MINISTERE DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
ET DE LA RECHERCHE
INSTITUT DES HAUTES ETUDES DES RELATIONS INTERNATIONALES
ET STRATEGIQUES (IHERIS)
|
|
REPUBLIQUE TOGOLAISE Travail - Liberté -
Patrie
ADVANCED STUDIES
IN INTERNATIONAL RELATIONS AND STRATEGICAL
INSTITUTE
|
LICENCE EN DROIT ET SCIENCES POLITIQUES-SCIENCES
ECONOMIQUES ET DE GESTION
MASTER : DROIT - DIPLOMATIE - MARKETING
INTERNATIONAL - BANQUE-MONNAIE-FINANCE INTERNATIONALES Agrément
Ministériel : ARRETE N° 014 / MESR / SG du 1er juin
2011
MEMOIRE
De fin de formation en vue de l'obtention du Diplôme
de Master en Droit Privé Fondamental
OPTION : RECHERCHE
Thème :
LA DISCRIMINATION DANS LE MONDE DU TRAVAIL AU
TOGO
|
Présenté et soutenu publiquement par :
Djignefa Komla YAO le 10 mars 2017
Directeur de Mémoire Membre du jury
Monsieur Komi WOLOU Docteur Serge
EVELAMENOU
Professeur Agrégé des Facultés de Droit ;
Professeur à la Faculté de Droit de
Président du Conseil Académique de IHERIS et
l'Université de Lomé, à la Faculté de
Responsable du Master Droit Privé ; Droit et de Science
Politique de Kara
Doyen de la Faculté de Droit de l'Université et
à IHERIS
de Lomé ;
Directeur du Certificat d'Aptitude à la profession
d'Avocat (C.A.P.A). Maître Yacoubou
AGNINA Avocat au Barreau de Lomé Professeur à la
Faculté de droit de l'Université de Lomé et à
IHERIS,
REMERCIEMENTS
I
J'adresse mes remerciements les plus sincères à
plus d'un :
A tout seigneur tout honneur, au DIEU tout
puissant, créateur du ciel et de la terre, le Père, le Fils et le
Saint Esprit, pour m'avoir donné la vie, la santé, la force, le
courage, la passion et la patience pour réaliser le présent
mémoire. A toi la gloire !
Au Président de IHERIS monsieur Edem KODJO
et aux autres membres fondateurs de ladite institution de m'avoir
donné l'opportunité d'être l'un des pionniers à
embrasser les études de master en droit privé fondamental dans
cette noble institution.
Au Professeur Komi WOLOU, pour votre
disponibilité, votre esprit positif et ouvert, votre patience, votre
écoute, vos encouragements et conseils éclairés,
avisés et continus pour la direction de mon travail, je vous en
remercie. Grâce à votre rigueur dans le travail et surtout
à votre critique constructive, j'ai pu apprécier la pertinence du
sujet et en révéler ses différents contours. Toute
rencontre avec vous a été l'aubaine pour moi de déchiffrer
le droit social de long en large. Heureux je le suis et je le serai toujours
d'avoir été votre étudiant et appris à vos
côtés. Que Dieu vous accorde grâce afin que vous puissiez
réaliser vos oeuvres.
Au corps professoral qui n'a pas lésiné sur les
moyens pour nous dispenser leurs riches savoirs très instructifs, je
vous en suis très reconnaissant.
Aux Professeur Serge EVELAMENOU et au
Maître Yacoubou AGNINA qui me font l'insigne honneur
d'être membre du jury de mon mémoire je vous en remercie. Je suis
convaincu que vos observations me seront d'un atout indéniable.
A monsieur Léeyé Koffi Benoît
BLAMCK Magistrat, Conseiller à la Chambre Judiciaire de la Cour
Suprême du Togo, monsieur Innocent EGBETOGNO Magistrat,
Directeur de Cabinet au Ministère de la Justice du Togo et au Professeur
Paul NOUTO, je vous remercie pour vos soutiens et conseils
infaillibles.
A tous mes collègues de la première promotion de
master droit privé 2013-2015 je vous remercie pour vos soutiens.
A mes amis AGBOKE, SIGNON, SIMTAYA, BOUREIMA, DAO
et tous les autres qui de près ou de loin m'ont toujours
soutenu moralement et ont cru en moi pour la réalisation de ce travail,
je vous remercie.
La discrimination dans le monde du travail au
Togo
DEDICACE
A Mon père Komi Sumna YAO et ma
mère Diébi Akoua TCHEKOU, valeureux parents qui
n'ont ménagé aucun effort pour me voir arriver là
où j'en suis aujourd'hui. Eux, mes plus grands modèles de vie,
mes plus grandes admirations qui ont su toujours m'inculquer l'amour du
travail, la quête permanente de l'excellence, la soif de la connaissance
et la patience dans la vie, je leur dit merci et que Dieu tout puissant les
bénisse en leur accordant santé, prospérité et
longue vie. Qu'ils puissent trouver en ce travail le fruit des
efforts qu'ils ont consentis et continuent de consentir au prix
d'innombrables sacrifices.
A mes soeurs Akofa Julienne et Nabi
Victoire et mon frère Séwonou Koffi Ferdinand
qui se dévouent corps et âme pour moi, qu'ils trouvent en
ce travail la richesse de leur soutien.
A mes nièces Maranatha et
Gloria, ma cousine Togné et mon cousin
Agbégnigan qu'ils trouvent en ce mémoire la
quête de leur succès futur.
A ma bien aimée Aimée Solim SONDOU
qui par ses encouragements, son soutien ses conseils sans failles a su
me comprendre et me motiver tous les jours, je lui souhaite le succès
dans tous ses projets.
II
La discrimination dans le monde du travail au
Togo
RESUME
Tous les Hommes sans distinction de sexe, d'état ou
d'âge naissent libres et égaux en droit et en dignité.
Cette égalité est également traduite dans le monde du
travail. Elle se matérialise par la méritocratie qui est le
critère de la réussite dans la sphère du travail. En
dépit de cette égalité prescrite par les conventions
internationales et consacrée par le droit positif togolais, le monde du
travail est gangrené par la discrimination, une injustice sociale qui le
perverti.
Pour contrer ce fléau, plusieurs conventions
internationales et régionales ont été ratifiées par
l'Etat Togolais. Pour ce même objectif, une abondante législation
a été adoptée et des politiques ont été
engagées aussi bien par l'Etat que par les acteurs du monde du travail.
Nonobstant cela, la prohibition de la discrimination dans le monde du travail
se révèle inefficace en raison des lacunes de la
législation anti-discrimination et de la persistance dudit
fléau.
Face à cette situation qui prévaut, il urge de
préconiser des moyens adéquats ; ceci en revitalisant la
législation anti-discrimination et en impliquant davantage les acteurs
du monde du travail afin d'éradiquer ce phénomène. Ce qui
permettra d'instaurer un monde du travail qui incarnera la vision d'un avenir
meilleur.
III
La discrimination dans le monde du travail au
Togo
AVERTISSEMENT
« L'Institut n'entend donner aucune approbation ni
improbation aux opinions émises dans ce mémoire
Ces opinions doivent être considérées
comme propres à leur auteur ».
IV
La discrimination dans le monde du travail au
Togo
ABREVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES
V
§ Paragraphe
AFF Affaire
Al Alinéa
Ass. Plén. Assemblée
Plénière
BIT Bureau International du Travail
CAF Confédération Africaine de
Football
CAN Coupe d'Afrique des Nations
CC Conventions Collectives
CCIT Convention Collective
Interprofessionnelle du Togo
C. Cass. Civ Cour de Cassation, Chambre
Civile
CDPH Convention des Droits des Personnes
Handicapées
CEPAG Centre d'Education Populaire
André Genot
CEFDF Convention sur l'Elimination de toutes
les Formes de
Discrimination à l'égard des Femmes
CESR Conseil Economique et Social
Régional
CFHE Conseil Français des Personnes
Handicapées Pour les
Questions Européennes
CGCT Confédération
Générale des Cadres du Togo
CGIT Code Général des
Impôts du Togo
CJCE Cour de Justice de la Communauté
Européenne
CLCD Cellule de Lutte Contre les
Discriminations
CNLDE Conseil National de Lutte contre la
Discrimination et pour
l'Egalité
CNSS Caisse Nationale de
Sécurité Sociale
CSI Confédération Syndicale
Internationale
CTT Code du Travail du Togo
CTCI Code du Travail de la Cote d'Ivoire
CTL Code du Travail de la Luxembourg
CPF Code Pénal Français
CTPF Code Togolais des Personnes et de la
Famille
CSS Code de Sécurité Social
CT Constitution du Togo
La discrimination dans le monde du travail au
Togo
VI
CTF Code du Travail Français
CTPF Code Togolais des Personnes et de la
Famille
CSTT Confédération des
Syndicats des Travailleurs du Togo
DARES Direction de l'Animation de la
Recherche, des Etudes et
des Statistiques
GSA Groupe des Syndicats Autonome
Ibidem au même endroit dans
l'ouvrage
LTDH Ligue Togolaise des Droits de L'Homme
CPT Code Pénal du Togo
CV Curriculum Vitae
OHADA Organisation pour l'Harmonisation en
Afrique du Droit
Des Affaires
OIT Organisation International du Travail
OHADA Organisation pour l'Harmonisation en
Afrique du Droit
des Affaires
ONG Organisation Non Gouvernemental
Op. Cit. Abréviation du latin
operecitato : tiré de l'ouvrage cité
PASCRENA Projet d'Appui à la
Société Civil et à la Réconciliation
Nationale
PNUD Programme des Nations Unis pour le
Développement
RGPH Recensement Général de la
Population et de l'Habitat
Sté Société
SGFPT Statut Général de la
Fonction Publique Togolaise
SFPF Statut de la Fonction Publique de la
France
STT Syndicat des Travailleurs du Togo
Trib. Trav. Tribunal du Travail
UGSL Union Générale des
Syndicats Libre
UNSIT Union Nationale des Syndicats
Indépendants du Togo
La discrimination dans le monde du travail au
Togo
SOMMAIRE
VII
INTRODUCTION 1
PREMIERE PARTIE : L'INEFFICACITE DE LA PROHIBITION DE
LA
DISCRIMINATION DANS LE MONDE DU TRAVAIL AU TOGO
..09
CHAPITRE I : L'INSUFFISANCE DE LA LEGISLATION
ANTI-DISCRIMINATION....11
Section I : Une imprécision des différentes
formes de discrimination 11
Section II : Un encadrement inapproprié de la
discrimination dans le droit positif
togolais .22
CHAPITRE II : LA PERSISTANCE DE LA DISCRIMINATION 35
Section I : La matérialisation de la discrimination
dans le monde du travail ..35
Section II : Les difficultés liées à
l'élimination définitive de la discrimination 46
DEUXIEME PARTIE : POUR UNE PROTECTION PLUS EFFICACE
CONTRE LA
DISCRIMINATION DANS LE MONDE DU TRAVAIL AU TOGO
..59
CHAPITRE I : LE RENFORCEMENT DE LA LEGISLATION CONTRE LA
DISCRIMINATION 61
Section I : La mise en conformité des lois nationales
61
Section II : La réalisation de l'égalité
dans le monde du travail 69
CHAPITRE II : L'IMPLICATION DES ACTEURS DU MONDE DU
TRAVAIL DANS LA
LUTTE CONTRE LA DISCRIMINATION 77
Section I : Une implication très active de l'Etat
togolais 78
Section II : Une implication accrue des acteurs au sein de
l'entreprise et des autres
partenaires 87
CONCLUSION . .98
La discrimination dans le monde du travail au
Togo
INTRODUCTION
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
1
En vertu du principe d'égalité, tous les Hommes
sans distinction de sexe, d'état ou d'âge naissent libres et
égaux en droit et en dignité1. Cette
égalité se traduit par le droit à la vie, à
l'éducation et surtout à un travail décent. Etant un droit
humain, le droit au travail2 est un droit qui est reconnu à
tout citoyen et ne peut s'exercer que sur la base de la méritocratie.
Par conséquent, les candidats à un emploi doivent être
traités de la même manière et les travailleurs doivent
exercer un travail compatible avec leur moyen tout en percevant un salaire
proportionnel audit travail sans être lésé3.
Mais, il est constant que dans le monde du travail en général,
tous ne sont pas traités de la même manière. Certains sont
privilégiés par rapport à d'autres et ce sur la base de
certains critères arbitraires comme le sexe, l'âge, l'ethnie,
l'opinion politique, la grossesse... Ainsi au Togo, en dépit d'une
égalité textuelle4, on note une
inégalité factuelle puisque, c'est sur la base de ces
critères arbitraires, que des traitements différents sont souvent
opérés aussi bien entre demandeurs d'emploi qu'entre
travailleurs. Il s'agit de la discrimination. Pourtant dans le monde du
travail, les distinctions sociales ne peuvent être
légitimées que lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement
justifiées5.
Ainsi, au regard de ce qui précède, nous
orienterons notre réflexion sur l'épineuse problématique
de la discrimination dans le monde du travail au Togo.
La discrimination vient du latin « discriminatio
» et veut dire séparer ou distinguer. Dans le langage courant,
elle est l' «action de distinguer l'un de
l'autre»6. De cette définition, il ressort que la
discrimination ne revêt pas une connotation
péjorative7.
Juridiquement, la discrimination consiste à traiter une
personne différemment d'une autre, placée dans une situation
comparable en raison d'un critère prohibé, en l'absence d'un
motif légitime et dans un domaine prévu par la loi. Par
discrimination, il faut entendre donc « toute
1 Articler 1er de la Déclaration Universelle
des Droits de l'Homme (DUDH) de 1948 ; article 11, Constitution du Togo,
1992.
2 Art.1er, 2 et 7 DUDH de 1948 ; art. 6, 7, 8, 9 et 10
Pacte International relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels.
3 Article 23 de la DUDH de 1948.
4 Article 37 de la constitution togolaise de la IVème
République du 31-12-2002 : « L'Etat reconnaît à
chaque citoyen le droit au travail et s'efforce de créer les conditions
de jouissance effective de ce droit. Il assure à chaque citoyen
l'égalité de chance face à l'emploi et garantit à
chaque travailleur une rémunération juste et équitable.
Nul ne peut être lésé dans son travail en raison de son
sexe, de ses origines, de ses croyances ou de ses opinions »
5 Article 1er de la Déclaration des Droits de
l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789 (DDHC).
6 Le Petit Robert de la langue française, édition
millésime 2010, p.750
7 GUISLAIN (V.), Etude : la preuve de la discrimination en droit
du travail,
LegaVox.fr,
15/09/2012, p.1
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
2
distinction, exclusion ou préférence
fondée sur la race, la couleur, le sexe, la religion, l'opinion
politique, l'ascendance nationale ou l'origine sociale, qui a pour effet de
détruire ou d'altérer l'égalité de chances ou de
traitement en matière d'emploi ou de profession ; toute autre
distinction, exclusion ou préférence ayant pour effet de
détruire ou d'altérer l'égalité de chances ou de
traitement en matière d'emploi ou de profession, qui pourra être
spécifiée par le Membre intéressé après
consultation des organisations représentatives d'employeurs et de
travailleurs, s'il en existe, et d'autres organismes appropriés
»8. La première partie de cette
définition est reprise par l'article 3 alinéa 2 du Code du
travail du Togo (CTT) adopté le 05 décembre 2006 et par l'article
307 du Code Pénal du Togo (CPT) de 2015. A travers ces deux articles, le
législateur définit la discrimination tout en précisant
les critères à l'origine dudit fléau. Au regard de ces
trois textes précités, la discrimination consiste à
privilégier voire consacrer les inégalités entre les
hommes tant dans le secteur public que dans le secteur privé. C'est ce
que souligne à juste titre Éric Fassin en ces termes : «
Discriminer, c'est naturaliser des inégalités
»9. La discrimination revêt donc une connotation
négative.
La discrimination est souvent assimilée au racisme.
Loin de la considérer comme un concept à part entière, la
majorité de l'opinion10 fait d'elle le synonyme du racisme.
Cependant, on ne saurait confondre la discrimination au racisme car, cette
équivalence manque de légitimité. C'est donc à tort
que la discrimination est invoquée pour caractériser le concept
du racisme. « En effet, la discrimination est du registre des faits et
des pratiques, elle produit des inégalités alors que le racisme
est du registre des valeurs et des idéologies. Si le racisme est
condamné (injures racistes, incitation à la haine
raciale,...), il n'induit pas forcément de conduites
discriminantes »11. Mais, le racisme, l'homophobie, le
sexisme sont des discriminations lorsqu'ils se transcrivent dans les faits,
qu'ils s'incarnent dans des traitements, pour donner lieu à une
discrimination12.
Le monde du travail n'est pas juridiquement défini.
Mais, il est l'espace dans lequel l'homme se réalise en exerçant
un métier ou en pratiquant une activité
rémunérée ou non. Il englobe le secteur public et
privé, le secteur formel et informel. Le monde du travail constitue un
lieu
8 Article 1, 1.a&b de la Convention de l'OIT
(n° 111) concernant la discrimination en matière d'emploi et de
profession adoptée à Genève par la conférence
internationale du travail à sa 42e session le 25 juin 1958,
Nations Unies, Recueil des traités, vol. 362, p. 31.
9 FASSIN (E.), Discriminatio : pratiques, savoirs,
politiques, La documentation Française, Paris, 2008, p.9
10 SIMON (P.), Discriminations : définitions et
usages sociaux, in « Discriminations raciales, repérer et
comprendre pour mieux agir », Les cahiers du DSU, n°39,
Hiver 2003 - 2004
11 CESR Champagne-Ardenne, Emploi-Formation : la
prévention et la lutte contre les discriminations, Avis
adopté en séance plénière le 5 octobre 2007,
p.11
12
www.wikipédia.org/wiki/
Discrimination, consulté le 10 janvier 2017
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
3
d'expression par excellence des pratiques discriminatoires.
Ces pratiques se produisent donc à plusieurs niveaux à savoir
pendant l'embauche, pendant la formation professionnelle ou au stage, au cours
de l'exercice de la carrière et elle peut provoquer la fin du travail
c'est-à-dire de l'emploi ou de la profession.
Dans la société togolaise, la discrimination
s'exerce dans plusieurs domaines. Il s'agit à titre indicatif de la
famille13, de l'attribution de la nationalité14,
du logement15, du monde du travail... Seulement, le monde du travail
est le centre des pratiques discriminatoires. Il est l'espace où la
discrimination se façonne facilement. Il est le lieu
privilégié pour les inégalités de tous ordres,
d'autant que l'employeur a naturellement tendance à traiter
différemment les demandeurs d'emploi et les employés selon des
critères affirmés comme illicites par la loi16. Et
éliminer la discrimination à ce niveau contribuerait beaucoup
à la réduction des injustices sociales.
La discrimination est enracinée dans la sphère
du travail togolais. En effet, l'histoire nous enseigne qu'elle a
été de tout temps une réalité. Que ce soit pendant
la période coloniale ou postcoloniale, les togolais ont toujours
souffert de ce mal qui est resté graver dans leur mémoire. Il est
admis qu'au temps colonial, la discrimination est pratiquée à
l'encontre des togolais par les colons blancs17.
Sous les allemands, la politique du travail a
été essentiellement basée sur la discrimination raciale
où les togolais devraient travailler sous les ordres et les
intérêts des colons allemands18.
En se basant sur des préjugés, l'administration
française dans l'entre-deux-guerres (19181939) a orienté les
togolais dans divers secteurs d'activités « [---] dans lesquels
elle pensait qu'ils pouvaient exceller en raison des prédispositions
naturelles qu'elle avait décelées »19.
Ainsi, le colon français fait des Kabyès une main-d'oeuvre
disponible pour les travaux de mise en valeur du sud compte tenu de leur
morphologie, les Losso et les Cotocoli considérés
13 Infra, p. 32, Art. 99 CTPF.
14 Le code de la nationalité togolais de 1978 ne permet
pas à la femme togolaise de transmettre sa nationalité à
son conjoint du fait du mariage. Ce silence rompt l'égalité entre
l'homme et la femme togolais en matière de transmission de la
nationalité à leur conjoint.
15 Souvent certains bailleurs rechignent à
louer leur maison à certaines ethnies en raison de l'ethnocentrisme
16 Article 3 al.2 CTT et Article 45 SGFPT
17 Infra, p.40 « Au Togo...des concours » ; p. 42
« Plus grave...E.V. » ; p. 43 « Il est constant...des
syndiqués ».
18 Prof. ASSIMA -KPATCHA (E.), Travail et salariat au Togo
français dans l'entre-deux guerres (1914-1939), thèse de
doctorat d'histoire nouveau régime 4 juin 2004, Université de
Lomé, p. 41
19 Prof. ASSIMA-KPATCHA (E.), Ethnicité, crise
sociopolitiques et processus de réconciliation nationale, LETRIA et
CEROCE-2016, p. 29
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
4
comme inintelligents, sont affectés dans l'armée
et aux travaux champêtres y compris certains Kabyès ; les
Ewé et les Mina vus comme civilisés, instruits et intelligents
étaient destinés au travail de bureau et aux activités
intellectuelles20. Malheureusement, c'est cette discrimination des
colons empreinte de divers préjugés que se sont appropriés
les autochtones21. Il faut donc reconnaître qu'après la
colonisation, c'est entre togolais que la discrimination se pratique de nos
jours22.
L'actualité du sujet est frappante. En effet, la
discrimination fait l'objet des attentions politiques23, de la
société civile24 et est le sujet d'étude des
universitaires25. La discrimination est donc très
omniprésente dans la vie quotidienne des Togolais. Face à la
persistance de ce phénomène dans le monde du travail, des voix
s'élèvent pour le combattre. C'est ainsi que le 03 mars,
journée internationale des personnes vivant avec le VIH, est
placée cette année 2017 sous le thème, « la lutte
contre la discrimination à l'égard des personnes vivant avec le
VIH ». Tandis que le 08 mars, journée internationale de la femme a
été dédiée à la concrétisation de la
parité genre dans le monde du travail au Togo à l'horizon
2030.
Il est intéressant de comparer la législation
anti-discrimination togolaise avec celle de la France afin de comprendre et de
constater où se situe l'Etat togolais.
D'une part, le législateur français à
aménager la charge de la preuve de la discrimination26, ce
qui n'est toujours pas le cas du droit togolais. D'autre part, l'Etat
français dispose d'un organe spécialisé dans la lutte
contre la discrimination appelé « le Défenseur des Droits
»27 ce que le Togo n'a pas encore mis en place. Même si
la mise en place d'un organe de contrôle dénommé
l'observatoire des discriminations est préconisé, celui-ci peine
toujours à être opérationnel28.
Face à cette situation de discrimination qui
prévaut dans le monde du travail au Togo, le législateur a
posé un principe général de non-discrimination en la
matière. Ce principe est
20 Ibidem, pp. 27&28&
21 Ibidem, p.29
22 Infra, p.40 « Au Togo...des concours » ; p. 42
« Plus grave...E.V. » ; p. 43 « Il est constant...des
syndiqués ».
23 Le 02 décembre 2016, sous la direction de Mr. Pius
AGBETOMEY ministre de la justice, le Togo a présenté au
Comité pour l'élimination de la discrimination sis à
Genève son rapport sur l'état d'avancement de la lutte contre la
discrimination. Malgré que les experts dudit comité aient reconnu
les efforts du Togo, il lui est recommandé de s'engager plus activement
dans la lutte contre la discrimination liée surtout aux personnes
handicapées et aux femmes.
24 Infra, p.52
25 ANATE (K), ASSIMA-KPATCHA (E.), & TSIGBE (K.N.),
Ethnicité, crise sociopolitiques et processus de
réconciliation nationale, LETRIA et CEROCE-2016, p.79
26 Infra, p. 24
27 Loi n° 2011-334 du 29 Mars 2011 relative au
Défenseur des Droits
28 Prof. WOLOU (K.), Etude sur la discrimination en
matière d'emploi et de profession au Togo et proposition d'un plan
d'action, 16 10 2013, p.61.
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
5
incorporé aussi bien dans le CTT29, dans le
SGFPT30, dans la constitution togolaise31, dans le
CTPF32, dans le CSST33, que dans la CCIT34. Ce
principe de non-discrimination vise à établir un équilibre
de chances, de traitement et de rémunération. Aussi, la
ratification des traités et conventions internationaux35 par
l'Etat togolais est-elle une parfaite illustration de cette lutte active contre
les discriminations.
Afin de combattre les différentes formes de
discrimination qui se pratiquent dans le monde du travail au Togo, le CTT
dispose : d'abord en son article 3 alinéa 1er que «
Toute discrimination directe ou indirecte en matière d'emploi et de
profession est interdite ». Il s'ensuit que le législateur
prohibe les discriminations directe et indirecte. Mais comment dissocier l'une
de l'autre face au mutisme de celui-ci quant à la caractérisation
de ces deux notions ? Ensuite, dans sa dynamique de lutter contre la
discrimination, le législateur interdit le harcèlement
sexuel36. Mais pour celui-ci, ce harcèlement ne peut
être que le fait du supérieur hiérarchique et il n'a pas
non plus prohibé le harcèlement moral qualifié de
discrimination lorsqu'il se fonde sur un critère protégé
qui est un motif de discrimination. Enfin, la discrimination peut
résulter d'un ordre reçu. Pourtant, le législateur ne
l'interdit pas. Face à cette problématique, quel est alors le
degré de prise en compte par le droit positif togolais des
différentes formes de discrimination en jeu dans le monde du travail
?
L'interdiction de discriminer concerne les différentes
étapes du parcours professionnel. Comment se manifeste dès lors
la discrimination dans le monde du travail togolais ?
Face à la problématique de la discrimination, et
dans l'impérieuse nécessité de mettre les candidats
à un emploi sur un pied d'égalité de traitement dans le
monde du travail, le législateur a dû prendre certaines
dispositions en faveur de certaines catégories de personnes. Il en est
ainsi des traitements de faveur octroyés aux travailleurs
handicapés qui sont souvent vulnérables et
défavorisés sur le marché de l'emploi et qui sont
prévus par les articles 153 et 155 du CTT de 2006. C'est ce qui est
qualifié de « discrimination positive ». C'est dire
donc que, même si le législateur prohibe la discrimination, toutes
les formes de discriminations ne contreviennent pas à la loi. Qu'est ce
qui fait dès lors sa spécificité ? Ne peut-elle avoir un
impact négatif sur la population non-favorisée ? Positiver la
discrimination, c'est aussi faire
29 Article 3 et 39 du CTT
30 Articles 42, 46, 49, 50 du Statut Général de la
Fonction Publique Togolaise (SGFPT)
31 Articles 2, 11, 33 et 37, de la Constitution de la
IVème République du Togo du 31-12-2002
32 Articles 107 et 372 du Code Togolais des Personnes et de la
Famille (CTPF)
33 Article 16, 1 du Code de Sécurité Social du Togo
(CSST)
34 Article 43 al.2 de Convention Collective Interprofessionnelle
du Togo (CCIT)
35 Infra, pp.20, 29, 30 et 42.
36 Article 40 du CTT
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
6
de l'égalité genre une réalité.
Mais, la parité est-elle une question de fait ou de droit dans le monde
du travail au Togo face au silence du législateur par rapport à
ce sujet ?
Dans le monde du travail, il est constant, qu'il est
extrêmement difficile d'apporter la preuve de la discrimination. Le
législateur n'ayant rien dit à ce sujet, la victime de la
discrimination reste la plupart du temps sans moyen de défense. Face
à une telle situation, nous devons nous poser la question de savoir,
s'il s'agit d'un oubli de la part du législateur ou d'un silence
délibéré ? Comment prouver alors la discrimination
malgré le mutisme du législateur ?
Si la loi impose aux employeurs de respecter le principe de
non-discrimination et leur reconnaît tout de même la liberté
de choix, comment mettre en balance ces deux principes ? C'est d'ailleurs
l'inquiétude que relevait RHÉA E. JABBOUR dans sa
thèse37.
La question de la discrimination est un mal qu'il faut bien
cerner et chercher les voies et moyens pour le mettre hors d'état de
nuire afin qu'elle cesse d'être un handicap dans la vie professionnelle.
Eliminer la discrimination de l'univers du travail au Togo permettra aux
talents d'éclore afin de ne plus se sentir lésé. Dans
cette perspective, quels rôles doivent jouer les acteurs du monde du
travail et que doivent faire les institutions de la République qui sont
mandatées pour combattre la discrimination ? Cependant, ces institutions
ayant une vocation générale, n'est-il pas temps de songer
à instituer un organe plus spécialisé pour lutter
efficacement contre la discrimination afin d'instaurer l'égalité
?
Si le huitième Objectif du Millénaire pour le
Développement (OMD) est consacré aux questions liées aux
inégalités genres38 c'est justement pour
éliminer la discrimination. Mais pourquoi si le gouvernement tente de
s'inscrire dans cette perspective, son élan volontariste a du mal
à être suivi par certains auteurs de la discrimination ?
S'il résulte de l'enquête menée par
Afrobarometer en 2014 que 86% des togolais sont d'accord avec l'affirmation
selon laquelle les « femmes devraient avoir les mêmes droits et
recevoir le même traitement que les hommes »39
pourquoi l'égalité dont' il est question ne s'applique pas de
manière effective au Togo ? La question de la discrimination est-elle
réellement et sérieusement prise en compte par les uns et les
autres ?
37 La discrimination à raison de
l'apparence physique (lookisme) en droit du travail français et
américain approche comparative, thèse pour le doctorat en
droit à l'université de Panthéon-Sorbonne paris 1, le 28
octobre 2013.p.
38 AKINOCHO (H.O.) et BLIMPO (M.P.), La place de la femme
dans l'opinion des Togolais, Afrobarometer Briefing Paper No. 142 March
2014, p.1.
39 Ibidem, p.3
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
7
Malgré toutes les dispositions prises pour
prévenir la discrimination et l'éliminer, elle persiste largement
dans le monde du travail au Togo40. Pourquoi un tel constat ?
Plusieurs hypothèses sont à envisager : D'abord, les dispositions
législatives misent en place pour lutter contre la discrimination
demeurent lettre morte. Il se pose alors le problème de l'application
effective de la législation anti-discrimination togolaise. On peut
dès lors penser qu'il s'agit en conséquence d'une
réalité sociale qui dépasse la portée de cette
législation. Ensuite, cela peut s'expliquer par l'insuffisance de la
législation anti-discrimination et des règlements
anti-discrimination41. En outre, cela peut être due à
l'incompréhension et à la difficile assimilation des textes
anti-discriminations par les acteurs du monde du travail. Que faut-il faire
pour qu'ils soient véritablement appropriés par ceux-ci ? De
plus, cela peut se justifier par la non prise en compte d'autres outils
juridiques pour contrer la discrimination. Enfin, l'existence d'une telle
réalité serait due au fait que soit la discrimination est
ancrée dans les mentalités des gens, soit ceux qui en profitent
énormément ne veulent pas s'en dessaisir ; soit encore que les
messages de non-discrimination sont mal véhiculés.
Parler de la discrimination dans le monde du travail au Togo
revient finalement à se demander : Pourquoi, la prohibition de ce
phénomène par le législateur demeure inefficace ? Quels
sont les défis majeurs que le droit positif togolais et les acteurs en
lutte contre la discrimination doivent relever ? Bref, quelles perspectives
pour le monde du travail togolais face à une discrimination galopante
?
Les réflexions que nous menons sur la discrimination
dans le monde du travail au Togo présentent un intérêt
certain et ce, à plus d'un titre.
D'une part, sur le plan théorique, cette étude
met en exergue les lacunes de la législation antidiscrimination
togolaise tout en proposant des solutions aux pouvoirs exécutif et
législatif. Elle constitue également une source d'inspiration
pour les juristes et non juristes dans la rédaction des documents
stratégiques.
D'autre part, sur le plan pratique, ce travail permet d'abord
à tous les acteurs du monde du travail togolais de découvrir de
manière claire le vrai visage de la discrimination qui se pratique au
Togo, en cernant avec précision des solutions en veilleuse qui peuvent
être mises à jour pour baliser la voie à
l'égalité entre tout le monde. Ensuite, les questions
liées à la discrimination dans le monde du travail constituent le
cheval de bataille de nombreuses
40 Prof. WOLOU (K.), op. cit. p. 3
41 Voir infra pp. 29 et 30
organisations de la société civile togolaise.
Celles-ci vont pouvoir s'en inspirer pour informer les travailleurs sur leurs
droits et les dispositions à prendre pour prévenir les
discriminations au mieux pour sanctionner les auteurs de celles-ci en cas de
leur survenance. En outre, ce travail devra conscientiser les organisations
d'employeurs sur le rôle qui est le leur face à la
problématique de la discrimination. Enfin, les organisations de
travailleurs y trouveront les réponses claires à leurs diverses
inquiétudes afin de mieux orienter leurs actions pour défendre et
accompagner les travailleurs victimes de la discrimination.
