Chapitre VI : Analyse
et interprétation des résultats
A partir d'une grille d'analyse et d'un guide d'entretien,
nous avons obtenu des résultats sur notre sujet d'étude. Dans ce
dernier chapitre, il s'agira de faire une analyse de ces principaux
résultats sans perdre de vue notre propre analyse inspirée de nos
différentes lectures et enquêtes. A partir de ces
résultats, nous tenterons de donner une signification de
différents faitsles plus remarquables. L'accent sera mis sur trois
points fondamentaux : La reconnaissance de l'art contemporain par les
politiques culturelles, les débuts de l'art contemporain en
Auvergne-Rhône-Alpes et les dispositifs en faveur de l'art
contemporain.
Section 1 : L'art
contemporain, entre rejet et reconnaissance, les politiques culturelles
tranchent !
Comme nous l'avons souligné dans les premières
parties de cette rédaction, l'utilisation de l'expression
« art contemporain » était quasi absente à la
création du ministère de la Culture en 1959. Cela est
confirmé par les différents entretiens que nous avons
réalisés. La plupart des enquêtés désignent
les oeuvres qualifiées d'art contemporain par les termes comme
« truc », « chose »
ou « machin ».
« Je ne comprenais pas bien tous ces
trucs qui venaient d'Amérique et tout, ça ne
m'intéressait pas trop, et là c'était mon art :
l'expressionnisme ».
« Moi je trouve que c'est un artiste, dans son
truc, c'est pour ça que c'est génial, il nous
montre vraiment la société ce qu'elle est quoi. Il nous montre
ces choses, ça brille, on se reflète
dedans ».
« Il ya plein de gens qui ont travaillé
sur ces choses, inventer des espèces de
trucs, des machins...y'avait pleins
d'artistes qui bossaient sur ces trucs. Et puis bon ben...
voilà, alors c'est vrai que je fais partie de ça. Alors ça
c'est sûr. Et puis après je suis revenu à la peinture.
Maintenant je suis quasiment dans mes trucs de
peintre ».
Déjà l'art contemporain, dès ses
débuts, pose un problème de dénomination et de
reconnaissance avec des évènements qui suscitaient assez de
réactions controversées. Ces évènements faisaient
souvent des « scandales » incroyables. L'art contemporain
était tout simplement scandaleux. A Lyon, il s'agit surtout avec
l'Espace Lyonnais d'Art Contemporain qui entreprend des initiatives sur cette
nouvelle façon de faire art.
Face à ces polémiques, les politiques
culturelles s'inscrivent dans une trajectoire d'ouverture. Avec la naissance du
ministère de la culture, c'est le début d'une véritable
démocratisation de la culture, notamment la création
artistique.
« Rendre accessible les oeuvres capitales de
l'humanité, et d'abord de la France, au plus grand nombre possible des
Français, d'assurer la plus vaste audience à notre patrimoine
culturel, et de favoriser la création des oeuvres d'art et de l'esprit
qui l'enrichissent ».
Décret n° 59-889 du 24 juillet 1959 portant
organisation du ministère en charge des Affaires culturelles.
Cette reconnaissance d'un art rejeté, critiqué
et incompris a été principalement une préoccupation des
régimes qui se sont succédé après la naissance du
ministère de la Culture. C'était le cas sousla présidence
de Georges Pompidou. Celui-ci,présenté comme quelqu'un qui
était passionné par la pratique culturelle, exprimait sa
volonté d'ouverture dans ce domaine, plus particulièrement dans
le domaine de l'art. Il s'agit d'une orientation courageuse qui va dans un sens
opposé de l'opinion publique de cette
époque.« Défendre l'art contemporain dans les
années 60, c'était accepter de se faire beaucoup
d'ennemis... » TeodoroGilabert.
« L'Etat laisse agir le génie de son
temps et de son peuple ».
Déclaration de Georges Pompidou, Président de la
République, recueillie par le journal « Le monde »,
le 17 octobre 1972.
Après George Pompidou, c'est Jack Lang qui a poursuivi
ce processus de reconnaissance à travers des actions et des
déclarations ambitieuses. La diversité culturelle à
travers ses différentes pratiques va être une préoccupation
de son ministère.
