Chapitre 9
STRATEGIES ET CONTRAINTES DE MOBILISATION ET DE GESTION DES RESSOURCES EN
EAU
Les ressources en eau font l'objet de plusieurs
aménagements, d'utilisation, de conservation et de contrôle. Le
présent chapitre présente les différentes
stratégies de gestion et de mobilisation ainsi que leurs contraintes
dans la Commune des Aguégués.
3.1 Stratégies endogènes de gestion des
ressources en eau
Les modes de gestion des ressources en eau varient suivant les
différentes sources d'eau.
3.1.1 Gestion des ressources en eau de surface
Il prend en compte les ressources en eau du fleuve
Ouémé, de l a rivière Boué, la lagune de Porto-Novo
et lac Nokoué.
3.1.1.1 Ressource en eau du fleuve
Ouémé
Selon les localités et les acteurs et en fonction de la
disponibilité ou non d'une source alternative d'approvisionnement en
eau, les perceptions autour du mode de gestion diffèrent. La relation
entre mouvement de l'eau et purification va au-delà de la simple
justification de la consommation du fleuve Ouémé. Cette
idée articule aussi tout un univers spirituel dans une dialectique de
pollution/ purification des espaces aussi bien individuels que collectifs.
.
Se laver certaines parties du corps à l'aide de l'eau
du fleuve qui coule est supposé être un antidote contre certains
maléfices.
Ainsi, en cas d'incendie toujours perçu comme un
malheur exprimant la colère des vodouns ou le châtiment d'un
mauvais comportement social, toute personne ayant contribué à son
extinction devra alors se purifier. Ce rituel consiste à se laver les
mains, les pieds, le visage et la tête dans l'eau du fleuve avant de
retourner vers sa propre demeure, afin de se débarrasser de l'esprit
maléfique envoyé à la victime à travers l'incendie
de sa maison et se protéger des effets boomerangs que son coup de main
à une victime de châtiment pourrait lui causer.
La même idée de mouvement de l'eau comme
source/facteur de purification est présente dans le rituel propitiatoire
de nouvel an qui se déroule dans les Aguégués à
travers « Tovosinsan ». En effet, chaque début/fin
d'année dans le village de Zinviékomè dans
l'arrondissement de Houédomè s'organise la
cérémonie de « Tovosinsan », qui consiste
à consulter l'oracle `'fa'' pour savoir le signe sous lequel sera
placée la nouvelle année. C'est un rituel de formulation de
meilleurs voeux pour toute la Commune des Aguégués et qui
s'achève par une offrande à la divinité
« Tolègba » dont l'autel se trouve dans la cour des
bureaux de l'arrondissement de Houédomè comme le montre la photo
4.
Photo 4 : Autel du
vodoun Tolègba devant l'arrondissement de Houédomè
Prise de
vue : Ahlonsou, janvier 2019
La photo 4 montre l'autel de la
divinité « Tolègba » où se fait
chaque année le sacrifice pour la purification de l'eau ainsi que les
ressources qui y sont.
Entre juillet et fin octobre ou mi-novembre qui correspond
à la grande période de crue, 97 % des populations utilisent
directement l'eau de la cour de leurs maisons sur pilotis pour leurs
différents besoins (bain, vaisselle, lessive, mais aussi
défécation) comme l'indique la photo 5. Les risques liés
à cet usage multiple de l'eau, à des fins qui sont
contradictoire, ne sont pourtant pas perçus comme dangereux car pour la
population le courant d'eau est fort et draine loin tous les déchets qui
s'y trouvent en cette période.
Photo 5: Utilisation de
l'eau de la crue pour le bain dans le village Aholoukomè
Prise de vue :
Ahlonsou, Septembre2018
La photo 5 montre des enfants qui se lavent dans l'eau devant
leur maison car c'est la période de la crue et l'accès à
l'eau pour leur besoin est plus facile.
Mais à la décrue une série
d'interdictions sont édictées pour assurer un usage collectif
plus ou moins hygiénique de l'eau du fleuve. Ces prescriptions
étaient considérées comme édictées par les
divinités protectrices du fleuve et révélées aux
anciens par l'oracle. Leurs transgressions étaient
considérées comme sources de malheur pour la communauté.
Pour ceux qui transgressaient ces règles, la société
sécrète² des `'Zangbéto`'(les gardiens de la nuit)
était chargée de l'application des sanctions. Le
`'zangbéto `' peut donc dénoncer un fautif en criant haut son nom
la nuit dans tout le village pendant des heures, en racontant la faute commise
et les dangers de malheur encourus si lapersonne concernée et les siens
ne se rapprochaient pas des responsables `'Zangbéto `' pour demander
clémence et payer une pénalité. Les témoignages
concordants recueillis dans la communauté attestent que les
règles de protection de l'eau sont respectées.
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