1.l.7. LA PROCEDURE D'OCTROI DE CREDIT DANS UNE IMF
Sur ce point nous essayerons de présenter les
différentes étapes et possibilités d'octroi de
crédit par les institutions de microfinance.
Une IMF peut octroyer ses crédits sous une forme
individuelle ou solidaire (cf. définition en infra). Une combinaison de
ces deux types de crédits est fréquemment opérée
afin de limiter les risques de non recouvrement au vu des
caractéristiques (valeurs, niveau de développement,
solidarité ...) et de l'environnement (rural ou urbain en particulier)
des populations cibles.
1.l.7.1. CARACTERISTIQUES COMMUNES
Cependant, qu'il soit de type individuel ou solidaire, un
microcrédit revêt généralement les
caractéristiques suivantes :
> Il n'est que très rarement assorti d'une garantie
réalisable. Les rares garanties obtenues ont une valeur principalement
psychologique ;
> La décision d'octroi est essentiellement
axée sur le profil de l'emprunteur : valeurs morales, volonté de
rembourser, degré d'intégration dans sa communauté sociale
;
> Il nécessite de ce fait une forte proximité
avec l'emprunteur, en particulier concernant le suivi du prêt ;
> Il est de faible montant unitaire ;
> Il est accordé sur une base progressive : le
montant du premier prêt augmente dès lors que le remboursement des
premières échéances a été
régulièrement honoré ;
> Il est accordé sur une période relativement
courte, fréquemment inférieure à un an ;
> Il est assorti d'un taux d'intérêt
élevé (fréquemment supérieur à 3 % par mois)
dans un souci de rentabilité ;
> Il génère individuellement de faibles
produits d'intérêt, conduisant les IMF à multiplier les
octrois dans un souci de rentabilité.
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1.2.7.2. CARACTERISTIQUES PROPRES AU CREDIT
INDIVIDUEL
A. PARTICULARITES
Inspiré de l'industrie bancaire classique, le
microcrédit individuel, comme son nom l'indique, s'adresse à un
emprunteur unique. Ce type de crédit est tout
particulièrement adapté à une clientèle urbaine,
notamment pour les raisons suivantes :
> La population y est dense, favorisant un
suivi de proximité ;
> Les systèmes de solidarité y sont
moins ancrés qu'en zone rurale.
Le montant des prêts est
généralement plus important qu'en zones rurales du fait d'un
potentiel économique et d'un niveau de vie en principe
supérieurs. Il est fréquent qu'un crédit individuel,
nécessitant un degré de confiance plus important qu'un
crédit de type solidaire, au regard de la faiblesse des
garanties obtenues, ne soit accordé qu'après l'octroi
préalable de crédits solidaires, régulièrement
honorés. Du fait de l'absence d'une pression sociale efficace,
contrairement au crédit solidaire, les IMF ont recours à des
garanties de remboursement de substitution. D'autre part, l'emprunteur
individuel est sélectionné directement par l'IMF sur la base d'un
dossier de crédit. En outre, un crédit individuel
implique généralement une affectation exclusivement
productive des fonds prêtés (fonds de roulement,
investissements ...).
Concernant la constitution du dossier de prêt,
l'agent de crédit doit apprécier autant la pertinence du projet
à financer (rentabilité, pérennité ...) que la
personnalité de l'emprunteur (valeurs morales, compétences ...).
Il doit, de plus, étendre ses recherches au cercle familial de ce
dernier (niveau de vie, endettement ...), généralement plus
élargi dans les PED que dans nos économies
occidentales.
Ainsi, le crédit individuel s'apparente de par
sa méthode d'octroi à un crédit bancaire
classique. Toutefois le risque de crédit y est plus important, à
plusieurs égards.
B. RISQUES SPECIFIQUES
Les facteurs de risque propres au microcrédit
individuel reposent essentiellement sur la faiblesse des moyens
concourant à la décision d'octroi : niveau des garanties,
qualité de l'information et ampleur des investigations.
1) Faiblesse des garanties
Dans les PED, il est rare qu'un emprunteur soit apte
à présenter des garanties réelles de
solvabilité. La valeur des garanties éventuellement
présentées (par l'emprunteur ou un garant), immobilières
(terrain, habitation ...), ou mobilières (stocks de marchandises,
bétail ...) doit être nuancée à deux niveaux. D'une
part, il existe une forte probabilité de disparition des
garanties mobilières, par leur consommation ou leur revente notamment.
D'autre part, les IMF implantées dans les PED sont
fréquemment confrontées à l'inexistence de titres
de propriété, en particulier sur les biens immobiliers, du
fait de l'absence ou de
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l'inefficacité des registres de propriété
ou de cadastres. Ainsi, les institutions sont fréquemment contraintes
d'accepter des formes de garantie alternatives dépourvues de titre de
propriété (biens ménagers notamment), et ce en l'absence
de formalisme (absence d'enregistrements) en raison d'un rapport
avantages/coûts peu profitable.
