II. Définition des concepts
Selon Eberwein (1978), « la formation des concepts
est une base essentielle de la construction théorique ; la
précision des termes est indispensable pour la désignation des
phénomènes que l'on souhaite décrire et expliquer.
»
Pour Durkheim (1990), « la première
démarche du sociologue consiste à définir les choses dont
il traite afin que l'on sache et qu'il sache de quoi il est question
».
1. Concepts explicites
1.1 Gestion
La gestion, issue du verbe « gérer »
qui signifie exécuter, accomplir au départ pour le compte
d'autrui (Biales, 2000), varie selon la discipline scientifique dans laquelle
l'on se situe.Ainsi, dans la conception psychanalytique, le concept est
employé pour
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désigner des techniques de développement
personnel visant la transformation de soi : soit pour se défaire de
certains aspects pathologiques (phobie, anxiété, déprime,
timidité), soit pour améliorer ses performances (mieux
communiquer, gérer son temps, s'affirmer en milieu
sociétal).Partant de ce fait, la gestion présente un aspect
curatif, non pas des maux physiques mais des maux psychiques. Autrement,
gérer c'est établir une thérapie cognitive des acteurs
sociaux qui recherchent « l'épanouissement social» et
qui, par ricochet, sont considérés comme souffrants d'un manque
psychologique matériellement constatable.
Selon Lacroix (2014), le milieu professionnel est le lieu de
manifestation de la gestion car il est avant tout un théâtre
où se manifestent des interactions entre individus non pathologiques
mais aspirant à des améliorations de conditions sociales.
Toutefois, bien que cette idée ait le mérite de
nous orienter vers une conception purement psychologique, elle a tendance
à stéréotyper l'homme, le rendant passif dans le
débat sur l'amélioration de sa propre condition sociale. Toute
chose qui nous amène à analyser une approche positiviste du
concept.
Dans cette approche, des auteurs contrairement aux
précédents, estiment que le sujet subissant est la seule
entité capable d'améliorer sa condition sociale et ce, par la
modification de sa vision des choses et par une gestion saine de son mode de
pensée. Ainsi, la gestion apparait dans cette dynamique, comme un mode
de pensée et d'action, mieux un style de vie visant continuellement
à inscrire la vision et le raisonnement de l'individu dans une dynamique
positive. Dans cette perspective, Peale (1952) affirme que la gestion permet de
transformer chez les individus, les émotions négatives en
attitudes positives de sorte à aider les sujets à prendre
conscience de leurs potentialités qui catalyseraient la
métamorphose de la situation actuelle en une situation meilleure. Il
déclare que gérer, c'est allier son comportement à une
ligne vectorielle au sein de la sphère sociale. Autrement, la gestion
dans ce contexte, est perçue dans une approche binominale : une phase
psychologique qui consiste en la modification du mode de pensée et une
phase active qui s'appuie sur des actions concrètes,
réfléchies et ciblées concernant la transformation
positive de la situation actuelle.
Dans cette même optique, Carnegie (1990) distingue
huit(8) points clés de la gestion : vous faire apprécier
davantage, rallier les autres à votre point de vue, développer
votre influence, votre ascendant, votre capacité à faire agir,
faire face aux critiques,
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régler les conflits, garder l'harmonie dans vos
contacts avec les autres, développer vos talents d'expression et de
communication et susciter l'enthousiasme parmi vos collaborateurs. Autrement,
ces indicateurs de la « gestion » traduisent les attitudes
collégiales que doivent adopter l'ensemble des acteurs en milieu
professionnel pour répondre à la fois à des objectifs
structurels et personnels.
Toutefois, bien que cette conception ait le mérite de
nous révéler les pouvoirs enfouis en nous, elle s'attarde trop
sur la définition intra-personnelle de la gestion quand bien même
la gestion reste un concept, une valeur déjà inculquée,
transmise en amont dans la sphère familiale. Toute chose qui nous
conduit à analyser une conception de type éducationnel.
Dans la conception éducationnelle, Duvillier(2000)
pense que pour gérer des travailleurs d'une entreprise, il faut aller
à la genèse des choses c'est-à-dire dans la sphère
familiale pour poser les bases d'un développement personnel à
l'enfant. La gestion serait une sorte de communication, d'instruction des
vertus morales et sociétales à l'enfant en vue de dissiper en lui
les effets de découragement, de peur, de phobie pour le préparer
à affronter certaines réalités organisationnelles. Dans le
milieu professionnel, l'individu ayant reçu une base
éducationnelle fondée sur une gestion efficiente du «
moi » serait plus apte à supporter les contraintes de travail
que celui qui n'en a pas reçu (Lacroix, 2014).