« Le ministère chargé de la
Culture a pour mission : de permettre à tous les Français de
cultiver leur capacité d'inventer et de créer,
d'exprimerlibrement leur talent et de recevoir la formation artistique de leur
choix ; de préserver le patrimoine culturel national,
régional, ou des divers groupes sociaux pour le profit commun de la
collectivité tout entière ; de favoriser la création
des oeuvres de l'art et de l'esprit et de leur donner la plus vaste
audience ; de contribuer au rayonnement de la culture et de l'art
français dans le libre dialogue des cultures du
monde ».
Décret relatif à l'organisation du
ministère de la Culture, publié par Poirrier Philippe, histoire
des politiques culturelles de la France contemporaine (Dijon :
Université de Bourgogne, 1998), p.83.
L'autre aspect important de la politique culturelle de Jack
Lang, c'est aussi cette nouvelle relation établie entre la culture et
l'économie en général et en particulier l'art et
l'économie.Dès son arrivée à la tête du
ministère, Lang lance le slogan :
« Economie et culture, même
combat ».
Dans ce mot d'ordre, il défend l'idée selon
laquelle :
« Fini le temps où les artistes, les
créateurs, les inventeurs, doivent s'écarter avec méfiance
de la vie économique, craignant d'apparaître comme des
créateurs aux mains sales. Fini aussi le temps où
l'économie doit ignorer ce levain que constituent le savoir et la
création ».
Cette volonté du ministre a vraisemblablement
réalisé une rupture dans l'histoire des politiques culturelles.
Le ministère s'est intéressé de plus près aux
industries culturelles mais aussi à l'art dans son ensemble sans rentrer
dans des querelles de ce qui est art et de ce qui ne l'est pas. Cette
manière de faire dans le monde de l'art constitue un aspect important
dans le changement de visage de l'art contemporain.
Une autre déclaration à considérer, c'est
celle de Philippe Douste-Blazy, ministre de la Culture à partir de 1995,
qui affirme devant le Sénat le 27 novembre 1995 :
« La politique culturelle doit participer
pleinement à la recréation du pacte républicain, ouvrir
à chacun la voie de l'épanouissement individuel et de la
solidarité ».
Dans la même orientation que ces
prédécesseurs, Catherine Trautmann nommée ministre de la
Culture et de la Communication, réaffirme les principes de
l'intervention de l'Etat en matière culturelle :
« L'engagement de l'Etat en faveur de l'art et
de la culture relève d'abord d'une conception et d'une exigence de la
démocratie ».
De ce fait, l'Etat doit :
· « Favoriser l'accès de tous aux
oeuvres de l'art comme aux pratiques culturelles,
· nourrir le débat collectif et la vie sociale
d'une présence forte de la création artistique en reconnaissant
aux artistes la liberté la plus totale dans leur travail de
création et de diffusion et
· garantir la plus grande liberté de chaque
citoyen dans le choix de ces pratiques culturelles ».
La ministre s'est surtout placée sur le principe que
l'Etat doit :
« Défendre la liberté de
création et le pluralisme culturel ».
A travers toutes ces actions et déclarations, nous
pouvons affirmer sans risque de nous tromper que les politiques culturelles ont
joué un rôle important dans l'émergence de l'art
contemporain en France, notamment dans la région
Auvergne-Rhône-Alpes. Ce qui conforte notre position, c'est le
témoignage des artistes interrogés sur le sujet qui
affirment :
« C'est véritablement le maître de
cet art, reconnaitre l'art contemporain et surtout lui placer sous la
protection de l'Etat et ça peut être pour la première fois
dans les politiques culturelles en France. Avec des mesures très fortes,
déjà de doter le ministère de la culture, d'un budget
conséquent qui va s'appeler, eih... ça c'est extrêmement
intéressant ».
« Avec l'ELAC, l'Espace Lyonnais d'Art
Contemporain qui était dédié à l'art contemporain,
c'était une initiative privée, ça n'a pas marché,
parce qu'il n'y avait pas de moyens ».
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