Deuxième partie
LES INSUFFISANCES DES REGLES ENCADRANT LE
TRANSPORT ROUTIER DE MARCHANDISES DANS L'ESPACE UEMOA
L'encadrement des opérations de transport routier de
marchandises dans la zone UEMOA n'est pas sans défaut. Cet encadrement
garni en normes et en institutions révèle des carences tant au
niveau de la prévention des dommages aux dommages (Chapitre
I) qu'au niveau des modalités de réparation des dommages
aux marchandises (Chapitre II) auxquelles il convient de
chercher des solutions.
Chapitre I
Les carences du droit du transport routier de
marchandises en matière de prévention des dommages
Les carences en matière de prévention des
dommages aux marchandises sont perceptibles dans l'analyse des normes ce qui
permet de relever des carences d'ordre normatif (Section I).
Elles sont aussi perceptibles dans l'analyse de la pratique du transport
routier de marchandises ce qui permet de relever des carences d'ordre pratique
(Section II).
Section I : Les carences d'ordre normatif
A l'analyse des normes en matière de transport routier
de marchandises, on peut aisément déceler des lacunes qui font
obstacle à leur efficacité. Ces lacunes sont d'abord
l'inexistence d'organe de contrôle communautaire (Paragraphe
I) et ensuite la sanction à l'issue du contrôle qui est
inadaptée (Paragraphe II).
Paragraphe I : L'inexistence d'organe de contrôle
communautaire
L'inexistence d'organe de contrôle communautaire fait
apparaitre une nécessité de création ou d'existence d'un
tel organe (A). Mais cette inexistence qui ne demeure pas
moins lacunaire, peut être justifiée (B).
A- La nécessité d'organe de
contrôle communautaire
La nécessité d'organe de contrôle
communautaire en matière de transport routier de marchandises se fait
plus ressentir en raison du fait que les organes communautaires existants n'ont
pas de pouvoir de sanction (1). Plutôt que de se borner
à constater cette lacune, on pourrait essayer de combler cette lacune
d'où la perspective de création d'organes de contrôle
communautaires (2).
1- L'absence de pouvoir de sanction des organes
communautaires
Les organes communautaires en matière de transport
n'ont pas de pouvoir de sanction dans leur domaine. Les comités
nationaux et le comité régional de
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facilitation ainsi que les comités de gestion des
corridors sont des organes consultatifs. Le contrôle documentaire ou
physique ainsi que la sanction des manquements ne figurent pas au titre de
leurs missions79. Il en est de même du Département de
l'aménagement du territoire communautaire, des transports et du tourisme
(DATC) de la commission de l'UEMOA qui a un rôle de supervision,
d'orientation et de coordination des politiques sectorielles. Le contrôle
des marchandises est purement étatique et il est confié aux
seules forces nationales80.Cela pose un problème dans la
mesure où la participation des organes communautaires est assez passive
et indirecte. La part active relève d'autorités
étatiques.
Une conséquence de cette passivité est la
difficulté pour les organes communautaires à réaliser
l'objectif de coordination des politiques81 en matière de
transport routier quant au contrôle effectif de marchandises. Un
contrôle physique ou documentaire par des organes communautaire
permettrait une exécution harmonisée de ce contrôle et
contribuerait à une effectivité des règles en la
matière.
Une autre défaillance est qu'il n'existe aucun recours
contre les forces de contrôle étatique auprès d'organes
communautaires. Les transporteurs voulant exercer de tels recours devront
saisir l'agent effectuant le contrôle d'un recours gracieux ou le
supérieur hiérarchique d'un recours hiérarchique. Un
contrôle ou un recours auprès d'organes communautaires donnerait
l'opportunité aux organes communautaires en matière de transport
d'orienter convenablement les forces de contrôle au niveau du
contrôle. Cela assurera une application plus uniforme des règles
communautaires de contrôle. Pour pallier cette absence de pouvoir de
sanction des organes communautaires, il convient de créer des organes de
contrôle communautaires d'où la perspective de création
d'organes de contrôle communautaires.
