1.3. Foncier
Le foncierfait appel à plusieurs approches qui tentent
de lui donner un contenu.
Du point de vue légal, la loi n°98-750 du 23
décembre 1998 précise que « le foncier est
constitué des terres mises en valeur ou non. Il constitue le patrimoine
auquel toute personne physique ou morale peut accéder (Art 1)
», c'est-à-dire « des propriétés de
l'Etat, des propriétés des collectivités publiques, des
terres sans maitre, des terres du domaine coutumier, des terres que l'Etat
ivoirien a concédé à des collectivités publiques
(Art 2) ».Autrement, le foncier serait d'une façon
générale constitué de l'ensemble des terres nationales.
Cette conception, bien que normative parait vague, peu
explicite et incapable de rendre comptede ce terme dans une dimension
écologiste, urbaniste, économiste, géographique et
sociologique. Toute chose qui nous amène à analyser des
conceptions de spécialistes en la matière.
Pour l'écologiste, le foncierest le sol,
écosystème complexe, support de vie, participant au maintien des
équilibres naturels (Goiffon, 2003).
Pour l'urbaniste, il s'aborde en termes d'occupation d'espace,
de projet de vie (Foucauld, 1982 ; Eliccel, 2002).
Pour le géographe, il est support d'un usage,
caractérisé par un relief, un bâti, une forme, une
densité (Pellisier et Sautter, 1969).
Pour l'économiste, le foncier s'analyse en termes de
valeur, de rendement (locatif, agricole), c'est une assiette fiscale, un objet
d'équilibre financier pour que sa valorisation soit possible (Smith et
Ricardo, 2007).
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Pour les sociologues, le foncier est compris comme le mode
d'organisation de l'espace et des populations humaines qui le composent. Il est
au carrefour entre l'environnement et l'homme, avec une priorité pour la
société. Chaque société humaine s'est
installée sur ce que l'on peut appeler un territoire, et c'est par la
compréhension de la manière dont les sociétés
s'installent que l'on peut analyser le foncier. C'est un terme complexe car il
nécessite la compréhension d'une société dans son
ensemble. Cette compréhension renvoie aux modes d'accès à
la terre déterminés par des droits de propriété,
les usages des ressources et à l'organisation des rapports sociaux.
Dans cette perspective, la Coopération française
(2008) pense que «le foncier est un rapport social; la façon
dont une société définit les droits de
propriété sur la terre et sur les ressources naturelles, dont
elle les distribue entre les différents acteurs, dont elle les garantit
et les administre».
Pour d'autres auteurs tels que Le Bris, Le Roy, et Mathieu
(1991), le foncier prend en compte « l'ensemble des règles
définissant les droits d'accès, d'exploitation et de
contrôle concernant la terre et les ressources naturelles ».
Cette acception met l'accent sur la dimension sociale du foncier, rapport entre
le foncier et les groupes sociaux, partie intégrante du fonctionnement
de la société.
Sawadogo (1996) le conçoit comme un rapport
déterminé par l'appropriation de l'espace. Le foncier pour lui,
est constitué par la terre et les autres ressources naturelles (l'eau,
la faune, la fertilité ...) comme capital physique et facteur de
production et par l'ensemble des relations sociales entre les individus et
groupe sociaux pour l'appropriation de la terre.
Ces auteurs s'intéressent aux rapports sociaux
établis sur la terre ou l'espace territoriale. Ces rapports
sociaux sont principalement déterminés par les facteurs
économiques (accumulation privative du capital et extraction de rente),
juridique (norme d'appropriation et modalités de règlements de
conflits) puis par les techniques d'aménagement pouvant
matérialiser et caractériser ces rapports.
Pour stamm (1998), le foncier peut se concevoir comme un
«fait social total» constitué à la fois par la
terre et par l'ensemble des relations entre les individus et les groupes pour
l'appropriation et l'utilisation des ressources. Il apparaît donc comme
support et capital intervenant dans la production avec une dimension
religieuse, culturelle et affective.
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Selon Malo (2005), toutes ces définitions font appel
à la notion de maîtrise foncière qui est utilisée en
anthropologie pour désigner toutes les formes d'appropriation, de
pouvoir de gestion et de contrôle social sur les terres. La
maîtrise de la terre, selon Dembélé (2006) suppose la
primauté d'occupation et d'appropriation d'un terroir ou d'un espace
géographique donné par un groupe social donné. Pour eux,
c'est donc la primauté d'installation et d'appropriation qui
confèrent la maîtrise de la terre. Pour Le Roy, (1995), la
maîtrise foncière désigne «l'exercice d'une
puissance sur la terre en vertu d'une position
d'autorité». Le foncier apparait dès
lors comme une valeur de plus en plus rare, donnant lieu à des
situations conflictuelles pour la détention des droits de
propriété (Zadou, Ibo et Koné, 2010).
Comme on peut le remarquer, le foncier est multidimensionnel.
Il met en jeu des facteurs économiques (la valeur de la terre, l'enjeu
économique de son contrôle), juridiques (les normes
coutumières ; le statut légal de la terre et des ressources, les
dispositifs législatifs), institutionnels (les instances d'arbitrages,
de décision, l'administration foncière) et techniques (les
techniques d'aménagement de l'espace qui transforment la valeur et
parfois le statut de la terre).
Dans le cadre de la présente étude, nous
souhaiterions définir le foncier dans une conception
sociogéographique qui prendrait à la fois en compte l'approche
géographique à travers le support d'usage et l'approche
sociologique à travers le capital, facteur de production.
Nous voudrions entendre par foncier, le support d'usage ou
capital physique constitué de la terre et les autres ressources
naturelles (eau, flore, faune...) qui est facteur de production d'une part, et
facteur d'orientation ou de définition des relations interindividuelles
d'autre part.
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