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La gestion des conflits fonciers entre autochtones et allochtones dans le département de Sinfra.


par Jean Noel PacàƒÂ´me KANA
Université Félix Houphouet Boigny d'Abidjan - Doctorat en Criminologie 2019
  

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5.2.2 Ingérence des autorités gouvernementales dans la gestion des conflits fonciers

Les investigations menées à Sinfra ont permis de comprendre que les autorités extra-locales ou gouvernementales ont tendance à s'impliquer à tort ou à raison dans le processus de gestion des conflits fonciers.

Outre ce fait, nous pouvons noter que les conflits post-électoraux à la fois ethnicisés et communautarisés à Sinfra, ont attisé les divergences sociales et surtout foncières avec une présence quasi permanente et dans des dimensions occultes « des élus politiques gouvernementaux» qui, intentionnellement ou non, ont entretenu un climat de méfiance réciproque entre ces peuples sédentaires.

Nous pouvons illustrer ces propos par un récit relaté par R., un autochtone de Digliblanfla (entretien de Janvier, 2016) concernant un conflit foncier, qui depuis 2011 n'a encore été solutionné.

Selon l'enquêté R., ce conflit qui remonte à 1960, oppose le chef du village Digliblanfla G. à un ressortissant nordiste. En effet, en 1960, le père de G. a octroyé gratuitement 12 hectares de forêts à un ami malinké sous le système de tutorat.

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Quelques années plus tard, le malinké se suicide sous prétexte que sa femme l'aurait cocufié en raison de ses difficultés à procurer.

En 1983, soit 23 ans plus tard, des feux de brousse ont embrasé les cultures du défunt malinké. En 1996, le père de G. procéda au partage de ses parcelles de terre à ses enfants, y compris celle, anciennement octroyée au défunt (celui n'avait pas de descendant). Aussitôt, des travaux ont été entrepris par les fils dont G., de sorte à en faire un champ de cacao. Mais en avril 2011, c'est-à-dire après les violences post-électorales,des hommes armés arrivent dans le village Digliblanfla et se saisissent de G. Ces hommes lui demandent de restituer l'espace qu'il cultivait illégalement puisque « le défunt était l'ami à notre père, donc il nous a légué l'espace » (propos recueilli auprès d'un de ces hommes au cours d'une séance d'explication initiée par les magistrats de la cour d'appel de Daloa).

Toutefois, bien que ces hommes estimaient être les « héritiers », ils ne connaissaient ni l'emplacement de cette terre, encore moins la superficie ou les limites. G. refusa de les y conduire. Donc ces hommes le battent sévèrement et exigent une rançon de 160.000F prétextant représenter l'amende pour utilisation illégale d'espace et un enfermement dans une prison improvisée dans les locaux de la gendarmerie de Sinfra.

Ainsi, sous l'effet des coups et des menaces, G. conduit ses geôliers sur l'espace en question.

L'administration locale (à travers les différentes structures) qui avait déserté pendant la période conflictuelle, a quelques mois plus tard été saisie du dossier. Pendant cette période alimentée par violences post-électorales, la majorité des autorités de la localité se sont successivement auto-dessaisies du dossier, craignant d'éventuelles représailles de ces hommes armés. Elles ont porté l'information à leurs supérieurs hiérarchiques qui l'ont eux aussi, transmise au Président de la République actuel, qui a aussitôt ordonné la restitution de l'espace à G.

Ce verdict présidentiel a été célébré comme une fête dans la plupart des villages du département.

Toutefois, les gendarmes chargés de veiller à la matérialisation de la décision présidentielle ont, sur le terrain, démissionné car, refusant de s'engager sur « un espace méconnu pour eux, et contre des adversaires armés, qui maitrisent désormais le terrain » (Propos recueilli auprès d'un gendarme, 46 ans, MDL chef).

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Depuis lors, l'enquêté N. (cultivateur à kouêtinfla, entretien de Février 2016) affirme que « ces hommes récoltent les cabosses plantés par la famille G. ».

En 2014, quelques élus, informés par la communauté villageoise autochtone ont saisi la justice de Sinfra, qui après délibération a exigé la restitution de l'espace à G. Mais, en dépitde ce second jugement en faveur de G., l'enquêté R. affirme que « ces hommes ont fait appel de cette décision à la cour d'appel de Daloa ».

Les échanges que nous avons sollicités et obtenus auprès du magistrat en charge de l'instruction, ont révélé un harcèlement quasi-quotidien de celui-ci de part et d'autre des acteurs en conflit et à travers eux, des communautés en conflit. Ce magistrat (49 ans, Juge d'instruction à la cour d'appel de Daloa, entretien de Septembre 2016) affirme « recevoir au quotidien des appels de ruraux, d'élus locaux et gouvernementaux pour que l'instruction soit orientée en leur faveur ». Jusqu'à ce jour, cette enquête est toujours en cours.

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