2- La perspective de création d'organes de
contrôle communautaires L'UEMOA devrait mettre en place un
organe de contrôle communautaire. Un tel organe devrait fonctionner de
façon indépendante vis-à-vis des Etats membres de l'UEMOA.
Il devrait comprendre des fonctionnaires ou agents communautaires82
ayant un statut offrant des garanties d'indépendance à
l'égard des Etats membres à l'instar des fonctionnaires des
communautés européennes83. Ceux-ci doivent accomplir
leurs missions dans l'intérêt de l'UEMOA sans
79 Article 8 de la Décision n°
39/2009/CM/UEMOA ; Article 2 de l'arrêté primatoral n° 4799
en date du 15 juin 2007 portant institution du Comité national de
Facilitation des Transports et Transit routiers inter-Etats au
Sénégal.
80 Article 2 de la décision
n°15/2005/CM/UEMOA portant modalités pratiques
d'application du plan régional de contrôle sur les axes routiers
inter-états de l'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine
(UEMOA).
81 Article 4.d du Traite modifie de l'Union Economique
et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) de 2003.
82 L'article 1 du statut des fonctionnaires des
communautés européennes définit le fonctionnaire
communautaire comme « toute personne qui a été nommée
» « dans un emploi permanent d'une des institutions des
communautés par un acte de l'autorité investie du pouvoir de
nomination de cette institution ».
83 N. MAGGI-GERMAIN, « Les fonctionnaires
communautaires et l'intérêt général communautaire
», 2005, p.6
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accepter ni solliciter d'instruction d'aucun Etat membre et
cela en vue d'une impartialité dans l'exercice de leurs fonctions.
Les missions à attribuer à de tels
fonctionnaires en matière de transport routier de marchandises
consisteraient à effectuer un contrôle physique et documentaire de
conformité par rapport aux règles communautaires de transport.
Ceux-ci devraient bénéficier de pouvoir de sanction. Dans le
cadre du règlement n°14/2005/CM/UEMOA, ils pourront ordonner le
délestage des surcharges, la correction de gabarit, l'immobilisation de
véhicule et le transbordement des chargements non
conformes84. Quant à l'étendue, ils opéreraient
leurs contrôles aux différents corridors85. Mais leurs
contrôles devraient aussi s'opérer à l'intérieur des
Etats membres.
L'existence d'un tel organe permettrait une participation
active de l'UEMOA au contrôle de marchandises et une application directe
des règles en la matière. L'UEMOA aurait en plus d'organe
consultatifs chargés de faciliter le transport, un organe de
contrôle opérant sur l'ensemble du territoire de façon
concrète. Ainsi l'avantage majeure est que l'application rigoureuse des
normes communautaires en la matière serait assurée par l'UEMOA.
L'indépendance des fonctionnaires communautaires conduira à une
application des normes communautaires par préférence aux
législations nationales. Bien que la nécessité d'organe de
contrôle communautaire se fasse ressentir, cette inexistence d'organe de
contrôle communautaire a une justification.
B- Une justification de l'inexistence d'organe de
contrôle communautaire L'inexistence d'organe de contrôle
communautaire se justifie par la prise en compte de la participation des Etats
membres en matière de transport routier de marchandises
(1). Mais une solution intermédiaire
(2) permettant de concilier la participation des Etats membres
et celle d'organes communautaires.
1- La prise en compte de la participation des Etats
membres en matière de transport routier de marchandises
L'inexistence d'organe de contrôle communautaire se
justifie par la volonté de faire participer les Etats membres à
l'application des normes en matière de transport routier de
marchandises. En effet si le contrôle routier de marchandises est
retiré aux forces nationales, tout l'aspect institutionnel du droit de
transport routier de marchandises serait composé d'organes
communautaires en plus de l'édiction des normes qui relève d'un
organe communautaire86. Cela aurait pour conséquence de
créer une situation semblable à un Etat fédéral
alors que les Etats sont regroupés en communauté87.
84 Article 14.1 et 14.2 du règlement
n°14/2005/CM/UEMOA.
85 Article 1 de la décision
n°08/2001/CM/UEMOA portant adoption et modalités de financement
d'un programme communautaire de construction de postes de contrôle
juxtaposés aux frontières entre les Etats membres de l'UEMOA.
