entre les taxis et la
municipalité de Johannesburg ont par exemple soulevés des
questions sociétales extrêmement fortes.
Dans cette même lignée l'organisation complexe du
système de transports en Afrique subsaharienne est étroitement
liée à la période post-coloniale. Au sortir des
périodes d'indépendances dans les années 60, les nations
ont dû réorganiser tous les domaines du gouvernement. Ainsi, le
secteur des transports n'a pas toujours fait l'objet d'attentions
particulières et si pendant plusieurs décennies des
systèmes de transports publics se sont développés le
manque d'organisation à l'échelle des collectivités a eu
raison de ces premières organisations de transports publics. La
croissance démographique et la transition urbaine fortes,
associées à la vétusté des matériels
roulants ont sonné le glas pour les transports publics. Les
collectivités dépassées par le phénomène ont
alors promulgué la libération du secteur des transports dans
l'espoir de trouver un équilibre autonome entre l'offre et la demande.
Cet équilibre espéré n'a jamais eu lieu et n'a fait que
complexifier l'industrie des transports en multipliant le nombre d'acteurs de
l'industrie des transports.
Toutefois, les projets de BRT sur le continent s'inscrivent
dans une volonté profonde de changement, pour une meilleure efficience
des transports publics. Accessibles, sûrs, pratiques, efficaces, les BRT
constituent une solution en matière de déplacement tout à
fait pertinente pour ses pays déjà accoutumés au
réseau de bus et dont les finances ne sont pas excessivement
élevées. Néanmoins bien que les conditions d'exploitations
soient favorables à l'essor de ce modèle en Afrique
subsaharienne, le cadre institutionnel du secteur des transports reste encore
soumis à quelques révisions. Le succès de tels projets est
étroitement lié à une bonne organisation des politiques de
transports et d'usage des sols. La question des financements est
également à appréhender en profondeur.
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Si la révolution des transports publics commence
à s'opérer en Afrique, cette transformation ne se fait pas
uniquement avec les acteurs locaux. Partenaires financiers et
spécialistes de l'aménagement travaillent ensemble pour offrir un
cadre solide à l'industrie de transport africaine en pleine mutation.
Cependant l'équilibre de ces coopérations parfois fragile
interpelle. Rentabilité économique, modèle de BRT «
à la chaîne », non considérations des
particularités locales, accompagnent aussi les projets de BRT
appauvrissant le potentiel des futures lignes de transports. Le principe de BRT
ne doit de fait pas être pensé comme la seule solution de
transport. Le véritable pouvoir d'action pour des projets BRT en
cohérence avec l'environnement social, urbain et économique du
pays dans lequel il s'implante n'en reste pas moins, des politiques locales
fortes et engagées pour un renouveau de l'organisation des transports
collectifs. Dans des métropoles marquées par de profondes
disparités socio-spatiales et des rapports à la mobilité
très contrastés, la réforme du système de transport
urbain semble devenir une nécessité.
Ce dernier point, c'est-à-dire la nécessaire
implication locale en faveur d'une évolution positive des politiques de
transport aura retenu mon attention tout au long de mon alternance. En effet,
à travers le suivi de dossiers relatifs à des projets de
transports qu'il s'agisse de plans de circulation, de projet PDIE et ici
à travers l'exemple des projets BRT j'ai développé une
certaine sensibilité à la question de la planification des
projets de mobilité. Plus que l'exploitation des réseaux de
transport c'est toute la partie amont, d'organisation et de réflexion
autour d'un projet de transport qui attise désormais mon
intérêt. A mon sens, le premier pas nécessaire à la
réussite d'un projet de mobilité trouve racine dans la
réflexion qui aura encadré et nourrit ce projet. Aujourd'hui
cette expérience professionnelle en bureau d'étude m'a
apporté la confirmation de vouloir poursuivre dans une carrière
où j'aurais la possibilité de participer à la mise en
forme des logiques de transports d'une commune ou d'une région. Ma
découverte des projets de transport de masse en Afrique subsaharienne
par l'intermédiaire du système de Bus Rapid Transit me pousse
également à me tourner vers l'international. A l'heure de la
révolution environnementale, la réorganisation en faveur de
politiques de transports capable de répondre aux besoins de
déplacements des populations notamment dans les pays dits « du Sud
» représente l'un des défis majeurs du XXIème
siècle. A ce titre j'aimerais vivement pouvoir apporter ma contribution
dans la réflexion autour de projet BRT mais aussi dans le
déploiement d'un réseau de transport maillé et
multimodal.
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