Toutefois, cette approche s'attardant à préparer
l'enfant à intégrer le monde social complexe, ne situe pas les
parents comme des coachs dont la caractéristique renvoie au conseil,
à la motivation et à l'encouragement.
Dans le domaine sportif, gérer, c'est revêtir les
aptitudes d'un coach qui valorise des talents et potentiels des
athlètes. Il enseigne, conseille, motive, encourage, stimule afin de
révéler les aptitudes cachées de l'athlète. De ce
point de vue, gérer des sportifs apparait comme le fait de
révéler et de valoriser les talents cachés de certains
acteurs professionnels.
Cependant, même si cette approche définit
aisément le concept, elle reste une appréhension purement
sportive et non professionnelle.
Dans le milieu professionnel, Maslow (1943) propose une
hiérarchie des besoins représentée sous forme de pyramide
avec, au sommet, l'accomplissement de soi, défini comme le désir
de devenir de plus en plus ce qu'on est et de devenir totalement
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ce qu'on est en mesure de devenir. Cette pyramide a
réservé en haut de la barre, les individus du stade
d'accomplissement, tandis que les besoins de la masse d'employés
semblaient ne pas dépasser le stade de la sécurité
d'emploi et de bonnes conditions de travail. De ce fait, la gestion apparait
comme la mise en oeuvre de méthodes permettant à l'employeur de
passer du stade des besoins physiologiques à celui de
l'accomplissement.
Dupoint de vue sociologique, Touraine (1964) replace
d'emblée la gestion dans le cadre d'une compréhension des
transformations des rapports de pouvoir dans les organisations marchandes. La
gestion dépasse alors les seules techniques d'organisation pour
accéder au rang de technique de pouvoir. Lerouge (2010) pense que la
gestion semble plus en retrait concernant l'approche des risques psychosociaux
: « la gestion n'est pas seulement le fait de la finance et de la
comptabilité ;il s'agit à la fois d' une description de la
perspective du monde de la gestion des organisations qui touche le but lucratif
industriel mais aussi le but non- lucratif tenant aux associations et syndicats
».
Ces auteurs, même s'ils tentent de donner une coloration
sociologique au concept, il reste cependant purement organisationnel (Biales,
1984).
Dans ce sens, Tshikuna (2007) affirme que « la
gestion est l' ensemble des actes tendant, dans le cadre d' une politique
prévisionnelle définie, à déclarer, suivre et
contrôler le fonctionnement à court et à moyen terme des
éléments dont dispose l' entreprise pour atteindre le ou les
objectifs ».Cette définition renvoie la gestion en la
mise en oeuvre des éléments à la disposition de
l'entreprise en vue d'atteindre des objectifs préalablement
définis.
Tshikuna (2007) estime encore que la gestion, c'est le fait de
piloter un processus, prendre un problème à l'état ou il
se trouve pour le conduire au seuil de la décision ; autrement dit, ce
serait, organiser des décisions en intégrant toutes les
données et paramètres nécessaires à la
qualité de cette décision.
Toutefois, loin de prétendre réfuter cette
conception de pilotage d'un processus à l'effet de prendre une
décision, Desreumaux (1992) attire l'attention sur le fait que la
gestion concerne principalement une mise en application des savoirs
théoriques et pratiques. A cet effet, il affirme que la gestion est une
forme d'« application des savoirs théoriques et
opératoires ».
Dans la conception juridique, Verwilghen et Van (1980) pensent
que le conflit est l'ensemble des contradictions sur des questions de droit ou
d'habilitation en matière
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Dans cette même visée, Lassègue (2003)
estime que la gestion signifie « l'application des sciences à
la conduite des organisations ». Il s'agit là d'une simple
application de la science à un champ organisationnel visant
l'amélioration de la conduite des organisations à l'effet
d'accroître la production.
Au regard des définitions pré-citées,
nous proposons une définition qui prend à la fois en compte la
dimension processuelle(condition centrale de la gestion) et la détention
de savoirs théoriques et pratiques(préalable à la
gestion).
Nous entendons donc par gestion, le développement et la
mise en place des outils qui permettent le partage d'informations, la
discussion de stratégies et la prise de décisions en toute
transparence.
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