Le préambule de la constitution togolaise de la
IVème République du 31 décembre 2002 dispose
que le peuple togolais a « [---] décidé à
bâtir un Etat de Droit dans lequel les droits fondamentaux de l'Homme,
les libertés publiques et la dignité de la personne humaine
doivent être garantis et protégés [---] ». En
conséquence, il urge de restaurer les principes qui gouvernent le monde
du travail : l'égale dignité humaine, la solidarité,
l'égalité de chance de traitement de rémunération,
la liberté individuelle, le respect des différences, la justice
et la démocratie.
Sur ce, le grand défi auquel doit faire face le Togo
est la lutte effective contre la discrimination dans le monde du travail.
Malheureusement, nonobstant l'existence de quelques protections
théoriques et pratiques, la prohibition de ce phénomène
demeure inefficace (partie I). Ce qui nous amène à analyser les
voies et moyens en vue d'une meilleure protection contre la discrimination et
dans le but de bâtir un monde du travail qui restera à l'abri de
celle-ci (partie II).
Première Partie : L'inefficacité de la
prohibition de la discrimination dans le monde du travail au Togo.
Deuxième Partie : Pour une
protection plus efficace contre la discrimination dans le monde du travail au
Togo.
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
8
PREMIERE PARTIE
L'INEFFICACITE DE LA PROHIBITION DE LA
DISCRIMINATION DANS LE MONDE DU TRAVAIL AU TOGO
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
9
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
10
La discrimination est une injustice sociale qui mine le monde
du travail togolais. Pour l'éradiquer, l'Etat togolais a dû
ratifier des conventions internationales et régionales. Il a par
ailleurs, adopté une abondante législation en la
matière42. Il s'agit d'un arsenal juridique en constante
évolution. Des politiques ont été engagées par
l'Etat togolais aussi bien que par les acteurs du monde du travail pour contrer
ce mal. Pourtant, cette prohibition est restée inefficace.
L'inefficacité est le fait de ne pas apporter le
résultat escompté. La prohibition sous-entend l'interdiction
légale. Ainsi, nous pouvons dire que la proscription ou l'interdiction
formelle de la discrimination dans le monde du travail togolais reste lettre
morte.
Pourquoi la prohibition de la discrimination dans le monde du
travail au Togo demeure telle inefficace ?
L'inefficacité de la prohibition de la discrimination
dans le monde du travail au Togo est une évidence dans la mesure
où la législation anti-discrimination togolaise est insuffisante.
Malgré qu'elle existe, la discrimination continue à être
institutionnalisée. Le droit positif togolais n'assure donc pas une
protection efficace contre la discrimination dans l'univers du travail.
L'absence de dispositions concrètes pour assurer l'égalité
au sein du monde du travail devient donc une sérieuse
préoccupation.
La mise en application effective de cette législation
pose un problème réel et sérieux si la rigueur de la loi
et la bonne foi ne sont pas mises au service de la promotion du principe de
non-discrimination et de l'égalité dans le monde du travail
togolais.
L'inefficacité de la prohibition de la discrimination
dans le monde du travail tant dans le secteur privé que dans le secteur
public togolais s'explique doublement. Il s'agit d'une part de la
législation anti-discrimination togolaise qui demeure encore
insuffisante (chapitre I) et d'autre part de la discrimination qui persiste
toujours dans le monde du travail (chapitre II).
Chapitre premier : L'insuffisance de la
législation anti-discrimination. Chapitre second : La persistance de la
discrimination.
42 Supra, p.4
CHAPITRE I
L'INSUFFISANCE DE LA LEGISLATION ANTI-DISCRIMINATION
Pour lutter contre la discrimination dans l'univers du travail
togolais, un arsenal juridique a été mise en place afin de
promouvoir l'égalité. Malheureusement, cette législation
en raison de ses insuffisances n'arrive pas à assurer une protection
efficace contre ce phénomène.
L'insuffisance, c'est ce qui comporte des carences. La
législation anti-discrimination est l'ensemble de lois et mesures
destinées à lutter contre la discrimination. Ainsi,
l'insuffisance du droit positif togolais résulte du fait que les
mécanismes mis en place pour contrer la discrimination présentent
des lacunes, ce qui fait qu'il est inopérant.
Qu'est-ce qui explique réellement l'insuffisance de la
législation anti-discrimination togolaise ?
Malgré la floraison de législation
anti-discrimination, la discrimination persiste43 dans le monde du
travail togolais. Cette législation demeure donc impuissante à
éradiquer la discrimination. En effet, avec le droit positif togolais
actuel, les différentes formes de discrimination sont imprécises.
La preuve de la discrimination reste très difficile à rapporter.
Les sanctions de la discrimination ne sont pas suffisamment dissuasives. La
politique de la discrimination positive constitue un défi difficile
à relever. Toutes ces insuffisances font que cette législation
peine toujours à constituer une barrière à la
discrimination.
Les lacunes que présente la législation
togolaise sur la lutte contre la discrimination dans le monde du travail
proviennent du fait que le législateur n'a préciser les
différentes formes de discriminations qui sévissent dans
l'univers du travail (Section I) et de la fragilité des dispositions
prises pour lutter contre la discrimination (Section II).
Section 1 : Une imprécision des
différentes formes de discrimination
Au Togo, plusieurs sortes de discrimination cohabitent dans la
sphère du travail. Elles peuvent être directes ou indirectes,
être le fait du harcèlement ou d'un ordre reçu. Mais force
est de constater que le législateur togolais n'a pas daigné
préciser les contours des discriminations directes et indirectes. Ce
dernier, en effet a gardé un mutisme total sur celles-ci (§1) et sa
précision des autres formes de discriminations reste très
insuffisante (§2).
43 Infra, p. 35
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
11
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
12
Paragraphe 1 : L'imprécision des discriminations
directe et indirecte
La définition de la discrimination passe par la
reconnaissance de la discrimination directe et de la discrimination indirecte.
Malheureusement, le législateur togolais a manqué de les
clarifier. Il s'ensuit de sa part, une absence de qualification de la
discrimination directe (A) et de la discrimination indirecte (B).
A- Une absence de qualification de la discrimination
directe
La protection contre la discrimination dans le monde du
travail a commencé avec la discrimination directe44 car elle
a été la première à voir le jour45.
Selon l'article 2 paragraphe1.a de la directive européenne 2000/43 du 29
juin 2000 relative à l'égalité raciale, la discrimination
directe est constituée lorsqu'une personne ou un groupe de personnes est
traité de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a
été ou ne l'aura été dans une situation comparable
sur la base d'un ou de plusieurs critères discriminatoires.
Au Togo, le législateur n'a pas clarifié le
concept de discrimination directe. Cela s'observe à trois niveaux.
Primo, au regard de l'article 3 alinéa 1er
du CTT qui dispose que « Toute discrimination directe [---]
en matière d'emploi et de profession est interdite », le
législateur n'a pas élucidé cette notion. Le CTT prohibe
la discrimination directe sans dire avec exactitude ce qu'il en est. La
même lacune est à observer au niveau de l'article 303 du CPT qui
dispose que « Toute discrimination directe [---] à
l'égard d'une personne ou d'un groupe de personne est interdite
». Secundo, il y a lieu de relever que le Statut
Général de la Fonction Publique Togolaise (SGFPT) n'a fait
mention nulle part de la discrimination directe. L'article 45 dudit statut qui
proscrit toute discrimination entre les candidats à l'emploi ne
détermine pas la nature de ces discriminations. Cette situation à
notre avis est de nature à semer la confusion dans l'esprit des acteurs
du monde du travail d'autant plus que cette notion n'est pas définie.
Tertio, aucune disposition de la constitution togolaise ne fait allusion de
manière expresse au concept de la discrimination directe.
La législation anti-discrimination togolaise ne
clarifie donc pas du tout ce qu'il convient d'appeler discrimination directe.
Cet état de choses crée un vide juridique. Elle ne permet pas de
cerner et de comprendre ce qu'est la discrimination directe. C'est ce
qui nous amène à
44 RIVET (M), « la discrimination dans la vie au travail
: le droit à l'égalité à l'heure de la
mondialisation » (2003-04) 34 R.D.U.S. p.284
45 La loi n°72-546 du 1er juillet 1972, dite « loi
PLEVEN », est le premier texte législatif qui a créé
le délit de provocation à la discrimination, à la haine ou
à la violence raciales, ainsi que le délit de discrimination.
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
13
émettre ces interrogations : quand peut-on parler de
discrimination directe ? Qu'est-ce-que la discrimination directe ?
Qu'est-ce-qui caractérise cette discrimination ? Le législateur a
gardé un mutisme total sur ce plan. Nous estimons qu'il n'a pas
daigné élucider cette notion de discrimination directe ou qu'il a
tout simplement préféré faire économie de ses
explications.
A l'instar du législateur togolais, les
législateurs ivoirien et français ne clarifient pas non plus la
notion de discrimination directe. On en déduit que ces
législations ont du mal à cartographier la discrimination
directe. Pourtant, cette notion est définie clairement par l'article L.
241-1. (2), du Code du Travail du Luxembourg (CTL)46. Mais ce CTL a
fondé cette définition de discrimination directe uniquement sur
le critère de sexe.
L'absence de clarification de la notion de discrimination
directe par le législateur national, révèle sa
défaillance à dessiner clairement les contours de ladite notion.
En conséquence, cette défaillance du législateur est
susceptible d'avoir pour corollaire l'impossibilité pour les acteurs du
monde du travail de combattre efficacement ce phénomène puisque
le législateur ne les informe pas utilement.
Au regard de la définition donnée par l'article
2 paragraphe1.a de la directive européenne 2000/43 du 29 juin 2000,
discriminer directement une personne suppose la réunion de trois
éléments : d'abord, un traitement différencié et
préjudiciable dont est victime une personne par rapport à une
autre ; ensuite un élément de comparaison qui suppose que la
victime se trouve dans des circonstances matériellement similaires
à la personne privilégiée et enfin les
caractéristiques protégées47.
La discrimination directe est celle qui repose sans
équivoque sur des critères protégés par le
législateur national. Au rang de ces critères, nous recensons aux
termes de l'article 3 al.2 du CTT et de l'article 307 du CPT : le sexe, la
race, la couleur, la religion, l'appartenance ethnique, l'opinion politique ou
philosophique, l'origine sociale, le statut juridique, l'ascendance nationale,
l'état de santé ou le handicap et ceux de l'article 39 al. 1 du
CTT qui ne sont qu'une reprise des critères de discrimination
énumérés par l'article L.1132-1 du code du travail
français (CTF) à l'exception des critères d'âge, de
grossesse, d'orientation ou d'identité sexuelle, des
caractéristiques génétiques, d'apparence physique, du nom
de famille et du lieu de résidence. Par contre, l'article 45 du SGFPT, a
fait une énumération très limitative desdits
critères qui sont : le sexe, le handicap physique, l'ethnie, l'opinion
politique,
46 « Discrimination directe » : la situation dans
laquelle une personne est traitée de manière moins favorable en
raison de son sexe qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne le
serait dans une situation comparable, [---] »
47 Manuel de droit européen en matière de
non-discrimination, édition Conseil de l'Europe, juillet 2010,
p.24-32
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
14
philosophique ou religieuse. La constitution togolaise n'est
pas du reste48. Le SGFPT s'est beaucoup appesanti sur le
critère du handicap physique tout en ignorant son aspect sensoriel et
mental qui demeure non moins important. Tout comme le CTT, le SGFPT a
également ignoré de prendre en considération le
critère de grossesse. Loin de penser que les critères non
énumérés par le législateur ont une moindre valeur,
il faut relever plutôt que ceux-ci sont d'une importance capitale.
Rappelons que les conventions de l'OIT ont
déterminé les critères qui sont obligatoires49
et laissé le soin à chaque pays de compléter
éventuellement la liste en fonction de leurs réalités.
C'est la raison pour laquelle ces critères peuvent varier d'un pays
à un autre. Au Togo, les critères les plus usités pour
discriminer dans le secteur formel sont : l'ethnie 17,18%, l'opinion politique
10,68%, l'origine sociale 6,85%,le sexe 6,69%, les moeurs 5,42%, l'âge
5,10% ; dans le secteur informel ces critères sont : l'ethnie et le sexe
20%, la religion 8%, l'âge, l'opinion politique et les activités
syndicales 4%50. Ces statistiques témoignent de l'existence
de la discrimination dans le monde du travail togolais. Il est clair que ces
critères sont très déterminants dans la qualification de
la discrimination directe.
La discrimination directe est patente. Elle est à la
fois explicite et intentionnelle. Il s'agit de l'utilisation abusive par une
personne de l'un des critères protégés, qui fonde
l'inégalité de traitement dans le monde du travail.
La discrimination directe est d'une présence constante
dans la sphère du travail au Togo. Mais, elle n'a pas fait l'objet d'une
véritable précision. Elle est secondée par la
discrimination indirecte qui n'a pas été non plus
clarifiée.
B -Une absence de qualification de la discrimination
indirecte
La discrimination indirecte est un concept novateur. Elle est
élaborée par la Cour de Justice de l'Union Européenne.
Mais il s'agit d'un concept juridique d'origine
étasunienne51. Elle est consacrée par les arrêts
Jenkins et Bilka52. Alors, qu'est-ce que la discrimination
indirecte ? Comment pouvons-nous la reconnaître ou l'identifier ?
Le législateur togolais n'a pas élucidé
cette notion. Même s'il la prohibe en disposant aux termes de l'article
3al.2 du CTT que « Toute discrimination [---] indirecte en
matière d'emploi et de profession est interdite », celui-ci
n'a pas daigné donner à ce terme un sens.
48 Article 2 et 11 de la Constitution de la IVème
République du Togo du 31-12-2002
49 Supra, p. 1 et 2, voir la définition de la
discrimination proposée par l'article 1, 1.a&b de la Convention de
l'OIT (n° 111).
50 Prof. WOLOU (K.), op.cit. pp. 33 et 34.
51 Cour Supreme Griggs v. Duke Power Co,1971 401 US 424
52 CJCE 31 mars 1981, Jenkins, aff. 96/80, et CJCE 13 mai 1986,
Bilka, aff. 170-84, en matière d'égalité
professionnelle.
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
15
Cette discrimination est aussi méconnue du
système juridique de la fonction publique togolaise. En effet, le
législateur n'a mentionné nulle part cette notion de
discrimination indirecte. Aux termes de l'article 45 du SGFPT, il dispose
qu'« il ne peut être fait aucune discrimination entre les
candidats [---] »53. Mais de quelle discrimination
s'agit-il ? Cette appréhension allusive de la discrimination laisse le
monde du travail et ses partenaires perplexes.
Tout comme le CTT, ceux de la France, du Sénégal
et du Bénin gardent le silence sur la notion de la discrimination
indirecte. Ce qui n'est pas le cas du CTL qui la définit clairement sur
la base du critère de sexe en son article L. 241-1. (2)54.
Cependant aux termes de l'article 2, paragraphe 1 point b), de
la Directive européenne 2000/43/CE du 29 juin 2000 relative à
l'égalité raciale, constitue une discrimination indirecte, une
disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre qui affecte
une personne ou un groupe de personnes défini par une
caractéristique protégée de façon nettement plus
défavorable que d'autres personnes se trouvant dans une situation
comparable55.
Au regard de cette définition, l'existence de la
discrimination indirecte est subordonnée à une triple
condition.
D'abord l'application dans une entreprise ou dans une
administration, d'une disposition, d'un critère ou d'une pratique
apparemment neutre56, dont l'incidence de leur mise en oeuvre
produit finalement des effets discriminatoires.
Ensuite, « Un effet nettement plus défavorable
sur un groupe protégé »57. C'est cet
élément qui met la discrimination indirecte aux antipodes de la
discrimination directe. Il s'agit d'un traitement égal fait aux groupes
de personnes. Mais il y a lieu de relever que ce traitement produit des effets
inéquitables et discriminatoires envers l'un de ces
groupes58. Il est patent qu'en matière de discrimination
indirecte, ce n'est pas le traitement qui diffère, mais ce sont les
effets de ce traitement, lesquels sont ressentis différemment par des
personnes présentant
53 Voir aussi : article 2, par 2.b, de la Directive
sur l'égalité de traitement en matière d'emploi et de
travail ; article 2, par 1.b, de la Directive sur l'égalité de
traitement entre hommes et femmes (version refondue)
54 `' « Discrimination indirecte » : la situation
dans laquelle une disposition, un critère ou une pratique apparemment
neutre désavantagerait particulièrement des personnes d'un sexe
par rapport à des personnes de l'autre sexe [...] »"
55 Exemple de discrimination indirecte : Cass. Soc. 3 juil. 2012,
n° 10-23.013 ; Cass. Soc. 6 juin 2012, n° 10-21.489
56 Manuel de droit européen en matière de
non-discrimination, op.cit. p.33
57 Manuel de droit européen en matière de
non-discrimination, op.cit. p.34
58 GARNER-MOYER (H.), « discrimination et emploi :
revue de la Littérature » Document d'Etudes
réalisée pour le compte de la DARES. p.5
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
16
des caractéristiques différentes. Il est donc
évident que pour repérer cette discrimination, il faudra
s'attacher à ses effets et non à ses causes.
Enfin, un élément de comparaison identique
à celui de la discrimination directe qui permet de «
déterminer si l'effet de la disposition, du critère ou de la
pratique en cause est nettement plus préjudiciable que celui affectant
d'autres personnes placées dans une situation
comparable»59.
Il est extrêmement difficile de cerner et de
déceler cette discrimination parce que, c'est une pratique occulte. Le
législateur qui est censé indiquer la voie aux potentiels acteurs
du monde du travail n'a pas eu une telle hardiesse. Pourtant, la discrimination
indirecte est une réalité dans le monde du travail au Togo. Cette
inertie du législateur constitue un handicap pour les acteurs du monde
du travail.
La clarification de la discrimination indirecte est un
impératif, car intégrer les besoins spécifiques de cette
notion dans la législation anti-discrimination constituera un atout
capital pour les acteurs du monde du travail.
La discrimination directe et la discrimination indirecte sont
deux formes de discriminations que le législateur togolais n'a pas
clarifiées. Il en est de même des autres formes de discrimination
qui sont le harcèlement (partiellement clarifié) et l'injonction
de discriminer.
Paragraphe 2 : L'insuffisance de précision des
autres formes de discrimination Font partie intégrante de la
famille de la discrimination l'injonction de discriminer et le
harcèlement. Si la première n'a pas encore été
prohibée par le droit positif togolais (B), la prohibition du second
s'est faite avec beaucoup de défaillances (A).
A- La précision lacunaire du harcèlement
Dans l'univers du travail, le harcèlement est
perçu comme un phénomène mondial. Il est
considéré en vertu des Directives de l'Union européenne
relatives à la non-discrimination comme une forme de discrimination
« lorsqu'un comportement indésirable lié à une
«caractéristique protégée » se manifeste, qui a
pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d'une
personne, et/ou de créer un environnement intimidant, hostile,
dégradant, humiliant ou offensant »60. A cet effet,
la Directive relative à l'égalité de traitement entre
59 Manuel de droit européen en matière de
non-discrimination, op.cit. p. 35
60 Article 2, par. 3, de la Directive sur l'égalité
raciale ; article 2, par 3, de la Directive sur l'égalité de
traitement en matière d'emploi et de travail ;
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
17
hommes et femmes fait du harcèlement sexuel une forme
particulière de discrimination61. Le législateur
togolais n'est pas resté en marge d'une telle appréhension.
Ainsi, le harcèlement sexuel fait partie intégrante
désormais du CTT de 2006. Cette consécration du
législateur constitue une innovation salutaire car l'ancien code du
travail de 1974 ne contenait aucune disposition en la matière.
L'article 40 alinéa 1er du CTT
définit le harcèlement sexuel en ces termes : « Aucun
salarié ne peut être sanctionné ni licencié pour
avoir subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement d'un
employeur, de son représentant ou de toute autre personne qui, abusant
de l'autorité que lui confèrent ses fonctions, a donné des
ordres, proféré des menaces, imposé des contraintes ou
exercé des pressions de toute nature sur ce salarié dans le but
d'obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d'un
tiers ». A travers cette définition, la loi prohibe
expressément le harcèlement sexuel. Pourtant, cette
définition du harcèlement sexuel proposée par le
législateur est peu convaincante du fait de sa double lacune.
D'une part, elle n'est pas assez précise. En effet,
l'article 40 al. 1er précité ne comporte que les
éléments de définition du harcèlement sexuel. Le
législateur togolais n'a pas donné à cette notion une
vraie définition. Cette insuffisance est tout de même
compensée par l'article 399 du CPT qui dispose que « constitue
un harcèlement sexuel, le fait pour une personne d'user d'ordre, de
menace, de contraintes, de paroles, de gestes, d'écrits ou tout autre
moyen dans le but d'obtenir d'autrui, contre son gré, des faveurs de
nature sexuelle ».
Le législateur français plus explicite, sur la
notion du harcèlement sexuel prévoit que ce harcèlement
est constitué soit par des faits avérés et à
caractères répétitifs62 soit par des faits
assimilés au harcèlement sexuel même non
répétés63.
D'autre part, l'article 40 al.1er du CTT est
restrictif au sujet de la qualité des acteurs du harcèlement
sexuel qui sont l'auteur de la discrimination et sa victime.
S'agissant de la victime, les femmes sont hautement plus
touchées que les hommes par ce fléau comme en témoigne le
rapport du Directeur général de l'OIT, « il s'agit d'une
sorte particulière de violence qui touche principalement les femmes,
mais non elles seules »64. Aussi, au Togo, 95,91% de
victimes sont de sexe féminin et 4,08% seulement sont des
61 Article 2, par. 1. d, de la Directive sur
l'égalité de traitement entre hommes et femmes (version
refondue).
62 Article L1153-1° CTF
63 Article L1153-2° CTF
64 BIT, L'heure de l'égalité au travail,
Rapport global en vertu du suivi de la Déclaration de l'OIT relative aux
principes et droits fondamentaux au travail, Conférence internationale
du travail, 91e session 2003, p. 20.
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
18
victimes de sexe masculin65.Toutefois, le champ de
protection de la loi est assez restreint, car, il ne protège que les
salariés comme l'atteste si bien l'alinéa 1er de
l'article 40 du CTT précité. Ce qui nous fait constater que le
CTT exclut de sa ligne de mire les stagiaires qui font aussi partie du monde du
travail, qui sont soumis au lien de subordination et sont donc exposés
à cette discrimination. Le CTT n'ayant pas encore
réglementé le contrat de travail des stagiaires, il les place
dans une situation vulnérable. Les candidats à un emploi, les
personnes exerçant une activité non salariée, sont aussi
exclus de ladite protection.
Quant à l'auteur du harcèlement sexuel, selon le
CTT, cette discrimination est intrinsèquement liée au lien de
subordination. Ceci suppose donc que le harcèlement sexuel ne peut
être évoqué qu'entre l'auteur du harcèlement en
position de force usant de son autorité et sa victime en situation
d'infériorité hiérarchique. Or le constat est que, le
harcèlement sexuel peut aussi être l'oeuvre d'un collègue
de travail ou d'un subordonné. Cette affirmation est d'ailleurs
corroborée par les enquêtes de terrain menées par le
Professeur Komi WOLOU. Selon ses études, les actes de harcèlement
sexuel émanent de 35 Collègues de service et de 34
Supérieurs hiérarchiques dans le secteur formel et de 16
collègues de service contre 30 de la part des supérieurs
hiérarchiques dans le secteur informel66. Ce qui montre
à outrance les lacunes de la loi. Il s'agit d'approches limitatives du
phénomène de harcèlement sexuel qui du coup réduit
considérablement son champ d'application.
Si le législateur togolais s'est évertué
pour faire sortir le CTT de sa léthargie en prohibant de manière
systématique le harcèlement sexuel, il faut souligner que le
SGFPT demeure toujours silencieux sur ce sujet. Même de nos jours, ce
texte de loi ne contient aucune disposition expresse relative audit
fléau. Est-ce une raison suffisante pour dire que le harcèlement
sexuel est absent de la fonction publique togolaise ? Cette situation est
déplorable dans la mesure où cette discrimination fait partie
intégrante de cette fonction publique aussi bien que dans le secteur
privé. Ne pas la prohiber, laissera le champ libre à ces auteurs
de le perpétuer. Par contre, la prohibition du harcèlement sexuel
par le SGFPT devrait assurer une protection aux agents soumis audit statut.
L'autre variante à laquelle font face les acteurs du
monde du travail, est le harcèlement moral. Pourtant, le
législateur togolais est resté muet sur ce sujet. En effet, ni le
CTT, ni le SGFPT ni le CPT n'interdisent encore ce harcèlement. Le
législateur français a quant à lui clairement
65 Prof. WOLOU (K), op.cit. p.37
66 Prof. WOLOU (K), op.cit. pp. 38 et 39
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
19
prohibé cette discrimination67. Cette
absence de considération de l'aspect psychique ou psychologique de la
notion de harcèlement par le droit positif togolais marque l'existence
« d'une violence non conscientisée en termes de
responsabilités »68 et est susceptible de rendre
difficile la tâche aux juges et aux inspecteurs de travail dans leurs
prises de décisions69.
Constitue un harcèlement moral, les agissements
répétés subis par un salarié, une personne en
formation ou en stage, ayant pour objet non seulement la dégradation de
ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et
à sa dignité, mais aussi d'altérer sa santé
physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel70.
Ce harcèlement est qualifié de discrimination lorsqu'il se fonde
sur une caractéristique protégée qui est un motif de
discrimination. En dehors d'un tel motif, le harcèlement moral est non-
discriminatoire71. Ce qui veut dire que tout harcèlement
moral n'est pas forcément une discrimination.
Que le harcèlement discriminatoire soit moral ou
sexuel, celui-ci génère des impacts pervers. En effet, il nuit
non seulement au bien-être des travailleurs mais aussi à leur
productivité plus encore à leurs perspectives d'emploi et
d'avancement, comme le reconnaissait déjà en 1985 la
Conférence Internationale du Travail (CIT) à propos du
harcèlement sexuel72. Pour toutes ces raisons, les
harcèlements sexuel et moral doivent être combattus.
En s'inscrivant dans cette dynamique, l'avant-projet d'acte
uniforme en droit du travail innove en prohibant en son article 12 les
harcèlements sexuel et moral. Il s'agit d'une garantie qu'offre le
législateur de l'OHADA aux acteurs du monde du travail de cet
espace73.
A l'instar du harcèlement, l'injonction de discriminer
est une forme de discrimination dans le monde du travail. Pourtant, celle-ci
n'est pas encore interdite par le droit positif togolais.
B- L'absence de l'interdiction de l'injonction de
discriminer
En ratifiant le 20 juin 1983 la Convention n° 111 de
l'OIT concernant la discrimination en matière d'emploi et de profession
de 1958, le Togo s'était engagé par le biais des articles 2 et 3
de ladite convention à interdire sur son territoire toutes les formes de
discrimination. Malheureusement, à la lumière des textes de loi,
aucune législation anti-discrimination ne
67 Article 1152-1à 1152-6 Code du Travail de la France
(CTF) et article 6 Statut de la Fonction Publique de la France (SFPF)
68 Des décisions de justice citée
par, PANIER (E), l'Etat et les relations de travail au Togo, thèse pour
le doctorat en droit à l'Université Bordeaux IV - Montesquieu 7
décembre 2012 p.68
69 PANIER (E), op.cit. p.68
70 Article 1152-1 et 1152-2 du CTF
71 DOWD (M-A.), « Le harcèlement au travail : mise
en oeuvre de la Charte des droits et libertés de la personne »,
Mini colloque Le harcèlement (ou la violence au travail),
Montréal, 16 décembre 1999 : 14.
72 BIT, L'heure de l'égalité au travail,
op.cit. p.95
73 REIS (P.), « Le droit du travail dans le droit de
l'OHADA », Revue de l'ERSUMA : Droit des affaires - Pratique
Professionnelle, Etudes N° 1 - Juin 2012, p.7
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
20
prohibe le fait d'enjoindre à autrui la commission d'un
acte discriminatoire. L'injonction de discriminer demeure dans l'ombre. Elle ne
fait pas encore partie des annales de la législation anti-discrimination
togolaise. Les dispositions sanctionnant cette discrimination sont donc
absentes aussi bien du CTT que du SGFPT. Le Togo n'a pas encore
légiféré sur ce fléau qui, pourtant est
extrêmement discriminatoire. Il s'agit donc de déni de
législation. Cette absence d'interdiction de l'injonction de
discriminer, laisse entrevoir que le législateur ne prohibe pas toutes
les formes de discrimination qui sévissent dans la sphère du
travail togolais. La législation anti-discrimination togolaise ne permet
donc pas une meilleure réception juridique des engagements
internationaux ratifiés par l'Etat togolais et que le silence absolu du
législateur sur la question n'est pas du tout satisfaisant.
L'inquiétude est de savoir pourquoi la prohibition de
l'ordre de discriminer n'a pas encore pris corps dans le droit positif togolais
? L'absence initiale de l'interdiction de l'injonction de discriminer devrait
baliser la voie à sa pratique sans que ses auteurs ne soient
inquiétés.
Mais une interrogation certaine mérite d'être
posée : qu'est-ce que l'injonction de discriminer dans le monde du
travail ? « L'injonction de discriminer » ou «
l'ordre de discriminer », est le fait pour une personne
d'enjoindre ou d'ordonner à une autre de pratiquer une discrimination
à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes sur la base
d'un critère protégé par la loi74. Cette
définition de l'injonction de discriminer présente une
particularité. En effet, à la différence des autres formes
de discrimination précitées, cette entreprise discriminatoire ne
se réalise que par le concours d'une double volonté : d'une part,
le donneur d'ordre qui intime l'ordre et d'autre part, l'exécutant de
l'ordre qui est celui qui accepte d'accomplir la directive discriminatoire.
Ceci suppose que « l'ordre de discriminer » ne peut aboutir
qu'en la présence de ces deux auteurs. Il s'agit d'une condition sine
qua non. A titre illustratif, le fait pour une entreprise sollicitant dans le
cadre du recrutement de ses agents, l'expertise de l'Agence Nationale Pour
l'Emploi (ANPE), ordonne à celle-ci de ne pas embaucher les candidats
vivant avec un handicap physique alors qu'ils sont aptes à exercer
l'emploi pourvut.
De l'injonction de discriminer se déduit une double
responsabilité. Il s'agit non seulement de la responsabilité du
donneur d'ordre mais aussi de la responsabilité de l'exécutant de
l'ordre. Si la responsabilité du donneur d'ordre est indiscutable, par
contre, doit-on toujours engager la responsabilité de l'exécutant
de la discrimination dans la mesure où celui-ci ne fait
qu'exécuter un ordre ?
74 Article 2, par 4, de la Directive sur
l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail
; article 2, par. 4, de la Directive sur l'égalité raciale.
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
21
En matière civile, par assimilation à la
responsabilité du commettant du fait de ses préposés, on
ne saurait engager la responsabilité de
l'exécutant75.
En matière pénale, en cas de commandement
illégal, trois théories ont été avancées
pour décider si la sanction doit intervenir ou non.
D'abord, l'obéissance passive, c'est-à-dire si
l'on doit toujours obéir aux ordres du supérieur et qu'un ordre
illégal est exécuté, il n'y a pas de
sanction76.
Ensuite, lorsqu'il s'agit des « baïonnettes
intelligentes », le subordonné est tenu d'apprécier le
caractère légal et de n'exécuter que des ordres
légaux. Au cas contraire, il encourt la sanction77.
Enfin, un subordonné qui exécute un ordre de son
supérieur hiérarchique n'est pas responsable pénalement
sauf si l'ordre est manifestement illégal78. C'est cette
position que consacre le Code Pénal Français dans son article
122-4 al.2.
En France, rappelons qu'avant que l'interdiction de
l'injonction à discriminer ne soit assortie de sanction en
matière civile par la loi du 27 mai 2008, seul le Code Pénal
permettait d'atteindre ce comportement sous l'incrimination de la
complicité prévue par les articles 1216 et 121-7 du CP ou de la
provocation à la discrimination, à la haine ou à la
violence raciale prévue par l'article R. 625-7 du CP79.
Même si le CPT ne contient pas encore de dispositions expresses
sanctionnant l'injonction de discriminer, on peut supposer qu'au regard de son
article 23 qui dispose « que n'est pas pénalement responsable
la personne qui commet un acte commandé par l'autorité
légitime, sauf si cet acte est manifestement illégal »
que le législateur prohibe l'ordre de discriminer. Toutefois, «
il n'y a pas de responsabilité pénale lorsque l'auteur de
l'infraction a agi sous l'empire de la contrainte ou d'une force à
laquelle il n'a pu résister »80. En tout, la vraie
prohibition de cette discrimination serait plus protectrice.