Dans ce contexte, certaines IMF soumettent à l'octroi
d'un crédit, la constitution d'une épargne préalable. Ce
mode de garantie s'avère relativement efficace et facile à mettre
en oeuvre.
Les IMF ont en outre, recours à des formes de pression
dissuasives, consistant notamment à ne plus accorder de nouveaux
prêts aux débiteurs défaillants. Cette forme de coercition,
également mise en oeuvre dans nos économies, est plus
opérante dans les PED dans la mesure où l'accès au
crédit y est généralement vital. Toutefois,
l'efficacité de cette forme de garantie indirecte est
atténuée si le client a aisément accès aux services
d'IMF concurrentes (en particulier en zones urbaines) du fait de l'absence
quasi-systématique d'un fichier de centralisation des risques31,
accessibles aux IMF implantées dans les PED.
En outre, bien qu'actuellement marginale, la micro-assurance
constitue une forme de garantie complémentaire efficace, notamment par
le paiement des échéances de remboursement résiduelles en
cas de décès de l'emprunteur, via des systèmes de fonds de
solidarité.
î) Carence de l'information
Cette absence de centralisation de l'information32 contraint
les IMF des PED à recourir par elles-mêmes à des
enquêtes de terrain, afin d'évaluer la solvabilité
financière des clients : Entretiens avec ces derniers et leur entourage
proche, visite de l'exploitation ... Les renseignements collectés ont
généralement un caractère peu probant, d'une part au vu de
la faiblesse des moyens humains et matériels dont disposent
généralement les l'IMF et, d'autre part, en raison du manque de
fiabilité des informations collectées. A titre d'exemple, du fait
de l'absence fréquente de tenue de comptabilité, les agents de
crédit sont amenés à déduire par eux-mêmes
des explications de l'emprunteur, les états financiers et le niveau de
trésorerie prévisionnels, avec les aléas
d'appréciation que cela comporte.
3) Faiblesse des investigations
Hormis le manque d'informations disponibles, le temps
consacré à l'instruction d'un dossier de crédit est
généralement fortement restreint, en raison du faible niveau de
rentabilité du portefeuille de prêts. L'étude du projet
économique financé peut ainsi se révéler succincte
et de ce fait peu probante.
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C. CARACTERISTIQUES PROPRES AU CREDIT SOLIDAIRE 1)
Particularités
Les modèles de crédit solidaire,
instaurés afin de pallier les inadaptations du crédit de type
individuel, sont inspirés de l'expérience de la Grameen Bank,
implantée au Bangladesh depuis 1976, modèle de réussite du
fait notamment de sa grande capacité à atteindre, avec un
très bon taux de remboursement, une large part de la population la plus
défavorisée. Ce type de crédit est tout
particulièrement adapté à une clientèle rurale,
dans la mesure où les systèmes de solidarité y sont plus
forts qu'en zone urbaine (population d'implantation récente et
disparate), à l'image notamment des caisses villageoises. Bien qu'il
n'existe pas de modèle unique et immuable, le fonctionnement d'un
système de crédit solidaire repose généralement sur
les spécificités suivantes :
? Création de groupes d'emprunteurs, en nombre
généralement restreint
? Forme de garantie : caution solidaire ou pression sociale au
niveau du groupe d'emprunteurs. En cas de défaillance de l'un des
membres du groupe, les autres membres sont tenus, sauf exceptions,
solidairement et indéfiniment responsables du remboursement du solde du
prêt. De plus, si l'un des membres n'honore pas ses engagements, c'est
l'ensemble du groupe qui peut être exclu de l'accès au
crédit36.
? Liberté d'utilisation du crédit (prêts
non destinés uniquement à une activité productive).
î) Risques spécifiques
Le risque réside dans la recherche de
productivité et de sécurité au détriment des
spécificités du contexte local : industrialisation des octrois de
crédits sur la base de produits standardisés dans une logique de
rentabilité et confiance illimitée dans le principe de «
groupes solidaires ».
Ces défaillances peuvent se traduire comme suit :
? Solidarité fictive au sein du groupe d'emprunteurs.
Le risque de solidarité fictive est pallié par l'instauration
d'une procédure d'agrément rigoureuse des groupes d'emprunteurs,
en dépit d'une logique de recherche de productivité
effrénée, grâce à une bonne adaptation au contexte
local, notamment en considérant les modes de solidarités et les
leaderships des communautés.
? Crédit non adapté aux besoins du client. Un
microcrédit peut ne pas être adapté aux attentes de
l'emprunteur, concernant notamment son montant, son évolution et sa
durée. Ce risque est pallié par une non-standardisation des
microcrédits octroyés et par un renforcement de la relation avec
le client.
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Théoriquement, l'accès au microcrédit est
expliqué par différentes théories entre autres : la
théorie Asymétries d'information et rationnement du
crédit, la Sélection adverse, l'Aléa moral et la
théorie d'agence (Stiglitz et Weiss, 1981).
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