3. Critères de choix du nouvel acquéreur
« Pour désigner un successeur dans la gestion
des terres de la famille dans nos coutumes ici, celui qui est choisi doit
être quelqu'un qui s'investit beaucoup dans les travaux du champ, un
rassembleur des membres de la familleet un homme honnête dans la gestion
des terres ».(Propos recueillis auprès de
l'enquêté B. 59 ans, planteur à Djamandjilors d'entretien
effectué en Mai, 2016).
Ces propos traduisent que l'acquéreur des biens
fonciers familiaux doit être un cultivateur (1) et un rassembleur (2) qui
se distingue par son honnêteté (3).
3.1. Cultivateur
La désignation du successeur des biens fonciers
familiaux dans les contrées rurales de Sinfra s'effectue en faveur d'un
membre utérin (oncle, cousin, ainé ou cadet) ayant en amont fait
ses preuves dans les activités champêtres.Ceci suppose une
certaine omniprésence dans les activités champêtres,
matérialisée par la possession de cultures de rente (café,
cacao). En d'autres termes, il faille que le successeur puisse se vanter
à l'égard des autres membres de la famille, de la
détention de champs de cacao, café assez vastes,
caractéristiques de la richesse en pays gouro.
Pour Z.un enquête de kouêtinfla (67 ans,
planteur), « selon les instructions ancestrales que nous suivons
depuis des générations, les terres de la famille ne peuvent
être confiées à un paresseux puisque qu'il va vendre pour
sacrifier la vie des membres de la famille. On ne peut pas aussi les donner
à un aventurier car il va les laisser sans les cultiver pour aller
à l'aventure. Donc, celui qui travaille beaucoup au champ et a des
plantations de cacao et de café est plus apte à gérer la
richesse de la famille dans la mesure la nourriture ne va pas manquer à
la maison ».
De ce fait, cette position de détenteur de plantations
confère au successeur la responsabilité de la subsistance des
membres de la famille lors des périodes de
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famine généralisée « klata
» qui s'étend de janvier à Mai, c'est-à-dire
durant la période de semence au sarclage du riz.
3.2. Rassembleur
Dans le milieu rural de Sinfra, le successeur au père
donateur des terres, dans le registre familial, doit présenter un profil
de rassembleur. Pour cela, il doit autant que faire se peut, veiller à
l'homogénéité des membres pour éviter les effets de
dispersion liés à l'indigence alimentaire et financière
caractéristique du monde rural ivoirien.
Outre ce fait, il doit rétablir ou préserver le
cadre familial d'échange (réunions hebdomadaires, mensuelles et
situationnelles) et circonscrire ses actions dans la préservation de
l'unité familiale, condition indispensable pour éviter les
conflits internes dont la dégénérescence pourrait
désagréger le tissu familial. Cette idée est soutenue par
l'enquêté B. de Béliata (31 ans, maçon du village)
en ces termes «le successeurdes terres chez nous, doit pouvoir
rassembler tous les membres de sa famille pour régler les
problèmes en interne. Ce sera à cette condition que les membres
constituerons un groupe homogène dont les liens sont
soudésà l'intérieur de la cellule familiale
».Autrement, pour l'enquêté, le cadre d'échange
familiale que devra instaurer ou préserver l'héritier des terres,
sera essentiel au renforcement des relations au sein de l'institution
familiale.
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