Au Togo, les discriminations sont donc multiformes dans le
monde du travail. Toutes, violent les principes d'égalité, de
liberté et de justice sociale. Pour mettre ce monde du travail à
l'abri
75 Article 1384 al. 5 C.civ français
76 JurisPédia, Commandement de
l'autorité légitime, consulté le 12 janvier 2017
77 Ibidem
78 Ibidem
79 Cour de Cassation Française Troisième partie :
Etude : Les discriminations dans la jurisprudence de la cour de cassation
« les discriminations dans le travail » Rapport annuel 2008
80 Article 27 CPT
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
22
de ces discriminations, il faut les éliminer. Mais
cette tâche étant ardue, le législateur a pris l'initiative
de les encadrer. Malheureusement, cet encadrement demeure insuffisant.
Section 2 : Un encadrement inapproprié de la
discrimination dans le droit positif
togolais
Le législateur togolais dans sa volonté
d'éradiquer la discrimination dans le monde du travail dispose à
cette fin d'un double outil. D'une part, il prohibe certaines discriminations
qui sévissent. D'autre part, il engage une politique de discrimination
positive à l'endroit des groupes considérés comme
vulnérables. Mais l'analyse des différents textes
révèle l'insuffisance de ces mesures. En effet, non seulement
l'interdiction de la discrimination orchestrée par la loi comporte des
lacunes (§1). Mais aussi, les textes qui sont censés
protéger les groupes de personnes systématiquement
désavantagées sont limités dans leur objet (§2).
Paragraphe 1 : Une prohibition insuffisante de la
discrimination
Pour sanctionner les pratiques discriminatoires, il faut les
prouver. Or, d'après la législation en vigueur, il est
extrêmement difficile d'y parvenir (A) et les sanctions légales
existantes demeurent problématiques (B).
A- La difficile preuve de la discrimination
La preuve de la discrimination désigne à la fois
ce qui démontre, établit sa véracité et le
procédé utilisé à cette fin. C'est donc ce qu'il
faille prouver dans un cas de discrimination. Or parvenir à cette fin
est une tâche ardue en droit togolais. Etudier la difficile preuve de la
discrimination dans le monde du travail au Togo équivaut à
s'atteler à son mode et à sa charge.
S'agissant du mode de la preuve de la discrimination, il est
régi par le principe de la liberté. Ainsi, tous les moyens de
preuve sont admis81. Le plaignant de discrimination peut utiliser
tous les moyens dont il dispose pour faire valoir sa cause. Cela peut
être des témoignages, des courriels, des échanges de
courriers ou de courriels, des procès-verbaux des documents
médicaux ou des constats d'huissier.
Quant à la charge de la preuve de la discrimination,
elle varie selon qu'on est en matière pénale ou en matière
civile.
81 DRAY (J.), « Discrimination au travail et charge de la
preuve » 08/05/2012LegaVox.fr
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
23
Au pénal, en vertu du principe de la présomption
d'innocence82, il est du devoir du plaignant en l'occurrence la
victime et/ou le Ministère Public d'apporter la preuve des faits qu'il
dénonce. Dès lors, pour qualifier la discrimination de
délit, la réunion de deux éléments est
nécessaire : un élément matériel et un
élément moral. S'agissant de l'élément
matériel, la victime de la discrimination est tenue d'apporter un
élément de fait devant permettre d'apprécier ce
délit dans le cadre des actes dans la mesure où
l'élément matériel n'est constitué que par un acte.
En ce qui concerne l'élément moral, il s'agit de la
volonté orientée vers l'accomplissement d'un acte prohibé
par la loi. Cette preuve se révèle difficile à
établir, surtout en cas de discrimination indirecte. Il s'agit en
conséquence d'une preuve lourde pour le plaignant.
Au civil, en application de la maxime « actori incombit
probatio » et selon l'article 1315 du Code Civil Français, la
preuve de la discrimination incombe à celui qui l'allègue. Il
s'agit du plaignant, donc de la victime. En vertu de cette règle de
droit commun, l'employé qui s'estime victime de toutes formes de
discrimination, a l'obligation d'en apporter la preuve car la preuve est la
rançon du droit.
Cependant, force est de remarquer qu'un problème
très délicat se pose en matière de la discrimination dans
le monde du travail togolais, ce que Hélène
MASSE-DESSEN83 a reconnu depuis 1995 en droit français. Il
s'agit bien évidemment de celui de la preuve. En effet, au regard de
l'article 43 du Code de Procédure Civile du Togo qui dispose qu'il
« incombe à chaque partie de prouver conformément
à la loi les faits nécessaires au soutien de sa prétention
», il est extrêmement difficile à celui qui
dépose une plainte en justice d'apporter la preuve de la discrimination
dont il est victime. Démontrer l'existence de la discrimination n'est
pas chose aisée pour la victime puisqu'elle supporte seule la charge de
la preuve. Etablir la preuve de toute forme de discrimination se
révèle donc très difficile en droit positif togolais.
Outre la difficulté de la victime à rapporter la preuve de la
discrimination parce que se trouvant seule dans sa mission probatoire, l'auteur
de la discrimination mettra tout en oeuvre pour occulter son
délit84. Face à cette situation problématique
qui prévaut, on a du mal à comprendre pourquoi le
législateur togolais n'entreprend pas des démarches idoines afin
d'alléger la tâche au plaignant.
82 Article 18 al.1er Constitution Togolaise de la
IVème République, 2002 ; Article 9-1 al. 1er Code
Civil français ; article 11-1 DUDH, 1948 ; Article 9 DDHC, 1789.
83 MASSE-DESSEN (H.), « La résolution contentieuse
des discriminations en droit du travail »,
Droit Social, mai 1995
84 GUISLAIN (V.), Etude : la preuve de la discrimination en droit
du travail, 15/09/2012
LegaVox.fr, p.3
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
24
Il est regrettable que la preuve de la discrimination dans le
monde du travail au Togo soit restée dans son état embryonnaire.
Elle n'a connu aucune évolution. Pourtant, le législateur
français a pris le soin d'aménager la charge de la preuve de la
discrimination en matière civile. En effet, il a procédé
au renversement de ladite charge par la loi n°2001-1066 du 16 novembre
200185 au profit de la victime. Ainsi, le demandeur doit apporter
les éléments de faits laissant supposer la discrimination dont il
prétend être victime et il revient alors au défendeur de
démontrer que sa décision est justifiée par des
éléments objectifs étrangers à toute
discrimination. Il en est de même de l'article L. 244-3 du CTL. Pour
remédier à l'inertie du législateur togolais, il serait
souhaitable que celui-ci se mette au diapason de son homologue
français.
Le droit togolais ne permet pas aux parties à un
procès en matière de discrimination d'alléguer leurs
prétentions sur un pied d'égalité. Le discriminé se
trouve dans une situation de net désavantage qui ne lui permet pas de
présenter ses preuves de manière raisonnable. Ce qui laisse
supposer que ce droit pratique indirectement la discrimination à
l'égard des victimes. La difficile preuve de la discrimination est un
obstacle majeur pour la victime, ce qui justifie que le contentieux ait bien du
mal à émerger86 et l'inertie de la jurisprudence en la
matière.
Face à la délicate situation de la preuve en
matière de discriminations, celles-ci resteront impunies et persisteront
largement dans un monde du travail sans soutien probatoire. Toutefois, une
discrimination prouvée, devrait recevoir l'application des sanctions.
Mais, celles-ci sont problématisées.
B- La problématique des sanctions de la
discrimination
Les sanctions, quelle que soit leur nature ont une double
finalité. Elles ont soit une fonction préventive destinée
à dissuader la commission de la discrimination ; soit une fonction
punitive ou répressive visant à condamner l'auteur de la
discrimination à des peines et à réparer le
préjudice causé. Elles peuvent avoir les deux fonctions à
la fois. En droit togolais, l'auteur de la discrimination dans le monde du
travail s'expose à trois types de sanctions : des sanctions
disciplinaires, civiles ou pénales.
D'abord, les sanctions disciplinaires sont des actes
unilatéraux que la loi habilite l'employeur à prendre pour punir
le comportement fautif de l'employé. En effet, à l'instar de
l'article 41.al1er du CTT qui dispose qu'est passible d'une sanction
disciplinaire tout salarié qui
85 Loi modifiant l'art L1134-1 (ancien art L122-45) du Code du
travail et renverse la charge de la preuve
86 DANIS-FANTÔME (A.), « Le dispositif propre à
la charge de la preuve, frein ou outil de lutte contre les discriminations ?
», La Revue des droits de l'homme [En ligne], mis en ligne le 04
mars 2016.
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
25
commet des actes de harcèlement sexuel, le SGFPT en son
article 166 prévoit que « tout manquement aux [...] conventions
internationales (relatives à la lutte contre la discrimination)
ratifiées par la République togolaise, constitue une faute
disciplinaire passible d'une sanction disciplinaire ». Le CTT n'a
cependant pas définie la liste de ces sanctions disciplinaires. Ce qui
n'est pourtant pas le cas du SGFPT87. Nous supposons que de par son
silence, le CTT laisse la latitude aux employeurs de pouvoir choisir
eux-mêmes ces sanctions. Mais, le législateur ne doit-il pas
encadrer une telle liberté ? Dans la mesure où l'employeur peut
la compromettre en infligeant aux salariés coupables des sanctions qui
ne reflètent pas leur véritable identité. Pour se mettre
à l'abri d'une telle éventualité le CTT doit
déterminer la liste devant définir les sanctions disciplinaires.
Toutefois, l'employeur peut se référer à la liste des
sanctions prévues par l'article 58 de la CCIT88.
Néanmoins une sanction disciplinaire est nulle si elle a pour base un
critère de discrimination.
Ensuite, les sanctions civiles : la victime est titulaire de
l'action civile. Cependant, le législateur reconnaît ce pouvoir
aussi bien aux représentants syndicaux89 qu'aux
délégués du personnel90. Par contre, la loi a
limité la représentativité de la victime en instance
civile en ignorant de prendre en considération la société
civile en lutte contre la discrimination aussi bien dans le CTT que dans le
SGFPT.
Le législateur a procédé à une
distinction des sanctions civiles selon qu'il s'agisse de la nullité
absolue de certaines mesures discriminatoires ou de l'allocation des dommages
et intérêts D'une part, le législateur illumine notre
religion par deux textes de loi au sujet de la nullité absolue des
mesures discriminatoires. Ainsi par l'article 3 al 3 du CTT, il dispose
qu'« est nulle de plein droit toute disposition discriminatoire
figurant dans un contrat de travail, un barème de salaire, une
convention ou un accord collectif de travail ». De même, aux
termes de l'article 39 al. 3 du même code, le législateur
déclare que « toute disposition ou tout acte contraire à
l'égard d'un salarié est nul de plein droit ». De ces
deux dispositions précitées, il résulte que les mesures
prises par l'employeur n'ont aucun fondement légal, raison pour laquelle
le législateur évoque leur nullité. Le législateur
a aussi un souci de protection du salarié. En effet, ces dispositions
sont insuffisantes car elles ne protègent pas les stagiaires.
87Article 171 : Les sanctions disciplinaires du 1er
degré : l'avertissement, le blâme avec ou sans inscription au
dossier, le déplacement d'office, la mise à pied ne pouvant
excéder un (01) mois et 172 SGFPT : Les sanctions disciplinaires du
2ème degré : la rétrogradation ou l'abaissement de classe,
la révocation sans suspension des droits à pension, l'exclusion
temporaire, la radiation d'avancement d'échelon.
88 L'avertissement avec inscription au dossier, la
mise à pied d'un à huit jours avec privation de salaire, la mise
à pied aggravée de un à quinze jours avec privation de
salaire, le licenciement avec préavis, le licenciement sans
préavis en cas de faute lourde.
89 Articles 7al 1 CTT et 243 SGFPT
90 Article 212 al 1 CTT
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
26
Cette situation est justifiée par l'absence de
réglementation de leur travail aussi bien par le CTT que par le
SGFPT.
D'autre part, les dommages et intérêts sont
destinés à la réparation du préjudice moral ou
corporel subi par la victime de la discrimination. Ils peuvent être
compensatoires ou moratoires. Ce sont des sanctions pécuniaires. Aux
termes de l'article 41 al 2 du CTT, les dommages et intérêts sont
dus en cas de discrimination directe ou indirecte91 et de
harcèlement sexuel92 pratiqués à l'encontre
d'un salarié. Mais, comment peut-on évaluer ces dommages et
intérêts ? Le législateur n'ayant pas abordé ce
sujet, il revient aux juges de fixer cette indemnité. Toutefois, ils
devraient prononcer des dommages et intérêts à la hauteur
de la gravité des pratiques discriminatoires.
Enfin, les sanctions pénales prononcées à
l'encontre de l'auteur de la discrimination. L'évocation de ses
sanctions revient à s'intéresser aussi bien à celles que
prévoient le CTT que le CPT. Le législateur fait de la
discrimination un délit. Ce qui fait que tout comportement
discriminatoire qu'il soit une discrimination directe ou indirecte ou un
harcèlement sexuel est passible d'une amende et/ou d'une peine
d'emprisonnement.
S'agissant des textes répressifs du CTT, ce sont des
amendes qui sont des peines pécuniaires obligeant le condamné
à verser une certaine somme d'argent au trésor
public93. Celles-ci sont de cent mille (100 000) à un million
(1 000 000) de francs fixés par l'article 301alinéa 1du CTT.
Aussi, le même article prévoit des peines d'emprisonnement dont le
quantum est de trois (03) à six (06) mois d'emprisonnement. Ce sont des
peines privatives de liberté, de nature correctionnelle consistant
à l'incarcération du condamné pendant un temps fixé
par le juge dans les limites prévues par la loi.
Ces deux peines précitées peuvent être
aussi bien cumulatives ou non. Toutefois, l'article 301 alinéa 2 du CTT
dispose qu'« en cas de récidive, la peine est portée au
double ». Malheureusement, ces deux sanctions sont non dissuasives au
regard de la gravité de l'infraction et sa persistance.
Malgré la réforme du CTT de 2006 et celle du
SGFPT de 2013, ils sont encore parsemés de lacunes. Ils ne contiennent
pas de dispositions sanctionnant les personnes morales. Dans ce cas, n'est-il
pas possible qu'une personne morale se rende coupable de délit de
discrimination
91 Article 39 CTT
92 Article 40 CTT
93 Articles 75 et 76 du CPT
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
27
dans le monde du travail ? On pourrait supposer que c'est
parce que, le CPT94 a déjà décanté la
situation que le CTT et le SGFPT ont jugé utile de ne plus en parler.
Jusqu'alors, le CTT ne sanctionne pas non plus la violation des règles
du contrat de travail temporaire et celui des stagiaires alors qu'ils sont
constamment objet de discrimination. Même si les sanctions civiles sont
très prisées, le législateur s'efforce tout de même
de créditer les peines pénales.
En ce qui concerne la répression des discriminations
par le CPT, dans sa nouvelle version, le législateur a prévu une
pléiade de sanctions.
L'article 308 al.1er du CPT dispose que «
tout acte de discrimination en matière d'emploi et de profession est
puni d'une peine d'emprisonnement de six (06) mois à deux (02) ans et
d'une amende de cinq cent mille (500. 000) à deux millions (2.000. 000)
de francs CFA ou de l'une de ces deux peines ». Il s'agit des
mêmes peines que prévoit le CPT en matière de
discrimination d'ordre général95, de discrimination
dans le domaine de l'enseignement96, de discrimination à
l'égard des femmes97 et de discrimination à
l'égard des personnes atteintes du Virus de l'Immunodéficience
Humaine (VIH)98. Si pour une première fois dans l'histoire du
Togo, le CPT interdit la discrimination dans le domaine de l'enseignement, il
faut reconnaître qu'il compatit aux cris d'alarme des femmes et aux
sollicitations de la société civile qui lutte contre la
discrimination et qui prône l'égalité du genre car, en
pénalisant la discrimination à l'égard des femmes, le CPT
entend donner la liberté aux femmes dans l'exercice de leur droit. Le
CPT fait du harcèlement sexuel une priorité en infligeant aux
personnes qui se rendent coupables de ce délit, des peines
supérieures aux autres types de discrimination incriminées par ce
code99. Ces sanctions dénotent la particularité de
celles-ci.
Le harcèlement moral et l'injonction de discriminer
restent quant eux impunis aussi bien par le CTT que par CPT. Alors qu'ils sont
omniprésents dans le monde du travail.
L'homosexualité est interdite par l'article 392
al.1er du CPT et sanctionnée par l'article 393 du même
code. On pourrait penser qu'il s'agit en principe d'une discrimination
flagrante dont se rend coupable le législateur togolais. Mais compte
tenu de nos moeurs, ériger cette orientation sexuelle en délit
n'est pas une discrimination en soi. C'est à juste titre que le
Président sénégalais Macky SALL répondait à
l'ancien Président des Etats Unis Barack OBAMA que si
94 Articles 53 et 54 du CPT
95 Article 305 CPT
96 Article 310 CPT
97 Article 312 et 313 CPT
98 Article 315, 316 CPT
99 Art. 400 du CPT, coupable : 01à 03 ans d'emprisonnement
et 1.000.000 à 3.000.000 F.CFA d'amendes. Harcèlement commis : 03
à 05 ans d'emprisonnement et 3.000000 à 5.000000 F.CFA
d'amendes.
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
28
l'homosexualité constitue un droit en Occident, en
Afrique, c'est une question de société100. Rappelons
qu'en France, l'homosexualité reste un droit101.
Le CPT a fait l'effort d'être un fourre-tout. Eu
égard aux sanctions prévue par ce code, on voit bien que le
législateur a fait un effort louable en prévoyant des peines pour
certains types de discrimination, ce que n'avait pas fait l'ancien code
pénal. Il reste que ses sanctions soient effectivement mises en
application d'autant plus que souvent de beaux textes sont
élaborés mais finissent par somnoler dans les placards de
l'administration.
Outre les insuffisances des sanctions prises par le
législateur pour contrer la discrimination, il faut également
souligner que la plupart des dispositions mises en place pour protéger
les personnes qualifiées de vulnérables présentent des
lacunes.
Paragraphe 2 : Une consécration insuffisante de la
discrimination positive
Née aux États-Unis dans les années
1960-1970 sous le nom d'« affirmative action », la «
discrimination positive » appelée aussi « action
positive » avait pour but d'aider les descendants d'esclaves qui
souffraient de discrimination, notamment en ce qui concerne l'accès
à un emploi décent102. Aujourd'hui, la discrimination
positive est ancrée dans plusieurs législations
anti-discriminations et vise à éradiquer la discrimination subie
par une catégorie de personnes qui sont systématiquement
désavantagées surtout dans le monde du travail en leur faisant
bénéficier un traitement préférentiel afin de
rétablir l'équilibre. Elle renverse ainsi le fonctionnement de la
discrimination.
Au Togo, les mesures prises pour protéger les personnes
vulnérables afin de leur faciliter l'accès à l'emploi sont
insuffisantes (A) et génèrent des incidences perverses (B).
A-L 'insuffisance de la réglementation de la
discrimination positive
La politique de discrimination positive du Togo en
matière d'emploi a connu une légère évolution qui
pourtant reste problématique. Les avancées réelles
enregistrées par l'Etat togolais ces dernières décennies
s'inscrivent dans le renforcement du cadre juridique national par
l'intégration des conventions internationales. Au Togo, «
l'affirmative action » est essentiellement orientée vers
les personnes en situation de handicap et les femmes qui sont souvent victimes
de traitement défavorable en raison de leur état
vulnérable.
100 Propos tenus à la conférence de presse à
Dakar au Sénégal en 2013 lors de la visite de Barack OBAMA
101 Cass.soc. 6 novembre 2013 n° 12-22.270
102
www.wikipédia.org/wiki/
Discrimination, consulté le 10 janvier 2017
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
29
S'agissant des personnes handicapées telles que
définies par l'article 152 du CTT, il est évident que celles-ci
n'auront certainement pas la chance d'être embauchées par des
employeurs déterminés à ne pas supporter leurs charges
supplémentaires. C'est justement pour cette raison qu'ils
bénéficient d'une protection légale
particulière103. La discrimination positive au Togo à
l'égard des personnes handicapées a consisté à la
ratification des conventions internationales à l'instar de celle des
Nations Unies relative aux Droits des Personnes Handicapées. Celle-ci,
ratifiée le 1er mars 2011, a une valeur universelle et a le
mérite de faciliter l'insertion professionnelle des personnes
handicapées.
Pour atteindre cet objectif, le législateur a
également renforcé sa législation nationale. Primo,
l'article 308 al.2 du CPT, ne pénalise point les mesures incitatives en
faveur des personnes vivant avec un handicap. Cette absence de sanction est de
nature à encourager la pratique de la discrimination positive à
l'endroit des personnes handicapées. Secundo, la loi du 23 avril 2004
portant protection sociale des personnes handicapées consacre aussi une
protection particulière aux personnes handicapées. Tertio, aux
termes de l'article 153 du CTT, il est mentionné que « Les
conditions de travail des personnes handicapées sont
déterminées par décret en conseil des ministres
». Ces conditions de travail portent soit sur des mesures
incitant104 et favorisant le recrutement des personnes
handicapées dans les entreprises, soit à l'aménagement
raisonnable de leurs lieux de travail.
Malheureusement, la réalité en est tout autre
car le décret relatif aux conditions de travail des personnes
handicapées est jeté aux oubliettes. En effet, les règles
réglementaires devant être prises en application des dispositions
du CTT sont restées lettre morte et, aucun « traitement
différentiel » n'est prévu dans ce sens. L'absence
notoire de prise de décret fait que les lois édictées en
la matière sont restées inutiles et vaines. Cet état de
choses bloque considérablement toute politique s'inscrivant dans la mise
en oeuvre des droits des personnes handicapées. Toutefois, il s'est
avéré « que lors du concours de recrutement de 2008, le
Ministère de l'Action sociale avait fait un plaidoyer en faveur du
recrutement des personnes handicapées. Cette action a permis le
recrutement de 66 agents selon les autorités du ministère, 37
selon la FETAPH »105. Pourtant, ces mesures ne sont
qu'éphémères, d'où l'impérieuse
nécessité de prendre un décret devant résoudre
définitivement le problème aussi
103 Article 33 CT « L'Etat prend ou fait prendre en
faveur des personnes handicapées [...] des mesures
susceptibles de les mettre à l'abri des injustices sociales
».
104 Article 16, 1 CSS
105 Prof. WOLOU (K.), op. cit. p.21
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
30
bien dans l'administration publique que dans le secteur
privé. L'inclusion des personnes handicapées dans le monde du
travail se révèle donc très délicate.
Restant toujours dans le cadre des conditions de travail des
personnes handicapées, selon l'article 155 al 2 CTT, celles-ci doivent
exercer à la fois un travail convenable et compatible avec leur
capacité. A défaut, leur contrat sera résilié ce
qui leur donnera droit à une allocation d'indemnité de
préavis et éventuellement une indemnité de
licenciement.
La politique de discrimination positive engagée par
l'Etat à l'endroit des personnes handicapées est restée
pendant longtemps stéréotypée surtout que la
législation-antidiscrimination n'est pas effective, à cause de
l'inexistence de mesures d'application, ni de mesures de suivi
d'exécution de celle-ci. En conséquence, « la mesure de
leur degré de mise en oeuvre est difficile, voire
impossible»106.
Il y a lieu de relever l'absence de dispositions aussi bien
dans le CTT, dans la CCIT que dans le SGFPT prévoyant un quota pour
l'emploi des personnes en situation de handicap. Cette situation met le
législateur togolais en arrière-garde par rapport à son
homologue ivoirien qui a pris la mesure de la chose en faisant aux termes de
l'article 12.2. de son code du travail obligation à l'employeur de
réserver un quota d'emplois aux personnes vivant avec un handicap qui
possèdent la qualification professionnelle requise.
L'expression « personne handicapée » retenue
par l'article 152 du CTT est à notre avis discriminante pour cette
catégorie de personne. En effet, cette désignation les
considère comme des personnes inaptes à exercer un travail, comme
des malades. Alors qu'il est possible que les personnes ayant une
incapacité peuvent ne pas être éternellement
handicapées107. Il est donc clair que le CTT pratique la
discrimination à leur égard.
Quant aux femmes, trois conventions internationales ont
été ratifiées à leur profit. Il en est ainsi sur
l'échiquier international, de la Convention sur l'élimination de
toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes du 18
décembre 1979 ratifiée par le Togo le 26 décembre 1983
(CEFDF), la Conférence de Beijing de 1995 ratifiée par le Togo le
18 septembre 1983, et au régional, de la Charte Africaine des droits de
l'Homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique dite Protocole
de Maputo en 2005.
106 KOMBATE (K. L.), Analyse comparative des textes
législatifs existant au Togo et le degré de prise en compte des
personnes handicapées, en particulier les enfants, au regard des
conventions internationales, novembre 2013, p.26
107 GOFFMAN. (E), Stigmate : les usages sociaux des handicaps,
Paris, Éditions de Minuit, 1975
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
31
En droit positif togolais, le
législateur consacre une protection spéciale à la femme
enceinte dans l'exercice de sa fonction aussi bien dans le CTT108,
dans le SGFPT109 que dans le CSS110. Ce qui lui permet de
bénéficier des prestations qui lui sont dues en période
pré et post maternité tout en conservant son emploi. Toutefois,
cette protection demeure inefficace car la grossesse est toujours signe de
discrimination surtout dans le secteur privé.
La qualité du chef de famille du mari maintenue dans le
droit positif togolais est une véritable entorse au principe de
l'égalité des sexes111. En effet, selon les
dispositions des articles 5 et 132 du CGIT, « les femmes sont plus
sévèrement imposées que les hommes alors que dans la
réalité elles assurent autant, sinon parfois plus que les hommes,
les charges du ménage. Une femme fonctionnaire mariée et
mère continue d'être imposée comme une personne seule
n'ayant aucune charge»112. Cette fonction reconnue au mari
spolie considérablement la femme de plusieurs avantages et handicape
ainsi la politique d'« affirmative action » qui leur est
dévolue. Cette qualité de chef de famille conforte d'ailleurs
l'homme dans ses prises de décision et relègue la femme au second
plan.
Une législation oeuvrant à faire de la femme une
élite devrait en principe parer à ces inégalités et
iniquités. Cependant, celle-ci regorge des dispositions
défavorables à la femme, par-dessus tout, elle a toujours du mal
à intégrer efficacement en son sein les conventions
internationales et régionales ratifiées. Face à cette
situation, la politique de discrimination positive ne peut être que
vouée à l'échec. Ce qui justifie la difficile
pénétration de la femme dans le monde du travail togolais. Les
femmes togolaises n'échappent donc pas à l'infériorisation
sur le marché du travail. Leur sous-représentation dans la
fonction publique est manifeste : 10,87% catégorie A1 ; 17,86%
catégorie A2 ; 20,98% catégorie B ; 26,08% catégorie C ;
15,35% catégorie D113 en sont les parfaites illustrations.
Ces politiques n'impactent pas réellement le bien être des
femmes.
Pire, au Togo, la parité n'est qu'une question de fait
dans le monde du travail en raison de l'inexistence d'une loi en la
matière. Même s'il existe une loi qui encourage les candidatures
féminines aux élections législatives114 nous
estimons qu'elle est illusoire eu égard à la faible participation
des femmes à l'élection législative du 25 juillet 2013, de
leur absence à
108 Articles 147, 148 et 149 CTT
109 Articles 225, 226, 227, 228, 229 et 230 SGFPT
110 Articles 38 et 39 du CSS
111 Prof. WOLOU (K), op. cit. p.24
112 Livre blanc : Femmes Togolaises : Aujourd'hui et
Demain, COPEF, 2e édition 2007, p 45.
113 Prof. WOLOU (K.), op. cit. p.48
114 L'article 220 al. 5 de la loi portant modification de la
loi n° 2012 du 29 mai portant code électoral « Les listes des
candidats présentés par tout parti politique ou regroupement de
partis politiques légalement constitués ainsi que par les
personnes indépendantes doivent respecter dans l'ensemble, la
parité homme-femme ».
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
32
l'élection présidentielle du 25 avril 2015 et de
leur faible représentativité dans l'actuel hémicycle dont
leur taux est seulement que de17, 58%. Il est évident que le Togo
n'arrive pas à atteindre le taux de 30% que recommande le programme
d'actions de Beijing de 1995.
En reprenant la définition de la discrimination telle
consacrée par la Convention sur l'élimination de toutes les
formes de discrimination à l'égard des femmes en son article
premier, l'article 311 du CPT procède en tout état de cause
à une innovation importante. Ce texte de loi anoblit la femme togolaise
dans ses droits car théoriquement, elle peut aujourd'hui
prétendre disposer des mêmes droits que l'homme.
Il est clair que des avancées significatives ont
été réalisées, mais, la marche vers une
égalité réelle dans la sphère du travail togolais
demeure toujours problématique car de nombreux défis restent
encore à relever. Aucun quota n'est fixé pour améliorer la
représentation des groupes défavorisés dans
l'administration publique tout comme dans le secteur privé. L'Etat
togolais a aussi du mal à exploiter à suffisance les conventions
internationales et régionales qu'il ratifie malgré l'innombrable
potentialité qu'elles regorgent. Par conséquent, il doit
s'actualisé en poursuivant les réformes nécessaires qui
devront permettre une meilleure insertion professionnelle des personnes
handicapées et des femmes au Togo. La discrimination positive bien que
difficilement instituée, elle engendre des effets pervers.
B- Les répercussions négatives de la
discrimination positive
La « discrimination positive » est une
expression qui paraît heurter le bon sens. En effet, elle est la jonction
de deux mots de sens opposés. L'un, « la discrimination
» ayant une connotation négative, elle symbolise le traitement
défavorable dont sont victimes les personnes vulnérables en
raison de leur appartenance à un groupe défini par une
caractéristique particulière et l'autre, « positif
» adjectif désignant le principe d'égalité et de
justice sociale115. Cette situation nous amène à
émettre les interrogations suivantes : La discrimination positive
est-elle véritablement une nécessité ? Est-ce juste
d'instaurer des inégalités pour promouvoir
l'égalité de chance et de traitement en privilégiant
certaines personnes ?
La politique de discrimination positive est très
controversée. En effet, certaines personnes s'insurgent contre cette
politique eu égard aux répercussions néfastes qu'elle
génère.
115 RENAULD (B), « Les discriminations positives : plus ou
moins d'égalité ? », Rev. trim. dr. h. 1997,
p.427
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
33
D'abord, pour eux, la discrimination positive est une «
discrimination inversée » ou « discrimination
à rebours»116 puisqu'elle constitue une entorse
à la méritocratie. L'égalité en droit qui est l'un
des principes qui fonde la démocratie est donc paralysée, ce qui
fait de la discrimination positive, « une discrimination
négative » à l'égard des non
bénéficiaires. Elle est de nature à renforcer la
précarité à leur égard117.
Ensuite, certaines personnes estiment que la discrimination
positive renforce les préjugés et les stéréotypes
que l'on a des bénéficiaires. En effet, au lieu de bâtir
une société qui serait à l'abri des différences
entre les hommes, la discrimination positive va plutôt légaliser
l'inégalité dont sont victimes les bénéficiaires de
l'affirmative action118. Pour ses détracteurs, la
discrimination positive crée chez les non-bénéficiaires un
ressentiment envers les assistés. Face à cette situation, la
discrimination positive est perçue comme inefficace et ne peut donc pas
atteindre le résultat escompté parce que, au lieu de
résoudre la problématique de « la discrimination
négative », elle en crée d'autres plus graves que
celle-ci.
Enfin, cette politique serait un affront aux
bénéficiaires parce que constituant une politique de
charité et d'assistance, elle finit par faire d'eux des partisans de
moindre effort, ce qui fait qu'ils n'arrivent pas à accéder de
par leur propre mérite au monde du travail119. En
conséquence, cette politique de discrimination positive est susceptible
de remettre en cause la place qu'occupent certains d'entre eux dans le monde du
travail même si c'est par leurs propres efforts, leurs qualités,
leurs mérites qu'ils obtiennent un emploi ou des avantages de travail et
non par le biais de cette politique.
Pour le courant libertarien qui désapprouve la
politique de discrimination positive, la société n'a rien
à offrir aux personnes en situation de handicap car
considérées comme inaptes au travail, elles ne relèvent
pas de la justice sociale et ne peuvent pas souscrire au contrat social mais
à des solidarités de type de la charité, la compassion, la
solidarité familiale120.
Malgré qu'elle soit contestée par certains
auteurs, la discrimination positive est une nécessité. En effet,
dans les conditions concrètes d'existence des personnes
vulnérables, l'égalité formelle n'est pas de nature
à assurer efficacement leur inclusion professionnelle. Face à
cette situation, il urge de corriger l'égalité formelle par la
mise en place d'une égalité effective qui
116 VILLENAVE (B.), « La discrimination positive : une
présentation » Synthèse
117 MORAND (M.), Le droit du travail depuis 1981 : bilans et
perspectives, Semaine juridique n°19, 1987
118 VILLENAVE (B.), ibidem
119 GARNER-MOYER (H), Discrimination et emploi : revue de la
Littérature, (DARES), n°69, mai 2003, p.10
120MAURIS-DEMOURIOUX (S.), « Divergence et convergence des
approches du handicap : une perspective internationale » novembre2011 p.
10&11
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
34
se résume en une politique de compensation telle que
affirmée par l'égalitariste démocrate John RAWLS au sujet
des personnes handicapées121.
Dans son discours prononcé en1965, le président
américain Lyndon B. Johnson, résume ainsi la situation de la
discrimination positive : « vous ne pouvez pas prendre une personne
qui, pendant des années, a été clopinant dans les
chaînes, pour le libérer, le mettre sur la ligne de départ
d'une course et lui dire : "vous êtes libre d'entrer en
compétition avec tous les autres", et ensuite penser avec raison que
vous avez été totalement correct »122.
Au demeurant, il ne s'agit pas seulement de
décréter la discrimination positive dans un monde de travail
où l'égalité des chances est violée ou
bafouée d'avance pour prétendre instaurer la démocratie
des chances mais, il faut y joindre des garde-fous suffisants devant assurer la
fiabilité des mesures prises parce que la discrimination persiste, elle
ne faiblit pas
121 Ibidem, p.13
122 President Lyndon B. Johnson's Commencement Address at Howard
University: 'To Fulfill These Rights' June 4, 1965
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page 35
CHAPITRE II
LA PERSISTANCE DE LA DISCRIMINATION
La discrimination est sanctionnée par le droit positif
togolais123. Malgré cela, elle persiste dans l'univers du
travail togolais.
La persistance c'est ce qui dure dans le temps. Ainsi, la
discrimination est d'une présence constante dans le monde du travail au
Togo.
Pourquoi la discrimination persiste telle toujours dans le
monde du travail togolais ? Comment se pratique telle ?
Au Togo, décrocher un emploi, un stage et même un
entretien d'embauche est un véritable parcours du combattant. Tout cela
s'explique par le fait que, l'arsenal juridique togolais a du mal à
être effectivement mis en application. C'est la raison pour laquelle, il
subsiste toujours un décalage entre cette législation et sa
pratique. Aussi, plusieurs obstacles empêchent la réalisation de
l'égalité. Ce qui fait que malgré l'existence de la
législation, l'égalité formelle et concrète ont du
mal à prendre réellement place dans le vécu quotidien des
togolais.
L'impuissance du droit positif togolais est à l'origine
de la persistance des pratiques discriminatoires. La matérialisation de
ce fléau (section I), reste donc très difficile à
éradiquer définitivement dans la sphère du travail en
raison de certaines difficultés (section II).
Section 1 : La matérialisation de la
discrimination dans le monde du travail
L'employeur peut discriminer pour une double raison : soit,
d'un point de vue collectif en raison de la politique interne de l'entreprise,
soit, d'un point de vue personnel compte tenu de son jugement et de ses
perceptions personnelles124.
Le principe de non-discrimination125 prône
l'égalité de chance, de traitement et de
rémunération dans le monde du travail. C'est ce principe qu'a
consacré l'O.I.T. dans la Déclaration de Philadelphie
adoptée le 10 mai1944 en son article II alinéa 2126.
Ce principe a pour base l'égalité, la liberté, la
démocratie, le respect des droits de l'homme et des libertés
fondamentales127. Mais il n'a pas encore acquis une place importante
dans la pratique juridique d'une manière quotidienne au Togo compte tenu
de son caractère lacunaire en droit
123 Supra, pp. 24 à 28.
124 Rapport de synthèse Projet, Stop aux discriminations
à l'embauche ! Conseil de la Jeunesse Octobre 2013
125 Article 11 CT
126 « Tous les êtres humains, quelles que soient
leur ethnie, leur croyance ou leur sexe, ont le droit de poursuivre leur
progrès matériel et leur développement spirituel dans la
liberté et la dignité, dans la sécurité
économique et avec des chances égales »
127 JABBOUR (R.E.), op. cit. p.70
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
36
togolais. Ce sont ces lacunes qui justifient la discrimination
aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé au Togo qui
consiste à défavoriser un candidat à l'embauche ou
à une formation professionnelle, un stagiaire, un fonctionnaire ou un
salarié en raison de certains critères non objectifs. La
discrimination dans le monde du travail intervient finalement aussi bien
à l'embauche (§ 1) qu'à toutes les étapes de la vie
professionnelle (§ 2).
Paragraphe 1 : La discrimination à l'embauche
L'embauche se présente comme l'optique de la recherche
de potentiels candidats en vue de leur sélection pour la conclusion d'un
contrat passant par les actes accomplis par un employeur ayant un poste
à pourvoir128. A l'embauche, la discrimination reste
très présente parce qu'il s'agit de l'étape clé,
décisive d'accès à l'emploi. Ainsi selon le Bureau
International du Travail, constitue une discrimination à l'embauche
« toute distinction, exclusion, restriction ou
préférence ayant pour but d'empêcher, de compromettre ou de
limiter l'accès à un emploi dans des conditions
d'égalité pour une personne en raison de son sexe, sa couleur, sa
race, son origine, sa nationalité, ses opinions ». De cette
disposition, il ressort donc que les candidats à un emploi, à un
stage ou à une période de formation doivent
bénéficier des mêmes chances129 et des
mêmes traitements, qu'il en serait autrement lorsque certains seront
privilégiés au détriment d'autres compte tenu des
critères prohibés. Sauf lorsque la distinction est basée
sur un motif légitime, objectif et raisonnable.
La violation du principe de non-discrimination intervient non
seulement dans l'offre d'emploi émise par l'employeur (A) mais aussi au
cours du processus de recrutement (B).
A- La discrimination par rapport à l'offre
d'emploi
Au Togo l'obtention d'un emploi est un parcours semé
d'embûches. L'employeur peut utiliser plusieurs canaux pour diffuser ses
offres d'emploi : la presse écrite, le journal
télévisé, la radio, l'internet... Mais, il faut noter
qu'en restreignant ces canaux, cela peut porter préjudice à
certains demandeurs d'emploi puisqu'ils ne disposent pas forcément des
mêmes moyens pour accéder aisément aux informations. Cette
restriction de la publication des offres d'emploi n'est donc pas sans
conséquences. Ainsi, « Une diffusion trop restreinte de
l'offre, notamment auprès d'un réseau de connaissances, risque
à terme d'uniformiser les équipes de travail. Parfois, cela
aboutit à ethniciser des tâches dans les entreprises
(associant un métier
128 PERU-PIROTTE (L.), cité par GIRARD (C), La
discrimination à l'embauche, mémoire de D.E.A droit social
à l'université Lille 2 s 2002-2003, p.7
129 Article 23-1 de la Déclaration Universelle des
Droits de l'Homme « (1) Toute personne a droit au travail, au libre choix
de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de
travail et à la protection contre le chômage. » du 10
décembre 1948
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
37
ou une fonction à la nationalité ou à
l'origine des personnes)»130.
Le législateur togolais n'a pas prévu de
disposition ni dans le CTT ni dans le SGFPT devant régir la publication
des offres d'emploi. Une telle absence peut dès lors discriminer une
tranche de la population à trouver un emploi compte tenu de moyens
limités dont ils disposent surtout si l'offre n'est publiée que
via internet.
La discrimination dans l'offre d'emploi puise le plus souvent
ses sources de son contenu c'est-à- dire des conditions exigées
par l'employeur dans l'offre émise. Tant d'exigences de la part de
celui-ci ; exemple, cinq (5) ans, dix (10) ans, et même parfois plus.
Cette forme de discrimination est très souvent visible dans le secteur
privé où les employeurs se basant sur le principe de la
liberté de choix émettent des offres à leur convenance,
à leur intérêt personnel et égoïste. Mais un
tel principe se heurte à celui de l'égalité des chances
favorable aux demandeurs d'emploi.
Malgré la prohibition des pratiques discriminatoires,
il est courant de constater et d'observer des offres d'emploi qui expriment
clairement leur préférence aux critères prohibés :
lorsque par exemple une proposition officielle d'embauche est
rédigée au masculin ou au féminin, cela suppose
vraisemblablement que les demandeurs d'emploi appartenant au sexe opposé
ne peuvent pas postuler c'est-à-dire qu'ils sont écartés.
C'est justement dans cette logique que le Président d'une compagnie
aérienne a été condamné pour avoir
écarté la candidature d'un homme à un emploi «
d'hôtesse navigante » au motif que la société
recherchait uniquement le personnel féminin 131. Il s'agit
dès lors de la discrimination liée au sexe. De même,
lorsqu' une offre d'emploi exige que le postulant soit marié, cela
suppose que les célibataires sont exclus. Il s'agit d'une discrimination
basée sur l'état civil des candidats.
Toutefois, ne constitue pas une discrimination, une offre
d'emploi lorsqu'elle est émise objectivement et qu'elle est
raisonnablement justifiée, notamment par un objectif de politique de
l'emploi132. Sur ce, refuser la candidature d'une personne
handicapée au recrutement d'élèves officiers militaires
repose bien évidemment sur une justification objective et raisonnable.
Ceci compte tenu des exigences du métier. En conséquence, le
principe d'égalité n'élimine pas l'intuitu personae du
contrat de travail133.
130 « Recrutez sans discrimination » Guide pratique
destiné aux responsables d'entreprises et aux directeurs des ressources
humaines avril 2008 p.10
131 Trib. Correc. Morlaix, 20 janvier 1984, Rev. fse. Dr.
Aérien 1984, P. 98 Tilhet-Pretnar.
132 LEFEBVRE (F.), « Mémento pratique »
Social 2009
133 PEANO (M.-A.), l'Intuitus personae dans le contrat de
travail, Dr. Soc. 1995 p.129
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
38
Toute publicité ayant une vocation discriminatoire
c'est-à-dire, le fait qu'un employeur ait mentionné ou ait fait
mentionner dans une offre d'emploi des conditions de nature à
altérer l'égalité des chances entre les candidats à
l'emploi est prohibée par le législateur togolais134.
Mais celui-ci n'a pas défini clairement cette prohibition de la
discrimination publicitaire. De surcroît, il ne mentionne pas comment
l'offre d'emploi doit être rédigée. Son homologue
français de son côté s'est clairement prononcé sur
le sujet en ces termes : « nul ne peut mentionner ou faire mentionner
dans une offre d'emploi le sexe ou la situation de famille du candidat
recherché. Cette interdiction est applicable à toute forme de
publicité relative à une embauche et quels que soient les
caractères du contrat de travail
envisagé»135.
Il est constant qu'une fois l'offre émise, les
candidats sont appelés à y postuler. D'aucuns sont
d'entrée de jeu frappés par la probabilité d'une
inégalité issue de l'offre. Mais ceux qui ont la chance de
poursuivre la périlleuse lutte à la quête du
précieux sésame qu'est le travail ne jouissent pas forcement des
mêmes privilèges. Lors du recrutement, la discrimination marque
incontestablement ses empreintes qui peuvent demeurer
indélébiles.
B- La discrimination durant le processus de recrutement
La phase de recrutement constitue une phase essentielle et
très sensible qui débouche sur l'emploi. A ce stade, l'employeur
a la liberté de choisir ses collaborateurs. En occurrence, c'est le
principe de la liberté contractuelle qui est mis en
exergue136.
Mais les choix doivent s'opérer sans discrimination
parce que, la discrimination est un acte illégal. C'est pourquoi le
législateur dispose aux termes de l'article 39 alinéa
1er du CTT qu'« aucune personne ne peut être
écartée d'une procédure de recrutement, [...] (en
raison des critères protégés par la loi), sauf
inaptitude constatée par le médecin d'entreprise ou par un
médecin agréé, en raison de son état de
santé ou de son handicap. En cas de contestation sur l'inaptitude
invoquée, il est fait recours au médecin inspecteur du travail
».
Malheureusement, pendant le processus de recrutement, la
discrimination ne cesse de s'opérer via le curriculum vitae (C.V.), la
lettre de motivation, le test d'embauche, l'entretien d'embauche. D'abord, le
C.V. et la lettre de motivation sont des éléments très
essentiels voire incontournables pour décrocher un travail. Si le
premier comporte l'identité du candidat à l'emploi, la seconde
lui permet de se vendre. Aujourd'hui plus que jamais, ils sont très
prisés par les employeurs. Mais, tout dépend finalement de
l'usage qu'en font certains d'entre eux
134 Art. 3alinéa 1ER du CTT
135 Art. L. 1142-1 n°1 du CTF
136 GIRARD (C.), La discrimination à l'embauche,
mémoire de D.E.A droit social 2002-2003 p.8
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
39
car le C.V. et la lettre de motivation sont devenus de plus en
plus sujets à discrimination. En effet, le constat sur le marché
du travail est que les employeurs sont en ce XXIème
siècle très exigeants quant au contenu et à la
présentation d'un CV. Une telle exigence peut tout de même
générer des formes de discrimination. Le fait d'exiger des
renseignements personnels : l'état civil ou une photo peut constituer un
moyen d'écarter certains demandeurs d'emploi sur la base de
critères totalement subjectifs. Les employeurs font donc preuve de
discrimination en éliminant d'abord les candidats qui ne correspondent
pas à leur profil. Or, les candidats doivent en principe être
sélectionnés « sur la base de compétences
professionnelles précises, techniques et comportementales, toutes en
lien avec un poste de travail »137.
Ensuite, étant parfois partiaux, le contenu et
l'évaluation des tests d'embauche entraînent sans doute la
discrimination. En principe, ces tests ont vocation « à mettre
en avant les capacités et qualités du candidat en terme de
logique, de mémoire, de connaissance, d'observation voire de quotient
intellectuel »138. Mais souvent, certains employeurs par
le biais desdits tests cherchent à éliminer des candidats qui ne
font pas partie de leur projet de société compte tenu de leur
appartenance aux critères qu'ils désapprouvent.
Enfin, l'entretien d'embauche est discriminant pour le
candidat qui y postule lorsque celui-ci est soumis à des interrogations
portant par exemple sur sa situation de famille, son origine, ses convictions
religieuses, politiques... qui sont sans lien avec le poste à pourvoir.
Une telle démarche ne permet plus de bien juger les candidats, mais
plutôt d'écarter certains d'entre eux qui sont
considérés comme indésirables. Il s'agit dès lors,
de la violation flagrante, de la convention relative à
l'égalité des chances et de traitement des candidats de 1981. Le
législateur togolais n'a tout de même pas encore
réglementé les conditions d'évaluation des candidats
à un entretien d'embauche.
La discrimination au cours du recrutement présente des
conséquences aussi bien pour le candidat discriminé que pour
l'employeur. Pour l'employeur, tout acte discriminatoire est de nature à
entrainer un double risque. L'un économique, consistant à se
priver de compétences ce qui impactera les résultats de
l'entreprise. L'autre juridique se rapportant à des sanctions civiles
que pénales. Par contre le candidat victime de la discrimination, peut
se sentir fortement léser, dévaloriser, s'autocensurer, ce qui
peut l'amener à se replier sur lui-même.
137 HAMDANI (K.), cité dans Recrutez sans
discrimination, Guide pratique destiné aux responsables
d'entreprises et aux directeurs des ressources humaines, avril 2008,
138 Brochure CLCD - version complète.doc,
Discriminations et atteintes à la vie privée dans
l'embauche, CEPAG-IW-FGTB décembre 2012 p. 15
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
40
Au Togo, obtenir un emploi que ce soit dans la fonction
publique ou dans le secteur privé nécessite le plus souvent de
recourir à ses connaissances appelées « les bras longs
» comme en témoigne le chiffre de 31,10 % des personnes ayant
affirmé avoir eu une connaissance dans l'entreprise qui les a
recrutés139. De même, 40,7% de jeunes togolais
reconnaissent avoir eu leur premier emploi grâce à leur
relation140.Cette situation n'est pas sans conséquence dans
la mesure où la jeunesse togolaise s'adonne au gain facile. La
réglementation de l'accès à la fonction publique par
l'organisation des concours141 peut donc être supposée
comme étant un trompe-l'oeil. Toutefois n'occultons pas le fait que
l'excellence est parfois primée.
A l'instar de l'embauche, obtenir un stage de rapport
mémoire ou un stage de perfectionnement devient de plus en plus un
véritable casse-tête pour les étudiants. Le plus souvent,
gagner un stage, revient soit, à mettre en valeur ses relations ou
connaissances soit à présenter une recommandation de renom ou
universitaire. Cependant, il est fréquent que les recommandations
universitaires restent infructueuses. Cette forme de discrimination constitue
un véritable handicap pour les candidats au stage de rapport
mémoire car bon nombre d'entre eux n'arrivent pas à finaliser
leurs études parce qu'ils ne parviennent pas à obtenir un stage
en vue de capitaliser leurs unités d'enseignement. Le législateur
togolais n'a pas encore réglementé ni les conditions ni les
procédures d'accès au stage contrairement à son homologue
ivoirien qui s'est déjà penché sur la
question142.
Certaines personnes sont écartées d'un
recrutement non pas pour faute de qualification ni de compétence mais
uniquement pour cause de discrimination143. A l'instar de
l'embauche, la discrimination reste omniprésente au Togo dans la vie
professionnelle.
Paragraphe 2 : La discrimination dans la vie
professionnelle
Après avoir réussi à franchir le seuil
crucial de l'embauche, on devient salarié ou fonctionnaire. Toutefois,
ces employés ne sont pas à l'abri de traitements discriminatoires
sur leur lieu de travail, pendant l'exécution de leur contrat de travail
(A), ce qui peut conduire à la cessation de leur travail (B).
139 Prof. WOLOU (K.) op. cit. p.45
140 Enquête réalisée par l'ONG Partage et
Action en Synergie pour le Développement (PASYD) le 22 mai 2015portant
sur l'étude des enjeux et défis de la démographie et du
Développement Humain Durable dans le cadre du processus
d'élaboration de la Vision Togo 2030.
141 Art 41 du SGFP « L'accès aux
différentes catégories et subdivisions des catégories de
la fonction publique se fait par voie de concours ».
142 Articles 13-12 à 13-13 CTCI : contrat
stage-école ; article 13-14 à 13-20 CTCI : contrat stage de
qualification ou d'expérience professionnelle
143 Guide à destination des
déléguées et délégués syndicaux ;
embauche : stop aux discriminations, février 2012 éditeur
responsable : T. Bodson, p.3
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page 41
A- La discrimination pendant l'emploi
Dans la vie professionnelle, un employé peut être
confronté à une discrimination. Celle-ci se manifeste sous
diverses facettes : la charge du travail, la rémunération,
l'avancement, la promotion ou la mutation...
Selon cette célèbre parabole de Jésus
Christ, « rendez donc à César ce qui est à
césar, et à Dieu ce qui est à
DIEU»144, l'employeur doit donner à son
employé des tâches conformes à sa capacité, à
la formation reçue. Bref un travail compatible avec ses moyens. Mais une
exagération ou intolérance de l'employeur qui attribue des
tâches inégales, très pénibles,
démesurées, ou même au contraire trop faciles et non
modérées pour le poste occupé serait discriminatoire
à l'égard du travailleur concerné145.
En vertu de la Convention n° 100 de l'OIT de 1951
concernant l'égalité de rémunération entre les
mains-d'oeuvre masculine et féminine, en 1996 l'arrêt
Ponsolle146 dégageait avec vigueur la règle
sacro-sainte : « à travail égal, salaire égal
». Cette règle s'applique en matière de salaires
mensuels mais également en cas de primes, d'augmentations ou d'avantages
accordés aux employés.
Le législateur togolais s'est clairement inscrit dans
cette dynamique en ratifiant cette convention le 20 juin 1983 et en
intégrant la règle de l'égalité de
rémunération dans la législation anti-discrimination.
C'est ainsi que dispose l'article 118 alinéa 1 du CTT que «
[---] Tout employeur est tenu d'assurer, pour un même
travail ou un travail de valeur égale, l'égalité de
rémunération entre les salariés, quels que soient leur
nationalité, leur sexe, leur âge ou leur statut ». Cette
règle constitue une limite fondamentale au pouvoir de l'employeur de
fixer librement les salaires. Elle s'oppose catégoriquement qu'on se
base sur un critère subjectif pour fixer les rémunérations
entre les salariés. Aussi, l'alinéa 2 de l'article 118 du CTT
s'oppose t- elle à ce que les salariés de sexe féminin
soient victimes de différence de traitement en matière de
rémunération dans l'exercice des mêmes fonctions dès
lors que la différence pratiquée par l'employeur au
détriment des femmes ne reposait pas sur une justification objective
tirée des conditions de travail, de l'ancienneté ou de la nature
des
144 Luc : 20- 25
145 Ndemaidriss, Laurent Ries, Renaud Heckmann,
Discrimination dans le monde du travail, mémoire en
Master-Management à l'Université de Loraine/IAE - Dans la
catégorie: Ressources humaines 2011
146 Cass. Soc. 29 octobre 1996, n° 92-43.680 : RJS 12/96
n°1272 arrêt fondateur de la jurisprudence sur
l'égalité de traitement, énonçant la règle
« à travail égal, salaire égal ») la cour de
cass. a jugé que l'employeur est tenu d'assurer l'égalité
de rémunération entre tous les salariés placés dans
une situation identique de travail. A partir de 2000, ce principe a
été appliqué aux avantages catégoriels.
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
42
fonctions exercées147.
L'égalité de traitement ne s'applique donc qu'entre les
salariés relevant d'une même catégorie
professionnelle148.
Pourtant, dans la pratique, le constat en est tout autre parce
que, cette règle n'est vraiment pas « une parole
d'évangile ». La preuve est que très souvent, les
femmes sont défavorisées dans la rémunération par
des salaires plus bas ou qu'elles sont privées de certaines primes et
des prestations de maternité surtout dans le secteur
privé149. Les écarts salariaux au détriment des
femmes se justifient par l'inapplication de la législation
anti-discrimination. Aussi, les titulaires de contrat de travail temporaire ne
bénéficient pas des mêmes rémunérations que
les salariés de qualification équivalente la plupart du temps.
Plus grave, les Enseignants Volontaires communément appelé les
E.V., sont très souvent rémunérés par des salaires
dérisoires, alors qu'ils effectuent un même travail ou un travail
de valeur supérieur à ceux de leurs collègues
titularisés. Il s'agit sans doute d'une discrimination
légalisée et renforcée par l'absence de
réglementation des contrats de travail des agents temporaires et des
E.V.
En France, cette forme de discrimination en matière de
rémunération est aussi très récurrente. Il s'agit
par exemple du fait d'avoir exclu des bénéfices de l'augmentation
de salaire, les seuls salariés qui ont été pendant une
durée de vingt jours en arrêt maladie150. Rappelons
qu'une différence entre les fonctions exercées n'exclut pas
forcement que le travail puisse être considéré comme
étant de « valeur égale ». Ainsi a
été reconnue par la cour de cassation française une
discrimination entre une femme exerçant les fonctions de responsable des
ressources humaines et des hommes occupant des postes de direction commerciale
et financière, ces derniers ayant un salaire plus élevé
alors qu'aucune différence n'existait entre les deux
postes151.
En dehors de la rémunération, des mesures
discriminatoires envers les travailleurs concernent aussi leur avancement.
C'est ainsi que le juge du fond français a déduit que le retard
important subi par un salarié dans le déroulement de sa
carrière par rapport aux autres salariés se trouvant dans une
situation comparable n'était pas étranger à la
discrimination ethnique invoquée par le salarié152.
147 Soc., 19 décembre 2000, Bull. 2000, V, n° 436,
pourvoi n° 98-43.331
148 Chambre sociale 13 mars 2013, pourvoi n° 11-20490
11-20491 et divers autres, BICC n°785 du 1er juillet 2013 avec un
commentaire du SDER et Legifrance
149 CSI, Rapport pour l'examen des politiques commerciales de
la côte d'ivoire, de Guinée-Bissau et du Togo par le conseil
général de l'OMC, Genève, 2 et 4 juillet 2012, p.9
150 Cass. Soc.7-2-2006 n°04-45.733: RJS 4/06 n°444;
Cass. Soc. 21-2-2007 n°05-43.526: RJS5/07 n°59.
151 Cass. Soc. 6 juill. 2010, Bull. civ. V, n°
158
152 Chambre sociale 7 février 2012, pourvoi
n°10-19505, BICC n°764 du 15 juin 2012 et Legifrance
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
43
Il est constant que les affectations sont aussi sources de
disparité. C'est souvent l'occasion pour l'employeur d'exprimer ses
sentiments de discrimination. En effet lors de la récente crise qui a
secoué la fonction publique togolaise en 2014, le Gouvernement a pris
des décisions d'affectations punitives à l'encontre de certains
représentants d'enseignants et de délégués
syndicaux153. Cette sanction leur est infligée à cause
de leur militantisme syndical. Il s'agit notamment de la violation de la
liberté de manifestation des syndiqués. Pourtant, la grève
est un droit reconnu aux travailleurs par les articles 269 du CTT et 244 du
SGFPT. En France par exemple, aux termes de l'article 1132-2 du CTF dans
l'éventualité de l'exercice normal du droit de grève, le
salarié ne peut faire l'objet de mesure discriminatoire. Il en est de
même du CTT en son article 39 al.2. Il est déplorable de constater
la persistance de la discrimination syndicale au Togo malgré l'existence
de législation anti-discrimination en la matière.
Il peut aussi y avoir discrimination pendant la période
de formation, de reclassement, de qualification, de classification, de
promotion professionnelle...
Au sein des administrations togolaises, la discrimination est
une réalité que vivent certains employés. Ce qui peut
aboutir à la rupture de leurs contrats de travail.
B- La discrimination à la fin de l'emploi
La fin de l'emploi signifie qu'il est mis un terme au travail
de l'employé d'une manière ou d'une autre dans l'administration
où il est employé. Cette période nécessite une
attention particulière parce que souvent considérée comme
un moment délicat, elle ne se passe pas toujours dans les meilleures
conditions. Elle se définit sous quatre rubriques : la rupture de la
période d'essai, la démission du travailleur, le licenciement et
la mise à la retraite. De telles mesures peuvent être
provoquées par la discrimination.
S'agissant de la période d'essai, elle est connue en
droit togolais sous l'appellation « engagement à l'essai
». Aux termes de l'article 51 du CTT, on évoque l'engagement
à l'essai lorsque l'employeur et son employé, en vue de conclure
un contrat définitif décident au préalable de
s'apprécier mutuellement : l'employeur examine l'aptitude
professionnelle du travailleur et celui-ci d'analyser les conditions de
travail, de vie, de rémunération, de sécurité et
santé au travail, ainsi que le climat social de l'entreprise. La
discrimination intervient souvent pendant la période d'essai puisque
c'est à la fin de cette période que l'embauche peut devenir
définitive154. Etant la période de cadrage et
d'ajustement, l'employeur peut mettre fin
153
Www. Jeuneafrique24.com,
consulté le 17 février 2017
154 GIRARD (C.), op. cit. p.9
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
44
à l'engagement à l'essai et il n'a pas à
motiver sa décision, car les règles du licenciement sont
écartées. Mais, une rupture devient discriminatoire lorsqu'elle
est fondée sur l'un des critères interdits par la loi. C'est
ainsi qu'une juridiction française a condamné un employeur
à des dommages et intérêts pour la victime et pour
l'association partie civile aux motifs que celui-ci avait commis un acte
discriminatoire en mettant fin à la période d'essai suite
à sa connaissance de l'état séropositif de son
employé155. Cependant, une rupture qui a pour base
l'appréciation des qualités professionnelles de l'employé
n'est pas une discrimination.
Quant au licenciement, il peut intervenir pour motif personnel
ou économique. Mais qu'est-ce qu'un licenciement ? Quel lien peut-il
établir avec la discrimination dans le monde du travail ?
Par définition, le licenciement est la décision
de l'employeur de résilier le contrat de travail à durée
indéterminée qui le lie avec son salarié. Il peut y avoir
discrimination aussi bien en période de licenciement normal qu'en
période de licenciement pour motif économique.
Le licenciement de l'employé pour cause de
discrimination se produit en période normale. Ici, la cause de la
discrimination affecte le salarié lui-même. L'employeur ne peut
prononcer le licenciement de son salarié que pour une cause
objective156. Cependant, certains employeurs usurpent ce droit qui
leur est reconnu pour prononcer des licenciements non
pour de telle cause mais plutôt pour des raisons discriminatoires. Au
Togo près de 21 % des licenciements sont d'origine discriminatoire et
basée sur des critères tels que l'ethnie, l'origine sociale,
l'opinion politique et le sexe157. En écho, à
l'arrêt « Caudalie » ou la discrimination pour raison
de grossesse158, la Cour d'Appel de Paris considérait que
« l'ensemble des reproches formulés par l'employeur au
salariée, tant à l'occasion des deux sanctions disciplinaires
qu'il a prises qu'à l'occasion de son licenciement, sont la
conséquence du refus légitime de (la salariée)
d'accepter la modification de ses fonctions qui lui a été
imposée de manière discriminatoire par son employeur »
et qu'en conséquence, le licenciement prononcé à son
encontre était nul159. La réintégration est de
droit quand le licenciement est fondé sur un critère de
discrimination interdit.
La discrimination en matière de licenciement peut,
outre le fait d'avoir été subi par le salarié
lui-même, être retenue lorsqu'il s'agit d'une autre personne mais
qui lui est directement liée
155 TGI Châlons-sur-Marne, 22 oct. 1997, Dr. Ouv. 1999, P.
71 note MINE (M.).
156 Faute disciplinaire, la maladie, l'inaptitude et
l'insuffisance professionnelle.
157 Prof. WOLOU (K.), op.cit. p.52
158 Cour d'Appel de Paris, Pôle 6, Chambre 5, 5
février 2013, n°S 11/03537
159 DUEZ-RUFF (V.), « L'arrêt « Caudalie »
ou la discrimination pour raison de grossesse. » 26 février 2013
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
45
et qui en est la victime. C'est ainsi que le juge
français décide par association que le licenciement d'une
salariée lié au fait qu'elle avait la charge d'un enfant
handicapé est discriminatoire160. De même est
qualifié de discriminatoire, le licenciement d'un salarié en
raison des activités syndicales de son conjoint161.
Le licenciement pour cause de discrimination intervient aussi
souvent lorsque l'entreprise est en procédure collective
c'est-à-dire confrontée à des difficultés d'ordre
économique162. En effet, face à une telle situation,
l'employeur en procédant au licenciement pour motif économique,
doit observer une procédure bien précise163 dans le
but de protéger les droits des salariés. Malheureusement, cette
période se mue en un véritable cauchemar pour certains
employés qui perdent leur emploi non pas sur la base de critères
objectifs mais sur les critères discriminatoires.
En ce qui concerne la mise à la retraite, elle est
l'hypothèse où, l'employeur décide de mettre fin à
l'activité professionnelle d'un salarié en raison de son
âge ou de son inaptitude164. La mise à la retraite
n'est pas discriminatoire lorsqu'elle est justifiée par un objectif
légitime et que les moyens de réaliser cet objectif sont
appropriés et nécessaires165. Par contre, des motifs
généraux invoqués par l'employeur ne permettent pas de
considérer la mise à la retraite du salarié comme
étant justifiée par un objectif légitime : la
décision de l'employeur est alors constitutive d'une discrimination
fondée sur l'âge et « si les conditions d'âge, de
retraite à taux plein et de conclusion corrélatives d'un contrat
de travail à durée indéterminée prévues par
la convention collective applicable ne sont pas remplies
»166.
Le travailleur peut être amené à
démissionner de son emploi lorsqu'il fait l'objet de pratiques
discriminatoires167. Exaspéré de ces pratiques,
l'employé peut décider de rendre donc le « tablier
» en rompant son contrat de travail.
La discrimination une fois détectée, doit
normalement être combattue efficacement. Mais, tel n'est pas le cas car,
elle est confrontée à plusieurs embûches.
160 CJCE-17-7-2008 aff. 303/06 : RJS 11/08 n° 1135, voir
aussi Cass. Soc., n° 08-41936 et 08-42760, 30/06/2010.
161 C. prud. Caen 25-11-2008 n° 06-120: RSJ 2/09
n°134
162 72 al.2 CTT
163Articles 73 et 74 CTT
164 DRAY (J.), « Mise à la retraite et discrimination
» LegaVox.f,
165 Cass. soc. 31 mars 2015
166 Cass. Soc. 20 mai 2014, voir aussi Cass. soc. Chambre 16
février 2011 n°10-1046,
167 CAPART (R), « La lutte contre les discriminations dans
les relations de travail » Feuilles documentaires, Ed.
C.C.I.10 avril 2003.
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
46
Section 2 : Les difficultés liées
à l'élimination définitive de la discrimination
L'élimination de la discrimination dans le monde du travail
togolais est confrontée à une double difficulté. Il s'agit
des difficultés que rencontrent les acteurs du monde du travail dans
leur lutte contre la discrimination (§1) et les obstacles de fait qui
constituent un handicap sérieux à une protection efficace contre
ce phénomène (§2).
Paragraphe 1 : Les difficultés inhérentes aux
acteurs du monde du travail
Les acteurs du monde du travail sont classés en deux
catégories. Il s'agit inéluctablement des premiers acteurs
concernés et de leurs partenaires. La lutte contre la discrimination est
le défi qu'ils doivent tous relever. Malheureusement, si les premiers
acteurs du travail continus d'être responsables de la persistance de la
discrimination (A), les actions de leurs partenaires pour éradiquer ce
mal restent insuffisantes (B).
A- La responsabilité des principaux acteurs du
monde du travail
Qui sont les premiers acteurs du monde du travail et en quoi
peut-on dire qu'ils sont responsables de la discrimination ? Les employeurs et
les employés sont les principaux acteurs du monde du travail et chacun
se rend responsable de la survenance ou de la persistance de la discrimination
d'une manière ou d'une autre.
Selon le législateur, le chef d'entreprise a
l'obligation de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de
prévenir les discriminations directe et indirecte et le
harcèlement sexuel168. Il s'agit d'une obligation de
prévention. Mais à voir clair, il s'agit d'une obligation de
moyens que le législateur impose à l'employeur. Cette obligation
définie par l'ancien article 1137 du Code Civil Français qui
impose à l'employeur de mettre en oeuvre toutes les mesures
nécessaires pour empêcher la propension de la discrimination dans
son entreprise n'est pas de nature à assurer une lutte efficace contre
ce fléau puisque les obligés ne sont nullement liés
à une obligation de résultat. D'où la
nécessité de réécrire l'article 42 du CTT.
Certains employeurs pratiquent la discrimination en
méprisant son existence dans le monde du travail. Ils s'adonnent ainsi
à cette pratique malveillante par ignorance ou par indifférence.
Parfois même, certains se disculpent de leurs actions en rendant
responsables leurs salariés de leurs actes révoltants.
Très souvent, l'employeur, auteur de la discrimination pense agir en
toute impunité car il pense être au-dessus de la loi.
L'employeur est dépositaire non seulement de la
liberté contractuelle c'est-à-dire contracter
168 Article 42 CTT
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
47
ou ne pas contracter, du libre choix de ses collaborateurs, de
la libre détermination du contenu du contrat mais aussi de la
liberté d'organiser, de gérer ou de diriger son entreprise en
donnant des ordres ou en édictant des sanctions à l'encontre des
salariés, il prétend agir en toute légalité
même lorsqu'il se rend coupable des pratiques qualifiées de
discriminations.
De la responsabilité de l'Etat, nous supposons que,
celui-ci manque de volonté politique. En effet, les postes les plus
élevés de la hiérarchie sont pourvus par nomination.
Malgré cela, les femmes ont toujours du mal à y accéder
même avec l'étoffe, la carrure et les potentialités dont
certaines disposent. Le nombre de femmes occupant des postes de décision
demeure donc très dérisoire comme en témoignent ces
faibles taux : le Conseil Supérieur de la Magistrature 22,22% ; le
Gouvernement 18,51% ; les Présidents des Hautes Institutions de la
République 11, 11% ; la Cour Constitutionnelle 11,11% ; les
Préfets 5,12% ; les Présidents de Délégations
Spéciales 0%169. De même, dans le domaine du sport on
note une absence remarquable du football féminin. Cela fait
déjà plus de 10 ans que la gent féminine demeure inactive,
qu'elle est privée du ballon rond. Le ministère en charge de
cette discipline reste inerte face à cette situation. Pas de
championnat, pas de participation aux éliminations des compétions
continentales et internationales. Plus grave, le Togo s'est retiré des
éliminatoires de la CAN féminine le vendredi 5 février
2016 ce qui lui a valu une double pénalité de la part de la CAF :
une amende de 1500000 Francs CFA et l'exclusion des éliminatoires de la
CAN 2018.
On pourrait supposer que cette attitude de l'Etat premier
pourvoyeur d'emploi est de nature à renforcer les auteurs de la
discrimination dans le monde du travail dans la mesure où, s'il n'arrive
pas lui-même à poser les bases d'une égalité telle
que définie par les conventions internationales ratifiées et de
les respecter afin de les faire respecter, on voit mal dans cette perspective
comment les autres employeurs vont pouvoir le suivre dans sa démarche.
D'ailleurs, ne dit-on pas souvent que « la charité bien
ordonnée commence par soi-même ».
La discrimination peut émaner de soi-même. Dans
ce cas, la victime est responsable de la discrimination dont elle se
prévaut. Dans cette hypothèse, « l'individu peut
intérioriser des sentiments et des situations en intégrant cette
discrimination dans leur parcours professionnel. Des candidats peuvent ainsi
s'auto-sélectionner pour des filières de formation en fonction de
l'adéquation de leur apparence physique et des représentations en
vigueur pour un métier précis »170.
169 Ce sont des chiffres de 2 févier 2017, enquête
réalisée dans le cadre du présent mémoire.
170 HIDRI (O.), « À la conquête du look de
l'emploi : Stratégies d'insertion professionnelle des cadres commerciaux
», Questions de Communication, n° 8 juillet 2005.
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
48
L'ignorance des textes législatifs de même que la
faible connaissance des critères de la discrimination par certains
employés font que même discriminer ils ne s'en rendent pas compte.
C'est la raison pour laquelle, ils émettent constamment cette
interrogation : que faire lorsqu'on est discriminé ?
La preuve de la discrimination se trouvant difficile à
rapporter, certaines victimes préfèrent opter pour le crime du
silence. Ils se résignent à intenter une action devant les
juridictions non seulement au risque de perdre leur argent mais aussi de perdre
leur temps. En outre, ils décident de s'inscrire dans la posture de
perdant en s'inculquant l'idée selon laquelle il n'est pas possible
d'obtenir la réparation en matière de discrimination surtout par
manque de confiance à l'appareil judiciaire. Aussi, certaines victimes
préfèrent subir les atrocités de la discrimination afin de
préserver leur emploi que de vouloir dénoncer leur employeur au
risque de se retrouver au chômage. Il est évident que, même
s'il est extrêmement difficile de prouver la discrimination en droit
togolais et que plusieurs obstacles handicapent sa révélation,
que certaines victimes s'inscrivent dans une démarche trop passive.
Celle-ci aura d'ailleurs pour corollaire de conforter les auteurs de la
discrimination dans leurs manoeuvres discriminatoires. Aussi, pourrait-on dire
de la victime qu'elle se rend complice ou qu'elle cautionne les agissements de
l'auteur de la discrimination.
A l'instar de la victime de la discrimination qui renonce
à dénoncer son auteur, aussi par peur de représailles de
celui-ci, certains témoins à l'accoutumance optent pour le
silence, alors que leur certification ou témoignage peut décanter
la situation. Pourtant le CTT en son article 40 al 2 dispose qu'aucun
salarié ne peut être sanctionné ni licencié pour
avoir témoigné ou pour avoir relaté des pratiques
discriminatoires. Ce texte est édité dans le but de
protéger les témoins de la discrimination. Mais face au silence
absolu que gardent certains d'entre eux, on estime que ce texte n'assure pas
une protection absolue aux témoins puisque l'employeur disposant
toujours de l'opportunité de sanctionner celui-ci.
Dans le monde du travail, on note une absence
considérable de négociations. En effet, le dialogue social fait
toujours défaut entre employeurs et employés. Habituellement, les
négociations se soldent par un échec. Égoïsme et
particularisme en sont les valeurs que véhiculent les parties à
la négociation. Pourtant le dialogue social constitue une arme
dont171 doit se prévaloir employeurs et employés pour
parfaire la classification professionnelle afin de prévenir la
discrimination.
171 Article 209 al. 1er CTT
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
49
Outre le fait que la responsabilité des premiers
acteurs soit liée à la difficile élimination de la
discrimination, l'insuffisance des actions de leurs partenaires n'est pas du
reste.
B-L 'insuffisance des actions des partenaires en lutte
contre la discrimination
On distingue deux types de partenaires : les partenaires
institutionnels (étatiques) et les partenaires sociaux (non
étatiques). Malgré qu'ils oeuvrent pour l'élimination de
la discrimination, celle-ci ne cesse de prendre de l'ampleur.
S'agissant des institutions administratives, il y a :
l'administration centrale, l'inspection du travail et les juridictions
habilitées à connaître du problème de la
discrimination.
En janvier 2011, le Ministère des affaires sociales et
de la promotion de la femme a mis en place la politique nationale pour
l'équité et l'égalité du genre au Togo. Rappelons
que cette politique est destinée à promouvoir
l'égalité entre les sexes. Dans la nécessité de
promouvoir l'inclusion socioprofessionnelle des personnes vivant avec un
handicap, le Gouvernement togolais a inclus leurs besoins aux priorités
nationales consignées dans la Stratégie de Croissance
Accélérée et de Promotion de l'Emploi (SCAPE) couvrant la
période 2013-2017. Le 09 mai 2012, un atelier national tripartite entre
le Ministère du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité
Sociale, les représentants des employeurs et des travailleurs portant
sur « la discrimination en matière d'emploi et de profession »
s'est tenu à Lomé en présence de la Représentante
Régionale du Bureau International du Travail (BIT) Afrique,
Cécile BALIMA en vue de réfléchir sur les dispositions
requises pour renforcer la non-discrimination.
Ces actions du gouvernement témoignent de sa
volonté de réaliser l'égalité. Malheureusement, ces
efforts restent pour le moment vain. Il est constant que, les stratégies
et les politiques mises en place pour combattre la discrimination sont
inefficaces. Il faut alors adopter d'autres stratégies plus
pragmatiques.
L'inspecteur du travail et des lois sociales est un
fonctionnaire chargé de veiller au respect du droit du travail et de la
sécurité sociale au sein des entreprises et des
sociétés172. Il est assisté par les
contrôleurs. Cependant, on constate avec affliction l'absence d'une
statistique de l'inspection de travail sur la discrimination dans le monde du
travail. L'insuffisance de moyens financiers, la pénurie d'instruments
de travail, les conditions pénibles de travail et leur nombre
insuffisant sont autant d'éléments qui en pâtissent
forcément la fiabilité de leur travail.
172 Article 182 à 192 CTT
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
50
Les juridictions spécialisées et
habilitées à traiter de la problématique de la
discrimination dans le monde du travail n'existent qu'à Lomé.
C'est justement le cas du Tribunal du Travail et de la Chambre Administrative.
De l'emplacement de ces juridictions, nous déduisons qu'une telle
distance est de nature à dissuader les victimes à y recourir de
même que le coût élevé des frais de justice. Souvent
reconnues pour leur lenteur comme admis par le Président du Conseil
Supérieur de la Magistrature du Togo monsieur Patrice Akakpovi GAMATO en
ces termes « lenteur, lenteur, c'est sous tous les cieux, la justice
est lente »173, les décisions de justice que ce
soit au civil ou au pénal sont de nature à fragiliser le lien
socioprofessionnel. Mais pourvu que la modernisation de la justice togolaise
entamée puisse porter ses fruits.
La quasi-absence des condamnations relevant des deux
juridictions n'est pas de nature à détourner les auteurs de
discrimination de leurs entreprises malveillantes. Si les Tribunaux
administratifs n'existent pas encore au Togo, le tribunal du travail ne compte
seulement en son sein que trois juges. Ce qui est très insuffisant au vu
de l'importance des problèmes qui minent le monde du travail
togolais.
Le Togo ne s'est pas encore dotée d'une institution
adéquate devant traiter les problèmes de la discrimination en
toute impartialité174. Celles qui existent et qui ont une
vocation générale ont véritablement du mal à
décoller175. Elles font face soit à des
difficultés financières et à la pénurie de
ressources humaines, soit à l'absence de coordination pertinente avec
les associations qui luttent contre la discrimination soit encore, elles sont
dépassées par la discrimination elle-même à telle
enseigne qu'elles n'arrivent plus à assumer efficacement leur
mission.
Quant aux partenaires sociaux, il s'agit des
représentants des travailleurs et des employeurs et la
société civile.
La mauvaise connaissance des discriminations par le patronat,
les délégués du personnel et les
délégués syndicaux a certainement pour conséquence
une mauvaise défense des droits de leurs représentés.
Soumis au lien de subordination, certains délégués ont du
mal à exercer en toute impartialité leur mission en
dénonçant les discriminations portées à leur
connaissance ou sues d'eux-mêmes par peur de représailles de leur
employeur.
173 14 février 2016 au cours de l'émission Plateau
de la Semaine « Hautes juridictions et facilitation de l'accès
à la justice ».
174 Infra p.81-83
175 Le ministère des affaires sociales et de la promotion
de la femme, Direction générale du genre et de la promotion de la
femme ; le ministère de la fonction publique, du travail et de la
réforme administrative.
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
51
Les organisations de la société civile togolaise
oeuvrent activement pour l'élimination de la discrimination par la
promotion de l'égalité dans le monde du travail. Celles-ci
orientent principalement leurs actions dans deux domaines : le genre et le
handicap.
D'une part, la société civile oeuvrant pour
l'égalité du genre. Il s'agit d'abord, de Women in Law and
Development in Africa (WILDAF-Togo) qui fait la promotion des textes de la
Convention sur l'Elimination de toutes les Formes de Discrimination à
l'Egard des Femmes et de la législation anti-discrimination togolaise.
Ensuite le Groupe de Réflexion et d'Action Femme, Démocratie et
Développement (GF2D) et le Centre de Recherche d'Information et de
Formation pour la Femme (CRIFF) qui de leur côté ont
polarisé leurs actions sur la promotion de la gent féminine comme
en témoigne leur livre blanc intitulé « Femmes Togolaises,
Aujourd'hui et demain ». Enfin en 2016 dans le but de lutter contre les
inégalités liées au sexe, pour contrer la discrimination
dont sont victimes les femmes togolaises, le 08 mars journée
internationale de la femme est placée sous le thème : «
Droits égaux, opportunités égales pour un Togo
émergent »176.
D'autre part, la société civile oeuvrant pour
l'inclusion professionnelle des personnes handicapées. Le 1er
octobre 2015, l'ambassade des Etats-Unis au Togo en collaboration avec la
Fédération Togolaise des Associations des Personnes
Handicapées (FETAPH) a organisé une table ronde sur le
thème de l'inclusion sociale des personnes vivant avec un handicap.
« Dans son discours introductif, le Directeur des Affaires Publiques
de l'Ambassade, M. David Meron a déclaré qu'un des objectifs des
Etats-Unis est d'aider à oeuvrer contre les discriminations et les
inclusions en particulier des personnes handicapées
»177.
La FETAPH a toujours fait des plaidoyers auprès des
autorités pour la prise en compte des besoins des personnes
handicapées tout comme le Syndicat National des Travailleurs en
situation de Handicap du Togo (SYNTHA -Togo) qui a plaidé pour
l'amélioration des conditions de travail et de vie des travailleurs en
situation de handicap le 24 septembre 2011. Retenons que ces actions de la
société civile ne sont que des illustrations parmi tant
d'autres.
Mais ces actions demeurent insuffisantes eu égard
à la persistance de la discrimination dans l'univers du travail. Les
plaidoyers de certaines organisations de la société civile ne se
réalisent qu'en partie alors que d'autres demeurent lettres mortes.
C'est le cas de l'inclusion socioprofessionnelle des personnes
handicapées qui a du mal à se concrétiser. Elles
clopinent
176
www.creusetogo.org/2016/,
consulté le 19janvier 2017
177 La Liberté n° 2040 du Vendredi 02 Octobre 2015
qui cite M. David Meron, Directeur des Affaires Publiques de l'Ambassade des
Etats-Unis d'Amérique au Togo.
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
52
donc dans la concrétisation de leurs actions. Le manque
d'innovation c'est-à-dire la monotonie dans les actions de certaines
organisations de la société civile, l'absence de vision
stratégique dans le travail réalisé par certaines d'entre
elles et le manque de pouvoirs et des fonctions incomplètes sont des
vecteurs qui fragilisent la réalisation de l'égalité.
Au regard de ce qui précède,
l'élimination de la discrimination se révèle difficile
compte tenu des difficultés inhérentes aux acteurs du monde du
travail. Les obstacles de fait contribuent aussi largement à
l'inefficace éradication de ce phénomène.
Paragraphe 2 : Les obstacles de fait à une
protection efficace contre la discrimination
L'élimination de la discrimination du monde du travail
demeure toujours problématique pour des raisons soit socioculturelles
(A) soit politico-économiques (B).
A- Les obstacles socioculturels
Ce sont des difficultés sociales et culturelles qui
entravent l'élimination de la discrimination. Ces obstacles varient en
fonction des personnes qui en sont les victimes. Il peut s'agir des personnes
handicapées ou âgées, des femmes ou de la jeunesse.
Les personnes handicapées sont souvent victimes d'une
marginalisation fondée sur des stéréotypes et des
préjugés qui empêchent leur inclusion professionnelle.
C'est ainsi que certains employeurs argumentent que les
personnes handicapée sont porteuses de trois risques. D'abord, n'ayant
pas une bonne condition physique, sensoriel ou mentale, les personnes
handicapées risquent de tomber régulièrement malades.
Ensuite, leur état de santé est susceptible de les rendre
indisponibles de manière permanente au travail. Enfin, l'absence
répétée de la personne handicapée au travail est de
nature à impacter la productivité de base178. Ainsi,
ils ne seraient pas en mesure de donner le meilleur d'eux-mêmes, de
répondre aux attentes et espérances de leurs employeurs. Ce qui
peut porter un coup dur à l'entreprise surtout s'ils occupent un poste
de responsabilité. Toutefois, ces risques varient en fonction de la
nature et de l'état de la personne handicapée.
Les employeurs évoquent aussi le fait que les personnes
handicapées manquent de qualités essentielles comme par exemple
l'agilité. Pour eux, la rapidité, la sûreté et
l'aisance intellectuelle sont les prés requis d'un bon employé
qui font défaut chez les personnes en
178 CFHE, Dynamiser l'emploi Des personnes handicapées
« Mesures appropriées » Des ouvertures européennes,
Novembre 2006, p.4
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
53
situation de handicap. Toutes ces raisons font que certains
employeurs renâclent à les embaucher. Celles qui ont la chance
d'être recrutées n'échappent pas à ces
stéréotypes et préjugés et ont du mal à
exercer convenablement leur emploi faute de moyens adéquats mises
à leur disposition.
Toutefois, cette conception de l'employeur qui consiste
à définir la personne handicapée de par sa
vulnérabilité est à relativiser car, bon nombre d'entre
elles malgré leur état ne sont pas dépourvues de ses
capacités et sont parfois bien plus compétents que certains
employés normaux. A titre illustratif, malgré ses débuts
difficiles en tant qu'animatrice à Radio Lomé, compte tenu de la
discrimination dont elle était victime en raison de son état
d'albinos et de son handicap physique, mademoiselle Florence ADJESSON a
réussi aujourd'hui à s'imposer dans son département comme
une animatrice de renom et pour inciter ses frères et soeurs qui se
trouvent dans le même état qu'elle à ne pas se
désespérer, elle a initié une émission
nommée : « mon handicap, ma force ». Maître
Koffi AWOUKOU - TAMAKLOE a également réussi à vaincre son
handicap en devenant le Premier Administrateur de Greffe au Togo vivant avec un
handicap visuel. Nous admettons donc que cette discrimination dont font l'objet
les personnes en situation de handicap est principalement due à la
méconnaissance de leur valeur réelle.
La femme togolaise a du mal à se tailler une place dans
l'univers du travail en raison de la discrimination dont elle est victime.
Cette discrimination débute chez elle dès la naissance. La
préférence pour les garçons à la naissance
constitue la parfaite illustration. En effet, dans la société
togolaise comme dans bien des pays africains, la naissance d'un garçon
est accueillie avec joie alors que la naissance d'une fille est souvent
synonyme de déception.
Au sein des familles togolaises, surtout dans les zones
rurales, la disparité du genre est très tenace à travers
l'inégale répartition des tâches domestiques. En effet,
l'éducation inculquée aux enfants des deux sexes dès le
bas âge est disproportionnée dans la mesure où la jeune
fille est plus orientée vers des tâches domestiques.
L'éducation de base c'est-à-dire familiale est donc vectrice de
discrimination. Il s'agit d'une éducation différenciée en
faveur des garçons et au détriment des filles. La vocation
traditionnelle de la jeune fille qui consiste à s'atteler aux
tâches domestiques est de nature à inhiber fortement ses
résultats scolaires.
La femme est le plus souvent réduite à des
stéréotypes et à des préjugés qui
constituent des obstacles à son insertion dans la vie professionnelle.
Ainsi, présentant le risque d'une
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
54
grossesse future179 certains employeurs rechignent
à l'embaucher pour son absentéisme surtout en période
pré et post maternité. Même engagées, certaines
femmes sont rétrogradées ou mises au placard à la suite
d'un congé de maternité. Comparer à l'homme, la femme est
aussi souvent définie comme étant un être inapte à
faire des heures supplémentaires et que sa capacité de
déplacement est plus restreinte. La preuve en est que dans certaines
entreprises, les missions sont confiées aux hommes au détriment
des femmes.
La femme est toujours considérée comme un
être inférieur raison pour laquelle, elle continue d'être
sous-estimée par certaines personnes. Son rôle sociologique dans
les mentalités freine considérablement son inclusion
professionnelle. Même si des avancées ont
été réalisées, la femme a toujours du mal à
sortir de sa léthargie. Ainsi, la femme togolaise compte tenu du
rôle traditionnel qui lui est dévolu, a quelques
soucis de personnalité pour pouvoir s'affirmer et de s'imposer sur le
plan professionnel. Elle a du mal à étendre tout son
schéma social dans lequel elle est enfermée depuis les temps
immémoriaux. Elle a toujours du mal à prendre des initiatives et
cela se justifie par «Le manque de confiance en soi, d'estime de soi
consécutif à une dévalorisation de son sexe à un
effet dévastateur que n'arrivent pas toujours à vaincre
l'instruction et les diplômes obtenus »180. Par
ailleurs, le manque de confiance et de solidarité entre elles les
amènent à orchestrer des campagnes de dénigrement de leurs
consoeurs qui ont le courage de briguer des postes de responsabilité.
C'est pour pallier ces obstacles dans le monde des médias qu'a
été organisée à Lomé du 25 au 27 novembre
2015 sous l'égide de l'Organisation de la Presse Francophone, la
conférence sur le thème « la place des femmes dans les
médias francophones».
La déperdition scolaire de certaines jeunes filles et
l'obscurantisme d'une grande majorité des femmes sont autant d'obstacles
à l'égalité, qui, se révèle finalement
difficile à atteindre car, « Depuis la prime enfance
jusqu'à la vieillesse, la distinction du genre dans les
définitions identitaires et les rôles sociaux invite chacun
à légitimer une hiérarchisation entre les
sexes »181.
L'obstacle à l'employabilité des jeunes est
souvent lié à l'exigence de plusieurs années
d'expérience professionnelle et aussi au manque d'adéquation
entre leurs compétences et les besoins des entreprises. La tendance
actuelle est que les employeurs optent pour des
179 C.J., 8 novembre 1990, Dekker, C-177/88., reconnaissance par
CJUE du refus d'embaucher pour cause de grossesse est une discrimination
180 Livre Blanc, Femmes togolaises, Aujourd'hui et demain
», op.cit., p 94
181 AVIS de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie,
femmes et jeunes en francophonie : vecteurs de paix, acteur de
développement, présenté à l'occasion du
XVe Sommet de la Francophonie Dakar - 29 et 30 novembre 2014 ;
p.9
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
55
« produits finis ». Pour eux, engager un
jeune diplômé sans expérience est un fardeau pour
l'entreprise. Ils estiment révolu le temps où il faut former de
nouveau les personnes recrutées. Alors qu'une personne ayant à
son actif des années d'expérience constitue un atout. Mais, il
n'empêche de relever que cette vision des employeurs n'est pas pertinente
et que c'est en accédant à un stage ou à un emploi qu'on
peut acquérir des expériences. Or, face au chômage
persistant, acquérir des expériences devient donc de plus en plus
difficile pour les jeunes.
Quant aux personnes âgées, ils ne sont pas du
tout à l'abri des préjugés. Ils sont souvent
considérés comme amorphes. Ainsi, pour certains employeurs,
embaucher une personne âgée c'est ralentir le développement
de son entreprise car, ils manquent de vivacité, d'énergie et ils
entreprennent un travail lent et harassant. Il s'agit d'une conception qui
souffre de légitimité.
S'il est admis que les normes socioculturelles influencent
considérablement sur l'impossibilité d'inclusion des femmes, des
personnes handicapées, des jeunes et bien d'autres, dans le monde du
travail, n'occultons tout de même pas le fait que les facteurs
politico-économiques puissent être à la base de la
discrimination.
B- Les obstacles politico-économiques
Il s'agit des difficultés inhérentes à
l'économie et à la politique.
S'agissant des obstacles économiques, au Togo, la
situation des personnes handicapées au sein du monde du travail se
caractérise par des conditions économiques très
défavorables. En effet, les personnes handicapées engendrent des
coûts colossaux. Il s'agit d'aménager leurs lieux de travail et de
mettre à leur disposition des installations spéciales devant leur
permettre d'avoir accès facile à ceux-ci. L'adaptation du monde
du travail aux besoins des personnes en situation de handicap nécessite
donc des moyens coûteux pour leurs réalisations. Ainsi, certaines
entreprises ne parviennent pas à opérer ces aménagements
soit par manque d'investissement et de financement soit par mauvaise foi. Le
recrutement d'une personne handicapée est donc synonyme de
dépenses supplémentaires.
Ces raisons font que, même à compétence
égale devant un emploi à pourvoir, les personnes
handicapées sont défavorisées et c'est pour éviter
d'accomplir les obligations précitées que certains employeurs
préfèrent les écarter du recrutement.
La pauvreté constitue une véritable épine
à une lutte effective contre la discrimination. En effet, si la
situation est décantée par la gratuité des frais de
scolarité instituée par le gouvernement au niveau des
enseignements préscolaires et primaires, elle refait surface de la
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
56
plus belle manière au niveau de l'enseignement
secondaire et surtout supérieur. Ainsi, particulièrement en
milieu rural, l'idée tenace selon laquelle, les femmes ont moins besoin
que les hommes d'avoir un revenu, conduit certains parents en pénurie de
moyens financiers à investir davantage dans l'instruction et la
formation des garçons que dans celles des filles. Mais remarquons que
les mentalités ont un peu évolué et de ce fait les
universités du Togo sont peuplées de la gent féminine.
La prise en compte de l'opinion politique ainsi que l'ethnie
dans le monde du travail handicapent sérieusement l'élimination
de la discrimination. L'égalité fragilisée, la
discrimination se révèle flagrante lors des recrutements surtout
dans la fonction publique ou dans les entreprises. Le projet de recherche
chapeauté par les universitaires togolais réalisé
grâce au concours financier de PASCRENA, illustre ces propos tenus de
vive voix sur la situation de la discrimination : « il suffit
seulement d'aller consulter la liste des admis des différents concours
de recrutement et chacun comprend la place de chaque ethnie. Au Togo, certains
ethnies sont privilégiées par rapport aux autres
»182.
C'est dans la même dynamique que s'est inscrit plus
tôt le professeur Ferdinand Adama KPODAR en ces termes : « Il
n'est pas étonnant de voir dans un même bureau des agents de
l'Etat tous d'une même ethnie, développant ainsi une sorte
d'affairisme familial et la perte du goût du travail bien fait. Cette
situation a certainement des impacts négatifs sur le rendement des
agents de l'Etat et partant sur le développement du pays. La fonction
publique devient aujourd'hui une sorte de gâteau que se partagent
certains togolais au détriment d'autres, ce qui crée des
injustices sociales graves aux conséquences fâcheuses à
l'obtention de l'unité nationale»183. C'est le
règne de l'ethnocentrisme. Cette situation justifie à notre avis
la quasi-indifférence des recruteurs à l'égard des
critères d'ethnie et de l'opinion politique jugés très
discriminatoires.
L'apologie des connaissances et des liens de parenté
qualifiés de « mendefrèrisme » ou de «
manche longue », du tribalisme et du militantisme politique
constitue par voie de conséquence, des obstacles de taille qui
empêchent l'institution d'un monde du travail sans discrimination.
Toutefois, il y a lieu de relever que ne constitue pas un
obstacle à l'élimination de la discrimination les entreprises
dites de tendance. En effet, une entreprise publique ou privée
182 ANATE (K), ASSIMA-KPATCHA (E.), & TSIGBE (K.N.),
Ethnicité, crise sociopolitiques et processus de
réconciliation nationale, LETRIA et CEROCE-2016, p.79
183 Prof. KPODAR (F.A.), Rapport Général de la
Ligue Togolaise des Droits de l'Homme (LTDH) sur la situation des droits de
l'homme au Togo, Publié à Lomé le 10 décembre 2010,
p.60
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
57
dont l'éthique est fondée sur une politique, une
religion ou une philosophie est autorisée à faire valoir sa
conviction dans l'entreprise tel requérir de ses travailleurs une
fidélité et une loyauté envers l'éthique de
l'entreprise184. S'il s'agit de la mise en oeuvre de la notion
d'exigence professionnelle essentielle consacrée par la
jurisprudence185, le droit positif togolais ne la pas encore
défini. C'est la raison pour laquelle cette pratique est souvent
confondue à la discrimination.
Constitue également, un obstacle majeur à
l'élimination de la discrimination l'absence de responsabilisation de
l'Etat. En effet, l'Etat étant lui-même responsable des
instituions qui paraissent non démocratiques, celles-ci manquent de
courage pour prononcer des sanctions à son encontre. Il s'agit du
règne de l'impunité qui fait que la discrimination se pratique
sans crainte ni sans peur.
De manière générale, l'insuffisance de
vulgarisation des textes, l'inaccessibilité au langage juridique pour
certains acteurs et le manque de ressources nécessaires pour le suivi de
l'application des textes sont autant d'obstacles à franchir.
Au Togo, l'égalité peine à trouver ses
lettres de noblesse dans le monde du travail. Malgré les bonnes
intentions du législateur, de l'Etat, des acteurs du monde du travail,
des partenaires institutionnels et sociaux cela ne suffit pas, la
discrimination continue de pervertir l'univers du travail.
L'égalité dans le monde du travail togolais telle que reconnue,
assurée et garantie par l'article 37 de la constitution togolaise du 14
octobre 1992186 devient une gageure en raison de la discrimination.
Face à cette situation qui prévaut, il urge de préconiser
des voies, des stratégies et des moyens adéquats pour mettre la
discrimination hors d'état de nuire ; ce qui devra permettre d'instaurer
un monde du travail qui incarnera la vision d'un avenir meilleur.
184 Brochure CLCD - version complète.doc,
Discriminations et atteintes à la vie privée dans l'embauche,
CEPAG-IW-FGTB décembre 2012, p.26
185 Trib. Trav. Tongres, 2 janvier 2013, Sté HEMA
/ une travailleuse intérimaire ; CJUE 14 mars 2017, des
affaires belge et française.
186 Supra, note de bas de page N°4, p. 1
DEUXIEME PARTIE
POUR UNE PROTECTION PLUS EFFICACE CONTRE LA
DISCRIMINATION DANS LE MONDE DU TRAVAIL AU TOGO
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
58
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
59
Face à l'inefficacité de la prohibition de la
discrimination due à l'insuffisance de la législation
anti-discrimination et à la persistance de la discrimination, la
quête d'une protection plus efficace devient un impératif pour
asseoir l'égalité dans le monde du travail au Togo.
La protection est l'action de mettre une personne physique,
une personne morale ou une chose à l'abri de tout ce qui est susceptible
de lui porter préjudice.
Comment rendre plus efficace la protection contre la
discrimination dans l'univers du travail togolais ?
Une protection plus efficace contre la discrimination dans le
monde du travail est à la fois théorique et pratique puisque les
deux vont de pair. En effet pour poser les bases d'une protection assez
efficace contre la discrimination, il est opportun de réfléchir
à une nouvelle rédaction des dispositions qui répriment ce
fléau.
Mais, les textes de lois n'étant que théoriques,
ils ne suffiront pas à eux seuls à protéger contre la
discrimination d'où la nécessité d'une implication accrue
des acteurs du monde du travail dans ce combat. Ceux-ci auront la lourde
responsabilité de mettre en application ces textes de loi et de
procéder à leur intense vulgarisation.
Affranchir le monde du travail togolais en droit et en fait,
dans les secteurs publics comme privés de la discrimination, promouvoir
la méritocratie au détriment du favoritisme revient finalement
à renforcer la législation anti-discrimination (Chapitre I) et
à impliquer davantage les acteurs du monde du travail dans cette lutte
(Chapitre II).
Chapitre premier : Le renforcement de la
législation contre la discrimination.
Chapitre second : L'implication des acteurs du monde
du travail dans la lutte contre la discrimination.
CHAPITRE I
LE RENFORCEMENT DE LA LEGISLATION CONTRE
LA DISCRIMINATION
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
60
En ratifiant les conventions internationales et
régionales traitant de la discrimination, le Togo s'oblige aux exigences
de celles-ci. Malheureusement, des écarts existent et persistent entre
la législation anti-discrimination et ces conventions. Le
législateur est très attendu sur ces divers sujets pour redorer
le blason de son arsenal juridique. Il lui incombe dès lors de donner
aux dispositions en cause, une portée en rapport avec les
différentes inquiétudes qui minent la législation.
Le renforcement est défini comme des mesures prises
pour affermir et consolider une situation donnée. Ainsi, le droit
positif togolais relatif à la lutte contre la discrimination
nécessite d'être renforcé.
Quelles sont les innovations qu'il faut apporter pour combler
les insuffisances constatées au niveau des textes de lois mis en place
pour contrer la discrimination ?
Dans le cadre du renforcement de la législation
anti-discrimination, il incombe au législateur de rendre
compréhensible les différentes formes de discrimination. Celui-ci
doit aussi, oeuvrer pour avoir des dispositions qui consolideraient
réellement et efficacement l'égalité tant formelle que
concrète. Toutefois, n'occultons pas le fait que pour une meilleure
protection contre la discrimination, le législateur se doit
d'aménager le régime de sa preuve tout en prévoyant des
sanctions rigoureuses à son encontre.
Au demeurant, le renforcement de la législation
anti-discrimination implique de mettre en place des dispositions qui seraient
conformes aux normes internationales et régionales (section 1) et qui
feraient véritablement de l'égalité définie par
l'O.I.T. une réalité dans le monde du travail (section 2), ce qui
en serait des atouts de taille.
Section 1 : La mise en conformité des lois
nationales
L'évolution positive de la législation anti-
discrimination devient une question soluble. Pour cela, la mise en
conformité des lois nationales suppose de procéder soit à
leur révision (§1) soit à leur amélioration
(§2).
Paragraphe 1 : La révision des dispositions des
textes de lois
Le législateur ayant gardé le silence aussi bien
sur les formes de discrimination que sur les
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
61
dérogations au principe de non-discrimination et ayant
un champ de protection restreint contre ce fléau à l'égard
de certaines personnes, il se doit pour mettre les acteurs du monde du travail
à l'abri de toute ignorance, de bien élucider les
différentes formes de discrimination (A) tout en précisant les
limites au principe de non-discrimination de même qu'à
étendre la protection contre la discrimination à d'autres
personnes (B).
A-La clarification des formes de discrimination
Pour permettre aux acteurs du monde du travail de mieux
appréhender les différentes formes de discrimination qui
sévissent dans la sphère du travail, trois précisions
méritent d'être apportées.
D'abord, la loi doit définir les notions de
discrimination directe et indirecte aussi bien dans le CTT que dans le SGFPT de
même que dans la CCIT. La définition de ces deux notions devra
permettre de lever le doute qui existe sur la nature des discriminations
auxquelles fait allusion l'article 46 du SGFPT. Aussi, donner un aspect avenant
à la discrimination directe et indirecte dans le CTT permettra-t-il aux
acteurs du monde du travail de bien les discerner. Une précision claire
de ces deux notions serait un atout fondamental pour les acteurs du monde du
travail d'autant plus qu'ils pourront une fois pour de bon donner valablement
leur opinion en disant avec exactitude ce que c'est que la discrimination
directe et indirecte et quand peut-on considérer une mesure comme
relevant de l'une ou l'autre. Examinée de manière approfondie et
critique la discrimination directe et indirecte doit permettre aux acteurs de
faire face à l'une ou l'autre discrimination, de s'avoir finalement
à quoi s'en tenir et surtout comment s'y prendre pour que ces deux
formes de discrimination soient proscrites de leur comportement.
Pour être au diapason de son homologue français,
le législateur togolais doit songer à rendre complet la liste des
critères de la discrimination en ajoutant ceux qui manquent et qui sont
utiles. Ainsi, il doit faire l'effort d'intégrer dans le corpus
juridique du CTT, du SGFPT de la CT et de la CCIT, les critères
d'âge, de grossesse, des caractéristiques
génétiques, de l'apparence physique, du nom de famille, du lieu
de résidence, de la situation de famille.
L'insertion de ces critères dans ces différents
textes présente un double avantage. D'une part, ils permettront de
passer des recrutements subjectifs qui procèdent d'un point de vue
individuel et inégalitaire aux recrutements objectifs
dénués de préjugés et de partialité. D'autre
part, les acteurs seront plus outillés et aguerris, ce qui leur
permettra de ne plus demeurer dans l'obscurantisme de ces critères et
aux travailleurs de pouvoir reconnaitre la discrimination lorsqu'ils en sont
victimes.
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
62
Ensuite le législateur doit revisiter les
harcèlements. S'agissant du harcèlement sexuel, il y a lieu de
redéfinir cette notion dans le CTT et d'inclure la nouvelle
définition dans le STGPT et la CCIT. En effet, la définition du
harcèlement sexuel ne cadre plus avec les réalités du
terrain. Pour cela, la nouvelle définition aura l'obligation de prendre
en considération deux paramètres. Le premier tiendra
indéfectiblement compte du fait que le harcèlement sexuel peut
être l'oeuvre d'un supérieur hiérarchique tout comme d'un
collègue de travail ou d'un subalterne. Le second mettra l'accent sur le
fait que le harcèlement sexuel ne peut être évoqué
que lorsqu'on est en présence des agissements répétitifs
comme la prévue le CTT187 mais aussi des faits
assimilés au harcèlement sexuel tel un acte isolé.
L'élargissement du champ de la notion du harcèlement sexuel
étendra le domaine de censure réservé aux auteurs de cette
discrimination qui était jusque-là limité au seul lien de
subordination.
Quant au harcèlement moral, il est souhaitable que le
législateur l'interdise parce qu'il peut devenir discriminatoire et
qu'il s'enracine dans l'univers du travail. En effet, la prohibition du
harcèlement moral devra conscientiser les acteurs du monde du travail de
l'existence d'une autre forme de discrimination. Toutefois, la précision
de la nature et des caractéristiques de cette discrimination reste
inévitables.
Enfin, la prohibition de l'injonction de discriminer est l'un
des défis que doit relever la législation anti-discrimination
parce qu'il s'agit d'une discrimination. Cette interdiction permettra de
sanctionner les auteurs de ce fléau d'autant plus qu'il présente
la caractéristique d'être l'oeuvre de deux personnes. Mais, la
définition précise et concise de l'injonction de discriminer dans
le droit positif facilitera son acception.
Remarquons que la définition de la discrimination
positive est devenue aujourd'hui une nécessité. En effet, cette
définition donnera la possibilité aux acteurs de pouvoir faire la
part entre cette discrimination et celle que prohibe le législateur.
Cette notion de discrimination positive doit donc être incluse de
manière explicite dans les différents textes de loi
précitée.
Au regard de ce qui précède, la clarification
des différentes formes de discrimination est un impératif.
Néanmoins, une précision claire des dérogations au
principe de non-discrimination ainsi que l'extension de la liste des personnes
protégées contre la discrimination n'est pas à
négliger.
187 Article 40 al.1er CTT
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
63
B- De la précision des dérogations au
principe de non-discrimination à l'élargissement des
protégés contre la discrimination
Dans les versions actuelles du CTT et du SGFPT, seules quelles
personnes physiques bénéficient de la protection contre la
discrimination dans le monde du travail. Une telle situation devenue
très embarrassante, il faut dès lors élargir le champ de
la protection des bénéficiaires contre ce mal.
Les personnes exerçant une activité non
salariée par exemple un agriculteur, les personnes exerçant une
activité indépendante, les stagiaires non fonctionnaires,
méritent d'être protégés contre la discrimination.
Cette extension des personnes bénéficiaires devra permettre la
prise en charge effective de toutes personnes exerçant une
activité et se détacher de l'idée traditionnelle
cantonnée uniquement sur les salariés et les fonctionnaires. De
surcroit, la réglementation du secteur informel resté aujourd'hui
sans disposition légale par un code spécial devra permettre de
reconnaitre à ce secteur son authenticité. En conséquence,
la discrimination vécue par les travailleurs de ce secteur pourra
être sanctionnée légalement.
Souvent, dans la pratique, le principe de non-discrimination
est dérogé pour des motifs objectifs et raisonnablement
justifiés. Malheureusement, la loi n'a pas encore
réglementé cela. Ce qui porte souvent confusion avec la
discrimination. Pour mettre un terme à toute spéculation en la
matière, il faut définir les potentiels champs de
dérogation dudit principe.
Le CTT, le SGFPT et les CCIPT doivent définir de
manière stricte les dérogations dudit principe. Il doit s'agir
d'une dérogation d'ordre général et non limitée
uniquement à certain critère protégé. Il en serait
ainsi, de l'inspiration de l'article L.1133-1 du CTF selon lequel, un
traitement différencié « [---] ne fait pas obstacle aux
différences de traitement, lorsqu'elles répondent à une
exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que
l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée ».
Il s'agit d'une politique générale de l'emploi.
Certaines personnes pourront penser que cette mesure sera un
handicap aux dispositifs de lutte contre la discrimination dans le monde du
travail parce qu'elle peut ouvrir un boulevard à la pratique des actes
discriminatoires. Mais, tel ne sera pas le cas. La disposition consolidera
plutôt la lutte contre ce phénomène car les acteurs y
seront informés utilement.
On ne s'aurait parlé de réforme de la
législation anti-discrimination sans songer à améliorer
certaines de ces dispositions qui ne cadrent plus avec les
réalités du terrain.
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
64
Paragraphe 2 : Les réquisits à
l'amélioration de la preuve et des sanctions de la discrimination
Pour donner l'opportunité aux victimes de
discrimination de pouvoir la prouver efficacement afin de sanctionner les
coupables, il est primordial de réviser le régime de la preuve de
la discrimination (A) et d'aggraver ses sanctions (B).
A-L'aménagement du régime de la preuve de
la discrimination
Pour mieux combattre la discrimination, il faut que le
législateur prenne en compte les difficultés inhérentes
à l'établissement de sa preuve en donnant les moyens
adéquats aux victimes de pouvoir se défendre efficacement. La
concrétisation de cette action passera inéluctablement par
l'aménagement de la charge de la preuve de la discrimination et par la
consolidation des mesures de protections légales dans la
législation anti-discrimination.
D'une part, s'agissant de l'aménagement de la charge de
la preuve, le législateur togolais peut s'inspirer de l'article
L.1132-3-3 du CTF. De cette disposition, il résulte une triple
obligation. D'abord le demandeur c'est-à-dire la victime a l'obligation
de soumettre les faits laissant supposer l'existence de la discrimination. Il
s'agit d'une présomption simple188. La victime serait donc en
phase d'une probable reconnaissance de la discrimination puisqu'elle
hérite d'une facilité d'accès à la preuve.
Ensuite, étant débiteur d'une preuve de
non-discrimination189, le défendeur s'évertuera
à démontrer l'inexistence de la discrimination. Il s'agira de
démontrer l'objectivité de sa décision c'est-à-dire
le non fondé des allégations du demandeur ce qui équivaut
à la maxime « Reus in excipiendo fit actor ». Avec
cette stratégie, on déduit que la charge de la preuve est
transférée au présumé auteur de la discrimination.
Est-ce une inversion réelle de la charge de la preuve ? Selon certains
auteurs, il s'agit de l'« aménagement »190
de la charge de la preuve. Il s'agit d'un aménagement au profit du
demandeur et au détriment du défendeur. Mais compte tenu du fait
que la victime n'est pas totalement déchargée de la preuve, qu'il
pèse encore sur elle le fardeau de prouver les faits qui laissent
supposer l'existence d'une discrimination, il serait judicieux de parler de
partage de charge de preuve entre les deux parties191. Toutefois
afin d'éviter toute polémique à ce sujet et dans le but de
concéder une facilité de preuve indéniable à la
victime, il faut y stipuler que « le doute profite à la
victime
188 Mazeaud (A.), « La discrimination dans la vie du travail
», Rapport français, p. 353
189 GUISLAIN (V.), op.cit. p.16
190 LHERMOULD (J. -Ph.), note sous Soc 29 juin 2011,
Jurisprudence soc. Lamy 2011, n°307-3, p. 12
191 DANIS-FANTÔME (A.), ibidem
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
65
de discrimination »192.
Enfin, il revient au juge togolais saisi de former sa
conviction. En conclusion, un défendeur qui arrive à
démontrer l'objectivité de sa décision sera
disculpé de tout acte discriminatoire. Par contre, si la discrimination
est établie, sa responsabilité sera engagée.
Reconnaissons tout de même qu'eu égard à
la nécessité de protéger les droits fondamentaux de la
victime, l'aménagement des règles de preuve ne viole pas le
principe de l'égalité des armes qui tend à protéger
l'équilibre procédural entre l'accusation et la
défense193. En conséquence, le but visé en
souhaitant l'aménagement de la charge de la preuve de la discrimination
est de faciliter dorénavant, la démonstration de celle-ci.
Même si cet aménagement ne sera d'application qu'en matière
civile, nous estimons que compte tenu de la gravité de ce fléau,
qu'exceptionnellement on puisse instituer cet aménagement au
pénal uniquement en matière de discrimination.
D'autre part, pour parfaire le régime de la preuve de
la discrimination, il faut renforcer les mesures de protection légale.
La consolidation de ces mesures s'articule autour de quatre points. Primo, que
la loi reconnaisse le droit au travailleur victime de discrimination d'exiger
du juge des référés d'enjoindre à son employeur de
lui communiquer tous les documents concernant les autres travailleurs : les
contrats de travail, avenants, bulletins de paie, les tableaux
d'avancement et de promotion194 avant tout procès et sous
astreinte pour prouver la discrimination dont elle se prévaut.
Secundo, une fois interpellé, l'employeur aura la
lourde obligation de fournir tous les documents qui lui sont exigés. En
cas de refus il doit être sanctionné.
Tertio, il est opportun de rendre plus efficace la protection
des victimes pour qu'elles soient beaucoup plus disposées à
dénoncer les actes de discriminations dont elles font le plus souvent
l'objet afin de pouvoir obtenir l'annulation des mesures discriminatoires
intervenues à raison de leur action en
justice195.
Quarto, le renforcement de la protection due aux
témoins de la discrimination. L'article 40 al.2 du CTT protège
les témoins de la discrimination contre toute mesure de
rétorsion. Mais, cette protection n'étant pas absolue, il est
essentiel de la perfectionner en permettant aux
192 Ibidem
193 Cass. Soc. 28 janvier 2010, n° 08-41.959, Soc 7
février 2012, JCP S 2012 1150, n. Boulmier (D.), RJS 4/12, n°299
194 Art 145 Code de Procédure Civile Français
195 Cour de Cassation Française Troisième partie,
Rapport annuel 2008, ibidem
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
66
témoins de témoigner sous anonymat. Ainsi, leur
identité ne sera pas révélée à l'auteur de
la discrimination. Cette initiative incitera sans doute les témoins
à certifier l'existence de la discrimination tout en restant à
l'abri des représailles. Cette technique qui consiste à
témoigner sous anonymat a d'ailleurs fait ses preuves aux Etats Unis
d'Amérique sous le nom de« Whistleblowings » et en
France sous l'appellation de « dispositif d'alerte
»196.
Outre les dispositions préconisées pour
faciliter la preuve de la discrimination, deux mesures nécessitent
d'être prises afin de rendre la tâche plus aisée à la
victime de ce phénomène. Premièrement, le
législateur peut disposer que les organisations de la
société civile régulièrement constituées au
moins cinq ans197 se substituent aux victimes de la discrimination
pour agir à leur place en justice lorsque ces dernières
s'obstinent à porter leur action devant les tribunaux.
Deuxièmement, compte tenu du fait qu'il est parfois difficile aux
victimes d'apporter individuellement la preuve de la discrimination, il sera
judicieux de leur offrir l'opportunité de se constituer en groupe pour
intenter leur action en justice.
A l'instar de l'aménagement du régime de la
preuve de la discrimination, le renforcement du système punitif devra
consolider les acquis d'une bonne répression de ce
phénomène.
B- Le renforcement du système punitif
Le renforcement des dispositions pénales
nécessite, la mise en place de sanctions rigoureuses à l'encontre
des auteurs de la discrimination qu'ils soient des personnes physiques ou des
personnes morales.
S'agissant des personnes physiques, d'abord, il est
souhaitable d'énumérer les sanctions disciplinaires dans le CTT
pour parer aux abus ou dérives de certains employeurs dans les
administrations. Ensuite, il est nécessaire d'aggraver les sanctions de
la discrimination dans le droit positif togolais en les portant au double des
amendes et des peines d'emprisonnement actuellement prévues par le CTT.
Enfin, le législateur togolais doit faire l'effort de prévoir des
sanctions à chaque type de discrimination.
Dans la sphère du travail, certains travailleurs sont
souvent discriminés en raison de l'absence de réglementation de
leur statut. Il s'agit principalement des stagiaires et des travailleurs
temporaires. Pour solutionner cela, le CTT devra réprimer les employeurs
qui se seraient rendus coupables de ces agissements.
196 Cité par GUISLAIN (V.), op.cit., p.11
197 HALPERIN (J-L.), Discrimination : pratiques, savoirs,
politiques, La documentation Française, Paris, 2008, p.25
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
67
Quant aux personnes morales, le CPT ayant érigé
en délit la discrimination commise par elles, le CTT ainsi que le SGFPT
devront en faire de même. Ainsi, il est attendu de ces deux textes de loi
des mesures sanctionnant toute personne morale qui se rendra coupable de
discrimination. Le législateur peut augmenter les sanctions
prévues à l'encontre des personnes morales, auteurs de la
discrimination en les portant au triple de celles envisagées contre les
personnes physiques. A ces sanctions, le CTT peut aussi prévoir
l'exclusion de la personne morale qui pratique la discrimination des
marchés publics ou son placement sous surveillance judiciaire pendant
une durée raisonnable.
L'application effective de la méritocratie, oblige le
législateur à prévoir des sanctions à l'encontre de
toute personne qui userait de son autorité pour obtenir des faveurs
avant, pendant ou après les concours ou recrutements aussi bien dans la
fonction publique que dans le secteur privé. Les organisateurs ou
recruteurs qui se prêteront à ses activités
déloyales devront en subir le même sort comme le dispose
déjà l'article 49 du SGFPT.
L'adoption d'un texte exprès aussi bien dans le CTT,
dans le CPT, dans le SGFPT que dans la CCIPT qui engagerait la
responsabilité des employeurs pour les actes de discrimination commis
dans le cadre du travail par leur employé. Il s'agit donc de la mise en
oeuvre de la responsabilité du commettant du fait de ses
préposés énoncé par l'article 1384 al.5 C.civ
français.. Ainsi, la responsabilité de l'employeur sera
engagée même lorsqu'il n'est pas l'auteur de la discrimination.
Pour cela, il urge de réécrire l'article 42 du CTT en
l'érigeant en une obligation de résultat198. Cela
obligerait les employeurs à s'impliquer davantage dans la lutte contre
la discrimination.
Néanmoins, la responsabilité personnelle de
l'auteur de la discrimination sera engagée dans une triple
hypothèse. Primo, lorsque le préposé outrepasse ses
pouvoirs199. Secundo, si le préposé s'est rendu
coupable d'une faute pénale intentionnelle, fût-ce sur l'ordre du
commettant200. Tertio, lorsque le préposé qui a
reçu une délégation de pouvoir se rend coupable d'une
faute pénale non intentionnelle201.
L'élimination de l'impunité dans l'univers du
travail contribuerait à une lutte efficace contre la discrimination. Peu
importe la qualité de son auteur, qu'il soit du secteur public ou
privé, qu'il soit décideur, employeur, salarié ou
fonctionnaire, celui-ci doit recevoir une sanction
198 Ancien article 1147 C. civ français et article1231-1
du nouveau C.civ, français
199 Cass.2e civ, 14 juin 1957, D. 1958.53, note R.
SAVATIER ; v. déjà Cass. civ, 1erjuill.1954, D, 1954.628, JCP
1954.II.8352.
200 Arrêt Cousin, Ass. plén. 14 déc. 2001,
Bull. Ass. plén, n° 2, JCP 2002.II.10026, note M.
BILLIAU
201 LESEIGNEUR (D.), « Les infractions non-intentionnelles :
première cause de condamnation en ACM » in Droit pénal,
Responsabilité, 19 avr, 2012
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
68
proportionnée au délit commis. Tendre vers
zéro impunité est un impératif pour barrer la voie
à la pratique de la discrimination.
Le renforcement des dispositions pénales
présente un triple but. D'abord, elles devront être efficaces en
produisant le résultat attendu. Ensuite, les peines doivent être
proportionnées au délit. Tertio, elles devraient dissuader les
potentiels candidats à la commission de ce délit en excluant
toute circonstance atténuante aux éventuels contrevenants.
Le législateur est sollicité de rendre conforme
sa législation aux conventions internationales. Il s'agit d'une
tâche qui s'accommode à la concrétisation de
l'égalité.
Section 2 : La réalisation de
l'égalité dans le monde du travail
La législation anti-discrimination togolaise doit
être prolixe en matière d'égalité. La
réalisation de cette égalité au Togo dans le monde du
travail passe nécessairement par l'affermissement de
l'égalité formelle (§1) et la promotion de la discrimination
positive (§2). Paragraphe 1 : Le renforcement de
l'égalité formelle
L'égalité étant la même chance
offerte à tout le monde, il faut dès lors réussir à
l'asseoir au sein du monde du travail en interdisant à l'employeur de se
baser sur des traits distinctifs de la personne du travailleur. Par
conséquent, l'égalité formelle suppose non seulement une
égalité de chance et de traitement (A) mais aussi une
égalité en matière de rémunération (B).
A- Les actions en vue d'une égalité
réelle de chances et de traitement
Pour prévenir les aléas des insuffisances des
dispositions préconisées par le législateur pour assurer
l'égalité de chances et de traitement dans le monde du travail,
il lui revient d'aménager lesdites dispositions.
D'une part, le législateur doit légiférer
sur l'égalité de chances et de traitement aussi bien dans
l'administration publique que dans les entreprises privées. Il s'agit
bien évidemment de l'égalité entre les deux
sexes202 qu'entre tout citoyen.
D'abord, en vue de permettre à tous les candidats de
concourir sur un pied d'égalité, des dispositions
adéquates doivent être envisagées en ce sens afin
d'éliminer les discriminations qui se pratiquent. Dans le but
d'atteindre cet objectif le législateur doit prohiber toute
publicité discriminatoire, ce qu'il n'a pas fait jusque-là.
Aussi, afin d'impacter un grand
202 Convention n° 156 de l'OIT concernant
l'égalité de chances et de traitement pour les travailleurs des
deux sexes : travailleurs ayant des responsabilités familiales
(1981),
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
69
nombre de personnes, il serait judicieux de diversifier les
canaux de publication des offres d'emplois.
Ensuite, afin d'éliminer l'inégalité de
traitement et de promouvoir l'égalité de chances dans l'univers
du travail, il y'a lieu de recommander aux employeurs de faire le point sur
leurs procédures de recrutement et de sélection en les
révisant de façon à éliminer la discrimination
notamment en analysant les conditions d'accès à l'emploi, les
critères de sélection, les procédures de recrutement et
les politiques de promotion, d'accès à la formation et
d'accès aux stages203.
En outre, dans l'univers du travail, l'équité ne
peut être réalisée que si les offres d'emploi sont
dépourvues de toute subjectivité et que si ces offres sont en
rapport avec le poste à pourvoir204. La quête
permanente de l'égalité passe donc par la proscription par le
législateur des exigences de qualifications trop élevées
ou en déphasages avec l'emploi pourvu.
Enfin, la transparence étant la règle qui doit
primer dans l'organisation des concours et des recrutements dans la
sphère du travail, il est très indispensable d'adopter une
législation devant réglementer cette situation. Cette
législation doit permettre d'esquiver les incursions scandaleuses qui
peuvent être du pouvoir en place mais aussi des influences venant de tout
bord.
D'autre part, l'égalité de chances et de
traitement ne doit nullement se limiter à l'embauche mais, elle doit
s'étendre dans la vie professionnelle205. En effet, que ce
soit au niveau des affectations des travailleurs, de la promotion ou du
reclassement de ces derniers, des sanctions disciplinaires infligées aux
employés fautifs, que du licenciement, le législateur doit
pouvoir mettre en place des dispositions rigoureuse pour que tout se fasse dans
l'égalité.
Rappelons que le principe de non-discrimination implique non
seulement une égalité de chance et de traitement mais aussi une
égalité de rémunération206. On ne
saurait donc être à l'abri de la discrimination dans l'univers du
travail, que si à l'instar de l'effectivité de
l'égalité de chance et de traitement, le législateur
parvient à instaurer une égalité indéniable en
matière de rémunération.
203 Commission européenne contre le racisme et
l'intolérance, recommandation de politique générale
n° 14 : sur la lutte contre le racisme et la discrimination raciale dans
le monde du travail, adoptée le 22 juin 2012 p.9
204 HAMDANI (K.), cité dans, Recrutez sans
discrimination, Guide pratique destiné aux responsables
d'entreprises et aux directeurs des ressources humaines avril 2008 p. 11
205 AUZERO (G.), L'application du principe
d'égalité de traitement dans l'entreprise, Droit Social
2006, p.822
206 PELISSIER (J.), SUPIOT (A.), JEAMMAUD (A.) avec la
collaboration AUZERO (G.), Droit du travail, édition Dalloz
2008, 24ème édition p.204
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page 70
B- Les actions en vue d'une égalité
réelle de rémunération
La rémunération est le paiement en
numéraire ou en nature d'un travail ou d'un service rendu. Dans
l'univers du travail, les travailleurs sont rémunérés par
des salaires qui constituent leur principale source de subsistance et celle de
leur famille. Elle mérite donc une attention particulière de la
part du législateur.
Selon l'article 117 du CTT, « par salaire, il faut
entendre, quels qu'en soient la dénomination et le mode de calcul, le
salaire de base ou minimum et tous autres avantages, payés directement
ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au
travailleur, en raison de l'emploi de ce dernier, et fixés par les
dispositions conventionnelles ou réglementaires ».
L'égalité de rémunération est le
principe selon lequel aucun travailleur ne doit faire l'objet de discrimination
en matière de salaire. Il s'agit bien évidemment de la
règle du droit du travail : « à travail égal, salaire
égal »207.
Que faut-il entendre par les expressions « à
travail égal », et « salaire égale » ? S'agissant
de l'expression « à travail égal », il s'agit d'un
même travail ou un travail de valeur égale qui est effectué
par les travailleurs dans une même entreprise208. Quant au
« salaire égale », elle équivaut à la même
rémunération.
Lorsqu'on évoque le principe « à travail
égal, salaire égale », cela doit s'appliquer aux
travailleurs temporaires. Le législateur a le devoir de mettre en place
des dispositions qui assureraient une égalité de
rémunération à cette catégorie de travailleurs.
Ainsi, que ce soit le CTT, la CCIT ou la CCZFT, tous doivent contenir des
dispositions aux bénéfiques des travailleurs temporaires. Cette
disposition leur permettra de percevoir une rémunération
identique à celle que percevrait un employé de l'entreprise
utilisatrice qui possède une qualification analogue et qui accomplit le
même travail209.
L'égalité de rémunération implique
également la régularisation de la situation des Enseignants
Volontaire en leur octroyant une aide mensuelle supérieure ou
égale au Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti (SMIG) en tenant
compte de leur grade.
La rémunération des stagiaires doit être
réellement prise en compte par la législation antidiscrimination.
Étant donné qu'ils sont liés à leur maître de
stage par le lien de subordination et qu'ils sont appelés à
effectuer des tâches identiques ou parfois même supérieures
à celles
207 Supra, p.42
208 Article 118 al. 1er CTT 209Article L.
1231-18 CTF
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
71
des employés recrutées dans la même
administration, ceux-ci doivent nécessairement recevoir une
rémunération appropriée. Cela ne peut se réaliser
que par la mise en place d'une disposition légale.
Pour atteindre l'égalité de
rémunération, les critères de rémunération
doivent être fixés de manière transparente et
établis en fonction des postes de travail pourvu que toute
équivoque puisse être levée. Ce qui facilitera sans doute
leur compréhension et les mettra à l'abri de discrimination en
matière de rémunération.
Toutefois, le droit positif doit être explicite sur
l'individualisation des rémunérations entre les travailleurs en
définissant de manière claire les éléments
objectifs réels et pertinents sur lesquels il fonde ladite
individualisation.
Comme il ne suffit pas d'instituer l'égalité
formelle pour prétendre éliminer la discrimination dont sont
victimes les personnes vulnérables alors, il faut y joindre à
celle-ci l'égalité concrète.
Paragraphe 2 : Pour une égalité
concrète : la promotion de la discrimination positive
Pour bien mener sa politique de discrimination positive,
l'Etat doit réglementer la situation des personnes handicapées
(A) et la parité (B) dans le monde du travail, ce qui devra compenser
les discriminations subies par les handicapés et les femmes.
A- La réglementation de la situation des
personnes handicapées
Pour une meilleure inclusion professionnelle des personnes
handicapées au Togo, il est primordial de mettre en place des
dispositions appropriées en ce sens. Ces dispositions sont relatives
à leur recrutement et à leur condition de travail.
D'une part, pour rendre effectif l'emploi des personnes
handicapées, il urge qu'un décret destiné à
compléter les principes déjà posés par l'article
153 CTT soit pris pour déterminer le quota qui doit leur être
réservées aussi bien dans la fonction publique que dans les
entreprises. On doit alors veiller à ce que ces quotas soient atteints
lors des concours et des recrutements. Cette initiative favorisera
l'accès facile des personnes handicapées dans le monde du
travail. Cependant, ils doivent avoir les compétences requises pour
bénéficier de ces privilèges au risque de ne pas pouvoir
être à la hauteur de la tâche. Les quotas pourront
être revus soit à la hausse soit à la baisse en fonction de
l'évolution de leur intégration professionnelle.
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
72
D'autre part, les conditions de travail des personnes
handicapées impliquent que le gouvernement prenne le décret
d'application de l'article 153 du CTT et que le SGFPT soit doté d'une
loi similaire. De ce décret une double obligation s'imposera aux
employeurs : l'obligation d'accessibilité et l'obligation de fourniture
de matériaux de travail.
Premièrement, s'agissant de l'obligation
d'accessibilité, compte tenu de la diversité d'handicaps qui
existent et de la complexité de la notion d'accessibilité qui ne
se résume pas uniquement aux bâtiments et aux lieux de travail des
personnes vivant avec un handicap, des mesures idoines doivent être
prises pour résoudre ce problème qui se pose avec
intensité. A l'accessibilité des édifices et
bâtiments, le législateur doit user du pouvoir que lui
confère le peuple pour poser les jalons d'une accessibilité plus
faciles aux personnes handicapées. Ainsi, par une loi, il devra imposer
à toutes les entreprises et administrations existantes de rendre leur
édifice accessible aux personnes handicapées en opérant
des aménagements raisonnables et convenables. Aussi, les entreprises et
administrations en création ou en voie de création auront pour
obligation d'inclure impérativement dans leur projet de construction ces
aménagements. Le Togo doit donc suivre l'exemple de l'Etat
français qui a déjà légiférer sur cette
problématique de l'accessibilité210. A
l'accessibilité des immeubles s'ajoutent les moyens de transport en
commun. En effet, La société SOTRAL doit accorder plus de
privilèges aux personnes vivant avec un handicap en leur
aménageant une place confortable dans les bus. Retenons tout de
même que l'accessibilité résulte de l'adéquation
entre une personne avec ses aptitudes, ses difficultés et un
environnement211.
Deuxièmement, pour permettre aux personnes
handicapées de produire le résultat escompté, l'employeur
doit leur fournir les moyens adéquats pour y parvenir. Pour cela, il est
opportun d'aménager leurs postes de travail pour les adapter à
leur état de handicap. A titre illustratif, un employé malvoyant
ou aveugle mérite qu'on mette à sa disposition des instruments de
travail en braille pour lui permettre de se retrouver dans son monde. Dans ces
conditions, la personne handicapée pourra travailler convenablement.
Même si l'aménagement des conditions de travail
des personnes handicapées est une nécessité vitale, il est
malheureux de constater qu'il est trop couteux. C'est pour cette raison que
certains employeurs sont retissent à le financer. Pour remédier
à cela, l'Etat peut subventionner de manière raisonnable la
réalisation de ces projets.
210 Loi française n° 2005-102 du 11 février
2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation
et la citoyenneté des personnes handicapées.
211 KOMBATE (K. L.), op. cit. p.30
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
73
La désignation « personne handicapée »
étant discriminatoire, sa suppression du CTT et son remplacement par
l'expression « personne en situation de handicap » devient un
impératif. Cette nouvelle appellation permettra « de mettre
l'accent sur le caractère situationnel du handicap en dépassant
notamment l'amalgame qui existe encore entre maladie, déficience,
incapacité et handicap »212.
L'exigence de réformes prenant en compte l'inclusion
professionnelle des personnes handicapées n'est pas ex-nihilo. Il s'agit
des obligations qui s'imposent au Togo en tant que pays ayant ratifié
les textes relatifs aux droits des personnes handicapées.
La politique de discrimination positive ne se limite pas
uniquement aux personnes handicapées. Elle mérite de
s'étendre également à la gente féminine.
B- La réglementation de la parité dans le
monde du travail
Au Togo, les femmes constituent la majorité de la
population213. Pour cela il est d'un grand intérêt
qu'elles soient représentées dans une juste proportion dans les
centres de décision et qu'elles prennent toute la place qu'il faut dans
le développement de notre pays214. Cette initiative
nécessite l'adoption d'une loi sur la parité qui devra être
suivie de garde-fous suffisants puisque les femmes sont les vectrices de
développement.
D'abord, pour permettre aux femmes d'accéder plus
aisément aux postes de décisions et de responsabilités
dans le monde judicaire, économique et autres et avoir une grande
représentativité de celles-ci dans la fonction publique comme
dans les entreprises privées, l'Etat doit faire de la parité
genre une réalité en adoptant une loi en la matière ;
laquelle consistera à instaurer des quotas pour augmenter le nombre des
femmes dans les instances précitées. Ces quotas permettront
évidemment de diminuer les discriminations dont elles sont victimes et
de sortir de leur léthargie. C'est justement pour obtenir ces
résultats que l'Union Africaine et la CEDEAO ont instauré la
division Genre au sein des Commissions215.
La loi N° 2013 - 004 portant modification de la loi
N° 2012-002 du 29 mai 2012 portant Code électoral qui traite de la
parité hommes-femmes aux élections au Togo doit être
perfectionnée et être effectivement appliquée pour
permettre une meilleure représentativité des femmes aux
212 MERZOUK (R.) « Travail, handicap et discrimination :
lorsque le travail devient aussi un espace de production du handicap »
Reflets, revue d'intervention sociale et communautaire, Volume 14,
numéro 1, 2008
213 Les résultats du 4eme Recensement
Général de la Population et de l'Habitat du Togo du 06 au 21
Novembre 2010 révèlent qu'aujourd'hui, il y a 51,4% de femmes
contre 48,6% d'hommes.
214 AKINOCHO (H.O.) et BLIMPO (M.P.), « La place de la
femme dans l'opinion des Togolais » Afrobarometer Briefing Paper No. 142
March 2014
215 FASSINOU ALLAGBADA (A), « La parité des genres
: le Togo en marche, quid du Bénin » ? Nouvelle Tribune,
18 Juin 2013
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
74
fonctions électives c'est-à-dire
Présidence de la République, Assemblée Nationale,
Délégation Spéciale. Le Togo doit donc suivre l'exemple de
six Assemblées francophones en matière de parité «
[---] dont le taux de représentation des femmes est voisin des 50%
(Rwanda : 63.8%, Andorre : 50%, Burundi : 46.3%, Fédération
Wallonie-Bruxelles : 44.7%, Seychelles : 43.8% et Sénégal :
43.3%) »216.
La parité genre étant un sujet très
important, l'Assemblée Parlementaire de la Francophonie «
recommande la systématisation de quotas dans l'espace francophone
pour permettre aux femmes de jouer pleinement leur rôle de citoyenne
, · demande aux chefs d'état et de gouvernement d'accentuer
leurs actions en faveur de la discrimination positive, et ce notamment au sein
du pouvoir exécutif, judiciaire et économique , · appelle
à intégrer la dimension genre dans toutes les politiques
publiques, notamment dans l'établissement des budgets publics et dans la
conception des projets de développement »217.
Ensuite, cette politique ne s'aura produire d'incidences
positives si des garde-fous ne sont pas mise place pour sa suivie. Ainsi, une
éducation de base sur l'égalité du genre homme et femme
devra canaliser l'esprit des jeunes filles et des jeunes garçons
dès le bas âge à prôner l'équité.
Aussi, pour mieux évaluer le degré d'avancement de la
parité instituée, faudra-t-il mettre en place un outil
statistique et des indicateurs sexués. Toutefois, rien ne serait
possible si la femme n'est ni motivée ni sensibilisée sur le
sujet, ni compétente pour assurer ces responsabilités.
En vue de donner plus d'autonomie à la femme dans les
domaines reproductifs et sexuels, dans celui de l'économie dans la
sphère juridique et politique, de réduire les discriminations
dont elles sont victimes, le législateur doit supprimer la
qualité de chef de famille attribué depuis les temps
immémoriaux au mari dans le CTT, la CGIT et la CSS. Cette autonomie
conférera à la femme togolaise plus de pouvoir sur sa vie et son
environnement.
La conciliation de la vie professionnelle et familiale est une
nécessité. En effet, compte tenu du fait que les travailleuses
font face à des difficultés pour associer leur rôle de
mère à leur profession aussi bien pendant la période de
leur grossesse qu'à celui de la naissance de leur enfant jusqu'à
l'autonomie de celui-ci, il faut les aider à concilier leurs
responsabilités professionnelles et leurs obligations familiales surtout
lorsque l'enfant est en bas âge218.
216 Tableau représentatif de l'état de la situation
de la participation des femmes en politique au sein des parlements de l'APF.
217 Avis de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie,
op.cit. p.12
218 RINGELHEIM (J), « Adapter l'entreprise à la
diversité des travailleurs : la portée transformatrice de la
nondiscrimination » Journal européen des droits de
l'homme, 2013, p.66
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
75
Enfin reconnaissons que les femmes qualifiées de «
sexes faibles » sont de véritables vectrices de paix et de
développement. En effet, la résolution de la double
équation « paix ou progrès » est subordonnée
à l'élimination de la discrimination et de la violence qui
existent et persistent à l'égard des femmes219. Pour
cela, la libération du potentiel économique des femmes est un
indice sérieux à l'augmentation des performances
économiques des communautés, des nations et du
monde220.
Pour assurer l'égalité des chances aux femmes
dans le monde du travail, il faut mettre en place des lois et règlements
plus justes221. Mais ce phénomène de la discrimination
étant très enraciné dans l'esprit des Togolais, nous
admettons qu'on ne saurait l'extirper du monde du travail par de simples
dispositions législatives, réglementaires et conventionnelles.
Dès lors, intégrer les acteurs du monde du travail à cette
lutte nous paraît absolument incontournable.
219 BACHELET (M.), 15 mars 2013 cité dans « Dans
travail encore inachevé - placer les femmes et les filles au coeur des
enjeux de l'après-2015 », OCDE, mai 2013, p.1
220 RODHAM CLINTON (H.), à l'occasion de l'Asia Pacific
Economic Cooperation Women and the Economy Summit, Californie, 16 septembre
2011 cité dans « Dans travail encore inachevé - placer les
femmes et les filles au coeur des enjeux de l'après-2015 », mai
2013.OCDE, p.5
221 LAGARD (C.), 23 février 2015, le blog du FMI -
iMFdirect
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page 76
CHAPITRE II
L'IMPLICATION DES ACTEURS DU MONDE DU TRAVAIL
DANS LA LUTTE CONTRE LA DISCRIMINATION
La lutte contre la discrimination n'étant pas seulement
qu'une question de législations, de règlements ou de conventions,
les acteurs du monde du travail doivent aussi faire les leurs en s'y impliquant
davantage.
L'implication qui vient du latin « implicatio » est
la participation ou l'engagement dans une action. Ainsi, on peut dire que les
acteurs du monde du travail doivent s'investir corps et âme pour lutter
contre la discrimination. Pour cette raison, ils doivent s'évertuer pour
que la lutte qu'ils mènent ne soit pas vaine.
Comment les acteurs du monde du travail doivent t'ils
s'impliquer dans la lutte contre la discrimination ?
Le degré d'implication des acteurs du monde du travail
varie selon qu'il s'agit de l'Etat ou des acteurs au sein des entreprises et
des autres partenaires.
S'agissant de l'Etat, face à la problématique de
la discrimination, celui-ci doit revoir l'état de ses institutions en
vue de les adapter à une politique susceptible d'extirper la
discrimination de l'univers du travail.
Quant aux autres acteurs et partenaires, en l'occurrence les
représentants des travailleurs et les représentants des
employeurs, ils doivent agir efficacement contre la discrimination afin qu'elle
cesse d'être un handicap dans la vie des personnes qu'ils
représentent et la leur. Si nombre d'organisations de la
société civile togolaise ont fait de la discrimination dans le
monde du travail leur cheval de bataille, celles-ci devraient donc oeuvrer pour
son élimination. L'Organisation International du Travail de par son
importance dans le monde du travail ne doit pas rester en marge de cette
lutte.
Pour une lutte efficace contre la discrimination, l'Etat doit
s'impliquer de manière très active (section I), et les acteurs au
sein des entreprises et les autres partenaires doivent l'être de
manière accru (section II).
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
77
Section 1 : Une implication très active de
l'Etat togolais
L'Etat togolais est incontestablement le premier acteur du
monde du travail. Celui-ci est censé apporter son expertise pour
éliminer la discrimination. Pour atteindre cet objectif, il convient de
mettre en place des institutions qui soient en adéquation avec la
politique du gouvernement qui consiste à contrer la discrimination
(§1) et qu'il oriente cette politique vers une nouvelle vision
(§2).
Paragraphe 1 : L'exigence d'une
adéquation des institutions impliquées dans la lutte contre la
discrimination
Afin de remédier à l'inefficacité des
instituions qui interviennent dans la lutte contre la discrimination et de
parvenir à instaurer une égalité parfaite entre tous les
travailleurs, il faut dès lors insuffler un dynamisme aux institutions
administratives existantes (A) et instituer une nouvelle institution plus
spécialisée en matière de lutte contre la discrimination
et de promotion de l'égalité (B).
A- La dynamisation du cadre institutionnel
Pour triompher de la discrimination, il faut mettre en place
des institutions très fortes et assurant des services très
efficaces. Ces institutions administratives qui sont les juridictions,
l'inspection du travail et les ministères en charges du travail doivent
être exemplaires dans la lutte contre la discrimination sur le
marché du travail.
Face à la discrimination, le juge est appelé
à agir avec beaucoup de discernement. Ainsi, lorsqu'il est saisit d'un
cas de discrimination, deux possibilités pourraient s'offrir à
lui.
Premièrement, il peut recourir à la comparaison
entre différents salariés pour déterminer l'existence de
la discrimination. C'est le cas par exemple lorsqu'il y a
inégalité de rémunération entre certains
salariés alors qu'ils devraient percevoir les mêmes revenus. Dans
ce cas de figure, le juge devra jouer le rôle d'investigateur. Cette
investigation consistera pour celui-ci d'ordonner au défendeur de
fournir les documents utiles à la comparaison de la situation de la
supposée victime avec celle de ses collègues de
travail222. Force n'est besoin cependant d'une similarité
totale entre les éléments de comparaisons223 pour que
le juge retienne la discrimination. Souvent, la recherche
d'éléments de comparaison n'intervient qu'en cas de sollicitation
de la victime. Mais, pour simplifier l'accès à la preuve, il est
important de rendre automatique cette procédure d'instruction comme il
en est le plus souvent
222 Cass. Soc. 9 avril 1996, n°1727
223 Cass. Soc. 28 janvier 2010 n°08-41-959
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
78
en matière pénale. Cette procédure n'est
tout de même pas évidente dans tous les cas de discrimination.
Deuxièmement, le juge peut ne pas exiger la fourniture
d'élément de comparaison lorsque cela n'est pas nécessaire
pour élucider l'existence de la discrimination. C'est le cas par exemple
lorsqu'un salarié prétend avoir été victime du
harcèlement sexuel à caractère discriminatoire.
Le juge est un acteur clé dans la quête de la
vérité sur l'existence ou non de la discrimination. Il est donc
tenu au respect scrupuleux « des règles de loyauté de la
preuve ». Ainsi, face à une allégation de
discrimination, une double obligation s'impose à lui : il doit
apprécier aussi bien les éléments soulevés par le
demandeur que « les justifications mises en exergue par le
défendeur »224.
Face à la pesanteur des dossiers, à la lenteur
et à l'éloignement des juridictions en charge de trancher les
litiges en matière de discrimination dans le monde du travail, il est
impérieux de décentraliser le tribunal du travail par la
création dudit tribunal dans toutes les juridictions du pays et la
création des tribunaux administratifs du moins dans les régions
économiques du Togo. Ce qui suppose aussi le recrutement des magistrats
pour combler le grand vide qui existe déjà et la formation des
juges administratifs.
En matière de lutte contre la discrimination, la
justice togolaise doit être une justice « juste ».
Pour atteindre cet objectif, cette justice doit être indépendante
et impartiale. Il revient au juge de faire preuve de probité morale. La
corruption étant un vice, elle doit être combattue
sévèrement. Ainsi en sanctionnant les juges corrompus et en
divulguant leur identité cela pourra servir d'exemple aux autres afin de
les dissuader de pratiquer la discrimination. Une juridiction de bon augure
nécessite donc la mise en place d'un mécanisme pour
accélérer les procédures judiciaires et assainir la
corporation judicaire.
Face à la discrimination, l'inspecteur du travail et
des lois sociales est censé apporter son expertise à la
création d'un monde du travail sans ce phénomène. Pour
cela, il est tenu de surveiller les pratiques discriminatoires dans le cadre du
programme d'amélioration des conditions de travail des entreprises.
224 GUISLAIN (V.), op.cit., p.15
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
79
L'inspecteur du travail doit user de ses pouvoirs
d'investigation pour accéder aux documents des entreprises afin de
dévoiler des cas de discrimination qui se pratiquent. Il doit aussi,
faire l'effort de saisir le juge des référés lorsque cela
est nécessaire afin d'interrompre une discrimination pratiquée
à l'encontre d'un salarié.
La direction des statistiques de l'inspection du travail du
Togo doit avoir des statistiques annuelles assez fiables sur la discrimination
dans le monde du travail au Togo. Ce qui permettra d'avoir une nette
appréhension de ce fléau.
Le renforcement des pouvoirs et de l'effectif des inspecteurs
du travail et doter ceux-ci de ressources suffisantes serait un atout devant
leur permettre d'oeuvrer activement et efficacement à la
prévention ou à l'élimination de la discrimination dans le
monde du travail.
Pour connaitre l'état d'avancement de la discrimination
et l'impact des politiques mises en place pour combattre ce
phénomène, il faut imposer aux inspecteurs de travail de faire
des bilans annuels : bilan social225 sur l'état de la
discrimination dans les entreprises ; élaborer un rapport
égalité des chances hommes et femmes226.
Les ministères en charges du travail au Togo doivent
nécessairement intensifier leurs actions afin de pouvoir combler les
attentes de l'opinion. Pour cette raison, ils doivent éviter des actions
simplement symboliques en ne prenant que celles qui auront une connotation
concrète. Il est donc temps que le gouvernement puisse «
joindre la parole à l'acte ». Pour cela, il doit innover
des stratégies assez idoines pour instituer l'égalité dans
le monde du travail.
Les institutions ne doivent être qu'au service des
travailleurs, des victimes de la discrimination. Il s'agit d'un
intérêt légal. En dépit du renforcement des
institutions administratives existantes pour les rendre compatibles avec la
politique de lutte contre la discrimination, il urge d'instituer un organe plus
spécialisé dans la lutte contre la discrimination et de la
promotion de l'égalité.
B-L'institution du Conseil National de lutte contre la
discrimination et pour l'égalité Par décret, le
gouvernement doit créer le Conseil National de Lutte contre la
Discrimination et pour l'Egalité (CNLDE). Ce décret
déterminera ses missions, ses obligations, ses pouvoirs et sa
composition.
225 Arrêté royal du 4 août 1996
226 Arrêté royal du 14 juillet 1987
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
80
Le CNLDE doit se faire connaître du public. Pour ce
faire, des colloques et des séminaires seront organisés à
l'intention des acteurs du monde du travail afin de gagner leur confiance pour
avoir plus de crédibilité à leurs yeux. Il aura le
mérite d'être un organe assez simple, ses actions seront efficaces
et sa saisine se fera gratuitement.
Comme l'indique son nom, le CNLDE aura une mission bien
déterminée : combattre la discrimination et promouvoir
l'égalité dans le monde du travail. Il doit se charger
d'être « les yeux et les oreilles » de l'Etat en
promouvant et en veillant au respect scrupuleux des conventions internationales
ratifiées par celui-ci, de la législation et du règlement
antidiscrimination en valorisant donc l'égalité de chance, de
traitement et de rémunération entre toutes les personnes. En
exerçant ses fonctions en toute indépendance et
impartialité, il doit faciliter l'accès à la preuve des
victimes de discriminations.
En vue de promouvoir l'égalité telle que
définie par l'OIT dans le monde du travail togolais, le CNLDE peut
diffuser de bonnes pratiques et procéder à la création de
partenariats avec des acteurs privés et publics227.
Pour prévenir la discrimination, le CNLDE est
censé mener des actions de sensibilisation, de formation, d'information
et de communication ce qui édifiera les acteurs du monde du
travail228. A cela s'ajoute une coopération ponctuelle avec
les acteurs concernés en passant par le renforcement des
capacités institutionnelles229. Tout cela doit se faire
nécessairement par la mise à la disposition de cette institution
de moyens financiers.
A la fin de chaque année, le CNLDE aura l'obligation de
remettre au premier responsable du pays et de présenter au public les
résultats de ses actions aussi bien positives que négatives tout
en envisageant des perspectives. Ce rapport sera audité pour
vérifier sa fiabilité. Il est intéressant de noter que le
CNLDE pourra être consulté sur toutes les thématiques
relatives à la lutte contre la discrimination. Ainsi, de sa mission, le
CNLDE peut émettre des avis et recommandations. Il peut donc s'adresser
aux autorités publiques pour apporter son expertise à des
réformes de la législation ou règlement
anti-discrimination.
Plusieurs obligations seront mises à la charge du
CNLDE. Ainsi, il se comportera en bon père de famille et sera tenu d'une
obligation de loyauté envers les personnes qui vont le saisir. Tous les
membres de le CNLDE seront tenus à l'obligation de réserve et au
respect du secret
227 Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et
pour l'égalité, Rapport annuel, 2010, p.5
228 Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et
pour l'égalité, Rapport annuel, 2010, p.4
229 BIT, L'égalité au travail : un objectif qui
reste à atteindre, op.cit. p.
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
81
professionnel pour les informations, faits, actes et
renseignement dont ils auront connaissance dans l'exercice de leur fonction.
Tout manquement aux obligations constituerait une faute lourde susceptible
d'entrainer la révocation du membre du CNLDE ou le licenciement de
l'agent en cause sans préjudice des poursuites judiciaires à son
encontre.
Ayant pour vocation de combattre la discrimination, le CNLDE
doit être investi par la loi de pouvoir spécial devant lui
permettre d'accomplir bien sa mission. Le CNLDE doit pouvoir faire office de
médiateur entre la victime et l'auteur de la discrimination en essayant
de les concilier tout en proposant lorsqu'il le jugera nécessaire une
transaction à l'auteur de la discrimination qui peut consister au
versement d'une indemnisation ou d'une amende. En cas d'échec de ce mode
alternatif de règlement des litiges, il doit se charger de saisir
l'autorité judiciaire compétente en prêtant son assistance
aux personnes victimes de la discrimination en leur prodiguant des conseils sur
les démarches juridiques à mener.
Afin de mieux appréhender la discrimination et proposer
des stratégies adéquates pour la contrer, des investigations
seront donc menées par le CNLDE surtout en matière de preuve.
Le CNLDE peut être saisi par toute personne qui s'estime
être victime ou témoin d'une discrimination et par les
associations agréées et régulièrement
constituées agissant dans l'intérêt d'un travailleur
discriminé qui opte pour « la loi du silence ».
Le CNLDE sera composé de huit membres avec un nombre
paritaire d'hommes que de femmes. Ils doivent être constitués de
six éminents juristes, d'un psychologue, d'un sociologue. Ces membres
seront nommés en fonction de leur capacité à remplir cette
mission par ordonnance souveraine pour une période de quatre ans
renouvelable une fois.
Le CNLDE aura son siège à Lomé. Mais pour
plus de proximité avec tous les travailleurs du Togo, il devrait avoir
deux représentants dans chaque préfecture du pays qui seront
chargés d'assurer le relais des informations entre l'intérieur du
pays et le siège.
Il est clair que pour venir à bout de la
discrimination, les institutions étatiques qui luttent contre elle ont
besoin d'avoir assez de ressources humaines et financières, elles
doivent aussi être impartiales, transparentes et agir en toute
indépendance tout en comptant sur un soutien politique sans
faille230.
En symbiose avec l'exigence d'une adéquation des
institutions impliquées dans la lutte contre
230 BIT, L'heure de l'égalité au travail, op.cit.
p.128
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
82
la discrimination, le gouvernement doit axer sa politique sur une
nouvelle vision.
Paragraphe 2 : Une nouvelle vision de la politique du
gouvernement en matière de discrimination
Afin que la discrimination cesse d'être un handicap dans
la vie professionnelle, le gouvernement doit veiller à l'application
effective de la législation anti-discrimination (A) et mobiliser
l'opinion contre ce phénomène (B).
A- Le renforcement de l'effectivité de la
législation anti-discrimination
Pour être plus efficace, la législation
anti-discrimination mérite une attention particulière de la part
de l'Etat. En effet, l'autorité doit prendre des mesures
concrètes pour faciliter et s'assurer de l'effectivité de leur
application. Il s'agira des mesures d'accompagnement, de suivi et
d'imprégnation.
S'agissant des mesures d'accompagnement à l'application
effective de cette législation, l'Etat peut songer à mettre en
place des mesures incitatives. Ces mesures seraient destinées à
encourager les entreprises privées et publiques qui prônent la
non-discrimination et la discrimination positive en embauchant les personnes
vulnérables en l'occurrence les personnes handicapées et les
femmes en faisant donc la promotion du genre. A titre illustratif, ces mesures
peuvent consister par exemple à la réduction des impôts
comme l'énumère l'article 33 du Code du Travail du Bénin.
Rappelons que l'article 16.1 du CSST consent des abattements aux employeurs
enclins au recrutement des personnes vivant avec un handicap. Ces mesures
peuvent consister aussi à accorder des aides financières ou
à primer à la fin de l'année les entreprises qui auraient
oeuvré à l'élimination de la discrimination.
Quant aux mesures de suivi, des indicateurs assez tangibles
doivent être mises en place pour assurer le monitorage de la
législation anti-discrimination. Cette démarche permettra de
mesurer les impacts de l'application de cette législation sur les
bénéficiaires. Par conséquent, l'autorité devrait
anticiper sur les lacunes de ladite législation afin de la mettre au
diapason des normes internationales. Toutefois, remarquons qu'un suivi efficace
de l'application de l'arsenal juridique togolais, nécessite que
l'autorité injecte suffisamment de ressources humaines,
financières et techniques.
En ce qui concerne l'imprégnation de la
législation-antidiscriminatoire, l'autorité doit faire l'effort
de rendre accessible le langage juridique à tous les acteurs du monde du
travail ainsi qu'à la population.
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
83
D'abord, cela ne peut se réaliser que par le biais de
la transcription de cette législation en langues locales surtout en
Ewé, en Kabyè et en kotokoli dans un premier temps. La mise
à disposition de la population togolaise d'informations portant sur cet
arsenal juridique leur permettra de connaitre leurs droits et devoirs, de
savoir ce qu'il faut faire en cas de violation desdits droits et quels actes ou
action posés pour qu'ils ne soient plus lésés. Aussi, la
transcription en langue local de la législation relative à la
lutte contre la discrimination doit parer la voie à leur ignorance.
Ensuite, l'appropriation de la législation
anti-discrimination par tous les acteurs du travail implique la reproduction
suffisante de recueils en la matière qui seront mises à leurs
dispositions à un coût devant leur permettre de s'en procurer
facilement.
Enfin, notons que, l'expansion du mouvement para juridique au
Togo231 permettra de propager aisément ces textes de lois
d'autant plus qu'ils serviront d'agent de transmission.
Une veille sur les textes législatifs constitue
aujourd'hui un impératif pour rendre effectif leur application. Mais cet
impératif ne peut s'accomplir que par une mobilisation intense de
l'opinion.
B- La mobilisation de l'opinion
La mobilisation de l'opinion passe par la mise en application
d'un double levier. Il s'agit d'intensifier la formation et la sensibilisation
des acteurs du monde du travail et leurs partenaires sur les enjeux de la
discrimination.
S'agissant de la formation, les acteurs concernés par
les problèmes de la discrimination doivent être
éduqués en permanence. En effet, que ce soit : les magistrats,
les avocats, les greffiers, les inspecteurs de travail, les contrôleurs,
les policiers, les employeurs, les représentants des travailleurs, les
intermédiaires d'emploi, à titre indicatif l'Agence Nationale
Pour l'Emploi (ANPE), le Programme de Promotion du Volontariat National au Togo
(PROVONAT) et les travailleurs eux-mêmes tous doivent être
instruits sur la problématique de la discrimination et
l'égalité dans le monde du travail au Togo. Ce qui permettra
à chacun de bien jouer son rôle. L'intégration d'un cours
intitulé : « agir contre la discrimination et agir pour
l'égalité » dans la formation initiale et continue des
magistrats, des avocats et des inspecteurs du travail leur permettra
d'être en phase avec les réalités du moment.
231 Livre blanc, op.cit. p.226
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
84
Considérer comme « les portes flambeaux
» de l'opinion et « moteur du développement
» les journalistes méritent de recevoir une formation
adéquate sur la non-discrimination afin de les amener à
promouvoir en permanence l'égalité dans l'exercice de leur
fonction.
La connaissance des textes anti-discriminations doit
être une priorité. Pour cela, ils doivent être
ventilés. Cette initiative devrait permettre aux acteurs du monde du
travail de connaitre et de maitriser ces différents textes. Du coup, ils
sauront prévenir ce « mal » et les démarches
à entreprendre pour obtenir la sanction de son auteur lorsqu'il
survient. En conséquence, insuffler une formation de qualité et
assez pertinente aux acteurs du monde du travail sur la thématique de la
discrimination et de l'égalité dans le monde du travail leur
permettra d'avoir un comportement adéquat. La formation aura le
mérite de façonner les esprits à la parfaite concordance
entre les qualifications que requiert le plus souvent l'employeur et les
compétences nécessaires à l'exercice d'un emploi.
La formation sur la lutte contre la discrimination et la
promotion de l'égalité doit s'étendre dans les
écoles, les Collèges, les Lycées, les Universités
et même dans les centres de formations et d'apprentissage au Togo. En
effet, afin de lutter efficacement contre la discrimination qui est souvent
causée par les stéréotypes et les préjugés,
il est approprié d'instituer des modules sur la non-discrimination.
Cette démarche s'inscrit dans la dynamique de communiquer à
l'opinion estudiantine les fondamentaux de l'égalité par le biais
de la dispense de cours afin que leur entrée dans la vie active ne soit
plus entravée par la discrimination.
En ce qui concerne la sensibilisation contre la
discrimination, il s'impose de savoir comment doit-elle se faire ? Pour
impacter la quasi-totalité du monde du travail togolais, la
sensibilisation doit se faire aussi bien dans les entreprises que hors de
celles-ci.
Les autorités nationales doivent organiser des
campagnes de sensibilisation à l'endroit de tous les acteurs du monde du
travail ainsi que du public sur les dispositions pertinentes de la
législation anti-discrimination et les conventions internationales qui
prônent le principe de non-discrimination afin de connaitre leurs tenants
et aboutissants et de déconstruire les stéréotypes
232 et préjugés qui minent notre
société. Par ailleurs cette communication serait l'occasion de
porter à la connaissance des potentiels bénéficiaires, les
voies et moyens légaux
232 SCIBERRAS (J-C.), Rapport de synthèse des travaux
du groupe de dialogue inter -partenaires sur la lutte contre les
discriminations en entreprise, en France le 13 mai 2015, p.11
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
85
existants pour combattre les différentes formes de
discriminations. Cette situation est censée pallier la
méconnaissance des droits des victimes de la discrimination.
Les médias doivent participer activement à la
lutte contre la discrimination. A cet effet, ils doivent diffuser des messages
de non-discrimination audiovisuels. La réalisation des spots de
vidéo en serait un atout indéniable pour mener à bien la
sensibilisation. Il faut dès lors procéder à une large
diffusion des textes nationaux et internationaux relatifs à la lutte
contre la discrimination, de même à la production de support
d'information.
Une sensibilisation de toutes les couches de la
société sur les effets pervers de la discrimination permettra de
gommer les stéréotypes et préjugés à
l'origine de ce fléau. Ainsi, la sensibilisation contre la
discrimination aura pour effet d'impacter considérablement les
bénéficiaires et conscientiser les fauteurs à s'abstenir
de tout acte malveillant ce qui fera des campagnes de sensibilisation de
véritable tremplin pour enrayer la discrimination.
La sensibilisation contre la discrimination dans le monde du
travail ne doit pas épargner les acteurs politiques qui ont l'art
d'influencer l'opinion dans le but de les conscientiser à souscrire
à la vulgarisation du principe d'égalité. Etant des
acteurs clés de la vie politique du Togo, ils ne devront pas
lésiner sur les moyens pour s'engager dans la lutte contre la
discrimination.
On ne saurait évoquer le rôle de l'Etat dans la
lutte contre la discrimination sans faire allusion à celui des acteurs
qui sont dans les entreprises et des autres partenaires.
Section 2 : Une implication accrue des acteurs au sein
de l'entreprise et des autres partenaires
A l'instar de l'Etat, il est de la responsabilité des
partenaires sociaux de s'impliquer dans la lutte contre la discrimination
(§1) et aux autres partenaires d'apporter leurs contributions (§2)
à l'édification d'un monde du travail qui sera à l'abri de
ce fléau.
Paragraphe 1 : L'implication des partenaires sociaux
Les organisations d'employeurs et les organisations des
travailleurs sont les partenaires sociaux qui doivent combattre la
discrimination. Selon l'OIT, le respect par ces deux partenaires d'une double
condition est indispensable pour l'élimination de la discrimination au
Travail : d'une part, les organisations d'employeurs et de travailleurs doivent
pouvoir constituer de manière indépendante des organisations non
seulement démocratiques mais aussi assez représentatives de leurs
membres qui auront la responsabilité de prendre part à des
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
86
négociations collectives devant déboucher sur
des « sorties de crise » et fonctionneront en toute
liberté233. D'autre part, ils leur incombent de combattre
efficacement dans leur enceinte toutes les formes de discrimination au risque
de les renforcer234.
Les organisations d'employeurs et de travailleurs doivent
donner plus de priorité à la négociation collective afin
d'instaurer l'égalité au sein de leurs propres institutions
d'autant plus qu'elle est considérée comme un moyen pour
réaliser l'équité entre les travailleurs.
En conséquence, pour combattre la discrimination de
manière à obtenir le résultat escompté, les
organisations d'employeurs doivent harmoniser leurs actions avec la politique
de lutte contre la discrimination (A) et que la mission des organisations des
travailleurs soit inévitablement renforcée (B).
A- La convergence des actions des organisations
d'employeurs à la politique de lutte contre la discrimination
Par organisation d'employeurs, il faut entendre le patronat.
Au Togo, il est connu sous le nom du Conseil National de Patronat du Togo
« CNP-TOGO ». Il joue le rôle de représentation des
employeurs. Il s'agit d'une représentation dans les mécanismes de
l'Etat et dans le système des relations professionnelles235.
Dans ces deux cas, le patronat a vocation à défendre les
intérêts des employeurs sur les questions liées au
marché du travail236.
Cependant, face à la recrudescence de la
discrimination, certains auteurs s'interrogent de savoir « Comment
réduire les comportements discriminatoires de tous les employeurs
»237? Il s'agit d'une équation difficile mais pas
impossible à résoudre. Dans ce cas, l'organisation des employeurs
doit être en mesure de concourir efficacement à la lutte contre la
discrimination.
Le patronat dans l'objectif d'extirper la discrimination doit
instaurer un certain nombre d'outils à l'instar d'un guide et d'une
charte de bonne conduite qui édifieront les employeurs sur la
présente lutte. Si le guide constituera pour les employeurs un
instrument pratique et aura pour finalité de prévenir et de
lutter contre la discrimination ; la charte de bonne conduite quant à
elle contiendra la déclaration formelle des principes et fondements des
entreprises en
233 BIT, Votre voix au travail, rapport du Directeur
général à la Conférence internationale du Travail,
88e session, Genève, 2000, rapport I (B).