86 Le règlement
n°14/2005/CM/UEMOA., les décisions et directives en la
matière ont été édictés par le conseil des
ministres.
87 L'UEMOA est une communauté
économique régionale à l'instar de la Communauté
Économique Européenne remplacée par l'UE.
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En effet « à la différence de ce qui se
passe dans les Etats fédéraux où la
fédération et les Etats membres exercent une certaine
plénitude de compétences à l'intérieur des domaines
qui leur sont respectivement attribués » « dans les
communautés, il y a lieu à une répartition des fonctions
entre des institutions communes et les Etats membres en ce qui concerne les
différents secteurs attribués à la compétence
communautaire »88. Dans le cadre d'un Etat
fédéral, le secteur du transport serait attribué
exclusivement à la fédération ou exclusivement aux Etats
membres. Alors que dans le cadre de la communauté, les attributions en
matière de transport sont reparties. C'est le cas de l'UEMOA, il est
nécessaire qu'en matière de transport routier de marchandise, les
compétences soient départagées entre les Etats membres et
les organes communautaires. L'UEMOA a donc attribué le contrôle
physique et documentaire accompagné du pouvoir de sanction aux forces
nationales89.
Cette participation des Etats quant au contrôle routier
de marchandises se justifie par le fait que le transport, même inter
Etats de l'UEMOA, se fait sur des territoires nationaux. Il est donc
nécessaire d'impliquer les forces nationales qui sont les plus
habilitées à effectuer des contrôles routiers. Bien que la
prise en compte de la participation des Etats membres en matière de
transport routier de marchandises justifie l'inexistence d'organe de
contrôle au niveau communautaire, il convient d'adopter une solution
intermédiaire et conciliante.
2- Une solution intermédiaire
Confier le contrôle routier de marchandise à un
organe communautaire reviendrait à écarter la participation des
Etats membres. Le contrôle routier exclusivement attribué aux
Etats membres a pour conséquence une inexistence d'organe de
contrôle de sanction. Ces deux positions révélant des
défaillances, une solution serait de les combiner afin de rendre le
contrôle routier plus efficace. Ainsi le contrôle serait
effectué à la fois par des fonctionnaires
communautaires90, à la fois par des forces nationales de
contrôle91 .
Le champ du contrôle routier effectué par chaque
type de contrôleur pourrait être départagé. Ainsi les
contrôles routiers pour tout transport à l'intérieur d'un
Etat membre relèveraient des forces nationales et ceux dont les
itinéraires impliqueraient plusieurs Etats membres relèveraient
des fonctionnaires communautaires agissant dans un intérêt
communautaire. Une autre formule serait de confier tous les contrôles
à l'intérieur d'un Etat membre aux forces nationales de
contrôle et confier à des fonctionnaires communautaires les
contrôles aux frontières. Une troisième formule serait de
maintenir le contrôle routier au plan national par les forces nationales
de contrôle et de combiner le contrôle de marchandises par les
forces nationales et celui par des fonctionnaires communautaires aux
frontières.
88 Voir Pierre Pescatore, Distribution de
competencias y de poderes entre Estados mienbros y las Comunidades europas,
Derecho de la Integracion, 1967, n°1, pp. 108-182 (p.2 et s. de
la version française ronéotée)
89 Article 4 de la directive
n°08/20005/CM/UEMOA.
90 Article 1 du statut des fonctionnaires des
communautés européennes.
91 Article 4 de la directive
n°08/20005/CM/UEMOA.
31
En plus d'une efficacité infaillible, la dualité
de contrôle permettra à l'UEMOA, à travers l'organe en
charge du contrôle, d'avoir une part active à l'application des
normes en matière de transport routier de marchandises plutôt que
de se cantonner à une simple supervision ou à la construction
d'infrastructures routières. Elle permettra, en parallèle, aux
Etats d'apprécier la conformité aux règles communautaires
de transport routier de marchandises. Tous les deux concourront de façon
active au respect des normes communautaires de transport routier de
marchandises. A côté du problème de l'inexistence d'organe
de contrôle communautaire, il convient de résoudre le
problème de l'inadaptation de la sanction à l'issue du
contrôle routier.
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