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La gestion des conflits fonciers entre autochtones et allochtones dans le département de Sinfra.


par Jean Noel PacàƒÂ´me KANA
Université Félix Houphouet Boigny d'Abidjan - Doctorat en Criminologie 2019
  

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1.2. Politisation de l'atmosphère rurale et insécurité

« Avec l'indépendance, le système foncier en Côte d'Ivoire n'a pas subi de transformation radicale. On a toujours eu affaire à un Etat, caractérisé par la combinaison de pouvoirsau sein des sociétés paysannes locales ». Ces propos recueillis auprès de Mr D., directeur départemental de la construction de Sinfra (entretien de Mai 2015)montrent que les acteurs de l'Etat dans leur majorité(élites politiques locales) ont conservé de fortes relationsavec le monde rural pour des raisons qui, loin d'être uniquement culturelles, tiennent aussi aux conditions d'exercice des activités régaliennes de l'Etat.

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À partir de 1994, la crise politique nationale est marquée par une ethnicisation politique contenue dans le concept de « l'ivoirité »qui, bien que culturel, s'est cristallisé dans les consciences rurales comme le concentré d'une politique d'exclusion ethnique, communautaire et religieuse.

Pour un enquêté de Blontifla (27 ans, cultivateur, entretien de Janvier 2016)« les problèmes de terre ici, sont interprétés par les uns et les autres comme en termes de politique. Une simple mésentente entre deux personnes de communautés différentes est vue comme un problème politique et le règlement provoque toujours des murmures dans toute la ville ».

Dès lors, il s'ensuit que les acteurs ruraux, administratifs et politiques de Sinfra sont charriés dans ce courant de politisation de la question foncière avec des implications plurielles, des dysfonctionnements récurrents des instances de gestion foncières dans le contexte actuel de Sinfra.

Ces propos de l'enquêté mettent également en avantune ignorance des ruraux en matière de connaissance de la loi foncière actuelle (loi n°98-750 du 23 décembre 1998).Ce faisant, en absence des droits clairement établis pour les populations paysannes locales sur le foncier rural (la terre appartient à l'Etat et seuls les ivoiriens peuvent en être propriétaires: art 1 du code foncier ivoirien ; les non-ivoiriens peuvent bénéficier de titres fonciers sur des terres acquises : art 26 ; les acteurs ont obligation de mettre en valeur leurs terres sous peine de réquisition foncière par l'Etat : art 18), les responsables politiques locales de Sinfra ont et exploitent toujours à profit cette nébulosité pour instrumentaliser les groupes qu'ils classifient en foyers antagonistes. Ces catégories socio-rurales organisées et instrumentalisées sous le couvert politique, se retrouvent permanemment en conflit sous l'arbitrage de l'administration locale, qui tente d'établir les bases d'une réconciliation de façade. Le cycle de violences et d'interventions partisanes reprend et continue, laissant place à des réconciliations superficielles et passagères ; qui elles-mêmes sont régulièrement suivies de conflits successifs dans la localité de Sinfra. Ces conflits ressurgissant, précèdent de longues rencontres de réconciliation, qui se terminent par des échecs de règlement, de nouvelles frustrations et de nouveaux conflits.

Ainsi, le terrain d'étude apparaît âprement comme le théâtre où les acteurs politiques, administratifs, ruraux instrumentalisent les marques de frontières entre identités pour atteindre leurs objectifs.

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Toutefois, à côté de ces acteurs administratifs aux attitudes opportunistes, quelques

rentiers profitent de cette situation d'insécurité foncière. Et les populations
sédentaires se voient se culpabiliser les uns les autres comme responsables de cette instabilité sociale, de cette dégénérescence de la situation ; rendant de ce fait l'équilibre social précaire et politiquement pollué dans la localité de Sinfra.

Selon enquêté L. (51 ans, planteur à Brunokro lors d'entretiens effectués en Mai, 2015) « la politique s'est ingérée dans nos rapports au village ; les cadres de la ville font des entretiens cachés avec d'autres personnes ; ce qui ne favorise pas notre cohabitation. Les conflits entre nous deviennent plus violents et la peur, la méfiance s'installe dans chaque groupe ethnique, communautaire. A cela s'ajoute les rumeurs quotidiennes, les tentatives de règlement qui sont toujours contestées par les parties ; laissant place à des vagues de violences plus sérieuses que les précédentes ».

Une position que semble partager Maître B. (interview effectuée en Fevrier, 2015), greffier du tribunal de Sinfra, pour qui, « les relations entre ruraux sont de plus en plus antagoniques. Les populations rurales en conflit accusent régulièrement le système administratif d'inaction ou encore d'aggravation de ces litiges. Ainsi, ces ruraux remettent en question de nombreuses décisions prises par certains administrateurs de la localité pour apaiser les tensions rurales. Dans ce cas, l'option violente, c'est-à-dire l'usage des autorités répressives, se solde toujours par des échecs ».

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius