SECTION II. FOCUS SUR LES AFFRONTEMENTS SYMBOLIQUES DU
CHAMP POLITIQUE TOGOLAIS
La communauté internationale se présente dans le
jeu politique au Togo comme un acteur externe à l'arène, dont la
portée des actions est grandement significative. Ainsi est-elle
présente à tous les grands rendez-vous politiques auxquels sont
conviés les acteurs. L'intervention de la communauté
internationale dans la vie politique togolaise est permanente, mais demeure
plus incisive en période électorale et en période de
crises politiques du fait de l'interdépendance entre pays et aussi
d'autres raisons mentionnées dans la première partie du
présent travail. Ainsi, la perception qu'ont les acteurs politiques de
ces interventions, ou leur réaction face à ces interventions
obéissent à des logiques différentes selon qu'on soit du
pouvoir (Paragraphe I) ou de l'opposition (Paragraphe II). Seulement, «
pour décrire le fonctionnement du champ politique, le recours
à la
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métaphore théâtrale n'est pas des
moins usités, notamment en ce qu'elle permet de distinguer ce qui
s'expose sur la scène et ce qui se joue en coulisse
»143.
§ 1. LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE DANS LES
STRATÉGIES POLITIQUES DE LA MAJORITÉ
Depuis le début du processus de démocratisation
dans les années 1990, le Togo n'a pas connu d'alternance politique
144 à proprement parler. Le pouvoir est
ainsi détenu par une seule famille politique
145 même s'il a changé de mains par
concours de circonstances. On peut aisément comprendre dans ces
conditions, la logique de la majorité dans la prise en compte de la
communauté internationale dans sa stratégie politique qui en
l'espèce, a oscillé entre une stratégie réfractaire
(A) et une stratégie conciliante (B).
A. Une stratégie réfractaire
L'avènement de la démocratie a indubitablement
érodé les fondements centraux des régimes dictatoriaux et
monopartisans présents en Afrique et dans le monde. Au Togo, il est
à noter que le positionnement de la communauté internationale
comme un ?acteur» de la vie politique est antérieur à 1990.
Mais c'est à partir de cette année - les facteurs aussi bien
internes qu'externes aidants -, que l'international va peser de tout son poids
dans la configuration du jeu politique au Togo. La politique,
considérée comme jeu, n'est qu'un enchevêtrement successif
de stratégies visant toutes, à la capitalisation de l'enjeu final
qui est pour l'essentiel la victoire aux élections.
La première illustration des stratégies des
parties prenantes dans le jeu politique est à retrouver dans la
conférence nationale et les tractations qui ont conduit à sa
tenue. Notons que la concrétisation de cette conférence n'a
été rendu possible qu'avec le soutien de la communauté
internationale notamment de la France, qui était aux premières
loges des
143 B. D. TCHAGBELE, « Les
déterminants des choix électoraux des populations en milieu rural
au Togo : cas du village d'Aguidagbadè dans le canton de Wassarabo
(Préfecture de Tchaoudjo) », Op. cit.
144 L'alternance est une
échéance prévue et profitable, voire attendue, qui rythme
les régimes démocratiques et est supposée assurer leur
'respiration'' par la rotation régulière des positions
de pouvoir entre les principaux camps politiques antagoniques, voir à
cet effet P. ALDRIN, L. BARGEL, N.
BUÉ ET C. PINA (dir.), Politiques de
l'alternance. Sociologie des changements politiques, Vulaines-sur-Seine,
Edition du Croquant, Coll. « Sociopo », 2016, p. 412
145 Le Rassemblement du Peuple Togolais (RPT)
puis par l'Union pour la République à la suite de la fonte du
premier le 1' avril 2012.
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accords du 12 juin, accords ayant conduit à la
Conférence Nationale146. Ainsi, lorsque
naquit l'idée - à partir de l'exemple du Bénin voisin - de
rassembler « les forces vives » de la Nation autour d'une table pour
faire ?les Etats généraux» de la vie politique,
cela pris en très peu de temps, la forme d'une tentative de renversement
du pouvoir de Lomé, contrairement à la logique du modèle
béninois dont elle s'est inspirée
147. Eyadéma qui avait concédé
bon an mal an l'essentiel de son pouvoir à cette conférence du
fait des manoeuvres et pressions de la communauté internationale, va
décider de reprendre ?le poil de la bête» et ainsi
récuser par ricochet cette communauté internationale qui
était en quelque sorte le garant de cet évènement
inédit. Plus tard c'est dans la crise politique de 2017 qu'on voit
encore le pouvoir se montrer subtilement réfractaire à la
communauté internationale toujours dans une logique d'orientation
politique.
En effet, dans la feuille de route proposée par les
médiateurs de ladite crise, il était prévu la
réalisation des réformes constitutionnelles et institutionnelles.
Pour accompagner l'Etat togolais, la commission de la CEDEAO a commis un expert
constitutionnaliste en vue de proposer un squelette de révision qui
finalement, a été systématiquement placardé. Si la
majorité politique au Togo s'est montrée quelque rares fois en
porte à faux avec la communauté internationale, il faut
reconnaitre que dans la plupart des cas, elle a mis en oeuvre une
stratégie conciliante vis-à-vis de cette dernière.
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