234 BIT, L'heure de l'égalité au travail,
Op.cit. p. 108-109
235 DAN (C.), « le rôle des organisations centrales
d'employeurs », O.I.T. publication Bureau des Activités pour
les Employeurs (ACT/EMP), février, 1996, p.7
236 BIT, Le handicap sur le lieu de travail : Les
organisations d'employeurs et les réseaux d'entreprises, Bureau des
Activités pour les Employeurs (ACT/EMP), 2011 p.10
237 VALFORT (M-A), « Des mesures ambitieuses contre les
discriminations à l'embauche »,Tribune, 4 novembre 2015
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
87
exposant non seulement les normes minimales à suivre
pour combattre la discrimination mais aussi les mesures appropriées pour
assurer le respect de l'égalité entre
travailleur238.
Le patronat dans sa quête d'un monde du travail sans
discrimination fera de la négociation collective et des conventions
d'entreprises la priorité à laquelle ne peuvent se soustraire les
employeurs.
D'une part, la négociation collective est susceptible
d'éradiquer la discrimination dans le monde du travail. En effet, elle
présente plusieurs avantages en la matière. En faisant allusion
à la fois aux conventions internationales et à la
législation anti-discrimination dans les conventions collectives de
travail239, cela concourt à l'application de la loi en cas de
laxisme et permet aussi de traiter des plaintes par la procédure de
réclamation qui est assez prompt et moins onéreuse que le
procès judiciaire et assure la protection des travailleurs contre la
discrimination240.Les négociations entre les employeurs et
les organisations des travailleurs jouent donc un rôle
crucial241.
D'autre part, les conventions d'entreprise qu'elles portent
sur l'ensemble des conditions de travail ou uniquement sur une politique active
de non-discrimination, elles peuvent toutes deux comporter des dispositions de
lutte contre la discrimination dans la mesure où une convention«
contient les principes et les normes relatifs aux conditions de travail
dans une entreprise ou dans un groupe d'entreprises et quelle focalise son
efficience sur une procédure de sanctions
»242.
Plusieurs obligations incombent aux employeurs. Ils sont tenus
à l'obligation d'information à l'égard de leurs
employés. En effet, ils doivent rendre accessible et
compréhensible toutes les informations légales qui ont trait
à la protection de leurs employés contre les pratiques
discriminatoires en veillant en permanence que l'égalité soit
circonscrite dans leurs démarches. En oeuvrant dans cette dynamique, on
peut estimer que les employeurs assurent la protection de leurs
employés.
Pour lutter contre la discrimination de manière
efficiente dans leurs structures, les employeurs ont l'obligation d'analyser et
de contrôler en permanence les canaux et procédures de
sélection et de recrutement de leurs employés. Cette
démarche leur permettra de relever les
238 BASS (H. S-B.), Un monde du travail sans discrimination :
Mesures de lutte contre la discrimination dans le domaine de l'emploi,
avril 2003 ; brochure édité par le Service de lutte contre le
racisme, Département fédéral de l'intérieur, 2003,
p 27.
239 Article 96 CTT
240 Ibidem
241 BRISSY (S.), Égalité au travail,
Editions des citoyens, 2013. p. 94
242 BASS (H. S-B.), op. cit. p.28
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
88
lacunes de ces procédures et de proposer des
stratégies en adéquation avec les dispositions de la
législation anti-discrimination. Il s'agit donc d'une mesure d'auto
contrôle qui consiste en l'auto évaluation.
L'égalité aura dès lors des lettres de noblesse si des
corrections sont réellement intégrées et prises en
compte.
Les agents des ressources humaines étant les
personnes-clefs dans l'entreprise, leur recyclage devient de plus en plus une
nécessité pour leur permettre de bien assimiler la
législation antidiscrimination et de parvenir à leur mise en
application effective.
Les employeurs ont l'obligation de promouvoir
l'égalité de chance, de traitement et de
rémunération entre les travailleurs à travers le dialogue
social243 bipartite244 et tripartite245. Il
s'agit d'une coopération incontestable pour combattre la
discrimination.
Pour amener les employeurs à s'impliquer davantage dans
la lutte contre la discrimination, il faut mettre en oeuvre la notion de
responsabilité sociale des entreprises.
Rappelons que le dialogue social a pour cadre national au Togo
« le Conseil National du Dialogue Social en abrégé CNDS
»246 et qu'il dispose aux termes de l'alinéa 4 du
même article d'une double structure dénommée d'une part
Conseil National du Travail (CNT) en charge du secteur privé et
parapublic et d'autre part le Conseil Supérieur de la Fonction Publique
(CSFP) qui s'occupe du secteur public.
Si les organisations d'employeurs doivent s'impliquer dans la
lutte contre la discrimination, il faut dès lors donner plus de pouvoirs
et d'autonomies aux organisations des travailleurs pour qu'ils puissent eux
aussi agir efficacement contre ce phénomène.
B- Le renforcement de la mission des organisations des
travailleurs
Dans le monde du travail togolais, deux institutions se
partagent la représentation des travailleurs247. Il s'agit
des délégués du personnel et des
délégués syndicaux.
Aux termes de l'Article 7 alinéa 1er du CTT
« Les syndicats professionnels248 ont pour objet
l'étude et la défense des droits, ainsi que des
intérêts matériels, sociaux et moraux d'ordre
professionnel, tant collectifs qu'individuels des salariés et des
professions visés par leurs statuts ». Les
délégués syndicaux ont donc pour fonction de
représenter et de défendre des
243 Article 209 alinéa 1 CTT «
Le dialogue social est le processus d'échange
d'informations et de communication par lequel les acteurs du monde du travail
s'entendent pour gérer au mieux leurs intérêts
».
244 Entre les organisations d'employeurs et de travailleurs
245 Article 209 alinéa 3 CTT, En collaboration avec le
gouvernement, les organisations d'employeurs et de travailleurs
246 Article 209 alinéa 2 CTT ; le CNDS est
créé en mai 2007
247 LAROCHE (P.), Les relations sociales en entreprise,
Paris, Dunod, 2009
248 Ex : STT, UNSIT, UGSL, CSTT, CGCT, GSA
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
89
travailleurs syndiqués et l'ensemble du personnel.
Mais, il revient selon nous, à la loi de définir de façon
formelle les attributions des délégués syndicaux puisque
même si la loi reconnaît qu'ils peuvent assister les
délégués du personnel sur leur demande249il ne
s'agit que d'une simple faculté.
Il faut relever qu'au regard de l'article 212 alinéa
1er du CTT, « Les délégués du
personnel sont les représentants élus du personnel. Ils sont
chargés de la défense des intérêts des travailleurs
au sein de l'entreprise ». Ils sont investis de trois
attributions250 devant leur permettre de mener à bien leur
lutte contre les problèmes sociaux à titre illustratif de la
discrimination.
D'abord, l'article 216-1 du CTT reconnaît aux
délégués du personnel le droit de présenter des
réclamations aux employeurs « [---] concernant les conditions
de travail, la protection des travailleurs, l'application des conventions
collectives, des classifications professionnelles et des taux de salaires qui
n'auraient pas été directement satisfaits ». En effet,
en vertu de cette mission, les délégués du personnel ont
le droit de saisir les employeurs sur tout fait ou tout acte discriminatoire
porté à leur connaissance ou su d'eux même. Cette
prérogative leur permet bien évidemment de mettre en garde les
employeurs contre la discrimination afin de les amenés à
prévenir ou à mettre fin aux pratiques discriminatoires dont ils
ont connaissance dans leurs structures.
Ensuite, considérés comme les yeux et les
oreilles de l'inspection du travail à l'intérieur de leurs
entreprises251, les délégués du personnel ont
pour mission de saisir l'inspecteur du travail et des lois sociales tant au
sujet des plaintes que des réclamations sur les dispositions
légales, réglementaires et conventionnelles dont il est
chargé d'assurer le contrôle252 lorsque celles-ci
venaient à être violées pour causes discriminatoires. Ils
veillent à ce que la législation protège effectivement
contre la discrimination au travail. Cette mission fait d'eux des auxiliaires
de l'inspection du travail.
Enfin, aux termes de l'article 216-3 du CTT, les
délégués du personnel sont aptes à «
communiquer à l'employeur toutes suggestions utiles tendant à
l'amélioration de l'organisation et du rendement de l'entreprise
».
249 Article 219 CTT
250 Article 216 CTT
251 KIRSCH, (M.), le Droit du travail africain, TPOM, T, II.
252 Article 216-2 CTT
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
90
Même si ces attributions existent en théorie, il
faut les rendre pratiques. Ces triples missions précitées doivent
être exécutées avec intégrité et
probité. De surcroit, celles-ci doivent être renforcées
afin de permettre aux organisations des travailleurs de bien les accomplir.
Pour accroître la représentativité des
personnes victimes de la discrimination dans le monde du travail, il faut
donner plus d'autonomie et de pouvoir aux organisations des travailleurs dans
l'accomplissement de la mission qui leur est dévolue. Il s'agit d'une
représentation effective des intérêts des travailleurs. Les
organisations syndicales se doivent d'agir en justice au profit des
travailleurs lésés pour cause de discrimination à la
demande de ceux-ci ou de leur propre chef lorsqu'ils estiment opportun de le
faire.
Toutefois, en cas de défaillance des organisations des
travailleurs dans l'accomplissement de leurs missions, leurs
responsabilités devraient être engagées dans le but de les
contraindre à s'exécuter loyalement.
Les organisations de travailleurs doivent intervenir utilement
à la collecte de preuves contre la discrimination dans le monde du
travail. Cette démarche facilitera sans doute la tâche à la
victime de la discrimination qui pourra espérer obtenir la sanction de
son auteur.
Les délégués doivent user de la
négociation collective pour obtenir de leurs employeurs la mise en place
de dispositif de lutte contre la discrimination dans leur secteur
d'activité et leur respect par ceux-ci. C'est dans ce sens qu'il faut
oeuvrer à la conception d'un guide pratique traitant de la question de
la discrimination et la promotion de l'égalité à l'actif
des travailleurs pour les informer utilement sur les dangers de cette pratique
morbide et les avantages de l'égalité. Aussi doivent-ils faire
preuve de persuasion et de conviction dans leur démarche.
Afin de jouer pleinement leur mission les représentants
des travailleurs doivent être formés et sensibilisés sur
les textes anti-discriminations. A leur tour, ils seront chargés de
transmettre aux personnes qu'ils représentent les instructions
reçues.
Les organisations des travailleurs peuvent aussi mener des
actions de plaidoyer auprès des décideurs pour l'aboutissement de
trois types d'actions. D'abord, la ratification de la convention n°156 de
l'OIT concernant l'égalité de chance et de traitement pour les
travailleurs des deux sexes253. La ratification de cette convention
consolidera les acquis des conventions n°111 et n°100de l'OIT
déjà ratifiées par le Togo. En conciliant les
responsabilités professionnelles et familiales, cette convention devra
permettre aux
253 Les travailleurs ayant des responsabilités familiales
(1981), Conventions et recommandations internationales du travail 1919-1981.
Entrée en vigueur le 11 août1983.
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
91
travailleurs des deux sexes qui ont des responsabilités
familiales de s'investir et progresser professionnellement sans
discrimination254. Lorsque besoin se ferait sentir, ils peuvent
exiger l'instauration du télétravail dans leurs structures.
Ensuite, l'adoption de la politique de la petite enfance255.
Celle-ci devra consister à mettre au point des infrastructures d'accueil
de la petite enfance c'est-à-dire des services de garde d'enfants
accessibles et aura pour corollaire de permettre à beaucoup de
travailleurs de s'impliquer dans la vie professionnelle et de subvenir à
leurs besoins256. Enfin, la ratification de la convention n° 141 de
1975 sur les organisations de travailleurs ruraux257, qui combat la
discrimination dans certains secteurs ce qui va naturellement contribuer au
développement économique et social desdits secteurs.
De leur côté, les travailleurs doivent s'engager
ardemment en informant les délégués du personnel ou
syndicaux des discriminations dont ils sont victimes ou ils ont
connaissance.
La lutte contre la discrimination et la promotion de
l'égalité devient un impératif auquel ne peuvent se
soustraire les autres partenaires.
Paragraphe 2 : L'apport des autres partenaires
Les autres partenaires sont les organisations de la
société civile et l'organisation internationale du travail. Si
pour mieux combattre la discrimination les organisations de la
société civile doivent intensifier leur engagement (A),
l'organisation internationale du travail doit jouer de son côté un
rôle indéniable dans ce sens (B).
A-L'engagement plus actif des organisations de la
société civile en lutte contre la discrimination
Les organisations de la société civile qui
agissent contre la discrimination dans le monde du travail au Togo ont besoin
de s'affirmer comme des organisations d'élites. Dans ce contexte, la
diversification de leurs actions et de leurs activités dans un monde du
travail où la discrimination est en pleine ébullition est
indispensable.
D'abord ces organisations de la société civile
doivent faire l'effort de se mettre en synergie afin de coordonner leur action
pour une meilleure défense contre la discrimination. Elles seront en
mesure dès lors de mobiliser l'opinion aussi bien nationale
qu'internationale contre ce phénomène. Grâce à ce
travail en réseau, les organisations de la société civile
pourront
254 BIT, L'égalité au travail : un objectif qui
reste à atteindre, op.cit. .28
255 Prof. WOLOU (K.), op.cit. p.9
256 BIT, L'égalité au travail : un objectif qui
reste à atteindre, op. cit. p. Xi
257 OIT, Bulletin officiel, vol. LVIII (1975) Ser. A, n° 1.
Entrée en vigueur le 24 novembre 1977.
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
92
parvenir à un niveau d'efficacité bien
supérieur à ce qu'elles auraient pu faire unilatéralement
car, ne dit-on pas que l'union fait la force.
Ensuite, plusieurs plaidoyers doivent être faits par les
organisations de la société civile. Ces activités de
plaidoyer peuvent s'illustrer dans divers domaines.
D'une part, pour amener les autorités nationales et les
organisations internationales à s'impliquer davantage dans la lutte
contre la discrimination les plaidoyers impacteront deux types de cibles : les
cibles immédiates et les cibles médiates.
S'agissant des premiers, qualifiés de cibles primaires,
ils sont dotées du pouvoir de décision et ont donc le monopole de
réviser les textes de loi anti-discrimination258. Il s'agit
des acteurs directs du changement tels que : le Président de la
République, les membres de son gouvernement et les députés
que l'on cherche à atteindre par des actions de plaidoyers et dont les
décisions affectent directement l'objectif du
plaidoyer259.
260.
Quant aux seconds, ceux-ci à la différence des
premiers n'ont pas le pouvoir de changement mais ils sont en mesure d'influer
les cibles primaires à opérer les changements qui s'inscrivent
dans la lutte contre la discrimination. A titre indicatif, font partie de cette
catégorie, les Ambassadeurs, les Représentants des Organisations
Internationales, le Chef de fil de l'opposition, les membres influents des
partis politiques, les préfets, les conseillers municipaux, les chefs de
villages, les autorités traditionnelles et religieuses, les partenaires
aux développements bilatéraux et multilatéraux.....
D'autre part, les activités de plaidoyer peuvent aussi
consister à élaborer des propositions de révisions du
cadre juridique national en intégrant des textes de non-discrimination,
en prenant soin de tenir compte des textes régionaux et internationaux,
tout en organisant en permanence des rencontres, des colloques avec les
décideurs du pays et les leaders de partis politiques sur les
thématiques de lutte contre la discrimination dans le secteur du
travail261.
Pour plus de représentativité des groupes
vulnérables de la discrimination, elles peuvent persuader les
décideurs à adopter une loi instituant un quota assez
significatif devant permettre le recrutement et la nomination de ceux-ci aux
postes de responsabilité.
258ATRI (K.E.), Consultant, dans le cadre du
Programme Participation des femmes à la vie publique au Togo
initié par le Réseau des Femmes Africaines Ministres et
Parlementaires (REFAMPTOGO) et le Groupe de Réflexion et d'Action,
Femme, Démocratie et Développement (GF2D)
259 Ibidem
260 Ibidem
261 ATRI (K.E.), ibidem
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
93
En outre les organisations de la société civile
sont susceptibles d'apporter un triple changement :primo, pour
bénéficier des changements sociaux, elles peuvent faire encrer
des valeurs d'égalité et de non-discrimination dans nos
sociétés ; secundo, en parvenant à modifier le processus
décisionnel et les procédures, pratiques et choix politiques
elles peuvent opérer de changements organisationnels en faisant la
promotion de l'égalité et l'absence d'actes discriminatoires
envers des travailleurs; tertio, sur les lieux de travail, elles peuvent
contribuer à améliorer les changements individuels relatifs au
quotidien des victimes de pratiques discriminatoires et
inégalitaires262.
Enfin, pour être à la hauteur de leurs missions,
retenons que les organisations de la société civile togolaise ont
besoin : D'une part d'élargir et de renforcer le champ d'application de
leurs compétences. D'autre part, elles ont besoin d'allocation
suffisante et de ressources financières pour bien mener leurs projets et
politiques contre la discrimination. Pour cela, l'Etat doit essayer de leur
offrir un terrain favorable à l'exercice de leur activité, mais
aussi leur octroyer les moyens de se développer.
Les organisations de la société civile doivent
continuer d'éveiller la conscience des acteurs du monde du travail sur
leurs responsabilités respectives dans le combat contre ce mal. Tout
comme ces organisations qui doivent prendre des initiatives d'actions
très concrètes, l'OIT doit aussi participer à la lutte
contre la discrimination.
B- Le rôle indéniable de l'Organisation
Internationale du Travail
L'Organisation Internationale du Travail (OIT) définie
en anglais International Labour Organization (ILO) est un partenaire
international privilégié du monde du travail en matière de
lutte contre la discrimination. Ainsi, on a besoin de s'associer à elle
pour continuer la mobilisation nationale contre ce mal.
Etant l'organisation internationale en charge du travail dans le
monde, l'OIT se doit de mettre ses expériences et expertises très
enrichissantes c'est-à-dire instructives et très profitables en
matière de lutte contre la discrimination au service du Togo et des
autres pays membres. Rappelons que dès sa naissance en 1919 par le
Traité de Versailles après la Première Guerre Mondiale,
l'OIT s'est assignée pour mission principale l'élimination de la
discrimination au travail ce qui s'est transcrite plus tard dans plusieurs
textes internationaux263.
262 Organisme de lutte contre la discrimination difficulté
et opportunité actuelles octobre 2012
263 Déclaration de Philadelphie du 10 mai 1944,
Déclaration de 1998 relative aux principes et droits fondamentaux au
travail, Déclaration de 10 juin 2008 sur la justice sociale pour une
mondialisation équitable et le Pacte mondial pour l'emploi du 19 juin
2009, art. 6 Pacte International des Droits Civils et Politiques
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
94
Pour éliminer la discrimination dans l'univers du
travail, l'OIT a orienté son agenda autour de l'élaboration des
conventions et des recommandations internationales. S'agissant des conventions
internationales, il s'agit à titre indicatif des conventions n° 100
et n° 111264. Le but visé par l'OIT en élaborant
ces conventions, est de les faire ratifier par les Etats afin que leur
application effective face l'objet d'un contrôle international. Quant aux
recommandations, elles sont des voeux que la Conférence Internationale
du Travail (CIT) soumet aux Etats en vue d'orienter leur droit interne contre
la discrimination.
La discrimination étant multiforme, l'OIT doit pouvoir
mettre des moyens diversifiés à la disposition de l'Etat. Son
intervention se fera donc dans plusieurs domaines.
D'abord, l'OIT doit renforcer son engagement auprès de
l'Etat togolais. Ce renforcement peut se réaliser par la mise en place
de points focaux pour confronter les expériences et pratiques. Une
assistance technique pour l'élaboration des politiques de l'emploi et
des méthodes d'évaluation des postes n'est pas
négligeable.
Ensuite, afin d'assurer une assistance très efficace
auprès de l'Etat dans la lutte contre la discrimination, l'OIT doit
s'évaluer régulièrement pour déterminer l'impact de
cette politique d'assistance. Cette démarche lui permettra de
déterminer des priorités pour les années à venir
qui se matérialisent sous la forme de plans ou de projets d'action en
matière de coopération technique265.
En outre, l'OIT doit continuer d'être le porte-parole de
la «conscience sociale de l'humanité» en restant
à « l'avant-garde » afin de dénoncer et de
condamner tous les actes discriminatoires comme ce fut le cas en 1964 à
propos de l'apartheid où elle a prohibé cette politique de
discrimination raciale du gouvernement Sud-Africain qui était contraire
aux dispositions de la Déclaration de Philadelphie, et en guise de
condamnation a adopté à l'unanimité un programme d'action
pour l'élimination de l'apartheid dans le monde du
travail266.
Enfin, l'apport de l'OIT peut se matérialiser par la
fourniture des services consultatifs sur la rédaction de la
législation anti-discrimination, le rôle que doit jouer chaque
acteur pour l'inclusion réelle de l'égalité dans le monde
du travail, le recyclage du personnel en charge des recrutements. Aussi
doit-elle continuer de s'assurer que les conventions internationales
ratifiées par le Togo sont effectivement intégrées dans la
législation nationale en bonne et due
264 Supra, p.20 et 41
265 BIT, L'heure de l'égalité au travail, op.cit.
p.125
266 BIT, L'heure de l'égalité au travail, op.cit.
p. 8
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
95
forme. Cette situation implique à notre avis la
réussite de la mise en place de la triple concordance entre les normes
internationales ratifiées par le Togo, la législation nationale
et la pratique. En conséquence, la promotion des textes
anti-discrimination et la sommation régulière de l'Etat à
respecter les normes internationales et de les faire respecter sont des
défis que doit relever l'OIT.
Retenons que l'OIT a besoin de renforcer la capacité
institutionnelle de ses mandants ainsi qu'une interaction entre eux pour qu'ils
soient en mesure d'appliquer efficacement le droit fondamental à la
non-discrimination au travail et de rendre plus stable et solide des
partenariats internationaux avec de grands défenseurs de
l'égalité267. Pour éliminer la discrimination,
l'OIT doit inculquer aux Etats parties aux conventions internationales en la
matière, deux principes fondamentaux que sont la non-discrimination et
la promotion de l'égalité268.
En définitive, pour que le monde du travail togolais
sorte de l'ornière dans laquelle la discrimination l'a embobiné,
il y a lieu de revisiter les textes anti-discriminations togolais et de
mobiliser les acteurs du monde du travail pour qu'ils agissent efficacement
contre elle.
267 BIT, L'égalité au travail : un objectif qui
reste à atteindre, op. cit. p. xv
268 Egalité entre hommes et femmes et travail
décent : conventions et recommandations clés de l'OIT pour la
promotion de l'égalité entre hommes et femmes 2012, page v
CONCLUSION
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
96
Le travail est une nécessité. Il est la raison
d'être de la majorité des Hommes. Ce qui fait qu'il se trouve au
coeur de leur vie active. Si le travail permet au travailleur de s'affirmer et
de se réaliser, certains employeurs en saisissent l'occasion pour
discriminer en optant pour leur goût spécifique et en
préférant travailler uniquement avec des gens « comme
eux»269. Le choix du collaborateur déterminant pour
la bonne marche de l'entreprise se fait donc sur la base de l'iniquité.
En conséquence, la discrimination est une réalité au Togo
aussi bien à l'embauche que dans l'exercice de la carrière ou
à la fin de celle-ci que l'Etat togolais a du mal à contrer
véritablement. Elle se présente non seulement comme la violation
des droits de l'homme mais aussi en tant que gaspillage de talents humains.
Elle constitue donc un obstacle majeur à la justice sociale et porte
atteinte à la dignité humaine
La lutte contre la discrimination dans la sphère du
travail n'est pas pointilleuse. Beaucoup de choses restent à faire comme
nous l'avons déjà évoqué dans nos
développements précédents pour mener à bien cette
lutte. Si au niveau de la législation anti-discrimination certaines
avancées ont été réalisées, celles-ci sont
insuffisantes compte tenu de l'ampleur que prend ce phénomène.
Bien que le Togo ait ratifié plusieurs conventions internationales
relatives à la lutte contre la discrimination au travail, des
écarts subsistent encore entre ces normes internationales et les lois
nationales en raison des lacunes de ces dernières.
La jurisprudence togolaise est absente en matière de
discrimination dans le monde du travail. Elle a du mal à mettre
véritablement ses empreintes sur les pratiques discriminatoires. La
difficile preuve de la discrimination et la résignation de certaines
victimes à intenter une action devant les juridictions en sont des
justifications.
Dans le monde du travail, les discriminations basées
sur les critères d'ethnie, d'opinion politique et d'origine sociale sont
très omniprésentes surtout au moment de l'embauche, de la
rémunération, des mutations et des promotions. Cependant, tout
porte à croire que l'Etat qui est le premier comptable devant les
travailleurs en matière de lutte contre la discrimination ne se
préoccupe pas trop de cette lutte puisque la plupart de ses actions sont
principalement orientées sur la lutte contre les discriminations
basées sur le sexe et le genre. Pourquoi une telle fuite de
responsabilité étatique ? Il est clair que l'Etat togolais
n'arrive pas à assurer
269 BECKER (G.), The economics of discrimination, University
of Chicago Press, 1957.
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
97
réellement et efficacement l'égalité de
chance de tous les citoyens à l'embauche et l'égalité de
traitement et de rémunération des travailleurs.
Nous devons prendre conscience que cette étude que nous
menons n'est pas un exercice gratuit car, nul n'est à l'abri de la
discrimination. « A un moment ou à un autre, nous pouvons tous
être victimes de discrimination à propos d'une
caractéristique constituante de notre identité. La discrimination
est un problème récurrent tant pour le bien-être des
individus qui en sont victimes que pour la survie de notre marché du
travail »270. Tous les togolais de tous bords ont
intérêt à oeuvrer pour que l'égalité puisse
véritablement et pleinement prendre place dans le monde du travail.
Vivement, que ce mémoire ne soit pas vain. Mais que
chaque acteur soit impliqué de manière indéfectible dans
la lutte contre la discrimination dans le monde du travail. Une prise de
conscience collective s'impose pour peaufiner les stratégies devant
permettre de contrer véritablement la discrimination. Il n'existe pas de
bâton magique pour combattre efficacement la discrimination si ce n'est
la bonne foi, la bonne volonté des uns et des autres. L'Etat et ses
structures habilitées à lutter contre la discrimination, les
organisations des représentants des employeurs et des travailleurs, les
organisations de la société civile combattant la discrimination
et l'OIT doivent conjuguer leurs actions pour mettre terme à ce
phénomène.
La réglementation du secteur informel au diapason du
secteur formel, le bannissement des pesanteurs socioculturelles et
politico-économiques sont autant de défis que doit relever
à coup sûr le gouvernement togolais.
Si « la discrimination est une violation des droits
de l'homme qui ne doit pas rester sans réponse
»271, dès lors, seule la semence de
l'égalité et la récolte de la méritocratie peuvent
présager un monde du travail à l'abri de la discrimination.
Cependant, l'égalité étant en permanence
violée272, elle n'est jamais un acquis définitif,
« mais qu'elle suppose vigilance et action permanentes
»273.
270 COLLART (J.), DELROISSE (S.), et HERMAN (G.), Chapitre 5, La
discrimination à l'embauche : Comprendre le phénomène et
le combattre, pp.4 et 5
271 Déclaration faite par Ban KI-MOON à l'occasion
de la célébration de la journée Zéro
discrimination.Togotopnews.com
272 DANTI-JUAN (M.), « Discrimination » du
Dictionnaire de la justice
273 LTDH, Rapport thématique sur la situation des droits
de l'homme au Togo, décembre 2011, p.35
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février 2011
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Discrimination
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
105
TABLE DES MATIERES
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
106
REMERCIEMENTS I
DEDICACES II
RESUME III
AVERTISSEMENT IV
ABREVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES V
SOMMAIRE ..VI
INTRODUCTION 1
PARTIE I : L'INEFFICACITE DE LA PROHIBITION DE LA
DISCRIMINATION
DANS LE MONDE DU TRAVAIL AU TOGO 9 CHAPITRE I
: L'INSUFFISANCE DE LA LEGISLATION ANTI-DISCRIMINATOIRE11
Section I : Une imprécision des différentes formes
de discrimination
|
..11
|
§.1- L'imprécision des discriminations directe et
indirecte
|
12
|
A- Une absence de qualification de la discrimination directe
|
12
|
B- Une absence de qualification de la discrimination indirecte
|
14
|
|
§.2- L'insuffisance de précision des autres formes de
discrimination
|
16
|
A- La précision lacunaire du harcèlement
|
.16
|
B- L'absence de l'interdiction de l'injonction de discriminer
|
20
|
|
Section II : Un encadrement inapproprié de la
discrimination dans le droit positif togolais22
§.1- Une prohibition insuffisante de la discrimination
|
.22
|
A- La difficile preuve de la discrimination
|
22
|
B- La problématique des sanctions de la discrimination
|
...24
|
|
§.2- Une consécration insuffisante de la
discrimination positive
|
...28
|
A- L'insuffisance de la réglementation de la
discrimination positive
|
29
|
B- Les répercussions négatives de la
discrimination positive
|
.32
|
|
CHAPITRE II : LA PERSISTANCE DE LA DISCRIMINATION
|
35
|
Section I : La matérialisation de la discrimination dans
le monde du travail
|
35
|
§.1- La discrimination à l'embauche
|
..36
|
A- La discrimination par rapport à l'offre d'emploi
|
..38
|
B- La discrimination durant le processus de recrutement
|
..39
|
§.2- La discrimination dans la vie professionnelle
|
40
|
A- La discrimination pendant l'emploi
|
..41
|
B- La discrimination à la fin de l'emploi
|
44
|
|
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
107
Section II : Les difficultés liées à
l'élimination définitive de la discrimination 46
§.1-Les difficultés inhérentes aux acteurs du
monde du travail .46
A- La responsabilité des principaux acteurs du monde du
travail .47
B-L'insuffisance des actions des partenaires en lutte contre la
discrimination 49
§.2-Les obstacles de fait à une protection efficace
contre la discrimination 53
A- Les obstacles socioculturels... .53
B- Les obstacles politico- économiques
.56 PARTIE II : POUR UNE PROTECTION PLUS EFFICACE CONTRE
LA
DISCRIMINATION DANS LE MONDE DU TRAVAIL AU TOGO .
59 CHAPITRE I : LE RENFORCEMENT DE LA LEGISLATION CONTRE LA
DISCRIMINATION 61
Section I : La mise en conformité des lois nationales
61
§.1-La révision des dispositions des textes de lois
.61
A- La clarification des formes de discrimination 62
B- De la précision des dérogations au principe de
non-discrimination à l'élargissement
des protégés contre la discrimination 64
§.2-Les réquisits à l'amélioration de
la preuve et des sanctions de la discrimination 65
A- L'aménagement du régime de la preuve de la
discrimination ..65
B- Le renforcement du système punitif ..67
Section II : La réalisation de l'égalité
dans le monde du travail 69
§.1-Le renforcement de l'égalité formelle
.69
A- Les actions en vue d'une égalité réelle
de chances et de traitement 69
B- Les actions en vue d'une égalité réelle
de rémunération .71
§.2-Pour une égalité concrète : la
promotion de la discrimination positive .72
A- La réglementation de la situation des personnes
handicapées 73
B- La réglementation de la parité dans le monde
du travail ...74 CHAPITRE II : L'IMPLICATION DES ACTEURS DU MONDE DU TRAVAIL
DANS
LA LUTTE CONTRE LA DISCRIMINATION ...77
Section I : Une implication très active de l'Etat togolais
...78
§.1- L'exigence d'une adéquation des institutions
impliquées dans la lutte contre la
discrimination ..78
A- La dynamisation du cadre institutionnel ...78
B- L'institution du Conseil National de lutte contre la
discrimination et pour l'égalité80
§.2- Une nouvelle vision de la politique du gouvernement en
matière de discrimination..83
A-
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
108
Le renforcement de l'effectivité de la législation
anti-discrimination . 83
B- La mobilisation de l'opinion 84 Section II : Une
implication accrue des acteurs au sein de l'entreprise et des autres
partenaires 86
§.1-L'implication des partenaires sociaux 87 A- La
convergence des actions des organisations d'employeurs à la politique de
lutte
contre la discrimination 87
B- Le renforcement de la mission des organisations des
travailleurs .90
§.2-L'apport des autres partenaires ...93
A- L'engagement plus actif des organisations de la
société civile en lutte contre la
discrimination 93
B- Le rôle indéniable de l'Organisation
International du Travail 95
CONCLUSION
|
97
|
BIBLIOGRAPHIE
|
99
|
TABLE DES MATIERE
|
..107
|
|